76ème Demi-brigade/76ème Régiment d'Infanterie de ligne
1794-1815
Accès à la liste des Officiers, cadres d'Etat major, Sous officiers et hommes du 76e de Ligne
Remerciements : Nous adressons nos plus vifs remerciement à Monsieur Franck Leroux, pour nous avoir autorisé à insérer dans cet historique, le fruit de ses recherches sur son ancêtre Claude Etienne Leroux. |
I/ Historique
A/ A l'Armée du Nord en 1794
1/ Lois et décrets qui ont précédé la création de la 76e Demi-brigade
Cachets de la 76e Demi-brigade |
Par les lois des 11 et 26 février, et du 12 août 1793, les Régiments de l'ancienne armée et les Bataillons de volontaires fusionnent et constituent ainsi les Demi-brigades, terme qui remplace celui de Régiment. La loi du 22 novembre 1793 (2 Frimaire An II) fixe la composition des Demi-brigades : "L'infanterie, dit l'article 1er, sera portée au complet de 3201 hommes par demi-brigade, non compris l'état-major et la compagnie des canonniers" (cette dernière supprimée le 24 janvier 1798). Chaque Demi-brigade doit être composée de trois Bataillons, un ancien et deux de Volontaires. Chaque Bataillon doit être formé à 9 Compagnies dont une de Grenadiers et 8 de Fusiliers.
Composition des Compagnies : 1 Capitaine, 1 Lieutenant et 1 Sous-lieutenant; 1 Sergent-major, 4 Sergents et 1 Caporal-fourrier; 8 Caporaux et 2 Tambours. Les Compagnies de Grenadiers sont à 64 hommes; celles de Fusiliers à 104. Chaque Compagnie est partagée en deux sections, chaque section en deux subdivisions et chaque subdivision en deux escouades.
Le drapeau de chaque Bataillon doit être porté par le plus ancien Sergent major du Bataillon.
Le Décret de la Convention nationale en date du 15 février 1794 (27 Pluviôse an II) établit par ailleurs que "à compter du jour de la promulgation du présent décret, aucun citoyen ne pourra être promu aux emplois qui viendront à vaquer, depuis le grade de caporal jusqu'à celui de général en chef, dans les armées de la République, s'il ne sait lire et écrire". Ce texte est significatif de la pénurie en cadres qui règne à l'époque.
La loi du 9 mars 1794 (19 Ventôse an II) pose les bases de l'administration des Demi-brigades : "Il sera formé dans chaque demi-brigade, dit l'article VII, un conseil d'administration ; ce conseil sera composé de 23 membres : le chef de brigade, le plus ancien chef de bataillon, six officiers, six sous-officiers et neuf soldats". Le quartier-maître-trésorier est secrétaire du conseil et assiste aux séances sans avoir voix délibérative. Ce conseil d'administration est selon la Loi "chargé de l'administration intérieure ainsi que de toutes les recettes et dépenses, tant en numéraire qu'en effets et de la comptabilité qui en est la suite".
La 76e Demi-brigade, créée le 21 mars 1794 (1er Germinal an II; l'Historique de L. Landais indique quant à lui 1er Prairial an II - 20 mai 1794) est soldée d'après les tarifs ci-après établis par jour (Journal Mlitaire, An II, p. 446) :
Chef de Brigade 21 livres 10 sols; Chef de Bataillon 15 livres 10 sols; Quartier-maître-trésorier 6 livres 10 sols; Capitaine et adjudant-major 9 livres; Lieutenant 5 livres 10 sols; Sous-lieutenant 4 livres 5 sols; Adjudant 2 livres 9 sols; Tambour-major 1 livres 9 sols; Chef armurier et musicien 18 sols.
Dans les Compagnies de Grenadiers : Sergent-major 1 livre 10 sols 6 deniers; Sergent 1 livre 7 sols 6 deniers; Caporal-fourrier 1 livre 6 deniers; Tambour 19 sols 6 deniers; Caporal 18 sols; Soldat 11 sols 6 deniers.
Dans les Compagnies de Fusiliers : Sergent-major 1 livre 9 sols; Sergent 1 livre 6 sols; Caporal-fourrier 1 livre 1 sous; Caporal et tambour 18 sols; Soldat 10 sols.
Fig. 1 |
Le Chef de Brigade reçoivent en outre trois rations de comestibles; les Chefs de Bataillon et le Quartier-maître, deux; les autres Officiers, une et demie; les Sous officiers et soldats, une. Enfin il est alloué au Chef de Brigade trois rations de fourrage, deux aux Chefs de Bataillon et une au Quartier-maître et aux Adjudants.
2/ Origines des trois Bataillons formant la 76e demi-brigade de bataille
La 76e Demi-brigade de Bataille a été créée le 21 mars 1794 (1er Germinal an II) à Avesnes, par le Représentant Goupilleau (de Fontenay), chargé de cette mission à l'Armée du Nord, par Décret du 5 février 1794 (17 Pluviôse an II). Elle a été organisée conformément aux Lois et Décrets précités :
- 1e Bataillon : formé avec le 2e Bataillon du 38e Régiment d'Infanterie (ex Dauphiné); celui-ci a incorporé dans ses rangs le 7 mars 1794 (17 Ventôse an II) 600 hommes du Pas de Calais.
- 2e Bataillon : formé avec le 10e Bataillon de volontaires de la Seine-Inférieure, créé le 18 (ou 19) octobre 1792 avec les volontaires de la Seine-Inférieure. Entré en Hollande sous les ordres de Dumouriez, il a fait partie de la garnison de Bréda qui resta prisonnière à la capitulation. En janvier 1794 (Pluviôse an II), il a reçu en incorporation 250 réquisitionnaires du district de Château-Thierry et 360 hommes de la Légion de la Nièvre, formée elle-même le 23 mars 1793.
- 3e Bataillon : formé avec le 9e Bataillon des fédérés de Paris. Organisé à Paris, le 1er août 1792 avec une partie des volontaires députés pour la Fédération, il assiste, le 6 novembre 1792, à la bataille de Jemmapes, aux affaires des bords du Rhin des 1er et 8 mai 1793 et à la bataille d'Hondschoote, le 8 septembre 1793. En janvier 1794 (Pluviôse an II) il reçoit en incorporation le Bataillon Château-Thierry dit l'Egalité, levé lui-même le 8 juillet 1792; 4 Compagnies de la Légion de la Nièvre (levée le 23 mars 1793), et 2 Compagnie de l'Yonne.
A cette époque, la 76e est placée sous les ordres du Chef de Brigade Gorée; elle sert à l'Armée du Nord dont Pichegru vient de prendre le commandement. Pichegru projette une campagne pour le printemps 1794, dont la supériorité des troupes alliées (environ 100000 hommes) rend l'issue très incertaine.
(21 mars 1794 - 8 février 1803) Services : Né à Damas-aux-Bois (Vosges), le 23 juillet 1754. Soldat au Régiment de Dauphiné-infanterie, le 27 août 1773. Caporal, le 1er décembre 1781. Sergent le 16 janvier 1784. Sergent-fourrier, le 20 juin 1787. Sergent-major, le 30 avril 1789. Sous-lieutenant, le 20 juin 1792. Adjudant major le 12 octobre 1792. Capitaine, le 15 mai 1793. Chef de Bataillon, le 13 septembre 1793. Chef de Brigade, le 21 mars 1794. Admis à la retraite, le 20 pluviôse an XII (8 février 1803); fut désigné pour faire partie du collège électoral de l'arrondissement de Remiremont. Mort au sein de sa famille le 4 février 1826. Campagnes et citations : 1792 - à l'armée des Ardennes. 1793 - A l'armée du Nord. An II - A l'armée de Sambre-et-Meuse. Ans III et IV - A l'armée des côtes de l'Océan : à l'affaire d'Evron en août 1795, "avec un détachement de 100 hommes (de la 76e), culbuta et mit en déroute 5 à 6000 chouans". An V - A l'armée du Rhin : se distingua au siège de Kehl ; passage du Rhin, le 1er floréal (20 avril 1797); ce même jour, "avec deux compagnies de grenadiers de la 76e, a repoussé l'ennemi avec vigueur et a repris une position qui venait d'être enlevée à la 16e Légère". An VI - A l'armée d'Helvétie. An VII - A l'armée du Danube: le 16 ventôse (6 mars 1799), à l'affaire de Tamins, "enleva une redoute et 2 pièces de canon en montant à l'assaut à la tête de ses grenadiers; après s'être emparé de la redoute, fit tourner les pièces contre les colonnes ennemies et leur fit éprouver des pertes considérables parmi lesquelles le colonel et le lieutenant-colonel qu'il a blessés et faits prisonniers". Ans VIII et IX - A l'armée du Rhin : Helmutz, 16 prairial an VIII (5 juin 1800). Décorations : Membre de la Légion d'honneur, le 5 pluviôse an IX (24 janvier 1800). |
3/ Campagne de 1794
Cachet à sec de la 76e Demi-brigade |
Les alliés avaient leur droite à l'Escaut, leur centre au Cateau et à Valenciennes et leur gauche au Quesnoy. Par ailleurs, un Corps de 25000 hommes, sous Clairfait, étaient en oute destiné à couvrir Tournay, Courtrai, Ypes et la West Flandre. Les Hessois étaient à Denain et Menain était occupé par une Division hanovrienne.
L'Armée française, composée en partie de troupes de nouvelles levées, mal armées et mal habillées, était loin de présenter un aspect aussi imposant. Ses principales forces étaient réunies entre Cambrai et Guise pour couvrir ces places, qui n'offraient plus qu'un dernier obstacle à la marche des alliés sur Paris. Leur plan étaint en effet de faire le siège de Landrecies, dernière des places sur la route de Valencienne à Laon. Pichegru devinant leur projet, réunit ses troupes dès le mois de mars dans divers camps, afin d'habituer les soldats au mouvement et à l'activité, et prévoit d'attaquer les Alliés entre le Cateau et le Quesnoy, pour dégager Landrecies, dont ils ont commencé l'investissement.
Des pluies torrentielles rendent dans les premiers jours d'avril les chemins impraticables et forcent les partis à rester dans leurs cantonnements jusqu'au 16 avril. Ce jour là, l'Empereur François passe en revue l'Armée alliée en arrière du Cateau. Le lendemain 17 avril 1794 (28 Germinal an II), la 76e reçoit le baptême du feu : les alliés attaquent sur huit colonnes entre Guise et Landrecies pour repousser les Français au delà de l'Oise et commencer le siège de Landrecies. La 76e se bat devant le Cateau. Le Sergent Guillaume-Bonaventure Rispaud d'Aiguebelle sauve le drapeau du 3e Bataillon qui manque tomber aux mains de l'ennemi. Le Commandant Pierre Sieurin reçoit un coup de feu à la jambe gauche. Les attaques décousues des alliés permettent à l'armée française d'opérer sa retraite en bon ordre en arrière de la rivière de Noirieu et de se reformer sur l'Oise. La 76e gagne la hauteur de Vadincourt et y reste en position. Landrecies est investi par le Corps hollandais ; Cobourg prend une position à gauche, vers Guise, et le Duc d'Yorck s'établit à droite, vers Cambrai.
La 76e est encore engagée les 2, 5, 7 et 11 Floréal an II (21, 24, 26 et 30 avril) dans les combats victorieux d'Etreux, de la Maison-Rouge et de Venerolles sur la route de Guise à Landrecies, qui forcent l'adversaire à évacuer Bouchain, Prémont et d'autres postes. Le 24 avril, les Autrichiens sont chassés de leur camp retranché de Villers à Cauchies. Cependant, malgré ces succés, Pichegru ne peut rompre l'investissement de Landrecies, qui est bombardé le 26 et se rend le 30. Finalement, les succés remportés par l'armée de Sambre et Meuse viennent dégager l'armée du Nord. Le général Jourdan, vainqueur à Fleurus (26 juin) a déterminé l'évacuation du territoire français par les armées coalisées.
"L'armée du Nord ne cesse de bien mériter de la Patrie !" (Lois du 12 Floréal, des 11, 30 Messidor et du 11 Thermidor an II - 1er mai, 29 juin, 28 et 29 juillet 1794), ainsi parlait la Convention qui avait trouvé le secret de la victoire en faisant passer dans l'âme de ses soldats en guenilles l'enthousiasme dont elle débordait : "Il est des circonstances où un peuple, attaqué de toutes parts, se lève en masse, s'élance sur ses vaisseaux, se précipite sur ses frontières, pour faire une irruption subite et terrible sur ses ennemis et assurer son indépendance ; tel est le spectacle imposant qu'offre la France attaquée par tous les tyrans de l'Europe. Alors tout change, tout s'agrandit; le besoin de vaincre, le mépris de la mort ne connaissent plus de règles : La tactique de terre, c'est la baïonnette; celle de mer, l'abordage" (passage extrait d'une instruction pour les marins en date du 10 Messidor an II - 28 juin 1794).
La baïonnette est en effet la seule tactique à l'ordre du jour; et le Journal militaire de l'an II (page 829) relève dans les feuilles anglaises cette phrase étonnante, surtout sous la plume de ceux qui l'ont écrite : "Les Français sont comme les cailloux : plus on les frappe, plus ils rendent de feux".
La 76e reste jusqu'en octobre à l'Armée du Nord, qui prend avec celles des Ardennes et de la Moselle le nom d'Armée de Sambre et Meuse, le 29 juin 1794 (11 Messidor an II). Le 1er septembre (21 fructidor), la 76e campe à Cartenberghen; le 22 septembre (1er vendémiaire an III), à Bruxelles, avec un effectif de 3366 hommes. A cette époque, selon Thiers, l'Armée ne reçoit du gouvernement "que de la poudre et des projectiles... Beaucoup de soldats, manquant de souliers, s'enveloppaient les pieds avec des tresses de paille ou se couvraient avec des nattes en place de capotes. Les officiers, payés en assignats, voyaient leurs appointements réduits à 8 ou 10 effectifs par mois... Ils étaient soumis au régime du soldat, marchant à pied, portant le sac sur le dos, mangeant le pain de munition et vivant des hasards de la guerre". Les batailles de l'Ourthe et d'Aldenhoven (18 septembre et 2 octobre) rejettent l'armée autrichienne derrière le Rhin et font tomber aux mains des Français les diverses places qu'elle possédait sur la rive gauche de ce fleuve.
A la fin de Vendémiaire (octobre), les 1er et 2e Bataillons de la 76e sont dirigés vers la Vendée qui était en insurrection; le 3e Bataillon est détaché au siège de Maëstricht. Le Général Kléber, commandant l'aile gauche de l'Armée de Sambre et Meuse, s'était approché de Maëstricht vers la fin de septembre, et avait investi cette importante place forte. La tranchée est ouverte dans la nuit du 23 au 24 octobre (2 au 3 Brumaire an III); Maëstricht capitule le 4 novembre (13 Brumaire). Le 3e Bataillon se met aussitôt en route, pour rejoindre dans l'Ouest les deux premiers qui se trouvent alors à Alençon.
B/ A l'Armée de l'Ouest
1/ Campagne de 1795
La 76e fait partie, sous les ordres du Général Hoche, de l'Armée des côtes de Cherbourg et occupe d'abord Alençon. Peu après son arrivée dans l'Ouest, le 15 mars 1795 (25 Ventôse an III), la 76e compte 3389 hommes à son effectif.
Pour réduire à l'impuissance des insurgés tenaces et insaisissables comme les Vendéens, on ne peut agir en grande masse; mais il faut être présent partout et se montrer toujours en mouvement. On est donc amené à changer fréquemment de place et à organiser de nombreuses colonnes mobiles, composées souvent de faibles détachements. Le récit de cette campagne et de la suivante ne peut donc être pour nous qu'une suite de faits isolés; nous signalerons ceux qui ont donné lieu à une action militaire.
Par la suite du traité de paix, signé le 17 février 1795 entre le Général Hoche et les chefs de l'insurrection, le printemps s'était passé assez paisiblement, la tranquilité renaissait dans cette malheureuse contrée, lorsque, tout à coup, la guerre se ranima. Le 26 mai 1795 (7 Prairial an III), le Lieutenant Navizet est blessé d'un coup de feu dans le bas-ventre, à l'affaire de Saint-James (Mayenne). Le 13 juin (25 Prairial), au combat d'Evron, le Commandant Jean Bourdil reçoit un coup de feu. Vers cette même époque, le Sergent Fidèle Lhotard, "resté avec quatre grenadiers dans le château de la Templerie, soutint, trois heures de suite, l'attaque de plus de quinze cents hommes". En août, les hostilités qui s'étaient ralenti reprennent avec une nouvelle intensité; 5 à 6000 chouans se sont réunis entre Crossé et Craon sous les ordres de Dubois Guy et de Hay de Bouteville pour marcher sur Château Gontier. La 76e va à leur rencontre avec une autre Demi-brigade sous la conduite du Général Genay. Partant de Laval, cette colonne livre plusieurs combats toujours victorieux, à Château-Gontier, Laval et Evron. A Gré, près de Château-Gontier, le Commandant Pierre-Augustin Lenud (né le 23 août 1766, à Goderville en Seine-Inférieure), Chef de bataillon à la 76e, "s'est particulièrement distingué en dégageant 300 hommes sous son commandement qui étaient enveloppés par 2000 chouans et en s'ouvrant passage à la baïonnette". A l'affaire d'Evron, le Chef de Brigade Nicolas Gorée, "à la tête de 100 hommes, culbuta et mit en déroute 5000 chouans".
Le 22 septembre 1795 (6e jour complémentaire de l'an III), le Sous-lieutenant Antoine Piquerel est cité à l'ordre pour avoir "sauvé 2 grenadiers pris dans une embuscade près de Fougères". Le 1er Brumaire an 1V, l'effectif de la 76e est réduit à 2941 hommes, dont 983 au 1er Bataillon, 1021 au 2e et 937 au 3e. Le 23 décembre 1795 (2 Nivôse an IV), le Lieutenant Charles Girard est tué d'un coup de feu à la cuisse. Vers cette même date, la Compagnie de Grenadiers du 3e Bataillon pille quelques maisons dans le village de Pennerf. C'est une faute d'autant plus grave que le Général en chef cherchait à s'allier les habitants par sa bienveillance et sa modération. La Compagnie est désarmée et incorporée dans les troupes de la garnison des îles de Ré et d'Oléron; les Officiers sont condamnés à la dégradation et à six mois de prison dans le château de Saumur.
2/ Campagne de 1796
Divers boutons, communiqués par un de nos correspondants. Boutons dits des Demi-brigades, très certainement en usage à partir de 1796 (d'après Bottet) |
La 76e avait hâte d'effacer la douloureuse impression de l'affaire de Pennerf : elle se fait remarquer par son entrain le 31 janvier 1796 (10 Pluviôse an IV), dans un engagement près de Segré, où le Capitaine Alexandre Denis David est blessé. Le 29 mai (10 Prairial), le Sous-lieutenant Piquerel, déjà cité plus haut, "marcha avec 40 grenadiers sur le village de Livré et força 400 chouans à évacuer le poste".
En août, la Mayenne est à peu près pacifiée, mais les restes des bandes chouannes se sont répandus dans les départements du Calvados et de la Manche. Un rassemblement assez important, commandé par Louis de Fiotté, se forme à Mortain, sous le nom d'Armée catholique royale de Normadie. Cette bande prend en peu de temps assez de consistance et d'audace pour qu'un de ses partis attaque, près de Vire, la Garde Nationale qui vient d'escorter le courrier. Hoche fait de suite passer dans ce pays des troupes, dont la 76e fait partie. Un combat assez vif s'engage à Romagnier près de Fougères : les chouans, au nombre d'environ 5000, sont complètement battus et poursuivis pendant 3 lieues. C'est le dernier combat auquel prend part la 76e Demi-brigade de Bataille qui va bientôt être réorganisée et amalgamée avec d'autres corps pour devenir 76e Demi-brigade de ligne. Un mois avant l'amalgame, le 12 août 1796 (25 Thermidor an IV), l'effectif n'est plus que de 2490 hommes, dont 781 au 1er Bataillon, 897 hommes au 2e, 812 au 3e. La 76e a donc perdu dans l'ouest en tués, blessés ou disparus, 899 hommes. C'est dire combien cette campagne a été pénible et meurtrier.
C/ Organisation de la 76e Demi-brigade de Ligne
1/ Réorganisation de la 76e
La formation des Demi-brigades de 1794 n'avait pu s'effectuer partout. Le Comité de Salut public prend donc dès le 1er novembre 1795 (10 Brumaire an IV) un arrêté sur la réorganisation de l'armée de terre : l'Infanterie ne devra plus comprendre que cent demi-brigades de ligne sur le continent, dix dans les colonies et trente demi-brigades légères; les cadres des Demi-brigades supprimées seront rompus et incorporés dans les Demi-brigades conservées.
De son côté, le Directoire exécutif prend de son côté deux arrêtés, les 8 et 19 janvier 1796 (18 et 29 Nivôse an IV), et décide, le 30 mars (10 Germinal) que les numéros des Demi-brigades nouvelles seront tirés au sort. Il adresse en même temps à chaque Général en chef la série des numéros qu'il doit faire répartir, par la voie du sort, entre les Demi-brigades de son armée. Le numéro 76 est envoyé à l'armée des côtes de Cherbourg où se trouve la 76e de première formation. Le numéro 76 est alors donné d'office à l'ancienne 76e qui forme par suite la base de la nouvelle.
La nouvelle 76e est réorganisée à Laval (le Dépôt de la 76e était resté à Laval depuis son arrivée dans l'Ouest. Les 1er et 3e Bataillons étaient dans celle ville depuis le 25 thermidor; le 2e Bataillon, à cette mème date, se trouvait à Ernée) le 12 septembre 1796 (26 Fructidor an IV) avec l'ancienne 76e dans laquelle sont amalgamées d'abord l'ancienne 61e Demi-brigade, puis les troupes destinées à former la première 62e (Demi-brigade qui n'avait pas été organisée).
3/ Origines des troupes amalgamées avec l'ancienne 76e demi-brigade
1/ 61e Demi-brigade de Bataille : Organisée le 21 Floréal an II (10 juin 1794) avec les éléments suivants :
1er Bataillon : Avec le 1er Bataillon de l'ancien 31e Régiment d'Infanterie (Aunis). Commandé en 1791 par le Colonel Puget de Barbantane, son 1er Bataillon était alors à Caen. En 1792, ce Bataillon se rendit à Cherbourg; il faisait partie de l'Armée des côtes de Cherbourg, avec le Colonel Losse de Bayac, lorsqu'il entra dans la composition de la 61e Demi-brigade de Bataille. Le 23 Germinal an Il (12 avril 1794), il avait été amalgamé avec le 19e Bataillon de réquisition de Paris dans lequel avaient été incorporés en mars 1793, 500 hommes de réquisition levés dans les départements de la Manche et du Calvados.
2e Bataillon : Avec le 1er Bataillon du Morbihan organisé lui-mème le 1er juin 1792 avec des volontaires de ce département. Ce bataillon s'embarqua pour Saint Domingue, le 9 juillet 1792, et prit part à toutes les opérations contre les insurgés jusqu'au 24 juin 1793. Il débarqua à Brest, le 2 novembre 1793. Il reçut encore en incorporation 4 ou 500 hommes du Morbihan en Pluviôse an II (janvier 1794) et fut amalgamé avec le 16e Bataillon de Paris, le 5 Germinal an II (25 mars 1794).
3e Bataillon : avec le 8e Bataillon de la Manche organisé lui-mème le 24 septembre 1793, avec des volontaires de ce département. Ce bataillon reçut 700 réquisitionnaires des départements de Seine-et-Oise et de la Seine-Inférieure qui furent incorporés le 17 Ventôse an II (7 mars 1794).
La 61e Demi-brigade de Bataille fit les campagnes des ans III et IV, à l'Armée des côtes de Cherbourg et se distingua notamment, le 30 Thermidor an IV (17 août 1796), à l'affaire de Sulzbach, sous le Chef de Brigade Camus.
2/ 62e Demi-brigade de Bataille : Cette dernière, parce que ses éléments étaient dispersés, n'avait pas été organisée. Elle devait être formée avec les deux groupes ci-après :
2e Bataillon du 31e Régiment d'Infanterie : Ce Bataillon était parti de Brest pour la Martinique le 29 janvier 1790. De la Martinique il se rendit à l'île Sainte Lucie où six Compagnies formèrent la garnison de l'île. Les deux autres Compagnies soutinrent, dans les îles, le siège des Anglais et furent faites prisonnières presque tout entières. Leurs débris rentrèrent en France en Ventôse an II (février 1794), furent employés à l'armée de Cherbourg; en l'an III à celle de l'Intérieur; et se rendirent à Cherbourg pour servir à l'armée de l'Intérieur et des côtes de Cherbourg.
5e Bataillon des Fédérés : Créé à Paris, le 29 juillet. Ce Bataillon reçut, le 6 mars 1793, 200 hommes du département de la Seine; le 1er juin suivant, 90 hommes du département de l'Orne; le 20 Ventôse an II (10 mars 1794), 100 hommes du département des Ardennes; le 2 Germinal suivant (22 mars), 140 réquisitionnaires du Bas-Rhin, et le 24 Floréal (13 mai), 500 de 1'Ille et Vilaine. En 1793, ce Bataillon fit campagne sous Maubeuge, assista aux affaires de Philippeville et de Bussy (armée du Nord). En 1794, il fut employé aux opérations autour de Landrecies (armée de Sambre et Meuse en l'an II, puis du Nord en l'an III). Il alla ensuite à l'Armée des côtes de Cherbourg et prit part en 1795 et 1796 à plusieurs engagements dans les ci-devant districts de Mayenne et de Laval.
Ci dessous, grâce aux recherches menées par Monsieur Franck Leroux, voici l'exemple d'un Soldat, Claude Etienne Leroux, engagé volontaire au 31e de Ligne, devenu 61e de Bataille, elle même intégrée dans la 76e de Ligne.
CLAUDE ETIENNE LEROUX Né et baptisé à la paroisse Saint Nicolas du Chardonnet à Paris le 03.08.1772, fils de Pierre LeRoux Bourgeois de Paris et d'Hélène Bernard, paroissiens de Saint Eustache depuis leur mariage en 1764. Engagé volontaire le 20.02.1792 comme soldat au 31ème régiment d'infanterie de ligne en garnison à Cherbourg depuis le 1er Janvier 1792. Le 15.10.1793, il passe aux canonniers du même corps. A fait les campagnes de Vendée de l'an I à l'an IV sous les ardeurs du représentant du peuple Carpentier et du Général Tilly et a défendu Granville pendant son siège avec 5.000 républicains contre les 25.000 chouans emmenés par La Rochejaquelain le 14.11.1793 ou 24 brumaire l'an 2 : Victoire des républicains . C'est sans doute après cet évènement qu'il fait la connaissance de Marie Anne… Son régiment est devenu par amalgame le 10 Mai 1794 la 61ème demi-brigade pour le secours en garnison à Caen. Le 08.06.1794, il est nommé Sergent au même corps, puis Sergent des Grenadiers au licenciement des compagnies de canonniers attachés aux derniers bataillons. Le 20.07.1795 il est en subsistance (c'est-à-dire rattaché administrativement à une autre unité que la sienne) au 11ème régiment de dragons de la 6ème division afin d'obtenir un congé de réforme (position d'un fonctionnaire à ne pas exercer ses fonctions pendant une certaine période). Mariage en 1795 avec Marie Anne CHENU originaire de la paroisse de Saint Servan sur mer département de l'Ille et Vilaine. Le 12 Mars 1796, la 61ème Demi-brigade pour le secours devient la 76ème Demi-brigade de l'Armée des côtes de l'Océan. A fait le siège de Kehl en Allemagne en juin 1796 sous les ordres du général Desaix chargé par Moreau (commandant l'armée du Rhin) de la défense du pont et du fort de Kehl sur les rives du Rhin en repoussant avec une rare valeur les attaques vives et multipliées de l'archiduc Charles frère de l'empereur d'Allemagne. Le 18.08.1796 , naissance de son fils Pierre Guillaume à Brest. Le 12.10.1797, naissance de sa fille Marie Joséphine à Brest. Ils habitent à cette époque 3ème section à Brest… Puis a fait les quatre premières campagnes de la révolution au sein de l'Armée de l'ouest, de l'an V, l'an VI et l'an VII. A fait la campagne de Suisse au sein de l'Armée d'Italie sous les ordres du Général Lecourbe contre les Autrichiens en l'an VII, VIII, IX. A reçu sept blessures lors de la retraite du Mont Saint Gothard (Suisse) le 27.05.1799 : cinq coups de sabre sur la tête, la phalange du pouce droit arrachée d'un coup de sabre et un coup de feu reçu à la jambe gauche. Le 30.09.1799 (8 vendémiaire an VIII) il est nommé Sous lieutenant (officier) à la 5ème Compagnie Franche du Finistère, devenue Bataillon franc du Finistère à l'Armée de l'ouest. Sa mère Hélène décède vraisemblablement cet hiver 1800-1801. Il est âgé de 28 ans. Le 31.05.1801 (9 prairial an IX ) il passe au 1er Bataillon de la Légion de la Loire dit : troupes à cheval . D'après une lettre datée du 07 novembre 1801, il aurait dû embarquer au départ de l'ile d'Aix le 14 décembre 1801 pour Saint Domingue (envoi de troupes : 30.000 hommes pour écraser la révolution Haïtienne) et retourner à Brest avec son fils Pierre Guillaume alors âgé de 6 ans. Mais le 26 novembre 1801 (5 frimaire an X) le Général Boudet commandant l'expédition en rade de l'ile d'Aix pour Saint Domingue fait débarquer Claude Etienne et son fils du vaisseau " le héros " et demande une feuille de route au commissaire des guerres de Rochefort pour qu'ils se rendent lui et son fils à Paris afin de demander une pension pour ses infirmités qui l'empêchent de continuer son service à bord des vaisseaux pour les colonies. Le Général Boudet (nom gravé sous l'arc de triomphe à Paris) est désigné par Napoléon pour participer à l'expédition en préparation pour St Domingue, il est choisi pour son expérience coloniale; il est donc placé le 8 octobre 1801 à la tête des troupes réunies à Rochefort qui forment le noyau de sa division pour écraser la révolution Haïtienne menée par Toussaint Louverture. Il quitte Brest le 11 décembre 1801 et débarque à Port-aux-Princes le 5 février 1802 traitant les habitants avec égards, il est bien accueilli… Il s'empare de Leogane le 11 fév. Puis suit la piste sanguinaire de Dessalines jusqu'à St Marc le 25 fév. Puis montant à l'assaut de la crête-à-Pierrot il est blessé d'un coup de mitraille au talon abandonnant le commandement de sa division à Rochambeau…. Claude Etienne et son fils se rendent donc le 27.11.1801 à Rochefort pour récupérer cette feuille de route et ses indemnités; mais il est renvoyé voir le commissaire de La Rochelle.. .... Il est réformé officiellement le 21 12.1801 Le 14.10.1802 (22 vendémiaire an XI) il écrit une demande de solde de retraite, car depuis son débarquement, il est retourné à Paris. Malheureusement, il n'a aucun moyen d'existence et ne vit que par crédit, d'ailleurs on ne veut plus lui prêter et au contraire le poursuivre pour ce qu'il doit (à cette époque rappelons qu'il est marié avec 2 enfants Pierre Guillaume 6 ans et Marie Joséphine 5 ans, mais vivent-ils à Paris en famille ?). Le 12.01.1803; lettre de la 3ème Division, bureau des troupes à cheval; il est alors sous Lieutenant d'infanterie à la Légion du Cap (Légion de la Loire )..... : il est écrit : Le Citoyen LeRoux s'est rendu à Paris d'après l'autorisation du Général Boudet commandant les troupes expéditionnaires en rade de l'ile d'Aix, pour une demande de traitement de réforme en attendant qu'il puisse être admis dans le corps des vétérans en activité. Le traitement de réforme lui est refusé car il ne rentre pas dans les conditions... mais bénéficie de la solde de retraite en raison de ses blessures, et pourra d'après le conseil de santé des armées faire un service de vétéran car il n'a que 30 ans. Les certificats constatant ses blessures établis par l'officier de santé sont envoyés à la 4ème division. Le 24.03.1803 (3 germinal an XI), il vient d'apprendre le décès de son père Pierre LeRoux survenu en 1802, qui était à l'Isle de France (actuelle Ile Maurice) depuis 30 ans et qu'il laisse une succession considérable... et ne touchant toujours aucune solde depuis 18 mois, il demande par lettre au ministre de la guerre Monsieur le Général Berthier à partir pour l'Ile de France dans l'expédition confiée au Général Montchoisy en tant qu'officier titulaire ou comme officier à la suite d'un corps d'infanterie destiné a passer dans cette colonie. Il loge à cette époque (avec ou sans sa famille ?) chez le citoyen Allard, rue Gallande n°63 près de la rue Saint Jacques à Paris. (mars 1803). Le 27.09.1803 (4 vendémiaire an XII) lettre de Claude Etienne âgé de 31 ans au ministre de la guerre : Par l'arrêté du premier consul du 15 frimaire an 10 (6 déc. 1801) confirmation du grade de sous lieutenant de Claude Etienne LeRoux nommé provisoirement au 1er Bataillon de la Légion de la Loire; et le 30 frimaire an 10, il a été réformé en vertu des ordres du Général Boudet comme hors d'état de faire campagne par suite de ses blessures provenant des évènements de la guerre. Ses blessures étant cicatrisées et étant à même de continuer son service, il vous demande, monsieur le ministre de la guerre, d être mis en activité en attendant de jouir de son traitement de réforme à partir de sa cessation d'activité, qui se trouve à l'époque du 8 nivôse an 10, et ayant été payé de ce dernier traitement. N'ayant subsisté depuis son arrivée à Paris qu'en faisant le service des officiers remplaçant des officiers de la garde sédentaire de Paris, cette garde étant supprimée, le laisse sans aucun moyen d'existence. Il loge à cette époque, hôtel de Manuy n°1133 rue de grenelle, faubourg Saint Germain, Paris. Le 15.12.1803, il est nommé Sous lieutenant au Bataillon de déserteurs rentrés (23 frimaire an XII) ; et il propose de ne rejoindre ce corps qu'à partir du 24 décembre 1803 (2 nivôse an XII) car il doit au préalable régler des affaires urgentes. Le 05.03.1805 (14 ventôse an XIII)… Accord de pension … Le bureau des Compagnies sédentaires et d'admissions aux invalides dépendant du ministère de la guerre lui attribue une solde de retraite de 500 francs par an correspondant à ses infirmités ; payables par trimestre. Le 15 août 1806 naissance de sa fille Aimée Rosalie à Granville département de la Manche. Le 05.09.1822, demande d'admission à l'hôtel Royal des invalides appuyée par des lettres de bonnes mœurs. Il habite à cette date rue de Bercy St Jean n°16, Paris 7ème arrondissement . Il y est écrit qu'il habite le quartier depuis vingt ans. Le 25.01.1825, rapport de l'Officier de santé du Val de Grâce :
En conséquence, estimons que le sus nommé est dans le cas d'être admis à l'hôtel Royal des invalides. Fait au Val de Grâce le 25 janvier 1825. Le 04.02.1825, admission à l'hôpital militaire du Val de Grâce, jusqu'au 06 octobre 1825. Le 25.07.1825, autorisation d'admission à l'hôtel Royal des invalides délivrée par l'Officier de santé du Val de Grâce ; il est alors âgé de 53 ans . Claude Etienne habite le Quartier de l'Arsenal à Paris depuis une vingtaine d'année et plus précisément ces derniers temps rue des jardins St Paul n°26, informations relevées sur une lettre de bonne vie et mœurs écrite par ses amis et voisins. Le 07.10.1825, admission à l'hôtel Royal des invalides sous le matricule 1129. Le 27 mai 1826 à Paris 6ème, sa fille Aimée Rosalie se marie avec Guillaume Prosper VAUTRAI bijoutier, originaire de Marseille. Le 10 juillet 1826 à Paris 12ème, son fils Pierre Guillaume se marie avec Marie Nicole Collin Parisienne, ouvrière en linge. Le 21.03. 1827, demande de renvoi de l'hôtel Royal des Invalides pour les motifs : scandales et ivrogneries. Il se rend suite à son renvoi dans le Maine et Loire où il connait des amis et plus exactement à Avrillé, quartier des bouveries, commune limitrophe d'Angers rattachée sous l'époque Napoléonienne. Le 11.02.1832, il est passible d'une retenue de 41,75 francs par trimestre au profit de sa femme … car il est à cette époque séparé de biens et de corps. Le 18 septembre 1832 à Paris 9ème, sa fille Marie Joséphine marchande de jouets d'enfants se marie avec Jean Pascal Adolphe ARNOLD chocolatier, originaire de Brest. Le 7 mai 1849 sa femme Marie Anne Chenu décède à l'hospice de la Salpétrière à Paris, victime de l'épidémie de choléra qui sévit depuis plusieurs mois et fait des milliers de victimes. Lui, décède en son domicile d'Avrillé près Angers le mardi 4 juillet 1854 à l'âge de 81ans et 11mois. Récit : Franck Leroux ; Dossier militaire de Claude Etienne Leroux : Au SHD Vincennes côte 2 YE dossiers des officiers de 1791 à 1847. |
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D/ A l'Armée de Rhin et Moselle
1/ La 76e va renforcer l'armée de Rhin-et-Moselle
Extrait d'un certificat de congé de la 76e Demi-brigade |
Le Chef de Brigade Gorée, commandant la 76e Demi-brigade de Bataille, reste à la tête de la nouvelle 76e. Celle ci, à peine formée, quitte l'Armée des côtes de Cherbourg et se dirige vers l'Alsace. Depuis septembre 1796, le gouvernement français subit une crise terrible : il est tombé dans la plus grande misère par suite du discrédit du papier monaie, et n'a plus d'argent pour entretenir ses armées. Celles qui sont à l'étranger, vivant chez l'ennemi, sont à l'abri de la misère commune, mais les armées de l'intérieur sont dans une détresse affreuse. Obligées de vivre sur le pays (Hoche fait vivre ses soldats grâce à des denrées perçues dans les provinces de l'ouest, et il est obligé d'y maintenir le régime militaire pour avoir le droit d'y lever des subsistances) et n'ayant plus d'argent, les armées de l'Ouest connaissent la plus grande misère; les Officiers eux-mêmes n'ont plus de quoi se vêtir. La pacification semble d'ailleurs assurée de ce côté, tandis que dans l'est, des renforts sont nécessaires : c'est pourquoi Hoche envoie 15000 hommes à l'Armée de Rhin-et-Moselle; la 76e fait partie de ce détachement.
La Demi-brigade se met en route dès le mois de septembre 1796; mais retardée par les mauvaises conditions dans lesquelles fonctionnait le service des étapes (les troupes manquaient de tout, et les fournisseurs non payés ne voulaient plus rien avancer), elle n'arrive à Strasbourg que le 15 novembre 1796 (25 Brumaire an V). Elle a alors 3006 hommes à l'effectif.
Moreau venait de ramener l'Armée de Sambre-et-Meuse du fond de la Bavière jusqu'au Rhin dans une admirable retraite qui fut comparée à celle des 10000; l'armée française avait franchit le Rhin à Huningue le 26 octobre, et redescendu aussitôt la vallée du Rhin pour se rapprocher de la tête de pont de Kehl, où le corps de Desaix, qui avait passé le Rhin à Vieux Brisach, était arrivé le 31. L'armée avait bien besoin des renforts qui lui arrivaient; six mois de bivouacs continuels avaient exténué les hommes et les chevaux, et ruiné le matériel; l'habillement et la chaussure étaient entièrement détruits; un tiers des soldats marchaient pieds nus, et l'on n'apercevait sur eux d'autres vestiges d'uniforme que la buffleterie.
Le corps de Desaix fut réorganisé. avec les troupes détachées de l'Armée de l'Ouest. La 76e, embrigadée avec la 68e (Brigade Eck Mayer), fait partie de la 2e Division (Duhesme) qui comprend une 2e brigade sous le Général Lecourbe (84e et 93e Demi-brigades). Son effectif est renforcé de plus de 500 hommes en Frimaire.
2/ Défense de Kehl
Bons de rations attribués aux 3e et 4e Compagnies du 3e Bataillon de la 76e Demi-brigade |
Desaix croyait trouver Kehl dans un état de défense formidable; mais, comme cela arrive toujours pendant l'éloignement d'une armée, on avait peu travaillé aux fortifications; il n'y avait que des ouvrages en terre avec des reliefs de campagne peu élevés, la plupart très imparfaits, sans parapets à l'épreuve, sans fossés, sans contrescarpes et sans palissades; mais les Autrichiens perdent heureusement leur temps à construire une ligne de circonvallation. Desaix décide donc d'organiser sans retard les ouvrages informes qui existent et d'augmenter la force défensive de sa position par de nouveaux terrassements. La 76e est chargée des travaux et de la défense de 1'île d'Ehrlen-Rhein, qui assure les communications de Kehl avec Strasbourg. Elle construit dans l'île un ouvrage à cornes qui couvre le pont et flanque les retranchements de Kehl. En outre, une série de retranchements est établie entre le fort de Kehl et le petit bras du Rhin; ces ouvrages portent le nom de camp retranché.
Pendant la grande sortie effectuée le 22 novembre 1796 (2 Frimaire an V), la 76e prend position dans l'île d'Ehrlen-Rhein et, jusqu'à la fin du siège, elle s'y maintient, malgré tous les efforts de l'ennemi.
Le 5 décembre (15 Frimaire), dans un engament d'avant-postes, le Lieutenant Pierre Renaud reçoit un coup de feu et six coups de baïonnette; il est laissé pour mort sur le champ de bataille. Le Général en chef Moreau le nomme Capitaine. Le Lieutenant Barthélemy Lacôte reçoit trois coups de baïonnette et est également nommé Capitaine. Le Lieutenant Jacques Doucet reçoit un coup de feu au bras, et le Sous-lieutenant Rispaud d'Aiguebelle, un coup de feu à l'épaule. Enfin le Fusilier Guillaume Lecomte (Né à Gouberville dans la Manche) "attaqué par un groupe d'Autrichiens résista longtemps à leurs efforts et succomba à ses blessures après avoir tué deux ennemis et en avoir blessé un troisième" (Le nom de Lecomte a été inscrit sur les tables du temple de la Gloire à l'Hôtel des invalides).
Le 10 décembre au soir (20 Frimaire), le Général ennemi, l'Archiduc Charles, qui a résolu de se rendre maître de l'île, fait attaquer les postes de la 76e, abrités dans de petits redans, en face et en arrière du bras d'Ehrlen-Rhein, alors à sec. Les Autrichiens se jettent sur les postes avec impétuosité, après les avoir couverts des feux de plusieurs pièces. Le 1er Bataillon de la 76e, qui est en première ligne, sort alors de ses abris. Son élan arrête l'attaque. Dans la mêlée, le drapeau de ce Bataillon tombe aux mains des assaillants. Aussitôt, "le sergent Therron s'élança sur l'Autrichien qui avait pris le drapeau du 1er bataillon de la 76° et le lui enleva; mais comme il était trop engagé dans les rangs pour espérer le rapporter, il se coucha à terre, cachant sous lui le précieux emblême jusqu'à ce qu'il vît l'ennemi rétrograder". "A moi, camarades! s'écria t'il alors, j'ai le drapeau! l'ennemi s'en va!". Le 1er Bataillon se rallie à lui et poursuit les Autrichiens jusque dans leurs retranchements, malgré le feu à bout portant de leurs batteries. Il ramène 60 prisonniers. Pendant cette poursuite, le Fusilier Louis Geoffroy "assailli par 4 hommes, en tua 2, blessa le troisième et ramena le quatrième prisonnier". Dans cette même affaire, le Fusilier Nicolas Lemaitre (Né aux Loges, Seine Inférieure), "après avoir reçu trois coups de baïonnette, continua la lutte, fit prisonnier un grenadier hongrois et expira sur le champ de bataille". Ses dernières paroles furent des voeux pour la France.
Né à Brassy (Nièvre), Fusilier à la 76e Demi-brigade, il fait les campagnes du Rhin de 1799 et 1800. Au siège de Kehl, attaqué par quatre Autrichiens, il tue de ses adversaires, blesse le troisième et fait le quatrième prisonnier. Le 28 thermidor an X (15 août 1802), le gouvernement récompense cette action par un fusil d'honneur. Mort peu d'années après. |
Jean Baptiste Therron (ou Terron) Sergent à la 76e Demi-brigade. Au siège de Kehl, ce Sous officier s'élança sur un Autrichien qui avait pris le drapeau du 1er Bataillon et le lui enleva. Mais, étant trop près des rangs ennemis, il se coucha pour sauver le drapeau jusqu'au moment où il vit l'ennemi rétrograder. Il se releva alors en s'écriant "A moi mes camarades ! j'ai le drapeau; l'ennemi s'en va", et il rallia aussitôt les débris épars de ce Bataillon. Le brave Therron reçoit un sabre d'honneur (fusil selon L. Landais) le 15 août 1802 (28 Thermidor an X). |
Il était difficile d'obtenir des troupes qu'elles restent en présence de leurs batteries et qu'elles s'y enterrent; cependant, comme on insista, elles creusèrent pour se couvrir, de petits boyaux à la tête de l'île d'Ehrlen-Rhein, d'où elles retardèrent beaucoup les travaux des assiègeants. Le lendemain et le surlendemain, l'ennemi recommençe l'attaque sur tout le front de file d'Ehrlen-Rhein, mais sans plus de succès; le 11 décembre (21 Frimaire), il débouche se sa première parallèle pour relier ses travaux du village de Kehl avec ceux d'Ehrlein-Rhein et pour prévenir les sorties qui peuvent déranger son travail. Ce jour là, le Commandant Lovisi se fait remarquer par son entrain; le même jour, le Sergent de Grenadiers Fidèle Lhotard "s'élança seul dans une redoute ennenir et ramena 6 Autrichiens prisonniers".
Sergent de Grenadiers à la 76e Demi-brigade. Au passage du Rhin, ce Sous officier, impatient d'arriver, se jeta à l'eau, parvint le premier sur la rive opposée, réunit quelques grenadiers qui l'avaient suivi, marcha à l'ennemi, culbuta tout ce qu'il rencontra et facilita le débarquement. A l'armée de l'Océan, avec quatre grenadiers; il soutint trois heures de suite dans le château de la Templerie, l'attaque de plus de 1500 hommes. A Kehl, seul, il prit six Autrichiens après avoir sauté dans la redoute. Le Premier Consul lui décerna, pour les motifs exprimés plus haut, le 28 thermidor an X (15 août 1802) un sabre d'honneur. Retraité en 1806. |
Dans la nuit du 11 au 12, l'ennemi attaque les boyaux français et autre petits ouvrages de contre approche, sur tout le front de l'île d'Ehrlen-Rhein, et le camp retranché. La 76e le repousse. Dans la journée du 12, l'ennemi, voulant relier sa 2e parallèle, couvre ce travail avec plusieurs Bataillons, dont une partie s'avance dans l'île d'Ehrlen-Rhein, d'où la 76e la chasse avec perte de plusieurs Officiers.
L'effectif de la 76e est de 3501 le 1er Nivôse.
Après ces tentatives infructueuses, l'ennemi ne tente plus d'enlever les positions françaises de vive force; il se borne à continuer ses travaux. Il n'y a plus dès lors que quelques escarmouches. Celle des 30 et 31 décembre 1796 et 1er janvier 1797 (10, 11 et 12 Nivôse an V) furent des plus chaudes. Le 30, le Sous-lieutenant Gabriel Vallayet est blessé d'un coup de feu à l'épaule gauche.
Le 30 décembre 1796 (10 nivôse an 5), le Général de Division Ligniville, commandant l’aile droite de l’Armée de Sambre et Meuse, écrit, depuis le Quartier général de Creutznach, au Général de Division Grenier, commandant la 2e division de l’aile doite : "… D’après l’ordre du général en chef d’envoyer un bataillon à Luxembourg pour y tenir garnison vous ferez partir le plus tôt possible la totalité de la 76e demi-brigade forte d’environ 500 hommes, vous voudrez bien lui faire donner les vivres pour quatre jours en tout pourvoir à sa subsistance, et aviser le commandant de Luxembourg de son départ.
Marquez moi aussi le jour d’arrivée et de départ de la demi-brigade ..." (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 42 pages 95 à 97).
Le 31, le Chef de Brigade de la 76e, Nicolas Gorée, et le Sous-lieutenant Guillaume-Marie Creté sont cités à l'ordre. Le 1er janvier, le Tambour-major Gabriel Foissier mérite également une citation et le Lieutenant François Cassant "reprit aux Autrichiens plusieurs prisonniers français qui nous avaient été enlevés le 2 frimaire".
En Nivôse (janvier 1797), les Compagnies auxiliaires du Dépôt de la 76e (184 hommes) qui jusque là étaient restées dans l'Ouest, sont envoyées en garnison à Wissembourg.
Enfin le fort de Kehl étant réduit en ruines, le Général Desaix propose à son adversaire de lui céder la place, à la condition que les Autrichiens n'entrent en possession que le lendemain à quatre heures du soir. La convention est acceptée, le 9 janvier (20 Nivôse). La garnison retire tout le matériel de défense, et l'ennemi ne trouve à Kehl que de la terre et des décombres. L'investissement durait depuis cent quinze jours, et l'on en comptait cinquante de tranchée ouverte. Dans sa relation de la campagne de 1796, l'Archiduc a donné des éloges aux troupes françaises qui ont défendu les ouvrages de Kehl. La 76e en a bien mérité sa part.
Après le siège de Kehl, Desaix reprend le commandement du centre de l'armée dont fait partie la 76e, et cantonne ses troupes le long de la rive gauche de la Queich. L'Armée de Rhin et Moselle a cependant besoin de repos et de temps pour se procurer ce qui lui manque. Les soldats sont sans souliers; "on ne voyait sur eux, dit un historien, d'autres effets militaires que la buffleterie". La cavalerie est démontée, les attelages d'artillerie ruinés par les travaux de siège. La solde n'a pas été payée et les caisses sont vides. Il reste la moitié d'un équipage de pont... La 76e Demi-brigade rentre à Strasbourg. Elle y est laissée dans l'inaction pendant trois mois.
3/ Opérations sur la rive droite du Rhin
Cependant le Général en chef, Moreau, se rend à Paris à la fin de Germinal pour y proposer un plan de campagne et obtenir des ressources. Il y est convenu qu'afin de seconder les efforts de l'armée d'Italie, l'Armée de Sambre et Meuse passera le Rhin en même temps que l'Armée de Rhin et Moselle et entrera en campagne avec elle en Allemagne. L'opération devait commencer, pour l'Armée de Rhin et Moselle, dans la nuit du 30 Germinal au 1er Floréal; mais le pont de bateaux n'était pas prêt et le jour vint sans que rien ait été tenté. Cependant Moreau, en entendant le canon des fausses attaques, donne l'ordre d'effectuer le passage. Il est six heures du matin. C'est le 1er Bataillon de la 76e qui a l'honneur de monter dans les premiers bateaux qui viennent d'arriver. "Impatient d'arriver, le sergent Fidèle Lothard se jette à l'eau, parvient le premier sur la rive opposée, réunit les quelques grenadiers qui l'ont suivi, culbute tout ce rencontre et facilite le débarquement". Le 1er Bataillon, suivi des autres troupes de la Division Duhesme, débarque dans l'île située en face de Diersheim, à 13 kilomètres au N.-E. de Strasbourg, au point où l'on devait établir le pont. 300 Autrichiens, couverts par le petit bras du Rhin qui reste à traverser et sur lequel existe un pont de communication de trois pieds de large, s'abritent derrière de gros madriers qui entourent la baraque du péage, et ouvrent le feu sur les Français.
Non loin de là se trouvait un gué. Le chef de Brigade Gorée y conduit au pas de course les Grenadiers du 1er Bataillon, sans tirer, malgré le feu très vif de l'ennemi. "Il franchit le gué avec eux au milieu d'une grêle de plomb et sous le feu d'une batterie qui le prend en flanc; il chasse à la baïonnette les Autrichiens de la baraque du péage et fait prisonniers tous ceux qui n'ont pas eu le temps de fuir". Les deux autres Bataillons de la 76e passent le fleuve sur un autre point. 300 hommes de la Demi-brigade prennent part à la fausse attaque dirigée près de la batterie de Béclair. Ces derniers se sont embarqués presque sans cartouches; ils n'en débusquent pas moins l'ennemi, se maintiennent pendant deux heures sur la rive droite et ne se retirent qu'après avoir rempli leur mission. Ils n'ont éprouvé que peu de pertes. Duhesme est blessé, mais le village de Diersheim est emporté et l'on couche sur les positions. Le Tambour-major Foissier a mérité d'être cité à l'ordre pour la seconde fois.
Le Rapport du Général Vandamme sur le passage du Rhin, en date du 20 avril 1797, adressé au Général Moreau, raconte, pour la 1ère journée : "Le 29 germinal, j'ai reçu l'ordre du général de division Duhesme, d'approcher du Rhin les troupes que je commandais, et de me préparer à passer le fleuve. On me déféra le commandement de l'avant-garde, qui devait faire le premier débarquement. J'étais d'autant plus flatté de cette préférence, que je croyais être en redevance envers mes camarades qui avaient défendu Kehl et Huningue avec tant de talent, de courage et d'opiniâtreté, tandis que j'étais en congé chez moi pour réparer ma santé. J'étais déterminé à me sacrifier pour que cette importante opération réussît ; sachant combien elle influerait sur la position de l'armée du général Bonaparte, en même temps qu'elle obligerait l'ennemi à une forte diversion en faveur de l'armée de Sambre-et-Meuse. Ayant étudié les projets et plans du passage, je visais plus sûrement au but ; il fallait passer le Rhin et s'y maintenir : tels étaient les ordres du général en chef, tel était aussi le vœu de tous mes camarades. Tout est mis en œuvre pour en assurer la réussite, et quoique bien des choses nous manquent, rien ne nous arrête. Chacun s'empresse de lever les obstacles qui pouvaient tromper nos désirs en faisant manquer l'expédition : les ingénieurs, les sapeurs, les pontonniers, tout le monde travaille, et cependant, le 1er floréal, au jour, tous nos efforts n'avaient pu suffire à nous procurer la quantité de bateaux nécessaires à l'expédition. Le temps pressait, les troupes étaient au rendez-vous, au point d'embarquement ; mais, par une de ces fatalités si contradictoires qui se rencontrent toujours dans ces fortes entreprises, malgré les soins des ingénieurs qui étaient tous les jours sur la rivière d'Isle pour la sonder, il se rencontre des bancs de gravier qui arrêtent les bateaux. Le général Desaix en est informé, il y envoie un bataillon de sapeurs pour travailler, et porter les bateaux en cas de nécessité ; car enfin, d'une manière ou d'autre il fallait qu'ils passassent. Le général Duhesme s'y rend de sa personne, donne le premier l'exemple, ainsi que Jordy aux sapeurs, se met à l'eau pour dégravoyer les bateaux ; bientôt il est suivi par plusieurs compagnies, qui, à force de bras et après bien des efforts, parviennent à en faire passer une vingtaine des plus petits, au point d'embarquement, où de suite, dans les six premiers, on place deux compagnies de grenadiers et un bataillon de la 76e demi-brigade. Cette petite flotte composant l'avant-garde était commandée par l'adjudant général Heudelet, à qui j'avais adjoint mon aide de camp, Gobrecht ; le capitaine Savary, ancien aide de camp du général Férino ; les ingénieurs Sabattier et Lacoste. Le temps pressait, et comme il n'en fallait pas perdre pour réussir, on embarqua promptement la moitié de la 100e sur dix autres bateaux, dont le commandement m'était réservé. Le général Davout devait me soutenir avec quatre bataillons ; mais que faire ? Les bateaux manquent, soixante était le nombre nécessaire à l'exécution du plan, et il n'y en avait que vingt-cinq ; ceux arrivés au point d'embarquement, et qui déjà étaient chargés de troupes, n'avaient point de rames, on ne pouvait alors passer sans craindre de dériver et de faire échouer l'expédition. On est informé que le bateau qui porte les rames est engravé. Le général lui-même y court, se jette à la rivière, prend une rame qu'il apporte sur la digue son exemple est bientôt suivi par les officiers d'état- major, et par tout un bataillon, qui, traversant la moitié de la rivière, va au bateau, et prend jusqu'à la dernière. On triomphe dans ce cas de nouvelles difficultés qui eurent arrêté tout autre que des républicains qui ne connaissent plus de danger, lorsqu'ils y voient de la gloire pour leur patrie. Les rames sont apportées aux bateaux à la satisfaction des braves soldats qui y sont embarqués, et qui n'attendent que le signal du départ pour combattre. Il était six heures et déjà il faisait grand jour. Nous avions un quart de lieue à naviguer à la vue de l'ennemi qui était sous les armes et à ses pièces ; à peine les bateaux étaient-ils organisés en ligne, pour éviter la confusion en débarquant que le canon de la fausse attaque de Kehl tonna. L'ennemi sur le qui-vive, prévenu par cet éveil, avait l'avance sur nous. Tout étant prêt, je fais filer l'avant-garde aux ordres de l'adjudant général Heudelet, en sorte que son dernier bateau était à vingt-cinq toises du premier du deuxième embarquement sur lequel j'allais monter. Je fis mes adieux au général Duhesme qui, ne devant être que du deuxième embarquement, me dit qu'il ne pouvait attendre ; n'écoutant que son zèle, il s'embarque sur le troisième bateau, jurant de vaincre ou de périr avec nous. Apercevant le général Reynier, chef de l'état-major, occupé pour organiser le second passage, à placer les troupes qui arrivaient, je lui demande ses derniers ordres, et les intentions définitives du général en chef : il me répond qu'il fallait passer, s'y maintenir ou s'y faire tuer. Je lui répliquai que cet ordre serait ma loi. Le premier bateau, où j'avais la première compagnie de la 100e, étaient avec moi : le chef de bataillon Podevin, et le capitaine Wangeglingen, ingénieur. Quoiqu'il y eut des nacelles préparées pour les généraux, pour plus de sûreté, aucun n'en a voulu. Les soldats, encouragés par notre présence, ne demandaient qu'à partir. Tout est prêt : l'ordre du départ est donné ; nous jurons tous de passer le fleuve ou de nous engloutir sous les flots. Arrivés au débouché de la rivière d'Isle, nous sommes aperçus de l'ennemi qui fait feu, et de sa rive tire le canon contre nos bateaux. Six soldats sont tués dans la troisième barque, et neuf blessés du même coup ; ceci ne fait qu'augmenter le courage des autres ; ils veulent combattre, le jurent et crient aux Autrichiens : Nous arrivons, tenez-vous prêts. Avec de tels soldats, que n'oserait-on pas entreprendre ?
Il faut observer que le premier point de débarquement était entre la grande maison des Dimes et le bras du Rhin qui conduit près du village de Bischofsheim ; mais il eût été imprudent de tenter le débarquement sur ce point, le plus armé, le mieux gardé et le plus difficile à aborder, en vue à la position que je pouvais parfaitement distinguer.
Je fis donner le signal à l'avant-garde de débarquer à la pointe de l'île, devant le village de Diersheim, où l'ennemi avait trois cents hommes d'infanterie du régiment d'Hatton, et quelques piquets de chevau-légers.
Le débarquement est effectué sous le feu de file terrible de cette infanterie embusquée. Mon aide de camp Gobrecht et Savary sautent à terre les premiers, forment une compagnie de grenadiers de la 76e en pelotons, et marchent en avant en battant la charge. Les deux tambours sont tués, huit à dix grenadiers éprouvent le même sort : le peloton se rompt, l'ennemi s'avance à grands pas, mais cent hommes débarquent à temps. Le chef de la 76e, avec le capitaine Sabattier, les disposent en tirailleurs derrière les digues et les arbres ; leur feu arrête l'ennemi, tandis que l'adjudant général Heudelet, faisait tous ses efforts pour le contenir. Sous sa protection, nos forces s'accroissent et je fais mon débarquement. Je forme les sept cents hommes de la 100e, dont faisaient partie les trois compagnies de grenadiers, et je renvoie les bateaux sur l'autre rive. Toute disposition faite, je marche en colonne serrée jusqu'à deux cents toises en avant du point de débarquement. Je me mets en bataille, je rallie les tirailleurs que j'avais devant moi, je les jette sur mes flancs, pour les couvrir, je commande des feux de bataillon, de peloton et de deux rangs. L'ennemi étonné recule, pour attendre ses renforts ; je le fais harceler par des tirailleurs qui le suivent jusque dans le village de Diersheim, où il m'attendait de nouveau pour combattre ; mais, intéressé moi-même à attendre le second renfort, je reste à l'observer, tandis que le général Duhesme se porte sur la gauche pour éclairer notre position. Ma troupe se rallie et s'accroît : je cours reconnaître le terrain, j'envoie presser l'arrivée du général Davout, qui n'arrive qu'après un grand quart d'heure ; aussitôt je commande d'avancer au 1er bataillon de la 100e, avec lequel j'étais débarqué, et une partie du 2e. Cette troupe en colonne s'avance en attaque sur le village de Diersheim, sous les ordres des adjudants généraux Heudelet et Demont, pendant que les aides de camp Savary et Gobrecht dirigeaient les deux compagnies de grenadiers et un bataillon de la 76e. J'allais attaquer de vive force ce village, dont je sentais l'importance, lorsque j'appris que le général de division Duhesme était blessé et hors de combat ; je fis suspendre l'attaque de Diersheim, je courus à ma gauche d'où l'ennemi avançait à grands pas, vers notre point de débarquement. Je vis de loin qu'on emportait le général Duhesme, je ralliai un peloton de vingt- cinq à trente hommes, je fis battre la charge, et je priais le général Davout d'avancer avec sa troupe, ce qu'il fit. La moitié se dirigea vers ma gauche, et l'autre resta en réserve. L'ennemi, voyant nos dispositions prises et sa marche inutile, se retire et nous laisse le temps de nous renforcer. Je dispose tout pour l'attaque différée. L'ennemi, de son côté, formait ses lignes dans la plaine, derrière le village, et pressait autant que possible l'arrivée de ses renforts. Il fit à l'instant approcher trois pièces de canon à la gauche du village, il en fit un feu très-vif qui nous gêna, en nous tuant et blessant bien du monde. Cela ne nous empêcha point de garder notre position, et de nous déterminer à enlever le village. Après plusieurs tentatives et des chocs assez vifs, le général Duhesme étant blessé, je pris le commandement de toutes les troupes qui étaient sur la rive droite, et m'étant consulté avec le général Davout, je lui donnai l'ordre d'attaquer le village, après avoir disposé nos troupes ; le feu commence par suite d'une heure de combat, de feu et de charges très-vives, qui nous ont beaucoup coûté, l'ennemi fut repoussé et contraint à nous céder le terrain. C'est ici que je ne saurais me servir d'expressions assez fortes pour tracer le courage du 1er bataillon de la 76e des grenadiers, du 2e bataillon de la même demi-brigade, d'une partie de la 100e et surtout des grenadiers. Tout fut mis en usage, le coup de feu, la baïonnette, la crosse ; enfin, on s'est pris aux cheveux. C'est aux talents du général Davout, à sa persévérance, à la constance des adjudants généraux Heudelet et Demont, à tous leurs officiers d'état-major, que nous devons le premier dénouement du récit que je vais tracer. Ce succès exalta le courage de notre troupe, ralentit les opérations de l'ennemi, et fortifia singulièrement notre position, en nous donnant plus le temps de faire passer nos troupes, de former le pont volant, de préparer celui de bateaux, et de faire approcher les autres divisions de l'armée, de manière qu'elles soient prêtes au passage, aussitôt le pont jeté, car il fallait s'attendre à de nouvelles tentatives de l'ennemi contre nous, et se mettre en mesure d'opposition pour le lendemain. Il était bien naturel qu'il fit arriver tous les renforts possibles pour empêcher nos progrès, qui devaient décider en peu de temps du sort de la campagne.
La 6e demi-brigade d'infanterie légère ne pouvait arriver plus à propos pour défendre les entrées du village, quand l'ennemi l'attaquait de toutes parts à différentes reprises, avec l'opiniâtreté du désespoir et de la rage. La droite du village, le long du faux bras du Rhin, fut en même temps attaquée, un demi-bataillon de la 16e s'y porta à grands pas, chargea, et, par un feu bien soutenu, emporta le terrain couvert de morts et de blessés. Ce petit avantage fortifia encore notre position, d'autant mieux que le passage se faisait avec plus d'activité ; vers dix heures l'ennemi dirige une attaque générale sur toute la ligne, depuis Bischofsheim, jusqu'à la droite d'Honeau ; il réussit à force de sacrifice, et par la supériorité que lui donnait son artillerie, contre nous qui n'en avions encore que deux petites pièces. Presque partout nos troupes sont forcées à se retirer ; mais les réserves en position rassuraient nos soldats, et me laissaient sans inquiétude ; un bataillon de la 31e et un de la 100e secoururent la gauche, et les succès répondirent à leur courage. Au centre, l'ennemi est également forcé par un bataillon de la 17e, appuyé par trois compagnies de grenadiers de la même demi- brigade, qui reprennent le terrain perdu . La droite seule nous occupant alors, un bataillon de la 31e, avec quelques compagnies de la 16e légère, secourent les nôtres qui, encouragés par ce renfort, battent la charge et forcent aussi l'ennemi à la retraite ; une heure se passe, tandis que l'ennemi rallie ses corps, renouvelle ses tirailleurs, presse l'arrivée de ses renforts et répare ses passages. Il fait connaître son terrain et étudie nos mouvements ; nous avons le même soin. Vers les onze heures, l'ennemi réunit toutes ses forces sur le centre, en ne montrant que peu de monde sur les ailes. Le général Desaix étant alors arrivé tâche, en parcourant le front, de reconnaître les forces et les projets des ennemis qui, à l'instant même, forment leurs lignes, sous la protection de leur artillerie qui fait un feu très-vif sur le village de Diersheim qu'il incendie en partie par ses obus. Je donne l'ordre aux troupes du centre de se retirer jusque dans le village, et à deux bataillons de la 17e qui étaient en réserve, et un de la 76e, de se rendre au village, où ils se tiendraient en colonne serrée, prêts à déboucher au besoin. L'ennemi marchait en colonne d'attaque jusqu'à cinquante toises du village, il le pouvait d'autant mieux que j'avais ordonné la retraite et que peu de monde lui résistait. Étant arrivé bien à portée, ses tirailleurs déjà aux jardins, nos grenadiers embusqués se montrent et font un feu terrible ; les deux bataillons de la 17e et celui de la 76e débouchent en colonne, marchent sur l'ennemi en battant la charge, se déploient et font un feu si bien soutenu, que l'ennemi est de nouveau contraint à la retraite. Cependant je ne pouvais lui faire autant de mal que je le désirais, n'ayant encore qu'une petite pièce de quatre, l'autre ayant été démontée et la cavalerie n'ayant pas encore passé le Rhin.
Les généraux Davout et Jordy, avec les adjudants généraux Demont et Heudelet, dirigeaient cette défense, qui leur fera toujours honneur, par les talents et le courage qu'ils y ont mis. Les chefs des corps n'en ont pas eu moins de mérite par leur zèle et la promptitude qu'ils ont mis à faire exécuter les manœuvres qui leur ont été commandées. C'est ici que j'aime à rendre justice au brave chef de brigade Bord, commandant la 17e, qui, quoique très- âgé, se trouvait partout fort à propos pour ranimer le courage de ses soldats et la vigilance des officiers. Je ne puis oublier le chef de brigade Goré, commandant la 76e, qui, par sa bravoure et son empressement à seconder les généraux, mérite de grandes louanges. C'est ce même chef qui s'est si bien conduit à Kehl, lorsque sa demi-brigade était chargée de la défense de l'île ...
La nuit arrivant, je vois que l'ennemi ne veut plus attaquer ; je reconnais les positions de repos, je les indique aux troupes et je répartis le commandement. Il fait nuit ; tout est tranquille ; on travaille à grande force au pont de bateaux ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 355).
Le lendemain, les Autrichiens prennent à leur tour l'offensive et la journée est rude : le Capitaine Lacôte reçoit un coup de feu au bras gauche; le Lieutenant Cassant, un coup de feu à la jambe gauche. Les intrépides Grenadiers de la 76e reprennent à la baïonnette un mamelon perdu par la 16e Légère. Diersheim, attaqué par des forces considérables, est pris et repris. Les Autrichiens sont enfin refoulés et mis en pleine déroute.
Vandamme raconte, dans son rapport : "... Le général Davout, pour soutenir l'attaque de la cavalerie, que commandait le général en chef en personne, fit marcher en avant la 17e demi-brigade en colonne serrée, pensant la faire déployer à cent toises en avant du village ; mais l'artillerie ennemie, qui était postée sur la droite en sortant de Diersheim, prenant cette colonne en écharpe, fit un feu terrible qui, en tuant et blessant une centaine d'hommes, obligea le général Davout à se retirer et prendre la position qu'il venait de quitter. La 109e reçut l'ordre de se porter en avant pour soutenir la 17e et former ensemble la tête de colonne pour l'attaque générale projetée pour neuf heures. Tandis que ces préparatifs se faisaient au centre, l'ennemi faisait tous ses efforts sur notre gauche, où étaient la 3e légère, la 31e et la 76e de ligne, aux ordres du chef de brigade Cassagne, qui, par une résistance vigoureuse et des manœuvres hardies, contenait l'ennemi sur ce point ...
Le général Davout, qui connaissait particulièrement notre droite, dirige de ce côté une colonne composée du 9e de hussards et du 17e de dragons avec deux pièces d'artillerie légère, soutenue par le général Dufour, qui marchait avec une partie de sa division en remontant le Rhin vers Kehl, par Auenheim ; une colonne de six bataillons en attaque contre le village d'Hobine, composée de quatre pièces d'artillerie légère, de la 3e légère et de la 3e de ligne, deux corps de première réputation de cette armée. Le chef de brigade Cassagne en avait le commandement ; c'est un des officiers les plus braves et des plus instruits, qui s'est déjà couvert de gloire à la défense immortelle d'Huningue, où il a remplacé le brave général Abbattucci. Cette colonne était flanquée à sa gauche par la 76e qui était restée en position contre le village de Bischofsheim, où l'ennemi avait encore beaucoup de monde et d'où il faisait un feu d'artillerie soutenu ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 355).
Dans son Rapport au Général en Chef, en date du 21 (ou 22 ?) avril 1797, le Général Vandamme écrit : "… Après l'attaque de la tête du pont du Rhin, l'ennemi a été mis en déroute. On a laissé les deux demi-brigades 31e et 76e en réserve ; le reste de la division a poursuivi l'ennemi en se dirigeant sur Offenburg.
On leur a fait quantité de prisonniers, pris quinze pièces de canon, deux drapeaux, tous les bagages de l'état-major général. Un parti de dragons et de chasseurs a été envoyé sous les ordres du général Davout, dans les gorges de la Kintzig, jusqu'à Gengenbach ; ce même corps de troupes, le lendemain 3 du courant, s'est remis à la poursuite de l'ennemi. Le reste de la division est parti à cinq heures du matin, et est allé prendre position, la droite à Haslach, la gauche en avant de Simerens. On a rencontré l'ennemi occupant tous les villages en avant de la position, il en a été sur-le-champ chassé. Les deux demi-brigades qui étaient restées en réserve y ont rejoint la division vers les deux heures après midi, et d'après de fortes reconnaissances qui avaient été faites à Renchen et en avant ; la brigade de gauche a été prendre position, savoir la 31e sur les hauteurs, à droite de Faudenbach ; la 76e, à la même droite, sur les mêmes hauteurs ; et la 109e, en réserve en avant de Hinspach ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 383).
Document extrait de l'Historique régimentaire |
Quelques jours après la prise de Diersheim, le Commandant Alexis Lovisi ayant été chargé de guider l'avant garde de Ney, "sut dans une circonstance délicate, employer habilement la ruse contre la force. Il marchait de Vimbing à Manheim, points entre lesquels l'ennemi était en forces. La terre était sèche et donnait beaucoup de poussière. Lovisi conçut aussitôt l'idée d'une ruse de guerre et l'exécuta habilement. Son petit corps, composé de détachement de tous les régiments de la division, eut l'ordre de marcher à rangs ouverts pour étendre sa profondeur. Lovisi, prenant alors le caractère d'un général, s'avança accompagné d'officiers et de sous-officiers, vers le commandant des avant-postes ennemis. Celui-ci, frappé du ton d'assurance du chef français, et de la quantité d'uniformes différents qu'il apercevait, prit le chef de bataillon de la 76e pour un général et lui céda la position qu'il exigeait" (récit extrait des "Fastes de la Nation française", ouvrage publié en 1807, auxquel l'Empereur lui même a souscrit). Ce trait d'audace et d'habileté rend la 76e Demi-brigade populaire dans toute l'Armée. Quelques précisions sur Lovisi : Né à Guémenée (Morbihan), le 6 décembre 1770, il s'est enrôlé dans le 1er Bataillon du Morbihan avec lequel il fait l'expédition de Saint-Domingue; il reprend aux noirs le drapeau de son Régiment (61e). Passé par amalgame à la 76e, il fait, comme Chef de bataillon, les campagnes des ans V, VI et VIII et se distingue partout par sa bravoure. Dans les différentes pièces consultées, son nom est écrit : Lovizy, Losivy ou Lovisi; cette dernière orthographe est la seule correcte.
L'Armée de Rhin et Moselle s'avançe jusqu'à Freistett. Elle a fait 3000 prisonniers, enlevé plusieurs drapeaux et vingt canons, lorsque la signature des préliminaires de Léoben par le Bonaparte arrête les Français au milieu de leurs succès. Moreau signe à son tour un armistice avec Latour ; il est convenu entre les deux armées que si la paix ne suit pas les préliminaires, on se préviendra quinze jours à l'avance. Cependant, cet armistice se prolonge jusqu'à la paix, ce qui permet de renvoyer une partie de l'armée de la rive droite, où elles était trop resserrée pour pouvoir être nourrie et logée. Le mouvement s'éxécute dans le courant de mai. Le centre de l'armée, dont fait partie la 76e, avec Desaix, reste en cantonnement sur la rive droite, le reste de l'armée se retirant sur la rive gauche.
Pendant cet armistice, la 76e cantonne d'abord à Oberkirch, à l'entrée de la Forêt Noire, puis à Buxweiler, en Prairial an V (mai 1797), pour revenir à Oberkirch, en vendémiaire an VI (septembre 1797). L'Armée de Rhin et Moselle est tout juste réunie à l'Armée de Sambre et Meuse, sous le nom d'Armée d'Allemagne, sous le commandement de Hoche, lorsque ce dernier meurt le 17 septembre. Le traité de Campo-Formio quant à lui, signé le 17 octobre, assure la paix. Les troupes repassent alors sur la rive gauche : la 76e est envoyée à Landau, revient à Strasbourg le 29 janvier 1798 (10 Pluviôse an VI) (5e Division Militaire), d'où elle part bientôt pour rentrer en campagne. Le Dépot de la 76e quant à lui se rend le 4 juin 1797 (16 Prairial an V) à Strasbourg, où il reste jusqu'en novembre 1797 (Brumaire an VI ). Il se rend alors à Molsheim. Les situations signalent encore à Cherbourg 14 hommes du dépôt de l'ancien 31e Régiment destinés à la 76e.
E/ Campagne d'Helvétie
1/ Fondation de la République Helvétique
Vers la fin de l'année 1797, les habitants du canton de Vaud demandent l'appui de la France contre les Bernois et, le 28 décembre 1797 (8 Nivôse an VI), le Directoire prend les vaudois sous sa protection.
Le 12 janvier 1798 (23 nivôse an 6), un Arrêté du Directoire Exécutif à Paris, fixe la composition de l'Armée d'Angleterre :
"LE DIRECTOIRE EXECUTIF,
Considérant qu'il est instant de réunir sur les côtes toutes les forces qui doivent être employées à l'armée d'Angleterre,
ARRÊTE ce qui suit :
ARTICLE PREMIER
Les divers corps de troupe ci-après désignés seront mis en mouvement pour se rendre sans délai sur les côtes qui bordent la Manche, ou autres lieux de rassemblement désignés par le ministre de la guerre, savoir :
INFANTERIE DE LIGNE
Les 4e, 10e, 16e, 17e, 18e, 25e, 30e, 31e, 32e, 37e, 40e, 43e, 46e, 51e, 57e, 58e, 61e, 62e, 69e, 73e, 75e, 76e, 78e, 84e, 85e, 89e, 96e, 100e et 105e demi-brigades.
INFANTERIE LEGERE.
Les 1re, 2e, 3e, 5e, 9e, 10e, 18e, 20e, 21e, 22e et 25e demi-brigades.
TROUPES A CHEVAL
Les deux régiments de carabiniers ;
Les 1er et 8e régiments de cavalerie ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 17e et 19e régiments de dragons ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 8e, 9e, 10e et 12e régiments de chasseurs ;
Les 2e, 3e, 5e et 8e régiments de hussards.
ARTILLERIE ET GÉNIE
Les 1er et 4e régiments à pied ;
Les 2e et5e régiments à cheval ;
Quatre compagnies d'ouvriers ;
Quatre compagnies de mineurs ;
Deux bataillons de sapeurs et deux corps de pontonniers" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 97).
Le 16 janvier 1798 (8 pluviôse an 6), un rapport du Ministre de la Guerre propose de faire passer dans le Mont-Terrible 3 Bataillons de la 76e entre Wissembourg et Lauterbourg ("L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France"– SHAT, B 2 63). Un tableau établi par le Général Duvignan, les 31 janvier et 1er février 1798 (12-13 pluviôse an 6) indique que la 76e Demi-brigade se trouve à Strasbourg et doit y demeurer. Suit une lettre du Général Duvignan, adressée au Général Laborde, commandant la 5e Division Militaire, dans laquelle il écrit : "... La 76e demi-brigade restera dans la place ..."; enfin il adresse la même information au Commissaire ordonnateur en Chef de l'Armée d'Helvétie, Rouhière ("L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France" – Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, MS 483/19).
Le 18 février 1798 (30 pluviôse an 6), le Général Schauenburg écrit au Général Sainte-Suzanne : "Les circonstances m'obligeant, dans le cas que les hostilités avec la Suisse devraient commencer que je dégarnisse le pays depuis Huningue jusqu'à Lauffon pour porter les troupes qui l'occupent sur les points qui me sont indiqués par mes instructions, et cette partie du pays étant frontière des cantons de Soleure, je crois devoir vous en prévenir, général, afin que vous puissiez prendre vos mesures de précaution et faire remplacer les troupes auxquelles je serai forcé de donner une autre destination. Je serais charmé que la 76e demi-brigade fut chargée de partir sur ces points. Mais ne sachant pas le moment où les opérations doivent commencer, il serait nécessaire, général, qu'une des demi-brigades qui se trouvent à Huningue eût ordre en attendant de se tenir prête à faire ce mouvement aussitôt que les circonstances l'exigeront"
Le 18 février 1798 (1er ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Bienne au Commandant de Huningue : "Commandé de faire occuper Reinach, Esch et Grellingen par le premier bataillon de la 76e 1/2 brigade, et de réunir les autres bataillons aux environs de Huningue" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/99).
Le même jour, il écrit également "Au général Nouvion et au général Ste Suzanne
Pour les prévenir de l'ordre donné au commandant de Huningue pour les mouvements de la 76e" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/100).
A la fin de Pluviôse (février 1798), deux Divisions françaises entrent en Suisse. La première, sous le Général Ménard, passe les Alpes et vient camper à Carouge. La deuxième, commandée par le Général Schauenbourg, est tirée de l'Armée d'Allemagne.
La 76e Demi-brigade (en fait les deux premiers Bataillons partis de Strasbourg en Pluviôse avec un effectif total d'environ 1500 hommes; le 3e Bataillon de la 76e, à l'effectif de 681 hommes, se met en route dans le courant de Ventôse, pour rejoindre les deux autres. Le dépôt (136 hommes) reste provisoirement à Molsheim) fait partie de la Brigade de gauche de la Division Schauenbourg tirée de l'ancienne Armée d'Allemagne, qui se met en observation dans l'Erquel aux environs de Bâle.
Le 22 février 1798 (4 ventôse an 6), Schauenburg écrit au Général Nouvion : "Mon intention n'a jamais été, Général, d'entre mêler les corps dans les cantonnements, et vous placerez la 97e et 76e de manière à ce que cela n'ait pas lieu ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 482/17).
Le 23 février 1798 (5 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit au Général Nouvion : "Vous voudrez bien, général, au reçu de la présente, envoyer des ordres à l'adjudant-général Bonami (qui d'après mes ordres doit déjà être à Reinach) d'aller ou d'envoyer un officier pour réunir de suite la 76e pour être répartie dans les cantonnements suivants ayant sa droite appuyée à Lauffon et sa gauche à Arlesheim. Vous ferez appuyer à droite la 97e. Vous m'informerez de suite des dispositions que vous aurez prises à cet égard" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/121).
Le même jour, le Général Schauenburg écrit au citoyen Mengaud, Ambassadeur : "Pour bien remplir vos intentions, relativement aux inquiétudes que vous désirez donner au canton de Berne et appuyer efficacement les dispositions que j'ai faites afin d'attaquer vigoureusement lorsque j'en recevrai l'ordre, je viens d'ordonner au général Nouvion de faire appuyer jusqu'à Laufon la 76e demi-brigade que j'avais demandée au commandant d'Hu ningue comme réserve dans le cantonnement de Reinach et villages en arrière de cette posi tion. L'on m'a dit que la 68e demi-brigade est à Huningue et environs . Je pense qu'il serait bien avantageux pour la sûreté de l'exécution de mes projets, et pour remplir votre but, de faire passer la 68e dans les cantonnements que je viens d'indiquer à la 76e, mais comme je n'ai point de pouvoir au delà du corps d'armée que je commande et qu'une réquisition de v otre part au général commandant la 5e division militaire à Strasbourg opérerait le résultat avantageux, il est nécessaire que vous veuillez bien lui adresser de suite un courrier, pour lui demander de mettre ces deux corps à ma disposition et en même temps de faire connaître cette demande aux commandants d'Huningue et Neufbrisach et que l'on remplace ce corps p ar ceux les plus voisins de ces 2 places afin que le mouvement s'exécute plus rapidement ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/122).
Le 24 février 1798 (6 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Bienne au commandant d'Huningue : "Vous voudrez bien, citoyen, me faire savoir par la voie la plus prompte l'arrivée des 2e et 3e bataillon de la 76e demi-brigade. Aussitôt que le 2e sera arrivé, il occupera les cantonnements du premier qui appuiera à droite et ainsi de suite. Vous en donnerez aussi avis à l'adjudant-général Bonnami, qui est à Reinach et est chargé de la répartition de ces corps dans les différents cantonnements ... " (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 483/36).
Le 26 février (8 ventôse an 6), le Général Schauenburg prépare une lettre à destination du citoyen Marulaz, Chef d'Escadron du 8e Hussards, lettre cependant entièrement biffée : "Vous ferez de suite, citoyen chef, de concert avec le chef du premier bataillon de la 76e, les dispositions nécessaires pour la marche le 10 [28.02.1798] au matin par le poste de Brislach à Thierstein et donnez des vivres à ... dans cette partie et vous y jetterez aussi loin que votre prudence vous guidera. Il faudra vous concerter avec le chef de bataillon de la 76e de manière à réunir une force suffisante pour vous secourir réciproquement.
Le but de cette manœuvre étant de jeter l'alarme dans les communications de Thierstein , Beinweil [Beinwil]- Mimeswyl [Mümliswil] tandis qu'une de nos colonnes qui d ébouchera par le poste de St-Joseph [Gansbrunnen] situé dans le val de Grandval doit se porter sur Weissenstein" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/ 136).
Suit une 2e lettre, datée du même jour, beaucoup plus complète : "Au citoyen Marullaz, chef d'escadron commandant le 8ème Régiment d'hussards.
Vous vous concerterez de suite, citoyen avec le chef de bataillon de la 76e cantonné dans vos env irons, pour déboucher le 10 au matin [28.02.1798] par le poste de Brislaez [Brislach] sur Thierstein. Vous vous jetterez en avant autant que vous croirez le pouvoir sans vous compromettre. Le but de ce mouvement sera de donner des vives inquiétudes sur la communication de Thierstein, Misseville [Ramiswil?] et Benviller [Beinwil]. Vous tenterez de vous porter par Bastals [Balsthal] sur Matzendorf, d'où vous tâcherez de vous lier à une colonne qui aura débouché par St. Joseph [Gansbrunnen] dans le val de Grandval, sur Weissenstein et Oberdorf. Cette colonne sera commandée par l'adjudant général Bonamie. Il aura à ses ordres l'escadron de votre régiment cantonné jusqu'à présent à Délémont. C'est par vos hussards et ceux du citoyen Bonamie que vous tâcherez de faire communiquer ces deux colonnes si toutefois vous croyez le pouvoir faire sans trop vous aventurer. Vous n'agirez hostilement contre les paysans et les troupes armées qu'autant qu'elles s'opposeraient à votre passage. Mais vous vous tiendrez toujours en mesure contre eux et vos troupes à portée de se réunir.
Vous ferez en sorte de détacher les paysans de leur gouvernement. Vous assurerez protection à tous ceux qui ne prendront pas les armes et vous maintiendrez vos troupes en bonne discipline de manière à ne pas/point exaspérer les habitants contre vous. Si ces troupes de pa ysans se portaient au pillage des chevaux, vous empêcherez vos troupes d'y prendre part. Vous attendrez un nouvel ordre de ma part pour exécuter le mouvement ci-dessus. Mais vous ferez toutes vos dispositions de manière à l'exécuter au premier signal que je vous en donnerai" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/ 146 , MS 481/20).
Le 27 février 1798 (9 ventôse an 6), Schauenburg écrit à l'adjudant-général Bonamie pour lui faire part de ses instructions; la partie de sa lettre qui suit est biffée : "... Vous ne ferez votre attaque qu'au point du jour ; à moins que le feu de notre attaque vous apprenne plus tôt qu'elle est commencée. Je vous recommande de m'envoyer de vos nouvelles au plus tôt que vous pourrez communiquer avec Reiben ou Perle. Les 300 hommes qui sont à Delémont sont nécessaires à la défense de ce poste. Tout ce qui est arrivé de la 76e est aux ordres du citoyen Marullat. Il s'approchera de [illisible] autant qu'il croira pouvoir faire sans se compromettre ...". Dans le reste de la lettre, non biffé, on peut lire : "... Le citoyen Marullat va recevoir l'ordre de se porter à Délémont avec une partie des troupes qui sont à sa disposition. Il sera chargé de garder ces débouchés ainsi que ceux de Thierstein ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/163, MS 481/31).
Le même jour, Schauenburg écrit à Marulaz : "Le chef d'escadron Marullat sera chargé de la défense du passage de Thierstein sur Brislach, il laissera là 3 compagnies de la 76e. Les deux autres seront portées vers Mervelier, avec une autre qui doit lui arriver de Porrentruy ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/165).
De leur côté les Vaudois, secondés par les cantons allemands, s'insurgent contre les Bernois; mais ces derniers réunissent une armée de vingt mille hommes partagée en trois corps et s'établissent sur la ligne de l'Aar, observant les Français. L'assassinat d'un parlementaire français est le signal des hostilités.
Le 2 mars 1798 (13 Ventôse an VI), les troupes françaises s'ébranlent; la Division Schauenbourg enlève Soleure et se rend maîtresse de la ligne de l'Aar, tandis que Brune, avec l'autre Division, venue d'Italie, s'empare de Fribourg. Les Bernois sous le Général suisse d'Erlach se replient sur leur capitale, mais la troupe masacre ses Officiers et une partie se débande.
Le 3 mars 1798 (13 ventôse an 6), Schauenburg écrit à l'Adjudant-général Bonnami : "Vous voudrez bien, citoyen adjudant-général, me rendre compte exact par le retour de cette ordonnance de la position des troupes que je vous ai confiées. Vous m'informerez si les bataillons sont réunis et si le chef d'escadron Marullat s'est joint à vous avec son régiment et la portion des bataillons de la 76e. Je vous préviens que cette réponse ne doit éprouver aucun retard" L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 482/27.
Le 5 mars, Brune et Schauenbourg attaquent simultanément les Suisses. Schauenbourg, après avoir battu l'ennemi à Fraubrunnen, entre à Berne. Les Bernois et les cantons qui avaient pris les armes avec eux font alors leur soumission, à l'exclusion de ceux de Glaris, d'Uri, de Zug et de Schwitz, qui restent en insurrection. Schauenbourg, ne voulant pas les réduire d'abord par la force, se borne à les mettre en quarantaine en les entourant d'un cordon de troupes.
Le 7 mars 1798 (17 ventôse an 6), Schauenburg écrit depuis Berne au Général Brune : "... La garnison de Berne, est en ce moment composée de 3 bataillons, savoir, le 1er de la 76e, le 1er de la 14e légère et le 1er de la 89e. Les ordres sont donnés pour qu'ils soient casernés. Le reste des troupes n'entrera pas en cantonnement. Il restera au bivouac jusqu'à nouvel ordre. J'ai également rempli vos intentions en félicitant les braves de l'armée du Rhin de se trouver réunis à ceux d'Italie pour la gloire de la République ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/208 – MS 481/50).
Le 13 mars 1798 (23 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Soleure au Général Brune : "... Pour soulager les communes du canton de Soleure, j'ai fait passer les deux bataillons de la 76e aux environs de Lentzbourg sur la rive droite de l'Aar" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/237).
Le même jour, le Général Schauenburg écrit depuis Soleure au Général Nouvion : "Vous voudrez bien, Général, donner ordre de suite aux quatre dernières compagnies du 2e bataillon de la 76e demi-brigade de se rendre demain à Zwingen où ils attendront des ordres ultérieurs que je leur ferai parvenir par un officier de mon état-major.
Et ne devra pas empêcher, général, celui des cinq premières compagnies sur Lentzbourg.
Les troupes que vous ferez réunir à Zwingen sont destinées à nettoyer la partie du canton de Soleure qui avoisine Landscron des émigrés qui s'y trouvent. Après l'expédition, elles rentreront à leur bataillon" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/239).
Enfin, dans une 3e lettre, toujours en date du 13, le Général Schauenburg écrit au Commandant du 2e Bataillon de la 76ème de Ligne : "Le Directoire exécutif a des sujets de plainte contre les moines de l'abbaye de Notre-Dame de la Pierre, dite Maria-Stein, située dans la partie du canton de Soleure voisine de Landseron. Le territoire de cette abbaye est un repaire des émigrés et des prêtres réfractaires.
D'après les ordres que j'ai reçus, je vous charge citoyen chef, de faire évacuer cette abbaye par tous les moines qui la composent et de les faire transporter dans l'intérieur de la Suisse. Vous leur déclarerez que ceux qui rentreront dans leur abbaye ou qui seront trouvés sur le territoire français, seront traités comme espions. Vous mettrez tout ce qui se trouvera dans cette abbaye et qui en seront la propriété sous les scellés. Vous en confierez la garde à un détachement de la 68e demi-brigade qui vous sera envoyé par le commandant de Huningue.
J'ai mandé au général Nouvion de faire réunir à Zwingen demain quatre compagnies de votre bataillon à la tête desquelles vous marcherez contre cette abbaye. Vous leur ferez observer la discipline la plus sévère et vous éviterez d'employer la voix des armes s'il y a moyen de terminer l'affaire autrement.
Après l'expédition vous rejoindrez avec les quatre compagnies le restant de votre bataillon aux environs de Lentzbourg.
Rappelez à vos troupes, citoyen chef, que cette expédition n'est dirigée que contre l'abbaye de Maria Stein et que les propriétés des communes environnantes doivent être respectées par elles.
Les biens de l'abbaye deviendront une propriété nationale, ou celle du pays qui nous accueillis. Que vos troupes se contentent d'en tirer leur subsistance le temps qu'elles emploieront à cette expédition. Vous serez responsable que le reste soit intact et que les fournitures que vous en exigerez soient faites régulièrement.
Je crois inutile de vous donner aucune instruction sur les dispositions militaires. Les circonstances vous les dicteront. Soyez toujours prêt à vous défendre contre les habitants, s'ils se portaient à la défense de l'abbaye.
Vous me rendrez compte par écrit de votre opération" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/239).
Le 15 mars 1798 (25 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Berne au Citoyen Mengaud : "Annoncé l'arrêté du Directoire qui [nomme] le général au commandement en chef et la suspension du départ du général Brune jusqu'au nouvel ordre du Directoire, le prochain retour à Soleure et l'expédition de Mariastein pour laquelle il a été donné des ordres au chef du 2e bataillon de la 76e" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/249).
Le 16 mars 1798 (26 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Berne au Citoyen Mengaud : "... Quant à la demande que vous me faites de laisser dans les cantonnements de Dornach, Reinach et Thierstein le 2e bataillon de la 76e demi-brigade, je vous observe que ce bataillon se porte en avant de cette position et n'est pas à Reinach comme on vous l'a dit. Il vous sera facile de faire garder les magasins qui peuvent se trouver dans les environs par de faibles détachements de la garnison d'Huningue ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/252 - MS 481/62).
Une analyse de la correspondance du ministre, bureau du mouvement en date du 17 mars 1798 (27 ventôse an 6) indique que le Général Schauenburg "a reçu deux bataillons de renfort de la 76e demi-brigade tirée de la 5e division" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – SHAT , B 13 201).
Le 19 mars 1798 (29 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Soleure au Citoyen Mengaud : "Le départ prochain des troupes de l'armée d'Italie m'empêche de laisser sur les derrières aucune partie de celles de ma division. J'ai donné ordre au 2e bataillon de la 76e de laisser quelques détachements à Reinach et environs et de rejoindre le reste de sa demi-brigade. Vous voudrez bien demander au commandant de Huningue de faire relever ces détachements par la garnison de cette place. La faiblesse de la 76e exige qu'elle soit réunie. Je vous préviens d'ailleurs que le chef de bataillon sera puni pour s'être laissé détourner d'exécuter l'ordre qu'il avait reçu de moi" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/271).
Le même jour (19 mars 1798 - 29 ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit depuis Soleure au Commandant du 2e Bataillon de la 76e de Ligne : "Le général de division Schauenburg ordonne au 2e bataillon de la 76e de partir de suite de ses cantonnements pour se rendre dans ceux qui lui ont été assignés par l'ordre du 23 ventôse [13.03.1798]. Le commandant de ce bataillon laissera quelques détachements aux environs de Reinach pour la garde des châteaux et magasins situés sur le territoire de ces communes. Ces détachements le rejoindront aussitôt qu'ils seront relevés. Il me rendra compte de la rentrée de ces détachements" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/272).
Dans une 3e lettre, adressée cette fois-ci au Citoyen Gorée, Chef de la 76e de Ligne, à Brisach : "Les 1er et 2e bataillons de votre demi-brigade sont compris dans la force de l'armée en Suisse et y toucheront leur solde dès que le conseil d'administration leur aura envoyé un livret. Ces deux bataillons réunis, votre présence y serait nécessaire. Vous voudrez en faire la demande au général Ste-Suzanne. Ils sont cantonnés aux environs de Lentzbourg dans l'Argovie" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/273).
Enfin, dans une 4e lettre, à nouveau adressée au Commandant du 2e Bataillon de la 76e de Ligne : "Ordonné au 2e bataillon de la 76e de quitter ses anciens cantonnements pour se rendre dans ceux entre Lentzbourg et Bruck dont la lere ville formera le point central" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/273).
Le 20 mars 1798 (30 ventôse an 6), un rapport du Ministre de la Guerre, adressé depuis Paris au Directeurs exécutifs, indique que la 76e à l'Armée d'Helvétie compte 1500 hommes présents sous les armes (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – ANP, AFIII 149/699/52).
Le 25 mars 1798 (5 germinal an 6), le Général Schauenburg écrit au Général Sainte-Suzanne, commandant de la 5e Division militaire : "La 89e demi-brigade part le 6 de ce mois [26.03.1798] pour l'armée d'Angleterre. Le départ de ce corps au moment de celui de la division du général Brune, dégarnit le pays que doit occuper l'armée et me force de vous répéter la demande que je vous ai faite de la réunion du 3e bataillon de la 76e aux deux premiers de ce corps.
Veuillez, général, donner ordre à ce bataillon de se mettre en route sans délai pour se rendre à Soleure par [biffé : Vallenberg et Balsthal] Reinach et Thierstein. Je vous prie de me faire prévenir de l'arrivée de ce corps à Soleure [biffé : et de prévenir pareillement de son arrivée la comm ... ].
Je préviens le Ministre de la guerre de ma demande" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/296).
Les "Relevés décadaires des mouvements; 2e Division, Bureau du mouvement" établis pour la "3e décade du mois de germinal l'an 6 [10.04- 19.04.1798]" indiquent : "... bat III/76, sans délai de Strasbourg à Berne incessamment pour remplacer dans la Suisse un autre bataillon qui a été dirigé sur Lyon ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – SHAT, B 13 250 Armée de Terre).
Les "Registres du mouvement", portant "Mentions de mouvements des troupes engagées en Suisse" pour le mois de Germinal, indiquent à la date du 28 avril 1798 (29 germinal an 6) : "... Le 3e bataillon de la 76e demi-brigade, de Strasbourg sans délai sur Berne. Ce bataillon remplace dans la Suisse un autre bataillon qui a été dirigé Lyon ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – SHAT, B 13 238/239 ; Des copies de ces mouvements figurent dans les ANP, AFIII, 148b-150a).
Les renforts reçus à Berne par la 76e portent l'effectif à 2793 hommes, le 20 avril (1er Floréal). Cependant, les montagnards des cantons rebelles, fanatisés par leurs prêtres et les émigrés, attaquent Lucerne et mettent cette ville au pillage. Le Général Schauenbourg décide alors de marcher contre eux. Ils opposèrent aux Français la résistance la plus opiniâtre. La 76e se distingue particulièrement dans le combat du 30 avril (11 Floréal ) à Richterswyl, sur les bords du lac de Zurich. Le Commandant Pierre Augustin Lenud y "soutînt avec une partie de son bataillon l'attaque de 4000 Suisses et réussit à se maintenir dans une position désavantageuse. Le Lieutenant Guillaume Creté "se fit remarquer par sa bravoure". Le Fusilier Michel Lévêque (Né à Mayenne (Mayenne). Son nom figure sur les tables du temple de la Gloire) "fut tué en sautant sur une pièce de canon dont il voulait s'emparer". Au nombre des blessés figurent le Lieutenant Mathieu Charles François Salmon, le Sous-lieutenant Sébastien Lancereau et le Sergent-major Quoniam.
L'Adjudant-général Fressinet écrit, de Zurich, le 19 Floréal an 6 (8 mai 1798), à Mangourit : "Le 10 du courant [29 avril], à 10 heures du soir, je reçus ordre du général Schauenburg de me porter aux avant-postes d'une petite colonne qui se trouvait sur la rive gauche du lac de Zurich. Je partis aussitôt avec mes adjoints et arrivai, à deux heures du matin, au village de Richterswil ; tout était tranquille ; l'ennemi très près, nous dominant de toutes parts, paraissait nous observer et vouloir former un camp sur une hauteur où nous devions avoir au moins une grand-garde ; au jour, lorsque j'eus bien reconnu cette position, j'ordonnai au chef de bataillon Lenud, de la 76e demi-brigade, d'y envoyer 80 hommes pour s'en emparer.
Le combat le plus terrible s'engagea, et l'ennemi disputa longtemps son terrain. Je fus de suite attaqué par ma gauche, sur le bord du lac, par une forte colonne avec du canon ; je me portai à sa rencontre, et lui opposai une pièce de 8 d'artillerie légère, qui fit le meilleur effet.
Le combat continuait toujours sur la hauteur ; l'ennemi avait reçu d'autres forces ; j'ordonnai à nos troupes de venir s'appuyer sur le village. Là, j'avais une très petite réserve que j'avais embusquée, avec une pièce de canon de 4. Nos soldats se rallièrent à elle et attendirent l'ennemi qui s'avançait de pied ferme : nous le reçûmes à six pas par une décharge de mousqueterie et d'artillerie, qui porta la mort dans tous ses rangs. Dans cet instant, il m'arriva un renfort de quatre compagnies, toujours de la 76e demi-brigade, dont une de grenadiers ; aussitôt, je fis battre la charge, et la baïonnette en avant, nous regagnâmes bientôt le terrain que nous avions perdu : l'ennemi fut poursuivi assez loin, il fuit de tous côtés. Il était deux heures de l'après-midi, nous combattions depuis huit heures du matin, tout le monde était harassé de fatigue. La perte de l'ennemi a été terrible, plus de trois cents sont restés sur le champ de bataille ; et de l'aveu de leurs officiers, il y en a eu bien davantage de blessés. Je n'ai eu que 13 compagnies qui ont combattu plus de 5000 hommes. Nos troupes en général se sont conduites avec le plus grand courage ; depuis la guerre, jamais on n'a vu déployer plus de valeur ; officiers comme soldats ont combattu comme des lions.
Nous marchâmes le 14 sur Notre-Dame des Ermites ou Einsiedeln ; je me suis saisi de la Vierge miraculeuse et l'ai fait mener au général Schauenburg qui, de suite, l'a fait partir pour Paris. Elle était pauvre, les moines l'avaient dépouillée, en partant, de tous ses bijoux et ne lui ont laissé que ce qu'ils n'ont pas pu emporter. Tu es sûrement instruit que le canton de Saint-Gall était récalcitrant, et dans ce moment il a fait, comme les autres, sa paix.
Ces Suisses fanatisés étaient durs à combattre ; ils ont été braves comme des Césars. C'est M. de Paravicini qui était leur général ; il reçut une balle dans la main. Il y eut un de leurs drapeaux sous lequel ils ont perdu trois officiers. Ils avaient résolu de nous faire retourner à Zurich, mais, comme vous savez, nous ne faisons pas retraite facilement.
P. S. Après le combat, quatre cantons se séparèrent et retournèrent se garder respectivement chez eux, qui sont Glaris, Schwyz, Appenzell et Uri, et de là envoyèrent des députés pour traiter de la paix, en acceptant la constitution" (in : Documents pour servir à l'histoire de la révolution valaisanne de 1798, publiés par André DONNET, II, Documents relatifs à l'activité de Mangourit, résident de la République française en Valais (16 novembre 1797 - 25 juin 1798) - Publ. dans Le Rédacteur, n° 889, du 4 prairial an 6 [23 mai 1798], p. 1.).
Deux jours après, dans l'engagement du 2 mai (13 Floréal), contre les insurgés de Schwitz, le Grenadier Philippe Geoffroy est tué "après avoir mis plusieurs rebelles hors de combat". Né à Brassy (Nièvre), Philippe Geoffroy, tout comme son frère Louis cité à Kehl le 10 décembre précédent, était considéré comme l'un des plus braves grenadiers de la 76e; son nom a été inscrit sur les tables du temple de la Gloire.
Les trois cantons rebelles ayant fait leur soumission, la Suisse est organisée comme la France, avec un Directoire et deux Conseils, sous le nom de République Helvétique.
Le 13 juillet 1798 [25 messidor an 6], un ordre du jour est établi au Quartier-général à Berne, dans lequel il est indiqué : "Le premier conseil de guerre de l'armée, séant à Zurich a ... dans la séance du 18 messidor [6 juillet 1798] condamné ... à six ans de fers le nommé Jean Dechaux, tambour à la 76e 1/2 brigade convaincu d'avoir volé de l'argent à son caporal ...
L’adjudant-général, chef de l'état-major. Signé: Rheinwald" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482 p.98).
Le 16 juillet 1798 (28 messidor an 6), un nouvel ordre du jour est établi au Quartier-général à Berne; il y est indiqué : "Le général en chef recommande expressément, outre les différents ordres qu'il a donnés relativement à l'habillement que les habits puissent être agrafés depuis les côtés jusqu'au milieu de la poitrine et tous les habits confectionnés déjà délivrés ont une longueur plus que suffisante. Il n'admettra aucune réclamation pour l'inexécution de cet ordre. Annonce de jugement Le premier conseil de guerre permanent de l'armée, séant à Zurich a dans sa séance du 21 messidor an 6e [9 juillet 1798] ... condamné à la peine de cinq ans de fers le nommé Nicolas François, fusilier à la 76e 1/2 brigade convaincu de désobéissance et d'insubordination ... L’adjudant-général, chef de l'état-major. Signé: Rheinwald" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482 p. 103).
Le même jour (16 juillet 1798 - 28 messidor an 6), le Général Schauenburg écrit : "Au Citoyen Gardia, chef de l'état-major d'artillerie.
Je ne vois, Citoyen, aucune difficulté à ce que vous fassiez incorporer dans la 20e compagnie du 5e régiment d'artillerie le Me Velebre, tambour de la 99e 1/2 brigade en subsistance dans la 76e 1/2. Vous communiquerez cette autorisation au chef de ce dernier corps.
Le chef de la 99e 1/2 brigade, à l'armée d'Italie, devra être prévenu de cette incorporation" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/746).
Le 25 juillet 1798 (7 Thermidor an 6), le Général Schauenburg écrit au Citoyen Schérer, Ministre de la Guerre : "Citoyen Ministre,
Le citoyen Camus, chef de brigade à la suite de la 76e ½ brigade et résidant depuis quelque temps dans ses foyers, vient de rejoindre le corps, d'après une autorisation qu'il a reçu de vous.
Le conseil d'administration lui a objecté les dispositions de l'arrêté du Directoire exécutif en date du 27 germinal dernier (16 avril 1798), lequel maintient dans les armées actives les chefs de brigade et de bataillon surnuméraires qui s'y trouvaient à cette époque mais défend d'en admettre d'autres, à moins qu'ils ne soient appelés pour remplir les emplois vacants de leur grade auxquels ils auraient [mot biffé : droit] été nommés par le gouvernement.
Le citoyen Camus m'a fait part du refus que faisait le conseil de l'admettre en m'observant que l'arrêté du Directoire n'est parvenu au corps que postérieurement à son départ pour la Suisse et que l'envoi de l'état prescrit par cet arrêté n'a eu lieu que quelques jours après son arrivée. Il m'est représenté en même temps qu'un nouveau déplacement augmenterait encore les frais déjà considérables de son voyage. Enfin, il m'a cité l'ordre verbal que vous lui aviez donné sur sa demande de rejoindre la 76e à l'armée.
D'après ces divers motifs, j'ai cru pouvoir l'autoriser à rester provisoirement à la suite de cette demi-brigade en les prévenant que je vous en rendrai compte et vous prierai de prononcer définitivement sur sa réclamation" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/797).
Le même jour (25 juillet 1798- 7 Thermidor, an 6), le Général Schauenburg écrit au Citoyen Goré, chef de la 76e Demi-brigade : "Le chef de Brigade Camus m'a fait part, mon cher Goré, du refus qu'a fait le Conseil d'administration de l'admettre et de le comprendre sur les états de revue, se fondant sur l'arrêté du 27 germinal (16 avril 1798] qui défend de recevoir jusqu'à nouvel ordre, les chefs de Brigades et de Bataillon surnuméraires résidant dans leurs foyers.
Le citoyen Camus observe que cet arrêté ne vous est parvenu que postérieurement à son départ pour la Suisse et que vous n'avez envoyé que plusieurs jours après son arrivée l'état dont la formation est prescrit par ledit arrêté. L’objection ne serait pas suffisante, s'il n'y joint l'ordre qu'il a reçu du Ministre de la guerre pour rejoindre la 76e à l'armée.
D'après cette considération et ayant égard aux frais que son déplacement a causé, je l'autorise à rester à la suite du corps et à y recevoir le traitement de son grade d'activité jusqu'à ce que le Ministre, auquel j'ai rendu compte de cette disposition, l'ait confirmé.
Comme vous m'avez témoigné plusieurs fois le désir d'être débarrassé des fonctions de commandant de place pour vaquer tout entier à celle de la police et à l'administration de votre corps, je donne au citoyen Camus le commandement de la place de Zurich et vous lui transmettrez les instructions que vous avez reçu.
Je vous rappelle l'invitation que je vous ai faite de me rendre compte des progrès de la confection de votre habillement" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/799).
L'Ordre du jour, établi au Quartier général à Berne, et daté du 27 juillet 1798 (9 thermidor an 6), relate : "... Le premier Conseil de l'armée séant à Zurich a dans sa séance du 3e [thermidor, 21 juillet 1798] ... condamné à la peine de deux ans de fers, les nommés Joseph Boucher, Pierre Berhéret, André Moreaux, Victor Lécluse et Louis Boucher, fusiliers à la 76e demi-brigade, à six mois de prison le nommé Mathurin Lebert, fusilier au même corps, le conseil s'étant déterminé pour la peine la plus douce en sa faveur, a condamné par contumace à la peine de 5 ans de fers le nommé Pierre Feuillard, tambour à la même demi-brigade, tous ces militaires convaincus de vol, de voies de fait et de désobéissance. Le nommé Feuillard convaincu en outre de désertion à l'intérieur.
L’adjudant-général, chef de l'état-major Signé : Rheinwald" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482 p. 110-111).
Le 28 juillet 1798 (10 thermidor an 6), Le Général Schauneburg écrit au Citoyen Schérer Ministre de la Guerre : "Citoyen ministre,
D'après ce que vous me mandiez par votre lettre du 9 messidor [27 juin 1798] au sujet du retard qu'a apporté la 76e ½ brigade à vous faire parvenir les contrôles particuliers des bataillons et ½ brigades qui sont entrés dans sa composition, j'ai ordonné au chef de ce corps de veiller à ce que cet envoi vous soit fait sans délai. Il me mande par sa lettre du 4 du courant [22 juillet 1798], que le même
jour il vous les a adressés.
Voilà, Citoyen ministre, le résultat des ordres que j'ai donnés à ce sujet et dont vous avez désiré d'être informé" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/805).
Le 29 juillet 1798 (11 thermidor an 6), le Général Schaenburg écrit au Citoyen Schérer, Ministre de la Guerre : "Citoyen Ministre, j'ai reçu votre lettre du 5 de ce mois [23 juillet 1798], par laquelle vous m'informez que la 44e, 76e et la 106e ½ brigade de ligne, 5e et 20e légère n'ont point encore procédé à la nouvelle vérification des registres de matricule qui leur avait été ordonnée. J'avais cependant donné les ordres les plus précis pour l'exécution des dispositions prescrites par votre circulaire du 25 ventôse dernier [15 mars 1798) mais je vous observe que de ces 5 corps, la 76e seule avait à cette époque deux bataillons à l'armée d'Helvétie ...
Je vais néanmoins écrire de nouveau aux chefs de ces différents corps en leur ordonnant de procéder sans délai à une vérification qui intéresse aussi essentiellement la gloire et l'honneur de nos armées. Je leur prescrirai également de vous en adresser de suite le résultat" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/813).
Le 30 juillet 1798 (12 thermidor an 6), une Circulaire est adressée par le Général Schauenburg à différents Chefs de Brigades, dont celui de la 76e : "Circulaire aux chefs de la 44e, 76e et 106e ½ brigade et à celui de la 5e légère.
Le Ministre de la guerre vient de m'envoyer l'état des corps sous mes ordres qui n'ont pas encore satisfait à l'ordre qui leur a été donné de procéder à une nouvelle vérification des registres de matricule. J'ai vu avec surprise que la vôtre était de ce nombre. Je vous prie, Citoyen chef, de ne pas perdre de vue un objet aussi important puisqu'il a pour but de rechercher ceux de ces lâches émigrés, qui à l'aide de fausses inscriptions sur des registres de contrôle auraient pu obtenir leur rentrée sur le sol d'une patrie qu'ils ont si indignement trahie.
Vous voudrez bien, en m'accusant la réception de cette lettre, m'informer des dispositions que vous avez dû prendre pour remplir à cet égard les instructions du Gouvernement et me faire passer un double du compte que vous rendrez dans le plus court délai au Ministre de la guerre" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 475/817).
L'ordre du jour du 1er août 1798 (14 thermidor an 6), rédigé au Quartier-général à Berne, stipule : "Toute l'infanterie devra se tenir prête à marcher au premier ordre ; savoir :
Tous les chefs en pied, les adjudants et quartiers-maîtres.
Par compagnie de grenadiers : 3 officiers, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 caporal-fourrier, 8 caporaux, 2 tambours, 54 grenadiers ; total 70.
Par compagnie de fusiliers : 2 officiers, 1 sergent-major, 2 sergents, 1 caporal-fourrier, 4 caporaux, 1 tambour, 61 fusiliers ; total 70.
La demi-brigade sera composée de :
1 chef de brigade, 3 chefs de bataillon, 1 quartier-maître, 3 adjudants-majors, 57 officiers ; total 65.
27 sergents-majors, 60 sergents, 27 caporaux-fourriers, 120 caporaux, 30 tambours, 162 grenadiers, 1464 fusiliers ; total 1890.
Les corps devront conserver leurs cantonnements actuels. Ils répartiront dans chacun d'eux les hommes restants de manière à assurer leurs effets et la tranquillité des habitants et leur propre sûreté. Les chefs de corps désigneront un officier pour commander et surveiller les hommes restant dans les cantonnements et y laisseront un sous-officier intelligent pour remplir les fonctions de fourrier pour les distributions.
L’adjudant-général, chef de l'état-major général. Signé : Rheinwald" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482 p. 116-117).
Enfin un Traité d'alliance offensive et défensive est signé entre les deux Républiques, le 19 aoùt 1798. La 76e occupait pacifiquement Zurich depuis quatre mois, lorsque le petit canton d'Unterwald, poussé par les moines et les étrangers, se soulève à son tour, à l'occasion de la prestation du serment de fidélité à la nouvelle constitution suisse. La 76e revient alors vers le Sud et prend part en septembre au violent combat de Stanz où, suivant l'expression énergique du Capitaine Boillot, "l'insurrection fut étouffée dans le sang" (Campagne de 1799 en Suisse, p. 6). Il faut en effet incendier le bourg pour en chasser les insurgés. Cette répression par le fer et le feu, dit le même auteur, met la Suisse à la merci de la France. Le despotisme et les vexations des agents français contribuèrent puissamment à soulever les cantons. Le beau-père de Rewbel, Rapinat, faisait dire de lui : On ne sait si Rapinat vient de rapine ou rapine de Rapinat.
La 76e retourne à Zurich et y reste jusqu'en novembre 1798 (Brumaire an VII). Elle passe alors à la Division du centre et va à Schwitz; puis le mois suivant, revient à Zurich à la Division de gauche. Fin 1798, la 76e occupe le canton de Bellinzona.
De son côté, le dépôt de la 76e avait quitté Molsheim en décembre 1797 (Primaire an VI) pour se rendre à Wissembourg en Germinal, puis à Phalsbourg, au commencement de thermidor (juillet 1798). Il alla ensuite à Guebwiller, puis à Belfort, où nous le retrouverons à la fin de la campagne.
2/ Dans les Grisons
Le traité de Campé-Formio ne pouvait être qu'une trêve. Déjà l'Europe forme une nouvelle coalition et les hostilités vont bientôt recommencer. L'Autriche, à peine le traité signé, dirige vers le Rhin des renforts considérables de troupes. De son côté, le Directoire décide de réunir sur ce point trois armées, sous les ordres de Jourdan, de Bernadotte et de Masséna.
Le 21 Frimaire (11 décembre 1798), Masséna prend à Zurich le commandement de l'Armée d'Helvétie. Cette armée ne compte encore en infanterie que 12 Demi-brigades; la 76e compte dasn ses rangs 2509 hommes et Officiers (S. H. A. T. B2 339). "Mieux disciplinée que l'armée d'Italie, écrit Masséna dans ses Mémoires (T. II, p. 72), elle s'était toujours distinguée par le respect dés propriétés, et si la misère avait, dans quelques circonstances, poussé le soldat à des actes de violence, on l'avait vu, le plus souvent partager sa faible ration avec les pauvres habitants des montagnes". Masséna organise l'Armée d'Helvétie et prend ses dispositions en vue de l'attaque des Grisons que les Autrichiens occupaient depuis le mois d'octobre 1798. Entre temps, le 15 décembre, Jourdan, arrive sur le Rhin et prend le commandement en chef des trois armées destinées à se réunir sur le Rhin. Il donne de suite ses instructions pour l'entrée en campagne : pendant qu'avec l'Armée, dite du Danube, il doit pénétrer en Souabe, Masséna, à la tête de l'Armée d'Helvétie, doit passer le Rhin et marcher sur l'Inn et occuper Inspruck, tandis que sa droite s'emparera de la vallée du Haut Adige.
Masséna se rapproche donc du Rhin et porte son quartier général à Azmoos : la 76e fait partie de la Brigade Desmont (originaire des Grisons) de la Division Mesnard. Le 20 février 1799, le Directoire dénonce à l'Europe les agissements des Empereurs d'Autriche et de Russie, en ajoutant qu'il les considère comme une déclaration de guerre. Le 1er mars, le mouvement général commence : Jourdan entre en Soube et s'arrête à Tuttlingen. Le 6 (16 Ventôse an VII ), vers six heures et demie du matin, Masséna somme le Général autrichien Auffenberg d'évacuer les Grisons dans les deux heures. "Je vous préviens en même temps, disait le Général en chef, que l'armée que j'ai l'honneur de commander marche sur le pays des Grison". La Brigade Desmont était, la veille, à Veltis. Le 16 Ventôse, de grand matin, elle s'avance vers le col de Kunkel et culbute les Autrichiens ainsi que les paysans qui se sont joints à eux. La 76e est chargée de l'attaque de la redoute de Tamins gardée par 200 hommes du Régiment de Brechainville. Le Sergent de Grenadiers Guillaume Bassas "entre le premier dans la redoute à la tête de ses hommes, prend deux pièces de canon et mitraille l'ennemi avec sa propre artillerie".
Né à Pézenas (Hérault) le 25 juillet 1775, s'est engagé au 9e Bataillon des Volontaires de Paris, le 1er octobre 1792, à la formation de ce Bataillon qui entra dans la composition de la 76e Demi-brigade. Il a fait les campagnes de 1792-1793 aux armées de Belgique et du Nord. Caporal le 1er Brumaire an II et Sergent le 8 floréal suivant, il sert successivement aux armées de Sambre et Meuse, de l'Océan, de Rhin et Moselle, d'Helvétie, du Danube et du Rhin, depuis l'an II jusqu'en l'an IX. A l'affaire de Tamins, le 6 mars 1799, étant à la tête des Grenadiers, il enlève une redoute, prend deux pièces de canon et mitraille l'ennemi avec sa propre artillerie. Au pont de Saint Martin, le 5 germinal suivant, il montre la même intrépidité et le même sang froid. Sergent major le 6 floréal an X, Bassas passe à l'armée de Hanovre et y sert avec distinction pendant les ans XI et XII. Il a reçu un sabre d'honneur le 9 mars 1802 (19 Ventôse an X). Promu Sous lieutenant le 5 fructidor an XIII et Lieutenant le 20 août 1808, il est nommé à la même date Porte-aigle au 76e. Envoyé à l'armée d'Espagne, il se signale de nouvea, est nommé Capitaine au corps, le 2 mars 1811, est blessé d'un coup de feu au pied gauche le 19 novembre 1813, et passe Chef de bataillon au 117e, le 16 décembre 1813. Il fut prématurément admis à la retraite le 14 décembre 1814. |
Pendant l'assaut, le Lieutenant Charles Girard reçoit un coup de feu à l'épaule gauche, et le Caporal de Grenadiers Joseph Leblanc (né à Paris en 1776, engagé volontaire le 29 juillet 1792, dans le 9e Bataillon des Fédérés) "tua un Autrichien qui mettait en joue le chef de brigade Gorée". Enhardi par l'heureux début de l'action, Leblanc, "devançant les autres grenadiers, s'empara d'un caisson, coupa les traits des chevaux et poursuivit les Autrichiens, le sabre à la main, jusqu'au pont de Reichenau; là, il les empêcha de se rallier en se précipitant seul sur eux et en les intimidant par des cris de : A moi, les camarades!". Les Autrichiens, se croyant suivis, prennent peur et se débandent. De nouveau, "il fond sur eux, sabre ceux qu'il rejoint et ne s'arrête qu'après les avoir tous mis en fuite". La Brigade Desmont pousse jusqu'à Reichenau, où se fait remarquer le Lieutenant Guillaume Creté, de la 76e. La Brigade s'empare des deux ponts du Rhin, puis marche sur Coire; mais elle ne peut dépasser Ems et doit revenir sur Reichenau. Cette journée laisse aux mains des Français 2 canons, 2 drapeaux et 300 prisonniers, parmi lesquels le Lieutenant-colonel de Brechainville.
Le lendemain, le Général Desmont envoie la 76e à Dissentis, pour y étouffer une insurrection naissante et y secourir la Brigade Loison. Le 9 mars (19 Ventôse), la Demi-brigade attaque vigoureusement le village : le Sergent-major Quoniam "est nommé sous-lieutenant sur le champ de bataille". Le Capitaine Francois Prévost reçoit un coup de feu à la tête; les Capitaines Jean Fermaud et Etienne Boquet, le Lieutenant élambert et le Sous-lieutenant Joseph Febvratte sont également blessés. Le Lieutenant Louis Sarazin reste pour mort sur le terrain; il avait reçu vingt-quatre blessures. La moitié du Régiment de Brechauwille, qui défendait le village, est capturé, tandis que l'on arrête les principaux insurgés et qu'on désarme la contrée.
Quelques jours après, à la suite d'un échec éprouvé par le Général Lecourbe (qui se dirigeait sur Glurus), le 17 mars, à Martinsbruck (Pont Saint Martin) dans l'Engadine, un Bataillon de la 76e est détaché de ce côté avec 5 Compagnies de Grenadiers et les Généraux Desmont et Loison avec ordre de s'emparer de Glurus, en combinant son mouvement avec le Général Dessoles. Depuis les derniers combats dans la vallée de l'Inn, les forces autrichiennes qui défendent le Tyrol ont été doublées et se montent à 19000 hommes. Les deux Divisions Lecourbe et Dessoles en comptent à peine 10000.
Le 25 mars, Lecourbe, avec les réserves, attaque Martinsbruck de front. La Brigade Loison, traversant des montagnes couvertes de neige et semées de précipices, prend à revers la redoute et le village de Nauders. Pendant ce temps, le Bataillon de la 76e, placé avec un Bataillon de la 38e, sous la conduite du Général Desmont, reçoit l'ordre de partir de Schleins le 25 mars (5 Germinal ), et de tourner Martinsbruck en se portant rapidement sur Funstermunz, afin de couper toute retraite à la garnison de Nauders qui va être attaquée par le Général Loison. "Les Autrichiens, dit Masséna dans ses Mémoires (T. II, p. 140), se défendirent (dans Nauders) jusqu'à l'arrivée des grenadiers des 38e et 76e, en face des retranchements; assaillis par cette troupe d'élite qui menaçait d'intercepter le chemin de Funstermunz, ils s'enfuirent dans cette direction". L'ennemi abandonne 2000 prisonniers, 12 canons, ses ambulances et ses magasins, sans compter les tués et les blessés. Le Sous-lieutenant Pierre Barba, de la 76e, se signale à l'attaque de Martinsbruck, ainsi que le Sergent Bassas, qui "montra dans cette affaire la même énergie et le même sang-froid que dans le combat de Tamins"; Le Lieutenant Jean Aulon "enleva 4 canons en marchant à la tète des grenadiers avec le sous-lieutenant Antoine Piquerel et 2 autres pièces sans le secours de ce dernier".
Le même jour, Dessoles entre à Glurus, et Jourdan, vaincu à Stockack, se retire sur la forêt Noire. Arrivé là, il donne sa démission. Masséna est nommé commandant en Chef de l'Armée d'Helvétie et du Danube.
L'intervention de la 76e a apporté la victoire. La réunion des Ligues grises à la République Helvétique, sanctionnée par les conseils législatifs, le 11 avril 1799, permet à Masséna de donner à ses troupes un peu de repos et de refondre son armée avec les éléments de l'Armée du Danube qui viennent d'être placés sous son commandement, ce qui porte ses effectifs à 9 Divisions. La 76e occupe Reichenau, puis Coire et passe à la Division Lecourbe (Brigade Loison).
3/ L'insurrection de Schwitz
Le canton de Schwitz avait été l'un des derniers à accepter l'intervention française dans les affaires helvétiques. Sa soumission n'avait jamais été bien sincère. Ce canton n'avait cessé d'être le refuge des mécontents. Contenu par la présence des troupes et la crainte de la répression, il profita des événements des Grisons pour s'insurger de nouveau.
La 76e détache alors son troisième Bataillon (793 hommes au 20 avril) dans le Muttenthal (Muota thal), afin de contraindre les rebelles. Une chaude affaire a lieu à Schönenbuch près de Schwitz, le 28 avril (9 Floréal). Les paysans sont complètement battus; mais la 76e fait de grandes pertes : les Capitaines François Bidelot, Jean-Baptiste Maugeure, Jacques Chevas restent sur le champ de bataille. L'Adjudant-major Augustin Bussot meurt des blessures qu'il a reçues au passage de la Muota; le Capitaine Jean-Baptiste Bise a reçu un coup de feu au bras gauche et reste estropié; le Lieutenant François Cassant est également blessé.
Le Général Soult arrive à Schwitz le 1er mai 1799 ; il raconte : "… Pendant la marche, j'éprouvai la satisfaction de voir les paysans venir en foule déposer leurs armes sur la route, offrir à ma troupe des rafraichissements et nous témoigner leur reconnaissance. A une lieue de Schwitz, je vis venir l'ancien landammann, le respectable Réding, avec plusieurs magistrats du canton. Lorsque l'insurrection avait éclaté, ils avaient fait tous leurs efforts pour s'opposer aux désordres, et ils étaient parvenus à sauver le restant de quatre compagnies de la 76e demi-brigade, qui se trouvaient alors à Schwitz. Ces compagnies avaient soutenu un combat, avaient perdu du monde, et elles eussent été entièrement détruites sans l'intervention de ces hommes généreux. Incertains encore de l'accueil que j'allais leur faire, les habitants de Schwitz eurent l'idée, en venant à ma rencontre, de se faire précéder par nos soldats qu'on venait de faire sortir de prison. Cette médiation n'était pas nécessaire; j'avais proclamé un pardon général, et j'aimais mieux oublier les injures passées que les venger. Mais je fus vivement touché de la conduite de nos braves soldats, dont plusieurs portaient la marque de leurs récentes blessures et qui n'en venaient pas moins intercéder pour leurs ennemis. J'éprouvai plus d'émotion encore, lorsque j'arrivai au milieu d'une population à laquelle étaient venus se joindre la plupart des habitants du canton. Je venais en libérateur et j'apportais la paix, la sécurité, l'oubli du passé, dans ce lieu où, quelques heures auparavant, régnaient les alarmes, l'anxiété, l'effroi de l'avenir. Le changement si rapide et si heureux qui se faisait dans la situation produisait une allégresse générale qui se traduisait par toute sorte de démonstrations …" (« Mémoires du Maréchal-général Soult », tome 2, p. 67).
Quatre jours après, donc le 2 mai, le 3e Bataillon de la 76e est envoyé à Fribourg pour se refaire (Division Ruby). Il a laissé à Schwitz 243 tués, blessés ou disparus. C'est dire l'opiniâtreté de la résistance dont il a triomphé.
4/ Le 2e bataillon de la 76e protège la retraite de Lecourbe par le Saint Gothard
Voici quelle est la situation de la 76e à la date du 4 mai 1799 : elle appartient à la droite de l'armée placée sous le commandement du Général Férino (aile droite de l'Armée du Danube), et fait partie de la 2e Division du Général Lecourbe, 2e Brigade commandée par le Général Desmont); son effectif à cette date est de 1965 hommes. Il y a par ailleurs, à la Division de l'intérieur de l'Helvétie (Général Nouvion) un Bataillon de la 76e fort de 815 hommes. La 2e Division a été chargée d'occuper le pays des Grisons jusqu'au Luciesteg.
Armée française du Danube (après l'absorption de l'Armée d'Helvétie), 4 mai 1799 (Nafziger - 799EAP et 799EMA) Commandant en chef : Général Masséna Seconde ligne de troupes : Sources : Gachot, E., "Les Campagnes de 1799, Jourdan en Allemagne et Brune en Hollande", 1906, Paris, Perrin et Cie. |
Mais revenons un peu en arrière. Masséna, profitant de l'espèce de suspension des hostilités qui va durer jusqu'aux premiers jours de mai, a pris des dispositions nécessaires pour une nouvelle campagne. Il fait fortifier Zurich qui doit lui servir de point de concentration en cas de retraite, et il ordonne à la Division Lecourbe de se retirer sur Ramis et Zernetz. La Brigade Dessoles, rappelée en Italie, ayant évacué la Valteline, la 76e (Division Lecourbe, Brigade Loison) y est détachée en avril pour couvrir le flanc droit de l'Armée d'Helvétie et relier ses opérations avec celles de l'Armée d'Italie, mais elle ne peut être là qu'en observation. Elle doit bientôt se replier devant des forces supérieures. Le 14 avril, elle arrive à Bellinzona sur le Tessin, lorsque Lecourbe reçoit l'ordre de Masséna de battre en retraite pour occuper le Saint-Gothard et défendre de ce côté l'entrée des Grisons en occupant le mont Furca et les passages qui conduisent aux Grisons. Par suite de la retraite de la Division Suchet sur Dissentis et Urseren, Lecourbe se trouve dans une position avancée très périlleuse, d'autant plus que sur les quatre Demi-brigades composant sa Division, il ne peut plus mettre en ligne que les 76e et 109e, les deux autres se trouvant réduites à leurs cadres par les combats de postes, les fatigues et les privations. Le Général Loison, chargé de couvrir la retraite, forme l'extrême arrière garde avec la 76e et quelques chasseurs français et cisalpins.
Le 9 mai, le Général Ney reçoit le commandement d'une partie des troupes de la Division Lecourbe. Le 10, Lecourbe fait savoir à Ney que la Division Soult vient de pousser une avant-garde, par le Saint-Gothard, à Airolo, près des sources du Tessin.
Par ordre du 12, signé Porson, Chef d'Etat-major de la Division Lecourbe, la Brigade de droite, commandée par le Général Loison, se compose de la 12e Demi-brigade légère, de la 76e Demi-brigade de ligne et du noyau (?) de la 6e, avec mission de couvrir avec une chaîne de postes les débouchés des montagnes comprises entre Roveredo et la rive orientale du lac Majeur vis-à-vis de Locarno.
La réserve (76e Demi-brigade) de cette Brigade doit se placer à Giubasco, au sud et non loin de Bellinzona (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome1).
Le mouvement rétrograde commençe le 21 mai (2 Prairial), en remontant le Tessin. La 76e ne se met en marche que le lendemain, marche pénible et périlleuse s'il en est. L'ennemi veut prévenir le passage du Saint Gothard; la marche de Lecourbe, nonobstant les embarras causés par la foule d'employés de l'armée d'Italie, de leurs femmes et de leurs enfants, est tellement rapide qu'il arrive avant l'ennemi.
La Demi-brigade et la Division arrivent à Airolo le 24 mai (5 Prairial); Loison, avec cinq Bataillons, est chargé de garder les débouchés de Dissentis et du Valais. A cet effet, le 2e Bataillon reste à Airolo avec son chef le Commandant Alexis Lovisi, "le brave Lovisi" comme l'appelle Masséna dans ses Mémoires (Tome III page 234). Un autre garde Vasen, trois autres restent à Urseren. Lecourbe poursuit et atteint Altorf le même jour.
Le 26 mai (7 prairial), le Sergent Trousseau, "chargé de fouiller un bois en avant Airolo, se trouva subitement isolé devant un parti ennemi. Sans perdre courage, quoique sans armes, il s'avança, se jeta sur la vedette, la força de le conduire oû était le poste, surprit celui-ci et ramena 5 prisonniers".
Né dans l'Yonne. Sergent à la 76e Demi-brigade. le 7 prairial an VII, ce Sous officier, chargé de fouiller un bois avec un détachement, se trouve subitement isolé et engagé dans un parti ennemi; ne perdant point courage, quoique sans armes, il s'avance, se jette sur la vedette, la force à le conduire où est le poste, qu'il surprend, et ramène cinq prisonniers. Il s'était déjà distingué en Vendée où il avait été nommé Sergent sur le champ de bataille. Cette belle conduite lui valut un sabre d'honneur (fusil d'honneur selon L. Landais) le 28 thermidor an X. Trosseau passe dans les Chasseurs à pied de la Garde des Consuls en 1803. Il est retraité en 1806 et se fixe à Auxerre où il est électeur d'arrondissement. |
Le lendemain dès 3 heures du matin, la grand'garde placée au sud d'Airolo, en avant du défilé de la Piota, est attaquée par l'avant-garde du Prince de Rohan. Après une heure de lutte, elle se replie sur le Bataillon qui, lui-même, devant des forces trop supérieures, se met en retraite. Cependant, les Autrichiens enhardis veulent serrer les Français de trop près. Le Commandant Lovisi passe d'abord le Tessin de sa personne "avec 3 chasseurs seulement, en face d'une patrouille ennemie, fait 30 prisonniers et occupe une position d'où il protège la construction d'un petit pont; puis, comme le gros de l'avant garde autrichienne se rapproche toujours, il prend avec lui 4 chasseurs à cheval et une soixantaine de grenadiers commandés par les lieutenants Poulet et d'Aiguebelle, et fonçant avec eux sur l'ennemi, le chasse de la position qu'il occupe et s'y maintient, le temps nécessaire à l'écoulement de la colonne". Dans ce brillant retour offensif, le Grenadier Barthélemy Bassas (né à Pézenas (Hérault), comme son frère, le Sergent Guillaume Bassas, qui devint chef de bataillon) "montra la plus rare intrépidité. Blessé après avoir fait des prodiges de valeur, il se précipita avec furie dans les rangs ennemis, fit 15 prisonniers, les ramena, courut affronter de nouveaux périls, fit encore des prisonniers, revint une troisième fois à la charge et fut foudroyé par la mitraille en fonçant sur une pièce de canon". Dans ce même combat, le Sous-lieutenant Louis Faillet est tué, le Capitaine étienne Antoine Martouzet reçoit un coup de sabre à la main droite, le Lieutenant Rispaud d'Aiguebelle reçoit 2 balles. Les Lieutenants Majau et Cassant, et les Sous-lieutenants Camille Bernard, Jean-Baptiste Selter et Jean Gibon sont également blessés. L'ennemi est refoulé sur la Piota.
Le jour suivant, 9 Prairial (28 mai), les impériaux, au nombre de 8000, renouvellent leur attaque. Le Capitaine François Prévost "s'est particulièrement distingué à la retraite d'Airolo en soutenant avec 50 hommes l'attaque de 500 Autrichiens". Cependant le Bataillon Lovisi, bien que renforcé par cinq Compagnies, tourné à droite et à gauche par l'ennemi, est obligé de se replier sur le Saint-Gothard. Parvenu à l'hôpital, Lovisi n'y trouve pas les cinq Compagnies qui devaient l'y recueillir, de sorte qu'il est obligé de continuer sa marche sur le pont du Diable, où il rencontre l'enemi en bataille lui fermant la retraite. Sommé de se rendre, il s'ouvre un passage à la baïonnette avec la tête de sa colonne; mais l'ennemi se reforme et deux Compagnies restées en arrière sont contrainte de mettre bas les armes. Signalons le Capitaine François Rouaud qui, au passage de la Roche Percée (c'est le nom que donnent les soldats à ce qu'on appelle ordinairement Trou d'Uri, grotte étroite, longue d'environ 300 mètres, située près du pont du Diable, sur la rive droite), "soutint la retraite avec 2 officiers et 15 hommes en restant de pied ferme sous le feu de l'ennemi, malgré les rochers qu'on faisait rouler sur eux".
"Rohan, dit Masséna dans ses Mémoires (T. III, p. 233), savait de la veille à qui il avait affaire. Il prit donc ses précautions comme s'il devait combattre des forces égales aux siennes". Le 10 Prairial (29 mai), les Autrichiens s'acharnant toujours à la poursuite, le Commandant Lovisi, brillamment secondé par le Sous-lieutenant Louis-Charles Brosse, "reprit de vive force, avec 40 hommes, le passage de la Roche-Percée, qu'on avait dû abandonner la veille au soir". La lutte recommençe bientôt à Urseren : le Lieutenant Benjamin Pichon et le Lieutenant Adjudant-major Elambert s'y distinguent. Ce dernier reçoit dans la soirée un coup de feu qui lui traverse la cuisse droite. Le Sous-lieutenant Claude Renoud y est blessé d'un coup de feu à la jambe gauche. Parmi les morts , figure le Fusilier Louis Bassigny (Né à Aubernubry (Aisne). Le nom de Bassigny a été inscrit sur les tables du temple de la Gloire). Ce brave soldat "sauva son capitaine en détournant un coup de baïonnette qui le frappa lui-même au coeur".
Pendant cette retraite, la Division Lecourbe a perdu 11 Officiers et 700 hommes, tués, blessés ou prisonniers. Lecourbe justement, qui se trouve encore à Altorf, est dans une position très embarrassante : adossé à un lac, n'ayant que peu ou point de barques pour le traverser, il ne reste d'autre voie de retraite que le sentier d'Unterwalden, impraticable aux chevaux. Il faut donc abandonner l'artillerie et les convois. Lecourbe veut donc tenter un dernier effort.
5/ Offensive dans la région de la Haute Reuss
Pendant que Masséna s'est concentré derrière la ligne des lacs de Zurich et de la Limmat et opère de ce côté contre l'Archiduc Charles, Lecourbe s'est préparé à reprendre l'offensive dans la Haute Reuss, contre Bellegarde, dont les premières troupes ont refoulé la 76e au delà du Saint-Gothard. Par une série de brillants combats savamment combinés, les Français vont bientôt à leur tour repousser les Autrichiens, en attendant leur remplacement par l'Armée russe de Suwaroff qui déjà est en Italie depuis plus d'un mois.
Lecourbe ordonne à Loison de reprendre la position d'Amsteig; c'est chose faite le 11 Prairial (30 mai). Les Autrichiens sont repoussés sur Wasen où ils se retranchent. Le 31 mai, Lecourbe, avec deux Bataillons, arrive au secours de Loison pour attaquer Wasen, mais le mauvais temps le force à remettre cette attaque au lendemain. Le 13 Prairial (1er juin), à trois heures du matin, Wasen est pris, et l'ennemi se retire sur Geschenen.
Le lendemain matin, la marche offensive est reprise dès cinq heures. Après une vive fusillade, les cartouches viennent à manquer et la Brigade est ramenée sur Wasen. Tout semble perdu quand Lecourbe, qui commande en personne, met pied à terre, et, "saisissant un fusil des mains d'un fuyard, rallie les grenadiers des 38e, 76e (très précisément la 3e Compagnie de Grenadiers de la 76e) et 109e Demi-brigades et se précipite sur l'ennemi à la baïonnette". Cet acte d'audace décide de la victoire. Les Autrichiens, culbutés sur Geschehen, laissent 200 hommes sur le terrain et 1800 prisonniers. Ils se retirent alors sur Urseren et s'établissent dans une position très forte en avant du pont du Diable. Loison les y attaque, le 16 Prairial (4 juin) : l'attaque commence vers 11 heures du matin; les Autrichiens sont refoulés dans le défilé qui conduit au pont. A ce moment Lecourbe, avec ces mêmes Grenadiers qui ont chargé à Wasen, se précipite sur les fuyards; c'est une panique complète : le Général autrichien, craignant d'être pris, fait sauter le pont et laisse ainsi aux mains des Français deux de ses Bataillons qui sont encore sur la rive gauche.
Lecourbe est cependant arrêté dans cette marche par un ordre formel de Masséna lui prescrivant de se replier, de manière à ne pas s'éloigner de sa droite. Il se retire donc vers les lacs des 4 cantons, et occupe Altorf et Schwitz. Son mouvement de retraite n'est pas inquiété. Les Autrichiens se bornent à réoccuper tout le pays jusqu'à Schwitz. En récompense de leur conduite dans les journées précédentes Masséna nomme à la date du 30 juin 1799 (12 Messidor an VII) le Sergent major Gicquel au grade de Sous-lieutenant, et les Sous-lieutenants Aniel et Gibon, au grade de Lieutenant (Ces nominations furent confirmées par arrêté du Premier Consul du 29 Vendémiaire an IX - 20 oct. 1800).
Le 7 juin, Lecourbe suit le mouvement général de retraite de l'armée en arrière de la Reuss; la droite de la Division est appuyée sur l'Aar, le centre à Lucerne, la gauche à Saint-Jost. Aucun évènement important ne se passe sur ce point jusqu'à la fin de juin, si ce n'est la prise par l'ennemi d'un poste que le 1er Bataillon de la 76e occupait sur la montagne de Schlisberg.
La 76e Demi-brigade, dont l'effectif pour les 1er et 2e Bataillons n'est plus que de 1203 hommes à la date du 20 Prairial an VIII (8 juin), ne prend donc part à aucune operation jusqu'en juillet.
Armée du Danube, 1er messidor an 7 - 19 juin 1799 (Nafziger - 799FAU) 1ère Division : Général de Division Lecourbe Division helvétique de l'intérieur : Général Montchoisy |
Dans les derniers jours de juin, la Brigade de gauche de Lecourbe, commandée par le Général Boivin, est renforcée entre autres par trois Compagnies de Grenadiers des 38e, 76e et 109e Demi-brigades qui se portent de Lucerne sur Arth, par un Escadron du 12e Chasseurs qui exécute le même mouvement, et par quatre Compagnies de la 76e (plus une Compagnie de la 109e), qui, embarquées à Treib, sont transportées par le lac à Gersau (Bulletin historique décadaire de la division Lecourbe; cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Les Autrichiens ont établi à Brunnen, sur le lac des Quatre-Cantons, leurs chantiers de construction de bateaux ; une batterie armée les protége contre les tentatives des canonnières de Lecourbe. Celui-ci reçoit l'ordre de ruiner les établissements de l'ennemi, de détruire sa flottille en construction, et d'enlever le Corps ennemi qui s'est établi à Schwyz (Note : Bulletin historique décadaire de la division Lecourbe et lettre de Masséna au Directoire exécutif, Lenzbourg, le 16 messidor (4 juillet), cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Le 3 juillet (15 Messidor), Lecourbe fait attaquer les positions ennemies par 3 colonnes. La 3e ou colonne de droite, commandée par l'Adjudant général Porson (2), Chef d'état-major de la 1re Division, est composée des quatre Compagnies de la 76e et d'une Compagnie de la 109e qui ont été débarquées à Gersau; elles sont appuyées par une chaloupe canonnière helvétique.
La colonne se met en marche à 6 heures du matin et se dirige sur cette dernière localité par le chemin qui longe le lac des Quatre-Cantons. Arrivés au pont de Schroten,
près du confluent de la Muota dans le lac, ses éclaireurs rencontrent les avant-postes autrichiens, et une vive fusillade s'engage aussitôt. La tête de colonne débouche bientôt ; dans l'instant où elle commence à se déployer, elle est chargée par deux Compagnies du Régiment de Stain et un parti de Suisses armés, accourus à la fusillade.
Les troupes de Porson, opposant une vigoureuse résistance, font échouer l'attaque.
Entre temps la chaloupe canonnière est venue bombarder la batterie de Brunnen (note : D'après Dedon et Mares, un parti de Grenadiers embarqué sur le lac aurait atterri près de Brunnen et contribué à la prise de cette localité (voir Papiers de Mares publiés par GACHOT, p. 156, et Relation du passage de la Limmal, par DEDON l'ainé, p. 25. Il n'est point fait mention de cet épisode dans la correspondance de l'époque. Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse, et quelques éclaireurs, qui ont réussi à traverser la rivière, bien qu'ayant de l'eau jusqu'aux épaules, ont jeté un certain trouble parmi les troupes ennemies placées sur la rive gauche de la Muota. Porson en profite pour lancer une fraction à la baïonnette sur le pont même; le passage est enlevé et ses défenseurs se retirent partie sur Schwyz, partie sur Brunnen. Laissant alors la Compagnie de la 109e pour garder le débouché sur la rive droite, il prescrit à la 4e Compagnie de la 76e de remonter la rivière sur la même rive pour couvrir la ligne de retraite contre les ennemis qui pourraient déboucher de Schwyz et passe de sa personne sur la rive gauche avec les trois Compagnies restantes.
Une de ces trois Compagnies poursuit l'ennemi en retraite jusqu'au pont d'Ibach, à l'embranchement du chemin se dirigeant sur le Muotathal, pendant que les deux autres se porient au pas de charge sur Brunnen où elles prennent les défenseurs à revers et les forcent à se replier en hâte sur les hauteurs de Morschach et à abandonner leurs pièces et leurs retranchements. Les assaillants s'emparent de six pièces, des munitions, des bateaux, des outils, câbles et cordages qui servaient à la construction de la flottille. Ils font en outre quinze prisonniers, dont un Chirurgien major, et prennent treize mulets (l'historique régimentaire parle de 50 prisonniers et deux pièces de canon).
Dans le même temps, la 4e Compagnie, qui s'est portée sur Schwyz par la rive droite de la Muota, repousse devant elle quelques postes autrichiens. Porson, ne voyant point venir le secours attendu de la colonne du centre, et apercevant au contraire des renforts ennemis qui accourent de tous côtés, commence à rassembler sur la rive droite de la Muota ses troupes éparses et envoie de suite une Compagnie à Gersau pour couvrir sa ligne de retraite. Puis, le ralliement étant effectué, il bat en retraite par échelons de Compagnie se succédant de demi-heure en demi-heure. L'ennemi serre de près les derniers pelotons, mais leur bonne contenance et "un feu par échelons très bien soutenu" le forcent à s'arrêter (note : Bulletin historique décadaire du général. Lecourbe ; Bulletin historique mensuel du 1er au 30 du mois de messidor (19 juin au 18 juillet 1799). Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Le Capitaine Jean Fernaud et le Sous-lieutenant Jean Quoniam sont au cours de cette affaire blessés, le premier à la main gauche, le second au côté droit. Le prompt succès de cette attaque est dû en grande partie à l'intrépidité du Sergent Jean-Pierre Reboux qui, "sous le feu des Autrichiens, passa le bras de rivière à la nage et, avec 10 hommes seulement, aborda l'ennemi, le chassa de sa position, lui enleva 2 canons, 8 chevaux et lui fit 2 prisonniers".
Né dans le Pas-de-Calais, Sergent à la 76e Demi-brigade. A l'affaire de Brunnen, le 15 messidor an VII, ce Sous officier passe la rivière à la nage, sous le feu des Autrichiens, et avec dix hommes seulement, il attaque l'ennemi, le chasse de sa position, lui enlève deux pièces de canon, huit chevaux, et fait deux prisonniers. Cette action d'éclat lui mérite le 28 Thermidor an X (15 août 1802) un fusil d'honneur. Retraité en 1807 et retiré depuis à Arras où il est électeur de l'arrondissement. |
Le 17 messidor (5 juillet 1799), le Bataillon de Garnison de la 76e quitte la Division de l'Intérieur de l'Helvétie. Il arrive à la 1ère Division de l'Armée du Danube le 20 messidor (8 juillet 1799).
Quelques jours après, à Insidelm, le Lieutenant Rispaud d'Aiguebelle se distingue de nouveau : "Les hommes de son détachement n'ayant plus de munitions se sont colletés avec l'ennemi et en ont assommé deux avec leurs propres armes qu'ils leur avaient arrachées". Le 7 Thermidor (25 juillet), le Capitaine adjudant-major Bonaveature Bertheau "traversa le pont de Seven qui était coupé, en passant sur une poutre qui restait encore".
Jusque-là, Lecourbe s'était contenté de tenir ses troupes en haleine, d'observer l'ennemi et de le contenir. Le 1er août, sa Division reçoit des renforts qui portent son effectif à 12000 hommes; le 20 Thermidor (7 août), la 76e est portée à l'effectif de 2091 par le retour du 3e Bataillon et l'arrivée de 120 conscrits.
Armée du Danube, 20 thermidor an 7 - 7 août 1799 (Nafziger - 799HBB) 1ère Division : Général de Division Lecourbe Source : Zurich, Masséna en Suisse |
Masséna ordonne l'offensive sur toute la ligne, pour reprendre le Saint Gothard et déblayer les sources des grands fleuves (Rhin et Rhône).
Lecourbe ne se le fait pas dire deux fois. Le 27 Thermidor (14 août), la Division se met en marche sur 5 colonnes.
6/ Combats de Schwyz et du Muotathal
Le Général Bolvin dispose des 1er et 3e Bataillons de la 76e, de trois Bataillons de la 84e (Note : les 1er et 2e Bataillons de cette Demi-brigade, partis de la 2e Division, sont arrivés à Goldau le 26 thermidor) et de deux Escadrons du 1er Dragons. Ces troupes constituent la Brigade de gauche qui, d'après les ordres initiaux de Lecourbe, donnés le 13 août (26 thermidor) a "ordre de se porter sur Schwyz par Steinen et Seewen et de repousser l'ennemi dans le Muotathal" (note : Général PHILEBERT, Le Général Lecourbe, d'après ses archives, sa correspondance et autres documents, p. 272 et 273. Cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Ces troupes sont mises en marche sur Schwyz, le 27 à l'aube, sur trois colonnes. La colonne de gauche, composée de cinq Compagnies et des Dragons, se dirige directement de Steinen sur Schwyz par la route ; la colonne du centre, forte de cinq Compagnies également, longe la rive Nord du lac de Lauerz ; celle de droite, comprenant deux Bataillons, suit la rive Sud du lac, de Lauerz à Seewen (Note : Les documents de l'époque n'indiquent pas la répartition des compagnies des deux demi-brigades entre les trois colonnes).
Une réserve de six Compagnies marche sur la route derrière la colonne de gauche, et le 2e Bataillon de la 84e a reçu ordre de venir couronner les hauteurs du Mithen de manière à tourner la droite des défenseurs de Schwyz.
Le Major Eötvös, qui dispose de deux Bataillons du Régiment de Stain, de quelques pelotons de cavalerie et de 700 à 800 paysans armés, a pris position derrière un ruisseau qui se jette dans le lac de Lauerz à l'Est de Steinen. Son front est fortifié par cinq pièces de canon placées dans des retranchements. Un fort poste d'observation a été détaché sur le sommet du Rigi.
La colonne de gauche de Bolvin attaque l'ennemi directement par la route, pendant que la colonne du centre tente de tourner les retranchements des Autrichiens par leur gauche et que des tirailleurs, gravissant les pentes du Tannenberg, cherchent à inquiéter leur droite. Le Major Eötvös fait entrer ses réserves en ligne et pare aux tentatives faites pour déborder sa ligne. Le Général en chef, qui s'est porté de ce côté avec son Chef d'Etat-major, le Général Oudinot, ordonne à celui-ci de prendre le commandement et d'attaquer l'ennemi à la baïonnette. Une charge de l'infanterie, soutenue par les deux escadrons de dragons, réussit à refouler l'ennemi sur Schwyz. Son artillerie tombe entre nos mains. Quelques pelotons de cavalerie autrichienne essayent encore d'arrêter nos troupes marchant sur Schwyz, mais ils sont chargés par les Dragons et doivent se replier en désordre.
Entre temps, les deux Bataillons qui ont suivi la rive Sud du lac de Lauerz se sont emparés de Seewen et ont fait leur jonction avec les troupes qui ont longé la rive septentrionale. La grand'garde autrichienne du Rigi a sa retraite coupée au moment où elle rétrograde sur Schwyz pour rejoindre le gros des troupes et est faite tout entière prisonnière par la colonne de droite.
Le Major Eötvös ne tente pas de résister à nouveau dans Schwyz ; dans l'instant où ses troupes atteignent la localité, le 2e Bataillon de la 84e descend des hauteurs de Mithen sur Ried et menace de leur couper définitivement la retraite. Au cours de son mouvement tournant, ce Bataillon a été assailli par une nuée de paysans armés et a dû se faire jour à la baïonnette pour atteindre son objectif, Schwyz. Tous les Officiers de la 4e Compagnie, en particulier, ont été blessés.
Les Autrichiens ont perdu dans ce combat 45 morts, 310 blessés (Note : 200 morts ou blessés et 600 prisonniers d'après MILIUTIN (Tome III, p. 83). Cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse), 600 prisonniers et quelques pièces de canon. Les Français n'ont eu que 8 hommes tués et 60 blessés, dont le Général Oudinot, qui est atteint d'un coup de feu à l'épaule.
Les Français entrent à Schwyz à 1 heure de l'après-midi ; les habitants ont fui dans le Muotathal, en même temps que les Autrichiens. La ville est mise au pillage, et un assez grand nombre de maisons sont incendiées.
Après le combat de Schwyz, le Général Molitor reçoit l'ordre de prendre le commandement des troupes dirigées sur le Muotathal à la poursuite du Major Eötvös. Ces troupes comprennent les trois Bataillons de la 84e Demi-brigade, le 1er Bataillon de la 76e et six Compagnies du 3e Bataillon de cette Demi-brigade.
Le lendemain, 28 thermidor, la 84e Demi-brigade poursuit l'ennemi et l'attaque dans la vallée de la Muota, où il s'est retranché. Elle lui fit encore 300 prisonniers, lui prend une ambulance et deux pièces de canon (Note : Relation extraite du Bulletin décadaire de la division Lecourbe et du Bulletin historique mensuel de l'armée du Danube, 1er au 30 Thermidor (19 juillet au 17 août). Cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
7/ Combat de Brunnen
Pendant que la 1ère Brigade (Boivin, et non Molitor comme indiqué dans l'historique régimentaire) se porte avec le gros de sa brigade sur Schwitz où, la veille, le Sous-lieutenant Michel Garissen, de la 76e, a été tué, et que la 5e Brigade (Gudin) opère à l'extrême droite (ordres initiaux de Lecourbe donnés le 13 août (26 thermidor) : "La colonne de droite aux ordres du général Gudin est chargée de remonter la vallée de l'Aare, de franchir les sommités du Grimsel et du mont Furka, et de redescendre dans la vallée d'Urseren pour gagner le devant des défilés du Trou d'Uri et du Pont-du-Diable et marcher ensuite, en descendant la vallée de la Reuss, à la rencontre du corps français qui était destiné à la remonter" ; Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse), un petit détachement de trois Compagnies de la 76e (appartenant sans soute au 2e Bataillon détaché à la colonne Porson) part de Gersau et se dirigent sur Brunnen le 27 au matin. Elles doivent être soutenues par les canonnières de Lecourbe et les Compagnies de Grenadiers embarquées sur sa flottille. Arrivées au pont de Schroten (l'historique régimentaire parle du pont de la Muota ou de la Mutten), les Compagnies de la 76e se heurtent à l'énergique résistance de quatre Compagnies ennemies, grossies de quelques centaines de paysans, et essuient le feu de deux pièces placées à l'entrée du pont. Deux attaques pour enlever le passage restent vaines. Entre temps, les canonnières de Lecourbe entrent en action contre les batteries autrichiennes établies à Brunnen, et cinq Compagnies de Grenadiers, commandées par le Chef de Bataillon Montfort, Aide de camp de Lecourbe, débarquant entre Gersau et Brunnen, viennent prêter leur appui à celles de la 76e. Le pont est bientôt forcé, les deux pièces qui y étaient placées sont prises, et les Grenadiers pénètrent dans Brunnen où ils s'emparent de trois autres pièces de position. 200 à 300 prisonniers restent en outre entre leurs mains. Plusieurs chaloupes canonnières, dont les évolutions sont dirigées par les Capitaines de Pontonniers Henry et Chapel et le Capitaine helvétien Schumacher, percées par les boulets ennemis, font eau et ont des Pontonniers et Canonniers tués à leur bord. Elles n'en continuent pas moins à combattre, et à diriger un feu violent contre les batteries autrichiennes.
L'ennemi est poursuivi jusqu'au pont d'Ibach où il fait une nouvelle résistance, mais la Brigade Boivin s'étant alors emparée de Schwyz, il s'enfuit dans le Muotathal. Lecourbe n'a eu que quelques tués et une trentaine de blessés. Les Compagnies de Grenadiers sont rembarquées, et la flottille se dirige sur Flüelen.
8/ Combats de Seedorf, Attinghausen, Flüelen
Parallèlement, les troupes aux ordres du Chef de brigade Daumas (1er et 3e Bataillons de la 38e), et celles aux ordres de l'Adjudant-général Porson (3e colonne : 2e Bataillon de la 76e (passé de la Brigade de Gauche à celle du centre, le 26 thermidor - 13 août), 2e Bataillon de la 38e et un détachement de Sapeurs), parties des environs de Stans et Beckenried le 26 thermidor au matin, sont réunies respectivement, ce même jour, à Isenthal et à "l'extrémité de la vallée d'Engelberg" (J.-B. BALLAND, Journal historique de la 38e demi-brigade, p. 152. Cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Le lendemain matin, Daumas se met en marche et, le 27, à 3 heures du matin, il franchit le Surenenpass et se porte sur Attinghausen (ordres initiaux de Lecourbe en date du 13 thermidor : "La colonne aux ordres du chef de brigade Daumas partira d'Engelberg, franchira le mont Surenen et débouchera dans la vallée de la Reuss près d'Attinghausen"; cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse). Cette marche vers la Reuss doit permettre de tourner Altorf par le sud.
Porson quitte le même jour Isenthal à 11 heures du matin et marche sur Seedorf en longeant le lac, après avoir détaché sur sa droite six Compagnies de la 38e, commandées par le Chef de Bataillon Juillet, et qui, de l'Uri-Rothstock, doivent se porter sur les derrières de Seedorf (ordres initiaux de Lecourbe en date du 13 thermidor : "L'adjudant général Porson, avec deux bataillons, se portera dans la vallée d'Altdorf, sur Bauen, Isenthal et Seedorf"; cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Ces trois colonnes, refoulant devant elles les avant-postes ennemis, font leur jonction sur la Reuss. Daumas trouve l'ennemi en force à Attinghausen ; il le culbute et le rejette sur le pont. Les Autrichiens ayant détruit ce passage après leur retraite, il ne peut les poursuivre dans le Schächenthal, comme l'ordre lui en a été donné.
Dans le même temps, Porson attaque à Seedorf un Bataillon du Régiment de Kerpen qui, refoulé sur la rivière, rompt également le pont faisant communiquer cette localité avec Altdorf. Dans l'assaut, le Lieutenant Pierre-Victor Poudrel, de la 76e, reçoit un coup de feu à la cuisse droite. L'ennemi occupe alors sur la rive droite des retranchements élevés à l'avance, d'où il dirige un feu nourri sur nos troupes à découvert. Une pièce de canon tirant à mitraille enfile le passage détruit de Seedorf. Le Lieutenant Doncieux du 2e Bataillon de Sapeurs essaie de le rétablir au moyen d'une échelle sous une grêle de balles; des Sapeurs le suivent, portant des planches, mais cette tentative est vaine. Ces braves se font presque tous tuer sans que le pont puisse être rétabli, et la fusillade continue d'une rive à l'autre jusqu'à 8 heures du soir (Note : Bulletin historique décadaire de la division Lecourbe. Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Après son expédition sur Schwyz et Brunnen, Lecourbe cingle avec sa flottille portant trois Compagnies de Grenadiers (Note : La flottille se composait, à cette époque, de deux grands canots, armés chacun de 4 pièces, d'une barque à quatorze rames portant 1 canon et 1 obusier, d'un canot armé d'une pièce de 12, de deux barques non armées pouvant porter 200 hommes et d'un grand nombre d'embarcations de plus faibles dimensions. Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse) vers Fluelen, à l'extrémité Sud du lac des Quatre-Cantons. Pendant que les chaloupes canonnières répondent au feu de deux pièces autrichiennes placées près du village (une seule pièce, d'après Angeli, nous dit Hennequin) et à la mousqueterie de ses défenseurs, les Grenadiers opèrent leur débarquement entre Flüelen et la Tellsplatte. Dès qu'ils sont à terre, ils se portent sur Flüelen et y attaquent vigoureusement à la baïonnette un Bataillon du 62e Régiment autrichien (note : A la date du 27 avril 1799, ce Bataillon ne comptait plus que 103 hommes (K. u. K. Kriegsarchiv, Feld Akten, 1799, 8, 228). Hennequin, idem), qui se replie sur Altdorf. Après une nouvelle résistance sur ce point, l'ennemi s'enfuit en désordre vers Bürglen et Erstfeld, laissant sur le terrain 150 morts et 300 blessés. De plus, 400 prisonniers et deux pièces de canon tombent entre les mains des grenadiers. Nous n'avons perdu que 30 morts et 80 blessés.
Le 2e Bataillon de la 76e est transporté le soir même à 10 heures, de Seedorf à Fluelen, par la flottille de Lecourbe ; aussitôt débarqué, il se porte sur Altdorf en soutien des Grenadiers. Le pont est rétabli dans la nuit du 27 au 28, et, à la pointe du jour, toute la 38e Demi-brigade traverse la Reuss. Le 1er Bataillon occupe Bürglen, au débouché du Schächenthal, pendant que le 2e Bataillon poursuit jusqu'à Spiringen les fuyards autrichiens qui se retirent sur le Klausenpass. Lecourbe, à la tête du 3e Bataillon de la 38e, du 2e de la 76e et des huit Compagnies de Grenadiers, remonte la vallée de la Reuss pour faire sa jonction avec ses Brigadiers Loison et Gudin. Parvenu à Amsteg, il se heurte à une nouvelle fraction ennemie qui se retire dans le Maderanerthal, après avoir brûlé toutes ses cartouches. Laissant le 2e Bataillon de la 76e à la poursuite des Autrichiens, il se dirige sur Wassen et rencontre en cours de route, à Gurtnellen, un Bataillon de la 109e que Loison a envoyé à sa rencontre, après avoir enlevé l'ouvrage de Meienthal et occupé Wassen. Il lui fait faire demi-tour et marche sur cette dernière localité. A l'affaire d'Amsteg, l'ennemi a de nouveau perdu 230 prisonniers, dont 12 dragons de Modène, et jeté dans la Reuss son dernier canon. Les pertes de Lecourbe sont de quelques blessés.
"... Lecourbe ... débarque à Pluelen et débouche avec sa réserve sur le flanc droit des Autrichiens. Ceux-ci perdent alors contenance et battent en retraite par la route du Saint-Gothard. Porson les poursuit jusqu'à Altorf. Le Capitaine Pierre Saint Jean, de la 76e, fit 100 prisonniers, après avoir enlevé Altorf de vive force et par sa manceuvre coupa la retraite à 300 hommes qui furent obligés de se rendre" (Historique régimentaire).
9/ Combat du Meienthal
La 4e colonne (Général Loison) avait ordre de se porter sur Wassen en passant par le Brunig, le Gadmenthal et le Sustenpass (ordres initiaux de Lecourbe en date du 13 thermidor : "La colonne commandée par le général Loison se dirigera par le Gadmenthal et le Meienthal de manière à déboucher dans la vallée de la Reuss, sur la rive gauche de cette rivière à Wassen, au confluent du torrent de Meien"; cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse). Loison dispose de deux Bataillons de la 109e demi-brigade, de quatre Compagnies de Grenadiers des 38e, 76e et 109e Demi-brigades et de la Compagnie de Chasseurs du 2e Bataillon du Léman. Ces troupes, qui ont été réunies à Meiringen le 26 thermidor, sont mises en mouvement dans la nuit du 26 au 27 (13 au 14 août) par des sentiers escarpés et bordés de précipices qui éprouvent rudement la constance et le sang froid des soldats. Assaillies par une tourmente de neige dans le Gadmenthal, elles ne parviennent à Färnigen que le 27 soir, après une marche de vingt-deux heures par de mauvais chemins couverts de glace.
L'historique régimentaire nous dit : "Elle (la colonne) atteint Nesselthal où une tempête effroyable vient s'ajouter aux difficultés de la marche; la tempête est telle qu'on ne voit plus le sentier qu'à la lueur des éclairs. Enfin, Loison atteint les huttes de Gadmenthal. Tantôt gravissant un à un les escarpements, tantôt attelés aux pièces et les traînant avec des cordes, ou même les portant dans les endroits les plus périlleux, les soldats ne se laissent arrèter par aucun obstacle. Les bêtes de somme, quoique déchargées de leurs fardeaux, cheminaient avec peine, et souvant, perdant pied, roulaient dans les abîmes. Par bonheur, l'ennemi de ne montra point. Le soir, ils arrivent devant le fort de Meyenthal qui leur barre la route. Loison remet l'attaque au lendemain, car les hommes sont exténués. Malgré tous les dangers de celle marche audacieuse sur ces crêtes qui semblaient inaccessibles, la colonne n'a perdu au final que quelques mulets".
Un témoin oculaire, M. Zschokke, qui, en qualité de Commissaire helvétique dans le canton d'Unterwalden, était chargé d'accompagner le Général Loison jusque dans la vallée de Gadmen, pour aider au transport des munitions de bouche et de guerre, a décrit ainsi la marche de cette colonne :
"Ce fut au delà du mont Kirchet, au bourg d'Im-Grund, qu'apparut devant nous le général Gudin conduisant ses brigades par un sentier étroit, vers les sommets du Grimsel, où l'attendaient les Autrichiens retranchés derrière des abatis d'arbres et des roches. Il faut avoir vu de ses yeux cet effroyable chaos de rocs escarpés et de montagnes à pic, il faut connaître par expérience l'épuisement qu'on éprouve, dans les jours brûlants de l'été, à grimper sur ces hauteurs arides, où l'eau de neige, seul rafraîchissement qu'on y trouve, irrite bien plus la soif qu'elle ne la satisfait, pour se former une idée des incroyables fatigues avec lesquelles a eu à lutter ici le soldat français. Parvenus dans le Nessenthal, nous fûmes accueillis à la fois par la nuit la plus sombre et par un violent orage. La route, qui n'était plus visible qu'à la lueur des éclairs, était inondée de torrents de pluie, et nous n'atteignîmes qu'au milieu de la nuit les misérables huttes du Gadmenthal. Le lendemain, des dangers plus grands et des difficultés inouïes s'opposèrent à la marche de l'armée française. La route, tracée à travers d'énormes éboulements qui conduisent aux hauteurs de Meienthal, n'est qu'un sentier pratiqué par les pâtres des Alpes, toujours sur le bord d'un affreux précipice au fond duquel mugit un torrent. Les hommes grimpaient péniblement un à un, il fallait traîner les canons avec des cordes par-dessus les roches et dans les endroits les plus périlleux, les charger sur les épaules des robustes montagnards. Le peu de bêtes de somme dont l'armée s'était fait suivre jusque-là, débarrassées de tout fardeau, cheminaient isolément et quelquefois, perdant l'équilibre, roulaient jusqu'au fond du précipice. Cette marche pénible d'une armée qui s'avançait, sans aucun moyen de retraite, ou à une victoire ou à une destruction complète, dura tout le jour, dans un désordre impossible à décrire, et il n'y eut de blessé qu'un seul paysan du Gadmenthal, qui eut la main écrasée par la chute d'un canon" (ZSCHOKKE. Historische Denkwürdigkeiten, t. II, p. 278-280. Cité par Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse).
Aucun document français ne fait mention qu'il y ait eu des canons à la colonne Loison. D'après le témoin, la colonne Loison aurait fait l'étape d'Im-Grund au Meienthal en deux jours ; le Bulletin historique ne donne point cette impression, mais on peut supposer que le convoi où se trouvait probablement Zschokke a du s'arrêter le 27 thermidor au soir dans le Gadmenthal.
A son débouché dans la vallée de la Reuss, le Meienthal est barré sur la rive droite par un fortin qui parait inexpugnable, car appuyé d'une part à des rochers à pic et surplombant, et d'autre part à un précipice où le ruisseau de Meien roule ses eaux bourbeuses. Cet ouvrage, construit pendant les guerres de religion, est un hexagone en maçonnerie, revêtu et réparé depuis peu de temps. Quatre cents hommes - 1 bataillon - avec trois pièces de canon (2 selon l'historique régimentaire, une seule d'après Angeli nous dit Hennequin) en forment la garnison de défense (1).
Le 28 Thermidor (15 août), avant le jour, quelques Tirailleurs sont envoyés en divers points sur les hauteurs avoisinantes pour disperser l'attention des défenseurs. à la pointe du jour, le Général Loison, qui a arrêté ses dispositions d'attaque pendant la nuit, se met en marche à la tête des quatre Compagnies de grenadiers; les Chasseurs du Léman et la 109e suivent en soutien. Un seul chemin conduit de Färnigen à Wassen ; il suit d'abord la rive gauche du torrent, puis passe sur la rive droite à proximité du fort même.
La tête de colonne trouve le pont sur le torrent de Meien détruit; elle construit un passage de fortune, un peu en amont, et débouche devant l'ouvrage, non sans subir de nombreuses pertes causées par la mousqueterie des défenseurs qui l'accueille par une grêle de balles et de mitraille. La Compagnie de Chasseurs du Léman réussit à prendre pied sur des rochers qui dominaient le fortin (Note : D'après KOCH (Mémoires de Masséna, p. 318), les Chasseurs du Léman auraient été dirigés le 27 au soir sur les hauteurs qui dominaient le fort. Le Bulletin historique décadaire de Lecourbe donne l'impression que ce mouvement n'eut lieu que le 28. Il paraît assez peu vraisemblable que des hommes aient réussi à cheminer à travers les rochers de la rive droite du torrent de Meien pendant la nuit. Hennequin : Zurich, Masséna en Suisse) et, par un feu plongeant, met rapidement hors de combat les canonniers autrichiens. Loison fait alors donner l'assaut par les Grenadiers qui se sont procuré des échelles.
Quatre fois, ils s'élancent sur les parapets et quatre fois ils sont repoussés. Un cinquième assaut est tenté et réussit. Les assaillants pénètrent par les embrasures, et tout ce qui échappe à leurs baïonnettes est fait prisonnier. 200 ennemis et 3 pièces de canon restent entre leurs mains; la perte des Français est de 23 tués, dont 3 Officiers, et 150 blessés environ. "La conduite des grenadiers et officiers, écrit Lecourbe à propos de cette affaire, fut au-dessus de tout éloge; le courage qu'ils montrèrent dans cette action les couvre à jamais de gloire".
L'historique régimentaire nous dit : "Le Lieutenant François Badin de la 76e, est alors en tête de l'attaque, il pénètre dans le réduit et "fait 352 Autrichiens prisonniers, parmi lesquels le général major Dabey et 5 officiers". Badin est nommé Capitaine sur le champ de bataille".
Loison continue aussitôt sa route par la vallée du Meyen, marchant ainsi sur Wasen.
Ainsi donc, la gauche de la 1ère Division se trouve en possession des deux rives du lac des Quatre-Cantons. Le centre a repoussé l'ennemi au delà de la Reuss, dans le Schächenthal et le Maderanerthal, mais Lecourbe ignore le résultat des combats du Grimsel et l'emplacement de sa Brigade de droite. Parvenu, le 28 dans l'après-midi, à Wassen, il fait sa jonction avec la colonne Loison.
Le Sous-lieutenant Joseph Treillet, de la 76e, "enleva une position en avant de Wasen et fit 9 prisonniers. Enveloppé ensuite avec sa compagnie par des forces supérieures, il se défendit pendant 2 heures jusqu'à ce qu'un détachement fût envoyé pour reprendre la position qu'on croyait au pouvoir de l'ennemi. Chargeant alors avec vigueur, Treillet s'est dégagé et s'est maintenu dans son poste". Déjà Wasen est attaqué : le Capitaine Pierre Simon Larivière "se distingue en montant â l'assaut du fort à la tête de sa compagnie".
Lecourbe décide de remonter incontinent la vallée de la Reuss, pour donner la main à Gudin ou tout au moins pour lui faciliter son débouché sur la Haute-Reuss.
10/ Combats de Göschenen et du Pont du Diable
Lecourbe emmène avec lui ses huit Compagnies de Grenadiers, le 3e Bataillon de la 38e, les deux Bataillons de la 109e et les Grenadiers de la colonne Loison. En arrivant à Göschenen vers 4 heures de l'après-midi, il rencontre une troupe ennemie qui se retira sur le Pont du Diable sans faire grande résistance (Note : Simbschen s'était replié de Wassen sur Anderrnatt le 14 août et y était arrivé à 3 heures du matin, le 15 (ANGELI, tome II, p. 267). Cité par Hennequin). "Le pont du Diable sur la Reuss, à 6 lieues du pays (3 myriamètres) d'Altdorf, est d'une seule arche en plein cintre de 8 mètres (24 pieds) d'ouverture, 5 mètres (15 pieds) de largeur et 24 mètres (72 pieds) d'élévation au-dessus du torrent. Le trou d'Uri ou Urnerloch, est un passage taillé en voûte dans le roc, de 80 pas de longueur et peu éloigné du Pont du Diable. C'est à la sortie de ce défilé que commence la vallée d'Urseren" (Relation détaillée du passage de la Limmai, par le citoyen Dedon l'aîné, Chef de brigade d'Artillerie, p. 36. Cité par Hennequin). D'après un Itinéraire du Saint- Gothard, datant de 1795, la route d'Altdorf à Hospenthal était "belle et en général pavée" (Hennequin).
Ce pont, d'une hardiesse incroyable, avait, on s'en souvient, été détruit par une mine, et il n'a plus qu'une seule travée. Les Autrichiens ont établi en ce point, sur la rive droite de la Reuss, une ligne de retranchements s'appuyant, d'une part, à la rivière et, d'autre part, à des rochers escarpés d'où ils tiennent sous des feux convergents le passage de la Reuss. Lecourbe cherche en vain le moyen de tourner cette ligne fortifiée ; le torrent et les hautes montagnes qui l'enserrent dans cette partie présentent à ses troupes des obstacles insurmontables. Il se décide alors à tenter une attaque de vive force. Ayant mis ses Grenadiers en colonne, il les dirigea au pas de charge sur la route ; mais bientôt la tête s'arrête court, devant la large brèche que les Autrichiens ont pratiquée dans l'arche du pont. Les Grenadiers doivent se replier sous le feu violent de l'ennemi et perdent quelques hommes. Il faut donc se résigner à réparer le pont et à attendre l'arrivée de la Brigade Gudin, qui doit tourner la position par Urseren. Les Autrichiens, craignant d'être pris à revers, se retirent en effet sur les hauteurs de Krispalt.
Lecourbe remet son attaque au lendemain, ce qui laisse le temps à ses Sapeurs de rétablir le passage sur la Reuss.
Le 29 thermidor (16 août), à la pointe du jour, au moment où la colonne se met en marche pour passer le pont réparé, arrive le Général Gudin qui, après avoir fait un détour, débouche par le trou d'Uri pour faire sa jonction avec Lecourbe. Toutes les troupes de sa Division désormais réunies, Lecourbe donne alors l'ordre aux troupes de Gudin et de Loison d'attaquer l'ennemi.
11/ Combat d'Oberalp
La Réserve de Grenadiers de Lecourbe avec le 1er Bataillon de la 67e se lancent à la poursuite de l'ennemi sur le col d'Oberalp tandis que l'autre Bataillon de la 67e se porte sur Airolo par le Saint-Gothard.
Deux Bataillons du Régiment autrichien de Kerpen, disposés en échelons sur les pentes Sud du Crispalt, couvrent le défilé de Tschamut, par où passe la route de Disentis. Les tirailleurs français essaient de les tourner par leur droite, mais ils n'y réussissent point. Plusieurs tentatives d'attaque directe faites pour les déloger échouent également. Les Généraux Lecourbe, Loison et Gudin, se mettant alors à la tête d'une réserve de sept Compagnies de Grenadiers, l'entraînent, le sabre à la main, sur les premiers échelons ennemis et les refoule dans le val Tavetsch.
Deux autres Compagnies de Grenadiers qui, au début du combat, ont été détachées sur les pentes du Badusberg, se portent en même temps vers la gauche ennemie et déterminent la retraite de toute la ligne. Les Autrichiens, poursuivis la baïonnette dans les reins jusqu'à San-Giacomo, perdent dans ce combat 100 tués, environ 300 blessés et 1.000 prisonniers, dont une vingtaine d'Officiers. Ils renoncent dès lors à défendre le Saint-Gothard et se retirent sur Coire par la vallée du Rhin antérieur.
Au cours de la poursuite du 29 Thermidor (16 août), à hauteur du lac d'Oberalp, le Lieutenant Claude Renoud "ayant rallié quelques tirailleurs, les fit charger contre un bataillon d'Autrichiens dont il enfonça les rangs; poursuivit l'ennemi avec 15 grenadiers et lui fit 100 prisonniers". Le Capitaine Larivière, le héros de Wasen, reçoit ce jour-là, un coup de feu au genou.
Le 29 thermidor au soir, Lecourbe a atteint le but qu'il s'était assigné. Sa Division est en possession du Saint-Gothard, de la vallée de la Reuss depuis Andermatt jusqu'au lac des Quatre-Cantons, et des rives de ce lac.
Deux jours après, le 1er Fructidor (18 août), le Capitaine Guillaume Pierre Langlois (Né à Montivilliers (Seine-Inférieure), le 26 avril 1770, Langlois avait accéléré la retraite de l'ennemi les 27, 28 et 29 Thermidor (14, 15 et 16 août), en commandant brillamment un Bataillon de Grenadiers. Réformé en l'an VIII, il reprit du service à la 15e demi-brigade. Officier de la Légion d'honneur en 1800, retraité en 1813, il mourut à Montivilliers, le 18 juin 1834) est nommé Chef de bataillon; les Sous-lieutenants Badin (frère du Capitaine François Badin cité plus haut) et Lancereau passent Lieutenants et le Sergent-major Langlois est fait Sous lieutenant. Ces nominations, ordonnées par Masséna, furent confirmées par arrêté du Premier Consul en date du 29 Vendémiaire an VIII (28 octobre 1800).
Après le mouvement offensif du milieu d'août, Masséna procède à un remaniement dans la désignation et le commandement des Divisions de son armée. Celle-ci se trouve désormais composée comme suit (Source : état de l'Armée du Danube à la date du 10 fructidor (27 août 1799). Dans le total sont compris 6.271 hommes de troupes helvétiques. Le changement de dénomination des Divisions est mis à l'ordre de l'armée le 5 fructidor. Cité par Hennequin in Zurich, Masséna en Suisse) :
- L'ancienne 1ère Division Lecourbe devient la 2e Division.
12/ Opérations de la Brigade Molitor dans le Muotathal et le pays de Glaris
Rappelons que Molitor a remplacé Boivin dans le commandement de la Brigade de gauche de Lecourbe, immédiatement après la bataille de Schwyz. Cette Brigade comprend toujours la 84e Demi-brigade, le 1er Bataillon de la 76e et 6 Compagnies du 3e Bataillon de cette même Demi-brigade (Rapport des opérations de la Brigade du Général Molitor détachée dans les cantons de Schwyz et Glaris, daté de Sargans le 15 vendémiaire et de Bâle le 14 vendémiaire-an VIII - cité par Hennequin).
Le Major Eötvös, après avoir rallié les débris de son détachement, s'est porté rapidement par le Klönthal sur Glaris où il prend position le 17 août. Vers la fin du mois, il occupe Schwanden avec deux Bataillons, pour couvrir la gauche de Hotze, contre les entreprises des troupes françaises qui, d'après divers renseignements, s'avancent dans le Schächenthal. Il laisse toutefois quelques Compagnies autrichiennes et deux Bataillons de milice sur le Pragel, avec mission d'observer la Brigade Molitor et de lui interdire l'accès de la vallée de Glaris.
De son côté, la 2e Division, après son mouvement offensif sur l'Etzelberg, a pris position à Einsiedeln avec sa droite. Molitor, abandonnant la poursuite d'Eötvös, se met alors en mesure de couvrir le Muotathal et les débouchés du Wäggithal par où l'ennemi pourrait venir inquiéter la Division Chabran. Il place ses troupes comme suit : le 1er Bataillon de la 84e dans le Muotathal (quatre compagnies à l'Ouest du village, échelonnées jusqu'au pont de pierre, quatre compagnies à l'Est, détachant des postes sur le chemin du Pragel et dans le Bisithal, où s'établit la jonction avec la 38e Demi-brigade, droite de Lecourbe); le 2e Bataillon, sur les hauteurs au Nord du Muotathal a deux Compagnies à Illgau, deux compagnies à Ober-Iberg et quatre Compagnies en réserve sur les hauteurs du Mythen. Ce bataillon observe les débouchés du Klönthal dans le Wäggithal et le Sihlthal et établit la communication avec la 36e Demi-brigade, droite de la 2e Division, placée à Einsiedeln ; le 3e Bataillon de la 84e, à l'est de Schwyz, à la jonction des chemins venant du Muotathal et d'Ober-Iberg, forme la réserve de la Demi-brigade et détache une Compagnie sur les hauteurs de Morschach ; le 3e Bataillon de la 76e a trois Compagnies sur le Haggenberg, quatre Compagnies à Sattel (Note : Molitor estime ces quatre Compagnies placées à Sattel ne sont pas très utiles tant que la droite de Chabran tiend Einsiedeln. Il les maintient néanmoins sur ce point, parce que, dit-il, "en cas d'attaque de l'ennemi, elles y devenaient indispensables pour assurer la possession d'un débouché important". Hennequin) et une Compagnie à Brunnen. Ce Bataillon couve les débouchés sur Seewen et Steinen et cherche également à se relier avec Einsiedeln. Les six Compagnies du 1er Bataillon de la 76e, à l'Ouest de Schwyz, constituent la réserve des Compagnies du 3e Bataillon postées au Haggen et à Sattel. En cas d'attaque de l'ennemi, le Général de Brigade placé à Schwyz doit être prévenu directement par les commandants des Compagnies détachées. En cas de retraite, le 1er Bataillon se repliera sur la rive gauche de la Muota, en faisant sauter le pont de pierre ; six Compagnies du 2e Bataillon (les deux d'Ulgau et les quatre du Mythen) se réuniront sur la position de la rive droite qui flanque le pont et défend l'accès de Schwyz par Auf-Iberg, les deux autres Compagnies du même Bataillon placées à Ober-lberg rejoindront les trois Compagnies de la 76e sur les hauteurs d'Haggen, où elles tiendront jusqu'à la dernière extrémité. Les quatre autres Compagnies de ce dernier Bataillon défendront Sattel à outrance. Les deux Bataillons placés en réserve se tiendront constamment prêts à se porter sur les points indiqués par le Général de Brigade (Note : Ordre pour la défense des positions de la Brigade Molitor, Schwyz, 8 fructidor (25 août). Cité par Hennequin).
Le commandant des deux Compagnies d'Ober-Iberg signale, le 9 fructidor (26 août), la présence d'un camp ennemi sur le chemin du Pragel et de postes ennemis (Autrichiens et Suisses) près des sources de la Sihl; ceux-ci envoient journellement des reconnaissances sur Ober-Iberg. Le 10 fructidor (27 août), Molitor publie cet ordre : "Tous les officiers devront se tenir au camp, quand bien même il se trouverait dans les environs des maisons habitables ; les chefs de corps sont responsables du présent ordre" (Hennequin).
Deux dépêches du Général en chef, datées de Lenzbourg, les 11 et 12 fructidor (28 et 29 août), préviennent Molitor que deux Divisions de l'armée doivent passer la Limmat le 13 (30 août), et que la Division Soult a ordre de franchir la Linth la veille. Elles lui prescrivent en même temps de prendre l'offensive dans le Muotathal le 12 et de se porter sur Glaris "sans se compromettre". Molitor avise aussitôt Soult des dispositions qu'il compte prendre le lendemain et prie son chef direct, le Général Lecourbe, de vouloir bien couvrir sa droite en envoyant un détachement dans le Bisithal. Il y laissera lui-même quelques Compagnies avec un canon (Note : Molitor à Soult, Schwyz, 11 fructidor, 9 heures du soir ; Molitor à Lecourbe, Schwyz, 11 fructidor, minuit et demi. Hennequin).
Il adresse aussitôt ses ordres aux Commandants des 84e et 76e Demi-brigades : le 1er Bataillon attaquera l'ennemi le lendemain 12, "avant la pointe du jour". A cet effet, les quatre Compagnies placées en arrière du hameau de la Muota rejoindront les quatre autres Compagnies à 2 heures du matin. D'après les renseignements fournis par les reconnaissances, l'ennemi n'a sur le versant du Muotathal que cinq Compagnies autrichiennes et deux Compagnies de paysans suisses (Note : D'après ANGELI (t. II, p. 313), le major Eötvös avait porté dans le Klönthal deux Compagnies autrichiennes seulement et d'eux Bataillons suisses des milices glaronnaises. Hennequin). Le 1er Bataillon "brusquerait l'attaque" et marcherait sur Glaris par le chemin qui longe le Klönthalersee. Le 3e Bataillon en réserve à Schwyz se mettra en marche de façon à être rendu à Muotathal à 4 heures du matin ; il suivra par échelons le mouvement du 1er. Le Chef du 2e Bataillon réunira les deux Compagnies d'Illgau aux deux Compagnies d'Ober-Iberg, marchera le 12 à la pointe du jour à la tête de ces quatre Compagnies sur les granges de Sihl, puis de Saas, en "s'éclairant parfaitement", et couvrira ainsi sur la gauche le mouvement des deux autres Bataillons. Les quatre autres Compagnies suivront en "échelons" et formeront la réserve du Bataillon. Il est recommandé d'éviter les "tirailleries" et d'attaquer brusquement à la baïonnette. Molitor fera suivre les "munitions de guerre et de bouche" (Note : Molitor au Chef de Bataillon Sancey, commandant la 84e Demi-brigade, Schwyz, 11 fructidor (28 août), 7 heures soir; Molitor au Capitaine Dubois, commandant le 2e Bataillon de la 84e, Schwyz, 11 fructidor, 8 heures du soir ; Molitor au commandant du 3e Bataillon de la 84e, Schwyz, 11 fructidor, 10 heures soir. Cité par Hennequin).
Les 1er et 3e Bataillons de la 76e resteront momentanément sur place, prêts à se porter au premier ordre où le besoin l'exigera ; une Compagnie du 1er Bataillon remplacera, le 12, à 6 heures du matin, sur les hauteurs du Mythen, le détachement du 2e Bataillon de la 84e, appelé à marcher. La mission de cette Compagnie est d'observer les "mouvements des habitants du pays". Un détachement de 80 hommes, commandé par un Capitaine et prélevé sur le 3e Bataillon, sera dirigé sur Lucerne pour en constituer la garnison (Note : Molitor au commandant des 1er et 3e Bataillons de la 76e Demi-brigade, Schwyz, 11 fructidor, 11 heures du soir. Hennequin).
Le 12 (29 août), dans la matinée, Molitor attaque avec le 1er Bataillon de la 84e les postes ennemis qui défendent le Pragel, les culbute sans grande peine et les poursuit "avec vivacité" jusqu'au lac de Klönthal. Il ne peut les empêcher de se rallier dans un défilé, formé d'une part par le lac et d'autre part par les montagnes escarpées de la rive gauche où ils ont détaché des essaims de tirailleurs. Entre temps, les quatre Compagnies du 2e Bataillon, parties d'Iberg, sont arrivées par les crêtes à hauteur du 1er Bataillon; leur chef les dirige aussitôt sur la droite ennemie, pendant que le 1er Bataillon attaque de front dans le Klönthal. La fusillade très vive de l'ennemi arrète d'abord ce mouvement offensif. "Le feu des Autrichiens, très supérieurs en nombre, aurait fini par avoir l'avantage, écrit Molitor, si je n'avais rallié promptement le 1er bataillon. Il fut aussitôt formé en colonne et, flanqué par nos tirailleurs de la montagne, il chargea franchement l'ennemi à la baïonnette". Les Austro-Suisses lâchent pied et rétrogradent jusqu'au débouché du Klönthal, dans la vallée de la Linth, où ils occupent le village de Netsthal organisé défensivement et défendu par de l'artillerie. Avant d'attaquer cette localité, Molitor veut se garder sur sa droite contre les tentatives d'Eötvös qui est posté à Schwanden avec deux Bataillons. Laissant le 1er Bataillon en face de Netsthal, il se met à la tête des Compagnies du 2e Bataillon et vient les établir au Sud de Glaris (note : Molitor était à pied ; comme on ne pouvait cheminer à cheval sur le Pragel et dans le Klönthal, les montures avaient été laissées en arrière (Note de Molitor). cité par Hennequin); mais quand il veut rejoindre son 1er Bataillon, il trouve la communication interceptée par des miliciens suisses. Dix braves soldats de la 84e, qui forment son escorte, parviennent, par leur intrépide contenance, à faire tête à l'ennemi, et Molitor, l'épée à la main, parvient à rejoindre son 1er Bataillon au débouché du Klönthal. "Toutefois, pour rejoindre cette position, rapporte Molitor, j'avais eu à franchir une montagne extrêmement rapide et à traverser le torrent de la Löntsch ; les Suisses, obstinés à ma poursuite, m'y suivirent ; ils arrivèrent presque pêle-mêle avec mes tirailleurs en arrière du bataillon de la 84e que les Autrichiens attaquèrent de front, et je me trouvai dans la position la plus critique". Mais le Capitaine Fridolsheim, Aide de camp de Molitor, qui s'est porté à la rencontre de son chef avec 60 Grenadiers, culbute les Suisses qui ont passé le torrent, et prend tous ceux qui ne sont point tués ou noyés.
"Ces prisonniers suisses, au nombre de 250, écrit Molitor, s'attendaient à être traités sans miséricorde. Je pris sur moi, au contraire, de les renvoyer libres à Glaris, en les chargeant de dire aux habitants (qui étaient aussi contre nous) que nous ne venions faire la guerre qu'aux Autrichiens, que les Suisses seraient traités en amis et que nous ne leur demandions que leur neutralité. J'eus beaucoup à m'applaudir du parti que je pris en cette circonstance, car dès ce moment, le corps suisse à la solde anglaise s'est dissous de lui-même, et nous n'avons plus compté que des amis dans le canton de Glaris. Cet heureux changement dans l'esprit des habitants, et qui nous a été si utile ensuite, n'a fait que se consolider par l'excellente discipline que nos troupes ont constamment observée".
Pendant que se passent ces événements, les quatre Compagnies postées au delà de Glaris sont attaquées par les deux Bataillons du Major Eötvös qui, marchant au bruit du canon, a quitté Schwanden (note : Molitor disposait de quatre pièces, mais n'avait pu les traîner à sa suite, le chemin du col de Pragel n'étant praticable à cette époque que pour l'infanterie et les animaux de bât. Hennequin). Sur le point d'être enveloppées, ces unités rétrogradent sur le 1er Bataillon en repoussant à la baïonnette les fractions qui menacent de leur couper la retraite. Jusqu'à la nuit, les douze Compagnies réunies de la 84e Demi-brigade soutiennent les attaques réitérées des Austro-Suisses appuyés par de l'artillerie. Les munitions sont épuisées ; depuis trente-six heures, le soldat, harassé, n'a touché aucune distribution, et le Klönthal, inhabité, n'offre aucune ressource. Toutefois, Molitor ne songe pas à quitter sa position en amphithéâtre, qui "était d'une bonne défense". Il fait amasser au sommet "d'énormes pierres, disposées pour être roulées sur l'ennemi, dans le cas où il tenterait l'escalade" le 13 au matin.
La réserve de vivres et de munitions a été laissée à la Muota, à cinq lieues de la position. Molitor fait venir dans la localité le 1er Bataillon de la 76e Demi-brigade et ordonne que ses hommes soient chargés de pain et de cartouches. Mis en marche le 13 (30 août), avant la pointe du jour, ils ne peuvent cheminer qu'avec peine dans le sentier escarpé qui mène au col de Pragel; aussi n'arrivent-ils sur la position qu'assez tard dans la journée. L'ennemi a heureusement laissé une journée de répit à la 84e Demi-brigade, qui, renforcée par la moitié du 3e Bataillon et le reste du 2e, et de plus ravitaillée en vivres et en munitions, se prépare à reprendre les opérations le lendemain.
"Telle était ma situation à la nuit du 12 ; je l'employai à prendre des mesures pour l'arrivage du pain et des cartouches; je ne pouvais en tirer que de Muota ; 5 lieues de montagnes par le mont Pragel m'en séparaient; j'y fis rassembler le 1er bataillon de la 76e demi-brigade dont les hommes furent chargés de pain et de cartouches et ce bataillon se mit en marche avant la pointe du jour. Les soldats, chargés d'un tel fardeau, ne gravissaient qu'avec peine cet inévitable mont Pragel ; ils ne purent arriver que tard et rendus de lassitude à ma position devant Netstal, mais enfin ils arrivèrent avec des munitions de bouche et de guerre. L'ennemi, comme je l'avais pensé, n'avait pas bougé ; je profitai du reste de la journée du 13 pour faire distribuer du pain à la troupe et me préparer à agir le lendemain matin" (rapport de Molitor à Lecourbe daté de Glaris le 18 fructidor - 4 septembre; cité par Hennequin).
On sait que Hotze a marché, le 31 août (14 fructidor) au matin, de Mollis sur Netsthal avec trois Bataillons un tiers, un Escadron un quart et quatre pièces. Ces forces, jointes à celles du major Eötvös, tentent de déloger Molitor, mais comme elles agissent "avec peu d'ensemble" et qu'au lieu de chercher à envelopper les flancs, elles s'obstinent à vouloir emporter la position de front, la 84e Demi-brigade n'a pas de peine à s'y maintenir et repousse vigoureusement plusieurs têtes de colonnes.
L'ennemi dispose alors toutes ses forces pour une attaque générale; un feu bien nourri, dirigé sur ses Bataillons qui se "présentaient de toutes parts", ne parvient pas à les arrêter; mais les quartiers de roc, roulant sur les pentes qu'il faut escalader pour couronner la position occupée par les Français, arrêtent les Autrichiens dans leur élan, puis les forcent à rétrograder en désordre. Molitor fait alors battre la charge; ses soldats, dévalant le long des escarpements, poursuivent l'ennemi la baïonnette dans les reins. N'ayant pu se rallier à Netsthal, les Autrichiens abandonnent cette localité et s'enfuient partie sur Weesen, partie sur Glaris. Les deux journées de combat (29 et 31 août) coûtent à la Brigade Molitor 30 hommes tués et 250 blessés. Les pertes en tués et blessés des Austro-Suisses opposés à cette Brigade ne sont pas connues, mais 400 prisonniers restent entre nos mains, et le brave Major Eötvös est parmi les morts (Rapport de Molitor au général Lecourbe, Glaris, le 18 fructidor an VII (4 septembre), et Rapport des opérations de la brigade du général Molitor détachée dans les cantons de Schwyz et de Glaris, daté de Sargans, le 15 vendémiaire, et de Bâle, le 14 brumaire an VIII (5 nov. 1799). Ce second rapport est la reproduction presque littérale du premier. Hennequin).
L'historique régimentaire raconte : "Le 13 Fructidor, les colonnes se heurtent pour la dernière fois dans cette campagne contre les Autrichiens. Le 1er Bataillon de la 76e, après avoir exécuté avec la 84e Demi-brigade une marche de dix-sept heures, aide cette Demi-brigade à forcer le défilé de Niefels au nord de Glaris. Les troupes s'élancent au pas de charge sur le pont de la Linth défendu par la mitraille de 20 pièces. L'ennemi, effrayé de tant d'audace, préfère sacrifier les troupes qu'il a encore sur la rive gauche et met le feu au pont pour couvrir sa retraite. Le lendemain soir, les Russes ont relevé devant les Français presque tous les postes autrichiens (tous les détachements de l'Armée de Hotze s'étant retirés derrière la Linth)".
Le 2 septembre (16 fructidor), Molitor fait lire à sa Brigade l'ordre du jour suivant :
"Le général Molitor s'empresse de témoigner aux trois bataillons de la 84e demi-brigade et au 1er bataillon de la 76e combien il est satisfait de la valeur et de l'intrépidité qu'ils ont montrées aux journées des 12 et 14 de ce mois. Sans pain, sans aucune espèce de subsistance, dans une seule marche, ils ont franchi une partie des Alpes et ont forcé l'ennemi d'abandonner une position qu'il avait juré trois jours auparavant de ne céder jamais. Qu'ils reçoivent ici l'expression de haute estime et de l'affection de celui qui se trouve heureux et fier de les commander. Le général espère que les troupes qui se sont distinguées par leur bravoure se feront aussi considérer par leur discipline et que les chefs et les officiers sauront la faire maintenir.
Aucun militaire ne doit quitter son camp sans ordre. Les jours où des difficultés insurmontables empêcheront l'arrivée des subsistances des magasins de la République, les chefs de corps feront une invitation aux municipalités de faire apporter au camp les vivres qui seront dus au soldat et ne demanderont rien au delà" (cité par Hennequin).
A la suite de ces combats, Hotze prend la résolution de cesser toute opération sur la Linth jusqu'à l'arrivée de Souvorov.
Pendant les jours qui succédent, Molitor appelle à la Brigade la seconde moitié du 3e Bataillon de la 84e qui est restée au village de la Muota et la fait remplacer dans cette localité par cinq Compagnies du 3e Bataillon de la 76e (Note : Molitor au commandant du 3e Bataillon de la 76e. Glaris, 17 fructidor (3 septembre); Molitor au Capitaine Dubrieux, commandant le 3e Bataillon de la 84e. Cité par Hennequin). Ces dernières unités sont, par la suite, échelonnées dans le Klönthal et le Muotathal, avec mission de porter le pain par relais au gros de la Brigade dans la vallée de Glaris, d'escorter les prisonniers de guerre jusqu'à Schwyz, d'évacuer les blessés sur cette ville, d'escorter les munitions et les vivres destinés à la Brigade, d'assurer le service de la poste, et de veiller à ce qu'aucun militaire ne s'écarte sur les derrières sous le prétexte d'accompagner les blessés. Les trois autres Compagnies du 3e Bataillon sont appelées à Schwyz (Molitor au commandant du 3e Bataillon de la 76e, Glaris, 17 fructidor. - Ce général attachait la plus grande importance au service de la correspondance. Toute dépêche devait être portée par un Sous-officier ou Caporal accompagné d'un Fusilier. Hennequin). Elles remplacèrent plus tard dans leurs postes de relai les cinq premières Compagnies qui reçurent l'ordre de rejoindre leur Brigade à Glaris (Molitor au commandant du 3e Bataillon de la 76e, Glaris, 23 fructidor (8 septembre). Hennequin).
Après quelques modifications dans l'établissement des postes, Molitor assigne aux divers éléments de sa Brigade les emplacements suivants. Le 3e Bataillon de la 84e est chargé de couvrir le Linththal et le Sernfthal ... Les compagnies du 3e Bataillon de la 76e sont placées en réserve à la hauteur d'Ennenda, fournissant des grand'gardes aux ponts de la Linth et poussant des petits postes sur la rive droite. Le 1er Bataillon de la 84e garde la rivière depuis le pont de Glaris jusqu'au pont couvert de Netsthal ... A sa gauche, le 2e Bataillon s'étend le long de la rivière jusqu'à Nâfels, occupe les débouchés de Mollis et de Weesen sur la rive droite et pousse des reconnaissances sur le défilé de Kerenzen. Il se relie par sa gauche avec les troupes de la Division Soult placées à Nieder-Urnen ... Le 1er Bataillon de la 76e, qui constite la réserve générale du secteur, est établi sur le plateau de Riedern, au débouché du Klönthal (Note : Molitor au Chef de Brigade Sancey, commandant la 84e Demi-brigade, Glaris, 24 fructidor (10 septembre) ; Molitor au Chef de Bataillon Lenud, commandant la 76e, même date. Hennequin).
Rappelons également qu'au sein de la Brigade Gudin, une Compagnie de Grenadiers de la 76e sert dans le Bataillon de Grenadiers réunis de cette Brigade. Dans le courant de fructidor, ce Bataillon est stationné à Andermatt.
A la même époque, la Brigade Loison a un Bataillon de la 76e, le 2e, à Wassen.
13/ Défense du Sud-Est contre les Russes
La 76e va se mesurer avec les Russes. Voici comment Masséna dépeint ces nouveaux adversaires: "La discipline la plus rigoureuse était strictement observée dans les troupes russes; la supériorité du supérieur, consacrée; la fidélité au drapeau, une religion. Patientes, laborieuses, endurcies et d'une bravoure à toute épreuve, quoiqu'un peu froides, elles étaient susceptibles d'élan, mais d'un élan calculé, si l'on peut employer cette expression. La sobriété ordinaire du Russe est prodigieuse,... toutefois son séjour en Italie avait un peu altéré sa sobriété.... L'instruction des troupes était nulle,.. aussi cette armée n'était pas maneeuvrière.... Cette armée, maniée par un général qui saurait mettre en eeuvre ses qualités, était susceptible de grandes actions. Suvorof (sic).... était l'homme qui pouvait le mieux accomplir cette tâche".
Le 5 septembre, le Général en chef de l'armée russe envoya d'Asti ses instructions à ses lieutenants, le Général Korsakoff, le Général autrichien Hotze et le Feld-maréchal de Lincken, qui devaient se réunir à lui vers Glaris pour une attaque d'ensemble : "Je souhaite, écrivait Suwaroff, en post-scriptum, que les troupes réunies s'exercent dans l'intervalle des jours libres jusqu'à celui de l'attaque générale, à exécuter cette attaque avec la baïonnette et le sabre". Voilà le nouvel ennemi qui va lutter d'audace avec nos Demi-brigades.
Masséna donne l'ordre de n'engager d'abord avec les Russes que des combats d'avant-postes, afin d'augmenter la confiance qu'ils avaient acquise en Italie, et de les rendre par suite imprudents. Le Général français voulait lui aussi livrer bataille; mais il épiait l'occasion. En attendant il distribue leur rôle à ses Généraux. La Division Lecourbe doit : 1° par sa gauche, balayer le Rhin supérieur et couvrir les sources de la Linth; 2° par sa droite, défendre le Saint-Gothard et la Reuss. Les recommandations de Masséna d'une part, et d'autre part les retards que Suwaroff éprouva dans la constitution de ses approvisionnements, ajournèrent les opérations jusqu'à la deuxième quinzaine de septembre.
Armée française du Danube, 20 septembre 1799 (Nafziger - 799IBR) 2e Division : Général Lecourbe |
14/ Opérations de la brigade Molitor jusqu'à l'arrivée de Souvorov dans la vallée de Glaris
Dans le courant de septembre, les troupes de la Brigade Molitor étaient restées sur les positions qui leur avaient été assignées au commencement de ce mois. A la date du 24, le 3e Bataillon de la 84e garde toujours le Sernfthal et le Linththal, ayant derrière lui cinq Compagnies du 3e Bataillon de la 76e placées à Ennenda ; les 1er et 2e Bataillons de la 84e occupent encore les ponts de la Linth, depuis Glaris jusqu'à Näfels ; le 1er Bataillon de la 76e est en réserve à Riedern, au débouché du Klönthal. L'effectif total de ces troupes est inférieur à 4.000 hommes. Celui des 1er et 3e Bataillons de la 76e est de 1534 hommes, mais le 3e Bataillon a laissé 3 Compagnies, soit environ 300 hommes, à Schwyz, ce qui porte l'effectif de la 76e à environ 1200 hommes.
Un ordre de Lecourbe, du 1er vendémiaire (23 septembre), prescrivait à Molitor de porter, le 3 (25 septembre), les treize Compagnies de la 76e sur le Panixerpass, en remontant le Sernfthal. Cette colonne s'efforcerait d'atteindre Flims dans la journée du 4 et établirait alors sa liaison avec le gros de la Division Lecourbe qui, selon les prévisions, atteindrait Ilanz ce même jour.
Le 2 vendémiaire, Soult informe Molitor de ses projets d'opération pour le lendemain; Molitor doit le seconder.
L'historique régimentaire indique : "Lecourbe a reçu l'ordre d'attaquer le général Lincken dans les Grisons. Les 1er et 3e Bataillons sont détachés vers les sources de la Linth. Ces derniers ont devant eux le corps de Lincken, parti de Coire le 23 septembre, en trois groupes, se dirigeant sur Glaris par le Sernft-Wald, en exécution des ordres de Suwaroff qui lui pénètre en Suisse par le Saint Gothard".
15/ Journée du 3 vendémiaire (25 septembre)
Le 25 septembre (3 Vendémiaire an VIII), Masséna livre bataille à Zurich; le même jour, à 3 heures du matin, Molitor échange ses premiers coups de feu avec les Autrichiens.
Le Chef de Bataillon Senud, commandant les Compagnies de la 76e qui se trouvaient à la Brigade Molitor, avait reçu l'ordre de quitter Riedern le 2 vendémiaire à 8 heures du soir avec le 1er Bataillon, de façon à être rendu à Engi à minuit ou 1 heure du matin. Le lendemain, à la pointe du jour, il devait se porter sur Wichler-Bad (Note : Cette localité n'est pas portée sur les cartes modernes, elle figure sur les documents cartographiques contemporains des événements sous le nom de Bains-Wiklen, au point où débouche sur la Sernf le chemin venant du col de Panix. Hennequin) avec sept Compagnies, après avoir laissé deux Compagnies sur chacun des points d'Engi, Matt et Elm, qui garderaient respectivement les communications de la Linth avec Flims, Weisstannen et Vättis, par les vallées du Mühlebach, du Krauchthal et du Raminerbach.
Le 4 vendémiaire (26 septembre), Senud, laissant ces six Compagnies en place, franchirait le Panix avec les sept autres et les acheminerait sur Flims d'où il établirait sa jonction avec la division Lecourbe vers Ilanz.
Quelques mulets chargés de caisses de cartouches suivraient ces Compagnies. Molitor recommandait de ménager les munitions et d'employer la baïonnette, qui ferait son "effet accoutumé" (Molitor au Chef de Bataillon Senud de la 76e Demi-brigade, Glaris, 2 vendémiaire, 3 heures soir. Cité par Hennequin ).
Le Feld-maréchal lieutenant Linken, ne laissant à Coire qu'un Bataillon du 62e Régiment hongrois et les cavaliers les plus mal montés des dragons de Modène, avait rassemblé le 23 septembre, près de Flims et Ruis, le gros de ses forces qui se composait de six Bataillons et un Escadron. Le 24, il met ses troupes en marche sur Glaris en trois colonnes : celle de gauche, composée d'un Bataillon et demi, est dirigée de Ruis sur Linthal et doit atteindre Schwanden le lendemain 25; celle du centre, la principale, qui comprend deux Bataillons deux tiers et l'Escadron de Dragons, s'achemine par le col de Panix sur le Sernfthal ; la colonne de droite, formée de cinq Compagnies seulement, marche également sur cette vallée en passant par le Segnespass.
Le 25, en débouchant du col de Panix, la colonne centrale se heurte aux sept Compagnies de la 76e qui défendent avec succès le pont sur la Sernf, près de Wichler-Bad. Mais vers 2 heures, intervient vers Elm la colonne de droite venue du Segnespass et un Escadron de Dragons de Modène, qui a débouché par le Weisstannerthal. La colonne de gauche atteint Schwanden le soir et coupe ainsi toute retraite aux Compagnies de la 76e, assaillies de front et de flanc. Entourées de toutes parts par des forces infiniment supérieures, elles se rendent à discrétion après avoir épuisé complètement leurs munitions. 1.300 Français tombaient entre les mains des Autrichiens (Note : Angeli, t. II, p. 382 et 383, et Note envoyée par Molitor, le 2 ventôse an VIII, au rédacteur du Précis militaire. Cité par Hennequin).
L'historique Régimentaire, qui étale les combats de la 76e sur deux jours, dit : "La tête du deuxième groupe du corps de Lincken se heurte une première fois à la gauche de Lecourbe à Elm, où le lieutenant Dominique Goeury, de la 76e, reçoit un coup de feu à l'épaule gauche. Le même jour, le Capitaine Martin Champagnat mérita cette citation : "Dans la vallée de Sernftwal, favorisa la retraite d'une colonne, en défendant un passage avec opiniâtreté". Le lendemain la lutte recommence; 13 compagnies appartenant au 1er et 3e Bataillons de la 76e, défendant le terrain pied à pied contre des forces supérieures (conduites par le Baron de Lincken en personne), arrivent à Sernft. Là, elles rompent le pont et s'efforcent de contenir l'ennemi; mais pendant que le combat se prolonge, les deux autres groupes du corps de Lincken, dont rien n'a retardé la marche, tournent complètement les 13 Compagnies. Cerné avec 8 à 900 hommes par un corps de 9000 Autrichiens dont les deux tiers de troupes fraîches, le Commandant Lenud est forcé de mettre bas les arme. Ce qui accroit encore la douleur des malheureux soldats, c'est que les drapeau des 1er et 3e Bataillons sont là. Avant que les Autrichiens s'en saisissent, le Tambour-major Foissier en détache les cravates. "Il les conserva dans les prisons de l'Autriche et les rapporta au corps, 16 jours après" (suite à un échange de prisonniers; fait extrait des états de service de Foissier)".
Précisons que le Commandant P. A. Lenud fut mis en liberté le 5 Vendémiaire an IX (26 septembre 1800). Colonel du 60e de Ligne en 1812, il fut cité à l'ordre de l'Armée d'Aragon en 1813. Il fut retraité en juillet 1822, Officier de la Légion d'honneur et Chevalier de Saint Louis. Quant aux drapeaux, ils seront retrouvés à Inspruck en 1805 et rendus au Régiment.
16/ Opérations contre Souvorov
a/ Situation de la division Lecourbe le 2 vendémiaire (matin)
La situation des troupes de la Division Lecourbe stationnées dans la vallée de la Haute-Reuss, le matin du 2 vendémiaire (24 septembre) est la suivante :
Division Lecourbe, 24 septembre 1799 (donné également par Nafziger 799IBW) - Quartier Général à Altdorf - Brigade Gudin : Brigade Loison Sources : Zurich, Masséna en Suisse ; Gachot, La Campagne d'Helvétie (1799), Paris, 1904 |
D'après les instructions reçues du Général en chef, le Général Lecourbe avait ordre de participer à l'attaque générale du 3 vendémiaire en se portant dans les Grisons par l'Oberalp. Il devait marcher sur Coire par Ilanz et Reichenau et faire sa jonction avec les treize Compagnies de la 76e venant du Sernfthal. Il occuperait ensuite le Splügen et pousserait des reconnaissances "le plus loin possible sur les revers méridionaux des montagnes pour menacer les Autrichiens d'Italie" et attirer de son côté une partie de leurs forces (Note : Bulletin historique décadaire de la division Lecourbe. Cité par Hennequin). Pendant qu'il effectuerait ce mouvement, il se couvrirait du côté du Tessin en laissant quelques troupes à Airolo et au Saint-Gothard, qui se relieraient elles-mêmes avec les postes avancés de la Division du Valais.
Il était prescrit à Loison de se mettre en marche le 2 vendémiaire avec les trois Bataillons placés à Amsteg (dont le 2e de la 76e) et le Bataillon de la 109e qui stationnait à Wassen et de se rendre à Andermatt où il bivouaquerait. Le 3 vendémiaire, Loison porterait ses quatre Bataillons dans la vallée du Rhin antérieur et prendrait position en avant de Somvis de façon à pouvoir atteindre Ilanz le lendemain. Il ferait sa jonction en ce point avec les deux Bataillons de la 76e venus par le Sernfthal. Les troupes emporteraient du pain pour cinq jours et quatre-vingts cartouches par homme. Deux pièces d'une livre de balles accompagneraient cette Brigade (Note : Lecourbe à Loison, Altdorf, ler vendémiaire an VIII. - Les canonniers pouvaient démonter et porter au besoin les petites pièces. Cité par Hennequin).
Gudin devait rester au Saint-Gothard, où la situation ne tarde guère à devenir difficile.
b/ Les Russes attaquent le Saint-Gothard
Suwaroff s'avance par trois routes. Le 24 au matin, l'avant-garde russe vient se heurter aux premiers postes français, tenus par Gudin. Après des combats acharnés, Gudin se replie sur Hospenthal où de nouveaux combats ont lieu contre les Russes. Puis passe sur la rive gauche de la Reuss et de là retraite sur Realp où il arrive à 2 heures du matin. Les trois Compagnies de Grenadiers réunis sont chargées de défendre Andermatt Andermatt avec quatre Compagnies de la 109e. Les troupes laissées dans ce village ne peuvent empêcher l'avancée de l'ennemi; elles se replient en combattant. Le Capitaine Pierre Saint Jean, de la 76e, mérite cette citation : "Le 3 vendémiaire an VIII, s'est particulièrement distingué à l'affaire de l'Urseren où il a soutenu la retraite avec avantage".
Le 3 vendémiaire, Gudin est au pied du Grimsel, prêt à soutenir Lecourbe. La Brigade Loison, après une vive démonstration sur Hospital, se retire en toute hâte et atteint heureusement Wasen.
L'Historique régimentaire dit : "Lecourbe qui ne connait encore que la marche de la colonne du centre remonte la Reuss en hâte pour soutenir ses postes attaqués. Le 2e Bataillon de la 76e (Brigade Loison) s'avance avec lui jusqu'à Hospital. La réserve reste à Urseren. Nous sommes le 2 Vendémiaire an VIII (24 septembre). La colonne russe de droite (Rosenberg) est déjà parvenue à Oberalp, au-dessus d'Urseren, quand Lecourbe apprend son existence".
c/ Combats du Pont du Diable et d'Amsteg
Les Russes, épuisés par les combats du 24, reprennent leur marche le 25. Suwaroff fait sa jonction avec Rosenberg à Urseren (Andermatt).
Lecourbe, qui est resté à Altdorf dans la journée du 24, avait appris vers 3 heures de l'après-midi l'attaque des Russes sur Airolo. Avançant son départ qui devait avoir lieu le 25 au matin, il se portait sur le Pont du Diable à la tête de son Bataillon de grenadiers dans la nuit du 24 au 25.
De son côté, Loison, compte tenu de la tournure des évènements du côté de l'Oberalp le 24 au soir, décide de fixer au Pont du Diable les deux bataillons dont il dispose encore, le 2e de la 38e Demi-brigade et le 2e de la 76e (Loison dans un premier temps était venu se concerter avec Gudin, mais les 38e et 76e n'ont pas dépassé le Trou d'Uri). Il place le gros de ces troupes sur la rive gauche de la Reuss au débouché même du pont, envoie deux Compagnies sur les hauteurs de la même rive, par où l'ennemi peut se porter sur ses derrières à Göschenen et détache quelques postes à la sortie du Trou d'Uri du côté d'Andermatt. Telle est la situation des troupes de Loison au moment où elles sont rejointes par les Grenadiers de Lecourbe, le 25 dans la matinée.
Pour retarder la marche de l'ennemi, on abat alors la partie de la route qui passe sur une voûte adossée à la montagne d' "Ioch " (Note : Ce nom d'Ioch désigne sans doute les dernières pentes du Bätzberg bordant la Reuss. Hennequin), et le combat s'engage vivement d'une rive à l'autre, aux abords du Pont du Diable, ainsi que sur les hauteurs où la colonne tournante de gauche des Russes a rencontré les deux Compagnies de Loison. Lecourbe n'a laissé à l'entrée du Maderanerthal que deux Compagnies du 3e Bataillon de la 38e et une Compagnie de Sapeurs ; comme il craint que l'ennemi ne débouche sur ses derrières par cette vallée et ne lui coupe sa ligne de retraite, il ordonne pendant le combat au Pont du Diable au 2e Bataillon de la 76e de se porter sur Amsteg pour y renforcer les faibles troupes laissées sur ce point. Ce Bataillon a à peine parcouru une lieue, quand le Général de Division apprend que l'ennemi débouche en force sur Amsteg. Il prescrit alors à Loison de se retirer avec le seul Bataillon de la 38e en "arrière de Göschenen", de défendre le terrain pied à pied jusqu'à Wassen et de tenir sur ce point à outrance (Lecourbe écrit dans son Bulletin décadaire : "Nos troupes furent obligées d'abandonner le Trou d'Uri et d'abattre le chemin adossé à la montagne d'Ioch près le Pont du Diable pour contenir la masse de l'ennemi. Ses tirailleurs se portèrent, après avoir passé la Reuss, sur le sommet de cette montagne où le combat s'engagea vivement. Le général Lecourbe qui prévoyait les desseins des Austro-Russes envoya le 2e bataillon de la 76e sur Amsteg pour renforcer les deux compagnies de la 38e demi-brigade et une compagnie de sapeurs chargée de la défense du Maderanerthal. A peine ce bataillon avait-il fait une lieue que le général de division apprit que l'ennemi arrivait en force par cette gorge sur Amsteg". Il n'apparaît pas que Lecourbe ait eu du canon avec lui, comme il est dit dans certains ouvrages étrangers. Hennequin). Lui-même, à la tête de ses Grenadiers, se porte en toute diligence sur Amsteg. Parvenu à Wassen, il apprit par une "ordonnance pressée" que l'ennemi lui coupe déjà la retraite.
En effet, un Corps autrichien conduit par Auffenberg s'était dirigé de Dissentis sur Amsteig (ou Steig) afin de donner la main à l'armée russe et barre la route à la Brigade Loison que ramène Lecourbe, parfaitement décidé à forcer le passage à tout prix. "Pour se tirer de ce mauvais pas, Lecourbe, dit Masséna (tome III page 380), n'avait pas le choix des moyens. Il fallait qu'il marchât à Amsteig sur le ventre des Autrichiens et il ne balança pas".
Entre temps, Lecourbe avait envoyé en hâte un de ses Officiers d'Etat-major dans la direction d'Amsteg, pour presser la marche du 2e Bataillon de la 76e, pendant que lui-même accourait à marche forcée à la tête de ses Grenadiers. Deux Compagnies du 2e Bataillon de la 76e sont laissées en arrière pour se couvrir contre les Autrichiens qui observent la direction de Wassen.
Chemin faisant, le Lieutenant Poulet se trouve coupé de sa Compagnie avec son Tambour sur le Maderenthal. Grâce à son sang froid et à sa bravoure, "non seulement il ne se laissa pas prendre, mais il ramena lui-même 9 officiers et 25 Autrichiens prisonniers". Le Sous-lieutenant Treillet, déjà cité à la précédente affaire de Wasen, fait également, pendant cette marche, 9 prisonniers.
Le plus bel exploit de la journée va être accompli par le Lieutenant Jérôme Masse. Le Bataillon de la 76e reçoit l'ordre de s'emparer du pont de Steig, en partie détruit. Masse "commande le détachement qui doit commencer l'attaque. Il se porte aussitôt vers le pont que l'ennemi est en train de détruire. Un seul madrier reste encore; il va céder à la hache des travailleurs lorsque le hardi lieutenant s'élance à la course sur ce fréle appui et franchit l'arche détruite malgré le feu le plus vif. Quelques braves l'imitent, suivis bientôt par tout le 2e bataillon, et l'ennemi repoussé est maintenu à distance jusqu'à l'écoulement complet de la colonne".
Né le 4 mai 1759 à Narbonne (Aude), s'enrôla comme Fusilier dans le Régiment de Dauphiné (38e) le 1er janvier 1777 et fit la campagne de 1782 à Genève, sous les ordres de M de Jaucourt. Caporal le 15 mai 1789 et Sergent le 25 janvier 1792, il sert aux armées des Ardennes et de Sambre et Meuse de 1792 à l'an II; Adjudant Sous lieutenant le 13 septembre 1793, il passe avec ce grade à la 76e Demi-brigade, lorsque le 2e Bataillon entre dans la composition de cette Demi-brigade en 1794. Il est à l'Armée des Côtes de l'Océan commandée par le Génral Hoche en l'an III et en l'an IV; il passe à l'armée du Rhin et Moselle où il obtient le grade de Lieutenant le 1er Prairial an V (20 mai 1797). Avec sa Compagnie, il fait toutes les campagnes du Régiment de l'an VI à l'an VIII, servant aux armées d'Helvétie, du Danube, du Rhin, et de Hanpvre. Il se fait remarquer par son intrépidité et son sang froid. Le 14 vendémiaire an VIII, le 2e Bataillon de la 76e est chargé de s'emparer du pont de Stein, pour protéger la retraite d'une colonne dirigée par le Général Loison. masse commande le détachement destiné à commencer l'attaque; il se porte rapidement sur le pont que l'ennemi est en train de détruire; un seul madrier reste encore, et va céder aux efforts des sapeurs; ce brave Officier s'élance à la tête de sa troupe, repousse les Autrichiens et remplit ainsi glorieusement la mission qui lui a été confiée. Cette action vaut à Masse un sabre d'honneur par arrêté du Premier Consul en date du 28 thermidor an X, et par suite son admission de droit dans la Légion d'honneur, dont il est créé Officier le 25 prairial an XII (13 juin 1804), récompense des plus rares sur la poitrine d'un Lieutenant. Désigné par l'Empereur pour être membre du collège électoral du Haut-Rhin, Masse prend sa retraite le 8 juillet 1807 et meurt à Soultz (Haut-Rhin) le 11 avril 1816. |
Le pont franchi file par file sous une grêle de balles, la troupe réoccupe Amsteg et repousse devant elle les Autrichiens jusqu'à l'entrée du Maderanerthal. Les Grenadiers de Lecourbe arrivant à la rescousse rétablissent le pont et prêtent leur appui au 2e Bataillon de la 76e. L'ennemi, contenu jusqu'alors, tente vers 4 heures de l'après-midi de reprendre Amsteg. Refoulant devant lui les tirailleurs français, il arrive aux abords du village, et un certain flottement se manifeste parmi les Grenadiers, quand Lecourbe, accouru sur le lieu du combat, met l'épée à la main, rallie ses hommes et, faisant battre la charge, se précipite sur l'adversaire au cri de : "En avant ! suivez-moi !". Il parvient à refouler Auffenberg dans le Maderanerthal, et l'ennemi laisse entre ses mains, au cours de ce combat, 200 hommes, dont 4 Officiers.
A 7 heures du soir, les troupes de Lecourbe sont réunies; elles stationnent en aval d'Amsteg. Les Russes n'ont pas dépassé Wassen.
Le lendemain au jour, ceux-ci se portent sur Amsteg ; l'avant-garde du Corps de Rosenberg commandée par Miloradovitsch vient se heurter au pont en partie incendié et que défend en arrière le Bataillon de la 76e laissé à l'arrière-garde. Celui-ci dirige un feu violent sur la tête de colonne russe, mais elle n'en parvient pas moins à franchir le ruisseau sur quelques poutres épargnées par l'incendie et à repousser à la baïonnette l'arrière-garde que Lecourbe commande personnellement et qui "se retira pas à pas par compagnie en échelons, faisant un feu nourri et bien soutenu". Le Général Loison a ainsi le temps de disposer les deux Bataillons de la 38e sur la rive gauche de la Reuss, en arrière des ponts d'Erstfeld et d'Attinghausen. Vers 9 heures du matin, les Russes débouchant de Schattdorf pressent vivement le Bataillon de la 76e. Lecourbe fait alors sortir d'Altdorf quatre Compagnies de Grenadiers qui chargent l'avant-garde ennemie et la refoulent sur l'étendue d' "une demi-lieue". Cette attaque dégage le Bataillon de la 76e qui, filant aussitôt par Altdorf, peut venir prendre position au pont de Seedorf. Les Grenadiers, "encouragés par la présence de leur général de division", forment alors l'arrière-garde et achevent leur retraite dans le plus grand ordre. Une pièce de canon bien placée au débouché du Schächenthal foudroie par six décharges à mitraille la tête de colonne ennemie au moment où elle va franchir le ruisseau, ce qui cause un nouveau temps d'arrêt dans la marche des Russes. Lecourbe s'est constamment tenu à l'arrière-garde; arrivé le dernier à Seedorf, il laisse sur la rive droite de la Reuss, en avant du pont, deux pièces avec quelques fractions d'infanterie pour les soutenir et dispose en arrière le Bataillon de la 76e, les Grenadiers et un peloton de Dragons.
Vers une heure de l'après midi, les Russes, débouchant d'Altdorf, tentent de se porter sur Seedorf; ils sont repoussés.
Pendant que Lecourbe, suivant l'expression de Lavallée, défend pied à pied chaque gorge, chaque torrent pour retarder la marche de Suwaroff, Masséna à Zurich écrase ses Lieutenants.
d/ Les Russes se portent dans le Muotathal
Souvorov, ignorant des événements qui se sont déroulés à Zürich et sur la Linth dans les journées des 25 et 26, a toujours pour objectif d'établir sa liaison avec Hotze par Schwyz et de marcher ensuite sur Lucerne par la trouée d'Art-Goldau.
Le 27 septembre, les troupes russes se mettent en marche. Avant d'abandonner définitivement la vallée de la Reuss, Souvorov fait exécuter quelques démonstrations par ses troupes d'arrière-garde. De grand matin, quelques Officiers russes exécutent des reconnaissances le long de la rivière en amont de Seedorf, et un parti, composé de plusieurs Bataillons avec du canon, se porte dans la direction du pont d'Erstfeld et se heurte à quelques postes français.
"Déjà l'attaque était commencée et une solive était placée avec des cordes sur les traverses de ce pont, lorsque le général Lecourbe, après y avoir envoyé un officier de son état-major pour y organiser la défense (note : Loison avait laissé quelques Compagnies en arrière des ponts d'Erstfeld et d'Attinghausen. Hennequin), passa la Reuss avec le bataillon de la 76e, quatre compagnies de grenadiers et deux pièces de canon" (Note : Bulletin historique décadaire de Lecourbe; cité par Hennequin). Pendant que le gros se porte directement sur Altdorf, deux Compagnies de Grenadiers s'acheminent par un mouvement tournant sur les derrières du village. Un Aide de camp arrivant en ce moment apporte la nouvelle de la victoire de Zürich. Les troupes enthousiasmées se précipitent sur le village aux cris de "Vive la République", et ses défenseurs s'enfuient dans le plus grand désordre. Les troupes russes, qui se sont portées sur Erstfeld, voyant leur retraite menacée, rétrogradent elles-mêmes sur Bürglen, et un combat traînant se soutient dans cette région jusqu'à 7 heures du soir. A la nuit, Lecourbe reprend ses positions en arrière du pont de Seedorf.
Armée française du Danube, 20 septembre 1799 (Nafziger - 799IBR) 2e Division : Général Lecourbe |
Forces françaises en Suisse, fin septembre 1799 (Nafziger - 799IMC) 2e Division : Général Lecourbe (dans les petits cantons) Miliutin, "Geschichte des krieges Russlands mit Frankreich under der Regierung Kaiser Paul's I. im Jahr 1799", Munich, 1856 |
17/ La fin de la campagne
A la fin de la première décade de vendémiaire, les troupes françaises qui ont pris part aux opérations forment quatre groupes placés respectivement :
Dans la région Bülach - Winterthur : 5e et 6e Divisions avec la réserve de Klein, aux ordres du Général Ménard.
Dans la zone Einsiedeln - Schwyz - Muotathal : 4e Division (Mortier) renforcée d'une partie de la 2e Division, sous le commandement du Général Soult.
Sur la Linth, autour deNafels : 3e Division (Gazan, en remplacement de Soult) et la Brigade Molitor, commandées par le Général Gazan.
Sur la Haute-Reuss et la Haute-Aare : 2e Division, aux ordres de Lecourbe, puis de Loison, Lecourbe ayant été appelé au commandement de l'Armée du Rhin.
Au commencement d'octobre, les troupes dont dispose Loison sont ainsi réparties : le 2e Bataillon de la 38e Demi-brigade et trois Compagnies de la 76e (note : Ces trois Compagnies constituent le reliquat des 1er et 3e Bataillons de la 76e faits prisonniers le 3 vendémiaire dans la vallée de la Sernf. Hennequin), soit douze Compagnies, se trouvent dans le Schächenthal, observant le Klausenpass et le Kinzigpass : le 3e Bataillon de la 38e stationne à Amsteg d'où il détache des postes dans le Maderanerthal et établit la liaison avec Gudin (qui a réoccupé le Gothard et la Haute-Reuss le 13 vendémiaire); le 2e Bataillon de la 76e, avec deux Escadrons du 1er Dragons, sert de réserve à Altdorf.
Les troupes postées dans le Schächenthal reçoivent, le 4, en exécution des instructions de Soult, l'ordre de se porter dans le Linththal pour y opérer contre Souvorov, conjointement avec Mortier et Gazan. Le soir de ce jour, elles bivouaquent au delà du Klausenpass, et, le lendemain 5, quatre Compagnies du 2e Bataillon de la 38e arrivent suffisamment à temps à Schwanden pour prendre part au combat livré par Molitor à l'arrière-garde russe, qui se retire. Soult adresse aussitôt de nouveaux ordres aux Généraux Gazan, Mortier et Loison.
Loison, dans le but de protéger les derrières de Mortier, poussera des partis sur Pantenbrücke, dans la haute vallée de la Linth, qui s'efforceraient de gagner la vallée du Rhin. Il fera surveiller le Gothard par Gudin et donnera ordre à celui-ci d'envoyer des détachements sur Disentis. La liaison entre Mortier et Gazan se fera au moyen de postes échelonnés par ces deux Généraux dans le Linththal et le Weisstannerthal (Soult à Loison, Schänis, 13 vendémiaire. Cité par Hennequin).
Loison, se conformant aux instructions de Soult, prescrit au 2e Bataillon de la 38e Demi-brigade de se porter le 6 octobre sur Pantenbrücke et les Grisons, où il doit opérer une diversion qui parait devoir favoriser l'ensemble des opérations. Ayant appris que les passages des montagnes sont impraticables, il contremande le mouvement et ordonne au Bataillon de se replier sur Altdorf. Celui-ci couche le soir du 14 vendémiaire (6 octobre) à Unterschächen et rejoint le lendemain à Altdorf le 2e Bataillon de la 76e et les deux Escadrons qui y ont été laissés.
Le 14 vendémiaire; Loison demande à Gudin d'opérer une diversion dans la vallée du Rhin, dans le but de favoriser les mouvements de Mortier sur Sargans. Loison propose d'envoyer à Andermatt un Bataillon de la 38e et 400 hommes de la 76e, tirés du gros de la Division, afin de remplacer les troupes engagées par Gudin. Elles pourront également couvrir du côté de la Levantine les troupes opérant sur Disentis.
Le 16 vendémiaire (8 octobre), Loison écrit depuis Altdorf à Gudin : "... employez la 76e, dont le chef est excellent, mais calmez sa trop grande pétulance en lui liant les mains par une instruction dont il ne puisse s'écarter" (cité par Hennequin).
Le même jour, le 3e Bataillon de la 38e et six Compagnies de la 76e, venus d'Amsteg et d'Altdorf, prennent la direction de Dissentis (Note : Gudin au Chef de Bataillon Lovisy, commandant le 2e Bataillon de la 76e, 17 vendémiaire. - Le Bataillon des Grenadiers réunis (3 Compagnies) appelé à Altdorf par Loison, au moment où celui-ci envoyait des troupes dans le Linththal, devait recevoir par la suite un contre-ordre lui prescrivant de rentrer à Andermatt. Hennequin).
Le Chef de Bataillon Lovisy qui commande le détachement envoyé dans cette vallée le 16, rend compte le 18 que l'ennemi s'est retiré jusqu'à Reichenau, tout en soulignant que par mauvais temps, il n'aurait "pu faire sa reconnaissance, faute de souliers" (Hennequin). Comme les Impériaux paraissent se renforcer au contraire dans le val Levantine et que Jardon n'a envoyé personne de ce côté (Note : Lovisy écrit à Gudin, le 18 : "C'est vous parler des affaires de l'autre monde que de vous dire qu'une brigade de la division Turreau a reçu l'ordre de se rendre à la 2e en passant par le Grimsel, si toutefois le Grimsel peut être passé. Je doute fort de la possibilité, mais nos collègues de l'état-major général ne voient ces montagnes qu'avec une longue-vue tournée à rebours, ce qui diminue les objets". Cité par Hennequin), Gudin rappelle à Andermatt, d'abord le Bataillon de la 38e envoyé à Disentis, puis les Compagnies de la 76e qui, toutefois, laissent quelques postes dans le Val Tavetsch.
Le 1er Bataillon de la 38e qui faisait partie de la Division Mortier quitte lui-même la région de Wallenstadt le 18 vendémiaire et vient se joindre au gros des forces de Loison à Altdorf le 23 (15 octobre). Seuls, quelques détachements laissés dans le Linththal et le Schächenthal assurent la liaison avec la Division Mortier.
Dans les derniers jours de vendémiaire, la situation de la Brigade Gudin se trouve être la suivante :
400 hommes environ de la 109e tiennent Airolo, poussant des postes dans la Levantine ;
400 hommes de la 76e sont au lac d'Oberalp, détachant des partis sur Tschamut ;
1.000 hommes des 76e et 109e Demi-brigades se trouvent à Andermatt (Loison à Soult, Altdorf, 23 vendémiaire; cité par Hennequin).
Jusqu'alors cette Brigade a pu vivre au jour le jour grâce aux envois faits par les magasins d'Altdorf et d'Amsteg et à l'abondance du bétail dans la haute vallée, mais les neiges chassées par le vent menacent d'obstruer le Trou d'Uri, sur la ligne de ravitaillement, et Gudin voie avec angoisse arriver le moment où il sera bloqué sans issue dans Andermatt. Le col de la Furka, quoiqu'il soit un des meilleurs des Alpes, est déjà recouvert d'un demi-pied de neige, ceux d'Oberalp et du Grimsel ont été reconnus impraticables, et, si on communique encore assez facilement avec Airolo par l'hospice, on n'a plus de "boeufs de montagne" pour assurer les transports de vivres aux troupes laissées dans cette région. Au surplus, les soldats à moitié nus souffrent infiniment du froid et se voient réduits à détruire les chalets pour alimenter de maigres feux; le manque de sel est cause que beaucoup d'hommes refusent leur distribution de viande et tombent malades. Dans ces lamentables conjonctures, Gudin demande à Loison que les trois quarts de ses troupes soient rappelés à Altdorf : "Un bataillon, écrit-il, est tout ce que peut contenir la vallée en hiver, encore est-ce beaucoup" (Note : Gudin à Loison, 28 vendémiaire).
En réponse à cette demande, le Général commandant la 2e division ordonne de ne conserver à Andermatt que la 109e ; vu l'impraticabilité des chemins, elle parait devoir suffire à la garde du Saint-Gothard. Gudin laissera à Airolo et à l'hospice des postes d'observation qui "suivraient attentivement le progrès des neiges afin de ne point se laisser bloquer". Les Compagnies de la 76e rejoindront leur bataillon.
Le 1er Bataillon de la 76e part le 1er brumaire (23 octobre 1799), pour Bâle, tandis que les trois Compagnies de Grenadiers réunis des 38e, 76e et 84e ont été appelées à Zürich le 25 (17 octobre ?).
Gudin quitte sa Brigade le 3 brumaire et est remplacé par Jardon.
Ainsi se termine, pour la 76e, la série des belles actions accomplies par ses hommes dans la vallée de l'Helvétie.
Après un mois de courses fantastiques sur les glacis escarpés des Alpes, le héros de la Russie se retire en Bavière.
Situation de l'Armée du Danube le 30 brumaire an VIII - 21 novembre 1799 (Nafziger - 799KBY) 7e Division : Généraux de Division Soult et Chabran Brigades : Généraux de Brigade D'Aultanne, Walther, Jacopin, et Nouvion Division de Réserve : Général de Division Turreau, dans la région de Winterthur Source : Hennequin, Cpt, L. : "Zurich, Masséna en Suisse, Messidor an VII - Brumaire an VIII, juillet-octobre 1799"; 1911, Paris, Librairie Militaire Berger-Levrault |
Armée d'Helvétie, 23 novembre 1799 (Nafziger - 799KCN) Commandant : Masséna 7e Division : Général de Division Soult Division de Réserve : Général de Division Turreau Source : Gachot, E. La Campagne d'Helvétie (1799), Paris, 1924 |
De son côté, la 76e, épuisée par la lutte, rejoint son dépôt à Pontarlier (le dépôt de la 76e, envoyé d'abord à Belfort, avait été dirigé en septembre, sur Pontarlier. Il alla ensuite à Guebwiller). Nous la retrouverons bientôt à l'Armée du Rhin.
Armée d'Helvétie franchissant le Rhin, fin 1799 (Nafziger - 799XCO) Camp retranché de Basel : Général de Brigade Barbier Source : Gachot, E. La Campagne d'Helvétie (l799), Paris, 1924 |
Armée française du Rhin, fin décembre 1799 (Nafziger - 799LCL) Centre : Général Gouvion Saint-Cyr (dans Basel) |
F/ Campagne d'Allemagne en 1800
1/ Du Rhin au Danube
En 1800, l'armée se trouve extrèmement démunie : "Nous étions dépourvus d'effets de campement, dit Gouvion Saint-Cyr dans ses Mémoires (tome II, page 116)... Les soldats n'avaient ni haches, ni marmites, ni gamelles". La 76e était depuis quelque temps à Neu-Brisach (l'historique de L. Landais indique Vieux Brisach), son dépôt (180 hommes) était alors à Guebwiller; il arrivera à Neu-Brisach le 18 Prairial (6 juin 1800).
Le 22 janvier 1800 (2 pluviôse an 8), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Lefebvre, commandant les 15e et 17e Divisions Militaires, à Paris : "Le général Lefebvre donnera l'ordre au général de brigade Chambarlhac de partir avec un bataillon de la 43e et un de la 76e demi-brigade, pour se rendre, par le plus court chemin, dans le département de l'Orne. Il se présentera devant Bellesme, en chassera les chouans. Le général de brigade Merle restera avec une forte colonne dans l'arrondissement de Mortagne, Bellesme et Laigle. L'adjudant général Champeaux restera avec une forte colonne dans l'arrondissement d'Argentan, Gacé et Laigle. Le général Chambarlhac, après avoir fait occuper Bellesme par le général Merle, se portera sur Domfront et sur Flers, qui est le quartier général de Frotté. Le général Guidai, qui commande à Alençon, le général Merle et l'adjudant général Champeaux, seront aux ordres du général Chambarlhac, et il les réunirait, si cela devenait nécessaire. Le général de division Gardanne doit se trouver à Vire. Vous donnerez aux troupes de votre division qui sont dans le département de l'Orne l'ordre de séjourner dans ce département huit ou dix jours, et de n'en sortir que pour faire des courses de vingt-quatre heures au plus dans les départements voisins, à moins d'événements majeurs imprévus, tels qu'un débarquement sur les côtes de la Manche. Vous ordonnerez aux généraux Chambarlhac, Merle, Guidal et à l'adjudant général Champeaux de correspondre très-souvent avec vous, et de ne se donner aucun repos qu'ils n'aient détruit les rassemblements de Frotté.
Vous ferez part, par un courrier extraordinaire, au général Gardanne, à Caen, des présentes dispositions" (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 4547; Correspondance générale, t.3, lettre 4899).
Le 29 janvier 1800 (9 pluviôse an 8), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Lefebvre, commandant les 15e et 17e Divisions Militaires, à Paris : " … M. Bourmont, qui commande les chouans dans ce département, a accédé à la pacification. Il n'en est pas moins nécessaire que le général Chambarlhac pousse vivement tous les rassemblements qui existeraient encore, soit dans le département de l'Orne, soit dans la Sarthe ou la Mayenne. Il aura à cet effet de bonnes colonnes commandées par le général Merle et le général Champeaux. Vous ferez partir demain le 2e bataillon de la 43e et le 2e bataillon de la 76e, trois pièces d'artillerie légère et tout le 5e dragons. Cette colonne sera commandée par le chef de brigade de la 43e. Elle se rendra à Verneuil, où elle restera en réserve. Vous en préviendrez le général Chambarlhac, qui n'en disposera qu'en cas d'un besoin imminent. Le commandant de cette colonne vous préviendra, par des courriers extraordinaires, de tout ce qui sera à sa connaissance, soit du côté d'Évreux, soit du côté de Nogent-le-Républicain. S'il se présente des rassemblements de chouans, il les poursuivra. Vous lui ferez connaître que sa principale mission est de rester en observation, et d'être à votre disposition selon les circonstances et les nouvelles ultérieures que je recevrai" (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 188 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.3, p. 457 ; L. Lecestre : « Lettres inédites de Napoléon Ier (an VIII-1815), Paris, 1897, t.1, lettre 8 ; Correspondance générale, t.3, lettre 4912).
Au mois de mars, les troupes destinées à former l'armée du Rhin, au nombre d'environ 110000 hommes, sous le commandement en chef de Moreau, se rassemblent le long de la rive gauche du Rhin, et pour la plupart aux environs de Strasbourg.
Le 14 mars, le Général Ney reçoit l'ordre du Général en chef Moreau de se rendre de suite à Strasbourg auprès du Lieutenant général Gouvion Saint-Cyr, pour y recevoir le commandement d'une Division dans le Corps du centre de l'Armée du Rhin. Cette Division, la première du Corps Gouvion Saint-Cyr, se compose, depuis le 21 mars, d'un Bataillon de la 12e légère, des 54e, 76e et 103e de ligne, à 3 Bataillons, du 8e Chasseurs et du 25e de (grosse) cavalerie, de deux Compagnies d'artillerie légère, d'une Compagnie de Sapeurs et des services d'entretien.
Mi avril, Ney part pour Neuf-Brisach où est réunie la Division qu'il doit commander; il y arrive le 22 avril.
L'Armée du Rhin est partagée en quatre groupes : l'aile droite, commandée par Lecourbe; le centre sous Gouvion Saint Cyr; la gauche sous Sainte Suzanne; le corps de réserve aux ordres de Moreau.
La 76e, qui s'est reformée pendant son séjour à Neuf-Brisach, est alors placée à la 3e Division Ney du Corps du centre (Gouvion Saint-Cyr), Brigade Bonet. Cette Brigade se trouve sur la rive gauche du Rhin, à Neuf-Brisach et environs.
Au moment où les opérations commencent, son effectif est de 2144 hommes (2181 selon l'historique de L. Landais; 2281 selon une situation de Nafziger datée du 25 avril 1800) ainsi répartis : 1er Bataillon, 719; 2e Bataillon, 724; et 3e Bataillon, 701. Elle est toujours commandée par le Chef de Brigade Gorée.
Le 25 avril, Moreau franchit le Rhin à Bâle, et Sainte Suzanne à Kehl. De son côté, à 4 heures du matin, la Division Ney franchit le Rhin, marche sur Eichstetten en deux colonnes, refoulant devant elle les détachements de couverture autrichiens pendant que les deux autres Divisons se dirigent sur Fribourg et s'en emparent à la suite d'un combat assez vif contre les troupes de Gyulai (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
"Le 25 avril, dit Gouvion (tome II, page 120), le Corps du centre passa le Rhin à 4 heures du matin, sur le pont établi au Vieux-Brisach; la division Ney était en tête. Cette division prit position sur la rive droite et couvrit la marche du corps d'armée sur Fribourg. Les Autrichiens, refoulés par Ney, ne cédaient le terrain que pied à pied : la brigade Bonnet enleva successivement Wassenweiler, Gottenheim et Bezenheim". Ce dernier village est ensuite repris par les Autrichiens, "mais la 76e demi-brigade le reprit à son tour après un nouvel effort : le front de ce village était retranché et appuyé d'une bonne redoute" (tome II, page 122).
Le 9 Floréal (28 avril), le Corps Gouvion Saint-Cyr quitte ses positions autour de Fribourg pour aller donner la main à l'aile droite et à la réserve de l'armée, qui va franchir le Rhin entre Bâle et Schaffouse. Dans cette marche longue et difficile en présence de l'ennemi, la Division Ney, qui s'est concentrée à Neuhof, le 27 avril, occupe Sainte-Blaise le 28 au soir, Seebruck le 30.
Le 1er mai (11 floréal), Gouvion Saint-Cyr établit l'ordre de marche de ses troupes : "... La division aux ordres du général Ney se mettra en mouvement, à 10 heures du matin, pour se porter sur Bettmaringen, où elle prendra position, appuyant sa droite à la gauche du général Baraguey d'Hilliers et sa gauche à cet endroit ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Conformément à ses ordres, la Divisin Ney prend position, le 1er mai, à Bettmaringen, après en avoir chassé les avant-postes de l'Archiduc Ferdinand (aile droite autrichienne).
Situation de l'Armée du Rhin le 1er mai 1800 (Nafziger) |
Le 3 mai, la Division Ney, mise en mouvement à 6 heures du matin, passe par Stuhlingen et arrive seulement après douze heures de marche, à l'extrême gauche du champ de bataille dont Engen est la clé. Dans la soirée, après que la Division Baraguey-d'Hilliers a enlevé les villages de Saint-Ottila et Zollhaus, la 76e est engagée avec une partie de la Division Ney pour chasser l'ennemi des hauteurs de Furstenberg, puis d'Auelfingen. Elle débouche du bois situé entre Riedeschingen et Riedeperingen et aborde les Autrichiens avec une confiance superbe et un ensemble parfait. "En un instant nous fûmes maîtres de cette belle position et de la plaine qui se trouve en arrière" (Gouvion Saint-Cyr, t. II, p. 169). La droite de l'armée de Kray est tournée, Ney prend position à gauche de Stetten. La 76e détache sur la gauche de la Division un Bataillon en avant d'Auelfingen pour surveiller les débouchés de Geisingen et un autre plus à gauche encore et en arrière, que le Général Lacroix pousse dans la direction de Donaueschingen avec des cavaliers du 25e Régiment (voir la correspondance des Généraux Sahuc, Thureau et Lacroix avec Gouvion Saint-Cyr, le 13 Floréal an VIII - 3 mai 1800).
Kray prend position, le 4 mai, entre Tuttlingen et Mosskirch. Gouvion Saint-Cyr donne ordre à la Division Ney de se porter de Stetten sur la hauteur de Hattingen (route de Tuttlingen).
Le lendemain 5 mai, de grand matin, Gouvion Saint-Cyr, alors à Engen, adresse au Général Ney l'ordre suivant (autographe) :
"Vous voudrez bien, mon cher camarade, au reçu du présent (ordre), mettre votre division en mouvement pour prendre position, la droite à Neithausen, la gauche appuyant à la grande route de Stockach à Tuttlingen, en suivant à peu près la lisière des bois et la crête des hauteurs qui versent leurs eaux dans le Danube.
Je compte m'établir à Liptingen. Faites-moi le plaisir, mon cher camarade, d' (y) envoyer une sauvegarde, afin qu'il (ce village) ne soit pas pillé, et principalement, la maison du curé qui est un brave homme dont les Français n'ont eu qu'à se louer.
P. -S. - Le corps de réserve aura sa droite appuyée à Krumbach et sa gauche dans la direction de la position que vous occuperez (vers Neuhausen)" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Le même jour, Saint-Cyr écrit de Liptingen (autographe), à 3 heures du soir (sic), au Général Ney, à Neuhausen :
"Au reçu du présent (ordre) vous voudrez bien, mon cher général, mettre vos troupes en mouvement pour vous porter à Buchheim et Lefredingen (Fridingen) sur la droite des ennemis en les poussant toujours sur Sigmaringen, où vous tâcherez d'appuyer votre gauche.
Le reste du corps d'armée vous suivra et se portera toujours entre Messkirch et Sigmaringen.
Le général Moreau (corps de réserve) a pris position à Krumbach et le général Lecourbe à Messkirch.
Nous espérons faire une bonne journée aujourd'hui.
Je vous recommande, mon cher général, la plus grande célérité pour commencer le mouvement que vous allez faire.
P. -S. - Marchez toujours de manière à appuyer votre gauche au Danube, sans perdre l'avantage de la hauteur" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Il y a 4 kilomètres de Liptingen à Neuhausen. Recevant, à 3 h. 30 au plus tard, l'ordre qui précède, le Général Ney, ardent et actif comme on sait, forme son avant-garde vers 4 heures, et la pousse, sans retard, au nord de Neuhausen. De son côté, le Corps Gouvion Saint-Cyr attaque la droite de Kray (Archiduc Ferdinand).
La Division Ney entend bientôt une vive canonnade du côté de Moesskirch. C'est Lecourbe qui est aux prises avec la gauche ennemie. Ney est alors envoyé sur Tuttlingen, pour attirer vers ce point l'attention des Autrichiens. La 76e est engagée contre les défenseurs de ce village qui est brillamment emporté. Le Lieutenant Sébastien Lancereau est tué dans cette attaque.
Le 6, à la première pointe du jour, on s'aperçoit que l'ennemi se met en retraite de toutes parts, se dirigeant sur Haitz et Sigmaringen. La poursuite commençe aussitôt. Ney se heurte d'abord à une masse autrichienne postée à Buchheim; elle est tournée et se retire en laissant 200 prisonniers. "Mais arrivé à la hauteur du village de Krahenheimstein, il rencontra, dit Saint-Cyr, une forte arrière-garde de l'ennemi bien postée et paraissant décidée à faire une grande résistance. Elle protégeait la retraite d'un nombreux corps d'armée qui se retirait des environs de Moesskirch, et défilait alors par le village d'Engelvees". Ney attaque cette arrière-garde dès qu'il est informé de sa position et de sa force. "Les 54e et 76e demi-brigades et le 8e de chasseurs chargèrent avec un grand courage. L'ennemi se défendit opiniàtrément; mais ses positions furent enlevées les unes après les autres. Le corps entier fut mis en déroute et poursuivi jusqu'à Inzighofen" (Gouvion Saint-Cyr, t. II, p. 205). Dans ces différentes affaires, Ney a fait 1200 prisonniers dont 20 officiers, pris des chevaux et un grand nombre de voitures d'équipage. Toute l'armée de Kray repasse le Danube à Sigmaringen, à l'exception d'un petit corps d'observation.
Le 7 mai de bonne heure, l'ordre suivant est expédié d'Engelswies, par le Lieutenant général Saint-Cyr, au Général Ney :
"Vous voudrez bien, mon cher camarade, au reçu de cet ordre, faire vos dispositions pour rejeter l'ennemi sur la rive gauche du Danube, si vous pouvez le faire sans vous compromettre.
Du moment que vous serez sûr qu'ils (les Autrichiens) sont entièrement sur l'autre rive, vous laisserez une bri gade à Sigmaringen et Sigmaringendorf et le reste de la division viendra prendre position entre Scheer (Scheen) et Enenthal (Ennetach).
Vous êtes prévenu que le reste du corps d'armée va se mettre en mouvement pour se rendre à Mengen" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Conformément à ses ordres, Ney rejette le corps d'observation autrichien sur la rive gauche dans la matinée du 7. La 76e reste ensuite à Sigmaringen et Sigmaringendorf, pendant que le reste de la Division prend position entre Scheer et Ennendach sur la rive gauche.
L'ordre du 7 au soir pour la journée du 8 mai, adressé de Krauchenwies par Saint-Cyr au général Ney porte :
"Demain à 4 heures du matin, vous mettrez votre division en mouvement pour prendre position, la gauche au Danube, à hauteur de Riedlingen, la droite à Kanzach exclusivement, son front couvert par le ruisseau (le Kanzach) qui prend sa source au lac de Plumer et se jette dans le Danube au sud (en réalité au nord) de Riedlingen. Vous êtes prévenu que le général Tharreau appuiera sa gauche à Kanzach" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Le 8, Kray repasse le Danube à Riedlingen et va prendre position à Biberach, où se trouvent des quantités énormes d'approvisionnement. L'ordre à la Division Ney pour le 9 mai prescrivait de partir à 6 h. 30 du matin, pour aller prendre position en avant (à Test) de la Riss, la gauche à Hepfingen, la droite sur la Dirnach.
Ce jour-là est livré le combat de Biberach, sur la Riss; la Division Ney, qui tient la gauche de l'armée et a reçu l'ordre d'éclairer la vallée du Danube, ne peut arriver à temps pour le combat; 4 Officiers, envoyés à sa rencontre pour l'engager à presser le pas, ne peuvent trouver la moindre de ses traces, quelque direction que l'on suivit. En fait, Ney a longé le fleuve en cotoyant la rive droite, et retardé par la longeur du chemin, et les sinuosités du Danube que l'ennemi a faiblement défendues, il n'arrive à Biberach que le 10 au soir, après le double échec de l'armée autrichienne à Biberach et à Memmingen. Kray se retire enfin sous le canon d'Ulm, suivi de l'amée française (12 mai). Moreau l'y suit et la Division Ney campe jusqu'au 14 entre l'abbaye de Wiblingen pour sa droite et Dellmensingen pour sa gauche.
Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 mai 1800 (Nafziger) Centre : Lieutenant Général G. St.-Cyr Aile gauche : Lieutenant Général Sainte-Suzanne Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemange, Année 1800, Paris, 1829 |
Le 14, l'armée française abandonne ses positions et se porte sur la Günz. La Division Ney va prendre part à diverses opérations, "assauts de stratagèmes, d'alertes, de démonstrations, dit Giguet, que firent pendant quarante jours les généraux en chef l'un pour s'emparer d'Ulm, l'autre pour conserver ce point d'appui décisif". Ainsi, le 14, Saint Cyr fait passer l'Iller à cinq heures du matin à la Division Ney, qui prend la route de Weissenhorn et de Roggenburg pour garder le défilé de Krumback. Nei, en arrivant à Weissenhorn, y trouve des troupes ennemies appartenant au corps de Giulay qui s'est porté avec 4000 hommes sur le flanc de l'armée française pour en observer les mouvements; ces troupes sont chassées sur Günzbourg.
Le 16 mai, Saint Cyr se porte sur la gauche au secours de Sainte Suzanne attaqué à Erbach. La Division Ney qui ferme la marche occupe Gerlenhofen et observe la tête de pont d'Ulm. Le 17, le Corps de Saint Cyr passe sur la rive gauche du Danube. Ney, après avoir été relevé dans sa position sur la rive droite de l'Iller par les troupes de Moreau, vient se placer à la droite du corps de Saint Cyr, appuyant sa droite à Erbach.
Le lendemain 18 (29 Floréal an VIII), le Corps de Saint Cyr continue son mouvement vers la gauche; la Division Ney est inquiétée par l'ennemi ; elle prend position à la droite à Erbach. Ce jour là, au cours d'un engagement, le Fusilier Dominique Richard (né à Allibaudière dans l'Aube) "fut entouré par sept Autrichiens, il engagea avec eux une lutte corps à corps, dans laquelle il succomba après avoir tué plusieurs ennemis". Le 19, la Division Ney engage une affaire avec un corps de troupes placé sur les hauteurs de Schafelkingen et le débusque de ce poste. Ce corps, s'étant aussi placé en arrière du village de Ermingen, s'y défend toute la journée. Ney ne peut parvenir à l'en débusquer.
Cependant, l'armée autrichienne, rejointe par toutes ses réserves, ayant la gauche appuyée à Ulm et couverte par des ouvrages, occupe une position tellement forte que Moreau, après un examen réfléchi, ne croit pas devoir hasarder la bataille. Il se décide à reporter l'armée française sur la droite du Danube et à manoeuvrer sur le Leich, pensant que l'ennemi ne voudra pas laisser forcer le passage de cette rivière. En conséquence, dans la nuit du 19 au 20 mai, l'armée se met en marche pour repasser le Danube. La Division Ney se porte, le 3 Prairial (22 mai) à Roggenbourg et pousse le 24 une forte reconnaisssance sur la Kambach. Trois compagnies du 1er Bataillon de la 76e culbutent les avant-postes ennemis (les troupes autrichiennes que la 76e rencontre à Roggenbourg appartiennent à l'Armée de Reuss); mais les Français, trop engagés avec l'ennemi, et poussées trop loin, sont ensuite ramenés et font des pertes sensibles, notamment en bons Officers. Ainsi, le Lieutenant David Charles Siméon Mouquin, de la 76e, revient de Roggenbourg avec deux coups de sabre.
Vers ce moment, le manque de pain qui s'est déjà produit plusieurs fois depuis le début de la campagne met dans plusieurs corps la discipline en péril. "On fut obligé, dit Saint-Cyr dans ses Mémoires, de recourir dans une division et d'après l'ordre du général en chef, à une justice extra-légale, attendu que les conseils de guerre se trouvaient insuffisants pour arrêter les dangereux effets du pillage". Il n'y a cependant aucune trace d'actes d'insubordination dans les rangs de la 76e dans aucun livre, lettre ou rapport. Cependant, "cette division, ajoute le commandant du corps du centre, était celle de Ney, qui nomma une commission militaire composée de 5 membres et présidée par le général Desbrulys.... On fit accompagner les chasseurs, en les envoyant à la commission qui devait les faire fusiller, des pelles, des pioches destinées à creuser leurs fosses et des brancards qui devaient les rapporter du lieu de l'exécution. Les officiers destinés à juger furent révoltés de ce spectacle inouï; beaucoup de soldats qui en avaient été témoins couraient en faire part à leurs camarades ... : il est difficile de savoir ce qui serait arrivé, si la commission militaire n'eût pas aussitôt déclaré son incompétence" (Mémoires de Gouvion Saint-Cyr, t. II, p. 285 et 286). Les principaux coupables appartenaient donc au Régiment de Chasseurs de la Division, le 8e. Si les hommes de la 76e, comme cela paraît probable ne prirent aucune part à la rébellion, ils assistèrent du moins à la révolte et aux apprêts de la répression. C'est pourquoi nous avons signalé ces fait.
Bientôt, on apprend que le pain doit arriver dans la journée. En annonçant en effet à Saint-Cyr un projet de nouvelle organisation de l'armée, Moreau lui écrit, le 6 Prairial (26 mai) : "Je prévois que votre pain sera arrivé aujourd'hui. Je pense que le retard ne peut en être attribué qu'au mauvais temps". Cette nouvelle associée à l'impression douloureuse de la scène que nous venons de rapporter, permet de rétablir l'ordre. Deux jours après, on n'y pensait plus. A la guerre le temps marche vite.
Le 31 mai, Ney fait une nouvelle reconnaissance de l'ennemi établi devant le front de sa Division et chasse ses avant-postes. Le 2 juin, Moreau adopte pour son armée une nouvelle organisation par suite de laquelle le corps Saint-Cyr passe sous les ordres du Général Grenier. Le Corps de Grenier, composé des Divisions Ney (où est la 76e, sous les ordres du Général de Brigade Joba) et Baraguay d'Hilliers, forme l'aile gauche de l'armée, dont les quatre corps se trouvent également composés de deux Divisions.
Le 4 juin 1800 (15 Prairial an 8), le Général Grenier écrit au Général Baraguey d’Hilliers : "J’ai donné ordre au général Ney, général, de faire occuper tous les postes qui l’étaient hier par les troupes aux ordres du général Tharreau ; je vais communiquer votre lettre au général Ney afin qu’il fasse rectifier l’erreur qui parait avoir commise par le chef de la 76e devant avoir reçu l’ordre d’occuper l’intervalle qui existe entre la division de gauche du général Saint-Cyr et la votre, et particulièrement de relever les compagnies que vous avez envoyées hier à Bergenstetten ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 62 page 136).
Cependant, Kray décide d'attaquer le corps de flanqueurs isolé entre le Danube et l'Iller. Dans la nuit du 15 au 16 Prairial (4 au 5 juin), Kray exécute une grande sortie sur la rive droite du Danube, afin de retenir Moreau sur l'Iller; près de 30000 hommes sortent d'Ulm et se rassemblent sur la rive droite du Danube pour l'assaillir. Pendant qu'une partie des troupes autrichiennes (26000 hommes) marque l'opération principale en se déployant entre l'Iller et la Krambach dans le but de contenir l'armée française, l'Archiduc Ferdinand franchit le Danube au-dessus de l'Iller à Gotlingen, et, refoulant la Division Richepanse, se trouve bientôt sur les derrières de l'armée française.
Moreau, en prévision de cette attaque, a rappelé Lecourbe d'Augsbourg. Le corps de Grenier cantonné sur la rive droite de l'Iller, peut donc se porter rapidement au secours de Richepanse. Il fait alors volte-face; la Division Ney franchit la rivière à Kellmunz et, débouchant au pas de course, chasse les Autrichiens de Unter-Kellmunz. Le Chef de Brigade de la 76e, Nicolas Gorée, est cité "pour son entrain à l'attaque du village de Kellmunz". Le Fourrier François Lebas (né à Suzay (Eure), le 13 décembre 1773, devint sous-lieutenant au 76e et fut tué à Tamamès en 1809) "eut le bras gauche traversé par une balle au passage de l'Iller, qu'il franchit un des premiers". Kellmunz est à peine enlevé qu'une colonne autrichienne qui s'est avancée à la faveur des bois attaque à revers le flanc droit français.
A la vue du danger que court sa Division, Ney se porte de sa personne à la tête de la Brigade Bonnet dont fait partie la 76e et s'élance sur le plateau de kirchberg, d'où l'ennemi débouche. Il aborde, l'arme au bras, les batteries autrichiennes, qui viennent d'ouvrir le feu; les enlève, puis, se jetant sur l'infanterie, la culbute dans les chemins de traverse. Le terrain, coupé de bois, et la difficulté des chemins de traverse qu'elle a suivi augmentent le désordre. Elle est repoussée jusqu'à Roth où elle se réfugie en laissant entre les mains des Français 2000 prisonniers. Kray se retire dans Ulm.
Le "Rapport du combat livré par suite de cette disposition au général en chef" rédigé par le Général Grenier le 6 juin 1800 (17 Prairial an 8), sur la journée du 5 juin (16 Prairial) indique : "... Le général Bonnet, à la tête de sa brigade composée de la 54e et 8e régiment de chasseurs et une compagnie d’artillerie légère précédée par un bataillon de la 48e qui aborda l’ennemi sans hésiter et malgré l’opiniâtreté de sa défense il fut non seulement forcé d’abandonner sa position, mais encore d’évacuer la forêt dans le plus grand désordre sur la direction de Gutensal et Oberbiech ; la brigade du général Joba composée de la 76e et le 3e bataillon de la 73e suivit en réserve la brigade aux ordres du général Bonnet ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 2 page 16).
Le Bulletin de l'Armée du Rhin, rédigé par le Général de Division Dessoles, Chef de l'Etat-major de cette armée, et successivement adressé sous la forme de rapports partiels au Ministre de la Guerre, déclare :
"IX. Rapport du 16 prairial an VIII (5 juin 1800).
... Nous étions à peine dans ce village, qu'une forte colonne déboucha avec 8 pièces de canon sur Kirchberg, où 2 bataillons de la 76e, faisant partie de la brigade de gauche du général Ney, ne purent se soutenir ..." (de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829; ce Rapport figure dans les Papiers du Général Paul Grenier. XIV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 30 page 72).
Le 5 juin, le Général Saint-Cyr quitte l'armée pour raison de santé.
Le 7 juin, la Division Ney repasse sur la rive droite de l'Iller, par le pont de Kellmünz, et s'établit, le même jour, à Osterberg.
Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 juin 1800 (Nafziger) Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829 |
Moreau se décide alors à faire un grand mouvement de conversion, la droite en avant, pour menacer les derrières des Autrichiens. Lecourbe entre le 12 juin dans Augsbourg, le centre descend la Kambach et la Günz, la gauche marche dans la vallée de l'Iller et de la Roth; Ney, ayant culbuté les Autrichiens en avant de Weissenhorn, entre avec eux dans cette ville. Ce mouvement amène l'évacuation par les Autrichiens de Gunzbourg et de toute la rive droite.
Le 15 juin 1800 (26 Prairial an 8), à Roggenburg, est établie la "Nouvelle organisation de l’aile gauche
En conséquence des nouvelles dispositions du général en chef, le corps d’armée confié au lieutenant général Grenier, prendra la dénomination d’aile gauche de l’armée du Rhin ; il sera composé de deux divisions de première ligne et d’une division de réserve, commandées par les généraux de division Baraguey d’Hilliers, Ney et Legrand. Les divisions seront formées ainsi qu’il suit :
... La division aux ordres du général Ney sera composée des 54e, 76e et 103e demi-brigades, des 2e régiment de hussards, 8e de chasseurs et 19e de cavalerie, de 8 bouches à feu servies par l’artillerie légère et de 4 pièces de position ...
Le général de division Ney aura sous ses ordres les généraux de brigade Bonnet, Joba et Sabattier, l’adjudant-général Ruffin ...
La division Legrand commencera par fournir le service du quartier général du lieutenant général Grenier ; ce service est invariablement fixé à deux compagnies de grenadiers et trois compagnies de fusiliers à prendre dans les différentes demi-brigades. Ce service alternera tous les quinze jours avec la division aux ordres du général Ney ...
Les divisions Ney et Legrand fourniront encore au quartier général, la première un détachement de 25 chevaux et la seconde un de 18 avec les officiers, sous-officiers et trompettes nécessaires à prendre dans les différents régiments ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 7 page 26).
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Position de la Division du Général Ney prise le 23 Prairial (12 juin 1800) ; Position de la Brigade du Général Bonnet prise le 25 prairial (14 juin 1800) : 8e Chasseurs, 19e de Cavalerie, 103e, 54e, 76e Demi-brigades. Après le mouvement fait par le Général Bonnet le 25 Prairial, le 1er Bataillon de la 76e a remplacé le 1er Bataillon de la 54e, le 2e de la 76e remplacé le 2e de la 54e, et le 3e de la 76e a occupé Egelhosen (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 14 page 41 et suivantes - page 47). |
Un première tentative de franchissement du fleuve est repoussée : Lecourbe échoue à Dillingen, et Ney au pont de Leipheim : le 28 Prairial (17 juin), le Sous lieutenant Jean Lecourt, de la 76e, reçoit un coup de feu au bras droit en faisant une reconnaissance aux avant-postes sur les bords du Danube (à Leipheim précisément).
Le 18 juin, à 8 heures du matin, la Division Ney quitte sa position du 16 et du 17 pour aller en prendre une autre plus près du Danube, la droite à Echlishausen, le centre à Bühl, la gauche à Küssendorf, sur la rive droite de la Biber, en faisant face à Ulm.
Le Général Ney choisit Weissenhorn pour origine de la marche sur route, et Oberhausen comme point d'où les Brigades doivent se porter, à travers champs, sur leurs nouvelles positions. Voici le dispositif de marche de la Division, élaboré par son chef, quelques heures avant le départ :
"Ordre de marche pour la division se dirigeant de Weissenhorn sur Oberhausen d'où elle prendra la direction prescrite par l'instruction du lieutenant général Grenier, en partant à 8 heures précises du matin :
Brigade du général Bonet :
76e demi-brigade, 1er et 2e bataillons de la 103e, 8e régiment de chasseurs, 19e de cavalerie, 8 bouches à feu de l'artillerie légère. Le chef de bataillon Loisivy, commandant de l'avant-garde composée d'un bataillon, d'un escadron de chasseurs et de deux pièces de 4.
Brigade du général Joba :
54e demi-brigade, 3e bataillon de la 103e (campé à la droite de Pfaffenhofen), 3 escadrons du 2e régiment de hussards, 4 bouches à feu.
1 escadron du 2e hussards et 4 escadrons du 17e régiment de dragons resteront à Weissenhorn et environs pour couvrir les débouchés de la Roth et entretenir la communication avec la division du général Richepanse placée à Illerberg.
Le parc d'artillerie marchera sur-le-champ pour se rendre, par Oberhausen, à Roggenburg et Waldstetten, rive gauche de la Guntz, où il recevra des ordres pour sa destination définitive" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1). Dans l'avant-garde commandée par Losivi, il s'agit d'un Bataillon de la 76e Demi-brigade.
La seconde tentative de Lecourbe réussit aux ponts de Gremheim et de Blindheim; il chasse l'ennemi de Dillingen, rétablit le pont de cette ville, si bien que le centre de l'armée française peut passer à son tour pendant la nuit (18-19 juin). Moreau, après avoir forcé le passage du fleuve sur l'ancien champ de bataille d'Hochstett, se met à son tour à cheval sur la ligne de retraite des Impériaux.
Le 20 au matin, Grenier reçoit l'ordre de forcer le passage du pont de Gunzbourg. Ney a la difficile mission d'observer Ulm et d'entretenir la communication avec les flanqueurs de Richepanse, alors en marche pour suivre l'armée. Kray abandonne alors ses retranchements et se retire en longeant le pied des Alpes de Souabe, se portant à marches forcées sur Nordlingen. Moreau tente d'abord de l'arrêter et il y aurait peut-être réussi le 2 Messidor (21 juin). Le 22, Kray est à Nordlingen.
Le 23, l'armée française se met en marche sur Nordlingen; Ney, parti de Leipheim, passe le Danube à Louding et se dirige sur Neresheim. La 1ère colonne de Lecourbe qui marche sur ce point, donne sur une forte arrière garde qui la combat jusqu'à la nuit. Heureusement, Ney, toujours prêt à voler là où le canon gronde, accourt et force l'ennemi à la retraite. Kray, presque cerné sur les hauteurs de Poplingen, redoutant l'effet d'une attaque générale qui, dans la circonstance présente, pourrait lui être fatale, entame des pourparlers pour demander que l'armistice d'Italie soit étendu à son armée; il profite alors de la suspension d'armes pour changer de position et se replie en hâte jusque sur le bas Inn. Il arrive à Ingolstadt le 28. Moreau croit alors devoir changer le but de ses opérations et dirige son armée sur l'Iser, et occupe Munich.
La division Ney est dirigée sur Manheim. La 76e fait partie des troupes qui longent le Danube pour surveiller l'armée autrichienne et l'empêcher de faire un retour offensif sur la rive droite. Elle est passée elle même sur la rive gauche à Laudingen. Le 16 Messidor (5 juillet), elle arrive à Eischstett et est chargée d'assurer le blocus d'Ingolstadt avec ses trois Bataillons. La garnison laissée par de Kray dans cette place, exécute deux sorties qui sont repoussées. C'est dans ses positions autour d'Ingolstadt que l'avis de l'armistice de Parsdorf, signé le 15 juillet, parvient à la 76e le 18 juillet. Entre ces deux dates, le Général autrichien Klenau, qui, à ce qu'il paraît, ignorait l'existence de cette trêve, a encore un engagement avec la 76e qu'il cherchait à inquiéter dans le blocus d'Ingolstadt, mais qui le repoussa vigoureusement. C'est là la dernière opération de cette période en Souabe et en Bohème.
Situation de l'Armée du Rhin au 15 juillet 1800 (Nafziger) |
Pendant l'armistice, la 76e est relevée devant Ingolstadt et va prendre position sur les hauteurs d'Inding à quelques kilomètres au nord-ouest d'Hohenlinden. Depuis l'ouverture de la campagne jusqu'au 18 juillet, elle a eu 2 Officiers et 12 Sous officiers et soldats tués, un Officier et 73 Sous officiers et soldats blessés; elle a enfin laissé 46 Sous officiers et soldats prisonniers aux mains des Autrichiens.
Le 31 août 1800 (13 Fructidor an 8), le Général de Division Ney, aile gauche de l'Armée du Rhin, écrit, depuis son Quartier-général à Neuburg, au Général D’Aultane, Chef de l’Etat-major de l’aile gauche de l’armée : "Les dispositions du lieutenant général Grenier, en date d’hier, seront ponctuellement exécutées ...
Le général Joba réunira également sa brigade pour le 18, et continuera l’investissement d’Ingolstadt, sur la rive gauche du Danube, avec la 76e et 103e demi-brigades, le 2e régiment d’hussards et quatre pièces d’artillerie. Il aura un corps de troupes légères à Kupfenberg, pour observer le développement de l’Altemuhl. Le pont de Kelhaim sera rompu le 23. La ligne de démarcation sur l’Altmuhl sera gardée en totalité par les hussards du 2e régiment jusqu’au 24, depuis le confluent de cette rivière en la remontant jusqu’à Papenheim et de ce point à Weissembourg ..." (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 78 page 169).
Le 8 septembre 1800 (21 Fructidor an 8), le Général de Division Ney écrit, depuis Ratisbonne, au Lieutenant général Grenier : "Je parcourrai la ligne que doit occuper ma division, mon cher général, lorsque votre dépêche d’hier m’est parvenue ...
Le général Joba formera l’investissement d’Ingolstadt sur la rive gauche du Danube, avec la 76e demi-brigade, les 1er et 2e bataillons de la 50e demi-brigade, le 2e régiment de hussards et quatre pièces d’artillerie légère, ayant un parti de troupes légère à Schampaupt et Kupfenberg pour observer ?? de l’Altemuhl, pousser des reconnaissances sur Berngrin, Dietfurt, Kelhaim et Neustadt. Il gardera aussi la hauteur vis-à-vis d’Eichstadt (rive droite de l’Altemuhl) ..." (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 81 page 175).
Le 15 septembre 1800 (28 Fructidor an 8), le Général Grenier écrit, depuis Freising, au Général Ney : "Je reçois à l’instant, mon cher général, votre lettre du 27 et je m’empresse d’y répondre. Vous devez laisser à l’officier général qui vous relèvera en suite des nouvelles dispositions du général en chef et que le général Daultanne doit vous avoir transmises cette nuit, cinq bataillons d’infanterie, non compris les bataillons de la 50e. Le 2e régiment de hussards et l’artillerie de position que vous avez fixé ainsi qu’un général de brigade.
Il résulte de cette disposition que le général Souham qui doit vous relever sera chargé d’avoir un corps d’observation pour couvrir le blocus d’Ingolstadt et que vous rentrerez en ligne avec le restant de votre division, c'est-à-dire avec le 8e régiment de chasseurs, 13e de dragons (qui vous rentrera), 19e régiment de cavalerie, votre artillerie légère, 23e demi-brigade, 103e demi-brigade et 1 bataillon de la 76e.
Aussitôt votre arrivée à Landshut, je vous retirerai le bataillon de la 76e que j’emploierai à la garde du grand parc, équipage et quartier général de l’aile gauche et je vous enverrai la 15e demi-brigade et le bataillon de la 103e actuellement ici. Votre division sera alors composée des 15e, 23e et 103e demi-brigades, du 8e de chasseurs, 13e de dragons et 19e de cavalerie. Je pense que vous devez laisser deux pièces d’artillerie légère et 4 pièces de position au général Souham, au lieu de six pièces de position que vous avez fixé. Tant que les hostilités ne recommenceront pas vous pourrez sans inconvénient continuer d’occuper Ratisbonne, attendu que du moment où la reprise sera ordonnée, vous aurez encore le temps de réunir à vous le corps que vous laisserez dans cette partie. Cette disposition le même nécessaire pour conserver nos cantonnements si les préliminaires de paix étaient signés" (Papiers du Général Paul Grenier. XIV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 128 page 268).
Le 19 septembre 1800 (2e jour complémentaire an 8), le Général Grenier écrit, de Munich, au Général Legrand : "… Vous recommanderez à l’officier général commandant votre détachement de Vilsbibourg, de se conformer à ses premières instructions pour le poste qu’il occupe, ainsi que pour le pont de Landshut. S’il était forcé dans sa position de Vilsbibourg et Landshut, après avoir fait rompre le pont de cette ville, cet officier général se retirerait en arrière de l’Iser et en dernier lieu sur Morbourg. Les compagnies de la 76e qui resteront à Morbourg et Iser-Ech seront sous ses ordres ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 31 page 74).
Le 20 septembre suivant, un nouvel armistice de 45 jours est signé à Hohenlinden; il pouvait être prolongé en avertissant quinze jours d'avance.
Le 22 septembre 1800 (5e jour complémentaire an 8), est établie à Munich une nouvelle "Organisation de l’aile gauche de l’armée
L’aile gauche sera composée de trois divisions dont deux de première ligne et une de réserve.
Celles de première ligne sont les divisions aux ordres des généraux Ney et Legrand ; celle de réserve la division aux ordres du général Bastoul.
La division aux ordres du général Ney sera composée du 8e régiment de chasseurs, 13e de dragons, 19e de cavalerie, des 15e, 23e, 76e et 103e demi-brigades de ligne, et de son artillerie actuelle ; des généraux de brigade Bonnet, Joba et Desperrières, et des adjudants-généraux Ruffin et Jarry ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 31 page 75).
Situation de l'Armée du Rhin en novembre 1800 (Nafziger) |
2/ Entre l'Isar et l'Inn
L'armistice de Parsdorf, prolongé par celui de Hohenlinden, est dénoncé par le gouvernement français le 22 Brumaire an IX (12 novembre 1800). Le 22, Moreau arrive de Paris, et trouve l'armée prête à marcher à l'ennemi. Celui ci, retiré derrière l'Inn, qu'il a fortifié d'une façon formidable, est commandé par l'Archiduc Jean. Moreau prévoit de se rapprocher de cette rivière et de se rendre maître des plateaux de Haag, d'où il pourra à son aise voir les mouvements de l'ennemi.
La 2e Division du Corps de Grenier, commandée parle Général de Brigade Desperrières (Ney est absent pour raison de santé), occupe des cantonnements à Freising et environs. La 76e est à la Brigade Joba.
Situation de l'Armée du Rhin 22 novembre 1er décembre 1800 (Nafziger) Sources : De Carrion-Nisas, Marquis, "Campagne des Francais en Allemagne", Année 1800, Paris, 1829 ; Picard : "Hohenliden" |
Le 24 novembre, le Général Ney, de retour à Freising, reprend le commandement de sa Division.
Les hostilités recommencent après la rupture le 7 Frimaire (28 novembre). L' "Etat de la composition et des forces de l’aile gauche à l’époque de la reprise des hostilités (7 Frimaire an 9 - 28 Novembre 1800), Armée du Rhin, aile gauche" indique que la 76e Demi-brigade, forte de 2280 hommes, fait partie de la "Division aux ordres du Général Ney", comprenant les Généraux de Brigade Deperrières, Heudelet, Joba (ce dernier quitte la Division le 12 Frimaire pour cause de maladie), et les Adjudants-commandants Ruffin et Jarry (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 218)
L'Armée française occupe entre l'Isar et l'Inn le vaste plateau qui sépare Munich de Watterbourg. Ce terrain, couvert d'une épaisse forêt de sapins, s'abaisse vers le Danube par des ravins boisés ou marécageux, d'un accès très difficile. Le Corps Grenier dont fait partie la 76e (Division Ney) forme l'aile gauche de l'armée, il occupe la route de Munich à Mühldorf.
Le jeune Archiduc Jean qui vient de prendre le commandement de l'Armée autrichienne a conçu le plan hardi de franchir la rivière sur la gauche française, de gagner ainsi l'Isar et de tomber sur les derrières de l'armée adverse. Moreau a lancé ses lieutenants vers l'Inn pour reconnaître les positions ennemies. Ainsi, Ney est porté vers Hauss, sur la route de Ampfing.
Situation de l'Armée du Rhin le 1er décembre 1800 (SHAT B2 546) |
Le 10 Frimaire (1er décembre), le gros de l'Armée autrichienne a déjà franchi l'Inn et s'avançe sur la gauche française, lorsque l'Archiduc, effrayé de la témérité de son plan, se décide à attaquer brusquement le flanc gauche français. La Division Ney, qui forme la tête du Corps Grenier, est arrivée à Ampfingen, lorsqu'elle est assaillie presque en même temps par trois colonnes débouchant de Kraybourg, de Mühldorf et de la vallée de l'Isen. La Division Ney, disposée en trois échelons, n'est pas de force à se mesurer avec le gros d'une armée; tout ce que ce Général a d'énergie, de coup d'oeil et de courage est déployé pour soutenir ce choc inégal. On se bat ce jour-là 26000 contre 40000. Ney, dit Thiers (Histoire du Consulat), y déploie cette remarquable vigueur qui le distinguait à la guerre : "La 76e accomplit dans la plaine d'Ampfingen des prodiges de valeur", qui contribuent à faciliter la retraite de la Division compromise dans une lutte trop inégale. Le Lieutenant Michel Bonaventure Courtois est blessé sur le plateau de Haag, que le Sergent major Desjardins que nous retrouverons Sous-lieutenant en 1805. Le Capitaine André Besson, envoyé sur l'Isen, "chargea à la tête de 4 Compagnies, chassa l'ennemi d'Altenskirchen et couvrit ainsi la retraite de l'artillerie de la division Ney". Pendant ce vigoureux retour offensif, qui permet de refouler huit Bataillons ennemis, le Lieutenant Louis des Lauriers est blessé, le Sous-lieutenant François Donadieu reçoit un coup de feu à la cuisse et le Fusilier François Drai (né à Lagny (Seine-et-Marne), son nom a été inscrit sur les tables du temple de la Gloire) est tué "au moment où il ramenait un capitaine et 20 Autrichiens auxquels il avait fait mettre bas les armes". Soldats du 76e, le nom du brave Drai est encore un de ceux qu'il ne nous est pas permis d'oublier ! (citation officielle). Cependant, de fortes colonnes se portent sur la gauche des Français, en même temps que l'Archiduc se prépare à une attaque sérieuse. Ney bat en retraite non sans peine : le village d'Archau ayant été pris par l'ennemi, la crête du défilé par lequel la Division Ney doit déboucher sur la route de Muhldorf, se trouve couronnée par les tirailleurs ennemis. Une charge heureuse du 2e Dragons les déloge et Ney, qui disputait pied à pied le terrain aux forces considérables de la colonne du centre, peut rallier sa Division à la réserve du corps de Greneier : la Division prend position à la nuit à l'abbaye de Tamsau.
Le "Rapport sur les mouvements et combats de l’aile gauche depuis le 7 frimaire jour de la rupture de l’armistice, jusqu’au 10 inclus", rédigé le 2 décembre 1800 (11 Frimaire an 9) par le Général Grenier pour le Général en chef, indique : "... Je ne peux mieux faire l’éloge des troupes qui ont combattu dans cette journée qu’en les désignant, le général en chef jugera de leur valeur et de leur conduite en comparant leur nombre et leur force avec celles des ennemis qui leur étaient opposées et qu’il a vu par lui-même ...
3 bataillons de la 15e ...
3 id 76e ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 35 page 83).
Le Bulletin de l'Armée du Rhin, rédigé par le Général de Division Dessoles, Chef de l'Etat-major de cette armée, et successivement adressé sous la forme de rapports partiels au Ministre de la Guerre, déclare :
"I. Rapport du 7 au 12 frimaire an IX (28 novembre - 3 décembre 1800).
Pour faire l'éloge des troupes, il ne faut que les nommer ; toutes ont combattu, toutes ont fait des prodiges. Ce sont :
Les 15e, 23e, 103e, 76e, 53e, 89e demi-brigades ..." (de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829).
Dans son rapport sur la journée du 1er décembre, rédigé au Quartier-général de Vorstern le 11 Frimaire an 9, Ney écrit : "Le général Grenier a disposé de la 76e pour protéger l'infanterie du général Hardy fortement pressée par l'ennemi ...
La 76e, sous les ordres du général Joba, a confirmé, par sa vigoureuse résistance, la haute opinion que le lieutenant général Grenier avait de sa valeur en lui confiant un poste aussi honorable que périlleux" (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 139 page 293 ; H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Le 2 décembre, l'Archiduc se repose, laissant ainsi à Moreau le temps de prendre ses dispositions pour la journée du lendemain. Celui-ci, des hauteurs de Haun, d'où l'on embrasse un assez vaste horizon, a reconnu au dessous de lui un champ de bataille comme il lui en fallait un pour combattre un ennemi supérieur en cavalerie; c'est un terrain coupé dans tous les sens par des vallons, desruisseaux, des bois, des hauteurs escarpées et des marécages. Une seule chaussée le traverse, celle de Hohenliden à Haag. En plus, en arrivant au village de Mattempot, cette chaussée se change en défilé étroit, sans issue ni à droite, ni à gauche, et venant déboucher par des bois dans une petite plaine en avant de Hohenlinden. Tous les autres chemins sont plutôt des sentiers que des routes et, de plus, ils sont défoncés par les pluies qui tombent constamment depuis plus de quinze jours. Moreau n'a donc plus qu'une seule préoccupation : celle d'attirer l'ennemi vers Hohenliden.
Le 2 décembre, l'armée française continue à rétrograder et vient se ranger entre Ebersberg et harthof; le Général en chef plaçe le gros de son aile gauche à hauteur de Hohenlinden, face à l'éclaircie que présente la forêt en ce point au débouché du long défilé de Mattenpoet. La 1ère Brigade de la Division Ney forme la gauche de cette position. Les Divisions Decaen et Richepanse ont ordre de se rabattre d'Ebersberg sur Mattenpoet de manière à prendre en queue la colonne de l'Archiduc qui vraisemblablement s'engagera dans le défilé. Enfin, sur l'extrême gauche, les Divisions Bastoul et Legrand doivent contenir les troupes autrichiennes qui tenteront d'assaillir le plateau en remontant l'Isen. Ces deux Divisions ont en soutien la 2ème Brigade de Ney (Brigade Jola), où est la 76e Demi-brigade. Moreau a bien jugé la situation.
Les Autrichiens, enivrés par leur demi-succès de la journée précédente, prennent leurs dispostions pour attaquer le lendemain.
Le 3, dès la pointe du jour, la pluie battante des jours précédents se change tout à coup en une neige qui tombe à gros flocons, et, comme plus tard à la célèbre bataille d'Eylau, l'horizon en est tellement obscurci, qu'on se distingue à peine à quelques pas. Malgré ces sinistres présages, les colonnes autrichiennes s'ébranlent à la fois et viennent s'engager dans la forêt de Hohenlinden. La journée est mémorable.
A neuf heures, la colonne principale, qui suivait la chaussée de Munich, arrive au débouché de la forêt et est assaillie de front par la Division Grouchy, en même temps que Richepanse, par un mouvement tournant sur Mattempot, vient se jeter sur les derrières de cette colonne et mettre en déroute les réserves autrichiennes. C'est à ce moment que la Division Ney entre en action. En effet, Ney vient de recevoir de Moreau l'ordre de combiner avec Grouchy une attaque à fond sur la tête de la colonne autrichienne. Ney, toujours le premier quant il s'agit de fondre sur l'ennemi, le fait avec tant d'impétuosité qu'il culbute en un clin d'oeil tout ce qui se présente, enlève dix pièces de canon et fait mille prisonniers. Ney et Richepanse se rejoignent donc dans le défilé de Mattenpoet après avoir broyé entre eux deux la grosse colonne de l'Archiduc; Ney et Richepanse qui se reconnaissent, dit Thiers, et s'embrassent, ivres de joie en voyant un pareil résultat (Thiers, Consulat, t. II, p. 250).
Grouchy, de son côté, accable la gauche et s'empare de la lisière du bois qui flanque la route. Dès lors, le désordre devient général dans cette colonne, chaque peloton cherche une issue pour se sauver. Les Bavarois, pressés de toutes parts, ne puvent y réussir; une bonne partie de leurs troupes, après avoir fait d'inutiles efforts pour percer, est prise, et plusieurs bataillons autrichiens ont le même sort, quelques uns parviennent à s'évader à travers la forêt, dans un désordre facile à imaginer. Les tirailleurs de Ney et de Grouchy peuvent alors faire leur jonction au centre même de la forêt, se féliciter de leur victoire et juger de leurs trophées : 97 pièces de canons, et 7 à 8000 prisonniers sont restés dans le gouffre où l'imprudence de leurs chefs les a engagés.
La 76e n'a pas le bonheur d'être à la Brigade que son illustre Général de Division lance dans le défilé, mais sa tâche n'en est pas moins rude et glorieuse. En effet, quelques colonnes secondaires essaient encore de se défendre. La Division Bastoul, placée à la gauche de Ney et chargée de défendre l'issue du défilé qui mène de Weyer sur Freissendorf, combat avec vigueur dans les avenues de ce village contre les attaques de la colonne de Baillet Latour. Une partie de la Division de Ney vole alors à son secours dans les bois de Kremacker, pendant que la réserve de la Division, commandée par Grenier lui même, appuyant la droite de Bastoul, réussit à arrêter l'ennemi. La 76e entre en ligne sur l'extrême gauche, pour appuyer la Division au moment où celle ci est menée à la charge, et culbute dans les ravins le Corps autrichien de Baillet-Latour. Toute cette extrême gauche lutte jusqu'au soir contre des forces supérieures. Au début, elle perd d'abord du terrain; mais lorsque "les grenadiers de la brigade Joba, la seconde de Ney, fondent sur Baillet-Latour et le repoussent, l'impulsion de la victoire, communiquée à ces braves troupes, double leur ardeur et leurs forces" (Consulat, t. II, p. 252).
Les Fusiliers Nicolas Riot (né à Troyes dans l'Aube), et Jean-Baptiste Lecerf (né à Bar sur Aube, dans l'Aube; les noms de ces deux soldats sont inscrits sur les tables du Temple de la Gloire), de la 76e, "conçurent le hardi projet de débusquer les tirailleurs ennemis qui s'étaient emparés du village de Kraïnacker. Armés de leurs sabres seulement, ils entrèrent dans le village, attaquèrent les tirailleurs avec impétuosité, tuèrent tous ceux qui voulurent opposer de la résistance et mirent en fuite les autres, après avoir fait plusieurs prisonniers". Le Lieutenant Pierre-Antoine Orcelle est au nombre des morts.
Dans son "Rapport de la journée du 12 Frimaire pour la division aux ordres du général Ney", rédigé le soir de la bataille, le Général Ney écrit : "... la colonne de droite aux ordres de l’archiduc Jean, commençait à déboucher sur Preisendorf et Harthofen pour développer la gauche de la division Bonet tandis qu’une seconde colonne venant de Burgrain commençait déjà à sortir de la forêt sur Hohenlinden par un chemin de traverse, mais les deux bataillons de la 103e, les bataillons de grenadiers ainsi que la 76e, le 13e dragon et le 19e de cavalerie étaient placés par échelons sur ces différents débouchés, qui de concert avec la division Bonet sont parvenus à contenir l’ennemi et même à le repousser avec infiniment de pertes ..." (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 145 page 309; Cité par Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 1, p. 350).
Dans son "Rapport de la journée du 12", rédigé le 5 décembre 1800 (14 Frimaire an 9) à son Quartier-général à Wirth, le Général Ney écrit quasiment mot pour mot : "... la colonne de droite (Kienmayer), aux ordres de l'archiduc Jean (?), commençait à déboucher sur Preisendorf et Harthofen pour développer (envelopper) la gauche de la division Bonet (ex-Hardy), tandis qu'une seconde colonne (Baillet-Latour) venant de Burgrain commençait déjà à sortir de la forêt et s'avançait sur Hohenlinden par un chemin de traverse ; mais les deux derniers bataillons de la 103e, les (deux) bataillons de grenadiers ainsi que la 76e, le 13e dragons, le 19e de cavalerie, étaient placés par échelons sur ces différents débouchés ; et, de concert avec la division Bonet, ils sont parvenus à contenir l'ennemi et à le repousser avec pertes ..." (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 149 page 313; c'est ce Rapport qui est cité par H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.1).
Les troupes de Baillet-Latour se trouvent rejetées sur Isen, en abandonnant des canons et des prisonniers. Il est cinq heures et déjà, la nuit couvre de ses ombres le champ de bataille. L'Armée française, victorieuse partout, a tué ou blessé de 6 à 8000 Autrichiens, fait 11 à 12000 prisonniers, pris 300 voitures et une centaine de canons. Les Français ont perdu 2500 hommes, tués ou blessés. "La division Ney bivouaqua au sud d'Isen", entre Strassmayer et Isen. Le lendemain, la poursuite commence. La 76e passe successivement l'Inn, la Salza, la Traun, l'Ens, et exécute des marches longues et pénibles.
Le 8 décembre 1800 (17 Frimaire an 9), le Général de Division Ney, écrit, depuis son Quartier-général à Ampfing au Lieutenant général Grenier, commandant l’aile gauche de l’armée du Rhin : "La perte que la 15e Demi brigade a éprouvé de ses chefs de bataillons m’a déterminé, mon cher général, à la faire relever ce matin par la 76e dans sa position en arrière d’Ecksperg.
L’ennemi ayant fortement garni d’infanterie les devants du village d’Altemuhldorf, j’ai ordonné que nos postes se tiennent à la tête d’Eckperg et à portée de fusil de ce premier endroit.
Après votre départ d’Empfing, mon cher général, j’ai visité les bords de l’Inn depuis Craybourg jusqu’au-dessous de Puren. Ayant remarqué qu’il était possible de passer à gué, vis-à-vis de Guttemberg, et à proximité d’Enstorf, j’ai fait venir un homme de Puren qui qui confirme pleinement l’idée que j’en avais conçu. J’ai chargé un officier, à qui j’ai remis des dragons du 2e à sa disposition pour sonder le gué pendant la nuit sur différents points. Cette opération peut se faire avec d’autant plus de facilité que l’ennemi ne garde pas la rive droite de l’Inn sur ce point. Dans la supposition que la rivière soit guéable ainsi que j’en ai l’assurance, mon intention serait, mon cher général, de surprendre Craybourg, faiblement gardé. Mes grenadiers portés en croupe par mes cavaliers et dragons, rempliraient parfaitement cet objet. Le terrain sur la rive gauche de l’Inn domine absolument celui opposé. L’artillerie que je pourrais y faire placer protégerait cette entreprise. Envoyez-moi demain le citoyen Beaufort commandant le génie. Peut-être sera-t-il d’accord avec moi. Mon pont de chevalets pourrait même servir au passage s’il était plus considérable, ayant au plus 100 pieds et la rivière sur ce point en a au moins 200. Je pense qu’il est inutile de vous dire combien cette opération, abrégerait celle de la droite si je parvenais à réussir, en prenant Craybourg. Mühldorf se trouve développé par sa gauche et forcerait bientôt l’ennemi à nous céder cet important débouché" (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 154 page 323).
Le 8 décembre 1800 (17 Frimaire an 9), "la division aux ordres du général Ney resta dans sa position. La 15e demi-brigade en position en arrière d’Ecksperg fut relevée par la 76e qu’elle remplaça dans la sienne …" (Opérations de l’aile gauche de l’armée du Rhin, campagne de l’an 9, depuis le 1er Frimaire an 9 jusqu’au 10 Nivôse an 9; Rapport sur les mouvements, marches, positions et actions des Divisions de l’aile gauche, depuis le 1er Frimaire jusqu’au 10 Nivôse an 9 - Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 215 et suivantes).
Le 18 décembre 1800 (27 Frimaire an 9), le Général de Division Ney écrit, depuis son Quartier-général à Altheim, au Lieutenant général Grenier, commandant l’aile gauche de l’Armée du Rhin : "La division a pris position, mon cher général, en conformité de votre ordre de mouvement, savoir la brigade du général Heudelet par Ecktona (?), sur la grande route depuis Imichhain ( ?) jusqu’à Nanspach, se gardant sur Aurolzmünster et Osternach.
Celle du général Desperrières à Genperg et Neuhaus soutenant au besoin la brigade de Rufin qui occupe Milhaim et garde les sinuosités de l’Inn depuis Sitizing jusqu’à Mernperg. Ce dernier a deux escadrons du 23e régiment de chasseurs à cheval.
Le chef de brigade Saint-Germain ayant sous son commandement les deux premiers escadrons de son régiment, trois pièces d’artillerie légère et 18 compagnies de fusiliers tirés des trois demi-brigade sous mes ordres, commandées par le chef de Bataillon Losiwy de la 76e est à Altheim et environs, en partira demain à la pointe du jour pour côtoyer la rive droite de l’Inn jusqu’à Passau, pour observer les mouvements de l’ennemi et couvrir le flanc gauche de ma division. Je lui ai donné une instruction particulière afin de me tenir au courant de tout ce qui se passerait sur son front, d’éviter toute affaire majeure, et de se replier sur la division s’il rencontrait des forces infiniment supérieures aux siennes.
Un rapport particulier m’annonce, mon cher général, que l’ennemi a évacué Passau ; que ses forces sont concentrées à Linz, où il doit chercher à nous livrer une bataille décisive.
La garnison de Branau, d’après de nouveaux renseignements, consiste en trois bataillons du régiment de Sehra, deux de chasseurs francs, un du régiment de Guemmingen, un du régiment du prince de ligne et un de Muray. Plus de 150 dragons du 6e et 13e régiment. Deux généraux commandants, l’un la forteresse et l’autre la troupe. L’approvisionnement est porté à deux mois. Le découragement est grand et la garnison craint même d’être emportée à l’escalade. J’attends vos ordres, mon général, sur les mouvements de demain.
Ps. Mon parc d’artillerie et les grenadiers réunis à Mauerkirschen" (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 170 page 357).
Le "Rapport des flanqueur de gauche de la division Ney", rédigé le 20 décembre 1800 (29 Frimaire an 9) à Siegerting, par le Chef de brigade Saint-Germain, rapporte : "Le 28 Frimaire. Obernberg. La colonne composée de 18 compagnies d’infanterie des 15e, 76e et 103e demi-brigades de bataille, 5 compagnies du 23e de chasseurs à cheval et d’une compagnie d’artillerie légère, s’est portée le même jour Obernberg ayant ses avant-postes à Münsteuer et Antiesenhofen.
Le 29 – Scharding, sur Passau, Sigerthing. Elle s’est portée en arrière de Scharding aux croisés des routes de Innstah et Sujerbach, ayant poussé de suite un parti de trois compagnies d’infanterie, 50 chevaux et une bouche à feu, le tout commandé par le capitaine Rhaindre. La troupe aux ordres du chef de brigade Saint-Germain a pris la route de Sigerthing où elle a pris position le même soir, envoyant un parti sur Neukirchen pour couvrir sa gauche, laissant des troupes à cheval sur la route de Innstat et Payerbach pour protéger la retraite des troupes envoyées sur Passau.
Le parti de Neukirchen a été inquiété par l’ennemi.
Le 30 - Eferding. La colonne s’est dirigée sur Eferding par Payerbach et a bivouaqué entre ces deux derniers endroits (la division du général Bonet était à Eferding).
Le parti envoyé sur Neukirchen a reçu ordre de se retirer sur Eferding, éclairant toujours et côtoyant le Danube.
Aussitôt sa position prise à Eferding, il devait être envoyés deux partis, l’un sur Wels pour communiquer avec la division du général Legrand ; l’autre sur Grieskirchen pour communiquer avec celle du général Ney" (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 175 page 367).
La 76e n'atteint pas l'armée ennemie : elle arrive à 20 lieues de Vienne, quand l'armistice de Steyer, signé le 25 décembre, fait cesser les hostilités.
L' "Etat de la composition et des forces de l’aile gauche à l’époque de la cessation des hostilités (5 Nivôse an 9 - 26 décembre 1800)" indique que la 76e Demi-brigade, forte de 1966 hommes, fait partie de la "Division aux ordres du Général Ney", comprenant les Généraux de Brigade Deperrières, Heudelet, Joba, et les Adjudants-commandants Ruffin et Jarry (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 273).
Les disposition et cantonnements pour la division Ney, aile gauche de l'Armée du Rhin, pendant la durée de l’armistice sont les suivantes : "... Brigade du centre commandée par le général Joba.
76e demi-brigade d’infanterie; 2e régiment de hussards; un escadron du 19e régiment de cavalerie, 1 demi-batterie d’artillerie légère.
Cette brigade appuiera par sa droite à Menning, et Auw, sur la rive gauche du Danube, et s’étendra par Kosehing, Wetstetten, d’où elle suivra la grande route jusqu’à Kupfenberg, inclusivement, rive droite de l’Altmühl, remontant ensuite cette rivière jusqu’à Altendorff d’où elle descendra jusqu’au confluent de Lusel, par Mehresheim, Welchain et Ranertzhofen.
Cette brigade formera le blocus d’Ingolstadt, sur la rive gauche du Danube, avec ses compagnies d’infanterie et un escadron du 2e régiment de hussards, cette troupe sera cantonnée à Gerolfingen, Dintzlau, Oeting, Unterhaunstadt, Meiling, et Gensberg. Les principaux débouchés qui aboutissent à Ingolstadt seront gardés par des postes. Aucun espèce de vivres ni munitions de guerre, ne pourront entrer ni sortir de cette place, que sur mon approbation expresse, cette troupe sera alternativement commandée par un chef de bataillon ou de brigade à qui le général Joba donnera une instruction particulière sur le détail du service, dont la durée ne sera que de cinq jours, quelle sera relevée, le commandant du blocus s’établira à Dintzlau.
Le 1er bataillon de la 76e cantonnera dans les villages sur la ligne depuis Menning, Auw, jusqu’à Biburg. Il aura pour démarcation sur ses derrière la grande route depuis Biburg, jusqu’à Ingolstadt. Son lieu de rassemblement sera Khosching, où s’établira le commandant.
Le 2e bataillon occupera tous les villages depuis Guimersheim jusqu’à Eischstadt, ayant la grande route pour démarcation, qui conduit de cette ville à Ingolstadt. Il s’étendra ensuite sur la rive droite de l’Altmühl jusqu’à Kopfenberg. Le point de rassemblement de ce bataillon sera à Eisensheim.
Le 3e bataillon occupera tous les villages situés entre les deux grandes routes depuis Gemarsheim, à Eichstadt ry de ville a Neuburg, le lieu de rassemblement sera à Adelschlag, l’état-major de cette demi-brigade à Nassafels.
Le 2e régiment de hussards cantonnera à Kupfenberg, où sera l’état-major, Arensberg, Pfalzpoint, Pfintzen, Eischtadt, Zell, et Altendorff. La demi-batterie d’artillerie légère à Nanertzhofen où sera l’état-major, Hieling, Mauren et Tragenhofen.
L’escadron du 19e régiment de cavalerie à Prün, Niedelsheim et Stepperg.
Le quartier général de cette brigade à Eichstadt ou Pfintzen ...
Les troupes composant la division vivront dans les cantonnements qui leur sont respectivement déterminés. Il sera en conséquence délivré tous les cinq jours aux baillis et bourgmestres à qui il appartient, par les chefs des corps, des reçus généraux et comptables qui seront visés par les généraux de brigade. Les généraux de brigade enverront une circulaire dans tous les cantonnements occupés par leurs troupes pour inviter les habitants à bien accueillir le soldat français, en leur donnant l’assurance qu’une discipline sévère sera observée parmi la troupe, tant pour la sûreté de leurs propriétés, que pour le maintien du bon ordre et de la tranquillité publique ...
Le quartier général de la division restera à Neuburg, la 23e demi-brigade fournira une compagnie de grenadiers pour sa garde ; elle sera relevée au bout de 10 jours par la 54e et ensuite par la 76e" (Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 231 page 483)/p>
Le 28 décembre 1800 (7 Nivôse an 9), "Le général Ney reçut l’ordre de faire partir la 76e demi-brigade de sa division et de la diriger sur Salzbourg d’où elle devait passer à l’aile droite en remplacement de la 37e demi-brigade qui étaient en marche de ce corps d’armée pour se rendre à l’aile gauche où elle arriva le 14 …" (Opérations de l’aile gauche de l’armée du Rhin, campagne de l’an 9, depuis le 1er Frimaire an 9 jusqu’au 10 Nivôse an 9; Rapport sur les mouvements, marches, positions et actions des Divisions de l’aile gauche, depuis le 1er Frimaire jusqu’au 10 Nivôse an 9 - Papiers du général Paul Grenier. IV Papiers relatifs à l’armée du Rhin et à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 215 et suivantes).
Le 2 janvier 1801, les trois Bataillons de la 37e de Ligne passant à l'aile gauche, ils sont remplacés par ceux de la 76e de Ligne. Ces trois Bataillons de la 76e arrivent le 4 à Wasserburg ; et Molitor, qui a transporté son Quartier général à Rosenheim, les place à Wolfratshausen, à l'abbaye de Benedictbeuern, dans le comté de Werdenfels, et dans les bailliages de Tolz, de Marguarstein, d'Aschau, de Prien, de Traunstein et de Kling (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 152).
La Division Molitor, au 10 janvier 1801, a sa droite à Isny, puisque le Général Jardon commande dans le Voralberg et dans les Grisons ; son centre à Murnau, et sa gauche à Traunstein. Elle compte deux Bataillons de la 10e Légère, trois de la 76e de Ligne, quatorze Compagnies (un Bataillon et demi) de la 36e de Ligne et six Compagnies (trois Escadrons) du 6e Hussards, formant la Brigade de l'Adjudant général Martial-Thomas ; treize Compagnies (un Bataillon et demi) de la 36e de Ligne et deux Compagnies (un Escadron) du 6e Hussards, formant la Brigade Nansouty, répartie dans le Tyrol, à Kufstein, Innsbruck, Scharnitz, etc. (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 153).
Le 20 janvier 1801, la Brigade Martial-Thomas est répartie ainsi : les trois Bataillons de la 76e de Ligne, à Wolfratshausen, Benedictbeuern, Aibling, Tolz, Wasserburg, Rosenheim, Marguarstein, Kling (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 153).
Le 2 février 1801, divers changements s'opèrent dans la Division Molitor. Le Général Heudelet vient remplacer Martial-Thomas, et a sous ses ordres la 10e Légère, la 76e de Ligne, les quatorze Compagnies de la 36e et les trois Escadrons du 6e Hussards. L'infanterie de cette Brigade occupe toujours les emplacements où elle se trouvait au 20 janvier (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 154).
La 76e resta cantonnée dans la Haute-Autriche jusqu'à la signature de la paix de Lunéville (9 février 1801). Elle rentre en France au commencement de mars.
Le Général Heudelet, ayant rassemblé à Rosenheim les détachements qu'il avait au-delà de l'Inn, se met en route le 17 mars 1801, pour se rendre à Kempten, où sa Brigade doit se réuni, à l'exception du 1er Bataillon de la 76e de Ligne et du 3e Bataillon de la 36e, laissés provisoirement en Bavière, ainsi que les postes de correspondance du 6e Hussards établis de Traunstein à Kempten et maintenus jusqu'à l'arrivée de la Division Montrichard (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 164).
Le 21 mars 1801, le mouvement du Général Heudelet étant achevé, Molitor, à qui l'on vient de donner en plus le Général Bontems et le 9e Hussards, partage sa Division en deux Brigades. La 2e Brigade, composée des trois Bataillons de la 76e de Ligne et du 9e Régiment de Hussards, est commandée par Bontems ; elle cantonne entre Waldsee et Memmingen (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 165).
Après le 22 mars 1801, Molitor est avisé que la 10e Légère, la 36e et la 76e de Ligne passeront, dans les premiers jours d'avril, à l'aile gauche, et qu'il recevra, en échange, d'autres Demi-brigades (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 165).
Le 6 avril 1801, la 76e de Ligne se met en route pour rejoindre l'aile gauche (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 166).
Le moment de la rentrée en France approchant, le Ministre de la Guerre fait connaître à Moreau les garnisons destinées à tous les Corps sous ses ordres ; et ce dernier en donne avis aux Généraux. Ainsi, la Division du Général Ney, à Mannheim (10e Légère ; 76e, 84e, 100e, 103e de Ligne ; 8e Chasseurs et 7e Hussards) va être dissoute, immédiatement après qu'elle aura traversé le Rhin (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 168).
G/ En Belgique et en Hanovre
1/ En Belgique
Le traité de Lunéville a donné pour limite à la France le Rhin, sa frontière naturelle. La 76e Demi-brigade est désignée pour aller tenir garnison à Anvers. Elle y arrive le 1er Floréal an IX (20 avril 1801). Par Arrêté du 23 Messidor (12 juillet), la 76e fait partie de la 1ère Division de la flotille légère à Anvers.
Arrêté du 12 juillet 1801 (23 messidor an 9), promulgué par Bonaparte depuis Paris : "ARTICLE 1er. La 1re division de la flottille légère (Anvers) sera servie par la 76e demi-brigade ...
ART. 2. Chacune de ces demi-brigades fournira les troupes nécessaires pour tenir garnison et s'exercer à la manoeuvre des chaloupes canonnières.
ART. 3. Chaque demi-brigade fournira un détachement pris dans un seul bataillon.
Ce bataillon sera composé d'un chef de bataillon, de trois capitaines, de six lieutenants ou sous-lieutenants, de 430 sous-officiers, soldats et tambours.
ART. 4. Chaque chef de bataillon se concertera avec l'officier de marine commandant la division, et s'embarquera sur le même bord. Chaque capitaine s'embarquera sur la chaloupe canonnière de l'enseigne de vaisseau qui commande la section ...
ART. 6. Le ministre de la guerre nommera un adjudant commandant et un chef de bataillon d'artillerie, pour être chargés du détail du service de l'infanterie et de l'artillerie de terre, et faire exécuter les ordres du contre-amiral Latouche.
ART. 7. Tous les officiers de terre et de mer seront sous les ordres immédiats du contre-amiral Latouche.
ART. 8. Les ministres de la guerre et de la marine sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui ne sera pas imprimé" (Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.4, p. 296 ; Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 5637).
La 76e continue à occuper cette place importante avec ses 1er et 2e Bataillons jusqu'en mars 1803; son 3e Bataillon tient garnison à Malines, à partir du 22 Thermidor (9 août) et fournit dans la suite des détachements à Lierre (à partir de septembre), Fort Lillo et Putte (en 1802).
D'après les Etats militaires de l'an X (1801-1802), la 76e est à Anvers et Malines. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Chef de Brigade Goré; Chefs de Bataillon Lenud, Lozivy, Dauvais, Tinus; Quartier maître trésorier Audignier; Adjudants major Elambert, Martouzet, Bertheaux; Officiers de santé N, Charmes, Houard.
- Capitaines : Saint-Jean, Halin, Fernand, Roussel, Champagnat, Mesny, Renaud, Huby, Navizet, Larivière, Prunier, Papot, Besson, Vedel, Bise, Bellenger, Cannoville, Badin, Rouaud, David, Gérard, Prévost, Schawemburg, Noel, Lagrenade, Bailly, Cassan.
- Lieutenants : Aulon, N, Guillet, Cretté, Brun, Poulet, Bernard, Vigne, Goeury, Renoud, Breur, Poudret, Sarazin, Mouquin, Hérisson, Porthié, Pichon, Rispaud, Gibon, Deslauriers, Doucet, Gassan, Vidal, Julien, Piquerel, Masse, Rédon.
- Sous lieutenants : Tourain, Simon, Quoniam, Vallarguet, Paul, Goujon, Chanterelle, Donadieu, Vauguin, Giquel, Brosse, Richelet, Treillet, Foissier, Barbas, Martin, Bourget, Faravelle, Langlois, Heydenerck, Souday, Ollivier, Lecourt, Béon, Riou, N, Pruneau.
Les Capitaines Moreau et Couly sont Capitaines Adjoints à l'Etat-major de l'Armée.
La 76e de ligne figure dans la "Correspondance relative à l’inspection d’infanterie dans le 9e arrondissement, commencée le 24 Frimaire an 10 par le général de division Grenier inspecteur général d’infanterie pour l’an 10
Fini le 4 Fructidor an 11
Corps faisant partie de l’inspection dans le 9e arrondissement
... 24e division militaire :
76e id 3 bataillons à Anvers .." (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 61 page 134).
Le 15 décembre 1801 (24 Frimaire an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Sarrelibre : "Circulaire aux généraux commandant la 16e et la 24e divisions militaires de la Batavie ...
Le Ministre de la Guerre m’instruit, citoyen général, que les 5e, un bataillon, 76e, 84e, 89e et 108e demi-brigades de ligne, qui font partie de l’inspection qui m’est confiée, sont stationnées dans la 24e division militaire que vous commandez. Je vous préviens en conséquence que j’arriverai du 5 au 7 de de ce mois prochain à Mons où je commencerai ma tournée. Veuillez, je vous prie, m’y adresser l’état d’emplacements de chacune d’elles et me donner les renseignements que vous aurez pu acquérir, depuis qu’elles sont sous vos ordres, sur leur instruction, tenue, discipline et sur la moralité et conduite des corps des officiers.
Veuillez aussi me donner avis des mouvements qui pourraient avoir lieu dans votre arrondissement" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 63 page 138).
Le 15 décembre 1801 (24 Frimaire an 10), le Général de Division Grenier expédie, depuis Sarrelibre, une "Circulaire aux Conseils d’administration et aux chefs de la 7e, 8e, 17e, 54e, 95e, 5e, 76e, 84e, 89e, 108e demi-brigades de ligne et du dépôt de la 27e demi-brigade d’infanterie légère.
Le Ministre de la guerre vous a sans doute donné avis, citoyens, que la demi-brigade que vous administrez fait partie du 9e arrondissement dont l’inspection m’est confiée. Je vous adresse en conséquence deux livrets de revues avec les y annexés, ainsi que 2 états du n°2 pour être préparés avant mon arrivée. Vous y trouverez joint un modèle qui vous indiquera le mode de remplir l’état nominatif des officiers ; la colonne des observations, ainsi que dans tous les états, devant être remplie par moi, restera en blanc ; cependant, vous ferez préparer à l’avance un double de chacun des états faisant partie de la revue, et dans l’état n°2, sur papier libre ; chacun des chefs de bataillon avec le chef de brigade donnera son avis sur la moralité et talents des officiers.
Je vous recommande, citoyens, de donner les plus grands soins à la confection des livrets de revue et des états y annexés, afin qu’il ne me reste qu’à en verifier l’exactitude.
Vous aurez attention encore de faire mettre en règle les pièces qui devront être à l’appui des demandes d’admission à la solde de retraite aux invalides ou vétérans nationaux. Je vous préviens que je ne les recevrai qu’autant qu’elles seront littéralement conformes aux dispositions de la loi du 28 Fructidor an 7.
Je vous préviens aussi que je ne recevrai aucune demande, à l’exception des plaintes ou des réclamations d’une nature particulière, si elle ne m’est pas présentée suivant les formes de la hiérarchie militaire et je vous recommande expressément d’en agir de même à l’égard de celles qui me seront adressées.
L’inspection qui m’est confiée ayant pour but de faire connaitre au gouvernement les abus qui peuvent exister, les améliorations à faire dans les différentes parties du service, de lui rendre compte de l’instruction, de la discipline, de la tenue, de l’habillement, armement, équipement, comptabilité etc., je vous engage à me mettre à même de lui faire un rapport satisfaisant de votre administration et gestion.
J’arriverai à Bruxelles le 11 ou le 12 du mois prochain, d’où je vous annoncerai l’époque à laquelle je passerai votre demi-brigade en revue.
Avant mon arrivée, le chef de la demi-brigade en passera la revue préliminaire ; il recevra de chaque capitaine l’état de sa compagnie et en vérifiera les détails. D’après cette vérification, il fera remplir le livret préliminaire. Ce livret indiquera :
1° la force effective de la compagnie.
2° le nombre des présents.
3° le détail des absents.
4° le nombre de recrues admis pendant l’an 9 et jusqu’au moment de la revue.
6° la balance du gain et de la perte en hommes depuis le 1er Vendémiaire an 9.
Le chef du corps me remettra à mon arrivée ce livret préliminaire par chaque compagnie afin que je puisse en prendre connaissance avant de voir le corps.
Il est entendu qu’on ne se servira pas pour cette opération première, des livrets de revue que je vous adresse, ces derniers étant absolument destinés pour la revue générale, l’un des deux devant servir de base à mon rapport au Ministre de la Guerre" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 63 page 139).
Le 19 janvier 1802 (29 Nivôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Bruxelles, au Chef de la 76e Demi-brigade : "Je vous préviens, citoyen chef, que je passerai la revue du bataillon de votre demi-brigade qui est à Malines le 2 du mois prochain. Veuillez en donner avis au chef de bataillon ; je verrai après la revue les hommes de ce bataillon proposés pour la réforme, la solde de retraite, les vétérans et les invalides ; à l’appui des états devront être les certificats d’invalidité reconnus par deux officiers de santé nommés extraordinairement ; si ce bataillon avait des compagnies détachées, il sera nécessaire de faire venir à Malines les hommes de ces compagnies pour l’un ou l’autre des cas ci-dessus.
Le 3, je me rendrai à Anvers où se fera le travail général de la revue de la demi-brigade ; je verrai les deux bataillon qui y sont le 4 et le 5. Le livret de revue ne sera rempli qu’après l’inspection" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 71 page 154).
Le 21 janvier 1802 (1er Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Bruxelles, au Ministre de la Guerre : "Par ma lettre du 13 de ce mois, je vous demandais, citoyen ministre, si je devais opérer l’organisation du pied de paix dans les demi-brigades de mon inspection en me conformant littéralement aux dispositions de l’arrêté des Consuls du 18 vendémiaire ou si je devais attendre vos instructions particulières ; je dois vous réitérer cette question en vous observant que j’ai basé le travail de mon inspection dans les 89e et 108e demi-brigades sur l’ancien pied, me bornant à supprimer le vaguemestre. Il est donc instant, afin d’obtenir un travail uniforme, que vous me fassiez connaitre vos intentions.
Veuillez aussi me faire part de votre décision sur la question du tiercement et donner une solution aux demandes que je vous adresse ci-joint. Je me rends demain à Anvers où je m’occuperai de la revue de la 76e demi-brigade ; je vous ferai connaitre de ce point mon itinéraire pour la Batavie" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 72 page 157).
Le 31 janvier 1802 (11 Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Anvers, au Chef de la 76e Demi-brigade : "Vous avez du voir, citoyen chef, par l’ordre que j’adresse au conseil d’administration de votre demi-brigade, que vous devez faire partir, le 26 du courant, 286 hommes qui forment l’excédent de votre demi-brigade pour être dirigés sur Paris.
Vous désignerez à votre choix les officiers et sous-officiers voulus par l’ordre ci-joint pour conduire le détachement et vous vous conformerez pour tous les objets de détail, relatifs à ce détachement, aux dispositions énoncées dans mon ordre de ce jour insérées aux livrets de revue.
Le capitaine commandant le détachement recevra du conseil d’administration les instructions relatives à sa mission conformément aux dispositions de l’ordre ci-dessus cité" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 76 page 165).
Suit l'ordre suivant : "Anvers le 11 Pluviôse an 10 (31 janvier 1802).
Le général de division Grenier inspecteur général du 9e arrondissement, ordonne à un détachement composé de 286 fusiliers de la 76e demi-brigade de partir le 26 du courant d’Anvers pour se rendre à Paris où il recvra du général commandant la division militaire une nouvelle destination.
Ce détachement sera commandé par un capitaine qui aura sous ses ordres un lieutenant, un sous-lieutenant, quatre sergents, six caporaux et deux tambours pour le maintien de la discipline et du bon ordre pendant la marche. Le commandant du détachement en sera responsable ; en approchant de Paris, le commandant du détachement enverra à l’avance un officier prévenir le général commandant la 1ère division militaire de son arrivée et recevra ses ordres pour la destination ultérieures des 286 fusiliers ; aussitôt qu’il en aura fait la remise à la demi-brigade qui lui sera désignée, ainsi que des états, bordereaux et contrôles dont il sera porteur, il se remettra en route pour rejoindre sa demi-brigade avec les officiers, sous-officiers, caporaux et tambours sous ses ordres.
Le présent ordre sera présenté au commissaire ordonnateur de la 24e division militaire qui délivrera la feuille de route nécessaire à ce détachement pour se rendre à Paris et celui aux conducteurs pour rétrograder et rejoindre la demi-brigade.
Ce détachement partant d’Anvers passera par Gand, Lille, Arras, Amiens, Bauvais, et Paris ; les lieux de logement et de séjour seront déterminés tout pour aller que pour le retour par le commissaire ordonnateur. Les officiers, sous-officers, caporaux et tambours recevront l’indemnité de route attribuée à leur grade" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 76 page 165).
Le même jour (31 janvier 1802 - 11 Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit au Commissaire ordonnateur de la 24e Division Militaire : "Je vous donne avis, citoyen commissaire ordonnateur, qu’en conformité des ordres du Ministre de la Guerre, je vais faire partir d’Anvers le 26 du courant un détachement composé de 286 fusiliers de la 76e demi-brigade, commandé par un capitaine ayant à ses ordres un lieutenant, un sous-lieutenant, 4 sergents, 6 caporaux, 2 tambours pour se rendre à Paris. Je charge le chef de la 76e demi-brigade de vous dresser l’ordre que je lui ai remis pour que vous donnierz à ce détachement les feuilles de route nécessaires et que vous déterminieez les lieux de logement et de séjour. Les officiers, sous-officiers et soldats recevront l’indemnité de route attribuée à leur grade" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 77 page 166).
Toujours le 31 janvier 1802 (11 Pluviôse an 10), le général de Division Grenier écrit également, depuis Anvers, au Général Guenand, commandant la 24e Division Militaire : "Je vous préviens, mon cher général, qu’en suite des ordres du Ministre de la Guerre sur l’organisation de l’infanterie au pied de paix qui veut que l’excédent au complet soit versé sur les corps qui ont des déficits, je dirige 286 fusiliers excédents de la 76e demi-brigade sur Paris pour y être incorporés dans d’autres corps. Je donne à ce détachement l’ordre de départ et le fixe au 26 du courant. J’en donne avis au commissaire ordonnateur de la 24e division militaire, afin qu’il délivre les feuilles de route nécessaires à ce détachement, aux officier et sous-officiers que j’ai désignés pour le conduire" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 77 page 166).
Puis, encore le 31 janvier 1802 (11 Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit ensuite, depuis Anvers, aux commandants de la Gendarmerie dans les départements de l’Escaut (département mentionné dans la lettre type qui suit), la Lys, du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l’Oise et de la Seine : "Je vous préviens qu’un détachement de la 76e demi-brigade d’environ 300 hommes partira en conformité des ordres du Ministre de la Guerre le 26 de ce mois d’Anvers pour se rendre à Paris. Comme ce détachement traversera une partie du département de l’Escaut, je vous invite, citoyen, à tenir la main à ce qu’aucun des militaires qui ne le compose ne s’en éloigne et à donner aux brigades de gendarmerie à vos ordres l’ordre de reconduire au commandant du détachement tous ceux qui s’en seraient écartés" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 77 page 166).
Enfin, toujours le 31 janvier 1802 (11 Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Anvers, au Chef de la 76e Demi-brigade : "Vous avez dû voir, citoyen chef, par l’ordre que j’adresse au conseil d’administration de votre demi-brigade, que vous devez faire partir le 26 du courant 286 hommes qui forment l’excédent de votre demi-brigade pour être dirigés sur Paris.
Vous désignerez à votre choix les officiers et sous-officiers voulus par l’ordre ci-joint pour conduire ce détachement et vous vous conformerez pour tous les objets de détail relatifs à ce détachement aux disposition énoncées dans mon ordre de ce jour inscrit au livret de revue.
Le capitaine commandant le détachement recevra du conseil d’administration les instructions relatives à sa mission conformément aux dispositions de l’ordre ci-dessus cité" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 78 page 168).
Le Général de Division Grenier a aussi noté : "Envoyé le 11 Pluviôse à l’inspecteur aux revues l’état des hommes réformés de la 76e demi-brigade" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 78 page 168).
Le lendemain, 1er février 1802 (12 Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Anvers, au Général de Division Mortier : "Je vous donne avis, citoyen, que le 26 de ce mois, un détachement de 286 fusiliers de la 76e demi-brigade partira d’Anvers pour se rendre à Paris où il prendra vos ordres sur sa destination ultérieure.
Ce détachement forme l’excédent du complet au pied de paix de la 76e demi-brigade et est destiné en conformité de la lettre du Ministre de la Guerre, en date du 4 de ce mois, à être incorporé dans une des demi-brigades de votre arrondissement" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 78 page 168).
Le 1er février 1802 (12 Pluviôse an 10) encore, le Général de Division Grenier écrit, depuis Anvers, au Ministre de la Guerre, Bureau de l’Inspection des troupes : "J’ai l’honneur de vous adresser, citoyen Ministre, le travail relatif à la revue d’inspection de la 76e demi-brigade ; la note ci-jointe vous indiquera les états et demandes qui en font partie.
Vous remarquerez par l’ordre inséré au livret de revues, que je n’ai pas arrêté la comptabilité de cette demi-brigade, attendu qu’elle n’est pas vérifiée par l’inspecteur aux revues ; et que j’ai ordonné au renouvellement du conseil d’administration, le citoyen Prevost qui deviat y prendre place serait remplacé par son suppléant, cet officier étant impropre à ses fonctions et jouissant d’une mauvaise réputation.
J’ai réformé à cette demi-brigade 85 hommes qui étaient à charge de l’état ne faisant aucun service, et dans les marches continuellement sur les voitures.
Je propose pour la retraite 61 hommes et deux autres pour être admis à l’Hôtel des Invalides ; ces 63 hommes resteront à la demi-brigade jusqu’à ce que vous ayez prononcé sur leur sort.
Le travail relatif à l’organisation de cette demi-brigade sur le pied de paix servant suite à celui de l’inspection, vous trouverez le procès verbal de sa nouvelle formation dans le livret de revue.
Il en résulte que cette demi-brigade est restée à la revue d’inspection à 2630 hommes effectif de laquelle force il faut diminuer
Les hommes proposés pour la retraite et invalides 63
L’effectif réel ne reste qu’à 2567.
En diminuant de cet effectif le 8e désigné pour partir par congé absolu 320.
La demi-brigade restait encore à 2247 hommes.
La force sur le pied de paix devant être de 1961.
Cette demi-brigade a un excédent de 286 hommes.
Lequel excédent a été pris sur les hommes présents aux drapeaux conformément à votre lettre du 4 de ce mois.
Ces 286 hommes partiront le 26 du courant d’Anvers sous la conduite de trois officiers, quatre sous-officiers et 6 caporaux pour se rendre à Paris.
J’en donne avis au général commandant la 1ère division militaire, afin qu’il leur indique à leur arrivée, leur destination utltérieure ...
Ps. La note jointe à la présente lettre adressée au Ministre de la Guerre est la même que celle de la 89e demi-brigade, à l’exception d’une demande en plus pour obtenir de nouveaux drapeaux" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 78 page 169).
Le 8 février 1802 (19 Pluviôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Breda, au Commissaire ordonnateur de la Division Militaire : "Je ne puis, citoyen, changer la marche du détachement de la 76e demi-brigade, ayant donné des ordres aux commandants de gendarmerie qui se trouvent sur son passage ; mais je dirigerai à l’avenir sur Bruxelles tous les détachements qui devront se rendre à Paris. Vous leur indiquerez alors la meilleure route à suivre" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 80 page 172).
Le 13 mars 1802 (22 Ventôse an 10), le Général Grenier écrit, depuis Gand, "Aux Conseils d’administrations des 17e, 54e, 76e, 84e, 89e, 95e, 108e demi-brigades, 27e légère, 2e bataillon 5e de ligne, et dépôt de la 7e demi-brigade de ligne
Vous avez dû recevoir, citoyens, une lettre du Ministre de la Guerre en date du 16 Pluviôse dernier relative à la visite de vos demi-brigades, en exécution de l’article 8 du règlement du 7 Thermidor an 9 sur les demandes d’armes.
J’écris en conséquence aux commandants d’artillerie de la 24e division militaire, et celle en Batavie afin qu’il désigne des officiers d’artillerie pour assister à cette visite, de laquelle il sera dressé un procès verbal qui devra faire mention de tous les objets, et détails voulus par la lettredu Ministre de la Guerre. Vous m’adresserez ce procès verbal et les états qui en résulteront en triple expédition ; après que je l’aurai visée, l’une vous sera renvoyée, l’autre destinée au Ministre de la Guerre et la 3e me restera.
Il est nécessaire que la situation de l’armement portée au procés verbal soit conforme à celle annexée au livret de revue d’inspection.
L’article 38 du Règlement du 7 Thermidor an 9 précise que toutes les pièces de rechange seront tirées des seules manufactures nationales. Veuillez suivre strictement cette disposition de laquelle vous êtes responsable" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 85 page 183).
Le 15 mars 1802 (24 Ventôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Gand, au Ministre de la Guerre : "J’ai reçu votre lettre du 12 Ventôse par laquelle vous m’accusez réception des états et pièces relatives à la revue d’inspection des 76e et 108e demi-brigades ; dans l’une et l’autre vous me faites connaitre que les enfants de troupes ne devaient pas être compris dans l’effectif.
Cependant, par l’arrêté des Consuls du 18 Vendémiaire an 10 il est dit art. 8 qu’il pourra être admis deux enfants de troupes à la demi-solde par compagnie d’infanterie et rien n’annonce qu’ils devaient être mis en dehors ; de fait, j'ai trouvé dans toutes les demi-brigades les enfants de troupe compris dans l’effectif constaté par les inspecteurs aux revues ; il en résulte que cette disposition a été suivie dans toutes les demi-brigades que j’ai inspectées et que vous trouverez les enfants de troupe compris dans l’effectif des différentes que j’ai eu l’honneur de vous adresser.
Comme les hommes désignés pour partir par congés absolus sont encore aux corps, on peut rectifier cette erreur en diminuant les nombres des hommes à partir en proportion du nombre d’enfants de troupe existant dans chaque corps ; j’attendrai pour ordonner cette disposition vos ordres ultérieurs ; quant à l’erreur qui parait exister dans la récapitulation générale du livret de revue de la 76e demi-brigade, elle ne peut provenir que des sous-officiers ou grenadiers surnuméraires que j’ai du comprendre dans la force, puisqu’ils en font réellement partie. Je me réserve de vous faire connaitre la rectification que j’aurai faite à cet égard" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 85 page 183).
Le 15 mars 1802 (24 Ventôse an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Gand, au Conseil d’administration de la 76e demi-brigade : "Par la revue d’inspection de la demi-brigade que vous administrez, citoyens, l’effectif suivant la récapitulation générale du livret de revue a été porté à 2630 hommes tandis que par le récapitulatif de chaque compagnie, il ne doit être que de 2624, enfant de troupe compris.
Cette différence provient de ce qu’on a porté à la récapitulation du livret 2 sergents-majors, 1 sergent, 3 fourriers, 1 grenadier de plus qu’il n’y en a dans les compagnies et en moins 1 … fusiliers.
Le Ministre de la Guerre s’est aperçu de cette erreur qui est inexcusable pour le quartier-maître. Je vous engage donc à la faire rectifier sur le champ par un tableau comparatif de chaque grade, de me l’envoyer et de me faire connaitre les motifs qui ont donné lieu à cette erreur. Je vous engage en outre à veiller à ce que, désormais, le quartier-maître donne plus de soins aux états qui sortent de ses bureaux" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 86 page 185).
Le 26 mars 1802 (5 Germinal an 10), le Général de Division Grenier écrit, depuis Bruges, au "Bureau de l’Inspection des Troupes, Infanterie
Le Général de Division Grenier, Inspecteur général d’infanterie, au Ministre de la Guerre
Citoyen Ministre, je vous ai adressé le travail de mon inspection par chaque corps fur et à mesure qu’il était tenu ; les opérations qui en font partie sont détaillées par les livrets de revue, les résumés et les ordres laissés aux demi-brigades vous ont fait connaitre mon opinion sur les différentes parties du service, de l’administration et de l’instruction. Je vous soumets ci-après quelques idées générales sur l’ensemble, les abus que j’ai cru apercevoir et les améliorations qui me paraissent nécessaires. Si par mon travail, j’ai rempli les intentions du gouvernement, je serais parvenu au but que je me suis proposé.
Résumé des opérations du général de division Grenier, inspecteur général d’infanterie dans le 9e arrondissement, avec les observations sur les différentes parties soumises à son examen présentées au Ministre de la Guerre le 14 Germinal ...
Pour la 76e de ligne, il y a eu 85 réformés à la revue ; l’effectif du Corps à la revue, après diminution des réformés, est de 2630. 61 soldats ont été proposés pour la pension, 2 pour les Invalides. L’effectif pour le complet du pied de paix est de 1961. L’excédent du complet comprend 320 désignés pour congés absolus ; 285 dirigés sur Paris pour être incorporés dans d’autres Corps. Le Général Grenier note en observations : « 17 enfants compris dans la force actuelle » ...".
Suivent ensuite les observations du Général de Division Grenier : "Esprit des corps : généralement bon, tous les corps sont attachés au gouvernement, officiers et soldats sont animés du désir de bien faire ; tous méritent la considération due à l’état militaire.
Instruction théorique : a besoin d’être perfectionnée, depuis la rentrée des armes, les corps ont fait de fréquentes marches et les officiers et sous-officiers n’ont pu se livrer à leur étude avec tous les soins qu’elle exige ; il est hors de doute que l’inspection de l’an 11 offrira sous ce rapport des résultats plus satisfaisants.
Instruction pratique : est déjà fort avancée ; sera dans l’an 11 un degré de perfection nécessaire ; celle des soldats offre de l’ensemble, de la précision ; on remarque dans les rangs de l’immobilité et du silence ; la position des soldats et le port d’armes ont besoin d’être rectifiés.
Discipline : elle est observée dans tous les corps et leur fait honneur ; tous les renseignements pris à cet égard sont très avantageux.
Tenue : offre un bel ensemble ; ont de l’exactitude et de l’uniformité mais doit être surveillée dans les détails pour obtenir un plus haut degré de perfection.
Habillement : Mérite toute l’attention du gouvernement : l’habillement, quoique bon, présente des défectuosités ; en ce que les envois de draps et étoffes ne se font plus aux époques déterminées, que les draps et doublures ne sont pas conformes aux échantillons envoyés aux corps par le ministre de la guerre et que si les corps les rejettent, ils sont obligés d’attendre six mois avant de les voir remplacés et quelques fois n’obtiennent pas encore les remplacement auxquels les fournisseurs se refusent sous différents prétextes.
Les règlements sur l’habillement indiquent dans celui du soldat veste ou gilets ; plusieurs corps ont adopté les gilets ; il en résulte que les soldats devront porter les habits en été et que ceux-ci n’obtiendront pas la durée prescrite. La veste n’offre pas cet inconvénient, habille mieux le soldat, et peut être au moins cinq mois de l’été sans habit, excepté les jours de parade et de service ; il est d’ailleurs nécessaire d’établir l’uniformité dans l’armée ; il faut donc supprimer ou la veste, ou le gilet.
Equipement : l’équipement présente des bigarrures qu’il faut faire cesser. Il existe encore de la buffleterie noire dans les corps, outre qu’elle ne peut durer le temps prescrit par sa qualité beaucoup inférieure à la blanche, elle est sale et malpropre, ne parle pas à l’œil et répugne aux soldats qui ne lui donnent pas les mêmes soins. Cette buffleterie doit être remplacée. Presque tous les corps manquent de bretelles de fusil, les habits en souffrent et se déchirent facilement au port d’arme.
Armement : l’armement est généralement bon et bien entretenu ; les corps y donnent les plus grands soins.
Casernes : les casernes dans la 24e division militaire sont en général de vieux bâtiments, malsains et mal distribués, manquant de râtelier d’armes et de planches à pain ; les fournitures sont de mauvaise qualité et vieilles, presque toutes sont les anciennes des Autrichiens.
Hôpitaux : les hôpitaux militaires de Bruxelles et d’Anvers pourraient être tenus plus proprement ; on en attribue la cause à la houille qui sert de chauffage ; les aliments y sont de bonne qualité. L’hôpital civil de Gand, dans lequel on traite des militaires, est extrêmement mal soigné ; les malades y souffrent de la malpropreté qui y règne, et les pansements des hommes blessés se font en partie avec des étoupes au leur de charpie. Cet hospice contraste étonnamment avec celui de Bruges où les malades sont tenus proprement et traités avec soin.
Les infirmiers des corps reçoivent les galleux et l’on y traite les maladies vénériennes simples ; maos les corps obtiennent difficilement les médicaments nécessaires des hôpitaux militaires et sont souvent obligés d’y pourvoir.
Prisons : les prisons sont tenues assez proprement. On remarque que les prisonniers sont trop confondus et que les mêmes locaux servent aux malfaiteurs condamnés et aux militaires non encore jugés.
Salles de discipline : les salles de discipline des corps sont tenues conformément aux règlements.
Manutention des vivres : cette partie de l’administration militaire parait être assez soignée et les qualités bonnes. Les établissements sont bien tenus.
Recrues : l’espèce d’hommes est plutôt mauvaise que médiocre. Le recrutement de l’an 9 s’est composé de déserteurs, de vagabonds arrêtés, de conscrits de la classe du peuple la plus pauvre et de remplacements dont le mode parait avoir trop d’extension. Il en sera parlé plus bas.
Administration : les registres de comptabilité sont bien tenus et conformes aux règlements. Les corps commencent par sentier la nécessité d’apporter de l’ordre et la plus sévère économie dans cette partie de l’administration ; les recettes et dépenses paraissent précises et clairement énoncées ; cependant les arriérés considérables dus à presque tous les corps et pour lesquels l’inspecteur général a adressé au Ministre de la Guerre avec le travail de chaque revue, les réclamations les plus vives, laissent des lacunes qui rendre la comptabilité nécessairement confuse et qui exigent les plus grands soins de la part de l’inspecteur aux revues ; ils doivent surtout fixer leur attention sur les revirements de fonds qui auront lieu d’une masse à l’autre lors de la liquidation. L’inspecteur a été frappé de la situation de la médiocrité des masses d’entretien et de linge, chaussure, comparée avec les dépenses à leur charge. Il entrera à ce sujet dans quelques détails dans les observations suivantes.
Observations générales :
Masses d’entretien : On s’étonnera peut-être en voyant que la plupart des corps ayant des fonds assez considérables présentés par la situation de la caisse, appartenant à la masse d’entretien, l’on s’occupe d’en faire augmenter le produit ; mais on se convaincra aisément par l’aperçu ci-après, qu’elle sera bientôt absorbée si on ne vient à son secours. Il faut observer que cette masse qui s’est accrue jusqu’au 1er Vendémiaire an 10, parce que les corps ayant reçu jusque-là tous leurs effets confectionnés, point ou peu de conscrits à équiper, n’a été tenue qu’à très peu de dépenses ; à présent qu’elle aura à fournir à toutes celles qui lui sont imposées, elle sera hors d’état de les continuer.
Recette de la masse d’entretien : la recette fixe de cette masse est de 9 francs par homme par an, au complet de 1961 hommes cy 17649 francs. Elle devrait s’accroitre du versement de cette masse de ce qu’on a fait de bon à celle de linge et chaussure, les hommes morts désertés et congédiés étant absent. Mais vu l’insuffisance de la retenue faite à chaque homme pour pourvoir au remplacement et à la réparation de ses effets de linge et chaussure, ainsi qu’il sera démontré plus bas, il résulte que la masse de linge et chaussure ne possède que peu de chose et que chaque homme est plus souvent son débiteur que son créancier et que l’on ne peut fonder aucun espoir de recette à la masse d’entretien résultant du décompte des morts ou désertés ; il est d’ailleurs prouvé que ces derniers surtout laissent des dettes à leur départ, étant pour la plupart des hommes dérangés ; on ne peut donc compter que sur la recette fixée d’autre part 17649 francs.
Confection de l’habillement par an 9301 fr. 71
Façon et achat d’étoffes pour la réparation de l’habillement vieux 2802,15
Façon et achat de matières premières pour la réparation de l’équipement et armement 1908.
Achats d’effets de linge et chaussures à fournir aux hommes de nouvelle levée dont le nombre n’est évalué qu’à 250 par an quoiqu’il doit être porté à 500 puisque chaque conscrit n’est tenu qu’à servir quatre an 8342,43.
Frais d’administration 3600
Balance 25654,29
Les dépense fixes étant de 25654,29
Et les recettes de 17649
Il y aura chaque année un déficit de 8005, 29.
On remarque qu’il n’existe aucune supposition dans les dépenses, que s’il en existait elle serait en moins … que le nombre des conscrits, en suivant le mode de recrutement pour l’armée sera nécessaire de plus du 8e.
Dépenses à la charge de la masse d’entretien : cette masse étant fixée par la loi du 1er février 179. pour les corps d’infanterie à 39 fr. par homme par an, elle se composait savoir :
Pour l’habillement et équipement 20#10
Pour le recrutement : 16
Pour réparations et dépenses communes : 2 10
Total : 39#
En comparant les charges de la masse générale à cette époque avec celle de la masse d’entretien actuelle, les mêmes dépenses quoique changées de nature existent ; on en trouvera à n’en diminuer que ce qui était accordé pour le recrutement qui n’existe plus cy 16#
Resterait 23.
Proposer de rétablir la masse d’entretien à ce taux dans un moment surtout où la plus sévère économie doit être observée dans l’administration des finances, serait un abus et le travail d’un fou. Cependant, d’après le calcul fait de ses dépenses fixées par année comparée à ses recettes, on conviendra que cette masse sera absorbée dans trois ans, et qu’il en coûtera alors des sommes énormes au gouvernement pour la rétablir. On pense donc qu’en diminuant des dépenses de la masse d’entretien, les effets à fournir aux hommes de nouvelles levées, celles restant à faire se rapprocheraient des recettes mais alors, il faut qu’il soit tenu compte aux corps et par trimestre, des effets fournis aux conscrits sur des états visés par les inspecteurs aux revues. Ce moyen qui parait le plus économique, évitera encire toutes les dépenses supposées, en ce que le gouvernement ne payera les effets de linge et de chaussure que pour les conscrits arrivés aux corps.
Masse de linge et de chaussure : Pour former cette masse, on retient par jour sur la solde du sous-officier 8 cents et sur celle du soldat 5 cents ; cette retenue monte pour un an pour les sous-officiers à 24 frs et 48 cts.
Et pour les soldats à 18 frs.
Sur cette retenue, on doit former une masse de 27 frs à chaque sous-officier et de 18 frs à chaque soldat avec ce qu’ils n’auront pas dépensé pour les remplacements et réparations de leurs effets de linge et chaussure.
Ces remplacements consistant :
En 2 chemises à 4 frs 13 cts 8 frs 26 cts
1 col noir à 35 cts 35 cts
1 paire de bas de laine 2 frs 2 frs
1 id de fil 1 fr. 50 1 fr. 50
2 paires de souliers à 4 fr. 50 9 frs
1 paire de guêtres noires 4 frs 34 4 frs 34
1 id grise 1 fr. 90 1 fr. 60
Total : 27 frs 35 cts
(Note en marge : les souliers coutent aux corps de 4,75 à 5 frs ; presque tous, ils vont au-delà de 4,75 frs).
Il est bien démontré que ni les sous-officiers les soldats ne pourront avec la retenue qu’on leur fait, suffire aux dépenses qui sont indispensables, si l’on ne vient à leur secours, ou par une fourniture d’une partie d’effets en nature ou par une augmentation du décompte de linge des chaussures.
L’insuffisance de la retenue est devenue sensible depuis l’an 10, et la masse diminue considérablement chaque mois ; elle s’était accrue avant cette époque parce que les corps avaient été avantagés dans les pays conquis et qu’ils avaient ménagé plusieurs mois de leur solde, avec laquelle on a complété les masses et fourni les sacs d’effets de linge et chaussures. A présent qu’il faut les renouveler et les réparer sur leur seule retenue, elle sera insuffisante et le restant en caisse, à chacun d’eux sera absorbé avant la fin de l’année.
On demandera peut-être comment cette masse de linge et chaussures qui est plus forte que celle qui existait en 1788, doit ne pas suffire, tandis que la dernière est suffisante cette époque.
On n’en trouvera la cause dans l’augmentation du prêt de premier d’un tiers des différents effets de linge et chaussures, et dans les moyens que les corps avaient de doubler cette masse par les services des ouvriers et ceux des petits congés avec solde entière. Il est prouvé qu’à cette époque, on avait plus de 30 travailleurs par compagnie et pendant sept mois de l’année 12 et 15 petits congés, qui payaient leurs services ; aujourd’hui les moyens n’existent plus et ne sont plus autorisés.
Conscription
En conservant le mode de recrutement de l’armée par le moyen de la conscription, on continuera sans doute d’accorder la faculté des remplacements. Cependant le mode présente bien des inconvénients, en ce que la seule classe aisée peut se faire remplacer ; que les remplaçants ne sont que des mercenaires, la plupart sans asile, et qu’alors l’ensemble du recrutement de l’armée n’est composé que de la classe la plus pauvre de la France ; il en résulte que les corps ne trouvent plus de sujets pour former des sous-officiers, et que l’esprit national qui a caractérisé nos armées dans cette dernière guerre se détruit. Dans quelque temps, on en demandera la cause et on sera étonné de la trouver en partie dans la facilité des remplacements. Pour obvier autant que possible à cet inconvénient, on indiquera ci-après les moyens de faire tourner la faculté des remplacements à l’avantage du gouvernement, à celui de l’armée, et à la satisfaction des conscrits, que des circonstances particulières forceraient d’exempter du service personnel.
Ces moyens tendent à faire former une masse de remplacement qui ne serait pas à la charge du gouvernement, et à ne plus laisser à l’arbitraire des remplaçants le prix qu’ils exigent de ceux qui désirent s’en faire remplacer.
Mode de remplacement proposé
On ne peut se dissimuler l’avantage qu’il résulte pour l’armée de pouvoir conserver dans les corps le plus possible d’anciens soldats et sous-officiers propres par leur expérience à diriger en peu de temps l’instruction des hommes dont chaque corps se recrute, quel que soit le nombre dont les circonstances obligeraient le gouvernement à en augmenter le complet.
On peut se procurer ce précieux avantage en accordant à chaque sous-officier et soldat qui, ayant complété les années de service auxquelles il était tenu, déclarerait encore vouloir servir pendant 4 ans, une prime de 60 frs, cette prime serait déterminée à raison des engagements successifs que pourrait contracter le même homme à l’échéance du précédent et serait payée par la masse des remplaçants.
Composition de cette masse
Chaque année, après le travail des revues des inspecteurs généraux, le gouvernement peut connaître le nombre d’hommes nécessaires au complètement de l’armée ; il peut connaître aussi le nombre de chaque corps qui, ayant droit aux congés absolus, désirent continuer leur service et déterminé d’après cette connaissance, le nombre d’hommes qu’on pourra exempter dans chaque département du service personnel ; ces hommes seront tenus de payer à la masse de remplacement un prix que le gouvernement déterminera et qui pourrait avoir pour base le montant de toutes les contributions directes réunies que payent annuellement ou le conscrit à remplacer où les pères et mères, somme qui ne devra pas être moins de 200 frs. On peut évaluer chaque année à un 4e le nombre d’hommes de chaque corps qui, n’ayant plus chez eux l’appât du remplacement, ou qui ayant du goût pour l’état militaire, se décideraient à continuer leurs services ; il est entendu que les inspecteurs n’admettraient à cette faculté que les hommes de bonne conduite. On portera également le nombre des hommes à exempter de service personnel à un 4e et le déficit au complet sera rempli par ceux mêmes qui l’auraient opéré en partant par congé absolu. On peut présumer que plus d’un quart des conscrits appelés aux armées se présenteront pour être exemptés du service personnel ; afin de ne point commettre d’injustice et ne pas favoriser les uns plus que les autres, on admettra sans doute d’en réduire le nombre au quart voulu par la voie du sort.
Cette masse fera partie des attributions du département de la guerre en la faisant valoir, les fonds qui la composeraient en augmenteraient aussi le produit, parce qu’il est probable que vu la différence des dépenses qui seront à la charge de cette masse, à ses recettes elle aura toujours un bénéfice considérable que l’on peut évaluer à 1200000 frs par an ; le gouvernement pourrait sur ces fonds accorder des suppléments à la masse de linge et chaussure et trouver encore de quoi payer à la masse d’entretien une partie des effets de linge et chaussure à fournir aux hommes de nouvelle levée ; ces avantages inappréciables ne sont balancés par aucun inconvénient ; au contraire le conscrit n’aura plus l’embarras de chercher un remplaçant ou de le recevoir à des conditions arbitraires.
L’armée ne sera plus appauvrie de sujets puisque dans le nombre des recrues à recevoir chaque année, le quart seulement sera remplacé ou exempté de service personnel, et dans les trois autres quarts qui devront marcher, il se trouvera un bon nombre propre à former des sous-officiers.
Les exemptions de services ne sont pas, à la vérité, aussi nombreuses que par le mode de remplacement actuel, mais le bien du service et la gloire de l’armée exigent cette réduction, et les corps seront composés de citoyens français qui s’enorgueilliront de l’état militaire.
Le ministre de la guerre observera que je n’ai établi que le principe de ce mode, qui peut être développé à l’infini et que sous tous ces points de vue, il offre de très grands avantages.
Avancement par élection.
Tous les militaires conviennent que le mode d’avancement par élection établi dans l’armée par la loi du 14 germinal est défectueux sous beaucoup de rapports.
Celui au grade de caporal à un vice essentiel qui s’étend ensuite à tous les grades et nuit singulièrement au bien du service en ce que, donnant aux volontaires le choix de leurs caporaux, c’est porter atteinte à la discipline et à l’émulation ; l’expérience a suffisamment prouvé le vice et souvent forcé d’enfreindre la loi à cet égard. On ne peut se dissimuler que des soldats qui ont à choisir un caporal dans leurs compagnies ne recherchent pas plus dans ceux qu’ils proposent les talents et la capacité nécessaires au grade qu’ils auront à nommer, que la fermeté pour en soutenir l’autorité. Ils ont bien soin au contraire de ne proposer que ceux de leurs camarades qu’ils appellent de bons enfants dont ils espèrent beaucoup d’indulgence et qui, leur devant leur avancement, ne pourront user envers eux de toute l’étendue du pouvoir que leur donne le grade.
Le grade de caporal étant celui qui conduit à tous les autres, puisque celui qui en est une fois pourvu ne peut plus être arrêté dans son avancement à ceux supérieurs ou son ancienneté le conduira infailliblement ; on ne saurait donc trop empêcher que ce grade, dont l’importance n’a pas été assez sentie, ne soit plus donné si légèrement ; pour assurer un meilleur choix de caporaux et autres grades supérieur, on pourra en changeant le mode prescrit par la loi du 14 germinal, admettre celui qu’on va indiquer pour chaque grade ; on ne devra plus alors dans les corps des officiers qui ne figurent pas convenablement dans leurs grades, mais qu’un premier choix y a conduit sans que l’on puisse l’empêcher.
Caporaux.
Il sera formé dans chaque corps une liste des soldats ayant la meilleure conduite, au moins 6 mois de service, la pénurie de sujets nécessitant en ce moment cette disposition, on pourra par la suite exiger un an de service, et sachant bien lire et écrire. Cette liste sera établie de la manière suivante : tous les caporaux d’un bataillon d’une demi-brigade, selon que l’on voudra étendre ou restreindre le choix, présenteront chacun à leur capitaine un soldat de leur compagnie, qu’ils croiront le plus propre à être caporal ; dans le cas où un soldat serait proposé par plusieurs caporaux de la compagnie, il serait censé choisi par le plus ancien, et le choix des autres recommencerait jusqu’à ce que chaque caporal présente un sujet différent à son capitaine.
Le capitaine choisira trois de ceux qui lui auront été présentés par les caporaux de sa compagnie ; il remettra les noms de ceux qu’il aura choisis au commandant du corps qui fera former la liste des sujets choisis par tous les capitaines du bataillon ou de la demi-brigade ; cette liste arrêtée par le commandant du corps sera déposée entre les mains du 4e chef de bataillon qui le fera mettre à l’ordre de la demi-brigade.
Lorsqu’il vaquera une place de caporal dans une compagnie, le commandant de cette compagnie choisira sur la liste trois sujets qu’il proposera au commandant du corps et ce dernier en nommera un pour occuper la place vacante ; il est à observer que le capitaine qui devra proposer trois sujets de la liste ne pourra dans aucun cas, y comprendre des hommes de sa compagnie.
Si l’on tenait à faire participer les soldats à ce choix, on le pourrait sans s’éloigner du mode proposé, en leur laissant le choix de deux des sujets pris sur la liste à proposer comme candidat à la place vacante. Le capitaine alors désignerait le 3e et les présenterait ensemble au choix du chef du corps. Il est cependant à préférer que les soldats n’aient aucune influence dans ce choix.
Les compagnies de grenadiers devant être composées d’hommes expérimentés et ayant fait preuve de bonne conduite, les capitaines de ces compagnies devront être autorisés à choisir, lorsqu’il leur manquera un caporal, dans tous les caporaux des compagnies de fusiliers de la demi-brigade, ces trois candidats qu’ils voudront présenter au chef du corps, s’ils n’avaient pas trouvé dans la liste les sujets propres aux grenadiers.
La liste réduite au-dessous de moitié, on en formera une autre de la même manière.
Caporal Fourier.
Le caporal Fourier étant, par ses fonctions, chargé de la partie administrative de la compagnie sous les ordres de l’officier qui la commande, son choix doit être l’effet de la confiance et laisse aux capitaines, en leur donnant la faculté de la porter non seulement sur tous les caporaux de la demi-brigade, mais encore sur les volontaires qu’ils croiront propres à remplir les fonctions de ce grade, sauf la confirmation du commandant du corps.
Les caporaux Fourier étant dans la classe des caporaux, ils seront comme eux susceptibles de passer au grade de sergent par ancienneté ou par choix, mais rouleront avec les sergents pour parvenir au grade de sergent-major.
Sergent
On suivra l’avancement au grade de sergent par élection le même mode que pour les caporaux ; les sergents du bataillon ou de la demi-brigade choisiront chacun dans leur compagnie le caporal qui leur paraîtra le plus susceptible d’avancement, ayant six mois de grade, et le présenteront au commandant de la compagnie qui choisira un des caporaux présentés ; il sera formé de tous ceux choisis une liste dans laquelle le commandant de la compagnie où il y aura un emploi de sergent vacant, prendra trois candidats qu’il proposera au commandant du corps, pour qu’il désigne celui qui devra occuper la place. Le capitaine ne devra jamais présenter pour candidat le caporal de cette compagnie porté sur la liste, afin d’éviter qu’un caporal devienne sergent dans la même compagnie.
La liste réduite au-dessous de la moitié sera renouvelée d’après les mêmes principes que ceux de sa formation.
Sergent-major
Vu la rareté des vacances dans ce grade, on ne formera la liste des candidats à proposer aux places vacantes au tour du choix, que lorsque ces vacances auront lieu ; pour former cette liste, le chef du corps fera prévenir les sergents-majors de toutes les compagnies de la demi-brigade ou du bataillon dont fait partie celle où la place est vacante, de remettre à l’adjudant de décade le nom du sergent ou caporal fourrier de leur compagnie, qu’ils auront choisi pour être proposé à cette place ; l’adjudant suppléera au sergent-major qui a fait la vacance, et à tous ceux qui seraient absents par congé ou autrement. Il formera la liste de tous les sergents ainsi choisis, il la remettra au chef du corps qui, après l’avoir approuvée, la communiquera au capitaine de la compagnie où la place sera vacante, afin qu’il lui propose trois des sergents portés sur la liste, desquels le chef désignera celui qui devra occuper la place vacante.
Adjudant sous-officiers
Les fonctions de l’adjudant sous-officier étant purement militaires, et tenant plus de l’instruction, police et discipline qu’à l’administration, on ne doit pas laisser le choix aux conseils d’administration mais le donner aux officiers supérieurs qui, réunis, nommeront à la pluralité des voix celui de tous les sergents-majors et sergents du corps qu’ils jugeront le plus propre à ces fonctions, les officiers supérieurs absents lors de la vacance d’une place de ce grade, ne pourront être suppléés pour le choix du remplaçant ; ils devront être consultés et envoyer leurs suffrages par écrit, et lorsqu’il y aura partage dans les voix des officiers supérieurs, celle du chef du corps aura la prépondérance.
Comme les fonctions d’adjudant sont fatigantes et exigent autant d’activité que d’instruction de ceux qui les exercent, et qu’il est difficile de remplacer ceux qui se sont formés par la pratique, il faudrait, pour éviter des remplacements trop fréquent dans ce grade, et dédommager ceux que le bien du service exigerait d’y conserver, et ne pas les rendre victimes de l’utilité dont ils sont, leur accorder d’être considérés pour l’avancement seulement par ancienneté aux grade de lieutenant, comme sous-lieutenant du jour de leur nomination d’adjudant, et leur en accorder le traitement lorsqu’un sous-officier leur cadet parviendrait à la sous-lieutenance par ancienneté.
Comme en leur qualité d’adjudant, ils ne doivent pas cesser d’être éligibles aux places de sous-lieutenant au choix ; dans le cas où ils seraient choisis à une de ces places, ils devront jouir du traitement y attaché à compter de ce jour et continuer leur fonction d’adjudant s’ils y sont jugés nécessaires par les officiers supérieurs, jusqu’à ce que par ancienneté ou par un nouveau choix ils parviennent à la lieutenance.
Lorsque l’adjudant nommé sous-lieutenant au choix sera jugé devoir continuer ses fonctions d’adjudant, le tour du choix sera censé passer et l’on donnera à l’ancienneté la sous-lieutenance qu’il laissera vacante.
Sous-lieutenant, lieutenant et capitaine
L’avancement par élection au grade de sous-lieutenant, de lieutenant et de capitaine se continuera d’après le mode voulu par la loi du 14 Germinal, en donnant cependant plus d’extension au choix ; il faut pour cela ne pas le borner au bataillon où se trouve la vacance, mais bien y faire participer tous les bataillons ; il peut arriver que le même bataillon ait seul l’avancement pendant longtemps ; il est possible que le bataillon qui a la vacance ne possède pas aux yeux des électeurs le sujet le plus propre à y être nommé.
Adjudant major
Les fonctions des adjudants majors les mettent en relation immédiate avec les officiers supérieur pour tout ce qui est relatif à l’instruction, police et discipline. On ne voit pourquoi on a laissé leur nomination au choix du conseil d’administration avec lequel ils n’ont aucune relation ; il est plus naturel qu’ils soient nommés par les officiers supérieurs. On pourra suivre à leur égard le mode proposé pour les adjudants sous-officiers.
Chef de bataillon
On demande en faveur des capitaines qui depuis longtemps ont été privés d’avancement, le rétablissement du mode voulu par la loi du 14 Germinal pour l’avancement au grade de chef de bataillon.
Les fonctions du 4e chef de bataillon étant d’une nature particulière, la nomination à cet emploi appartiendra de droit au gouvernement sans préjudicier à la moitié des autres places qui lui sont réservées par la loi du 14 Germinal.
Fonctions du 4e chef de bataillon
Le gouvernement, en créant dans chaque corps, un 4e chef de bataillon, a sans doute eu en vue de les utiliser par leur surveillance pour l’administration, la police, la discipline et l’instruction ; mas comme on a prononcé que vaguement sur leurs fonctions, il en résulte que les chefs de corps les interprètent différemment les uns des autres et les emploient comme ils l’entendent. Il serait nécessaire que le gouvernement fît cesser cet arbitraire en précisant par une instruction les fonctions qu’il entend devoir être remplis par les 4es chefs. Il semble qu’ils doivent être chargés de tous les détails de l’instruction, de la police, de la discipline et de l’administration ; mais il faut établir les rapports qui doivent exister entre les chefs de corps, les commandants de bataillon, eux, les adjudants majors et le conseil d’administration.
Le 4e chef de bataillon doit transmettre les ordres du chef de la demi-brigade au corps ; il réunira à cet effet et à une heure indiquée les adjudants majors et adjudants sous-officiers des trois bataillons, prescrira ce qui doit être fait dans la journée, recevra les rapports des capitaines de police, surveillera la discipline, la tenue et la propreté des casernes, et sera chargé de l’instruction de la demi-brigade au détail, depuis l’école du soldat jusqu’à celle du bataillon inclusivement ; il pourra être utilisé avantageusement si on le rend le rapporteur du conseil d’administration ; il sera à même de faire connaître les abus que sa surveillance aurait pu lui faire remarquer, et qui peuvent échapper à un conseil qui n’est pas toujours composé de membres ayant des connaissances dans cette partie et dont les séances sont toujours trop courtes pour examiner suffisamment tous les objets qui lui sont soumis.
Chef de brigade
Ces emplois pour l’infanterie devraient se donner pour moitié par le choix du gouvernement et moitié par ancienneté de grade de chef de bataillon sur toute l’armée.
Avancement par ancienneté de grade
Par un décret du 27 Pluviôse an 2, il a été décidé qu’aucun citoyen ne pourra être promu aux empois qui vaqueront depuis le grade de caporal jusqu’à celui de général en chef s’il ne sait lire et écrire.
Avant la promulgation de cette loi, beaucoup d’officiers avaient été promus quoique ne sachant ni lire ni écrire ; plusieurs existent encore dans les corps ; doivent ils parvenir à leur tour d’ancienneté à un grade supérieur à celui qu’ils ont ? Ne serait-il pas à propos de déterminer que toutes les fois qu’une place sera vacante et appartiendra au tour de l’ancienneté, celui qui y aura droit sera examiné par cinq militaires qui lui sont supérieurs en grade et qui devront toujours avoir pour président un chef de bataillon. Cet examen pour le sous-officier sera basé sur l’instruction théorique de l’école du soldat et celle de peloton sur les comptes à rendre de la discipline et de la tenue et sur les rapports par écrit qu’un sous-officier est dans le cas de faire lorsqu’il est détaché le conseil d’examen prononcera sur la capacité ou l’incapacité du sujet et déclarera s’il y a lieu ou non à lui accorder l’avancement auquel son ancienneté lui donne des droits.
On suivra la même marche pour les sous-lieutenants et lieutenants qui auront droit à l’avancement par ancienneté et l’examen sera basé sur l’instruction théorique de l’école du soldat, du peloton, et du bataillon sur les comptes à rendre de la tenue et de la discipline sur la manière de gérer l’administration d’une compagnie en matière de comptabilité, sur les devoirs de l’officier en campagne pour les différentes parties du service et sur la manière d’énoncer clairement et avec précision les rapports qu’il aura à faire sur des reconnaissances et détachement armés que l’officier est dans le cas de faire.
Le sous-lieutenant et lieutenant jugé capable de remplir la place supérieure qui lui est dévolue par ancienneté ayant alors les connaissances qui lui sont nécessaire est dispensé d’un nouvel examen pour parvenir au grade de capitaine.
Décisions demandées
Beaucoup d’officiers destitués, démissionnaires ou retirés chez eux avec pension ont repris de l’activité dans l’infanterie, soit comme conducteurs de conscrits, soit comme ayant coopéré à la formation des bataillons auxiliaires ; ces officiers élèvent tous les jours des difficultés par la prétention qu’ils ont de prendre leur rang d’ancienneté dans la colonne des officiers de leur grade, du jour qu’ils y ont été nommés, nonobstant l’interruption qu’ils ont eu dans leur service. Ces difficultés sont journellement soumises au Ministre de la Guerre et nécessitent de sa part des décisions partielles qui, n’étant connues que des corps qui les ont provoquées, n’empêchent pas le cours des réclamations dans les autres ; on pourra les faire cesser par une décision officiellement adressée à tous et qui classât d’une manière claire et précise tous les cas où un officier rentrant au service actif, pourrait se prévaloir de sa nomination au grade qu’il occuper pour prendre son ancienneté dans la colonne des officiers du même grade ; il me semble que tous ceux désignés ci-dessus aucun ne pourrait prétendre à cette faculté et que les officiers devenus surnuméraires par suite des évènements qu’il n’a pas dépendu d’eux d’empêcher pourraient seuls y avoir droit ; quant aux autres, ils ne devraient faire valoir leurs services antérieurs à leur rentrée en activité que pour établir leurs droits à la pension de retraite" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 93 page 199).
D'après les Etats militaires de l'an XI (1802-1803), la 76e est à Anvers et fait partie de la 24e Division militaire. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Chef de Brigade Goré; Chefs de Bataillon Lenud, Lozivy, Dauvais; Quartier maître trésorier Capitaine Audiguier; Adjudants major Martouzet, Bertheau, Elambert, ; Officiers de santé Sommé, Houard, Mercier.
- Capitaines : Prunier, David, Roussel, Besson, Prevost, Mesny, Bise, Noel, Huby, Saint-Jean, Cannoville, Bailly, Fermaud, Papot, Champagnat, Vedel, Larivière, Renaud, Bellanger, Lagrenade, Navizet, Rouaud, Badin, F. Cassan, Schauenbourg, Gérard.
- Lieutenants : Aulon, Mouquin, Breur, Creté, Sarazin, Cassan, Poulet, Herisson, Vigne, Pichon, Poudrel, Guillet, Masse, Doucet, Redon, Renoud, Gibon, Vidal, Bernard, Goeury, Julian, Rispaud, Vallayet, Piquerel, Porthié, Brun.
- Sous lieutenants : Simon, Faravel, Brosse, Heidenreich, Treillet, Olivier, Barba, Béon, Donadieu, Toutaint, Quoniam, Richelet, Giquel, Paul, Souday, Vanguin, Langlois, Lecourt, Chanterelle, Martin, Riou, Odinot, Foissier, Goujon, Pruneau, Bourget, Michel.
La paix signée à Amiens avec l'Angleterre, le 25 mars 1802, a été consentie à contre-coeur par le gouvernement britannique. "C'était un traité accordé à regret par forme d'épreuve", comme disait lord Hawkesbury. Les Anglais n'en exécutèrent pas les principales clauses : évacuation de l'égypte et de Malte. Aussi, dès le commencement de 1803, la rupture est imminente. Le Premier Consul se met alors en mesure de reprendre au premier signal toutes les positions occupées avant la signature du traité. Ordre est donné de réunir entre Nimègue et Bréda un corps de troupes de 25000 hommes, destiné à entrer en Hanovre. Ce Corps doit être commandé par le Général Montrichard.
Le 25 mars 1803 (4 germinal an 11), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier : "... Donnez ordre à deux bataillons de la 76e et à deux bataillons de la 48e, portés au grand complet de paix et commandés par les chefs de brigade, de se rendre à Breda; vous donnerez le même ordre à trois escadrons du 2e de hussards (3e Hussards selon la Correspondance générale) et à trois escadrons du 11e dragons, également portés au complet de paix.
Vous ferez atteler et conduire dans le plus bref délai à Breda douze pièces d'artillerie, dont sixpiècesd'artillerie légère et six d'artillerie à pied.
Donnez ordre au général Frère de partir sous quarante-huit heures pour Breda, où il servira dans ce corps d'armée.
Donnez ordre au général Dulauloy de s'y rendre également, pour commander l'artillerie.
Vous nommerez un chef de brigade du génie, deux capitaines et quatre lieutenants, pour compléter l'état-major de ce corps; un commissaire ordonnateur sera désigné pour y servir.
Ce corps, étant destiné à défendre le territoire hollandais, sera payé et soldé par la République batave ..." (Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.4, p. 447 ; Correspondance de Napoléon, t.8, lettre 6654; Correspondance générale, t.4, lettre 7541).
Les 1er et 2e Bataillons de la 76e reçoivent donc l'ordre de se rendre à Bréda, dans le Brabant septentrional. De ce fait, ils sont portés à l'effectif de 800 hommes chacun, au détriment du 3e Bataillon qui reste à Malines, pour y instruire les recrues des ans IX et X qui viennent d'arriver au corps (par Arrêté du 18 Thermidor an X - 5 août 1802, la 76e a envoyé dans le Finistère un cadre composé de 1 Capitaine, 5 lieutenants, 3 Sous-lieutenants, 30 Sergents et 24 Caporaux, pour aller chercher les 1800 conscrits de ce département des ans IX, et X mis à la disposition du gouvernement par la loi du 28 Floréal an X - 17 mai 1802).
Le 13 avril 1803 (23 germinal an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud à Barbet-Marbois, Ministre du Trésor public : "Deux bataillons de la 76e, citoyen ministre ... viennent de paser en Hollande. Ils doivent être soldés par la République batave, mais comme il y a dans ce moment quelques difficultés, il est convenable que vous donniez ordre aux payeurs 16e, 24e et 25e divisions militaires de donner en avance aux conseils d'administration, qui restent avec les 3e bataillons dans ces divisions, la solde ordinaire pour le mois de germinal, en leur faisant connaître que dès que le gouvernement batave aura soldé, il leur en sera tenu compte sur le reste de l'année" ( Correspondance générale, t.4, lettre 7567).
Le 26 avril 1803 (6 floréal an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, de donner ordre aux deux bataillons de la 76e et de la 95e de se rendre à Bréda.
Donnez ordre que les 3es bataillons des 76e, 48e, 100e, 95e et 27e légère complètent les deux premiers bataillons à 1600 hommes et y fassent entrer les conscrits qui seraient habillés et à l'école de peloton ..." (Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.4, p. 450 ; Correspondance générale, t.4, lettre 7608).
Les Bataillons actifs de la 76e, sous les ordres du Commandant Lenud (le Chef de Brigade Gorée, admis à la retraite en février, a laissé provisoirement le commandement de la 76e au Commandant Lenud, Chef du 1er Bataillon) ne font que traverser Bréda : le Général Mortier, nommé commandant en chef de l'Armée du Hanovre (environ 12000 hommes), a porté, le 15 avril, son quartier général de Nimègue à Koeverden, sans attendre les renforts envoyés de Belgique. Les Bataillons l'y rejoignent.
2/ Invasion du Hanovre
Les troupes hanovriennes se retirent derrière la Hunte; mais Mortier ne voulant pas leur laisser le temps de se fortifier, passe l'Ems à Meppen avec 15000 hommes et arrive, le 12 Prairial (31 mai), devant Diepholz. Les hanovriens battent encore en retraite pendant la nuit et prennent position sur le Weser. Le 14 Prairial (2 juin), leur arrière garde est culbutée à Borstel et les Français entrent à Suhlingen. Le lendemain (3 juin), l'Armée française les trouve rangés en bataille sur les deux rives du fleuve à Nienbourg. Le combat va s'engager, quand les représentants du Hanovre décident le Feld-maréchal de Walmoden à signer la convention de Suhlingen par laquelle l'armée hanovrienne consent à se retirer derrière l'Elbe. Mortier passe le Weser et entre, le 5 juin, à Hanovre : la 76e est cantonnée aux environs de cette ville.
Le 27 juin 1803 (8 messidor an 11), Bonaparte écrit depuis Amiens au Général Lacuée, Président de la Section de la Guerre du Conseil d'Etat : "Citoyen Lacuée etc., j'ai lu avec attention votre dernière lettre. J'ai remarqué que ... par l'arrêté du 1er floréal, vous avez donné :
... à la 76e qui est en Hanovre 512 hommes ..." (Correspondance générale, t.4, lettre 7771).
Le Roi d'Angleterre, dans sa proclamation du 16 mai qui servit de modèle aux Russes en 1813, ordonne la levée en masse de ses sujets allemands, sous peine de perdre leurs biens et le droit d'hériter. La convention n'ayant pas été ratifiée, l'armistice est rompu, le 30 juin. Les Hanovriens s'étaient établis à Lauenbourg et avaient fortifié le cours de l'Elbe, mais le 4 juillet, au moment où les Français vont tenter le passage de vive force, une nouvelle négociation prévient l'effusion du sang. La capitulation de Lauenbourg termine la promenade militaire de l'armée de Moreau par le licenciement de l'ennemi qui dépose ses armes entre les mains des autorités civiles, et s'engageà ne pas servir pendant un an. Les troupes françaises rentrent dans leurs cantonnements entre le Wéser et l'Elbe. La 76e, dont les 1er et 2e Bataillons ont été rejoints par le 3e pendant l'armistice de Suhlingen, occupe d'abord Celle (1er et 2e) et Nienbourg (3e). La nécessité de ménager les ressources du pays qui doivent pourvoir à tous les frais de l'occupation, entraîne pour les corps de fréquents changements. En septembre, la 76e Demi-brigade a son premier bataillon à Bedenbostel, le 2e à Uelzel et le 3e à Celle, lorsque l'arrêté du 1er Vendémiaire an XII (22 septembre 1803) vient lui faire prendre le nom de 76e Régiment d'Infanterie de ligne.
Entre temps, le 10 mars 1803 (19 ventôse an XI), le Caporal François Lacombe se voit accordé un fusil d'honneur pour s'être distingué en 1799 et 1800 à l'armée du Rhin, et à celle d'helvétie. La même année, il entre dans les Chasseurs à pied de la Garde Consulaire.
Gbis/ Expédition de Saint Domingue
Une situation de Nafziger semble indiquer une participation de la 76e à l'expédition de Saint Domingue. Dans l'immédiat, nous n'avons pas de plus amples informations sur ce point :
Armée française de Saint-Domingue - 8 mai 1802 (Nafziger - 802EAG). Division Hardy Source : de Poyen, "Histoire Militaire de la Revolution de Sant-Domingue", Paris, 1826 |
H/ Organisation du 76e Régiment d'Infanterie de Ligne
1/ Les Voltigeurs, le drapeau
Le 76e Régiment d'Infanterie du 1er Vendémiaire an XII ne diffère guère de la 76e Demi-brigade que par le nom de "Régiment" que Bonaparte a ressuscité. Il reste à 3 Bataillons, le 1er (Commandant Lenud) en garnison à Bedenbostel, le 2e (Commandant Lovisi) à Uelzel, et le 3e (Commandant Rignoux) à Celle. Le Quartier maître régimentaire s'appelle Audiguier. Le Dépôt est en garnison à Landau et fait partie du 2e corps de réserve. A noter que d'après Ternisien d'Haudricourt (Fastes de la Nation Française), Lovisi "se trouva à la célèbre bataille de Hohenlinden, où il se distingua et fut nommé Lieutenant-colonel, - fut maintenu dans son grade à son retour en France". Ce dernier renseigenement donné par d'Haudricourt est inexact.
Le 24 octobre 1803, le 1er bataillon s'installe à Danemberg. Le Colonel Jean Pierre Antoine Faure Lajonquière, nommé le 30 Frimaire (21 décembre 1803), prend le commandement du Régiment qu'il devait conduire d'Ulm à Friedland.
Jean Pierre Antoine Faure Lajonquière Services : Né à Revel (Haute-Garonne), le 30 avril 1768. Engagé volontaire et Grenadier au 4e Balaillon des volontaires de la Haute-Garonne (devenu 130e, puis 4e Demi-brigade), le 13 juillet 1791. Sous-lieutenant, le 11 novembre 1791. Lieutenant, le 8 mars 1792. Capitaine, le 1er janvier 1793; passa dans les Grenadiers consulaires, le 13 nivôse an VIII (3 janvier 1800). Chef de Bataillon des Grenadiers consulaires, le 15 frimaire an X (6 décembre 1801). Colonel du 76e Régiment d'infanterie, le 30 frimaire an XII (21 décembre 1803). Mort au champ d'honneur à Domnau, le 15 juin 1807, de blessures reçues la veille, à Friedland. Campagnes et blessures : 1792 - A l'armée des Alpes. 1793 - Siège de Toulon. An II - A l'armée des Pyrénées. Ans III, IV, V, VI. - A l'armée d'italie : blessé à la poitrine à l'assaut du château de Cossaria, le 24 germinal an IV (13 avril 1796); eut la cuisse droite traversée par un biscaïen à la bataille de Saint-Georges, en attaquant les faubourgs de Naples, le 29 fructidor an IV (15 septembre 1796). An VI - A l'armée de Hollande. 1805 - Bataille d'Elchingen, où il eut un cheval tué sous lui en s'élançant sur un carré autrichien qui fut enfoncé. 1806 - Bataille d'Iéna; prise de Magdebourg; prise de Soldau. 1807 - Combats de Deppen, de Guttstadt; bataille de Friedland, où il trouva la mort des braves. Décorations : Officier de la Légion d'honneur, le 25 prairial an XII (13 juin 1804) ; Commandeur du même ordre, le 4 nivôse an XIV (24 décembre 1805). |
Fig. 1bis |
D'après les Etats militaires de l'an XII (1804), le 76e est à Ulzen (Hanovre). Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Colonel Goré; Major N.; Chefs de Bataillon Lenud, Lozivy, Rignoux; Quartier maître trésorier Capitaine Audiguier; Adjudants major Martouzet, Berteau, Elambert, ; Chirurgien major Sommé.
- Capitaines : Prunier, David, Roussel, Besson, Prevost, Mesny, Noël, Huby, Saint-Jean, Cannoville, Bailly, Fermand, Papot, Champagnat, Vedel, Lariviere, Renaud, Bellanger, Lagrenade, Navizet, Rouaud, Badin, F. Cassand, Schauenbourg, Girard, Tournier, N.
- Lieutenants : Breur, Deslauriers, Crété, Sarrazin, Cassant, Poullet, Herisson, Vigne, Pichon, Masse, Guillet, Poudret, Doucet, Renoud, Gibon, Vidal, Bernard, Jullian, Rispaud, Vallayet, Piquerel, Brun, Porthié, N., N., N., N.
- Sous lieutenants : Simon, Brosse, Heydenreich, Treillet, Barba, Béon, Toutain, Donadieu, Quoniam, Richelet, Giquel, Paul, Souday, Lecourt, Langlais, Chanterelle, Niou, Martin, Goujon, Odinot, Foissier, Pruneau, Michel, Bourget, Tardy, N., N.
En mars 1804, le Régiment change de cantonnements et occupe le 22 les emplacements suivants : 1er bataillon à Garlow, 2e Bataillon à Lukow, 3e à Ulzen. La composition des Bataillons n'est pas changée tout d'abord, mais en 1804, l'Empereur a l'idée de créer une deuxième Compagnie d'élite par Bataillon. Les Grenadiers étaient généralement choisis parmi les hommes qui, indépendamment de leurs qualités militaires, avaient une belle prestance. Napoléon voulut qu'une 2ème Compagnie d'élite par bataillon soit formée avec des soldats agiles constituant une véritable troupe légère. Il lui donne le nom de "Voltigeurs".
"Voltigeur ! écrivait Joachim Ambert en 1837, ce mot-là seul n'est-il pas tout français ! Gouvernement, institutions, croyances religieuses, héros, littérature, bonheur public ou bonheur privé, nous faisons tout voltiger....
Il semble qu'il n'y ait plus rien à dire, quand on a prononcé le nom du petit soldat jaune. Aventureux, frondeur, il est tout national; ses histoires, aventures et hauts faits, commencent toujours par ces mots : mon hôtesse, superbe femme,... ou encore : les balles sifflaient tant et la fumée était si épaisse que je ne sais comment je me trouvai le premier dans la redoute, la moitié de ma baïonnette dans l'estomac d'un lieutenant prussien....
Qu'ils étaient beaux, les voltigeurs de l'Empire, continue le spirituel et docte écrivain, ces démons à tout faire pendant le combat, à tout pardonner après ! Qu'ils étaient beaux avec leurs petits habits écourtés et si peu gracieux, leurs collets jaunes, qui, dans les bois, au milieu du fourré, les faisaient prendre pour des fleurs sauvages ! Il fallait alors être homme de valeur pour porter le cor de chasse; le simple soldat devait avoir fait sa preuve, et qui voulait y être officier devait avoir prouvé deux fois....
Les Prussiens et les hommes du Nord criaient en voyant nos voltigeurs : Da kommen die kleine Männer ! Voilà les petits hommes qui viennent ! C'était un cri de terreur qui partout semait épouvante....
Ces bons et braves voltigeurs, c'est à les aimer toute la vie, quand on les connaît et qu'on sait les comprendre....".
Les Compagnies de Grenadiers et les Compagnies de Voltigeurs du Régiment, souvent réunies ensemble, formaient un magnifique Bataillon d'élite d'environ 700 hommes, avec lequel on pouvait tout tenter. Nous verrons à l'oeuvre celui du 76e.
Dans le courant de l'année 1804, comme déjà en 1802, le Régiment reçoit les conscrits du Finistère.
L'effectif du 76e à la fin de septembre 1804 est de 2860 présents. A cette date, ses 1er et 2e Bataillons sont au camp de Lune, le 3e toujours à Ulzen. Fin octobre, le 1er Bataillon est à Blekede, le 2e à Lukow, et le 3e à Gilhorn.
2/ Occupation du Hanovre et retour en France
Bouton du 76e de Ligne, communiqué par un de nos correspondants. |
Bouton de face et de dos (Collection privée) |
Le 76e occupe le Hanovre jusqu'au printemps 1805. C'est dans ses froides plaines, entre l'Elbe et le Weser, qu'il apprend les graves événements qui ont lieu en France pendant cette longue période passée loin de la patrie.
En vue d'une descente en Angleterre, Napoléon réunit de nombreuses troupes sur les côtes du Nord. Le 76e reçoit en Pluviose an XII (février 1805) l'ordre de se rendre par étapes au camp de Montreuil sur la Canche, après avoir complété ses deux premiers Bataillons à 800 hommes prêts à entrer en campagne. Le 3e Bataillon va tenir garnison à Juliers (25e Division militaire) sur la Roër. Le Dépôt du Régiment, qui, depuis longtemps, n'avait pas quitté l'Alsace, est à landau. Il y restera jusqu'en 1807.
Le 3 mars 1805 (12 ventôse an XIII), Napoléon écrit depuis Saint-Cloud au Maréchal Berthier : "... Donnez l'ordre au 76e de ligne et au 103e, qui sont en Hanovre, de partir le 20 germinal, pour se rendre, le premier à Venloo, et le second à Maëstricht ..." (Correspondance de Napoléon, t.10, lettre 8389).
Le 12 mars 1805 (21 ventôse an XIII), Napoléon écrit depuis Paris à M. Talleyrand : "Monsieur Talleyrand, vous ferez connaître à M. Laforest, à Berlin, qu'indépendamment des 76e et 103e régiments que j'ai déjà retirés du Hanovre, je fais repasser en France le 100e régiment, qui fait partie de cette armée et qui est fort de 2,600 hommes ..." (Correspondance de Napoléon, t.10, lettre 8418).
Le 20 mars 1805 (29 ventôse an 13), à La Malmaison, on informe l'Empereur que "La place de Venloo n'offrant pas un casernement suffisant pour y placer le 76e, le ministre de la guerre propose d'assigner Liège ou Namur à ce régiment"; Napoléon répond : "Du moment que le 76e sera dans la 26e division militaire, les deux bataillons avec le colonel, complétés chacun à 960 hommes présents sous les armes, partiront pour le camp de Montreuil. Le 3e bataillon se rendra à Juliers avec le major" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 63).
Le 11 avril 1805 (21 germinal an 13), Napoléon écrit depuis Lyon au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des Camps : "... Faîtes-moi connaître quel jour les 76e, 100e et 103e régiments de ligne qui viennent de l'armée de Hanovre arrivent en France, et s'ils ont reçu une destination pour les trois camps ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 9811).
Les 1er et 2e Bataillons du 76e arrivent au camp de Montreuil en Germinal. Ils font partie de la 2e Brigade (Roguet, qui comprend également le 69e) de la 2e Division (Loison, qui comprend également la Brigate Villate formée des 6e Léger et 39e de Ligne) du 6e Corps (Ney, formé des Divisions Dupont, Loison, Malher, plus la Brigade de Cavalerie du Tilly composée du 10e Chasseurs et du 3e Hussards) et d'après leur ordre de bataille sont baraqués près du moulin d'étaples, face à la mer. Tout le Corps de Ney est baraqué au camp de Montreuil. Le camp de Montreuil, établi près d'Etaples, forme la gauche de l'Armée de l'Océan. Il aurait dû s'appeler le camp d'Etaples, car on avait établi les baraques près de cette petite ville (à l'est et à l'ouest), sur la rive droite de la Canche, près de son embouchure, à douze kilomètre de Montreuil : la 1ère Division derrière le village de Camiers, faisant fae à la mer; la 2e par Brigade à droite et à gauche d'Etaples ; la 3e à quinze cents mètres en arrière.
Ces camps étaient tracés d'après les principes de l'ordonnance : il y avait par compagnie 4 baraques construites sur deux rangs, chacune pouvant contenir 16 hommes. Les cuisines, au nombre d'une par compagnie, étaient derrière; venaient ensuite les baraques des Sous officiers et des cantiniers, sur la même ligne, puis celle des Officiers; enfin, les Chefs de Bataillon derrière leurs Bataillons respectifs; la baraque du Colonel derrière le centre du Régiment. Les baraques étaient creusées à un mètre sous terre, ce qui les rendaient fort humides. Le coucher se composait d'un grand lit de camp sur lequel on étendait de la paille recouverte de laine. Chaque hommes se couchait sur cette couverture, enveloppé dans un sac de toile; on étendait ensuite sur eux une autre couverture de laine.
Les soldats recevaient les vivres de campagne : le pain de munition, et le pain blanc pour la soupe, la viande, les légumes secs, l'eau de vie et le vinaigre; ils n'achetaient au marché que les légumes frais et les pommes de terre. Ils mangeaient avec les Caporaux dans des gamelles de six à sept portions. Les Sergents, dans chaque Compagnie, mangeaient ensemble. Les Sergents majors seuls, avec les Adjudants, vivaient en pension chez un cantinier. Le pain de munition était noir; le seigle qui entrait dans sa composition lui donnait un goût acide et désagréable. La grande tenue était encore celle de l'ancien régime, sauf la couleur : habit bleu à revers blancs et grands passepoils rouges, coupé à la française; longue veste blanche à basques; culotte blanche à long pont, sans bretelles; guêtres noires montant au dessus du genou; cheveux coupés en brosse, avec une queue sans poudre. Les Officiers remplaçaient les grandes guêtres par des bottes à revers. Cependant, on allait arriver à une époque de transition, car déjà, dans une Division réunie à Arras, on portait des shakos et les cheveux courts.
La désertion est considérable dans les troupes de l'armée de l'Océan. Ainsi, pendant les dix mois compris entre le 1er octobre 1804 et le ler août 1805, le 76e de Ligne compte 29 déserteurs sur 419 hommes incorporés (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Désertion en l'an XIII |
||
Régiments |
Recrues |
Déserteurs |
76e de ligne |
419 |
29 |
Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 148 |
D'après un "Etat sommaire des hommes qui ont fait la guerre dans les différents corps composant l'armée des côtes (Exécution de l'ordre du 12 thermidor an XIII.)", au Corps de Gauche, Division Loison, le 76e de Ligne, sur un effectif de 1904 hommes, en a 1172 qui ont déjà fait la guerre (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 145).
Situation au 4 août 1805 Le 76e de Ligne a ses deux premiers Bataillons à l'Armée des Côtes, Corps de gauche ; ils présentent un effectif total de 1901 hommes, dont 57 aux hôpitaux. Le 3e Bataillon est à Julliers (25e Division militaire) : son effectif est de 869 hommes, dont 50 aux hôpitaux et 75 en recrutement ou détachés. |
Situation au 19 août 1805 Au 19 août, le Corps de gauche est commandé par le Maréchal ney, et le 76e est à la 2e Division Loison. Commandé par le Colonel Lajonquière, les Chefs des deux premiers Bataillons sont Lesnud et Lovizy ; l'effectif est de 1847 hommes présents (pour un complet de 1860), stationnés à Etaples ; le Dépôt à Juliers compte 819 hommes. |
Chaque jour, on s'attend à franchir ce détroit, quand, le 9 Fructidor an XIII (26 août 1805), on apprend que l'Amiral Villeneuve fait tout manquer. Au lieu de marcher sur Brest, il est retourné à Cadix, empêchant ainsi toute invasion de l'Angleterre. Heureusement, la nouvelle coalition qui s'est formée en Europe contre la France permet de remplacer cette expédition par une grande guerre continentale. Le lendemain, Napoléon envoie au camp de Montreuil un ordre de marche vers le Rhin. L'Autriche va payer pour l'Angleterre.
Le 6 Fructidor an 13 (24 août 1805), le Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, adresse, depuis Boulogne, un "Rapport à l'Empereur et Roi.
Sire,
J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté que, conformément à ses intentions ... :
Le 1er bataillon du 76e régiment de ligne, employé au corps d’Irlande, partira de Brest le 14 fructidor et arrivera le 23 à Belle-Isle, pour relever le 4e bataillon du 16e régiment d'infanterie légère et le 3e bataillon du 105e de ligne, qui partiront immédiatement après son arrivée pour rejoindre leur corps respectif à Alençon, où ils seront rendus le 1er vendémiaire.
Je joins ici le relevé de ces mouvements" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 148).
Le 27 août, le 76e de Ligne aligne un effectif de 1867 hommes au sein de la Brigade Roguet (Nafziger 805HAH).
En août 1805, le 76e de Ligne compte dans ses rangs 1172 anciens soldats sur 1904 (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 170-171-172).
Corps
|
Hommes ayant droit |
Total |
Années de service du plus ancien soldat |
|||
Plus de 25 ans de service |
De 20 à 25 ans de service |
De 15 à 20 ans de service |
De 10 à 15 ans de service | |||
76e régiment d'infanterie de ligne |
9 |
7 |
4 |
494 |
536 |
37 |
(Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 144).
Les troupes sont loin d'être prêtes à entrer en campagne; le Général Loison écrit, au sujet du 76e de Ligne : "J'ai ordonné de surveiller cette partie essentielle de leur instruction. Les manœuvres ont été bien exécutées, particulièrement dans ce qui a dépendu des chefs de bataillon; le colonel n’est pas encore fort sur les évolutions de ligne, mais il travaille et obtiendra ce qui lui manque. Beaucoup de capitaines sont très faibles en manœuvres. Il leur faut beaucoup de pratique pour se fortifier … Le colonel donnera des ordres pour que les recrues soient exercées deux fois par jour dans tous les cantonnements; les compagnies doivent manœuvrer au moins trois fois par semaine et les bataillons deux fois. On mettra les hommes sur deux rangs et l'on fera des pelotons d'un front plus étroit chaque fois qu'on ne pourra pas réunir le bataillon entier, mais il est important de faire très souvent l'école de bataillon" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 182).
Etat des conscrits que chaque département doit fournir sur les classes de l'an XI (1803) et de l'an XII (1804) |
|
Finistère |
258 |
I/ Campagne d'Allemagne en 1805
1/ Marches de la Manche au Danube
Fig. 2 |
Avant de commencer le récit de la campagne du 76e en 1805 (basé sur le journal de marche du 6e corps), il convient de donner les noms des Officiers qui y ont pris part. Nous aurions été heureux de donner aussi les noms des soldats; mais ils n'ont pas été conservés. Les noms des Officiers sont extraits de l'annuaire de l'an XIII. Ils sont placés dans chaque grade par ordre d'ancienneté. Plusieurs de ces noms nous sont déjà connus par les hauts faits accomplis dans les précédents campagnes. Le signe * signifie membre de la Légion d'Honneur. Le signe *O : Officier de la Légion d'Honneur.
Colonel : FAURE-LAJONQUIÈRE * 0.
Major : COURTOIS *.
Chefs de bataillon : LENUD *,. Lovisi *et RIGNOUX *. Quartier-maître-trésorier : AUDIGUIER. Adjudants-majors : MARTOUZET, BERTHAUX (ne pas le confondre avec le Capitaine Bertheau qui a été cité, le 25 juillet 1799, à l'attaque du pont de Seven. Le Capitaine Berthaux n'a été promu à ce grade que le 27 Frimaire an IX - 17 décembre 1806) et ELAMBERT. Chirurgien-major : SOMME.
Aides-majors : SAUVEUR et MARQUANT. Sous-aides-majors : MIREAU, DELANOY et CRÉPIEUX.
Capitaines : PRUNIER (Capitaine du 3 octobre 1792), DAVID, ROUSSEL, BESSON, PRÉVOST, MESNY, NOEL, HUBY, SAINT JEAN, CANOVILLE, BELLY, FERMAUD, PAPOT, CHAMPAGNAT, VEDEL, LA RIVIÈRE, RENAUD, BELLANGER, LA GRENADE, NAVIZET, ROUAUD *, BADIN, CASSANT François, SCHAUENBOURG, GIRARD, TOURNIER et BREUR.
Lieutenants : DES LAURIERS, CRETÉ, SABAZIN, CASSANT Méjean, POULET, HERISSON, VIGNE *, PICHON, MASSE * 0., GUILLET *, POUDREL, DOUCET, RENOUD, GIBON, VIDAI, JULLIAN, RISPAUD D'AIGUEBELLE, VALLAYET, PIQUEREL, BRUN, PORTHIÉ, HEYDENREICH, TREILLET, TOUTAIN, DONADIEU et GICQUEL.
Sous-lieutenants : SIMON, BROSSE, BARBA, BéON, QUONIAM, RICHELET, PAUL, SOUDEY, LECOURT, LANGLOIS, CHANTRELLE, RIOU, MARTIN, GOUJON, ODINOT, FOISSIER, PRUNEAU, MICHEL, BOURGET, TARDY, RENAUD, COURTOIS Bonaventure, ROBIN, CUCU, DESJARDINS et GALIMAND.
Fig. 3 |
Le 27 août, le Maréchal Ney expédie à ses Généraux leur ordre de marche :
"... La 2e division, aux ordres du général Loison, partira d'Etaples, le 13 fructidor (31 août), à 6 heures du matin, marchant la gauche en tête :
Le 76e régiment d'infanterie de ligne ;
Le 69e -
Le 39e -
Le 6e régiment d'infanterie légère ;
ira, ce même jour, cantonner à Hesdin, en repartira, le 14 (1er septembre), pour suivre sa destination ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 356; H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Un "État des présents sous les armes des bataillons de guerre de tous les corps de l'Armée des côtes de l'Océan en marche vers le Rhin, pour servir à établir la distribution des fonds accordés par l'Empereur pour fournir une paire de souliers par homme et le tiers de l'effectif en capotes", daté du 11 fructidor an 13 (29 août 1805) indique que le Corps de Gauche comprend à sa 2e Division les :
6e Régiment d’infanterie légère, 1770 hommes.
39e Régiment d’infanterie de ligne, 1627 hommes.
69e Régiment d’infanterie de ligne, 1687 hommes.
76e Régiment d’infanterie de ligne, 1784 hommes.
Total : 6868 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 384).
Les trois Divisions du camp de Montreuil partent pour Strasbourg les 30 et 31 août et le 1er septembre 1805; la Division Loison, dont fait partie le 76e, se met en route le 30 août (12 Fructidor an XIII), selon Fresnel; le 31 selon Landais. Elle marche par le flanc et sur trois rangs, la gauche en tête, si bien que le 76e se trouve en tête de la Division. On couche le soir à Hesdin, le 31 août à Saint-pol, le 1er septembre à Arras, le 2 à Bapaume, les 3 et 4 à Péronne, le 5 à Saint-Quentin, le 6 à la Fère, le 7 à Laon, le 8 à Craon.
Le 8 septembre 1805 (21 fructidor an 13), l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, le 76e régiment a un 3e bataillon de près de 800 hommes. Donnez-lui l'ordre de se rendre à Haguenau pour joindre ses deux autres bataillons ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10760).
La Division est les 9 et 10 à Reims. Le 10 septembre 1805 (23 fructidor an 13), Napoléon écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, ... Le dépôt du 76e qui aura 3 bataillons à l'armée sera à Haguenau ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10769).
La Division est le 11 aux petites-Loges, le 12 à Châlons, le 13 à Vitry, les 14 et 15 à Saint-Dizier (le 15 selon Bonnal), le 16 à Ligny, le 17 à Vaucouleurs, le 18 à Vézelise, les 19 et 20 à Charmes, le 21 à Moriville, le 22 à Rambervillers, le 23 à Saint-Dié, le 24 à Sainte-Marie-aux-Mines, et le 25 elle arriveà Schelestadt. Malgré la longeur de la route et la fatigue résultant de la marche par Division constituée, le 76e a bien supporté le voyage : peu de malades, pas de traînards.
Situation du 6e Corps de Ney, 25 septembre 1805 (Nafziger - 805IXA) Source : Archives française, Carton C2 481, 482 |
Selon les ordres de Ney en date du 23 septembre, la 2e Division doit être cantonnée le 25 à Seltz et le 26 à Lauterbourg (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 26, on se dispose à franchir le Rhin. Le Maréchal porte son quartier général et la 2e Division à Lauterbourg, la 1ère Dvision est à Haguenau, la 3e à Selz. Le 76e cantonne dans les villages de Niderlauterbach et Salmbach (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 463). Officiers et soldats sont impatients de se mesurer avec l'ennemi.
L'ordre de marche pour la traversée du Rhin sur le pont de bateaux construit près de Lauterbourg, ordre distribué le 26 septembre, est ainsi rédigé : "La troupe marchera, la droite en tête et sur front de section s'il est possible. Dans le cas contraire, elle marchera par le flanc jusqu'à son arrivée sur la rive droite du Rhin, où les sections se formeront aussitôt ...
2e division, sous les ordres du général Loison.
1re brigade (général Villate)
1er bataillon du 6e léger.
2 pièces d'artillerie (1 de 4, 1 obusier).
2e et 3e bataillons du 6e léger.
39e de ligne (2 bataillons).
2e brigade (général Roguet).
69e de ligne (2 bataillons).
6 pièces d'artillerie (1 de 4, 4 de 8, 1 de 12).
76e de ligne (3 bataillons).
Détachement de 12 hussards.
Détachement de 10 gendarmes ...
Les vivres, les subsistances et le personnel de l'administration. Les bagages, en commençant par l'état-major général et suivant l'ordre des divisions et des régiments comme ci-dessus. Les quatre dernières compagnies du 59e fermeront la marche, et serviront d'escorte aux bagages.
Les régiments ne laisseront que 12 hommes et 1 sergent pour escorter les voitures.
L'escadron de gendarmerie fermera la marche.
Un détachement de 20 hommes de la compagnie d'élite du 1er hussards, suivra partout le maréchal commandant en chef. Ce détachement sera relevé tous les cinq jours" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 464 ; E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 231 ; Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 81).
Pour le passage du Rhin, "la troupe sera en grande tenue de parade, disait le Maréchal Ney, dans son ordre du 26 septembre, culottes blanches, guêtres noires, ... les grenadiers bonnets en tête ... Toute l'infanterie, la cavalerie et l'artillerie porteront des branches de chêne sur leurs chapeaux en signe des victoires que l'armée française obtiendra sur les ennemis".
Composition de la Grande Armée au moment où elle a passé le Rhin pour la campagne d'Autriche.
6e corps d'armée au passage du Rhin dans les premiers jours de vendémiaire an XIV.
2e division.
76e Léger, 3 Bataillons, 1795 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 158).
Le 5 Vendémiaire an XIV (27 septembre 1805), le passage s'effectua sans obstacle à l'aide d'un pont de bateaux jeté sur le fleuve entre Selz et Lauterbourg, vis à vis de Durlach. L'état-major du Corps d'armée s'établit à Karlsruhe; le 76e cantonne ses 1er et 2e Bataillons à Durlach avec le 69e Régiment et les Généraux Loison et Roguet; le 3e Bataillon est détaché à Reinheim. A cette époque, l'effectif total des trois Bataillons est de 1795 hommes présents.
"Journée du 5 vendémiaire (27 septembre).
La division, composée des 6e régiment d'infanterie légère, 39e, 69e, et 76e régiments de ligne, et armée de 8 bouches à feu, est partie à 8 heures du matin pour ses cantonnements, près Lauterbourg, et marchant, la droite en tête, elle s'est dirigée vers le pont établi sur le Rhin, vis-à-vis du village d'Au, territoire de Bade, où elle a passé le fleuve. Elle s'est portée de suite sur Durmersheim, par une chaussée étroite, au milieu d'un bois, a continué sur un terrain cultivé et coupé de plusieurs ruisseaux.
Arrivés à Durmersheim, les 6e et 39e régiments, commandés par M. Le général de brigade Vilatte, et 2 pièces d'artillerie, ont pris la route d'Ettlingen, et se sont rendus dans les villages de Grünwettersbach, Stupferich, Wolfartsweier et Grotzingen, où ils ont été cantonnés. Les 69e et 76e, et le reste de l'artillerie, sous les ordres de M. le général de brigade Boguet, ont suivi la route de Carlsruhe, et ont traversé cette résidence pour se rendre à Durlach, où ces troupes ont été logées.
Le quartier général de la division a été établi dans cette dernière ville" (Extrait du journal des marches, positions et opérations militaires de la division Loison in Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 469).
La Cavalerie de Murat et le Corps de Lannes ont franchi le Rhin avant le 6e Corps et, formant rideau, ont fait croire à Mack, Généralissime autrichien, que Napoléon veut forcer les défilés de la Forêt Noire, tandis que l'Empereur se propose de gagner le haut Danube pour se placer entre Mack et son lieutenant Kienmayer qui a envahi la Bavière.
Le 76e ne prend part à aucun engagement jusqu'à son arrivée sur le fleuve allemand; nous nous bornerons donc jusque-là à indiquer les étapes. Le 28 septembre, le Régiment campe sous Pfortzheirn.
Le 28 au soir, la 2e Division reçoit l'ordre de partir le lendemain, à 1 heure du matin, pour Pforzheim (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 29 dans la journée, le 76e est en avant de Wayhingen; il a marché 10 à 12 lieue conformément aux ordres du 28 (en réalité, les troupes sont parties le 28 à 11 heures du soir).
Le 30, la 2e Division est établie à la gauche de Stuttgard (au nord), entre cette ville et Cannstadt; le 76e est à Canntstadt (H. Bonnal). Ney a son quartier à Stuttgard.
Le 8 Vendémiaire, "La division est partie à 6 heures du matin; elle a passé l'Enz à Enzweihingen, en laissant à droite la chaussée de Stuttgard; elle s'est dirigée sur Ludwigsburg, en passant par Markgröningen.
Le chemin qui conduit de Enzweihingen à Markgröningen est étroit, mal entretenu, et il pourrait être difficile d'y faire passer de l'artillerie, après de très grandes pluies.
Les troupes ont laissé Ludwigsburg à gauche, et ont été gagner la chaussée d'Heilbronn à Stuttgart. Elles se sont dirigées sur cette dernière ville jusqu'à l'embranchement des routes, dont l'une conduit à Cannstatt.
La division a pris position sur le Neckar, de la manière suivante :
Le 6e régiment et 1 bataillon du 39e, à Esslingen.
Le 2e bataillon du 39e, à Unter-Türkheim.
Le 69e, à Felbach et le 76e, à Cannstatt.
2 pièces d'artillerie, à Esslingen, et le reste, en arrière de Cannstatt.
Le grand quartier de la division, dans cette dernière ville.
Les grand'gardes ont été placées sur les routes de Heilbronn, Vaihingen, Schorndorf, Göppingen et Tübingen" (Rapport du général Loison, in : Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 489).
Fin septembre 1805, les Divisions du 6e Corps commandé par le Maréchal Ney, sont organisées de la façon suivante :
1re Division (Général Dupont), avec les Généraux de Brigade Marchant et Rouyère, ayant sous leurs ordres, le premier, le 9e Léger, le second, les 32e et 96e de ligne; en tout 6 Bataillons à 9 Compagnies. Effectif de l'infanterie de la 1re Division : 5,140 hommes.
2e Division (Général Loison), avec les Généraux de Brigade Roguet et Villatte, ayant sous leurs ordres, le premier, le 6e Léger et le 39e de Ligne, le second, les 69e et 76e de Ligne; en tout, 8 Bataillons à 9 Compagnies. Effectif de l'infanterie de la 2e Division : 6,899 hommes.
3e Division (Général Malher), avec les Généraux de Brigade Marcognet et Labassée, ayant sous leurs ordres, le premier, le 25e Léger et le 27e de Ligne, le second, les 50e et 59e de ligne; en tout, 8 Bataillons à 9 Compagnies. Effectif de l'infanterie de la 3e Division : 7,069 hommes.
Brigade de cavalerie (Général de Division Tilly) composée du 10e Chasseurs, du 1er et du 3e Hussards, chacun à 3 Escadrons. Effectif: 1,071 hommes.
Artillerie composée de 13 Compagnies avec un effectif de 1,065 hommes.
Effectif du 6e Corps : 21,250 hommes (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 56).
Le 6e Corps attend là 3 jours pour donner à Lannes et à Murat le temps de se replier.
"Dispositions de marche pour le 6e corps de la Grande Armée.
Les 12, 13 et 14 vendémiaire an 14 (2, 3 et 4 octobre 1805).
… Mouvement du 12.- La 2e division prendra les armes à 5 heures du matin, et se rassemblera à Esslingen, à 6 heures, pour marcher de là à Göppingen; elle fera halte pendant une heure à Ebersbach, et bivouaquera à son arrivée, en arrière de Göppingen; un bataillon du 76e régiment sera établi dans la ville avec le quartier général des deux divisions; un bataillon du 6e régiment d'infanterie légère, bivouaquera au delà du bois, à Bartenbach et Hohenreuth; un autre bataillon bivouaquera au delà de la Fils, à Klein-Esslingen et Holzheim, poussant des postes à droite sur les bois en avant, et le long de la Fils, pour communiquer avec les postes de la cavalerie qui sont à Siessen …
Mouvement du 14. -
... La 2e division partira à 5 heures, et se dirigera aussi sur Heidenheim; elle liera ses bivouacs à la gauche de la 1re division et les prolongera de là, sur les hauteurs, jusqu'à la croisée de la route qui conduit à Neresheim; quatre compagnies du 3e bataillon du 76e, à Nattheim; le reste du bataillon, à Schnaitten, avec un poste sur Aufhausen …" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 668).
Le 3 octobre, la marche est reprise : le 76e campe le soir près d'Eslingen sur la rive gauche du Necker; le lendemain il est à Kleineslingen près de Goppingen; le 5, il arrive à Giengen; le 7, il atteint Hochstett ou il s'établit avec les trois Divisions du 6e Corps. Là, le Maréchal Ney reçoit l'ordre de revenir sur ses pas pour se rapprocher d'Ulm et de s'emparer des ponts de Gunzbourg et de Leipheim afin de reserrer la place et de faciliter la communication entre les deux rives. La Division Loison est chargée de la garde des ponts. Mack a enfin compris sa situation. Comme Kray devant Moreau en 1800, il a concentré ses forces autour d'Ulm. Il n'en sortira que pour capituler.
2/ Bataille d'Elchingen
Napoléon, résolu d'en finir avec le Généralissime autrichien, prend ses dispositions pour achever de l'isoler et lui couper toute retraite. Le 6e Corps fait face à Ulm, dès le 8 octobre. Ce même jour, la 2e Division reprend la route de Dillingen,Gundelfingen, Brentz et Hermaringen, puis tournant à l'ouest, va camper sur les hauteurs de Burberg. Le lendemain, pendant que la 3e Division s'empare des ponts de Gunzbourg et de Leipheim, la 2e s'établit à Languenau, et la 1ère à Albeck. Le 10, la lère Division reste seule sur la rive gauche, et la 2e rejoint la 3e vers Gunzbourg. L'Empereur n'est plus là. Il a momentanément confié à Murat le soin de diriger les opérations autour d'Ulm, et Murat, en laissant la 1ère Division (Dupont) du 6e Corps seule sur la rive gauche, manque tout compromettre.
Le 11, cette Division, avec une audace inouïe, livre à Albeck un combat prodigieux contre presque toute l'Armée autrichienne.
Le 5e Bulletin Bis de la Grande Armée, établi à Elchingen, le 15 octobre 1805 (23 vendémiaire an 14) relate : "... le 19, l'ennemi fit une sortie du côté d'Ulm, et attaqua la division Dupont, qui occupait la position d'Albeck. Le combat fut des plus opiniâtres. Cernés par 25,000 hommes, ces 6,000 braves firent face à tout, et firent 1,500 prisonniers. Ces corps ne devaient s'étonner de rien ; c'étaient les 9e léger, 32e, 69e et 76e de ligne ..." (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 437 ; Correspondance de Napoléon, t.10, lettres 9384 ; Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 805; E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 281).
Mack battu à Albeck n'ose plus essayer de se frayer un passage par la rive gauche; mais au milieu de son indécision, il veut, au moins, tenir une bonne position pour livrer une bataille défensive, et il fait occuper par le Général Riese les hauteurs et le couvent d'Elchingen (Closter Elchingen). Le détachement que Murat a placé au pont du Danube, situé au-dessous du couvent, doit repasser sur la rive droite. Ce pont, que les Autrichiens ont eux-même cherché à détruire en se retirant dans Ulm, est complètement ruiné, cette fois, par le détachement français qui y met le feu pour se protéger contre les troupes de Riese. Les pilotis seuls subsistent.
Ney établit les "Cantonnements que le 6e corps d'armée pourra prendre dans le cas seulement où l’ennemi ne serait pas en force sur le front de l'Iller; dans le cas où il serait en force, il occupera la position déterminée dans l'ordre du mouvement du 20.
Au quartier général, à Günzburg, le 20 vendémiaire an XIV (12 octobre 1805) ...
2e division.
6e léger, 39e de ligne à Holzeim
69e id. à Kadeltshofen
76e id à Reinpolzhofen
Rassemblement en arrière de Kadeltshofen ...
Rassemblement général des trois divisions : Falheim ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 625).
Telle est la situation, quand Napoléon arrive d'Augsbourg, le 13 au matin. Il ordonne aussitôt de rétablir le pont, de chasser l'ennemi d'Elchingen et de faire passer une deuxième division sur la rive gauche, afin de donner la main à la Division Dupont, qui se trouve en l'air à Albeck. Cette opération offrait le double avantage de reserrer la place et de frapper le moral des ennemis par un nouveau triomphe. Mais l'entreprise offrait des difficultés : les travées du pont avaient été enlevées; il fallait les rétablir sous un feu ennemi meurtrier, emporter ensuite le village et le couvent, situés sur une hauteur.
Cette lourde tâche est confiée à la Division Loison (2e du 6e Corps). Dès le soir du 13 octobre, la Division Loison prend position à Leiben et Nassingen et se prépare à rétablir le pont.
Le 14 octobre 1805, la Brigade Roguet comprend le 69e de Ligne (Colonel Brun), 1720 hommes et le 76e de Ligne (Colonel Lajonquière), 1800 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 75).
Le lendemain, 22 Vendémiaire (14 octobre), à 8 heures du matin, la tête de colonne étant arrivé au débouché qui conduit par un bois au pont d'Elchingen, on fait placer quelques pièces de canon pour favoriser la reconstruction du pont. La manoeuvre commence : le pont est rétabli, malgré le feu de l'artillerie et de l'infanterie ennemies. La 1ère Brigade (Villate) franchit le fleuve, suivie de la cavalerie.
"... Le pont devenu plus praticable, le général Loison donna l'ordre d'appuyer à droite, et d'adosser aux bois les troupes de la division. Il ordonna en conséquence, au général Villatte, de se porter avec le 6e (léger) et le 39e (de ligne) dans cette position, d'y mettre les troupes en bataille jusqu'à ce que les têtes des colonnes des 69e et 76e régiments (de ligne) eussent débouché et fussent en mesure pour le soutenir, ce qui fut exécuté, à l'exception du retard qu'éprouva le 2e bataillon du 39e, coupé par la cavalerie qui défilait sur le pont ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
"... Le 2e bataillon du 39e, puis la brigade Roguet (69e et 76e) traversent le pont à leur tour et se portent en avant. Les 18e, 19e et 23e dragons passeront successivement ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Les maisons de pêcheurs, le village d'Elchingen et le couvent sont enlevés par le 6e Léger, conduit par Ney en personne. Au passage, le 6e Léger fait 800 prisonniers. Le 39e, puis le 69e (Brigade Roguet) suivent le mouvement et se déploient à droite et à gauche. Pendant que le 39e, adossé au bois qui borde le fleuve, résiste aux charges de la cavalerie autrichienne et cherche à s'emparer de la chapelle de Volfang, le 76e passe le fleuve à son tour et prend position entre ce Régiment et la cavalerie qui s'est portée elle-même à gauche du 39e.
"... Le 69e et le 76e ont débouché du pont, chacun d'eux formant alors une seule colonne de régiment, et ils se dirigent sur l'intervalle entre l’abbaye et Saint-Wolfgang. Arrivés là, ils se déploient en éventail à portée de fusil de l'ennemi ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
L'ennemi est rangé en bataille sur deux lignes, ayant sa droite appuyée au bois qui se termine à l'ouest du couvent, et sa gauche en avant de Unter Elchingen. Ney ordonne alors aux 69e et 76e (Brigade Roguet) de se former en colonnes et de marcher droit au plateau. La cavalerie du Général Colbert doit soutenir ce mouvement en se portant à droite, tandis que le 39e, à gauche, achève de s'emparer de la chapelle de Volfgang.
"... Les 69e et 76e, commandés par le général Roguet, reçurent l'ordre de se former en colonne par régiment et de marcher droit au plateau d'Elchingen, où l'ennemi paraissait vouloir faire plus de résistance.
La cavalerie (légère) reçut l'ordre de soutenir ces colonnes en obliquant à droite ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
Le 76e, en colonne de Bataillons accolés, s'élance sur les pentes du plateau et se déploie de nouveau en bataille en arrivant sur la crête, malgré un feu terrible. A sa gauche, le 69e exécute la même manœuvre. Devant l'impétuosité de l'élan français, les troupes autrichiennes cèdent le terrain; mais elles le défendent pied à pied, soutenues tour à tour par des tirs à mitraille, par le feu des Bataillons ou par les charges de leur cavalerie.
"Ces mouvements furent exécutés avec intrépidité; M. le maréchal Ney fut constamment au milieu du feu le plus vif" (Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
"... Le 76e seul pousse droit devant lui, soutenu successivement par 1a cavalerie légère et le 18e dragons ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Maître des accès du plateau, Ney prescrit un changement de front à gauche, pour rejeter l'ennemi sur Ulm. Pendant que le 69e aborde la lisière Est du bois du couvent, et chemine dans le bois, de l'est à l'ouest, le 76e marche à sa droite et se maintient à sa hauteur en colonnes de Bataillon. Les Autrichiens, pour résister aux assauts français, se forment en plusieurs carrés dont trois de plus de 4000 hommes chacun. L'un de ces carrés, déjà assailli par la cavalerie légère, va être abordé par le 76e, quand le 18e Dragons, le chargeant à son tour, le perce et lui fait déposer les armes. Un autre carré autrichien, fort de 1800 hommes, est rompu par le 1er Bataillon du 76e, mis en fuite et recueilli tout entier avec un drapeau par les Chasseurs du 10e. Dans une de ces attaques, le Colonel Lajonquière a son cheval tué sous lui; le 76e s'empare de 4 canons et fait prisonniers 4 Officiers supérieurs, 7 Officiers subalternes et 111 Sous-officiers et soldats. "Au combat d'Elchingen, qui est un des plus beaux faits militaires qu'on puisse citer, dit le 5e Bulletin de la Grande Armée, se sont distingués : ... le colonel La Jonquière et un grand nombre d'autres officiers". Nous lisons dans ce même Bulletin, daté d'Elchingen le 23 Vendémiaire, lendemain de la bataille : "Ces corps ne devaient s'étonner de rien : c'étaient les 6e Légère, 39e, 69e et 76e de Ligne".
"Au combat d`Elchingen, je fus, entre autres, péniblement affecté à la vue du cheval du colonel du 76e régiment. La pauvre bête venait d'avoir la jambe cassée par un biscayen, elle essayait vainement de marcher avec sa jambe qui ne tenait plus qu'au moyen des chairs ; je désirais vivement lui porter secours, mais cela ne me fut pas possible" ("Mémoires du Petit-Louis", Louis Sabon, Chef de musique au 69e).
"... Arrivé sur le plateau, M. le maréchal ordonna de s'emparer du bois qui est à gauche (le 69e y marcha) et de diriger constamment les mouvements sur la droite de l'ennemi, ce qui fut exécuté par le général Roguet, les colonels Brun et La Jonquière; les deux premiers eurent leurs chevaux blessés et le troisième eut le sien tué.
Dans le moment où ces deux régiments firent leur attaque sur un carré ennemi, le 18e dragons fit une charge tellement vigoureuse que l'ennemi mit bas les armes ... L'ennemi, qui, à notre arrivée sur le plateau, était en bataille sur deux lignes, voyant les mouvements qui s'exécutaient sur sa droite par notre infanterie et ceux que M. le maréchal avait ordonnés à la cavalerie d'exécuter sur la gauche, forma plusieurs carrés, dont trois forts de 4,000 hommes chacun, et chercha constamment, à gauche, la route d'Albeck à Ulm, en s'appuyant aux bois et soutenu par sa cavalerie et son artillerie.
Ces différents carrés furent attaqués par les 69e et 76e (de ligne) et forcés d'abandonner à ce dernier (régiment) 4 officiers supérieurs, 7 officiers et 111 sous -officiers, canonniers et soldats, 4 pièces de canon et plusieurs caissons. Une colonne de 700 hommes, mise en fuite par le 1er bataillon du 76e, fut entièrement ramassée par le 10e chasseurs à cheval ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
"... « L'ennemi qui, à notre arrivée sur le plateau, était en bataille sur deux lignes, voyant les mouvements qui s'exécutaient sur sa droite par notre infanterie, et ceux que M. le Maréchal avait ordonnés à la cavalerie d'exécuter sur la gauche, forma plusieurs carrés, dont trois forts de 4.,000 hommes chacun (Note : Chiffre exagéré et très éloigné de la vérité), et chercha constamment à gauche la route d'Albeck à Ulm en s'appuyant aux bois, soutenu par sa cavalerie et son artillerie. Ces différents carrés furent attaqués par les 69e et 76e régiments, et forcés d'abandonner à ce dernier 4 officiers supérieurs, 7 officiers et 111 sous-officiers, canonniers et soldats, 4. pièces de canon et plusieurs caissons. Une colonne de 700 hommes (de 1600 à 1800 avec drapeau, selon le colonel Colbert) mise en fuite par le 1er bataillon du 76e, fut entièrement ramassée par le 10e de chasseurs à cheval (Note : Rapport du général Loison) ..... ».
Un carré autrichien, formé entre l'abbaye et le bois, essuie le feu du 76e, résiste à deux charges du 3e hussards, puis du 10e chasseurs, et cède enfin au 18e dragons, au moment où ce régiment débouche sur le plateau ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
Cependant la 3e Division arrive en aide à la 2e, qui peut dès lors mettre en ligne ses deux Brigades. La Brigade Vilatte prolonge à gauche la Brigade Roguet parvenue elle-même à la hauteur de la lisière ouest du bois du couvent. Ney ordonne alors l'attaque de Kesselbrünn par les quatre régiments de Loison. L'exécution ne se fait pas attendre. Le 76e lançe son 2e Bataillon à gauche du petit bois situé en face de la route d'Albeck ; son 1er Bataillon, plus éprouvé que les deux autres, suit en réserve, derrière la droite du 69e.
"... Le 69e et le 76e se portent vers la grand'route de part et d'autre du petit bois (Note : Entre le Grosser-Forst et le Käfer-Loch) qui borde le chemin de Göttingen à Haslach. (Le 69e et le 2e bataillon du 76e au Sud, le 2e bataillon du 76e au Nord) ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 76).
"... Le général Roguet reçut en même temps l'ordre de se porter avec le 69e et le 2e bataillon du 76e à hauteur de Kesselbronn, en passant à gauche du bois qui est en face de la route d'Albeck, tandis que le 1er bataillon du 76e, également en colonne, devait passer entre la route d'Albeck et ce même bois et venir prendre position en arrière des 69e et 76e.
Ce mouvement exécuté, les colonnes furent rejointes par la cavalerie (légère) aux ordres du colonel Colbert, et, après s'être assuré que la division aux ordres du général Malher était en position, pour soutenir en cas de retraite et empêcher que l'ennemi n'inquiétât la gauche de la division, les généraux Villatte et Roguet reçurent l'ordre, le premier, de passer le ravin de Kesselbronn, de s'emparer des hauteurs et du bois qui sont en face de Unter-Haslach, et le second, de s'emparer de la route d'Albeck à Ulm et des bois qui sont en face d'Ober-Haslach, d'en chasser l'ennemi qui y avait réuni plusieurs colonnes soutenues par un corps de cavalerie ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
La déroute de l'ennemi est complète. En vain, sa cavalerie tente plusieurs charges désespérées. Elle se brise sur les baïonnettes des 69e et 76e formés en carrés pour la recevoir et est enfin culbutée par les Chasseurs du Colonel Colbert. La poursuite conduit les Autrichiens jusqu'à Juningen.
"... Ces deux brigades attaquèrent vigoureusement l'ennemi qui fut complètement mis en déroute. Sa cavalerie (de l'ennemi) chercha par une charge à arrêter le mouvement de notre infanterie. Elle fut reçue par les 69e et 76e qui avaient formé le carré, et chargée par la cavalerie aux ordres du colonel Colbert, qui de sa main tua un uhlan ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 735; Rapport du Maréchal Ney, cité par H. Bonnal).
Ney ordonne alors à la 2e Division d'aller prendre position sur Albeck ; ce mouvement s'exécute en échiquier dans le plus bel ordre.
"Le 22 vendémiaire (14 octobre), à la pointe du jour, la division Loyson se mit en marche pour déboucher par le pont d'Elchingen. La 1re brigade (6e léger et 39e de ligne) ouvrit le feu sur la rive droite. Le pont réparé sous sa protection, le maréchal Ney le franchit aussitôt à la tête du 69e et aux cris de "Vive l'Empereur !". Le 6e léger s'établit à la chapelle Saint-Wolfgang, dans l'abbaye d'Elchingen, à la tuilerie, où il fit 600 prisonniers. Les autres troupes de la division prirent position le long des bois qui bordent le pied de la hauteur. Le 69e tenait la gauche. L'ennemi défait dans un premier engagement, sa cavalerie voulut profiter du moment où la division Loyson arrivait en colonnes et se déployait de l'autre côté du bois pour attaquer.
Le général, faisant former chacun de ses régiments en carré, attend cette cavalerie de pied ferme et la reçoit avec le feu le mieux dirigé. C'est en vain qu'elle redouble ses efforts, elle est obligée de se replier. Le général Roguet, avec les 76e et 69e, se dirige par la grande route, pénètre dans le bois de Morizen et prend position en avant du chemin communiquant à Kesselbrunn ; là, il soutient encore le choc de la cavalerie ennemie qui est de nouveau repoussée. La division Loyson se développa sur le plateau d'Haslach et resta dans cette position" (Rapport du général Loison).
Le Général Loison fait un second rapport au Maréchal Ney le 22 Vendémiaire an 14 (14 octobre 1805); il écrit : "La division, partie de la position de Reinpolzhofen le 21 vendémiaire (13 octobre), à 8 heures du soir, se dirigea sur Nersingen et Leiben, où elle arriva dans la matinée du 22. Là, je reçus de vous l'ordre de me porter au pont d'Elchingen et de m'en emparer ainsi que des hauteurs de l'abbaye du même nom. Les têtes de colonnes et l'artillerie arrivèrent à 8 heures aux débouchés du bois qui conduisent au pont ; quelques grenadiers et sapeurs se portèrent en avant pour le reconnaitre ainsi que ses environs. Deux pièces de 8 et un obusier furent placés sur la gauche afin de protéger le rétablissement du pont et de répondre à l'artillerie placée sur la rive opposée. Ces dispositions prises, vous ordonnâtes à M. Coisel, mon aide de camp, capitaine, de poser la première planche, ce qu'il fit, accompagné d'un sapeur du 6e régiment qui eut la jambe emportée d'un coup de mitraille.
Les grenadiers se saisirent alors des planches que M. le général Villatte avait fait apporter de Leiben et de celles que les ennemis avaient jetées dans le fleuve et qui s'étaient arrêtées aux pilotis, et les portèrent sur le pont, mais une compagnie de carabiniers, les voltigeurs du 6e régiment et les grenadiers du 39e, n'écoutant que leur courage, se précipitèrent sur les poutrelles sans attendre qu'elles fussent revêtues de planches et traversèrent le pont de cette manière. Ensuite tombant sur l'ennemi et ses pièces qui battaient le pont, ils le forcèrent, après en avoir tué un grand nombre, d'abandonner les premières maisons derrière lesquelles ils étaient retranchés.
Le pont devenu plus praticable, j'exécutai l'ordre que vous m'aviez donné de faire appuyer à droite et d'adosser au bois les troupes de ma division; j'ordonnai en conséquence à M. le général Villatte de se porter avec le 6e et le 39e dans cette position, d'y mettre ses troupes en bataille jusqu'il ce que les têtes de colonnes des 69e et 76e régiments eussent débouché et fussent en mesure pour le soutenir, ce qui fut exécuté, à l'exception du retard qu'éprouva le 2e bataillon du 39e régiment. coupé par la cavalerie qui défila sur le pont.
Quelques troupes de l'ennemi s'étant retirées avec une pièce de canon sur la route de Thalfingen, j'ordonnai au général Villatte de détacher quelques tirailleurs et quatre compagnies sur sa gauche, afin de les repousser pour n'en être plus inquiété dans son mouvement.
Le 1er bataillon du 39e régiment, commandé par M. Clavel, à l'exception des grenadiers et de la 2e compagnie qui avaient été laissés en avant du pont, se forma en colonne serrée et fut dirigé vers la chapelle de Saint-Wolfgang, avec ordre de s'en emparer et de se porter ensuite sur le plateau de l'abbaye, tandis que le 6e régiment, marchant également en colonne et soutenant les tirailleurs, s'emparait d'Elchingen et de l'abbaye.
Le 1er bataillon du 39e trouva l'ennemi en force et repoussa deux charges de cavalerie ainsi que l'attaque de trois bataillons de grenadiers. Enfin, accablé par le nombre et son second bataillon n'étant point en réserve pour le soutenir, il fut forcé de se retirer à la première position du bois et fut vivement chargé pendant sa retraite par la cavalerie et l'infanterie ennemies. Le bataillon a donné des preuves du plus grand courage et son commandant, M. Clavel, s'est particulièrement distingué.
L'attaque du 6e régiment réussit parfaitement : il s'empara du village et de l'abbaye où il fit environ 800 prisonniers.
Pendant ces différentes attaques, la cavalerie aux ordres de M. le colonel Colbert, ayant passé le pont, fut suivie par le 2e bataillon du 39e régiment, qui vint prendre position à la gauche de son 1er bataillon; elle fut mise elle-même en bataille dans la prairie qui est en face du plateau d'Elchingen.
Les 69e et 76e régiments, commandés par M. le général Roguet, reçurent l'ordre de se former en colonne par régiment et de marcher droit au plateau d'Elchingen, où l'ennemi paraissait vouloir faire plus de résistance ; je donnai également à la cavalerie celui de soutenir ces colonnes en obliquant à droite. Le 2e bataillon du 39e et le restant du 1er reçurent de M. le général Villatte l'ordre de se former en colonne et de regagner les hauteurs de Saint-Wolfgang en marchant de front avec la 2e brigade. Les mouvements furent exécutés avec intrépidité et personne ne peut mieux que vous, Monsieur le Maréchal, rendre justice aux différents chefs qui commandaient ces colonnes, puisque vous fûtes constamment au milieu du feu le plus vif.
Arrivés sur le plateau, vous ordonnâtes de s’emparer du bois qui est à gauche et de diriger constamment les mouvements sur la droite de l'ennemi, ce qui fut exécuté par M. le général de brigade Roguet et MM. les colonels Brun et La Jonquière. Le 1er et le 2e eurent leurs chevaux blessés et le 3e eut le sien tué.
Dans le moment où ces deux régiments firent leur attaque sur un carré ennemi, le 18e régiment de dragons fit une charge tellement vigoureuse que l'ennemi mit bas les armes; le colonel Lefebvre s'est particulièrement distingué.
L'ennemi, qui à notre arrivée sur le plateau était en bataille sur deux lignes, voyant le mouvement qui s'exécutait sur sa droite par notre infanterie, et ceux que vous aviez ordonné à la cavalerie d'exécuter sur sa gauche, forma plusieurs carrés dont trois que je jugeai être forts de chacun 4,000 hommes et chercha constamment à gagner la route d'Albeck à Ulm en s'appuyant aux bois, soutenu par la cavalerie et son artillerie.
Ces différents carrés furent attaqués par les 69e et 76e et forcés d'abandonner à ce dernier régiment 4 officiers supérieurs, 7 officiers. 111 sous-officiers, canonniers et soldats, 4 pièces de canon et plusieurs caissons. Une colonne de 700 hommes mise en fuite par le 1er bataillon du 76e fut entièrement ramassée par les tirailleurs du 10e régiment de chasseurs à cheval.
J'ordonnai ensuite à M. le général Villatte d'obliquer fortement à gauche, avec les troupes des 6e et 39e régiments qu'il avait pu réunir et de s'emparer des deux bois qui sont en face de Kesselbronn, entre lesquels passe le chemin de traverse qui d'Elchingen rejoint la route d'Albeck à Ulm, d'y prendre position et de jeter des tirailleurs sur sa gauche afin d'observer les mouvements que l'ennemi aurait pu faire par la route de Thalfingen. M. le général Roguet avait en même temps reçu l'ordre de se porter avec le 69e et le 2e bataillon du 76e à la hauteur de Kesselbronn, en passant à la gauche du bois qui est en face de la route d'Albeck, tandis que le 1er bataillon du 76e également en colonne, devait passer entre la route d'Albeck et ce même bois et venir prendre position en arrière des 69e et 76e. Ce mouvement exécuté, les colonnes furent rejointes par la cavalerie aux ordres de M. le colonel Colbert et après m'être assuré que la division Malher était en position pour me soutenir en cas de retraite et empêcher que l'ennemi ne vînt m'inquiéter sur ma gauche, j'ordonnai aux généraux Villatte et Roguet de passer, le premier le ravin de Kesselbronn et de s'emparer des hauteurs et du bois qui sont en face de Unter-Haslach, et le second, de s'emparer de la route d'Albeck à Ulm et des bois qui sont en face de Ober-Haslach et d'en chasser l'ennemi qui y avait réuni plusieurs colonnes soutenues par un corps de cavalerie. Les deux brigades attaquèrent vigoureusement l'ennemi, qui fut complètement mis en déroute. Leur cavalerie chercha par une charge à arrêter le mouvement de mon infanterie, elle fut reçue par les 69e et 76e qui avaient formé le carré, et chargée et culbutée par la cavalerie aux ordres de M. le colonel Colbert, qui de sa main tua un uhlan; mon aide de camp, chef de bataillon, M. Michaud, qui prit part à cette charge, tua également un uhlan. Arrivèrent dans ces entrefaites les dragons aux ordres de M. le général Bourcier, deux pièces de 8, une de 4 et un obusier. Je profitai de ce renfort pour poursuivre l'ennemi jusqu'en face du village de Jungingen où sa cavalerie fut vigoureusement canonnée. Ensuite, d'après vos ordres, j'ordonnai la retraite sur Albeck, laquelle se fit en échiquier, soutenue par la cavalerie. La division prit position, la droite appuyant à la ville, et la gauche se prolongeant vers Göttingen qu'occupèrent les dragons aux ordres de M. le général Bourcier.
Les résultats de cette journée sont : la colonne ennemie coupée, dont partie fut obligée de se retirer sur Ulm et l'autre sur Langenau et Nerenstetten, environ 4,500 prisonniers, 4 pièces de canon, 12 caissons, plusieurs drapeaux et un grand nombre de tués et blessés. De notre côté, nous avons à regretter 106 hommes tués dont 6 officiers, et 623 blessés dont 31 officiers.
Vous avez été témoin, Monsieur le Maréchal, de la conduite valeureuse de MM. les généraux de brigade Villatte et Roguet, de MM. les colonels Brun, La Plane, Maucune, Colbert et La Jonquière, des talents qu'ils ont déployés, de la précision des manœuvres de leurs régiments, qui se sont faites comme sur un champ d'exercice. Je vous prie de vouloir bien les recommander à la bienveillante protection de Sa Majesté Impériale et Royale, ainsi que ceux des militaires dont les noms sont portés sur l'état ci-joint et pour lesquels MM. les généraux et chefs de corps réclament de l'avancement ou la décoration de la Légion d'honneur" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 727 - Un rapport semblable a été adressé an prince Murat; la division faisait partie de l'aile droite de l'armée que le prince commandait. Dans ce rapport, en post-scriptum, le général Loison signale la conduite brillante et distinguée de M. Hamelinaye, adjudant-commandant, son chef d'état-major, ct demande pour lui le grade de général de brigade).
Le 5e Bulletin Bis de la Grande Armée, établi à Elchingen, le 15 octobre 1805 (23 vendémiaire an 14) relate : "... Au combat d'Elchingen, qui est un des plus beaux faits militaires qu'on puisse citer, se sont distingués le 18e régiment de dragons et son colonel Lefebvre, le colonel du 10e de chasseurs Colbert, qui a eu un cheval tué sous lui, le colonel Lajonquière du 76e, et un grand nombre d'autres officiers ..." (Correspondance de Napoléon, t.10, lettres 9384).
Dans son Rapport daté de Söfflingen, le 26 Vendémiaire an 14 (18 octobre 1805), le Colonel Colbert écrit : "... Je suis arrivé à temps pour sauver par une charge heureuse tous les tirailleurs du 76e qui allaient être sabrés par un parti de uhlans, et ici tout le monde a donné un coup de sabre. et je puis vous assurer, Monsieur le Maréchal, que si l'ennemi n'avait pas eu de réserve, tout était pris, malgré l'infériorité de notre nombre. Le général Loison a été témoin de ce choc qui a terminé en partie la journée ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 727).
"Le 13 octobre, l'Empereur se porta au quartier général du maréchal Ney, et ordonna de resserrer encore plus l'armée ennemie, en s'emparant du pont et de la position d'Elchingen (rive gauche).
Le même soir, l'armée française était à deux lieues d'Ulm, formant un cercle autour de la place et partout en présence des postes avancés de l'ennemi. Napoléon donna l'ordre d'attaquer sur tous les points, Le 14 au matin, l'Empereur alla lui-même faire une reconnaissance, et s'avança jusqu'au château d'Adelhausen, à 1,500 toises de la tête du pont.
De ce point élevé, il pouvait observer le mouvement des nombreux tirailleurs français qui, dans toutes les directions, refoulaient vers la place les avant-postes autrichiens, et l'attaque, par le 6e corps, du pont et de la position d'Elchingen.
Cette position était formidable ; le village d'Elchingen s'élève en amphithéâtre sur le flanc d'une colline au bord du Danube. Il est entouré de jardins clos de murs, formant des terrasses superposées. Un vaste couvent couronne la hauteur. Le temps était affreux; le Danube débordait ; le pont, en partie brûlé, venait d'être réparé imparfaitement; 16,000 hommes et 40 pièces de canon défendaient le passage.
Ney, en grande tenue de maréchal, se mit à la tête de la division Loyson. Le 69e de ligne, excité par sa présence, força le passage et culbuta un régiment autrichien qui défendait les accès du pont.
Les Français ne lui laissèrent pas le temps de le couper, ils le traversèrent au pas de course, pêle-mêle avec les fuyards, et se formèrent en bataille au pied de l'escarpement, sous le feu plongeant des Autrichiens. Une nouvelle et impétueuse attaque emporta le couvent retranché où l'ennemi s'était refugié. Les Autrichiens tenaient encore. Une bataille rangée s'engagea sur le plateau. Le reste du 6e corps passa le Danube.
Le 69e, qui avait forcé le passage du pont, continua à s'avancer, soutenu par le 76e de ligne, le 18e dragons et le 10e chasseurs. Deux charges successives de l'ennemi furent repoussées par des feux de bataillon exécutés avec le plus grand ensemble. Enfin à la troisième attaque, et après trois heures de combat, l'ennemi, voyant sa ligne rompue et débordée, évacua la position d'Elchingen et fut poursuivi jusqu'au mont Saint-Michel, en avant d'Ulm" (A. Hugo, France militaire).
Le 6e Corps bivouaque, le soir, à Albeck. L'Infanterie est placée en avant d'Albeck, ayant à sa droite la cavalerie légère et à sa gauche les Dragons. Mack est irrévocablement enfermé dans Ulm, avec son armée presque entière. Les Autrichiens ont fait des pertes considérables : ils laissent entre les mains des Français 4500 prisonniers, 4 pièces, 12 caissons et plusieurs drapeaux. Le 6e Corps français n'a eu que 6 Officiers et 106 hommes tués, 31 Officiers et 623 hommes blessés. Au nombre de ces derniers figurent le Lieutenant (Sous lieutenant d'après Martinien) Jacques Pruneau, le Sergent François Lebas et le Caporal Pierre Delanoy (né à Brune (Pas-de-Calais), le 2 juillet 1771, fut Grenadier à la 76e Demi-brigade de Bataille, fut nommé membre de la Légion d'Honneur le 25 Prairial an XII (14 juin 1804); Caporal le 1er Prairial an XII (21 mai 1805); il se distingua de nouveau au combat d'Elchingen où il reçut un coup de feu à la tête. Le Caporal Delanoy a été retraité le 5 septembre 1811 à Liliers dans le Pas de Calais) du 76e.
Parmi les morts que le Régiment a à regretter, nous devons une mention toute spéciale au soldat Brard, dont le cri en français a été consigné dans le IXe Bulletin de la Grande Armée, daté d'Elchingen, le 29 Vendémiaire an XIV (21 octobre 1805). "Rien, dit le Bulletin, ne fait un contraste plus frappant que l'esprit de l'armée française et celui de l'armée autrichienne : dans l'armée française, l'héroïsme est porté au dernier point ; dans l'armée autrichienne, le découragement est à son comble. Le soldat est payé avec des cartes, il ne peut rien envoyer chez lui, et est très maltraité. On pourrait citer un millier de traits comme le suivant : Brard, soldat du 76e, allait être amputé de la cuisse, il avait la mort dans l'âme; au moment où le chirurgien allait faire l'opération, il l'arrête : "Je sais que je n'y survivrai pas; mais qu'importe ! un homme de moins n'empêchera pas la 76e de marcher, la bayonnette en avant et sur trois rangs, à l'ennemi" (Panckoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 449 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 516 ; Correspondance de Napoléon, t.11, lettres 9408 ; Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1005 ; Correspondance de Napoléon, t.10, lettres 9408 ; cité également dans Ordres du jour de la 1re division militaire. An XIII et 1er semestre 1806, II).
Brard avait servi dans la 76e Demi-brigade et, pour lui, le Régiment était encore la 76e. L'héroïsme de ce soldat fut connu de toute l'armée. On le trouve consigné dans un manuscrit rédigé pendant la Campagne même, par le Sergent-major Puffeney du 31e de Ligne, qui fut lui-même décoré à Ulm. "Les troupes françaises, écrivait Puffeney, dans toutes les luttes qui amenèrent la reddition d'Ulm, firent preuve d'un dévouement sans bornes à leur souverain et à leur patrie. Pour juger de l'esprit qui animait les soldats, il suffira de citer un trait. Brard, soldat au 76° d'infanterie de ligne, sur le point d'avoir la cuisse amputée, dit au chirurgien : Je sais que je ne survivrai pas à l'opération, mais qu'importe ! un soldat de moins n'empêchera pas le 76e de marcher la baïonnette en avant" (Puffeney devint Capitaine; ses cahiers ont été publiés à Bâle en 1891 par Julien Feuvrier, dans une brochure peu connue qui a pour titre : Le capitaine Puffeney (1776-1848). Souvenirs d'un grognard).
Lorsque le IXe Bulletin fut publié en France, le Sous-préfet de Pontoise et le Maire d'Esagny (Seine-et-Oise), patrie de l'intrépide soldat, se transportèrent chez son père en vertu d'un Arrêté du Préfet de Seine-et-Oise, pour féliciter le cultivateur au nom du département et s'informer si sa situation ne le mettait pas dans le cas d'avoir besoin de secours. Une expédition de ce témoignage de reconnaissance nationale fut envoyé au 76e, afin de donner au soldat Brard, s'il avait survécu à l'opération, et à tous ses camarades, de nouveaux motifs d'encouragement. Ajoutons que les arts se sont emparés de ce trait pour en perpétuer le souvenir : il existe, d'abord à la Bibliothèque nationale, dans la collection des Estampes de l'histoire de France en 1805, une grande lithographie de Lecornu. Ce dessin, avec son cachet de naïveté et de vérité un peu grossière doit être contemporain du fait d'armes. Un peu plus tard, en 1824, Raffet s'inspira du même sujet. "Vive la 76e !", tel est le titre du dessin dans lequel le maître immortalisa le vieux brave (Ce dessin de Raffet a été lithographié par Villain et édité chez Gihaut frères, boulevard des Italiens).
Documents extraits de l'Historique Régimentaire |
3/ Capitulation d'Ulm
Le lendemain 15 octobre, l'investissement commence. La 3e Division passe à droite de la 2e. Celle-ci se met en marche elle-même dans la matinée, chasse les Autrichiens qui se sont réfugiés dans Albeckerstein et prend position en avant de la redoute, face à Ulm. Le 76e formant la droite de la Division, bivouaque, le soir sur le versant Est du Michelsberg. La 76e reste en réserve avec l'artillerie, tandis que la 3e Division enlève le Michelsbcrg et que la Brigade Villate chasse l'ennemi des hauteurs de Spitzberg. Lannes de son côté s'empare des hauteurs de Frauenberg. Le 16, la 2e Division rectifie son bivouac : les Régiments se placent dans l'ordre de bataille, le 76e formant l'extrême gauche, à cheval sur la route d'Albeck. Les troupes impatientes demandent à donner l'assaut; mais Napoléon veut éviter une effusion de sang inutile et attend. La place n'a plus aucune communication ni avec le Tyrol, ni avec la Bohême, ni avec l'Autriche. Le 19 octobre, Mack capitule en abandonnant 33000 prisonniers, 200 canons et 90 drapeaux.
L'Armée prisonnière sort d'Ulm, le 20 octobre, à 3 heures après midi, par la porte des Dames. Elle défile devant l'Empereur, en présence de toute l'armée française, dépose ses armes et rentre dans la place par la porte Neuve.
Le 76e de Ligne, fort de 2e Bataillons, fait partie des troupes présentes à la reddition de cette place et à la sortie de la garnison autrichienne, prisonnière de guerre (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 977 In : Bugeaud à Mlle de la Piconnerie. Linz, le 16 brumaire. - D'Ideville, Le Maréchal Bugeaud, t. 1, p. 73).
La première opération est terminée : Napoléon décrète que "le mois de vendémiaire serait compté comme une campagne à tous les individus composant la Grande Armée". La part que prit le 76e à la bataille d'Elchingen a fait inscrire sur le drapeau actuel du Régiment : "ULM, 1805".
Le même jour, 20 octobre 1805 (28 vendémiaire an 14), au Quartier général impérial, à Elchingen, un ordre du jour est promulgué : "L'Empereur témoigne sa satisfaction au corps d'armée du prince Murat, à celui de MM. les maréchaux Ney, Lanncs et Soult, ainsi qu'à celui du général Marmont et à la garde impériale, pour les marches qu'ils ont faites, pour la patience avec laquelle ils ont supporté les fatigues et les privations de toute espèce, qui ont valu les succès suivants.
Memmingen a capitulé entre les mains de M, le maréchal Soult, donné 5.000 prisonniers, 9 drapeaux, un grand nombre de canons et beaucoup de magasins.
Ulm a capitulé, ce qui a valu 28.000 prisonniers, 18 généraux, 50 pièces de canon attelées, 8.000 chevaux de cavalerie pour monter nos dragons à pied, et 40 drapeaux.
Le passage audacieux du pont d'Elchingen par le corps, d'armée du maréchal Ney, la prise de cette formidable position, ont valu 3.000 prisonniers, dont un général, et plusieurs pièces de canon.
Le combat de Langenau, de Neresheim et la capitulation de Nordlingen, par M. le prince Murat, ont valu 5 ou 6.000 prisonniers, 2.000 chevaux pour remonter nos dragons à pied, plusieurs drapeaux, un grand parc, quantité considérable de canons attelés, 3 lieutenants généraux et 7 généraux majors.
Au combat d'Elchingen, les 76e et 69e régiments d'infanterie et le 18e de dragons se sont successivement distingués.
Au combat d'Albeck, le 9e d'infanterie légère, le 32e et le 96e se sont couverts de gloire.
Aujourd'hui, à 3 heures après midi, la partie de l'armée autrichienne prisonnière dans Ulm, ayant à sa tête son général et chef, défile sur les glacis d'Ulm, devant l'Empereur.
Enfin, l'avant-garde du corps d'armée de Bavière a pris, entre l’Isar et l'Inn, plusieurs pièces de canon et beaucoup de bagages du corps d'armée du général Kienmayer.
Le résultat de tous ces événements glorieux est que l'armée autrichienne, forte de 100.000 hommes, est détruite 50.000 sont prisonniers, 80 drapeaux sont en notre pouvoir, presque toute l'artillerie ennemie et ses magasins.
L'Empereur fait connaître qu'il est content de son armée" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 952 ; E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 281; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 202).
L'article 4 de la capitulation additionnelle sur la capitulation d'Ulm porte que : "le corps entier de M. le maréchal Ney, composé de..., ne quittera pas Ulm et un rayon de dix lieues jusqu'au 25 octobre à minuit, époque où expire la capitulation". Le 76e reste donc autour d'Ulm.
"Cantonnements du 6e corps d'armée.
Le 30 vendémiaire an 14 (22 octobre 1805).
… 2e division. - La brigade Villatte détachée pour la conduite des prisonniers.
La brigade Roguet, sur la route de Biberach.
Un poste du 69e à Laupheim.
Le 69e à Delmensingen et Stetten. Le 76e à Donaustetten, Gögglingen et Weiler.
Rassemblement près de Donaustetten,couvrant la route de Gögglingen.
Les généraux Loison et Roguet, à Gögglingen.
Un détachement de 30 hommes de cavalerie légère sera attaché à cette brigade, pour éclairer sur Ochsenhausen et Biberach, et pour communiquer avec la cavalerie légère ..." (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1032).
Le 76e cantonne sur la rive droite dans l'angle formé par le Danube et l'Iller : l'Etat-major et 8 Compagnies à Donauestetten avec l'Artillerie du 6e Corps, 6 Compagnies à Weyler et 4 à Gœlklingen.
Le 24 octobre, l'Etat-major du Régiment rejoint le Quartier-général de la Division à Dellmensingen et le 76e étend ses cantonnements à Dellmensingen et à Weinstetten; 2 Compagnies de Grenadiers d'Etat-major (sic) et 2 Compagnies de Fusiliers d'Etat-major (sic) à Dellmensingen; 5 Compagnies à Donaustetten; 3 Compagnies à Weiler; 4 Compagnies à Gögglingen; 2 Compagnies à Wullenstetten (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1156).
Un "Etat de situation des différents détachements envoyés par les bataillons de dépôt et qui doivent être arrivés à Spire le 18 brumaire et en partir le 19", signé par l'Adjudant commandant Petiet, indique, pour la 2e Division du 6e Corps d'Armée, qu'un détachement de 593 hommes du 76e Régiment d'Infanterie de ligne est arrivé le 24 Vendémiaire à Spire. Mouvement ordonné par deux lettres du Ministre, du 8 Vendémiaire. La colonne de l'ensemble des détachements doit arriver le 8 Frimaire à Braunau (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1170).
L'effectif du 76e (1er et 2e Bataillons) est, à la date du 4 Brumaire (26 octobre), de 62 Officiers et 1683 Sous-officiers et soldats.
4/ Marche sur Inspruck
Le Maréchal Ney, chargé d'envahir le Tyrol et de couvrir ainsi le flanc droit de la Grande Armée en marche sur Vienne entre les montagnes de Styrie et le cours du Danube, "avait heureusement choisi, dit Thiers (T. VI, p. 265), le débouché de Scharnitz, la porta Claudia des anciens, pour y pénétrer". C'est l'un des accès les plus difficiles de cette contrée, mais il a l'avantage de conduire droit sur Inspruck, au milieu des troupes disséminées des Autrichiens qui, s'attendant peu à cette attaque, sont répandus depuis le lac de Constance jusqu'aux sources de la Drave. Le Tyrol est tout de même occupé par plus de 25000 Autrichiens soutenus par la milice qui, dans ce pays, est dévouée à l'Autriche.
Le 6e Corps est à cette époque réduit à deux Division. En effet, la Division Dupont (1ère) a été séparée du 6e Corps depuis Elchingen, et la 1ère Brigade de la 2e Division a été chargée d'escorter en France les prisonniers d'Ulm. Il ne reste donc à Ney que sa 3e Division (Malher) et la 2e Brigade (Roguet) de la 2e Division. Le 76e, on s'en souvient, fait partie de cette brigade. Il a en outre 156 cavaliers et un peu d'Artillerie. "Le maréchal Ney avait à peine 9 à 10000 hommes, soldats intrépides comme leur chef et avec lesquels on pouvait tout entreprendre. I1 leur fit escalader dans le mois de novembre les cols les plus élevés des Alpes, malgré les rochers que les habitants précipitaient sur leur tête; car les Tyroliens, fort dévoués à la maison d'Autriche, ne voulaient pas, ainsi qu'on les en menaçait, passer sous la domination de la Bavière".
Un "Etat des présents sous les armes au 6e corps d'armée le 4 brumaire" indique que le 76e de Ligne est à la 2e Division; sa force est de 62 Officiers, 1683 Sous-officiers et soldats ; total 1745 (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 769).
La colonne du 6e Corps quitte les environs d'Ulm à partir du 26 octobre, précédée seulement d'une faible avant-garde et de la Cavalerie. Les cantonnements de chaque jour sont échelonnés sur la route sur l'ordre des troupes pendant la marche. Le 76e, en tête de colonne, part le 5 Brumaire (27 octobre), à 10 heures du matin, passe l'Iller près d'Ulm, à Unterkirchberg, tourne au sud, et arrive dans la nuit à Memmingen. Le lendemain, marche vers l'Est : le 76e, toujours tête, pousse jusqu'à Turkheim sur la Werlach.
Grande Armée, 6 brumaire an IXV - 28 octobre 1805 (Nafziger - 805KCH avec la date du 29 novembre) Source : Alombert et Colin |
Le 7 Brumaire (29 octobre), le 76e part dès 7 heures du matin, franchit le Lech à Landsberg et cantonne à Burgen, Schwetflingen et Hoffstetten près de Landsberg où presque toute la colonne est réunie. Le Sous-lieutenant François Glatigny (promu Sous-lieutenant après la bataille d'Elchingen), du 76e, qui marchait à l'avant-garde, reçoit, ce jour-là un coup de feu à l'épaule gauche. Le 9 Brumaire (31 octobre), la colonne reprend sa direction primitive vers le sud et le 76e atteint Weilheim, où il cantonne avec le 69e.
Le 10 Brumaire (1er novembre), la Brigade Roguet continue le mouvement vers le sud, atteint Murneau, remonte un affluent de l'Isar, traverse Partenkirchen et s'établit à Garnischgau. Le 11 Brumaire (2 novembre), marche sur Mittenwald : une Compagnie de Voltigeurs du 76e forme l'avant garde avec une Compagnie de Voltigeurs et une Compagnie de Grenadiers du 69e. Les cavaliers français se sont repliés. En arrivant devant Mittenwald, la petite avant-garde trouve le défilé occupé par un détachement de 60 hommes de l'Archiduc Louis. Attaqués immédiatement par les Voltigeurs et 25 chasseurs du 10e, les Autrichiens sont dépostés et laissent entre leurs mains 1 Officier et 43 hommes prisonniers. 200 hommes sortis du fort de Scharnitz pour secourir le poste de Mittenwald sont rejetés dans le fort avec le même entrain. La Brigade Roguet prend possession de Mittenvald, surveillant avec ses grand'gardes les chaussées de Scharnitz et de Leutasch. La 3e Division n'est encore qu'à Garmischgau. Le lendemain 12 Brumaire (3 novembre), le 6e Corps garde à peu près les mêmes positions. Dans la fusillade qui a lieu aux avant-postes, le Sous-lieutenant Glatigny, déjà blessé le 29 octobre, reçoit un coup de feu à la hanche gauche. Les reconnaissances apprennent aux Français que les deux forts de Scharnitz et de Leutasch, qui barrent le passage de la vallée de l'Isar à celle de 1'Inn, sont sérieusement occupés.
L'ordre de mouvement du 6e corps pour les journées du 4 et du 5 novembre est conçu par le Maréchal Ney d'après cette idée que le meilleur moyen de s'emparer des forts de Leutasch et de Scharnitz consiste à les tourner comme a fait Bonaparte, en 1800, pour le fort de Bard, afin d'atteindre Innsbruck, le plus tôt possible, en coupant la retraite aux défenseurs. D'après cet ordre, le Général Loison, avec un détachement du 10e Hussards et ses deux Régiments (69e et 76e), doit marcher, le 4 novembre, de Mittenwald sur Seefeld, en contournant, par l'Ouest, le fort de Leutasch, de beaucoup le moins important des deux ouvrages qui défendent la gorge de l'Isar supérieur. Le 5, la même Brigade doit occuper de bonne heure Innsbruck, après avoir laissé un gros détachement à Zirl, au débouché dans la vallée de l'Inn. Quant à la division Malher, elle doit se concentrer, le 4, à Mittenwald, et y attendre des ordres pour le lendemain (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 200).
Le 3 novembre (12 Brumaire), le Général Loison reçoit donc du Maréchal l'ordre de se porter le lendemain à Seefeld avec la Brigade Roguet, pour y couper la retraite aux défenseurs du fort de Scharnitz (le défilé de Scharnitz était déjà retranché du temps des Romains. En 1628, l'Archiduchesse Claudia fit construire le front de fortification qui porte son nom) que Ney se propose de faire attaquer par sa 3e Division. Il doit passer par Lautersée, Farchensée, le mont Loecthen et le petit fort de Leutasch. C'est une rude tâche; mais "on pouvait tout tenter avec la brigade Roguet". L'avant-garde, formée de 6 Compagnies de Voltigeurs (celles du 25e Léger (qui fait partie de la 3e Division du 6e Corps), du 69e et du 76e de Ligne), arrive non sans peine jusqu'au pied du Loecthen. Là, au milieu des bois qui couvrent le flanc nord de la montagne, il faut gravir homme par homme un sentier tortueux taillé dans le roc et dominé par un poste détaché du fort de Leutasch. La position de ce poste est si avantageuse que le petit détachement qui l'occupe aurait pu barrer la route à toute une Division. Il est néanmoins repoussé par l'avant-garde. Les Voltigeurs, à peine au sommet du Loecthen, en redescendent les pentes sud-est en se dirigeant de manière à tourner le fort. Leutasch est occupé par le 4e Bataillon du Régiment de Kinski, à l'effectif de 700 hommes, et par un millier de Tyroliens. Il est armé de 4 bouches à feu. Son commandant, informé de l'arrivée des Français, va à leur rencontre avec 150 Autrichiens, une pièce et un corps tyrolien. Il a le même sort que son poste du Loecthen et est si brusquement repoussé qu'il doit se retirer jusqu'à Seefeld.
Lorsque le gros de la Brigade arrive, les Voltigeurs, malgré le feu violent de la défense, ont déjà franchi le petit ruisseau de Leutasch qui couvre le flanc gauche du fort. Pendant que le 69e, avec un de ses Bataillons, fait face au front nord dans la prairie qui en forme le glacis, et, avec l'autre Bataillon, tourne l'ouvrage par sa gorge, le Colonel Lajonquière, du 76e, reçoit l'ordre d'envoyer son premier Bataillon sur le flanc droit du fort pour empêcher toute sortie de ce côté, et de se porter, avec le 2e, vers la gorge de l'ouvrage à la gauche du Bataillon du 69e déjà établi sur ce point. Il est quatre heures. Le 2e Bataillon est formé en colonne pour l'assaut quand le Général Loison fait sommer le commandant du fort de capituler. Leutasch se rend avec 580 Autrichiens dont 50 blessés, quelques Tyroliens et 3 bouches à feu. Le reste a réussi à s'échapper dans les montagnes.
La Brigade Roguet reprend alors sa marche sur Seefeld. Elle y arrive à 11 heures du soir et doit en forcer l'entrée en essuyant le feu de quelques paysans tyroliens. Le 76e bivouaque en arrière du village avec le 69e; les Voltigeurs sont disposés de manière à garder tous les débouchés. Les pertes sont presque nulles.
Le 14 Brumaire (5 novembre), dès une heure du matin, le Commandant du fort de Scharnitz ayant appris la capitulation de Leutasch décampe en toute hâte avec son artillerie, laissant seulement une cinquantaine d'hommes à la porte Claudia, pour lui servir de rideau et ralentir la marchle de la 3e Division qui ne peut manquer d'arriver bientôt. Vers 4 heures du matin, les avant-postes de la Brigade Roguet sont attaqués par les Autrichiens qui viennent de Scharnitz et veulent à tout prix se frayer un passage pour gagner Inspruck. Les avant-postes sont d'abord refoulés sur Seefeld : "Prendre les armes et marcher à l'ennemi, dit le rapport du Maréchal Ney, fut l'affaire d'un moment. La 2e compagnie de grenadiers du 76e se porte sur la route d'Inspruck, pour couper toute retraite à l'ennemi, tandis que les autres compagnies de grenadiers et l'infanterie des deux régiments attaquent de front les Autrichiens et les mettent en déroute". Les Autrichiens abandonnent 300 prisonniers et 12 pièces, toute leur artillerie.
"Alors le général Loison envoya le 76e à Seefeld, pour tourner Scharnitz. En même temps, le 69e gravit le hauteurs presque inaccessibles du côté de Leutasch, malgré les balles et les pierres lancées par les chasseurs tyroliens. Les soldats, en s'accrochant aux arbustes, aux racines, en enfonçant les baïonnettes dans les fentes des rochers , parvinrent au sommet où ils plantèrent l'aigle du régiment. A cette vue, la troisième division commença l'attaque de front ; en peu d'instants le 25e léger, soutenu par le 27e, emporta le fort d'assaut.
La seconde brigade (50e et 59e restait en réserve. On prit dans Scharnitz mille huit cents hommes et seize pièces de canon" ("Souvenirs militaires de 1804 à 1814 par M. le Duc de Fezensac").
Le soir même la Brigade Roguet, conduite par le Général Loison, entre à Inspruck, où le Maréchal Ney porte son quartier général. La Brigade n'a perdu dans les journées de Leutasch et de Scharnitz, que 8 tués et 23 blessés.
Le 76e prend position à Vittau, à la porte d'Inspruck. Son 2e Bataillon reste à Inspruck jusqu'au 18 Brumaire (9 novembre); le 1er en part le 21. Le 7 novembre, en visitant l'arsenal, un Officier du Régiment reconnait deux drapeaux que la 76e Demi-brigade avait perdus à Sernft dans les Grisons, le 25 août 1799. "A tous ces trophées de gloire est venue se joindre une scène qui a touché l'âme de tous les soldats. Pendant la guerre dernière, le 76e régiment de ligne avait perdu deux drapeaux dans les Grisons. Cette perte, dit le XXVe Bulletin de la Grande Armée, daté de Schönbrünn le 16 novembre 1805, était depuis longtemps pour ce corps le motif d'une affliction profonde. Ces braves savaient que l'Europe n'avait point oublié leur malheur, quoiqu'on ne pût en accuser leur courage. Ces drapeaux, sujets d'un si noble regret, se sont trouvés dans l'arsenal d'Inspruck : un officier les a reconnus; tous les soldats sont accourus aussitôt. Lorsque le maréchal Ney les leur a fait rendre avec pompe, des larmes coulaient des yeux de tous les vieux soldats. Les jeunes conscrits étaient fiers d'avoir servi à reprendre ces enseignes enlevées à leurs aînés par la vicissitude de la guerre. L'Empereur a ordonné que cette scène touchante fût consacrée par un tableau. Le soldat français a pour ses drapeaux un sentiment qui tient de la tendresse : ils sont l'objet de son culte, comme un présent reçu des mains d'une maîtresse" (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 483; Correspondance de Napoléon, t.10, lettres 9502; cité par Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 203).
"Le maréchal Ney se hâta d'arriver à Insbrück, où l'on trouva beaucoup de pièces d'artillerie, seize mille fusils et un grand approvisionnement de poudre. Par une heureuse circonstance, le 76e y reprit ses drapeaux qu'il avait autrefois perdus dans le pays des Grisons" ("Souvenirs militaires de 1804 à 1814 par M. le Duc de Fezensac").
"Spectacle sublime, s'écrie un narrateur du temps, dans le style pompeux de cette grande époque, spectacle sublime qui ne peut être senti comme il doit l'être que par ceux qui savent apprécier les vertus militaires des Français !". Le 3 mars 1806, par Arrêté pris à Paris, l'Empereur ordonne : "ARTICLE 1er. Les sujets ci-après désignés seront exécutés en peinture, pour les sommes affectées à chacun desdits sujets, savoir : ... 6° La 76e demi-brigade retrouvant ses drapeaux dans l'arsenal d'Inspruck ... Les huit tableaux ci-dessus seront exécutés dans la proportion de 3 mètres 3 décimètres de haut sur 4 ou 5 mètres de large; le prix affecté à chacun desdits sujets sera de 12,000 francs ..." (Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 9915). Meynier est officiellement chargé d'exécuter l'ordre de l'Empereur, et un immense tableau, qui est actuellement dans la galerie de Versailles, représente le vainqueur d'Elchingen remettant au 76e les drapeaux retrouvés.
Documents extraits de l'Historique Régimentaire | |
Gravure originale de Wolff d'après le tableau de Meynier |
5/ Pointe en Italie
L'occupation d'Inspruck rend maître les Français de la route de Trente et l'armée ennemie se trouve coupée en deux. L'Archiduc Jean se jette dans le Tyrol italien et rejoint son frère, l'Archiduc Charles (qui battait en retraite sur la Hongrie) dans la Carniole. Le Général Jellachich est rejeté sur le Vorarlberg; poursuivi par la 3e Division, il se retire dans le camp retranché de Feldkirch où, cerné par le Corps d'Augereau, il capitule le 16 novembre.
Le Général Loison reçoit la mission de poursuivre l'Archiduc Jean avec la Brigade Roguet et le 10e Chasseurs jusque dans le haut Adige, et d'empêcher la jonction des tronçons de son armée ! Le 8 novembre, selon Martinien, le Lieutenant Rispaud d'Aiguebelle est blessé au cours d'un combat à Stimach.
Le 9 novembre, la Division Loison (brigade Roguet : 69e et 76e) met son gros à Innsbrück. Le 2e Bataillon du 76e (commandant Lovisi) remonte la Sille en suivant la route du Brenner, prend position à Altestadt et à Steinach et doit pousser des reconnaissances vers le sud pour éclairer la marche de la colonne. Le Chef de Bataillon Losivy, avec 4 compagnies, remonte la rive gauche de la Sill, et rencontre l'ennemi avec du canon un peu au nord du Brenner. Il en résulte un combat qui dure toute la journée sans amener de résultat (H. Bonal).
Le 10, ce même Bataillon, ayant toujours à sa tête le Commandant Lovisi qui l'avait si brillamment conduit sur la Reuss en 1799, attaque le Brenner, dès 7 heures du matin. La position, défendue par 11 ou 12000 hommes, ne peut être enlevée, et le 2e Bataillon se replie su l'Altestadt où le premier Bataillon vient le rejoindre, le 13, avec le 69e de ligne et le 10e Chasseurs. Le même jour, 22 frimaire (13 novembre), l'attaque du Brenner est recommencée par le 2e Bataillon qui, cette fois, déloge l'ennemi et pousse jusqu'à Sterzing sur l'Eisach. Le Sous lieutenant Antoine Galimand reçoit un coup de baïonnette au menton en forçant l'entrée de Sterzing.
Le lendemain, l'Archiduc Jean, renonçant à défendre le Brenner, se retire vers Klagenfurt. En même temps, Ney ordonne à Loison de gagner Botzen, d'où il espère couper la retraite au Prince de Rohan si celui-ci veut rejoindre l'Archiduc, et de l'occuper avec six Bataillons. Botzen, sur la route de Trente, est le lieu où se réunissent les grandes vallées de l'Adige, de l'Eisack et par lequel l'ennemi doit nécessairement passer. Le 16, toute la Brigade Roguet s'établit à Sterzing, moins le 1er Bataillon du 76e qui reste à Steinach, formant l'arrière-garde. Le 17, la petite colonne arrive à Brixen avec le 10e Chasseurs, et cantonne : le 69e à Clausen, le 1er Bataillon du 76e à Brixen. Le 2e Bataillon du 76e est seul à Botzen avec les Grenadiers de la Division et les Voltigeurs du 25e. C'est une faute.
"Lorsque je reçus l'ordre de porter le corps d'armée dans le Tyrol, je n'avais à ma disposition que les
69e de ligne, 76e de ligne de la 2e division;
25e léger, 27e de ligne, 50e id, 59e id de la 3e division ;
150 chevaux du 3e de hussards et du 10e de chasseurs, quelque artillerie commandée par le général Leroux, formant, en tout, 8,000 hommes …Je fus informé que le général Saint-Julien avait évacué le Brenner, le 23 (14 novembre), et qu'après s'être réuni, à Muhlbach, aux corps de l'archiduc Jean et du général Ihler, il se retirait, par Bruneckën, sur Klagenfurt, à marches forcées, afin de ne pas être coupé. Les nouveaux renseignements que je reçus à Muhlbach, le 24 (15 novembre), me firent juger que les divisions du Vorarlberg cherchaient à prendre la même direction et qu'elles tomberaient en notre pouvoir si elles nous trouvaient en possession du point important de Botzen, où se réunissent les trois grandes vallées (de la Drave, de l’Adige, de l'Inn) et toutes les communications de la Carinthie, de l’Italie et du Vorarlberg. J'ordonnai, en conséquence, au général Loison de s'y porter avec la brigade Roguet et la cavalerie légère du colonel Colbert ...
Au lieu de suivre mes instructions et de poster 6 bataillons à Botzen, le général Loison n'y conduisit, le 26 brumaire (17 novembre), qu'un bataillon du 76e, les grenadiers de sa division et un détachement du 25e. Cette petite troupe fut encore dispersée (morcelée) à Morinzing, Saint-Colman, Gries, Signumdseron, Botzen et Cardaim, quoique ce général fût informé de l'arrivée de l'avant-garde ennemie à Terlan (Vilplan) et des efforts qu'il faisait pour déboucher" (Rapport du maréchal Ney à Son Excellence le Ministre de la guerre, major général. Inspruck, le 7 frimaire an XIV - 28 novembre 1805; cité par H. Bonnal).
"Loison, dit Gouvion saint-Cyr dans ses Mémoires, p.316, ne suivit pas les instructions qu'il avait reçues, et au lieu de porter 6 bataillons à Botzen, il n'y conduisit, le 17 novembre, qu'un bataillon du 76e, les grenadiers de sa division et un détachement du 25e, quoiqu'il connût l'arrivée de l'avant-garde ennemie à Terlau et les efforts qu'il faisait pour déboucher". Le Bataillon du 76e laissé à Botzen est précisément celui qui a fait avec tant de distinction la guerre dans les Grisons, en 1799, et qui a seul survécu à cette expédition.
Le 18, à trois heures, le Bataillon est assailli en force par le Prince de Rohan, secondé par les paysans tyroliens (en tout, 6000 hommes et 12 pièces de canon). Malgré la résistance la plus opiniâtre, il ne parvient pas à barrer le passage au corps autrichien qui entre dans Botzen, pendant que le Bataillon prend position plus en arrière. "Au même instant, raconte Gouvion Saint-Cyr, toute la vallée parut couverte de feux et de paysans armés. Ce mouvement inattendu, opéré sur les derrières de nos troupes, décida un mouvement rétrograde, dont le prince de Rohan profita pour filer sur Lewig et Bassano par le val Sugana et la vallée de la Brenta". Dans cette rude journée, le Capitaine Charles Girard est tué, le Capitaine Alexandre David est "couvert de coups de baïonnette et de contusions" et le Sous lieutenant Desjardins "reçut au genou droit une pierre envoyée par les habitants du Tyrol".
"... Le bataillon du 76e, qui a déjà fait avec distinction la guerre des montagnes dans les Grisons, déploya une grande fermeté" (Rapport du maréchal Ney à Son Excellence le Ministre de la guerre, major général. Inspruck, le 7 frimaire an XIV - 28 novembre 1805; cité par H. Bonnal).
Le 19, Loison se porte en hâte sur Botzen et s'y établit avec toute la colonne. Il est trop tard.
"... Le 30 brumaire (21 novembre) au matin, je portai sur Trente un détachement commandé par le colonel Colbert avec ordre d'éclairer les mouvements du prince de Rohan, qui me paraissaient dirigés sur Venise. Je le chargeai d'informer de ces mouvements les troupes de l'armée d'Italie, afin de les arrêter si cela était possible. Ce détachement fut soutenu par un bataillon du 76e porté à Neumarkt" (Rapport du maréchal Ney à Son Excellence le Ministre de la guerre, major général. Inspruck, le 7 frimaire an XIV - 28 novembre 1805; cité par H. Bonnal).
Le 22, le 2e Bataillon du 76e, toujours à l'avant-garde, est chargé, sous les ordres du Général Colbert, commandant la Brigade de cavalerie, de poursuivre l'ennemi en remontant l'Adige, avec les escadrons du 10e Chasseurs et les Voltigeurs du 69e. Ce petit détachement s'avance jusqu'à Trente, puis commençe à se replier, le 26.
Grande Armée, 22 novembre 1805 (Nafziger - 805KXA) Source : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 484 |
Le 28, toute la colonne Loison est réunie entre Botzen et Britzen. Le 29, le Général Loison reprend la route d'Inspruck pour rejoindre le gros du 6e Corps qui se prépare à marcher vers l'Est.
Le 76e arrive le 29 à Sterzing, le 30 à Steinach et le 1er décembre à Inspruck, où toute la Division se trouve de nouveau réunie (la Brigade Villate (1ère de la Division Loison) est arrivée à Inspruck depuis quelques jours). A la date du 2 décembre, l'effectif des trois Bataillons du 76e est de 1509 hommes et Officiers.
6/ Marche d'Inspruck à Salzbourg et de Salzbourg à Klagenfurth.
Le 3 décembre, le 6e Corps qui n'a plus rien à faire dans la vallée de l'Inn prend la direction de Vienne, de manière à servir de lien entre la Grande Armée et l'Armée d'Italie et à appuyer par sa présence les négociations entamées dès lendemain de la journée d'Austerlitz. Ce même jour, les Voltigeurs des 69e et 76e, laissés sur l'Adige en observation pendant la marche rétrograde de Loison, se replient sur Brisen. Ils rejoignent ensuite leurs corps.
Le 76e marchant dans la colonne à sa place de bataille (dernier Régiment de la 2e Brigade de la 2e Division; le 6e Corps marche par colonnes de Brigades se suivant à une journée de marche) couche le 3 décembre à Schwatz, le 4 à Rattenberg, le 5 à Soëlt où il quitte les bords de l'Inn pour passer dans la vallée de la Salza, le 6 à Saint-Johann, le 7 à Lofer, le 8 à Reichenhall, enfin le 9 à Salzbourg où l'on fait halte.
Situation du 6e Corps - 7 décembre 1805 (Nafziger - 805LXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Le 10, le 76e cantonne au nord de Salzbourg, son 1er Bataillon à Strassvalchen, le 2e à Neumack avec l'Etat major du Régiment et le 3e à Mattsée. Le 3e Bataillon avait rejoint le Régiment à Inspruck, le 9 frimaire (30 novembre) avec un effectif de 740 hommes. Le 76e reste sur ces emplacements jusqu'au 3 nivôse (24 décembre). Le 2e Bataillon cependant rentre à Salzbourg le 21 décembre et le 3e Bataillon va le remplacer à Neumarck.
Situation du 6e Corps - 22 décembre 1805 (Nafziger - 805LXC) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Le 24, le 76e se met en marche, dernier Régiment du Corps d'armée (le mouvement du 6e Corps vers le sud est commencé depuis le 21 décembre), sur Klagenfurth, pour y prendre ses quartiers.
Napoléon a terminé la guerre à Austerlitz "par un coup de tonnerre", suivant sa propre expression; ce n'est plus qu'une affaire de jours pour régler les conditions de la paix. Dès le 19 décembre, le Maréchal Ney a quitté le commandement du 6e Corps. Le traité de Presbourg met officiellement fin à toutes les hostilité le 26 décembre 1805. La marche du 6e Corps vers le sud se continue néanmoins; elle s'exécute en 10 petites colonnes, sur 2 routes. Le Général Loison marche avec la colonne formée des 1er et 3e Bataillon du 76e. Celui ci arrive le 24 à Golling, le 25 à Werfen, le 26 à Rastadt (séjour), le 28 à Mauterndorf, le 29 à Saint-Michel, le 30 à Gmundt, 1e 31 à Spital, le 1er janvier 1806 à Saint-Paternion, le 2 à Villach et enfin le 3 à Klagenfurth, où le Régiment se reposa pendant quelques jours. Son effectif se compose alors de 2098 présents, 64 détachés, 212 aux hôpitaux et 43 prisonniers. Il doit occuper la principauté de Salzbourg qui, d'après le Traité, doit appartenir à l'Autriche.
Situation du 6e Corps - 1er janvier 1806 (Nafziger - 806AXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 470, 481, 482 |
Situation du 6e Corps - 15 janvier 1806 (Nafziger - 806AXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 470, 481, 482 |
7/ Détachement du 3e Bataillon à la Division Lorges
Un Décret du 9 novembre avait prescrit la création de deux Divisions avec des fractions des troisièmes Bataillons. Trois Compagnies du 69e (Grenadiers, 1er et 2e Fusiliers), complétées à 100 hommes ont formé avec celles du 76e un Bataillon de marche entré dans la composition de la Division Lorges, réunie à Juliers. Chargées pendant la guerre des communications de l'armée, ces unités ne sont dissoutes que le 11 juillet 1806. Les hommes du Régiment sont versés dans des Bataillons de guerre, puis les cadres rentrent au dépôt.
Notons que le 11 juillet 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de la Grande Armée : "Mon Cousin … La division du général Broussier est composée de 9,000 hommes qui se composent de détachements des 6e, 9e, 15e et 25e d'infanterie légère (la CGN parle elle des 9e, 15e et 25e de Ligne), 76e, 21e, 27e, 30e, 33e, 39e, 51e, 59e, 61e, 69e, 12e, 85e et 111e de ligne : ordonnez que cette division soit dissoute et que ces détachements se dirigent à l'heure même, du lieu où ils se trouvent, par la route la plus courte, pour se rendre à leurs bataillons de guerre de l'armée ..." (Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10478 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12461).
8/ En Bavière
Fig. 4 |
A la fin de janvier 1806, le 6e retourne à Salzbourg, en passant par Rotenmann, Ichl, Saint Gillain; il y arrive le 15 selon L. Landais, le 27 selon Fresnel, et est cantonné à Laufen. La troupe vit là chez l'habitant.
Situation du 6e Corps - 1er février 1806 (Nafziger - 806BXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 15 février 1806 (Nafziger - 806BXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 1er mars 1806 (Nafziger - 806CXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Le 1er mars, Salzbourg devant être évacué, le 76e se dirige vers le Rhin, avec toute la 2e Division. La colonne, qui suit la route de par Aibling et Landsberg, arrive, le 6 mars, à Augsbourg et y reste jusqu'au 24 (le 76e cantonné successivement à Holzkirchen et Tannhausen). Avant le départ d'Augsbourg, le Général Loison est remplacé à la tête de la 2e Division par le Général Marchand.
Situation du 6e Corps - 15 mars 1806 (Nafziger - 806CXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Le 76e doit rentrer en France par Neubrisach, quand la colonne reçoit l'ordre de rester en Bavière.
Situation du 6e Corps - 1er avril 1806 (Nafziger - 806DXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
On atteint Memmingen, le 3 avril. Le 6e Corps occupe une ligne de cantonnements dont la gauche est appuyée au lac de Constance et qui s'allonge dans la direction de Ulm. Afin de ménager les habitants, il faut beaucoup s'étendre; chaque Régiment occupe près de 25 lieues. Les Compagnies sont disséminées dans les vilages et changent fréquemment. Le 76e a pour cantonnements : 1er Bataillon (34 Officiers, 812 hommes présents), Memmingen même; 2e Bataillon (22 Officiers, 825 hommes présents), Walkretzhofen; et le 3e (15 Officiers, 592 hommes présents), Almantzhofen. Le 8 mai, les 2e et 3e Bataillons changent de cantonnement et s'établissent : le 2e à Babenhausen, le 3e à Boos.
Situation du 6e Corps - 15 avril 1806 (Nafziger - 806DXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation du 6e Corps - 22 avril 1806 (Nafziger - 806DXB) Note de Nafziger : Ces chiffres sont extrait d'une fiche de synthèse et sont donnés avec la mention "présents sous les armes", mais ils sont nettement plus élevés que les chiffres fournis par les journaux des Corps sur même période. Je suppose qu'ils corespondent en réalité à la force effective du Régiment, et comprennent les divers détachements, etc .
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Situation du 6e Corps - 30 avril 1806 (Nafziger - 806DXC) Sources : Archives françaises, Carton C2 470, 481, 482 |
Situation du 6e Corps - 8 mai 1806 (Nafziger - 806EXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483,484 |
Situation du 6e Corps - 15 mai 1806 (Nafziger - 806EXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - à compter du 22 mai 1806 (Nafziger - 806EXD) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation du 6e Corps - 1er juin 1806 (Nafziger - 806FXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 15 juin 1806 (Nafziger - 806FXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Le 22 juin 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, je vous envoie un travail sur l'emplacement que doit occuper la Grande Armée au moment de sa rentrée en France. Vous me proposerez une meilleure répartition, à peu près dans les mêmes divisions, si vous y entrevoyez quelque économie pour le service, soit pour les lits, soit pour le fourrage, soit pour le casernement.
... 6e corps du maréchal Ney
6e et 5e divisions militaires
... Landau 76e légère (note : comprendre de Ligne) Belfort ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11352).
Situation du 6e Corps - 22 juin 1806 (Nafziger - 806FXD) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 30 juin 1806 (Nafziger - 806GXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation du 6e Corps - 8 juillet 1806 (Nafziger - 806GXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Le 11 juillet 1806, depuis Saint-Cloud, l'Empereur écrit au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, vous verrez, par les deux lettres que je vous ai adressées aujourd'hui, les différentes dispositions que j'ai prescrites pour compléter mon armée et la mettre en situation de tout entreprendre.
Vous ordonnerez au bataillon corse de rejoindre le corps d'armée du maréchal Soult. S'il est convenable de faire garder le parc à Augsbourg, il faut le faire garder par d'autres troupes que par des troupes légères. On peut y destiner le 3e bataillon du 76e du corps du maréchal Ney ..." (Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10479 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12463). Voir plus haut également la lettre du 11 juillet prononçant la dissolution de la Division Broussier.
Situation de la Grande Armée - 18 juillet 1806 (Nafziger - 806GXC) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 24 juillet 1806 (Nafziger - 806GXD) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
A la fin de juillet, le 3e Bataillon est envoyé à Ulm, puis à Landau où il rejoint le Dépôt du Régiment. Tels sont les seuls changements dans la situation du 76e jusqu'à la fin de septembre.
Le 25 juillet, il est passé en revue aux environs de Memmingen, par ordre du Prince de Neufchâtel. L'état sommaire des Régiments du 6e Corps établi pour cette revue porte en observation: "Le 76e régiment est parfaitement tenu : il est très bien coiffé et sa chaussure est au complet. Il lui manque quelques effets d'habillement et surtout des culottes. Les armes sont dans le meilleur état possible". Le 76e est le seul des 10 Régiments figurant sur l'Etat établi pour la revue qui soit mentionné aux observations. Il est toujours aux ordres du Colonel Lajonquière et des Chefs de Bataillon Lenud, Lovisi et Rignoux. L'effectif est à peu près le même qu'au départ de Klagenfurth. Le Dépôt, toujours à Landau, est commandé par le Capitaine Prunier, qui est remplacé, le 31 août, par le Major Courtois.
Situation du 6e Corps - 31 juillet 1806 (Nafziger - 806HXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Le Général de Division, duc de Fezensac, donne dans ses Souvenirs militaires (édités chez Dumaine en 1869. Le duc de Fezensac faisait partie de l'Etat-major du maréchal Ney) un exposé intéressant de la façon dont se comportèrent les troupes d'occupation. "Les autorités locales, dit de Fezensac (p. 93), étaient souvent traitées sans aucun égard. S'il survenait une discussion, le soldat avait toujours raison, l'habitant toujours tort... Les femmes seules savaient adoucir tant de rudesse. Malheur aux habitants, si le capitaine du cantonnement n'était pas amoureux ! On pense bien, en effet, que la galanterie ne fut point oubliée, et qu'avec un si long séjour et une telle intimité, elle devait même jouer un grand rôle. On peut dire que presque dans chaque logement, il y avait quelque intrigue... Quelques maris plus sages, plus heureux, si l'on veut, ne voyaient ou ne voulaient rien voir. Ainsi l'on craignait et l'on désirait à la fois notre départ...".
Mais déjà voici le moment des adieux : un nouvel orage vient d'éclater; la Prusse, avec autant d'arrogance que de témérité, a déclaré la guerre à la France alors qu'elle avait gardé la neutralités dans les guerres précédentes. Son armée, forte de 180000 hommes, se concentre sur la Saale pour observer les défilés qui conduisent à la Franconie dans la Saxe, défilés que l'armée française se dispose de son côté à franchir; le 76e va aller dans les plaines du Nord cueillir de nouveaux lauriers.
J/ Campagne de Prusse (1806-1807)
1/ Passage du Frankenwald
Situation du 6e Corps - 8 août 1806 (Nafziger - 806HXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Dès le mois d'août 1806, la rupture avec la Prusse est devenue inévitable. Le parti de la guerre est tout puissant à la cour, de Frédéric Guillaume. La belle Reine de Prusse suit le roi Frédéric-Guillaume jusque sur la Saale. Bignon, chargé de recueillir des renseignements, écrit le ler octobre à Napoléon : "Le roi est à Naumbourg avec le duc de Brunswick, le maréchal de Mollendorf, le prince Guillaume... La reine y est aussi avec de grands maux de dents...". Cette dernière, en uniforme de Dragon, passe elle même des revues et visite les troupes dans les casernes.
Situation du 6e Corps - 15 août 1806 (Nafziger - 806HXC) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 22 août 1806 (Nafziger - 806HXD) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 31 août 1806 (Nafziger - 806IXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Les Bataillons de guerre du 76e (1er et 2e) reçoivent à la fin d'août un renfort de 385 hommes et en même temps un convoi de capotes neuves et de souliers de rechange.
En septembre, l'Armée prussienne envahit la Saxe sans déclaration préalable. "Nous sommes les sauveurs de tous nos frères d'Allemagne", dit le Roi, entraîné à la guerre par la folle ambition de la cour de Berlin et l'orgueil insolent des vieux Généraux de la guerre de Sept ans.
Le 1er septembre, le 76e est à la 2e Division Malher (gardanne au 5 septembre) du 6e Corps de Ney.
Situation du 6e Corps - 8 septembre 1806 (Nafziger - 806IXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 15 septembre 1806 (Nafziger - 806IXC) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation au 22 septembre 1806 6e Corps d'Armée; 1ère Division Gardanne Effectif du 1er Bataillon : 35 Officiers, 908 hommes. Effectif du 2e Bataillon : 24 Officiers, 895 hommes. |
Le 25 septembre, l'ordre du départ arrive dans les cantonnements; 1e 76e se met en marche. Le 6e Corps (Ney) ne peut encore disposer que de deux Divisions : la 2e (Marchand, comprenant les Brigades Maucune et Roguet ; c'est l'ancienne 2e Division) et la 3e (Bisson, comprenant les Brigades Marcognet et Labassée). Sa 1ère Division (Dupont) est détachée sous les ordres de Bernadotte. Le 6e Corps a en outre la Brigade de Cavalerie Colbert (3e Hussards et 10e Chasseurs). Comme en 1805, le 76e constitue avec le 69e la Brigade Roguet (2e Brigade de la 2e Division).
Le 6e Corps suit le 4e (Soult) et doit former avec celui-ci la droite de la Grande Armée. Napoléon, après avoir fait croire à son adversaire, le vieux Duc de Brunswick, qu'il menaçe Erfurth, a donné l'ordre de franchir le Frankenwall. L'aîle droite doit déboucher par le chemin de Bayreuth à Hoff. Le 6e Corps, précédé de sa cavalerie, exécute sa marche de concentration en trois colonnes marchant sur la même route à un jour de distance. Le 76e, dernier Régiment de la 1ère colonne, suit l'itinéraire ci-après : 27 septembre, Ulm; 28, Heidenheim; 29, Elwangen; 30, Dinkelsbühl; 1er et 2 octobre, Anspach; 3, Nuremberg; 4 et 5, Lauff; 6, Bezenstein; 7, Pegnitz; 8, Bayreuth.
Situation de l'armée française en septembre-octobre 1806 (Nafziger - 806IAL et 806JBI) Sources : Foucart : "La campagne de Prusse, 1806" |
Napoléon ne reçoit l'ultimatum de la Prusse que le 7 octobre. Il vient d'arriver à Bamberg et la Grande Armée est prête à recevoir le choc. "Elle ne laissait rien à désirer sous aucun rapport, dit Thiers (T. VII, p. 35). Discipline, instruction, habitude de la guerre renouvelée récemment dans une campagne immortelle, forces réparées par un repos de plusieurs mois, santé parfaite, ardeur de combattre, amour de la gloire, dévouement sans bornes à son chef, rien ne lui manquait. Si elle avait perdu quelque chose de cette régularité de manœuvre qui la distinguait en quittant Boulogne, elle avait remplacé cette qualité plus apparente que solide par une assurance et une liberté de mouvements qui ne s'acquièrent que sur les champs de bataille. Ses vêtements usés, mais propres, ajoutaient à son air martial.... Cette armée héroïque, vouée désormais à une guerre éternelle, ne devait plus connaître d'autres fêtes que les batailles, les entrées dans les villes conquises, l'admiration des vaincus !".
Le 8 octobre, Napoléon donne à toute l'armée l'ordre d'entrer en Saxe. "L'esprit de l'armée était excellent, dit Thiers (T. VII, p. 87.) ; le soldat manifestait la plus grande gaieté, et ne paraissait tenir aucun compte de quelques souffrances, inévitables dans un pays pauvre et difficile". Le 76e arrive, le 9, à Gefrées; le 10, à Hoff, et le 11, à Schleitz d'où Ney écrit à Berthier : "La division Marchand est bivouaquée sur deux lignes, la droite à la route d'Auma vers Ottersdorf, la gauche sur Grispendorf.... Malgré les marches forcées que le corps d'armée a faites consécutivement depuis treize jours, le meilleur esprit y règne. Officiers et soldats expriment à l'envi le désir d'atteindre l'ennemi. Tous brûlent de combattre sous les yeux de l'Empereur et de convaincre Sa Majesté qu'ils sont dignes d'être appelés à l'exécution de ses desseins".
Situation de la Grande Armée - 12 octobre 1806 (Nafziger - 806JAB) Sources : Foucart, Campagne de Prusse (1806) |
le 76e bivouaque le 12, à Bronsdorf près d'Auma et, le 13, à Roda. Le Maréchal Ney se porte de sa personne jusqu'à Iéna où toute l'Armée française va se concentrer. Il y est rejoint dans la nuit par son avant-garde (Colbert). Le gros du 6e Corps campe dans les environs de Géra.
2/ Bataille d'Iéna
Fig. 4a | Fig. 4ab |
Cependant Brunswick, éclairé par les premiers combats, s'est hâté de faire volte-face. Il marche maintenant vers l'Elbe où il espère arriver avant les Français pour leur disputer le passage. De son Quartier général de Géra, Napoléon suit les mouvements de son adversaire et n'attend que l'occasion de tomber sur son flanc pendant sa marche. Cette occasion se présente le 14 octobre. Pendant que le Maréchal Davout, avec les immortelles Divisions Gudin, Friant et Morand, lutte victorieusement contre le gros de l'armée de Brunswick, pendant que l'Empereur lui-même met en pleine déroute les Corps de Hohenlohe et de Ruchel, la 2e Division du 6e Corps hâte sa marche vers le champ de bataille. Le 6e Corps envoie son avant-garde (25e Léger, 2 Bataillons d'élite et la Brigade de cavalerie légère) vers dix heures du matin et contribue au succès en débordant le village de Vierzehnheiligen que les Prussiens veulent reprendre à tout prix, mais le 76e ne rejoint son avant-garde qu'à Weymar, dans la nuit du 14 au 15, après une marche de quinze lieues. Tout le 6e Corps bivouaque autour de Weymar; Ney écrit de cette ville le soir de la bataille : "les quatres régiments de la 2e division sont bivouaqués sur les hauteurs en arrière de Weymar (rive droite de l'Ilm)". Les soldats arrivent à leur bivouac sur l'Ilm harassés de fatigue, et l'on a beaucoup de peine à leur faire faire la soupe; il faut une demi-heure pour les décider à allumer le feu et chercher des vivres. Mais ils sont vainqueurs; aussi le lendemain, la gaieté a reparu et la fatigue est oubliée.
Depuis l'ouverture de la campagne, le Régiment n'a pour ainsi dire pas encore vu l'ennemi. D'après l'état des troupes du 6e Corps établi le 22 octobre, le 76e a, à cette date, 22 hommes seulement hors de combat : 3 tués, 17 blessés, et 2 prisonniers, sur un effectif de 2443 hommes. Quoi qu'il en soit, sur le drapeau actuel du 76e : IéNA, 1806, a été inscrit. C'est sans doute pour faire rejaillir sur le Régiment la gloire éclatante dont se couvrirent dans cette journée les bataillons du 6e Corps qui furent engagés. C'est peut être aussi pour nous rappeler, par le nom de la plus belle journée de la campagne, les brillantes étapes que le 76e parcourut en 1806 : Erfurth, Magdebourg, Berlin...
Précisons aussi que par Décret du 21 octobre 1806, l'Empereur a décidé de former à Berlin une nouvelle Division Oudinot, baptisée officiellement Division de grenadiers et voltigeurs réunis. En fait, il s'agit simplement de concentrer les Compagnies d'élite des Bataillons de Dépôt des 48 Régiments de la Grande Armée en sept puis huit Régiments de deux Bataillons (chacun à six Compagnies, les Grenadiers (ou Carabiniers) et les Voltigeurs du même Régiment figurant dans le même Bataillon jusqu'en juillet 1807). Le Décret du 2 novembre confirme cette disposition. Aussi, le 76e entre dans la composition du 5ème Régiment de la Division Oudinot (10ème Bataillon à 6 Compagnies des 3ème Bataillons des 27ème, 59ème et 76ème de Ligne).
Ordre de bataille français, Campagne d'hiver - novembre-décembre 1806 (Nafziger - 806KJB) |
3/ Capitulation de Magdebourg
Dès le 15 octobre, Murat marche sur Erfurth avec sa cavalerie et se fait appuyer par l'infanterie du 6e Corps. La place est investie. Elle était entourée de bonnes murailles et pourvue d'un matériel considérable; mais elle n'avait pour défenseurs que 14 ou 15000 fuyards qui se rendent sans combattre. On y recueille 6000 blessés prussiens, 9000 prisonniers et un butin immense. Le 76e passe la nuit au bivouac autour d'Erfurth. Il se mit en route le lendemain : le 6e Corps est chargé de poursuivre le gros de l'armée prussienne. Le 4e Corps le suit à un jour de marche.
Le roi Frédéric-Guillaume a donné le commandement de son armée au Prince de Hohenlohe. Celui-ci la dirige sur l'Elbe vers Magdebourg.
Dès le 2 octobre, Bignon donne sur Magdebourg les renseignements suivants : "Cette place, regardée maintenant comme le rempart de la Prusse, si une place de guerre pouvait être le rempart d'un royaume, a été réparée et mise sur le pied le plus respectable, particulièrement depuis que la cession de Wésel a redoublé son importance. On la regarde comme extrêmement forte et comme ne pouvant être prise qu'à la suite d'un siège long et meurtrier. Magdebourg a, en temps de paix, une garnison de 10 à 12 000 hommes. On dit qu'il en 20000 pour la défendre". Les Prussiens ont trop peu de chemin à faire pour qu'il soit possible de les devancer à Magdebourg; mais en les harcelant sans cesse, en ne leur laissant un seul jour de repos, on ne leur permet pas de se réorganiser : c'est déjà un sérieux résultat. Dans la poursuite de l'armée de Hohenlohe, le 76e atteint Gross-Fauern le 16 octobre; bivouaque, le 17, en arrière de Sondershausen; le 18, à Nordhausen. Le 19, le 6e corps marche sur deux colonnes : la 1ère Division, avec l'Etat major par Hassfeld. Le 20, le Corps se réunit à Alberstadt, à gauche de la route de Magdebourg et marche de là réuni; le 21, à Germesleben, entre Asleben et Alkendorf. Il arrive, le 22, devant la place, dont l'investissement commençe.
Les deux Divisions du 6e Corps occupent la rive gauche de l'Elbe, depuis Famersleben jusqu'à Barleben, et communiquent avec l'avant garde et la cavalerie au moyen d'un pont de bateaux (L. Landais). Le 76e bivouaque devant Magdebourg à Gross-Ottersleben. L'effectif des Bataillons de guerre du 76e relevé sur la situation du 1er novembre 1806 est le suivant : 1er Bataillon (commandant Lenud) : 40 Officiers et 1203 hommes présents; 2e Bataillon (commandant Laplane) : 25 Officiers et 1013 hommes présents; 31 hommes du 1er Bataillon sont détachés au parc, et 58 sont aux hôpitaux; 10 hommes du 2e Bataillon sont détachés et 43 sont aux hôpitaux. L'effectif total, y compris les absents, les hospitalisés, est de 2441 (situation également donnée par Nafziger - 806KAM d'après Foucart : "La campagne de Prusse 1806". L'effectif du 2e Bataillon est indiqué comme étant de 1030 hommes).
Situation de la Grande Armée - novembre 1806 (Nafziger - 806KXA et 806KXF) Sources : Archives françaises, C2 470 et C2 481, 482, 483 |
Hohenlohe n'est resté que deux jours à Magdebourg. Le vieux Gouverneur de la place, M. de Kleist, n'a d'autre approvisionnement que celui qui était indispensable à la garnison. Aussi, après avoir pourvu aux premiers besoins des fuyards, et leur avoir donné un peu de pain, il refuse de les nourrir plus longtemps, pour ne pas diminuer ses ressources. L'encombrement produit par les bagages dans l'intérieur de la ville n'a même pas permis d'y loger les troupes qui ont dù bivouaquer sur la rive droite. Cédant donc aux instances du Gouverneur, Hohenlohe a repris sa marche vers le nord, pendant que le 6e Corps achève l'investissement. Soult continue la poursuite, pendant que Ney fait l'investissement. Le commandant du 6e Corps n'accepte ce ce rôle qu'à regret. Le 24, il écrit au Maréchal Berthier : "Elle (Votre Altesse) croira sans paine que la position où je suis doit me paraître facheuse, à moi qui pendant toute ma vie militaire ai été employé aux avant-postes, où je pourrais être plus utile qu'en restant en observation devant une place".
Ney, s'étant procuré quelques mortiers, fait lancer en l'air deux ou trois bombes pour appuyer ses menaces de bombardement. Le faubourg de Krakau est incendié. Ney réussit ainsi à intimider la population qui entoure l'hôtel de M. de Kleist en le suppliant de ne pas exposer la ville à des ravages inutiles. Magdebourg se rend, le 8 novembre. La garnison, forte de 18000 hommes, dépose les armes devant les troupes du 6e Corps et est dirigée prisonnière sur Mayence, en trois colonnes. Des Compagnies tirées de tous les Régiments du 6e Corps sont chargées de leur conduite.
Le 11 novembre 1806, le Maréchal Berthier, Prince de Neuchâtel et Valengin, Major général de la Grande Armée, écrit depuis Berlin, au Général Dejean : "J'ai l'honneur de prévenir Votre Excellence qu'indépendamment des détachements que j'ai ordonné à M, le maréchal Kellermann de faire partir dans la première quinzaine de novembre, ainsi que je vous en ai informé par ma lettre du 2, je viens de lui adresser l’ordre de former huit bataillons provisoires conformément à l'état de composition que je joins ici.
Chaque bataillon sera composé de compagnies fournies par les troisièmes bataillons des corps de la Grande Armée, à raison d'une par bataillon, et chaque compagnie sera complétée à 140 hommes.
Le maréchal Kellermann nommera un chef de bataillon et un adjudant-major pour chaque bataillon et un major pour commander deux bataillons. Il aura soin de ne pas prendre les majors dans les mêmes corps où il prendra les chefs de bataillon ou adjudants-majors.
Je donne l'ordre aux généraux commandant les 25e et 2e divisions militaires de faire diriger de suite sur Mayence les compagnies que doivent fournir les bataillons qui ne sont pas stationnés dans les 5e et 26e divisions.
Pour accélérer la formation et le départ de ces bataillons il ne sera pas nécessaire que les conscrits soient dressés ; il suffira qu'ils aient huit ou dix jours d'instruction, qu'ils soient armés, qu'ils aient la veste, la culotte., les guêtres, le chapeau d'uniforme et une capote. Il ne faudra pas attendre qu'ils aient l'habit.
Sa Majesté espère que ces troupes seront réunies à Mayence le 25 et en partiront le même jour pour se rendre le plus promptement possible, conformément aux ordres que je donne à M. le maréchal Kellermann : savoir les 5e et 6e bataillons à Cassel pour maintenir la tranquillité de cet électorat et les six autres à Magdeburg où ils achèveront leur instruction.
Je préviens le maréchal Kellermann qu'il ne doit pas perdre un moment pour former ces bataillons que, pourvu qu'ils soient armés, tout est bon ; qu'ils seront fournis à Magdeburg de tout ce qui leur sera nécessaire ; que Sa Majesté doit en tirer deux avantages, puisqu'ils ne coûteront rien en France et qu'ils garderont Magdeburg, ce qui rendra d’autres troupes disponibles ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 793). Le 4e Bataillon doit comprendre 1 compagnie du 39e de ligne, 1 du 76e, 1 du 96e, 1 du 6e d'infanterie légère, 1 du 9e; total : 720 hommes.
Situation du 6e Corps - 15 novembre 1806 (Nafziger - 806KXG) Sources : Archives françaises, C2 481, 482, 483 |
4/ Combat de Soldau
Le Maréchal Ney reste à Magdebourg jusqu'au 17 novembre; mais la 2e Division du 6e Corps, après avoir laissé à Magdebourg le 59e de Ligne, est dirigée sur Berlin. Le 76e quitte Magdebourg, le 13 novembre, pour aller à Mokem. Le 14, il arriva à Ziesau ; le 15 à Brandebourg, le 16 à Potsdam, où quelques jours avant, le vainqueur d'Iéna a été méditer sur la tombe du vainqueur de Rosbach et s'est saisi de l'épée de Frédéric, de sa ceinture et de son cordon de l'Aigle Noir, pour en faire don aux Invalides. Le 17 novembre, le 76e entre à Berlin. Il n'y reste que deux jours : les Russes s'approchent de Varsovie et l'Empereur a résolu d'aller au-devant d'eux en se portant sur la basse Vistule où les Prussiens ont encore quelques détachements, notamment à Thorn. Une nouvelle et rude campagne va commencer contre les Russes : "C'est dans cette terrible campagne, dit le commandant Parquin (Souvenirs et campagnes du commandant Parquin, édités en 1892), que l'opiniâtreté russe inspira à nos soldats ce dicton très vrai : "Il ne suffit pas de tuer un Russe, il faut encore le pousser pour qu'il tombe".
Le 6e Corps, qui avec le 1er et le 3e corps, la garde et la réserve de cavalerie, forme l'armée de réserve, se met en marche en plusieurs colonnes par la route de Posen. La 3e Division suit la 2e en ayant sa tête de colonne à trois journées de marche en arrière de la tête de la 2e Division. Tout le pays jusqu'à la Vistule a été traversé au commencement de novembre par Davout, Augereau et Lannes, sous le commandement en chef de Murat.
Le 76e coucha à Munchberg, le 19 novembre; à Francfort-sur-l'Oder, le 20 et le 21 (effectif au 20 novembre : 69 Officiers et 2216 hommes); à Zilenzig, le 22; à Meseritz, le 23; à Betchen, le 24; à Penne, le 25; à Lussowo et Kierch, le 26, en arrière de Posen. Il entre, le 27, dans cette place importante, autour de laquelle tout le 6e Corps est réuni du 25 au 30 novembre. Le 76e cantonne, le 29, autour de Posen, et, le 30 novembre, à Schwezens.
Situation du 6e Corps - 30 novembre 1806 (Nafziger - 806KBJ) |
Le 1er décembre, le 6e Corps reprend la marche sur Thorn. La ville est emportée le 4 par la 1ère Brigade de la 1ère Division. La 2e Brigade de la Division Marchand (69e, 76e) y arrive le 7 décembre (le 5 selon L. Landais), après avoir traversé Gnesen, Willatowo, Kwiecizewo, Inowradaw, Gnirkowo et Schulit. Pendant ces marches pénibles, dans un pays aride, marécageux et glacial, les soldats "étaient, comme toujours, gais, confiants et trouvaient dans la nouveauté même du pays qu'ils parcouraient, le sujet de plaisanteries piquantes plutôt que de plaintes amères. D'ailleurs le bon accueil des habitants (on est alors en pleine Pologne et les Polonais voient en nous des sauveurs) les dédommageait de leurs peines; car, sur les routes et dans les villages, les paysans accouraient à leur rencontre, leur offrant les vivres et les boissons du pays" (Thiers, T. VII, p. 263).
Le 6e Corps reste quelques jours aux environs de Thorn, le 76e à Thulzno. Les Russes, à l'arrivée des Français sur la Vistule, se sont concentrés entre la Narew et l'Oukra.
Situation du 6e Corps - 10 décembre 1806 (Nafziger - 806LXA) Sources : Archives françaises, C2 481, 482, 483 |
Situation du 6e Corps - 10 décembre 1806 (Nafziger - 806LXF) Sources : Archives françaises, C2 481, 482, 483, 484 |
Napoléon, dont l'armée s'étend de Varsovie à Dantzig (le Maréchal Lefebvre assiège cette place), voudrait en finir avec eux par un coup d'éclat. Pendant qu'il les fait attaquer par le gros de ses forces, il charge Ney de manoeuvrer de manière à séparer de la masse des Russes le corps prussien (environ 15000 hommes) commandé par le Général L'Estocq (on écrit habituellement le nom de ce chef prussien en un seul mot; nous avons adopté l'orthographe "L'Estocq" d'après la signature même du Général). Le mouvement du 6e Corps commençe le 18, par Gollub, Strasburg et Ziélona.
Le 22 décembre, le Maréchal Ney informe le commandant du 1er Corps d'Armée que le 6e Corps prendra poste le 25 sur Mlawa; la 2e Brigade (69e et 76e de Ligne) ira à Rypin (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 23, la Division Marchand s'empare de Gurzno et fait quelques prisonniers. Le 24, L'Estocq est poursuivi jusqu'au delà de Knesbrock. Le 25, il s'est concentré à Lautenburg, Soldau et Mlawa.
Composition du 6e Corps du Maréchal Ney au 25 décembre :
1ère Division, Général Marchand : 6e Léger, 39e, 69e et 76e de Ligne, 8 Bataillons, 12 pièces, 6393 hommes.
2e Division Vandamme : 25e Léger (3 Bataillons ; fort d’environ 1800 hommes, il est porté en route pour rejoindre l’armée), 27e, 50e et 59e de Ligne, 9 Bataillons, 12 pièces, 4546 hommes.
Artillerie et Génie, 1121 hommes.
Cavalerie légère, Général Colbert : 3e Hussards et 10e Chasseurs : 6 Escadrons, 706 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 296).
Soldau est le centre de la position occupée par L'Estocq. Cette petite ville, couverte par un marais impraticable que l'on traverse sur une digue étroite et longue de 7 à 800 toises, est défendue par 6000 fantassins, 1200 cavaliers et 20 pièces de canon. "Je n'ai fait attaquer cette position que par deux régiments, le 69e et le 76e, qui se sont extrêmement distingués", écrit de Mlawa, le 26 décembre, le Général Marchand, dans son compte rendu au Maréchal Ney. Laissons maintenant la parole au commandant du 6e Corps (lettre du Maréchal Ney au Maréchal Berthier, de Dlutow près de Zielun, le 27 décembre 1806. Le IXe Bulletin de la Grande Armée, daté de Golymin le 28 décembre, raconte aussi le combat de Soldau) :
"IXe BULLETIN.
Golymin, le 28 décembre 1806.
Le maréchal Ney, chargé de manoeuvrer pour détacher le lieutenant-général prussien Lestocq de l'Wrka, déborder et menacer ses communications, et pour le couper des Russes, a dirigé ses mouvemens avec son habileté et son intrépidité ordinaires. Le 23, la division Marchand se rendit à Gurzno. Le 24, l'ennemi a été poursuivi jusqu'à Kunsbroch. Le 25, l'arrière-garde de l'ennemi a été entamée. Le 26, l'ennemi s'étant concentré à Soldau et Mlawa, le maréchal Ney résolut de marcher à lui et de l'attaquer. Les Prussiens occupaient Soldau avec 6,000 hommes d'infanterie et un millier d'hommes de cavalerie; ils comptaient, protégés par les marais et les obstacles qui environnent cette ville, être à l'abri de toute attaque. Tous ces obstacles ont été surmontés par les 69e et 76e. L'ennemi s'est défendu dans toutes les rues, et a été repoussé partout à coups de baïonnettes. Le général Lestocq , voyant le petit nombre de troupes qui l'avaient attaqué, voulut reprendre la ville, il fit quatre attaques successives pendant la nuit, dont aucune ne réussit. Il se retira à Neidembourg. Six pièces de canon, quelques drapeaux, un assez bon nombre de prisonniers, ont été le résultat du combat de Soldau" (46e Bulletin de la Grande Armée - Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 138 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.2, p. 106 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettres 11514; Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 4 / par Adrien Pascal).
Le récit du Maréchal Ney est toutefois plus complet : "Les ponts (Ney parle ici des ponts sur lesquels reposait de distance en distance la digue servant de chaussée) étaient en partie détruits; 2 pièces de 12 enfilaient la chaussée et une batterie de 6 pièces la battait de flanc. Tous ces obstacles ont été surmontés avec une extrême audace. Les voltigeurs du 69e ont passé les ponts, sur les poutres, sous un feu très vif. 3 compagnies du 76e suivaient et les 2 pièces de 12 ont été enlevées à la baïonnette. L'affaire alors est devenue très chaude. L'ennemi a opposé une résistance opiniâtre; mais enfin, poussé de rue en rue à coups de baïonnette, il a été entièrement jeté hors de la ville... Le général Lestocq, furieux d'être chassé d'une position qu'il jugeait inattaquable, a réuni ses officiers et leur a fait jurer de reprendre la ville pendant la nuit. Et en effet depuis sept heures jusqu'à minuit, il a fait quatre attaques successives qui ont été vivement repoussées quoique l'ennemi y ait montré un courage tenant du désespoir.... Les 69e et 76e ont rivalisé de courage..." (cité par H. Bonnal).
Rapport du Colonel Brun au Général Vonderweidt, commandant la 2e Brigade de la 2e Division du 6e Corps :
"Monsieur le Général,
D'après les dispositions à notre arrivée devant Soldau, la compagnie de voltigeurs du régiment que je commande et celle du 76e étant mises en marche pour attaquer la tête du pont et s'en emparer, j'ordonnai à M. Dufour, sous-lieutenant de grenadiers, de précéder ces compagnies ayant sous ses ordres les sapeurs et les quinze grenadiers du régiment destinés à rendre le passage praticable, détruire les palissades et autres obstacles, qui auraient pu arrêter leur marche.
A leur apparition, l'ennemi fit sur eux un feu des plus vifs d'artillerie et de mousqueterie. Aussitôt, les sapeurs et les grenadiers aux ordres de M. Dufour, suivis de près par les compagnies de voltigeurs, fondirent à la baïonnette sur 200 hommes établis en avant du pont, les culbutèrent malgré leur opiniâtre résistance, passèrent le pont, dont on avait ôté les madriers, et marchèrent au pas de charge sur deux pièces de canon, qui s'opposèrent à leur passage. M. Dufour arriva le premier à la batterie avec ses grenadiers, tua de ses mains le capitaine qui la commandait, fît plusieurs prisonniers, dont un officier, força le reste à la fuite et s'empara des deux pièces de canon. A l'exemple de ce trait de bravoure peu ordinaire, les voltigeurs passèrent les ponts et la digue, et entrèrent dans la ville malgré le feu le plus vif de la mousqueterie et de six pièces d'artillerie, placées à la droite de la digue, qui flanquait le pont.
M'étant aperçu que l'ennemi, avec un corps de 400 hommes d'élite, était venu se placer entre la ville et les ponts pour couper les voltigeurs qui étaient dans la ville et les deux ponts et les faire prisonniers, je passai de suite les ponts à la tête du régiment, en colonne par section, et marchai sur lui au pas de charge. L'ennemi, en voyant arriver le régiment, fit un feu des plus vifs d'artillerie et de mousqueterie, mais bientôt déconcerté par l'intrépidité et le sang-froid des compagnies de grenadiers qui formaient la tète de colonne, il se dispersa et abandonna ses positions.
Le régiment entra en ville et se mit en bataille sur la place, après quoi je portai des compagnies aux principales avenues de la ville pour protéger les voltigeurs qui continuaient à se battre au dehors, prévenir toute tentative de la part de l'ennemi et assurer par là la conservation de la place.
Quelque temps après, l'ennemi voulant reprendre la ville de vive force, se rallia, forma quatre colonnes d'environ 1.000 hommes chacune, fit quatre attaques, successivement les unes après les autres, sur tous les points, mais il fut repoussé très vigoureusement de toutes parts à la baïonnette.
Dans ces différentes attaques, qui ont duré jusqu'à 1 heure du matin, l'ennemi a perdu un drapeau, 220 tués dont 10 officiers, entre autres un aide-de-camp du général Lestocq qui commandait une colonne et qui reçut une blessure grave. Le régiment a eu dans cette affaire 25 tués dont un officier, 98 blessés dont 2 capitaines et 2 lieutenants. Je n'ai qu'à me louer, Monsieur le Général, de la conduite distinguée qu'ont tenue dans cette affaire tous les militaires du régiment que je commande ainsi que les trois compagnies du 76e qui étaient sous mes ordres et particulièrement MM. Clouard et Magne, chefs de bataillon, et les officiers des compagnies de grenadiers et voltigeurs ...".
Sabon, apprenti horloger de Genève, qui a fait les campagnes de 1806 et 1807 comme Chef de musique du 69e, dit dans ses Mémoires, publiés en 1858 (Carouge, très rare), sous le titre : Mémoires du Petit Louis : "Notre brigade (69e et 76e) eut plusieurs combats à soutenir contre 14000 Prussiens qui fuyaient devant nous. A Soldau, ils coupèrent le pont; mais à la faveur de la nuit, le 25 décembre, nos sapeurs le rétablirent; la ville fut occupée par nous à 3 heures du matin, sans qu'il fût nécessaire de donner un coup de baïonnette, mais bien après une fusillade soutenue, qui valut au colonel Brun des compliments mérités, de la part de l'Empereur, qui avait envoyé là un général sans énergie, lequel faillit faire manquer l'expédition. Elle ne réussit que parce que le colonel prit tout sous sa responsabilité. Nous étions seulement 5000 combattants, sans artillerie, pour en poursuivre 14000". Les Mémoires de Sabon sont en contradiction sur plusieurs points avec le rapport du Maréchal Ney. L'extrait que nous avons donné nous a paru néanmoins très intéressant à consulter.
"Vers dix heures du matin, les premiers tirailleurs de la division Marchand apparurent sur la route qui vient de Kudsburg par Riwocin et Kurkau. Le général Vonderweidt fit faire alors une première tentative pour enlever Niederhof par la chaussée de Kurkau, mais l'artillerie... enfilait ce long défilé de 800 mètres et fit échouer l'attaque. La brigade française porta alors son effort contre Kyschienen, dans l'espoir de gagner ensuite Soldau par la chaussée nord. Les tirailleurs de Rüchel furent facilement chassés de Kyschienen; en se retirant par la chaussée, ils furent suivis pied à pied par les voltigeurs du 69e appuyés par deux compagnies du 76e qui franchirent le pont sous un feu très vif. Etant donné la confusion qui régnait sur la chaussée, où les troupes des deux partis étaient mélangées, le général Hartmann ne crut pas devoir faire entrer en action la batterie de 12 et lui donna l'ordre de battre en retraite. Les deux pièces qui étaient sur la chaussée eurent une partie de leurs chevaux et de leurs servants tués et tombèrent entre les mains du 69e. L'infanterie du 6e corps put dès lors pénétrer dans la ville et s'y installer avant que l'ennemi ait eu le temps de faire une résistance sérieuse". Mais, Dierike, averti, revient vers la porte d'Allemagne, et, après une préparation d'artillerie, son infanterie "poussa jusqu'à la porte, pénétra dans la ville par une entrée latérale et parvint à progresser jusqu'à la place du Marché; mais, là, elle se heurta à une résistance très énergique des 69e et 76e de ligne, dont une partie occupait les maisons; les assaillants durent rétrograder et repasser en désordre la porte d'Allemagne. Les Français les poursuivirent de près, mais dès qu'ils voulurent déboucher de Soldau, ils tombèrent sous le feu des canons de Diericke et furent contraints à rentrer dans la ville" (Revue d'Histoire).
Le Général L'Estocq se met en retraite, le 26, à 2 heures du matin, sur Neidenburg. La Brigade engagée a eu 50 tués et 200 blessés; l'ennemi laisse entre les mains des Français 2 canons, un drapeau (le IXe Bulletin de la Grande Armée dit : "6 canons et quelques drapeaux", 300 prisonniers; il a perdu 600 hommes tués ou blessés.
Le même jour, les Russes ont été battus à Pultusk et Golymin.
Le 28 à 7 heures du soir, Ney adresse au Major général, depuis Soldau, un rapport dans le but de lui faire connaître ses dispositions pour la journée du 29 décembre : le Général Colbert, avec les 3e Hussards et 10e Chasseurs, 4 Compagnies de Voltigeurs des 69e et 76e, et 1 Compagnie d'artillerie légère, ira de Neidenburg sur Willenberg; il sera suivi de la Brigade Marcognet. Le Général Marchand enverra, de très bonne heure, sa lère Brigade de Mlawa sur Willenberg, par Janow, tandis que sa 2e Brigade se portera de Soldau à Neidenburg (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
L'Armée française va donc pouvoir prendre ses quartiers d'hiver. Selon L. Landais, le 6e Corps est placé aux environs de Soldau, de Mlawa et de Chorzellen, le Quartier général à Neidenburg, à l'origine des affluents de la Narew, reliant la Grande Armée au 1er Corps, cantonné à Osterode. Selon Fresnel, la Division Marchand s'établit aux environs d'Osterode, couverte par la Passarge.
Le Maréchal Ney, encore à Neidenburg, fait part de son projet à l'Empereur, le 31 décembre 1806, dans un rapport au major général, dont nous donnons l'extrait suivant :
"Demain, 1er janvier 1807, la Brigade du général Marcognet (69e et 76e) quittera, à Ortelsburg, la grande route de Koenisberg pour se diriger sur Passenheim et appuyer à la droite de celle du général Labassée (27e et 59e) qui occupera, ce même jour, l'intervalle de terrain de Hohenstein à Passenheim ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Le 1er janvier, ordre est expédié, de Pultusk, au Maréchal Ney, de prendre ses cantonnements à Neidenburg, de couvrir Thorn et de se concerter pour le reste avec le Maréchal Bernadotte.
Situation du 6e Corps au 1er janvier 1807 (Nafziger - 807FXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482 |
Les soldats doivent loger dans les villages, protégés dans leurs cantonnements par un rideau de cavalerie et d'infanterie légère. L'Empereur a ordonné à ses Maréchaux de ne pas laisser dépasser à leurs troupes les cantonnements qui leurs ont été assignés.
Situation de la Grande Armée - campagne d'hiver - janvier 1807 (Nafziger - 807AAA) Sources : Foucart P., "Campagne de Pologne (novembre-décembre 1806 - Janvier 1807 (Pultusk et Golymin) d'après les Archives de la Guerre, Librairie Militaire Berger-Levrault & Cie, Paris, 1882 |
Situation du 6e Corps - janvier 1807 Source : Quintin - Eylau (Livrets de situations de la Grande Armée conservés au SHD, Département Terre, sous la cote C2-617) |
Ney pourtant transgresse cet ordre, pour deux raisons : le manque de vivres, et peut être aussi le désir d'être le premier à entrer dans Koenigsberg. La première raison est sans doute la plus évidente. En effet, le pays a été ruiné par le passage des troupes russes et françaises, par les batailles de Pultusk et de Golymin, et les villages sont complètement dévastés. Jusqu'au 20 janvier 1807, on passe le temps à réunir les bestiaux dispersés et à fouiller les campagnes pour y découvrir les blés et les légumes cachés sous terre par les habitants en fuite. Les premiers jours sont très pénibles : en effet, le terrain, naturellement fangeux, est rendu impraticable par la neige et les pluies incessantes; on peut à peine conduire l'artillerie en doublant les attelages. Aussi, le 11 janvier, le 6e Corps quitte ses cantonnements : l'avant garde occupe Bartenstein; la 1ère Division occupe Allenstein. Ney conclut alors un armistice de quelques jours avec les Prussiens. Peu à peu la situation s'améliore. "Les vins, dit Thiers, nécessaires à la santé du soldat et à sa bonne humeur,... arrivaient aussi... L'infatigable Ney... faisait des expéditions hardies, mettant ses soldats en traîneau dès qu'il gelait, et maraudait jusqu'aux portes de Koenigsberg...".
Emplacement des troupes du 6e Corps d'armée dont le mouvement s'opèrera du 7 au 8 janvier 1807 Division du Général Marchand, quartier général à Osterode Rassemblement général à Passenheim Source : Foucart, "La campagne de Pologne, novembre 1806, janvier 1807", tome II |
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 10 janvier 1807 (Nafziger - 807AXB) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Vers la mi-janvier 1807, le 6e Corps a la composition suivante :
Avant-garde, sous le Général Colbert, avec le 3e Hussards, le 10e Chasseurs, 6 Bataillons d'élite et 1 Compagnie d'artillerie légère.
2e Division (Général Marchand) : Brigade Bélair (6e Léger, 39e de Ligne) ; Brigade Marcognet (69e et 76e de Ligne).
3e Division (Général Gardanne) : Brigade Roguet (25e Léger et 27e de Ligne) ; Brigade Labassée (50e et 59e de Ligne).
Les six Bataillons d'élite du 6e Corps sont commandés par des chefs choisis et ont pour les diriger le Colonel Lamartinière (Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 353).
Le 14 janvier, le Maréchal Ney fait partir de Bartenstein pour Varsovie le Colonel Jomini, son premier Aide de camp, porteur d'un rapport qu'il doit remettre au Major général. Jomini atteint le grand quartier général de Varsovie, le 18 janvier (distance de 250 kilomètres parcourue à raison de 60 kilomètres par jour) : "... Le général Marcognet continuera d'occuper Passenheim et Bischoffsburg avec les 69e et 76e de ligne ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
5/ Campagne d'hiver
L'Empereur, nous l'avons dit, avait interdit à ses lieutenants de dépasser les limites assignées à leurs quartiers; aussi, lorsqu'il apprend que Ney a transgressé ses ordres, il manifeste d'abord un grand mécontentement, lui ordonnant de reprendre ses premiers cantonnements.
Emplacement du 6e Corps le 20 janvier 1807 au soir 2e ligne : Un bataillon... du 76e, Général Marcognet..., Bichoffsburg Source : Foucart, "La campagne de Pologne, novembre 1806, janvier 1807", tome II |
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 20 janvier 1807 (Nafziger - 807AXD) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Cependant le Général Bennigsen, qui vient d'être nommé Généralissime de l'Armée russe, a résolu de tourner l'Armée française par sa gauche et de débloquer Danzig. Masqué par les bois et les marais, il a quitté l'ancienne position d'où il menaçe notre droite et est arrivé à Heilsberg sur l'Alle avec des masses considérables de troupe, menaçant directement les 1er et 6e Corps. Le 21 janvier, il se heurte aux troupes du Maréchal Ney, qui, de ce côté, forment une pointe en avant de la ligne de cantonnements français; l'avant garde de Ney, qui se trouve à Bartenstein, manque d'être enlevée. Il se met alors en retraite en direction de Gilgenbourg. Napoléon, quand il a acquis la certitude que le gros de l'armée russe est sur l'Alle, remercie alors le Maréchal Ney de lui avoir donné l'éveil, et lève aussitôt ses cantonnements pour marcher à l'ennemi, que Bernadotte a reçu l'ordre d'attirer à sa poursuite sur la basse Vistule.
Positions du 6e Corps le 21 janvier 1807 au soir 2e ligne : ... un Bataillon du 76e, Passenheim et en retraite de Bischoffsburg sur passenheim; un Bataillon du 76e, ... Mensguth Source : Foucart, "La campagne de Pologne, novembre 1806, janvier 1807", tome II |
Le 22 janvier, à 6 heures du soir, le Maréchal Ney expédie depuis Allestein son rapport au Major général : "... Le 69e et le 76e et les quatre régiments de dragons du général Grouchy se repliaient, le 20 et le 21, de Bischoffsburg sur Passenheim; cette colonne arrivera aujourd'hui à Neidenburg ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2; Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 138).
Emplacement du 6e Corps le 22 janvier 1807 au soir 2e ligne : 69e et 76e, route de Passenheim à Neidenburg juqu'à 2 ou 3 lieues, au delà de Jedwabno. Source : Foucart, "La campagne de Pologne, novembre 1806, janvier 1807", tome II. |
Grouchy écrit au Maréchal Ney, le 23 au matin : "Monsieur le maréchal, j'ai reçu dans la nuit, et longtemps après celle du 22 que m'a rapportée un officier d'état-major, une lettre du général Colbert, qui me fait part que votre intention est que je prenne une ligne intermédiaire entre Passenheim et Allenstein vers Wuttrienen et Balden, afin de couvrir votre principale communication, et qu'il faut rester là jusqu'à ce que le mouvement rétrograde soit terminé ; je change en conséquence les dispositions dont je vous avais rendu compte par ma lettre d'hier soir et je me porte avec ma division à Wultrienen et Balden ; j'ai un escadron à Passenheim, un détachement à Jedwabno et un fort poste intermédiaire à Schoenfelsdoy ; j'ai placé des escadrons à Layss, un régiment à Balden et le reste de ma division occupe Wultrienen.
Le général Marcognet se rend à Neidenburg ; il place un bataillon à Wallendorf et un à Napinoden. Le 76e régiment occupe Neidenburg, je me trouve donc entièrement séparé de lui par ma nouvelle division" (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 281).
"Nouvelles dispositions pour l’emplacement du 6e Corps, en conséquence du mouvement prononcé de l'ennemi sur le Corps d'armée du prince de Ponte-Corvo, et dans le but de couvrir la droite du 1er Corps et de lui laisser le temps de reprendre l'offensive.
Hohenstein, le 23 janvier 1807, à onze heures du soir.
L'ennemi paraissant diriger ses forces sur le Corps d'armée du prince de Ponte-Corvo, il est essentiel de couvrir sa droite et de lui laisser le temps de reprendre l'offensive.
En conséquence, les dispositions suivantes seront exécutées les 24 et 25 du courant ...
Le 76e étendra ses cantonnements jusqu'à Scholtau, route de Gilgenburg. — Le Général Marcognet à Neidenburg ..." (E. Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 1, p. 475).
Ney arrive à Gilgenbourg le 27, et se joint au 1er Corps qui se dirige sur Osterode. Ney prend position avec Bernadotte sur le plateau en arrière d'Osterode et soutient le choc avec son audace et sa vigueur accoutumées jusqu'à ce que Benningsen, qui a espéré tomber à l'improviste sur ses cantonnements, se mette en retraite en apprenant l'arrivée de l'Armée française qui se dirigeait vers Allenstein sur l'Alle. Le 2 février au matin, le 6e Corps part de Gilgenbourg, et arrive le 3 au matin à Allenstein.
Situation du 6e Corps au 1er février 1807 (Nafziger - 807BXC) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 2 février 1807 (Nafziger - 807BXB) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Mais Bennigsen, prévenu de ces mouvements par une dépêche interceptée, bat en retraite sur Eylau. L'armée française, divisée en trois colonnes, se met à sa poursuite. Le 6e corps, désormais dégagé, tient la gauche et marche vers la Passarge. Il arrive le 4 février à Scholitten, ayant échangé pendant toute la journée une fusillade continuelle avec l'arrière garde russe.
Le Général L'Estocq, avec les Prussiens, se trouvait sur la rive gauche de la Passarge. Le 6e Corps, chargé spécialement de le poursuivre, franchit le pont de Deppen, le 5 au matin. L'Estocq précipite sa marche pour franchir le passage à Wornditt, et laisse pour protéger sa retraite une arrière garde de 4000 hommes. Le 6e Corps l'attaque à Waltersdorf, près de Deppen. "La fusillade est forte, je marche à l'ennemi vers Wuchsnick et Waltersdorf", écrit au crayon le Maréchal Ney, des hauteurs de Wuchsnick, à une heure de l'après-midi. La Division Marchand se forme en quatre colonnes et se porte hardiment sur Truckeinen et Gertzogswalde, pendant qu'à sa gauche la Division Bisson, formée en bataille devant Waltersdorf, lui sert de pivôt. "L'attaque de l'infanterie a été vigoureuse, l'ennemi a été culbuté de toutes les positions au pas de charge jusqu'à Alt Reichau" (compte rendu du Maréchal Ney, envoyé de Liebstadt, le 5 février, à onze heures du soir). L'Estocq se met en retraite, laissant en arrière-garde 5 ou 6000 Grenadiers et 2000 cavaliers. La Division Marchand accentue alors son mouvement, sous la protection d'une belle charge de Dragons, et déborde complètement la gauche des Prussiens. Leur déroute est complète. Le 76e est lancé, avec le 69e, à la poursuite des fuyards. Il les conduit, la baïonnette dans les reins, jusqu'à Mohringen. Les trophées de la journée sont un drapeau, un canon et 3000 prisonniers (10 canons et 2500 prisonniers selon L. Landais), au nombre desquels le Général major von Kluchzner et 37 Officiers. Au cours du combat près de Deppen, le Capitaine Guillet a, selon Martinien, été blessé.
D. et B. Quintin notent au total pour le Régiment 1 homme mortellement blessé.
La nuit venue, le 76e revient bivouaquer devant Liebstadt où tout le 6e Corps est réuni. Il y reste au repos le 6 (selon L. Landais, le 6e Corps est à Wormditt le 6). Dans la nuit, Ney reçoit l'ordre de marcher sur Kreutzbourg à la poursuite des Prussiens. Il part le 7 au matin et après une marche de huit heures qui n'est point inquiétée, il traverse le champ de bataille de Hof, couvert de cadavres, et couche, le soir, à Landsberg. Le 8 au matin, le 6e Corps se remet en marche toujours vers Kreutzbourg, et rejoint l'arrière garde prussienne qu'il chasse devant lui. Pendant qu'il est ainsi aux prises avec le Général l'Estocq, une formidable bataille se déroule à quelques lieues de là à Eylau. L'action, commencée à huit heures du matin par une canonnade, se décide à l'avantage des Français. Ceux ci viennent de s'emparer du plateau situé entre Auklapen et Kuschitten, en refoulant le centre de l'armée russe, lorsque l'arrivée du corps de l'Estocq manque de changer les destins de cette journée.
Ce Général a en effet échappé au Maréchal Ney et, marchant au canon, débouche à Schmoditten sur le champ de bataille, précisément à l'instant où la gauche des Russes plie sous l'attaque du 3e Corps. L'Estocq voit l'état du combat; filant derrière l'armée russe, il accourt au soutien de l'aile gauche et chasse de Kuschitten les Français qui occupent ce village. Heureusement arrive à son tour le 6e Corps. Ney, informé à deux heures de l'après midi de ce qui se passe, débouche à la chute du jour du côté d'Althoff, s'empare de ce village et de celui de Schloditten, et des hauteurs de ce point, incendie avec son artillerie Schloditten. La Division Marchand met en ligne sa 1ère Brigade qui entre bientôt dans ce village.
A 6 heures du soir, depuis Althof, Ney écrit au Major général : "... La 2e brigade de cette division (69e et 76e, général Marcognet) reste en avant d'Althof ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Un 2e rapport, en date du 9, sans doute écrit par le Chef d'Etat-major de Ney, le Général Dutaillis, raconte : "... Le 6e corps, aux ordres du maréchal Ney, se dirigeait sur Kreuzburg lorsqu'il rencontra, en avant de Pompicken, un corps prussien qui parut vouloir faire résistance.
Les dispositions de Monsieur le Maréchal lui firent abandonner ce projet. Il effectua sa retraite, par Leissen, Graventien, cherchant à brûler le pont sur le ruisseau qui passe près de Drangsitten, traversa Althof, y laissant quelques fantassins qui se cachèrent dans les maisons, de sorte que le maréchal, se portant sur ce village avec son état-major et n'étant précédé que de quelques tirailleurs (éclaireurs) de son escorte, fut assailli d'une grêle de balles qui interrompirent quelques instants sa marche. A l'arrivée d'une pièce de canon, l'ennemi évacua de suite (le village) et fit sa retraite sur Schloditten.
Le 6e léger et le 39e de ligne (1re brigade de la 1re division) traversant rapidement le village (d'Althof) purent prendre position en avant de Schloditten, entre ce village et la route de Koenigsberg, le 6e à la droite du 39e, le 1er bataillon du 6e et le 2e du 39e formant des crochets (défensifs), l'un face à Eylau, l'autre, à Schloditten.
Les autres troupes furent disposées de la manière suivante :
La 2e brigade (69e et 76e) de la 1re division, en arrière de Schloditten, en partie couverte par la cavalerie du général Lasalle, placée à la gauche du village et à quelque distance.
Les 50e et 59e (2e brigade de la 2e division) en arrière de la 2e brigade de la 1re division, le premier ayant la gauche appuyée à un bois, et ses deux bataillons étant de part et d'autre du chemin de Hoff à Schloditten. Les 25e léger et 27e de ligne (1re brigade de la 2e division) ainsi que les dragons, en réserve derrière Althof avec quelques piquets de cavalerie en observation à Graventien et Drangsitten.
Cette position fut prise à la tombée de la nuit. On tira plusieurs coups de canon dans la direction d'Eylau, ignorant si l'ennemi l'occupait encore, et dans celle de Anklappen et de Kuschitten ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Benningsen, craignant d'être enveloppé, dirige contre ce village six Bataillons de Grenadiers qu'il tenait en réserve, mais ils sont si vigoureusement reçus qu'ils n'osent pas tenter une seconde attaque et se replient. Benningsen prend alors le parti de la retraite. L'armée victorieuse passe la nuit sur le champ de bataille, le 6e Corps à Althoff et Schloditten.
"... Trois colonnes russes, profitant de la nuit, vinrent attaquer le 39e et le 6e léger; celle de gauche, principalement, réitéra plusieurs fois ses attaques, sans succès, sur le 6e léger, qui ne répondit à la dernière qu'à bout portant. La contenance ferme de ces régiments fit abandonner à l'ennemi le projet d'une nouvelle attaque. Les Russes se retirèrent en désordre, laissant un grand nombre de tués et de blessés sur le champ de bataille ..." (2e rapport; H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Dans un autre rapport du Général Dutaillis, il est dit : "... La brigade du général Roguet, très en arrière, déboucha de Pompicken alors qu'il était nuit, et un malentendu la fît diriger sur Kreuzburg; elle y trouva l'ennemi en forces, c'est-à-dire 3,000 hommes d'infanterie et 1,000 chevaux, l'attaqua aussitôt et le repoussa. Cette brigade reçut alors l'ordre de venir prendre position derrière le village de Drangsitten. Elle laissa 4 compagnies du 76e et un piquet de cavalerie à Pompicken pour garder la communication de Kreuzburg à Landsberg ..." (2e rapport; H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", t.2).
Tard dans la soirée, Ney rédige ses ordres pour le lendemain : les 69e et 76e doivent être à Althof (H. Bonnal).
Après Eylau, les deux Armées ont besoin de repos. Le 6e Corps a encore quelques affaires brillantes qui assurent la sécurité de ses cantonnements, inchangés jusqu'au 16 février; ils sont simplement plus étendus pour assurer la sécurité des approvisionnements. Le 76e n'est pas engagé. Le 6e Corps, placé au centre, a son quartier général à Mülhausen, ayant à sa droite le 3e Corps et à sa gauche le 4e établi à Schmoditten. Cependant, l'armée a beaucoup souffert de cette courte campagne; l'effectif du 6e Corps est diminué de moitié; les vivres manquent, et pour s'en procurer, les soldats quittent leurs drapeaux. Il y a environ 60000 absents, presque tous maraudeurs. Le froid descend à 10 degrés.
Le 17 février commence la retraite : le 6e Corps est chargé de l'arrière garde; il arrive à Freymark le 19, en passant par Eylau et Landsberg; le 20, il parvient à Guttstadt et y reste 8 jours.
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 20 février 1807 (Nafziger - 807BXA) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Le Maréchal Ney dit, dans son Ordre du jour du 22 février 1807, concernant les dispositions générales pour le 23 : "Par suite des ordres de Sa Majesté, le 6e corps occupera Guttstadt et Allenstein, placera son parc, ses magasins et ses ambulances dans un point intermédiaire d'Allenstein à Osterode. La troupe sera cantonnée de manière à pouvoir se réunir en deux marches à Osterode, point de rassemblement général de la Grande Armée. En conséquence...
La brigade du général Marcognet, les 69e et 76e ainsi que l'état-major de la 1re division, à Guttstadt. Lieu de rassemblement de la division, Guttstadt ..." (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 270).
Le 76e cantonne dans la vallée même, et en dehors d'une prise d'armes au commencement de mars, il reste aux environs de Guttstadt jusqu'au 5 juin. Dans le compte rendu du Maréchal Ney au Maréchal Berthier, à la date du 25 février 1807, le Commandant du 6e Corps dit que le 69e et le 76e formant réserve, tiendront garnison à Guttstadt, et garderont par des postes extérieurs toutes les communications qui aboutissent à la ville sur les deux rives de l'Alle, ainsi que le pont de Kosen. Il ajoute : "Les compagnies de voltigeurs des 50e, 59e, 69e et 76e, qui continuent à rester sous les ordres du général LassaIle occuperont les mêmes villages que les régiments de cavalerie".
Le 28, Ney se porte à Allenstein. Le 2 mars, l'Empereur, voulant ôter à l'ennemi l'envie d'inquiéter nos cantonnements, envoie au 6e Corps l'ordre de reprendre Guttstadt; ce mouvement est soutenu par les 1er, 3e et 4e Corps. Les Russes évacuent la ville ainsi que les postes qu'ils ont entre l'Alle et la Passarge, se retirant sur Heilsberg et Landsberg, poursuivis de poste en poste par les troupes du 6e Corps.
Le 4 mars au soir, Ney rend compte du combat qui s'est engagé dès le matin et une partie de la journée; ce Rapport est envoyé, le 5 mars 1807, depuis Guttstadt, au Ministre de la Guerre : "J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Altesse que l'ennemi continue d'occuper avec environ 40.000 hommes d'infanterie et cavalerie la position de Launau ; mais je ne puis distinguer ce qu'il y a vers Heilsberg, quoique les fumées des bivouacs annoncent la présence d'une réserve. Les avant-postes bordent la forêt, de la route de Launau à Freymarkt, jusque vis-à-vis de Peterswalde et de Zechern. Les sentinelles de part et d'autre et les vedettes à cheval sont à demi-portée de pistolet. Je puis écraser toute cette troupe à coups de mitraille ; mais j'ai défendu de tirer un coup de canon ni de fusil, parce que si le maréchal Soult appuyait mon attaque sur Launau, je ne crois pas que l'ennemi puisse sauver ni infanterie ni canons ...
Voici les dispositions que j'ai prises ce matin pour me concentrer davantage et être en mesure de repousser toute agression de la part de l'ennemi.
Le 59e est venu remplacer le 50e, que j'ai placé en seconde ligne derrière Zechern et Peterswalde ;
Le 6e d'infanterie légère est venu prendre position à la tête du bois pour remplir l'intervalle de Zechern à Peterswalde. Le 76e a remplacé ce régiment à Schmolainen ;
Le 27e de ligne à Peterswalde ;
Le 25e d'infanterie légère à Mawern, Rosenbeck et Gronau, soutenu par le 39e à Altkirch ;
Le 69e, à Guttstadt ;
La cavalerie légère du général Lasalle à Zechern et Peterswalde ; il y a aussi deux régiments de dragons dans ce dernier endroit ; les deux autres sont en réserve à Schmolainen ;
Les 3e hussards et 10e chasseurs à Mawern, Rosenbeck et Gronau, communiquant avec les troupes du maréchal Soult à Benern.
J'attends les ordres de Sa Majesté et la troupe est prête à marcher à l'ennemi" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 298; Bonnal H. : « La vie militaire du Maréchal Ney », Chapelot, Paris, 1910, tome 2, p. 434).
Il n'y a d'affaire un peu chaude que le 5 mars, dans les bois entre Launau et Zechern; les Russes y ont 200 tués, beaucoup de blessés, 300 prisonniers. Le Maréchal Ney établit définitivement son Quartier général à Guttstadt; son avant garde est à Peterswald, occupant ainsi l'espace entre la Passarge et l'Alle. C'est la fin de la campagne d'hiver.
Les troupes, couvertes par leurs avant-postes établis en face des grand'gardes russes, campent au bivouac, et emploient leur temps à élever des ouvrages de campagne et à construire des abatis, pour augmenter la valeur défensive de leurs positions. Les Russes prennent également leurs quartiers d'hiver, plaçant leurs grand'gardes en face de celles du maréchal Ney; pendant trois mois, les deux armées restent tranquillement dans leurs cantonnements.
Le 6 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, à Daru, Intendant général de la Grande Armée : "Monsieur Daru, faites une circulaire à tous les commissaires des guerres, pour leur faire connaître les points sur lesquels ils doivent diriger les hommes isolés des différents corps d’armée, ainsi que les bagages et effets desdits corps. Vous y joindrez l'état des corps qui composent chaque corps d'armée, conformément au tableau ci-joint ...
6e corps
... 76e de ligne ...
Dépôts à Fordon ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14497).
Les Régiments reçoivent des renforts, et quelques modifications sont faites sur l'organisation des Corps. Le 2e Bataillon du 76e change encore de chef; le commandement en est donné au Chef de Bataillon de Zimmer. La Division Marchand prend enfin le nom de 1ère Division (l'ancienne 1ère Division (Division Dupont) ne cesse que le 1er février 1807 de compter au 6e Corps dont elle était cependant détachée depuis la prise d'Ulm en 1805) et la Division Bisson devient la 2e. Le Général de Brigade Roguet passe à la Division Bisson et est remplacé à la Division Marchand par le Général Marcognet (le Général Marcognet, appartenant depuis longtemps au 6e Corps, était bien connu du 76e. "Le jour de la prise de Scharnitz, que sa brigade attaquait de front, Marcognet, dit le duc de Fezensac dans ses souvenirs, ordonna à un tambour de rester près de lui en portant une tête de chou au haut d'une perche et de l'abattre, s'il était tué. Il dit ensuite à haute voix au 25e Léger qui allait escalader le rempart : Tant que vous verrez la tête du chou, vous direz : Pierre Marcognet est là. Si vous ne la voyez plus, le colonel prendra le commandement". Tel est le chef sous les ordres duquel le 76e va aborder l'ennemi). Dans la Division Marchand, les 39e et 69e de Ligne changent de Brigade entre eux; de sorte que désormais le 76e brigade avec le 39e (Brigade Marcognet), 2e Brigade de la 1ère Division (Marchand). Avec l'Artillerie et le Génie, le 6e Corps a un effectif de 17526 hommes.
Situation du 6e Corps au 15 mars 1807 (Nafziger - 807CXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 19 mars 1807 (Nafziger - 807CXB) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Le 22 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Maréchal Kellermann, commandant un Corps de réserve de Gardes nationales : "Mon cousin, mon intention est de compléter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs de la division Oudinot à un effectif de 150 hommes. Je désire en conséquence que vous fassiez réunir, conformément au tableau ci-joint, différents détachements d'hommes. De 5 pieds 4 pouces pour les grenadiers et de 4 pieds 11 pouces ou 5 pieds bien constitués pour les voltigeurs. Ces détachements peuvent partir sans sous-officiers, en désignant les meilleurs sujets pour en faire les fonctions pendant la route. Après en avoir passé la revue et avoir pourvu à ce que leur habillement et armement soient parfaitement en état, vous les ferez conduire par des officiers d'état-major, pour Thorn ...
76e de ligne 47 [Pour les grenadiers] 48 [Pour les voltigeurs] ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14811).
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 30 mars 1807 (Nafziger - 807CXC) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
L'Empereur profite du répit que la rigueur de la saison impose aux deux Armées pour récompenser les Officiers, Sous-officiers et soldats qui se sont fait remarquer par leur courage depuis le commencement de la guerre. Le 31 mars, il écrit depuis Osterode au Major général, le Maréchal Berthier : "Vous enverrez à chaque maréchal ce qui, dans les dispositions suivantes, concerne son corps d'armée, et sans que l'un connaisse ce qui regarde l'autre.
1° Il est accordé aux régiments dont l'état suit 18 aigles de la Légion d'honneur, dont 9 aux officiers et 9 aux sous-officiers et soldats qui se sont fait remarquer par leur courage et leur bonne conduite, depuis le commencement de la guerre de la quatrième coalition :
… 76e ... d'infanterie de ligne ...
Du moment que les maréchaux auront reçu ma décision, ils ordonneront à chaque général de division de réunir chez lui les colonels et chefs de bataillon de chaque régiment, ainsi que les généraux, de brigade, et de dresser un procès-verbal qui constate les individus qui méritent le mieux la décoration. Ce procès-verbal sera envoyé au maréchal commandant le corps d'armée, qui le transmettra, avec ses observations, au major général. Tous ces procès-verbaux devront être arrivés avant le 6 avril. Le 7, le major général me les soumettra …" (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12240 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 145013). Cette lettre est la préparation du Décret du 14 avril 1807.
"Par décret rendu au camp impérial de Finckenstein, le 14 avril 1807, Sa Majesté a nommé membres de la Légion d'Honneur, les militaires ci-après désignés :
76e régiment d'infanterie de ligne.
MM. Badin, Cassan, Bellanger, Lagrenade, capitaines ; Donadieu. Giquel, Barbas, lieutenans; Cucu, Michel, sous-lieutenans; Dupieux, sergent; Bourcier, sergent-major; Imbert, Barbier, Germain, sergens; Brunot, Lachambre, caporaux ; Pointier, grenadier; Murine, fusilier" (Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 4 / par Adrien Pascal).
Dans l'Historique régimentaire, il est dit que les Capitaines Badin François, Cassant François, Bellanger et La Grenade, les Lieutenants Donadieu, Gicquel et Barba Pierre, les Sous-lieutenants Cucu et Michel, le Sergent-major Bourcier, les Sergents Dupieux, Imbert, Barbier et Germain, les Caporaux Brunot et Lachambre, le Grenadier Pointier et le Fusilier Murme sont nommés membres de la Légion d'Honneur.
L'effectif du 76e a été renforcé de plus de 500 hommes; il est à la date du 1er avril de 2031 hommes (voir également les chiffres après la journée de Friedland).
Emplacement des troupes de l'Empire français à l'époque du 1er avril 1807
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Numéros des Régiments, et noms des Colonels |
Majors, Chefs de Bataillon et Quartiers-maîtres |
Numéro des Bataillons |
Emplacement, et conscription de l'an 1807 |
Division Militaire |
76e La Jonquière |
Courtois |
Major |
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5e |
Situation du 6e Corps au 15 avril 1807 (Nafziger - 807DXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483, 484 |
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 15 avril 1807 (Nafziger - 807DXB) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Le 21 avril 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Maréchal Kellermann, commandant un Corps de réserve de Gardes nationales : "Mon cousin, dans l'état de situation de votre armée de réserve au 15 avril, je trouve ...
Que le 44e avait 462 hommes ; pourquoi n'en enverriez-vous pas 300 hommes ...
Je suppose que si vous ne les avez pas fait partir, c'est qu'ils n'étaient pas habillés. Mais moyennant l'autorisation que je vous ai donnée de les envoyer non habillés dans les régiments provisoires et de garnison, je pense que vous les avez mis en route ...
Je vois, par le même état, que vous pourriez faire partir également de Strasbourg :
du 3e régiment de ligne 500 hommes
... du 76e idem 250 ...
Je suppose donc que tout cela sera parti ; si ce ne l'était pas, faites-le parti sans délai ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15379).
Selon un "Etat sommaire des Hommes du 6e Corps d’Armée prêts à combattre", daté de Guttstadt, le 25 avril 1807, le 76e de Ligne, à la 1ère Division, compte 1883 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 155).
Selon un "Etat dressé en conséquence des dispositions de la lettre de S. E. le Maréchal Ney en date du 26 avril courant", le 76e Régiment d'infanterie de ligne a, à cette date, 9 hommes rayés des contrôles, absents depuis trois mois sans autorisation; 14 hommes absents depuis moins de trois mois et rayés provisoirement; 18 hommes reconnus déserteurs et jugés par contumace; 19 hommes prisonniers de guerre (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 57).
Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 30 avril 1807 (Nafziger - 807DXC) Source : Archives françaises, Carton C2 481 |
Situation du 6e Corps au 1er mai 1807 (Nafziger - 807EXA) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 484 |
Le 8 mai 1807, le Maréchal Ney écrit, depuis Guttstadt, au Ministre de la Guerre : "… Je fais tracer aujourd’hui les positions que les régiments occuperont d’ici à quelques jours.
Les corps baraqueront séparément, mais assez rapprochés pour présenter des masses en cas d'attaque. Cette disposition est plus convenable au terrain que j'ai à défendre. Les divisions forment des échelons entre elles, couvrent les principales communications de Liebstadt et Deppen et peuvent se réunir très promptement dans les positions défensives indiquées pour chacune d'elles.
Voici l'emplacement des campements par régiment :
1ère division ...
2e brigade, le général Marcognet, à Altkirch : 39e infanterie de ligne, a la droite ; 76e de ligne, à la gauche, sur les hauteurs en arrière d'Altkirch.
Cette brigade formera les postes pour couronner la forêt depuis Peterswalde exclusivement jusqu'à Beiswalde.
2e division.
1ère brigade, le général Roguet, à Scharnick.
25e légère, sur les hauteurs en avant de Linguenau, occupant Beiswalde et se liant avec le 76e ..." (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 69).
Situation du 6e Corps au 10 mai 1807 (Nafziger - 807EAL) Sources : Cazalas E., Mémoires du Général Bennigsen, Paris. |
Situation du 6e Corps au 15 mai 1807 (Nafziger - 807EXB) Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 484, 485 |
Le 21 mai 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "J’ai reçu les états de situation que je vous avais demandés. Les 20000 hommes de la réserve doivent être distribués de la manière suivante :
12000 hommes à l'infanterie de ligne et légère conformément au tableau ci-joint.
… Répartition de 12 000 hommes de la réserve de 1808 entre les corps ci-après de l'infanterie de ligne et de l'infanterie légère.
INFANTERIE DE LIGNE
CORPS NOMBRE DES CONSCRITS
... 76e 200 ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15681).
Composition du 6e Corps du Maréchal Ney au 31 mai 1807 :
1ère Division, Général Marchand : 6e Léger, 69e, 39e et 76e de Ligne, 10 Bataillons, 6673 hommes.
2e Division Bisson : 25e Léger (3 Bataillons), 27e, 50e et 59e de Ligne, 9 Bataillons, 6448 hommes.
3e Division, Général N. : En formation ; 1510 hommes.
Artillerie, Génie et Gendarmerie, 24 pièces, 1331 hommes.
Cavalerie légère, Général Colbert : 3e Hussards, 10e et 15e Chasseurs : 9 Escadrons, 935 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 302).
6/ Combats de Guttstadt et de Deppen
Benningsen a établi son armée autour d'Heilsberg sur l'Alle, où il a construit un vaste camp retranché. Il en sort le 5 juin, espérant toujours surprendre nos quartiers, et cette fois encore c'est le 6e Corps qui supporte le premier choc. Napoléon de son côté avait pris ses dispositions pour attaquer le 10. Il est donc devancé de cinq jours, mais ses troupes sont déjà rassemblées au bivouac et prêtes à combattre.
Attaqué dès 6 heures du matin par des forces très supérieures, le 6e Corps se déploie rapidement. Le 76e reçoit l'ennemi avec une extrême vigueur à Amt-Guttstadt.
Bennigsen, dans ses Mémoires, raconte : "… Le prince Bagration marcha avec rapidité sur Altkirch. Quand il l'eut atteint, il y trouva le général Marcognet avec la 2e brigade de la division, composée des 39e et 76e en position, qui fut bientôt renforcée par la brigade, composée des 6e et 69e de ligne, qui accoururent le premier d'Amt-Guttstadt et le second de Kossen. Le prince Bagration, pour ne pas donner le temps à l'ennemi de faire arriver encore plus de troupes, l'attaqua sur deux points dans cette position avantageuse …" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 141).
"Vers midi, écrit Ney à Davout, l'action était tellement vive que toutes les brigades tour à tour et souvent les divisions réunies n'ont cessé de faire le feu de deux rangs et de bataillon". A 2 heures, la retraite commence sur Deppen et Ankendorf. Le 6e Corps est débordé par ses deux ailes depuis 8 heures du matin. Néanmoins le mouvement rétrograde s'effectue "dans le plus grand ordre et avec un ensemble qu'on obtient rarement dans une affaire aussi chaude..." (lettre de Ney à Berthier datée d'Ankendorf, le soir même de l'engagement). Pendant cette journée, qui est une des plus rudes pour le 76e, le Régiment doit s'arrêter plusieurs fois pour se former en carré et recevoir les nombreuses charges de cavalerie que les Russes ont "multipliées avec obstination" (lettre de Ney à Davout). Pas un seul peloton n'est rompu; mais les pertes sont grandes : le 6e Corps a environ 1800 tués ou blessés, l'ennemi un nombre quadruple. Au 76e, le Lieutenant Louis Robin et le Sous-lieutenant Jérôme Nasiès ont été tués; le Capitaine Alexandre David a reçu un coup de feu à la cuisse droite, les Lieutenants Louis Vigne et Rispaud d'Aiguebelle sont légèrement blessés et le Lieutenant Jean Quoniam a reçu un coup de feu à la main gauche. Martinien ajoute le Capitaine Renoud, le Lieutenant Michel et le Sous lieutenant Soudey, blessés.
Le lendemain, dès 5 heures du matin, le 6e Corps est assailli de nouveau par des forces supérieures. Le Général du Tailly, Chef d'Etat-major du 6e Corps, estime, à six heures du matin, les forces de l'ennemi à 25 ou 30000 hommes. A midi, le Maréchal Ney écrit à l'Empereur : "La journée d'hier a été glorieuse pour le corps d'armée... celle d'aujourd'hui est une vraie bataille livrée avec 9 régiments et environ 600 cavaliers contre au moins 10000 hommes de cavalerie, 30000 d'infanterie et plus de 60 bouches à feu". L'écrivain russe Plotho, parlant de la journée de Deppen, s'exprime ainsi : "Les Français, maîtres passés dans l'art de la guerre, résolurent ce jour là le problème si difficile d'entreprendre sous les yeux d'un ennemi de beaucoup plus fort et pressant vivement, une retraite devenue indispensable et de la rendre le moins préjudiciable possible. lls s'en tirèrent avec le plus grand savoir-faire. Le calme et l'ordre en même temps que la plus grande rapidité qu'apporta le corps de Ney à se rassembler au signal de trois coups de canon; le sang-froid et la circonspection attentive qu'il mit à exécuter sa retraite, pendant laquelle il opposa une résistance renouvelée à chaque pas et sut tirer partie en maître de chaque position, tout cela prouva le talent du capitaine qui commandait les Français et l'habitude de la guerre portée chez eux à la perfection".
"Nos troupes se battent bien. Elles sont braves. Elles l'ont prouvé dans la journée d'hier", écrivait du Tailly à 6 heures du matin. A 11 heures, débordé comme la veille, le 6e Corps doit rétrograder. Le mouvement s'effectue par échelon de Division sous la protection de l'Artillerie. Arrivé au défilé de Deppen, il doit soutenir le choc d'une charge générale par laquelle Benningsen espère jeter le désordre dans les rangs français. "Mes régiments, écrit Ney à l'Empereur, ont alors exécuté le feu de deux rangs et de bataillon comme à la manceuvre. Les conscrits se sont montrés dignes des anciens soldats... Enfin tous les généraux, colonels et officiers, ont rivalisé de bravoure et de vigueur". A 3 heures, les Russes renoncent enfin à entamer les Français. Après avoir pris et repris six fois le village de Deppen, ils se replient enfin, laissant le Maréchal Ney maître de ce point et du pont sur la Passarge. Les pertes de l'ennemi sont encore doubles de celles des Français. Au 76e, le Lieutenant Vigne, blessé la veille, a été tué; le Capitaine Claude-René Bellanger, les Sous-lieutenants Adolphe Paulin et Pierre-Benoist de Tarbé sont blessés; le Sous-lieutenant Charles-Eugène Montoviller a reçu un coup de feu au téton droit. Martinien ajoute le Capitaine Rispaud d'Aiguebelle, blessé. L'Etat des pertes certifié par l'Adjudant commandant Béchet, le 76e a eu du 5 au 10 juin 3 Officier et 3 soldats tués, 26 Officiers et 265 soldats blessés et 43 soldats égarés ou pris. C'est le Régiment du 6e Corps qui a été le plus éprouvé et qui a laissé le moins de prisonniers aux mains de l'adversaire.
Le sang-froid et la valeur du 6e Corps ont permis à l'armée de se former. Ney, il est vrai, a été obligé de céder le terrain; "mais, comme le dit Giguet (T. 11, p. 212), il eut la gloire de pénétrer les desseins de l'ennemi, de contenir les têtes de colonnes qui cherchaient à l'envelopper, et enfin de les prévenir sur la Passarge sans être entamé". Napoléon, au premier coup de canon, a appelé à lui ses intrépides lieutenants, Davout, Lannes, Mortier, Murat. Dès le 6 au soir, il franchit la Passarge. Bientôt Guttstadt est enlevé; et Benningsen, rejeté dans son camp d'Heilsberg, est coupé de L'Estocq qui, filant le long du Frische Haf, se retire sur Koenigsberg.
7/ Bataille de Friedland
Le 6° corps, dégagé par l'entrée en ligne de toute l'Armée, se repose pendant deux jours sur la rive gauche de la Passarge, en arrière de Deppen. Le 9 juin, il se remet en marche pour prendre part aux grandes opérations qui se préparent. Napoléon, après avoir inutilement fait assaillir Benningsen dans son camp retranché d'Heilsberg, renonçe à le déloger de vive force et se dirige sur Eylau avec Soult, Davout et Murat, pendant que Lannes (3e Corps) et Mortier (8e Corps) reçoivent l'ordre de descendre le cours de l'Alle par la rive gauche. Cette manoeuvre menace directement Koenigsberg, dernier boulevard de la monarchie prussienne. Benningsen prend alors une résolution énergique : il brûle les ponts de l'Alle, lève son camp d'Heilsberg et descend en toute hâte le cours de la rivière par la rive droite, pour aller prendre position sur le Prégel, et y défendre l'ancienne capitale de la Prusse teutonique. Arrivé devant Friedland, il croit surprendre l'Armée française dans sa marche de flanc. Le 13 juin, il commençe à passer l'Alle, refoule les éclaireurs de Lannes qui arrivent à Friedland par la rive gauche, et se dispose à livrer bataille le lendemain. Le 13, en se jetant avec toutes ses forces sur le 5e Corps français, puis sur le 8e qui suit de près, Benningsen pouvait peut être les écraser; le 14, il était trop tard.
Dans le mouvement général de l'Armée française, le 6e Corps et le 1er ont reçu l'ordre de suivre le 3e et le 8°. Comme nous l'avons dit, le 6e Corps a quitté Deppen le 9 juin. Le 76e couche le soir à Guttstadt. Tout le Corps d'armée est concentré autour de ce point. Le 10, le Régiment arrive à Launau où il passe la journée du 11. Le 12, il atteint Eichorn et le 13, Smoditten. La Divison Marchand tient la tête du 6e Corps. Aussitôt que l'Empereur est informé de la résistance qu'a trouvée le 3e Corps, il ne doute plus que Benningsen a l'intention de gagner Koenigsberg en passant l'Alle à Friedland et il ordonne, le 13 au soir, à Ney et à Victor (qui commande le 1er Corps en l'absence de Bernadotte, qui a été blessé au cou à Guttstadt) de se diriger sur cette ville dès le lendemain matin.
Ordre de bataille français le 14 juin 1807 (Nafziger - 807FAE) |
Lannes a pris position à Posthenen et s'étend de Sortlac à Heinrichsdorf, gardant ainsi la route d'Eylau et celle de Koenigsberg. Benningsen, sentant bien qu'il n'y a pas de temps à perdre, commence à se déployer dès 3 heures du matin : Gortschakoff à droite, Bagration à gauche entre le Muhlen-Flüss et l'Alle, avec deux Divisions, la Garde impériale russe et tous les détachements de Chasseurs. La plus grande masse de sa cavalerie dans la plaine qui s'étend au nord du Muhlen-Flüss. La cavalerie de la garde, sous le Général Kollogribof, se range derrière le corps Bagration. Lannes, aidé par les Grenadiers d'Oudinot et la cavalerie de Grouchy, contient l'ennemi sur tout le front jusqu'à 7 heures. Enfin Mortier arrive; Lannes lui cède la gauche de sa ligne.
Cependant les Russes ont achevé leur déploiement et deviennent de plus en plus pressants sur les tous les points. Lannes, inquiet de la lutte homérique qu'il soutient depuis plus de 8 heures avec 26000 hommes contre 75000, a envoyé successivment tous ses aides de camp à l'Empereur avec ordre de "crever leurs chevaux pour le rejoindre". Il est midi, lorsque Napoléon, le visage rayonnant de joie, arrive au galop. "C'est aujourd'hui le 1er juin, dit-il autour de lui, c'est l'anniversaire de Marengo, c'est un jour heureux pour nous !". L'arrivée de l'Empereur, qui précède les 6e et 1er Corps, donne à tous une ardeur nouvelle. Lannes, dit M. Derode (Nouvelle relalion de la bataille de Friedland, par M. Derode, P. 39. Cet ouvrage a été publié chez Amelin, passage Dauphine, à Paris, en 1839), lui expose la situation. Oudinot impatient vient à lui : "Je vous amène l'armée, lui dit l'Empereur, elle me suit". Puis, parcourant des yeux la plaine : "Où est l'Alle? - Là, répond Oudinot en étendant le bras derrière l'ennemi; puis avec son langage militaire : je lui mettrais le cul à l'eau, si j'avais du monde, mais j'ai usé mes grenadiers". Les dispositions suivantes sont arrêtées sur-le-champ : refouler Bagration et enlever à tout prix Friedland, pendant qu'on retiendra Gortschakof dans la plaine, pour le jeter ensuite dans l'Alle, quand tous les ponts seront détruits.
Le Maréchal Ney, précédant son Corps d'armée, a rejoint le groupe des Généraux qui entourent l'Empereur. Celui-ci le saisissant par le bras, et lui montrant Friedland, les ponts et les Russes accumulés en avant : "Voilà le but, dit-il, marchez-y sans regarder autour de vous; pénétrez dans cette masse,... entrez dans Friedland, prenez les ponts et ne vous inquiétez pas de ce qui pourra se passer à droite et à gauche ou sur vos derrières. L'armée et moi, nous sommes là pour y veiller". "Ney, dit Thiers, bouillant d'ardeur, tout fier de la redoutable tâche qui lui était assignée, partit au galop pour disposer ses troupes en avant du bois de Sortlack (bois épais entre Posthenen et l'Aile que, plusieurs fois depuis le matin, les Russes avaient vainement tenté d'enlever). Frappé de son attitude martiale, Napoléon, s'adressant au maréchal Mortier, lui dit : Cet homme est un lion".
La Division Marchand est disposée en ligne de colonnes de bataillon, ayant sa droite à la lisière sud du bois de Sortlack. Le 76e forme la gauche de cette Division. Il a lui-même à sa gauche, dans le même ordre, la Division Bisson. Derrière le 6e Corps, la Division de Dragons de Latour Maubourg et les Cuirassiers hollandais soent prêts à le soutenir.
L'Empereur attend que toutes les troupes aient gagné leurs emplacements : le 6e Corps à l'extrême droite, ayant à sa gauche le 1er Corps, puis le 3e à Posthenen. Après leur avoir donné une heure de repos et veillé à ce qu'elles soient abondamment ravitaillées en munitions, il fait donner le signal de l'attaque par trois salves de vingt pièces réunies à Posthenen. Il est cinq du soir. Précédé d'une nuée de tirailleurs, le 6e Corps s'avance aussitôt hors du bois par échelons de Division; la Division Marchand, aile droite, constituant le 1er échelon dont le 76e forme la droite (le 76e Régiment marchait le premier, dit M. Derode dans sa relation de la bataille; mais nous n'avons pas de détails sur lui). Le village de Sortlack est enlevé. Bagration surpris, lance la cavalerie de la Garde russe : le 76e forme les carrés puis le 39e, puis toute la Division Marchand; pendant que les Dragons de Latour Maubourg et les Cuirassiers hollandais, passant dans les intervalles des Bataillons abordent la Garde russe et la ramènent jusque dans Friedland. Ney porte alors en avant la Division Bisson, son échelon de gauche, et appuie à l'Alle le 76e, droite de la Division Marchand. La situation est critique. Battue de front par une artillerie puissante, prises de flanc par des batteries que Benningsen a postées sur le mamelon de la boucle que forme la rivière entre Sortlack et Friedland, les colonnes ont des files entières enlevées par les obus. "Le maréchal, galopant d'un bout à l'autre de sa ligne, dit Thiers, soutenait le coeur de ses soldats par sa contenance héroïque".
A la gauche de la Division Marchand, la Division Bisson, chargée à son tour par la cavalerie de Kollogribof, se trouble et recule. La Division Dupont du 1er Corps et les Dragons de Latour rétablissent le combat de ce côté et le 6e Corps gagne encore du terrain. Sous le feu meurtrier des batteries russes, la ligne s'arrête de nouveau. Alors, l'Empereur réunit une masse d'artillerie sous les ordres de Sennarmont, pour éteindre celle de l'ennemi. Sennarmont prend audacieusement position avec ses pièces à plus de 100 mètres en avant de l'infanterie, et, tirant à mitraille sur les batteries de la rive droite et sur celles de Friedland, leur impose silence. L'infanterie fait un nouveau bond. Un dernier effort est alors tenté par la Garde impériale russe. Elle se jette, baïonnette basse, sur la Division Dupont qui lui épargne la moitié du chemin, l'aborde, la bouscule, traverse à sa suite le Muhlen-Flüss, arrive à la route de Koenigsberg et entre par cette route dans Friedland. Toute l'infanterie du 6e Corps y pénètre en même temps par la route d'Eylau.
Le 76e s'élance dans la ville : une affreuse mèlée s'engage dans les rues, pendant que Sennarmont canonne les ponts. Bagration, refoulé, a pu faire passer une partie de son Corps sur la rive droite ; mais Bennigsen impuissant, ne sait quel parti prendre. Les soldats de Ney et ceux de Dupont se rencontrent dans la ville enflammée et se jettent dans les bras les uns des autres à la lueur de l'incendie. C'est un lugubre et magnifique spectacle. Napoléon achève alors la victoire en faisant charger Gortschakof, qui vient utilement se heurter à Friedland. Presque tout son corps est noyé dans l'Alle.
"Il y a eu, dans cette journée, écrit Ney, le lendemain, trop d'actions d'éclat, trop de beaux traits de dévouement, pour que je puisse les faire connaitre; mais il est de mon devoir de dire que chaque officier, chaque soldat s'est montré digne de marcher sous les drapeaux du plus grand de tous les monarques". Le 76e a été à l'endroit le plus chaud; aussi a t-il fait de grandes pertes. Le Colonel Lajonquière, blessé à l'épaule, est transporté à Damnau et meurt le lendemain. Le Régiment perd en lui le chef vaillant et habile qui, depuis 1803, l'a conduit dans le chemin de la gloire. C'est un deuil pour tous. Il avait trente-neuf ans. Le Capitaine Pierre-Simon Larivière est tué. Le Commandant Joseph de Zimmer, chef du 2e Bataillon, a reçu un coup de feu à la jambe droite avec fracture de l'os du péroné. Il est nommé membre de la Légion d'Honneur par décret du 8 juillet (le Chef de Bataillon de Zimmer, né à Licheim (Meurthe) le 29 décembre 1769, s'engagea dans le Bataillon de la Meurthe en 1790. Sous-lieutenant le 12 mars 1791, Lieutenant le 4 août 1792, Capitaine à la 35e Demi-brigade le 21 Fructidor an III (7 septembre 1795), Chef de bataillon au 76e le 27 février 1807, il est nommé Officier de la Légion d'honneur le 9 janvier 1809. Il avait été blessé au pied gauche à la bataille de Fleurus et à la cuisse droite au combat de Maëstricht. Il passa Major au Régiment (étranger) de Latour d'Auvergne, le 27 mars 1809; puis au 65e de Ligne, le 2 mai 1813). Les Lieutenants (Capitaine selon Martinien) Claude Renoud et Jacques Hyacinthe Pruneau, les Sous-lieutenants Pierre Lesage et Secrétain sont blessés, le dernier à la cuisse droite. Le Sergent-major François Lebas, déjà cité à Elchingen, est également blessé. Martinien ajoute le Chef de Bataillon Langlois, et les Lieutenants Simon et Martin, blessés.
D'après l'Etat des pertes certifié par l'Adjudant-commandant Béchet conforme aux Etats fournis par les Corps, le 76e a eu, le 14 juin, 1 Officier et 10 soldats tués. 8 Officiers et 378 soldats blessés, soit en tout : 397 hommes atteints. C'est de beaucoup le Régiment du 6e Corps qui a le plus souffert, La comparaison entre la situation du 31 mai et celle du 1er juillet fait ressortir combien cette campagne de dix jours a été meurtrière pour le Régiment. La situation du 31 mai accuse 2572 hommes à l'effectif, dont 251 aux hôpitaux et 16 en captivité; la situation du 1er juillet ne compte plus à l'effectif que 50 Officiers et 2216 hommes dont 19 Officiers et 971 hommes aux hôpitaux et 38 hommes en captivité. Ces chiffres se passent de commentaires. En un mois, l'effectif des présents a été réduit de moitié. FRIEDLAND - 1807, est inscrit au drapeau actuel du 76e. En attendant l'arrivée du successeur du Colonel Lajonquière, le Régiment est sous les ordres du Chef de Bataillon Genevay, Chef du 1er Bataillon.
Le 79e Bulletin de la Grande Armée, daté de Wehlau, le 17 juin 1807, écrit : "… Le général Drouet, chef de l’état-major du corps d’armée du maréchal Lannes, le général Coehorn, le colonel Reynaud, du 15e de ligne, le colonel Lajonquière, du 60e de ligne, le colonel Lamotte, du 4e de dragons, et le général de brigade Brun, ont été blessés …" (Panckoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 230 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.2, p. 150 ; Correspondance de Napoléon, t.15, lettre 12767 - Nota : erreur sur Lajonquière; il s'agit du Colonel Faure-Lajonquière, du 76e de Ligne).
8/ Du traité de Tilsitt à l'entrée en Espagne
Fig. 4b |
La victoire de Friedland fait tomber Koenigsberg. Les Russes, qui ont perdu 25000 hommes et 80bouches à feu, et les Prussiens, se retirent précipitamment d'abord derrière le Pregel, puis derrière le Niémen. La Division Marchand reste à Friedland jusqu'au 17 juin. Le 6e Corps est enuite envoyé vers la droite, vers Scherwindt, pour suivre et enlever toutesles colonnes isolées de l'ennemi qui a fui de ce côté, ou pour arrêter et repousser les partis de cosaques qui peuvent avoir passé le Niémen dans cette direction afin d'inquiééter l'armée sur son flanc droit. La Division Marchand, à partir du 17, va, par Saalau, à Gumbinnen où elle reste quatre jours, puis à Scherwind qu'elle occupe du 23 au 30 juin, et enfin le 1er juillet à Balwierzki. Pendant ce dernier séjour qui se prolonge jusqu'à la fin de juillet, la Brigade Marcognet occupe Ludvinof.
L'Empereur de son côté arrive à Tilsitt le 20, et le lendemain, un armistice est conclu. Le 24, les différents corps reçoivent les ordres relatifs aux cantonnements qu'ils doivent prendre. Le Qartier général du 6e Corps est à Marianpol et sa surveillance s'étend de Vielona jusqu'à Olitta. Le 76e reçoit le 28 juin son nouveau Colonel, Jean Chemineau et apprend ensuite que la paix avec la Russie et la Prusse a été signée à Tilsitt le 8 juillet.
(28 juin 1807-22 juin 1811) Services : Né le 26 avril 1771, à Angoulême. Entré au service comme Sergent-major dans le 4e Bataillon de la Gironde, le 25 septembre 1791. Sous-lieutenant au même Bataillon, le 11 juillet 1792. Lieutenant au corps, le 13 octobre 1793. Capitaine au corps, le 17 août 1794 (28 germinal an II) ; passé à la 58e Demi-brigade le 7 vendémiaire an V. Chef de Bataillon, le 26 mai 1802 (10 prairial an VIII), grade reçu sur le champ de bataille. Major du 61e de Ligne, le 22 décembre 1803 (30 frimaire an XII). Colonel du 76e de Ligne, le 28 juin 1807. Général de Brigade, le 22 juin 1811. Général de Division, le 31 juillet 1813. A la Restauration en 1814, exerça un commandement dans le département de la Vienne, puis dans les subdivisions formées par les départements de la Charente-Inférieure et des Deux-Sèvres. Campagnes et blessures, citations et actions d'éclat : 1792. - A l'armée des Basses-Alpes. 1793. - A l'armée du Nord : bataille d'Hondschoote, où il fut blessé d'un coup de feu au teton gauche, 8 septembre 1793. 1794. - A l'armée du Rhin. 1795. - A l'armée de l'Ouest. 1796, 1797, 1798, 1799, 1800. - A l'armée d'Italie : s'est particulièrement distingué à la tête du pont du Var, le 6 prairial an VIII; fut nommé Chef de Bataillon, quatre jours après. 1802. - Combat du pont du Var, le 26 mai. 1807. - Siège de Dantzig où il fut chargé de poursuivre les Prussiens qui se retiraient sur Pillau : "A la tête d'un escadron du 11e Chasseurs, chargea les ennemis dans un bois, fit mettre bas les armes à 800 hommes, prit 3 canons et eut un cheval tué sous lui" ; bataille de Friedland, où il remplaça dans le commandement de sa Brigade le Général Coëhorn qui avait été blessé. 1811-1812. - A l'armée de Portugal, où il commanda une Brigade de la Division Foy au passage de la Tormès à Alba, dans la marche en retraite qui suivit la bataille des Arapilles, commandant la 1ère Brigade de la Division Foy (arrière-garde), se jeta dans le carré formé par le 2e Bataillon du 69e au moment où un autre carré venait d'être enfoncé par la cavalerie anglaise, arrêta l'ennemi par sa ferme contenance et donna ainsi le temps au Général Foy d'amener sa 2e Brigade qui rétablit le combat; le 25 octobre, devant Placencia, ayant reçu l'ordre d'emporter la place, essaya d'abord du canon pour enfoncer les portes, puis, impatienté du peu de résultat obtenu, se précipita à la tête des sapeurs du 69e, fit rompre à coups de haches portes et barricades, pénétra dans la ville et s'en empara. 1813. - A la Grande Armée : commanda la 1ère Brigade de la Division Souham, fut cité pour sa bravoure, le 27 avril, au combat de Weissenfeld; bataille de Lutzen, où il annonça les attaques de l'ennemi en faisant tirer le canon, défendit Caïa et permit ainsi à l'armée d'arriver sur le champ de bataille; eut 2 chevaux tués sous lui, fut ensuite blessé d'une balle qui lui traversa la nuque, ne cessa point de combattre, eut enfin la jambe droite fracassée (cette blessure nécessita l'amputation, qu'il suppporta avec le courage le plus calme). Il est nommé Lieutenant général le 31 juillet suivant. En 1814, il commande dans le département de la Vienne et dans les subdivisions formées par les départements de la Charente Inférieure et des Deux Sèvres. Distinctions honorifiques : Membre de la Légion d'honneur le 26 mars 1804 (4 germinal an XII); Officier en juin 1807; Commandeur, le 10 août 1813. Baron de l'Empire, le 19 mars 1808 (lettres patentes expédiées le 26 octobre 1808), Chevalier de Saint-Louis, le 27 octobre 1814. |
Le 6e Corps est alors désigné pour occuper la Silésie ; l'évacuation commence le 20 juillet, et Ney se met en marche vers cette contrée. Le 76e arrive sur l'Oder vers la fin d'août. Les Généraux Marchand et Marcognet s'établissent à Glogau (cette place devait être gardée en dépôt jusqu'à complet accomplissement, de la part de la Prusse, du traité de Tilsitt. Les deux premiers Bataillons (Genevay et Zimmer) du 76e restent à Glogau jusqu'à la fin de l'année 1807; le 3e Bataillon (Laplane) et le Dépôt (Quartier maître Audigier) sont toujours à Landau; ils reçoivent en 1807 les conscrits du département de la Manche.
Les Compagnies d'élite du 76e restèrent dans la Prusse orientale sous les ordres du Maréchal. Elles formèrent un Bataillon d'élite qui tint garnison à Dantzig, dans les mêmes conditions que les deux Bataillons de guerre à Glogau. Ces derniers furent dédoublés en exécution du Décret du 18 février 1808 ; le 76e eut ainsi un 4e et un 5e Bataillon. Par suite de ces opérations, les Bataillons de guerre ne furent en réalité composés que de 4 Compagnies de Fusiliers. Le Régiment (Colonel Chemineau; - 1er Bataillon, Genevay; 2e, de Zimmer) occupe divers emplacements dans Glogau même ou aux environs de cette grande place de guerre : Beuthen, Neustadt et Pobschetz. Les soldats vivent chez l'habitant ; les transports de toute nature sont assurés par réquisitions. "La tenue des troupes, écrit le Général Marchand le 18 novembre 1807, est dans le meilleur état qu'on puisse désirer. Malgré la mauvaise qualité et la mauvaise confection des habillements,... les régiments n'ont jamais été si bien habillés. L'armement est en moins bon état...".
Pendant la dernière campagne, l'Empereur a inauguré une méthode nouvelle pour ammener à ses Bataillons de guerre les renforts dont ils ont besoin : les hommes à envoyer sont organisés par les Dépôts en Compagnies provisoires avec cadres de conduite; ces compagnies sont groupées en Régiments provisoires et arrivent à l'Armée avec une discipline beaucoup mieux établie que s'ils avaient voyagé par détachements isolés. Les Régiments provisoires, en se succédant à des intervalles convenables sur des itinéraires étudiés, forment sur les derrières de l'Armée de véritables colonnes mobiles, capables de combattre au besoin et assurant dans de bonnes conditions la sécurité des communications. Le Dépôt du 76e envoie ainsi plusieurs Compagnies en Prusse. Ce système est continué après la paix, soit pour alimenter les troupes d'occupation, soit pour concourir à la formation de gouveaux groupements.
C'est dans les mêmes conditions que le Dépôt fait partir de Landau pour Nancy, le 3 novembre 1807 (Ordre de mouvement du 27 octobre 1807, concernant la formation de 6 Régiments provisoires - 12 Bataillons), deux Compagnies à l'effectif de 154 hommes chacune ; puis, le 14 du mème mois (Ordre de mouvement du 7 novembre, modifiant celui du 27 octobre), toujours pour Nancy, deux autres Compagnies, à l'effectif de 150 hommes, pour former le 1er Bataillon du 6e Régiment provisoire (ce Régiment fut formé de 4 Compagnies du 76e constituant le 1er Bataillon; 4 Compagnies du 27e constituant le 2e Bataillon; 4 Compagnies du 111e constituant le 3e Bataillon, et 4 Compagnies du 97e constituant le 4e Bataillon.
Le 12 janvier 1808, l'ordre suivant est promulgué : "L'Empereur a ordonné la formation d'une division de réserve d'infanterie qui sera réunie à Orléans le 1er février 1808.
Cette division sera composée de trois brigades, chaque brigade de deux régiments provisoires et chaque régiment de trois bataillons. La 1re brigade sera composée des 13e et 14e régiments provisoires ...
... Les trois bataillons du 15e régiment provisoire doivent être composés de quatre compagnies chacun, tirées des 39e 40e, 45e, 54e, 57e, 61e, 63e, 76e, 85e, 88e, 94e et 95e régiments de ligne ...
Le général de division Verdier commandera cette division de réserve, le général Schramm y sera employé" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1511).
Toujours le 12 janvier 1808, un deuxième ordre est promulgué, portant sur la composition de la Division de Réserve d'infanterie qui se réunit à Orléans : "Cette division sera composée de trois brigades, chaque brigade de deux régiments provisoires, chaque régiment de trois bataillons, chaque bataillon de quatre compagnies, chaque compagnie de 150 hommes, total 10.800 hommes.
La 1re brigade sera composée des 13e et 14e régiments provisoires, la 2e, des 15e et 16e, la 3e des 17e et 18e.
... Le 15e régiment provisoire sera composé, savoir :
... 2e bataillon : d'une compagnie de 150 hommes du 57e de ligne, d'une du 61e, d'une du 63e et d'une du 76e ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1514).
Le même 12 janvier 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le Général Clarke, vous donnerez les ordres pour la formation d'une division qui portera le titre de division de réserve, et qui se réunira à Orléans. Cette division sera composée conformément au tableau ci-joint ... Vous donnerez l'ordre qu'avant de faire partir les compagnies qui doivent former la division de réserve d'Orléans on complète tout ce que les corps doivent fournir aux douze régiments provisoires du corps d'observation des côtes de l'Océan. Le général de division Verdier commandera cette division de réserve. Le général Schramm y sera employé
P. S. Les ordres seront donnés sur-le-champ pour la formation de cette division, et elle se mettra en marche au 1er février. Vous aurez soin de lui faire fournir des capotes et de veiller à ce que les hommes soient bien habillés.
COMPOSITION DE LA RÉSERVE D'INFANTERIE QUI SE RÉUNIT À ORLÉANS
Cette division sera composée de trois brigades ; chaque brigade de deux régiments provisoires ; chaque régiment de trois bataillons ; chaque bataillon de quatre compagnies ; chaque compagnie de 150 hommes : total 10 800 hommes.
... la 2e brigade 15e et 16e ...
Le 15e régiment provisoire sera composé :
... 2e bataillon
une compagnie de 150 hommes du 57e régiment de ligne
une du 61e régiment de ligne
une du 63e régiment de ligne
une du 76e régiment de ligne ... " (Correspondance de Napoléon, t.16, lettre 13448 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 16987).
Un Ordre du 14 janvier 1808 prescrivit l'organisation de six nouveaux Régiments provisoires (du N°13 au N°18) destinés à la formation d'une Division de réserve à Orléans. Le dépôt du 76e devait envoyer au 2e Bataillon du 15e Régiment provisoire une Compagnie de 150 hommes; mais un Ordre du 24 janvier suspendit le départ de tous les détachements provenant des dépôts stationnés dans le commandement du Maréchal Kellermann. La place de Landau étant dans ce cas, la Compagnie du 76e ne fit pas mouvement). Ce Régiment fait partie du Corps d'observation des Côtes de l'Océan; son 1er Bataillon quitte Nancy en deux colonnes, les 20 et 24 novembre, pour arriver à Bordeaux les 20 et 24 décembre 1807. De là il est presque immédiatement dirigé sur Bayonne, où nous retrouverons dans quelques mois les Bataillons de guerre du 76e.
Le 17 mars 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée : "Voulant donner une preuve de notre satisfaction aux officiers et soldats de notre Grande Armée pour les services qu'ils nous ont rendus, nous avons accordé et accordons par la présente en gratification aux corps d'infanterie dont l'énumération suit la somme de 6 340 000 francs. Notre intention est que vous fassiez connaître aux conseils d'admnistration desdits corps que cette somme doit être distribuée entre les officiers et soldats qui se trouvaient aux batailles d'Ulm, d'Austerlitz, d'Iéna, d'Eylau et de Friedland entendant que ceux qui se sont trouvés à trois de ces batailles recevront deux jours de solde en gratification et que ceux qui ne se sont trouvés qu'à une ou deux de ces batailles ne reçoivent qu'un jour de solde ; ceux qui auraient été blessés, soit à trois, soit à une seule de ces batailles recevront trois jours de gratification au lieu de deux. Lorsque ce travail sera ainsi proposé par le conseil d'administration on donnera autant de jours et de mois qu'il sera possible avec la somme qui aura été assignée au corps. Les colonels ni les majors ne sont pas compris dans la distribution de ces gratifications qui s'arrêtera au grade de chef de bataillon ou d'escadron inclusivement ...
ANNEXE :
... 6e corps
76e id 100 000 ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17415).
Par ordre du 5 mai 1808, le Dépôt du 76e et son 3e Bataillon quittent Landau pour aller tenir garnison à Sarrelouis (on disait alors Sarrelibre - 3e Arrondissement, 3e Division Militaire). Le Dépôt du Régiment restera dans cette place jusqu'à la chute de l'Empire.
Le 20 mai 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois votre lettre du 13 mai relative aux anciens et nouveaux dépôts. Je conçois que les conscrits ont été dirigés sur les nouveaux dépôts ... Je pense qu'il serait convenable d’en faire de même, et qu'ainsi de suite il faudrait diriger les magasins ... du 76e de Landau sur Sarre Libre ...
Aucun de ces mouvements n'est bien considérable et moyennant cette mesure les conseils d’admistration et les magasins seront établis à demeure. Les 4 compagnies qui formeront le dépôt recevront les conscrits de leur corps, et au fur et à mesure qu'ils auront 60 hommes armés, habillés, sachant tenir leurs fusils, prêts à partir, vous m'en rendrez compte dans des états particuliers pour que je les envoie à celui des 4 bataillons de guerre qui en a besoin ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1908 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18000).
A Sarrelouis, le Dépôt du 76e continue à organiser des Compagnies qui alimentent le Régiment et les Bataillons d'élite. En 1808, il reçoit ses conscrits du département de Rhin-et-Moselle. Mais aussi 137 Conscrits de Liège de la classe 1808 (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936). Ces recrues sont hâtivement instruites pour aller au plus vite renforcer l'armée d'Espagne. Elles sont animées d'un excellent esprit, comme en témoigne Paul Longrée, originaire de Hermalle lez-Nandrin, dans une lettre datée du 8 novembre 1808 : "J'espère me plaire dans le régiment, parce que nous avons de braves supérieurs, ainsi que les soldats qui sont fort honnêtes. Nous allons être habillés de suite" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 110). L'équipement fourni aux nouveaux venus comprend deux paires de souliers, deux chemises, une veste, une culotte, un habit (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 113bis, datée du 24 novembre 1808, écrite par Jean-Jacques Baiwir, de Beyne-Heusay).
Le 23 juin 1808, l'Empereur rédige des "PROJETS ET NOTES RELATIFS A L'ORGANISATION DE L'INFANTERIE ET DE LA CAVALERIE"; il écrit :"3° NOTE ...
5e régiment de marche :
1er bataillon, à Nancy, six compagnies. 840
2e bataillon, à Mayence, neuf compagnies. 1.260
2100 ...
Réunir cette division à Magdeburg.
4° GRANDE ARMÉE.
PROJET DE FORMATION DE RÉGMENT DE MARCHE.
Infanterie.
1er régiment de marche. 1.860 ...
5e Id. 2.520 ...
PROJET DE DÉCRET.
Article premier. Il sera formé six régiments de marche de la Grande Armée ; ils seront organisés conformément au tableau ci-annexé.
Art. 2. Toutes les troupes qui doivent composer ces régiments seront bien habillées, bien armées, enfm mises en bon état et prêtes à partir de leur garnison le 1er août prochain.
Art. 3. Le 1er régiment de marche se réunira à Hanau ...
Le 5e – à "
Art. 4. Nos ministres de la guerre, de l'administration de la guerre et du Trésor public, sont chargés de l'exécution du présent décret ...
9° 5e RÉGIMENT DE MARCHE OU RÉGIMENT DE MARCHE DU 6e CORPS ...
2e bataillon de 6 compagnies.
Trois compagnies, Cambrai, à 140 hommes chacune, du 50e de ligne, à 420
Deux compagnies, Luxembourg, à 140 hommes, chacune, du 59e de ligne, à 280
Une compagnie, Sarrelouis, à 140 hommes, du 76e de ligne, à 140
840 ...
Total 2.520 ...
59e 2
76e 2
69e 3
6e corps, Luxembourg ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2037 - date présumée, en raison de la lettre adressée le même jour à Clarke).
Le 3 juillet 1808, la Division Gobert en Espagne présente l'organisation suivante :
Division Gobert; Brigade Lefranc, 5e Régiment provisoire, à Cuenca 1741 hommes; 6e Régiment provisoire, en route, 1492 hommes, commandés par le Major Degromety, du 95e de Ligne : 1er Bataillon, 4es compagnies du 76e ; 2e Bataillon, 4es Compagnies du 27e ; 3e Bataillon, 4es Compagnies du 111e ; 4e Bataillon, 4es compagnies du 95e. Il n'y a que 2 Chefs de Bataillon, Blondel et Nied (Titeux : « Le Général Dupont », Prieur et Dubois, Puteaux-sur-Seine, 1903, t. 2, p. 329).
Le 6 juillet 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, il sera formé trois brigades composées de régiments de marche, sous les ordres du maréchal Kellermann. La 1re brigade se réunira à Wesel, la 2e à Mayence et la 3e à Strasbourg ...
La 2e brigade qui se réunira à Mayence sera composée des 3e et 6e régiments de marche, composés chacun de détachements des 3e et 6e corps de la Grande Armée qui ont besoin d'être renforcés pour être portés au complet.
Le 6e régiment de marche sera composé de 2 bataillons :
1er bataillon : 3 compagnies de 140 chacune du 69e, 3 compagnies du 59e et 1 compagnie de 140 chacune du 76e ...
Cette brigade se réunira à Mayence ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2077 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18486).
Du côté des Bataillons de guerre, c'est bientôt le moment de rentrer en France. Le 76e reste en garnison à Glogau jusqu'au mois d'août. Le 6e Corps s'est déjà rapproché du Rhin, vers Mayence, lorsque, le 3 septembre, il reçoit l'ordre de se rendre à Bayonne en trois colonnes. La 1ère Division, toujours composée des 6e Léger, 69e, 39e et 76e de Ligne, forme la colonne de droite (la colonne du centre était formée par la Division de Dragons de Latour-Maubourg; la colonne de gauche comprenait les 2e et 3e Divisions d'infanterie et la Cavalerie légère). Les 4 Régiments se suivent à un jour d'intervalle. Le 76e, fermant la marche avec l'Artillerie et l'Etat-major de la division, doit partir de Mayence le 11 septembre.
Le 9 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, vous trouverez ci-joint deux états de situation relatifs à l'armée d'Espagne. Vous verrez que les 24 régiments qui composent la division Sébastiani, et les 1er et 6e corps qui se rendent en Espagne, ont besoin de 27 000 conscrits, pour être portés au grand complet. Ces 24 régiments, qui forment aujourd'hui un effectif de 68 000 hommes, formeront alors un effectif de 94 000 hommes.
Dans cet état, tous les régiments sont portés à 5 bataillons, parce que mon intention est de former les 5es bataillons pour tous les régiments qui sont en Espagne.
... 6e corps. 1re division :
... Le 76e recevra 100 hommes de son dépôt, 500 conscrits à Bayonne, 500 à son dépôt ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2274 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18865).
Situation détaille du 76e de Ligne au 15 septembre 1808 1er Bataillon Genevay : 27 Officiers et 639 hommes 2e Bataillon Zimmer : 13 Officiers et 616 hommes 3e Bataillon Foussenguy : 10 Officiers, 650 hommes. |
Le 15 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Un soldat du 76e a tué un paysan saxon. Donnez ordre au colonel de ce corps de le faire juger partout où il sera, et que la sentence soit affichée et imprimée dans le royaume de Saxe" (Correspondance de Napoléon, t.17, lettre 14324 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18923).
Le 21 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre à Paris : "Monsieur le Général Clarke, le 6e corps a montré peu de discipline en Allemagne, et a fait crier tout le pays; témoignez-en mon mécontentement à ce corps. Faites-vous donner le compte des voitures et autres réquisitions qu'ils ont exigées à Dresde. On se plaint qu'il y a des lieux où ils ont payé et d'autres où ils n'ont pas payé. Ordonnez aux généraux de prendre des mesures pour réprimer les vexations et établir une meilleure discipline. Donnez ordre que la sentence du soldat du 76e qui a tué un homme en Saxe soit publiée et affichée" (Correspondance de Napoléon, t.17, lettre 14330 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18937).
Le passage du 76e à travers la France est une véritable marche triomphale de quarante jours. Les colonnes arrivent, précédées par l'allocution de l'Empereur que le Moniteur a répandue dans toutes les bourgades. "Soldats, disait Napoléon, après avoir triomphé sur les bords du Danube et de la Vistule; avez traversé l'Allemagne à marches forcées; je vous fais aujourd'hui traverser la France sans vous donner un moment de repos. Soldats! j'ai besoin de vous...". Harangues, vivats, chansons patriotiques, partout des fêtes, partout des fleurs. Les jeunes gens, les vieillards et les femmes se pressent autour des soldats pour voir et applaudir les héros de la Grande Armée. Les villes populeuses comme les moindres villages rivalisent de zèle pour les bien recevoir et leur témoigner avec enthousiasme l'admiration que leurs exploits ont fait naître dans tous les coeurs. C'est une belle récompense pour ces braves gens. Ils arrivent à Bayonne le 3 novembre. Ils vont bientôt passer en Espagne où ils devront rester plus de 5 ans, pour ne plus revoir la terre de France qu'aux jours douloureux de l'invasion.
Le 26 novembre 1808, à Aranda de Duero, "On prie Sa Majesté de faire connaître ses ordres sur la destination d'un soldat du 76e régiment accusé d'avoir tué un paysan saxon et à qui Sa Majesté a bien voulu faire grâce, à la sollicitation de S. M. le roi de Saxe, ainsi que l'a annoncé M. le duc de Valmy"; "Il doit d'abord être jugé", répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2502 - Non signée ; extraite du «Travail du ministre de la guerre avec l’Empereur, du 16 novembre 1808»).
K/ Campagne du Bataillon d'élite du 76e en Allemagne (1809)
1/ Premiers mouvements du Bataillon d'élite du 76e, qui devient, pour la campagne, 3e Bataillon de la 6e Demi-brigade provisoire de Ligne
Fig. 5 | Fig. 5bis |
Avant de suivre en Espagne les Bataillons de guerre, nous allons raconter les grands événements auxquels prit part en 1809 le Bataillon d'élite, laissé à Dantzig après Friedland, sous les ordres d'Oudinot. Ce beau Bataillon, d'après la réorganisation du 18 février 1808, se fond avec le 4e Bataillon. Tout en restant 4e Bataillon du 76e, il entre dans la composition de la 6e Demi-brigade provisoire de Ligne dont le commandement est confié au Colonel Courtois, ex-Major du 76e. Cette 6e Demi-brigade, formée à trois Bataillons avec les 4e Bataillons (Bataillons d'élite) des 59e, 69e et 76e Régiments de Ligne, est placée à la 2e Division du Corps Oudinot. Cette Division est d'abord commandée par le Général Thareau. Le Corps d'Oudinot quant à lui, à l'évacuation de la Prusse en septembre 1808, devient 2e Corps de l'Armée de réserve du Rhin. Il occupe les environs de Hanau.
Aux difficultés rencontrées en Espagne, "les ennemis de la France, comme dit Lavallée, avaient reconnu le côté vulnérable de Napoléon". L'Autriche est le foyer de cette haine jalouse de l'Europe, et tout en répondant aux demandes d'explications du cabinet français par des protestations d'amitié, elle se prépare à recommencer la lutte. Napoléon ne se méprend pas sur le but des armements de la cour de Vienne.
Le 5 décembre 1808, à Madrid, l'Empereur ordonne : "... 2° Le corps du général Oudinot sera composé de trente-six bataillons des régiments ci-après, savoir des 4e, 6e, 9e, 16e, 25e, 27e, 17e, 21e, 24e, 26e et 28e d'infanterie légère ; des 8e, 95e, 96e, 4e, 18e, 40e, 64e, 88e, 27e, 39e, 45e, 59e, 69e, 76e, 24e, 54e, 63e et 94e de ligne, et des 46e, 28e, 50e, 75e, 100e et 103e de ligne.
Les bataillons des tirailleurs corses et des tirailleurs du Pô y seront joints, ce qui en portera le nombre à 36.
Chaque bataillon sera réuni, enfin, à six compagnies et à 840 hommes.
Tous les hommes sortant des hôpitaux et appartenant aux régiments de marche formés en France resteront à la suite des compagnies de grenadiers et voltigeurs du corps d'Oudinot, et, lorsque les quatre compagnies de fusiliers seront arrivées, elles seront incorporées dans ces compagnies.
3° Aussitôt que deux compagnies de ces 4es bataillons seront complétées au dépôt à 140 hommes chacune, le ministre de la guerre nous en rendra compte, pour que nous donnions l'ordre de les faire rejoindre avec les chefs des bataillons et adjudants-majors.
Au 10 janvier, le ministre de la guerre nous fera connaître ceux de ces 4es bataillons qui peuvent fournir deux compagnies de 140. Les deux autres compagnies auront joint avant le 20 février, de manière qu'à cette époque chaque régiment de l'armée du Rhin ait ses quatre bataillons de six compagnies chacun et d'un effectif de 3.360 hommes, et que le corps présentera trente-six bataillons ou 30.000 hommes.
4° Ce corps sera partagé en trois divisions de douze bataillons chacune.
Les bataillons seront embrigadés sous le nom de demi-brigades d'infanterie, dont quatre d'infanterie légère et huit d'infanterie de ligne, commandées par les majors ...
La 1re demi-brigade d'infanterie de ligne sera composée des 4es bataillons des 8e, 24e et 25e ...
La 6e des bataillons des 59e, 69e et 76e ...
La 2e division sera composée de la 2e demi-brigade d infanterie légère et des 4e, 5e et 6e d'infanterie de ligne ...
5° Aucun mouvement ne se fait par le ministre de la guerre, qu'il ne m'en ait présenté le projet et qu'il n'ait eu mon approbation" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2522).
Le 5 décembre 1808, il écrit, depuis Chamartin, au Général Lacuée, Directeur des Revues et de la Conscription militaire, à Paris : "Mon intention est de renvoyer les compagnies de grenadiers et de voltigeurs des 4es bataillons des régiments qui font partie de l'armée du Rhin à leurs régiments, pour former le cadre des 4es bataillons, et d'augmenter insensiblement ces 4es bataillons des quatre autres compagnies, de manière que l'armée du Rhin, qui est composée de vingt et un régiments, le soit de quatre-vingt-quatre bataillons ; ce qui, avec les huit bataillons qui forment le corps des villes hanséatiques, fera quatrevingt-douze bataillons, ou un effectif de près de 78,000 hommes, et, avec la cavalerie et l'artillerie, près de 110,000 hommes. Le corps d'Oudinot ne serait plus alors composé que des compagnies de grenadiers et voltigeurs des régiments ci-après, savoir : 6e, 9e, 16e, 25e, 27e, 17e, 21e, 24e, 26e, 28e d'infanterie légère ; 8e, 95e, 96e, 4e, 18e, 40e. 64e, 88e, 27e, 39e, 45e, 59e, 69e, 76e, 24e, 54e, 63e, 94e d'infanterie de ligne. Mon intention serait que les compagnies restant des 4es bataillons de ces corps y fussent réunies ; ce qui compléterait vingt-huit bataillons. J'y joindrais les 4es bataillons des 46e, 28e, 50e, 75e, 100e et 103e ; ce qui porterait ce corps à trente-quatre bataillons, qui, à 840 hommes chacun, feraient près de 30,000 hommes. Pour compléter le nombre de 30,000 hommes, j'y réunirais les bataillons des tirailleurs du Pô et des tirailleurs corses ; j'en formerais trois divisions de douze bataillons chacune ; ce qui ferait un beau corps qui pourrait, si cela était nécessaire, renforcer l'armée du Rhin et la porter à 140,000 hommes, laissant les 4e, 46e, 18e de ligne, 24e et 26e légers, ce qui fait cinq régiments, pour la défense du port de Boulogne et de la Bretagne, et me laissant ainsi la faculté de diriger sur l'Allemagne les 4es bataillons des 48e, 13e, 108e, etc ..." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14535 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19446).
Dès le mois de janvier 1809 (quand l'Empereur vit que la guerre était inévitable, il quitta l'Espagne et arriva à paris le 23 janvier), Napoléon commençe à rassembler et à renforcer ses troupe disponibles.
Le 24 janvier 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le ministre de la Guerre ... En lisant avec attention l'état des 4es bataillons à l'époque du 15 décembre, je vois qu’il y a des fautes ... Le 76e devrait en fournir deux [compagnies] ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2684 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19888).
L'Armée française se concentre en deux grandes masses sous Davout et Masséna à Bamberg et à Ulm. Le Corps Oudinot, sous le commandement de Masséna, reçoit au début de mars l'ordre de quitter Hanau et de se porter à Augsbourg où il doit être rendu le 20 mars.
Etat du Corps du Général Oudinot au 1er février 1809 2ème Division : Général Tharreau 2ème Brigade : 6ème Demi-Brigade d'Infanterie de Ligne Courtois : Bataillon du 76e de Ligne : 136 présents (Grenadiers et Voltigeurs) ; 147 hommes issus des détachemts tirés des conscrits de la Garde ; 148 hommes issus des Compagnies de Fusiliers formant les 12 premères Compagnies de marche ; 80 hommes issus des détachements formant le 13ème Bataillon de marche. Total : 511 hommes. Il manque au complet 49 hommes (situation également donnée par Nafziger - 809BBR en date du 7 février 1809; source citée : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902) |
La 6e Demi-brigade provisoire part de Seperg le 9 mars, et arrive à Augsbourg le 20 du même mois.
Le 13 février 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la guerre : "Monsieur le général Clarke, le corps du général Oudinot, au lieu d’être partagé en trois divisions, ne le sera qu’en deux. À cet effet, la 3e demi-brigade légère et la 4e demi-brigade de ligne feront partie de la 1re division ; la 5e et la 6e demi-brigade de ligne feront partie de la 2e division. Le général Claparède commandera une de ces deux divisions. Comme il paraît que chaque corps ne pourra fournir que deux compagnies de fusiliers au grand complet, jusqu’à ce que la conscription de 1810 ait complété les cadres, chaque bataillon ne sera que de 560 hommes, chaque demi-brigade de 1 680 hommes, chaque division de 10 000 hommes, et le corps entier de 20 000 hommes. Lorsque les 5e et 6e compagnies de fusiliers pourront être envoyées, je verrai si je dois former une 3e division, ou laisser seulement le corps à deux divisions.
... Le 8e bataillon sera composé de deux compagnies du 59e, de deux du 69e, et de deux du 76e ...
Ces douze bataillons de marche seront réunis du 1er au 15 mars à Strasbourg.
Vous donnerez ordre que chacune de ces compagnies soient complétées à 140 hommes.
Donnez ordre que les dépôts fournissent à chaque homme une capote et 3 paires de souliers, dont deux dans le sac et une aux pieds.
Si les dépôts ne pouvaient compléter ces compagnies, ils en enverront toujours les cadres, avec tout ce qu’ils ont de disponible, et vous ferez connaître ce qui manquerait, afin que je le fasse tirer des conscrits de ma Garde.
Vous donnerez ordre que tous les détachements de ma Garde qui doivent partir de Paris, pour porter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs au grand complet, soient prêts à partir le 15 pour se rendre à Strasbourg. Ils seront formés en bataillons de marche. Vous prescrirez aux différents commandants de ma Garde d’en passer la revue, de n’envoyer que des hommes qui sachent faire l’exercice à feu, et de les faire habiller de l’uniforme d’infanterie légère, avec les boutons des régiments où ils doivent entrer ; on me les présentera à la parade du 16, et ils partiront le 17.
J’ai donné ordre au corps du général Oudinot de se réunir à Augsbourg.
Si le général Claparède est encore à Paris, donnez-lui l’ordre de se rendre à Strasbourg186 pour y attendre ces détachements, et exécuter les ordres qui lui seront donnés. Il sera chargé de mener cette colonne.
Par ce moyen, il y aura entre Strasbourg et Augsbourg de quoi compléter les 12 brigades du corps du général Oudinot, à 12 compagnies chacune, c’est-à-dire à 20 000 hommes. Comme il y aura 12 demi-brigades, il faudra 36 chefs de bataillon et adjudants-majors. Présentez-moi la nomination de ceux qui manquent, et vous les dirigerez sur Strasbourg, pour de là rejoindre le corps. Il faudra 12 majors, le corps en a huit ; c’est quatre à envoyer. Il faut 6 généraux de brigade ; faites-moi connaître ceux qu’il faudrait envoyer.
Il faut à chaque division 18 pièces de canon, c’est-à-dire 36 pour les 2 divisions. Le corps en a 18 ; faites-moi connaître la situation du parc de l’armée du Rhin, et s’il peut fournir les 18 autres pièces.
Ainsi, à la fin de mars, j’aurai au corps du général Oudinot 20 000 hommes, 36 pièces de canon avec caissons et double approvisionnement, un général de brigade d’artillerie, deux compagnies de sapeurs, une compagnie de pontonniers, un colonel du génie, trois officiers du génie, 6 000 outils attelés, 40 caissons d’infanterie, 20 par division, la division de cuirassiers Espagne, et la brigade de cavalerie légère composée de 3 régiments que j’ai attachés à ce corps. Ce qui fera un corps de près de 30 000 hommes.
Il faut qu’il y ait un commissaire des guerres par division, et deux adjoints, et les chefs de service nécessaires. L’armée du Rhin a en personnel de quoi organiser tout cela ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20016).
Le 16 février, il est ordonné à toutes les Compagnies du centre formant le 4ème Bataillon des Régiments dont les Compagnies d'élites sont affectées aux Grenadiers et Voltigeurs réunis, de les rejoindre à Augsbourg. Douze Bataillons de marche sont formés pour renforcer les Bataillons du Corps Oudinot. Les 1ère et 2e Compagnies de Fusiliers du 4e Bataillon du 76e forment le 8e Bataillon de marche, avec deux Compagnies du 59e, et deux Compagnies du 69e. Nos deux Compagnies partent de Sarrelouis le 1er mars avec un effectif de 280 hommes. Elles arrivent le 5 mars à Strasbourg, où le 8e Bataillon de marche est constitué (donné également par Nafziger 809CBV - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).
Etat des Bataillons de marche destinés à rejoindre le Corps du Général Oudinot et qui sont dirigés sur Strasbourg. 8ème Bataillon de marche : 76ème de Ligne, 1ère et 2ème Compagnie de Fusiliers (280 hommes demandés). Départ de Sarrelouis le 1er mars; arrivé à Strasbourg le 5 mars. |
Napoléon décide également la création de 16 Régiments provisoires. L'Empereur écrit, le 3 mars 1809, depuis Paris, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, je vous envoie le projet de formation d’une réserve de régiments provisoires, sur lequel je désire que vous me fassiez un rapport. Faites-moi connaître si je n'ai rien oublié et s'il y a des changements qu'il soit convenable de faire pour épargner des marches aux troupes. Enfin présentez-moi des états qui m'apprennent si les 5es bataillons pourront fournir ces quatre, trois ou deux compagnies pour concourir à ladite formation. Les 10,000 hommes de réserve que forme ma Garde sont destinés à compléter les 5es bataillons et à les mettre à même de fournir les hommes nécessaires. Il faut donc qu'une colonne des états que vous ferez dresser indique le nombre d'hommes qui leur manquera, après avoir épuisé tout leur monde ; cette colonne sera la colonne de distribution des 10,000 hommes de la Garde. Il ne vous échappera pas que, par ce moyen, j'aurai 6,000 hommes à la Rochelle, 3,000 en Bretagne, 9,000 à Paris, 5,000 au camp de Boulogne, 2,500 pour la défense de l'Escaut, 2,500 pour garder Wesel, 5,000 à Strasbourg, 2,500 à Metz et 10,000 Français en Italie; total, 45,500 hommes.
NAPOLÉON
Annexe
PROJET DE FORMATION D'UN CORPS DE RÉSERVE
1
Il sera formé une réserve de seize régiments provisoires composée des compagnies des cinquièmes bataillons qui seront complétés avec les conscrits de 1810;
2
... Le 12e régiment sera composé de 3 bataillons formés de 3 compagnies des 5es bataillons des 59e, 69e, 100e, 103e, 76e et 105e. Il se réunira à Metz ..." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14838 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20195).
Le 8 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois votre lettre du 6 avec l'état qui y est joint. Je vois que la force des 12 bataillons de marche du corps du général Oudinot est de 6 300 hommes et qu'il manque 3 000 hommes pour les compléter. Ces 3 000 hommes seront fournis par ma Garde ...
Vous donnerez des ordres pour la formation d'un bataillon provisoire qui sera composé :
de 250 hommes du 32e
150 hommes du 58e
300 hommes du 121e
300 hommes du 122e
Total 1 000 hommes et qui portera le nom de bataillon de marche d'Oudinot n°1
Ces 1 000 hommes seront distribués entre les régiments suivants
... 80 hommes au 76e ...
Les détachements de ma Garde partiront habillés. Vous enverrez à cet effet au conseil d'administration les numéros de régiments où ils doivent être incorporés, afin qu'on fasse faire leur uniforme, et qu'on y mette les boutons de ces régiments. Par ce moyen, le corps du général Oudinot recevra un renfort de 8 300 hommes, et il manquera peu de choses à son complet, en présents sous les armes. Quand le corps du général d'Oudinot aura reçu ces 8 000 hommes, vous me ferez connaître ce qui pourrait manquer au complet des compagnies, et s'il y a moyen de le tirer de quelques dépôts, où se trouveraient des conscrits des 4 années antérieures à 1810" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2899 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20291).
Situation de la Division Oudinot au 9 mars 1809 (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20309) :
Divisions |
Brigades |
1/2 Brigades |
Bataillons |
Présents |
Détachements tirés des conscrits de la Garde |
Compagnies de fusiliers formant les 12 premières compagnies de marche |
Détachement formant le 13e bataillon de marche |
Totaux
|
Manque au complet de 560 par brigade |
Excédent sur le complet |
|
Par bataillon
|
Par 1/2 brigade
|
||||||||||
2e division général Tharreau |
2e brigade le général |
6e 1/2 brigade d'inf. de ligne Major Courtois | 59e de ligne |
197 |
86 |
201 170 148 |
50 |
534 535 511 |
1580 |
26 |
|
Le 8e Bataillon de marche se met en route dès le 15 mars; sur les 280 hommes demandés, 148 ont été mis en marche. Le Bataillon rejoint, le 25, à Ausgbourg, la 6e Demi-brigade dans laquelle il se fond.
Le 11 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, j'ai vu hier les détachements des 32e, 58e et 121e formant un bataillon n°13 destiné pour les 63e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e, 100e et 103e. Faites partir ces 600 hommes pour Strasbourg ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2916 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20330). Rappelons que ces renforts sont destinés au Corps de réserve du Général Oudinot, à Augsbourg.
Le 19 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke ... Les majors Leury du 17e léger, Clouard du 39e, Courtois du 76e, Rebin du 40e, Cardeneau du 27e de ligne qui doivent être employés au même corps sont également absents. Ainsi de 12 majors il n'y en avait en mars que six présents au corps du général Oudinot. Leur avez-vous donné l'ordre de rejoindre sans délai ? Sur 36 chefs de bataillon qu'il doit y avoir, il n'y en a de présents que 13. Les 23 autres sont ou en Espagne ou à leurs dépôts, ou à Paris ou à Bayonne. Je vous envoie l'état de ces officiers. Réitérez-leur l'ordre de se rendre sans délai au corps du général Oudinot" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20456 ).
Une situation extraite de la Collection Nafziger donne également la situation de l'Armée française du Rhin du 5 au 28 mars : Corps de réserve sous le Général de division Oudinot, 2e Division Tharreau, 2e Brigade, 6e Demi-brigade : 136 hommes provenant des Grenadiers et Voltigeurs du 4e Bataillon, 147 hommes issus des Conscrits de la Garde, 280 hommes tirés des 1ère et 2e Compagnies de Fusiliers (Nafziger 809CBT - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).
Début avril 1809, Tharreau passe à la tête de la 1ère Division d'Oudinot; la 2e reçoit alors pour chef le Général Claparède. A la date du 1er, la 6e Demi-brigade se trouve à la 2e Brigade (Lesuire) de la Division Claparède.
Au commencement d'avril, les 4e et 5e Compagnies (Grenadiers et Voltigeurs du 4e Bataillon du 76e (140 hommes), ainsi que plusieurs détachements de conscrits du Régiment (147 hommes), sont également dirigés de Sarrelouis sur le Corps Oudinot. Partis le 10 avril, ils passent par Strasbourg (14 avril), Biberach, Hornberg, Rottweil, Bahlingen, Riedlingen, Ehingen, Ulm, Gunzbourg et Zusmanhausen, et atteignent Augsbourg le 25 avril. La 6e Demi-brigade est déjà loin. Les hostilités sont en effet commencées depuis le 10 avril.
Corps d'Oudinot, 15 avril 1809 2ème Division : Général Claparède (8860 hommes) Brigade du Général Lesuire 6ème Demi-Brigade de Ligne 4/76ème de Ligne (7/456) Note : Nafziger donne également cette situation, mais à la date du 15 avril 1809 - Nafziger 809DAE. |
Les renforts rejoignent le 6 mai seulement la Demi-brigade Courtois qui, déjà victorieuse en plusieurs rencontres, vient de franchir l'Inn à Braunau et s'avançe vers Ebersberg.
2/ Marche sur Vienne
L'archiduc Charles a commencé le passage de l'Inn le 8 avril. Néanmoins, le 2e Corps est resté à Augsbourg jusqu'au 17. Ce jour-là, à 4 heures 1/2 du soir, le Général Oudinot reçoit de Masséna l'ordre de se tenir prêt à partir au premier signal avec quatre jours de pain et quatre jours de biscuit, afin de se porter sur Aicha et Pfaffenhofen, et de là sur Geissenfeld.
Le 18 avant l'aurore, Oudinot, formant l'avant-garde de Masséna, se met en marche sur Aichach. Il y arrive vers midi. Là il prend aussitôt la direction de Pfaffenhofen par la route de Schrobenhausen, seule praticable à l'artillerie. L'Empereur a prescrit une concentration rapide sur Pfaffenhofen. "Activité! Activité! Vitesse! je me recommande â vous!" a t-il écrit de sa main sur la dépèche envoyée à Masséna. Et ce dernier ajoute, en communiquant à Oudinot les ordres de Napoléon : "Vous y verrez toute l'importance que nous devons mettre l'un et l'autre à nous porter le plus tôt possible à Pfaffenhofen... Je me suis arrêté ici (Aichach) pour avoir des nouvelles de mes divisions. Je ferai l'impossible pour les faire marcher toute la nuit et partager la gloire qui vous attend". Il n'en fallait pas tant pour stimuler l'ardeur des Grenadiers. Oudinot arrive le 19, à quatre heures du matin, devant Pfaffenhofen qu'il trouve occupé par 4000 hommes, aux ordres du Général Scheibler. Ce détachement lie l'extrème gauche de l'Armée autrichienne au Corps qui occupe Munich. L'attaque immédiate est ordonnée. Les colonnes d'assaut vont s'élancer, quand Scheibler, sortant du bourg à la tête de 6 Bataillons et de 3 Régiments de cavalerie, se jette hardiment sur les troupes par un violent retour offensif. Repoussés par la Division Claparède (dont font partie les Grenadiers du 76e), les Autrichiens se retirent en désordre sur Mosbourg, laissant 29 morts sur le terrain et 240 à 300 prisonniers. "Dans ce court engagement, dit Masséna (Mémoires de Masséna, t. VI, p. 436), les vieux grenadiers d'Oudinot déployèrent leur vigueur accoutumée, et les conscrits qui voyaient le feu pour la première fois, montrèrent de l'audace et de l'élan".
Le lendemain, la Division Claparède est dirigée vers Freysingen sur l'Isar. De là, elle descend la rivière jusqu'à Mosbourg. Elle franchit le pont, quand elle apprend les résultats de la bataille d'Abensberg et la retraite du Corps autrichien d'Hiller sur Landshut. "Il n'est pas nécessaire de dire, écrit Masséna, que les divisions brûlèrent le terrain". Néanmoins Claparède est trop loin, et quand il arrive à Landshut, le 21, par la rive de l'Isar, la ville est déjà aux mains des Français. Hiller, séparé définitivement de l'Archiduc Charles, se met à l'abri derrière l'Inn. L'Empereur fait alors volte-face, et se hâte d'aller au secours de Davout, aux prises avec l'Archiduc.
Les Grenadiers du 76e suivent, le 22, la route de Landshut à Ratisbonne, mais ne peuvent prendre part à la bataille d'Eckmühl; en route, la Division Oudinot reçoit l'ordre de rétrograder sur Landshut. Le 23, les Grenadiers reviennent à Landshut où est organisé le 2e Corps de la Grande Armée, sous le commandement du Maréchal Lannes. Les Grenadiers d'Oudinot font partie de ce Corps d'armée; mais la 6e Demi-brigade provisoire de la Division Claparède (Brigade Lesuire) est momentanément détachée du 2e Corps avec cette Division qui reste placée sous les ordres directs du Maréchal Masséna, commandant le 4e Corps.
La Division Claparède arrive le 26 avril à Passau, au confluent de l'Inn et du Danube. Un formidable camp retranché doit être construit sur la rive droite de l'Inn, autour de cette place dont l'Empereur veut faire le dépôt principal de l'Armée et le pivot de ses opérations. Le lendemain, Claparède prend position entre Scharding et Suben, appuyant sa tête à ce dernier point et se prolongeant jusqu'à l'embranchement des routes de Lintz et de Braunau. Il attend dans cette situation jusqu'au 1er mai.
Le 2 mai, commençe la marche de toute l'Armée vers la Traun. "Si l'ennemi veut défendre la Traun, écrit le Major général, il prendra la position d'Ebersberg qui est à son avantage" (Dépêche de Berthier à Masséna, datée du 1er mai à deux heures).
Une situation de la Collection Nafziger indique la participation du 4e Bataillon du 76e de Ligne à la bataille de Ebersberg (Nafziger 809EBA - source : R. W. Litschel, "Das Gefecht bei Ebelsberg am 3. Mai 1809"); cette situation indique que ce Bataillon fait partie de la 8e Demi-brigade de Ligne.
Le 3, à la pointe du jour, la Division Claparède (la Brigade Coëhorn est en tête de la Division; la Brigade Lesuire marche derrière elle), précédée de la Division de cavalerie Marulaz et suivie de la Division Legrand, se dirige sur Lintz; de là sur Kleinmunchen et sur Ebersberg. Cette dernière ville est couverte par deux ruisseaux qu'il faut franchir sur des ponts de quatorze mètres, et par la Traun qu'on ne peut traverser que sur un pont de bois long de cinq cent quatre vingt dix mètres, à l'extrémité duquel se trouve une tour percée d'une porte. "Immédiatement à gauche de cette porte s'élève une rampe escarpée de trois ou quatre mètres de large et de cent quarante mètres de développement, qui conduit à un vieux château bâti sur une hauteur dominant le pont de trente six à quarante mètres" (Mémoires de Masséna, t. VI, p. 202). L'ennemi a encore quelques troupes sur la rive gauche et une partie de ses bagages. Le gros des corps de l'Archiduc Louis, de Hiller et de Davidovich a pris position sur les collines de la rive droite. La ville, le château sont fortement occupés et une batterie de 6 enfile le pont.
Les Grenadiers aident la Brigade Coëhorn à briser la résistance de la Brigade autrichienne Hofmeister dans Kleinmunchen et à percer les Régiments de Spleny et de Beniorski rangés en bataille pour défendre l'accès du pont. Tout à coup la Brigade Coëhorn se jette sur ce pont où règne le plus affreux désordre, et bousculant tout sur son passage le franchit au pas de course, malgré le feu de la batterie. Les Grenadiers du 76e et toute la Brigade Lesuire (composée des 5e et 6e Demi-brigades. Le Bataillon d'élite du 76e est, on s'en souvient, le 3e Bataillon de la 76e Demi-brigade) s'élance à leur tour suivis de la Brigade Ficatier. Presque toute la Division Claparède est bientôt engagée dans les rues d'Ebersberg. Cependant les fuyards autrichiens se réfugient dans les habitations et se reforment dans les intervalles qui s'établissent entre les groupes d'assaillants. Coëhorn se trouve ainsi coupé des 5e et 6e Demi-brigades (Brigade Lesuire) qui se sont disséminées dans les maisons de la ville. "Les cours, les jardins, les clôtures sont disputés avec acharnement et chaque haie prise et reprise devient l'objet d'un combat meurtrier" (Mémoires de Masséna). La situation est des plus critique.
La Division Claparède est enfin secourue par la Division Legrand qui rétablit le combat. A la nuit, le Général Hiller ordonne la retraite. Il a perdu 7000 hommes. Dans son premier rapport, écrit le soir même de la bataille sur la caisse d'un tambour, le Général Claparède dit au Maréchal Masséna : "Ma division s'est couverte de gloire"; et dans son rapport daté du bivouac le 4 mai, il ajoute : "Tout le monde a fait son devoir avec l'enthousiasme qu'on éprouve toujours quand on aborde les ennemis de notre souverain". Au nombre des blessés, le Bataillon du 76e compte le Lieutenant Jacques Hyacinthe Pruneau, qui est nommé Capitaine quelques jours après, le 18 mai 1809. Le Capitaine Descartes a été tué (Martinien).
Le 4e Corps s'établit à l'est d'Ebersberg et toute l'Armée se dispose à marcher sur Vienne en poussant devant elle les arrière-gardes autrichieuues. Le 6, on passe l'Ens dont il faut rétablir les ponts; le 8, le 4e Corps arrive à Moelck; le 10, il est devant la capitale de l'Autriche. Après un essai de résistance qui demeure sans effet, Vienne ouvre ses portes. La capitulation est signée le 13 mai, à 6 heures du matin. Hiller s'est réfugié sur la rive gauche du Danube, pour y rejoindre l'Archiduc Charles.
3/ Bataille d'Essling
La Division Claparède rentre au 2e Corps (Lannes) sous les ordres d'Oudinot; les Grenadiers tiennent garnison dans Vienne jusqu'au 20 mai. La paix n'est pas dans Vienne. Il reste à l'Autriche des forces considérables et Napoléon songe à se procurer un débouché au delà du Danube, pour continuer les opérations offensives. Lannes chercheà passer le fleuve en amont de Vienne, à Nusdorf; mais les préparatifs sont éventés et il faut renoncer à utiliser ce point de passage. L'Empereur se décide alors à jeter des ponts à Ebersdorf et à se servir de la grande île Lobau pour gagner la rive gauche. Les travaux se font avec une activité prodigieuse. Le 19, le passage peut commencer. En débouchant, les troupes ont devant elles la vaste plaine du Marchfeld, limitée au nord-est par le Russbach et au nord-ouest par le plateau du Bisamberg d'où va bientôt descendre toute l'Armée autrichienne. En avant des ponts, comme deux bastions, les deux villages d'Aspern et d'Essling protégeront le déploiement.
Le 21 mai, le 4e Bataillon combat à Aspern et le lendemain, il est à la sanglante bataille d'Essling où le Maréchal Lannes, qui s'y couvre de gloire, est mortellement blessé (Nafziger 809EBI - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Aspern am 21. und 22. May 1809"; Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).
Le Corps Masséna et la Division Boudet, du Corps Lannes, sont seuls sur la rive gauche, quand le 21, à midi, l'Archiduc Charles commençe l'attaque. Une avarie des ponts a retenu sur la rive droite le reste du 2e Corps et les Grenadiers d'Oudinot. Néanmoins les troupes de la rive gauche réussissent à se maintenir dans les réduits d'Aspern et d'Essling, malgré l'écrasante supériorité numérique de l'ennemi. Pendant la nuit du 21 au 22, les grenadiers peuvent enfin passer sur la rive gauche. Ils s'établissent d'abord en réserve entre le 2e Corps qui tient Essling et le 4e qui défend Aspern. La lutte sanglante et opiniâtre recommence avant le jour. L'Archiduc Charles n'a jamais eu une si belle occasion et il veut en profiter. Mais grâce aux renforts arrivés pendant la nuit, Lannes reprend bientôt tout le village d'Essling et Masséna chasse les Autrichiens qui se sont emparés des premières maisons d'Aspern. Napoléon, pour sortir du cul-de-sac où il est comprimé, ordonne une vaste conversion à gauche, avec Aspern pour pivot. Davout, dont les têtes de colonnes viennent d'arriver, conduit l'aile marchante en sortant d'Aspern. Oudinot, s'élançant du rentrant avec les vaillants Grenadiers, cherche à percer le centre des Autrichiens. Telle est l'impétuosité de l'attaque qu'au premier choc, la 1ère ligne autrichienne est enfoncée. L'archiduc débouche alors contre les Grenadiers avec toute ses réserves; mais les fantassins tiennent bon. Bessières, passant avec sa cavalerie dans les intervalles des Bataillons, charge deux fois l'infanterie et la cavalerie autrichienne, qu'il sabre et culbute jusque sur le Généralissime. L'Archiduc saisit lui-mème un drapeau pour rallier ses Bataillons dispersés pendant que Napoléon, payant aussi de sa personne, s'entend dire par le Général Walter ce cri du coeur demeuré célèbre : "Retirez-vous, Sire, ou je vous fais enlever par mes grenadiers". Il est à peine huit heures du matin.
La victoire semble déjà certaine, quand soudain le bruit se répand que le grand pont du Danube est détruit. La nouvelle n'est que trop vraie : des moulins jetés dans le fleuve, des bateaux chargés de pierres, des brûlots lancés par l'ennemi au moment d'une crue du Danube ont amené la rupture du grand pont. Le Corps de Davout ne peut plus passer sur la rive gauche, et les réserves d'artillerie, dont on a le plus besoin, restent également paralysées sur la rive droite. Il n'est pas encore midi, et, sans espoir de secours, il faut tenir jusqu'à la nuit, sous peine d'un désastre. L'Empereur n'a plus de manoeuvre à ordonner; il s'en rapporte à la solidité de ses soldats : son attente n'est pas déçue.
Cependant en voyant s'arrêter l'offensive française, les Autrichiens reprennent courage : l'archiduc prépare une charge générale soutenue par le feu de toutes ses batteries. La Division Saint-Hilaire, qui constitue le premier échelon, reçoit le choc, en se repliant lentement sur Essling. A sa gauche, les Bataillons d'élite forment entre les deux villages la courtine de ce véritable front bastionné et opposent à tous les efforts de l'ennemi une invincible résistance contre laquelle viennent échouer successivement l'élan du Corps Hohenzollern et celui des Grenadiers autrichiens. "Deux fois, dit Rocquancourt (T. III, p. 349), la fermeté des vieux grenadiers vint se briser devant les conscrits (Oudinot a, en effet, de nombreux conscrits encadrés dans ses Bataillons d'élite. Nous l'avons déjà signalé ) d'Oudinot... On combattait depuis 30 heures; les deux partis en avaient assez. La sanglante tragédie est cependant prolongée par une canonnade assez vive... Dans ce dernier acte, la capricieuse fortune s'est réservée de couvrir de deuil l'armée française" et particulièrement le 2e Corps. "Un boulet parti d'Entzersdorf brise les deux genoux de l'illustre Maréchal Lannes" (Lannes, qu'on avait d'abord espéré sauver, mourut le 30 mai).
A minuit, le 2e Corps et le 4e tiennent encore dans Essling et Aspern. L'ennemi rentre dans ses positions. La Garde commençe alors le mouvement rétrograde qui se continue par la Cavalerie, les Grenadiers d'Oudinot, le 2e Corps et enfin le 4e. Le 23, à 7 heures du matin, il n'y a plus un Français sur la rive gauche. Le Bataillon d'élite du 76e compte au nombre de ses morts les Capitaines Guillaume Marie Creté (tué le 21 selon Martinien) et Jean Baptiste Odinot. Le Sous lieutenant Secrétain a reçu une balle au talon droit. Martinien indique également le Sous lieutenant Bernard, tué ; le Capitaine Pruneau et le Sous lieutenant Andreau, blessés. Le 28 mai, le 6e Régiment d'élite aligne un effectif de 1341 hommes. La Division Claparède fait de nouveau partie du 2e Corps commandé par Oudinot.
En attendant une nouvelle bataille, l'Armée française se fortifie dans l'île Lobau : le 2e Corps s'y trouve placé en seconde ligne dans les îles et sur les bords du fleuve. Le mois de juin se passe ainsi de part et d'autre en préparatifs : l'Empereur pour déboucher de nouveau dans le Marchfeld; l'Archiduc pour empêcher son déploiement.
Le 1er juin 1809, l'Empereur écrit, depuis Ebersdorf, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "Mon cousin, écrivez au général Moulin que je vois dans l'état de situation de la place d'Augsbourg au 27 mai qu'il y a un bataillon de marche de 900 hommes. Il faut le faire partir pour l'armée, ainsi que les détachements des 43e, 59e, 69e, 76e, 3e et 57e de ligne, qu'il a dans la place suffisamment de monde ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3199 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21108).
Le 10 juin 1809, l'Empereur, qui vient de décider d'une importante levée de Conscrits, sur la classe 1810, mais aussi sur les classes 1806 à 1809, afin de compenser les pertes du début de la campagne, et renforcer l'Armée, écrit depuis Schönbrunn au Général Clarke pour lui donner le détail de cette opération particulièrement complexe; lettre accompagnée de 3 Etats différents très détaillés. Concernant le 76e de Ligne, l'Empereur ordonne : "... Les 1500 hommes des conscrits des 4 années destinés pour la cavalerie, et les 1500 hommes des mêmes années destinés pour l'artillerie formant 3000 hommes seront employés à renforcer le corps d'Oudinot. Les trois régiments des côtes de La Rochelle fourniront trois autres mille hommes qui auront la même destination ; ce qui renforcera de 6000 hommes le corps d'Oudinot conformément à l'état A ..."; la répartition qui suit indique que 1500 hommes seront dirigés sur le Dépôt du 82e de Ligne, tandis que le Dépôt de ce Régiment devra envoyer "200 hommes au 4e bataillon du 76e de ligne". Par ailleurs, une annexe intitulée "Répartition des 40 000 conscrits de l'appel supplémentaire de 1810" donne la composition de la 13e Demi-brigade provisoire : 59e de ligne; 69e id.; 76e id.; 100e·id.; 103e id.; 105e id. complété à la Division St-Hilaire; 6e léger qui doit recevoir 25 hommes; 24e id.; 25e id.; 26e id.; 16e id.; 96e de ligne; au total elle doit recevoir 25 hommes. Il est par ailleurs précisé que l'on doit porter "les 24 compagnies à 3360 hommes" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21182).
Au 1er juillet, la Division Claparède, dont fait partie le 4e Bataillon du 76e, est passé sous les ordres du Général Frère (Nafziger 809EBI).
Situation en juillet 1809 (côte SHDT : us180907 C8436066) Chef de Corps : CHEMINEAU Colonel - infanterie |
4/ Bataille de Wagram
Pendant cette période de recueillement qui précède la lutte suprême, la Demi-brigade du Colonel Courtois (composée, on s'en souvient, des Bataillons d'élite des 59e, 69e et 76e) passe sous les ordres du Général Dupas, Commandant la 2e Division du 9e Corps (Bernadotte) composé également de Saxons (une situation de la Collection Nafziger continue toutefois de la donner au sein du Corps de Oudinot - Nafziger 809GCE - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Deutsch-Wagram am 5. und 6. Juli 1809"; Litre, E. F., "Les Régiments d'artillerie à pied de la Garde", Paris, 1895; Buat, E., "Etude Critique d'Histoire Militaire, 1809, de Ratisbonne à Znaïm", Librairie Militaire R. Chapelot et Cie, Paris, 1909).
Quand tout est prêt, Napoléon décide de franchir de nouveau le Danube devant l'Armée autrichienne. L'Archiduc Charles a tout disposé pour l'arrêter à Aspern et Essling mais cette fois l'opération s'effectue par la face est de l'lle Lobau, du côté de l'île Alexandre. La Division Dupas atteint la rive droite, le 5 juillet, entre trois et quatre heures du matin, par le pont de pontons qui a déjà servi à l'infanterie d'Oudinot et de Davout. Le passage de l'Armée française se fait avec une activité merveilleuse, avant que l'Archiduc surpris ait eu le temps de s'y opposer.
Les troupes se déployent en éventail en repoussant les postes autrichiens, insuffisants pour garder le terrain que Napoléon a choisi. La Division Dupas a ainsi à enlever le village de Raschdorf. Elle y fit 800 prisonniers. A cinq heures du soir, l'Armée française forme un angle saillant dont le sommet est à Aderklaa. L'un des côtés, parallèle au Russbach, s'étend de Glinzendorf à Aderklaa; l'autre côté, face au Bisamberg, va d'Aderklaa au Danube. Le Corps Bernadotte occupe Aderklaa, ayant à sa droite l'armée d'ltalie et à sa gauche le Corps de Masséna.
L'Empereur, voyant que tout a réussi au delà de ses espérances, croit pouvoir en finir, le jour même, avec l'Armée autrichienne : à la nuit tombante, il ordonne de brusquer l'attaque sur la ligne Neusideld-Wagram. Pendant que les Saxons de Bernadotte marchent d'Aderklaa sur le village de Wagram et en chassent presque complètement les troupes de Bellegarde, la Division Dupas aborde de front le Russbach, avec Macdonald. Le ruisseau est profond et marécageux; les Autrichiens, postés sur les hauteurs qui bordent la rive gauche, reçoivent les Grenadiers par un feu des plus vifs; mais rien ne résiste à ces braves : le ruisseau est franchi. Les Tirailleurs autrichiens se réfugient derrière les baraques de leur camp. Ils en sont débusqués et 300 d'entre eux sont faits prisonniers.
Malheureusement la nuit est venue : tout à coup, dans le désordre de l'assaut se produit de la confusion sur les derrières de Dupas. Des colonnes française se fusillent entre elles (les colonnes de l'Armée d'Italie, après avoir passé le Russbach, gravissaient le plateau, pour rejoindre Dupas qui avait avec lui quelques Saxons. Les soldats de Macdonald prirent les Saxons pour des ennemis et ouvrirent le feu sur eux). Une panique s'en suit. "Dupas, resté seul sur la rive droite avec ses régiments français, assailli de tous côtés par le corps de Bellegarde que l'archiduc avait rallié lui-même, fut obligé de céder le terrain et d'évacuer le plateau, sous des charges réitérées d'infanterie et de cavalerie" (Thiers, t. X, p. 450). L'Armée bivouaque sur le champ de bataille : le Corps de Bernadotte devant Aderklaa qu'il n'a pu conserver. Au nombre des blessés figure le Lieutenant Claude Renoud, du 76e, qui, en franchissant le Russbach près de Baumersdorf, a eu le pied droit traversé par une balle au-dessous de la cheville. Martinien indique également le Lieutenant Adjudant major Crétal, et le Lieutenant Colin, blessés.
Le lendemain, l'attaque recommençe sur tout le front, dès quatre heures du matin. La Division Dupas est engagée entre les Saxons de Bernadotte et le Corps Oudinot; elle contribue, par sa solidité, à ramener en avant les Saxons qui avaient cédé Aderklaa à l'Archiduc. Le village, pris et repris plusieurs fois "rappelle aux combattants, dit de Norvins (Histoire de Napoléon, t. III, p. 450), les scènes d'Aspern et d'Essling". Dans ces attaques sanglantes, la Division Dupas éprouve des pertes considérables, et le Bataillon du 76e est grandement éprouvé : le Capitaine Ambroise La Grenade expire, le 10 juillet, des blessures qu'il a reçues devant Aderklaa. Epuisés par les efforts de la veille et la lutte du matin, les Grenadiers restent en réserve pendant les derniers épisodes de la journée. Martinien indique également le Sous lieutenant Cazaudon, blessé.
5/ Armistice de Znaïm
Avant de se lancer à la poursuite de l'Archiduc, l'Empereur laisse reposer une partie de son Armée et la réorganise. Le 8 juillet, le 9e Corps, qui a beaucoup souffert, est dissous et les éléments en sont dispersés. Le Bataillon du 76e passe momentanément à la Division Boudet, du 4e Corps (Masséna). Les Grenadiers prennent avec cette Division la direction de la Bohême et assistent ainsi, le 11 juillet, au combat de Znaïm. Un armistice arrête les opérations. Le Bataillon reste cantonné aux environs de Znaïm.
Le 15 juillet 1809, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke ... Voici mes observations sur la 3e division militaire. Le 59e peut offrir une compagnie de 100 hommes, le 69e, le 76e, le 96e, le 100e, le 103e, le 9e, le 24e, le 26e d'infanterie légère peuvent fournir le même nombre. Cela fera un bataillon de marche de la 3e division militaire, fort de 8 à 900 hommes, que vous dirigerez sur Vienne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3308 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21511).
A Znaïm, le Bataillon reçoit la nouvelle de la paix de Vienne signée le 14 octobre. L'évacuation de l'Allemagne commençe en décembre. Malheureusement pour lui, le Fusilier Joseph venin, du département de l'Ain, n'aura pas la chance de quitter l'Allemagne : entré aux hôpitaux le 27 octobre 1809, il décède le 27 décembre 1809. Il laisse comme effets : un habit, une veste, une culotte et une paire de souliers.
Collection particulière - S.E.H.R.I. |
6/ D'Autriche en Espagne
Le Bataillon d'élite (3e de la 6e Demi-brigade provisoire et 4e du 76e Régiment) devait fatalement aller, tôt ou tard, rejoindre en Espagne les Bataillons de guerre du Régiment. Il fait d'abord une asssez longue halte à Rastadt. Le Fourrier Fois quant à lui n'y parviendra pas : entré aux hôpitaux le 20 décembre 1809, il décède le 3 janvier 1810; la liste de ses effets est composée de 1 shako, 1 sac de pain, 1 capote, 1 habit, 1 paire de guêtres, 1 culotte, 1 bonnet de police, 1 chemise, 1 paire de guêtres, 1 paire de souliers.
Collection particulière - S.E.H.R.I. |
L'Armée d'Allemagne, en quittant la Moravie, se dirige sur le territoire du Rhin : le 2e Corps (Oudinot) est reconstitué à Ulm, le 4 février 1810, ayant pour 2e Division la Division Dupas formée elle-même avec la 5e Demi-brigade légère et les 5e, 6e, 7e et 8e Demi-brigades provisoires de ligne. La 6e Demi-brigade de ligne arrive à Rastadt le 13 février. Le 4e Bataillon du 76e est alors commandé par le Chef de Bataillon Castillon. Le 20 mars, il est prescrit aux troupes de l'Armée d'Allemagne de repasser le Rhin et de regagner leurs dépôts; mais, par suite de nouveaux ordres de mouvement successivement envoyés les 6 avril, 16 mai, 6 et 22 juillet, la Division Dupas reste provisoirement constituée et sans s'arrêter, traverse la France, du nord-est au sud-ouest. Le 4e Bataillon ainsi endivisionné quitte Rastadt, le 28 mars, avec un effectif de 759 hommes. Il est à Schelestadt, le 30. Il en part le 18 avril, et atteint Orléans le 10 mai. D'Orléans il est dirigé, le 22 mai, sur Tours ou il entre le 25; il quitte cette ville le 15 juillet, passe à Bordeaux le 31 et arrive à Bayonne le 9 août. Peu après, il entre en Espagne. Là, il fait d'abord partie de la 1ère Division du 9e Corps, puis rejoint la portion principale du Régiment.
L/ Guerre d'Espagne
1/ Marche sur Madrid et occupation de la Galice
Fig. 6 |
Au moment où le 76e entre en Espagne, les troupes françaises, après une invasion rapide, sont obligées de se retirer sur la ligne de l'Ebre. La désastreuse capitulation de Baylen (22 juillet 1808) et la retraite précipitée des Français a ruiné dans la péninsule le prestige de leurs armes. Si l'on ajoute à ces considérations les difficultés de ce pays accidenté et le caractère fier et passionné du peuple espagnol, on comprendra à quelle rude tâche le 76e est convié. "Napoléon, selon son énergique expression, disait : J'ai envoyé aux Espagnols des agneaux qu'ils ont dévorés; je vais leur envoyer des loups qui les dévoreront à leur tour" (Souvenirs militaires du duc de Fezensac, p. 199).
Signalons avant d'entrer dans le détail des opérations, que selon Martinien, ont été blessés en Espagne, avant l'arrivée des Bataillons de guerre, les Officiers suivants : le Sous lieutenant Hugo, au combat de Andujar (16 juillet 1808); Capitaine Bailly, à Baylen (19 juillet 1809). Ils devaient certainement faire partie des Compagnies entrées dans la composition des Régiments provisoires mentionnés plus haut.
Le Régiment, sous les ordres du Colonel Chemineau (le 1er Bataillon est commandé par le Chef de Bataillon Genevay, le 2e par le Chef de Bataillon de Zimmer, le 3e par le Chef de Bataillon Foussenquy), franchit les Pyrénées par la grande route de Bayonne, Irun, Saint-Sébastien, Vittoria. Il fait une courte halte aux environs de cette dernière ville où il arrive le 8 novembre 1808. Il compte alors à l'effectif (en date du 15 novembre) 50 Officiers et 1905 hommes présents (il a en outre 5 Officiers et 12 hommes restés à Bayonne, et 1 Officier et 281 hommes dans les hôpitaux. Le dépôt est toujours à Sarrelouis). Le 76e fait partie de la 2e Brigade (Marcognet, composée des 39e et 76e de Ligne) de la 1ère Division Marchand (composée des brigades Maucune et Marcognet) du 6e Corps Ney (composé des Divisions d'infanterie Marchand, Lagrange et Sarrut (cette dernière n'ayant encore qu'un Régiment); de la cavalerie légère de Colbert et de la Division de Dragons de Latour-Maubourg. On voit que la composition du 6e corps a peu changé depuis 1805 (situation également donnée par Nafziger 808KSCJ.pdf). Les Corps de Ney et Moncey forment, sous les ordres de Lannes, l'aile gauche de l'Armée dont Napoléon vient de prendre le commandement. Les provinces d'Espagne se soulèvent de tous côtés et les Anglais débarqués en Portugal vont se joindre aux troupes espagnoles. Palafox, à la tète de l'Armée d'Aragon, et Castanos, à la tête de celle d'Andalousie, commandent la droite ennemie contre laquelle le 6e Corps va commencer ses opérations.
Pendant que Napoléon marche directement sur Madrid, le 6e Corps s'avançe par Burgos jusqu'au Douero.
Le 10, à sept heures du matin, Ney, avec les trois Régiments (6e Léger, 31e, 69e de Ligne) de la 1ère Brigade de la 1ère Division Marchand, quitte Miranda pour Bribriesa qu'il atteint le jour même. Soult, qui remplace Bessières au 2e Corps, a enlevé Burgos à midi au Corps d'Estramadure. Le lendemain, la 1ère Brigade de la 1ère Division Marchand campe au nord de Burgos, où Ney établit son quartier général La 2e Brigade (39e et 76e de Ligne) rejoint le gros du 6e Corps près de Burgos, le 12 novembre. Par ordre impérial du 13, à 3 heures du matin, ces cinq régiments sont passés en revue par Napoléon à 5 heures du matin, dans la plaine au nord de Burgos (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
Dans la soirée, le maréchal Ney reçoit l'ordre du Major général d'amener son corps d'armée, le lendemain 15 novembre, au nord et près de Lerma. Le 15, laissant le 31e Léger en position à Arroyal, Ney porte les quatre Régiments disponibles de la 1ère Divison (dont le 76e) sur Lerma où rejoint la Division Dessolles (12e Léger, 43e, 51e, 55e et 26e Chasseurs) après la marche (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
Le 76e atteint Aranda le 16 novembre.
D'Aranda, Ney se lançe à la poursuite de Castanos et de Palafox qui, dans leur retraite après l'affaire de Tudela, allaient être attaqués en tête par Lannes et Moncey, et pouvaient ainsi être détruits complètement. Le 76e arrive le 21 novembre à Osma, et le 22 à Soria où il doit malheureusement s'arrêter pendant trois jours (ce qui permet à l'ennemi de lui échapper). De Soria, le Régiment se dirige par Agreda et Tarrazone vers Saragosse dont Moncey commence le siège; Saragosse est atteint le 28.
Le 28 novembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Aranda, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "Du moment que j'ai reçu votre état, je l'ai lu avec le plus grand intérêt ; mais il est tellement fautif que je ne puis compter sur son exactitude. Il faut que vous le fassiez corriger et que vous me le renvoyiez, dans l'état où il est, il ne peut me servir ...
Le 76e est porté comme ayant 2 272 hommes dans l'intérieur. C’est une erreur de copiste ; il faut les porter à la colonne de l'armée d'Espagne ...
Cet état demande donc à être retouché ; aux petits changements près, que j'ai notés ci-dessus, la forme m'en paraît très belle" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19429).
Le 76e marche ensuite sur Madrid par Catalayud, Siguenza et Guadalaxara ou il se trouve le 10 décembre.
Le 6e Corps demeure au repos à Guadalajara jusqu'au 12 décembre et son chef en profite pour reconstituer les approvisionnements et assurer les réparations à l'habillement, à l'équipement, etc ... D'après un rapport du Duc d'Elchingen au Major général et en ayant recours aux souvenirs du Colonel Sprunglin, alors Capitaine adjoint d'Etat-major, on constate que le 6e Corps d'armée présente, à la date du 8 décembre 1808, la composition et les effectifs suivants :
... 1re division, général Marchand (6.480 hommes).
... 2e Brigade, Général Marcognet : 39e de ligne (Colonel Soyer), à 3 Bataillons de 6 Compagnies; 76e de Ligne (Colonel Chemineau), à 3 Bataillons de 6 Compagnies (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
Après une résistance de deux jours, Madrid capitule.
Le 6e Corps y entre le 14. En racontant le défilé des troupes dans la capitale de la péninsule, Jomini, Chef d'Etat-major du 6e Corps, rapporte l'anecdote suivante ( ) :
"Je me trouvais, dit-il, avec l'état-major, derrière l'Empereur et le maréchal, lorsque notre bon capilaine et interprète Esménard me signala l'étrange conversation engagée entre deux moines espagnols qui ne soupçonnaient guère être si bien entendus. Le plus jeune disait : " Oh! les admirables troupes! comment pouvoir leur résister?... " Le vieux matois répondait narquoisement : Combien crois-tu donc qu'il y en a là ? - Bah! au moins vingt mille. - Eh bien ! comptes-en cinquante morts par jour, tant pour les combats que pour les maladies, les fièvres, le couteau, les femmes,... en voilà dix-huit mille de partis dans un an".
Cette conversation peint si bien le caractère de nos ennemis, leurs sentiments à notre égard, ainsi que les moyens qu'ils ont employés pour venir à bout de nos "admirables troupes", que nous n'avons pas cru pouvoir mieux faire que de la reproduire. Elle montre à quels adversaires nos soldats vont s'adresser. Le 6e Corps est passé en revue par l'Empereur à Madrid, le 16 décembre.
A l'ouest, le Maréchal Soult poursuit l'armée anglaise de Moore dans sa retraite précipitée à travers la Galice. Le 6e Corps, désigné pour lui servir de réserve, quitte Madrid le 20 décembre, passe à Guadarrama, Arevalo. A l'issue de la marche du 22 décembre, le maréchal Ney écrit d'Arevalo au Major général :
"... Emplacement des troupes pour le 23 décembre.
Le Général Marchand, à Médina del Campo.
6e légère, 69e, 39e et 76e de ligne, à Médina del Campo ..." (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome 3).
Puis le 6e Corps passe à Tordesillas, Rio Seco et arrive à Astorga le 2 janvier 1809. Cette longue marche, exécutée au coeur de l'hiver, dans un pays insurgé, est une épreuve pénible et même dangereuse, surtout au franchissement des hauteurs escarpées de la Sierra de Gredos. Le 6e Corps reste en réserve à Astorga et à Lugo. Après la bataille de la Corogne (18 janvier), il est chargé d'occuper la Galice, où le Marquis de la Romana s'est mis à la tête des rebelles espagnols, après l'embarquement des troupes anglaises à la Corogne. Constamment battu par Ney, il se refugie dans les montagnes, y rallie ses troupes, et revient sans cesse à la charge. Le 76e occupe ainsi successivement, en janvier, Calabello, Odensé, Vigo, puis la Corogne même jusqu'en avril.
Situation du 6e Corps à l'Armée d'Espagne le 1er février 1809 (Nafziger - 809BSAJ) Sources : Oman, A History of the Peninsular War |
Au milieu du moi d'avril, le Marquis de la Romana se rend dans les Asturies pour y organiser l'insurrection. Ney concerte ses mouvements avec Kellermann, qui se trouve dans le nord du royaume de Léon ; La Romana se voit sur le point d'être écrasé par eux et se rembarque avec ses troupes pour retourner en Galice. Dans la dernière quinzaine d'avril, le 76e perd 3 hommes probablement assassinés, comme l'a été, le 28 mars, le Capitaine Fontane de l'Etat-major général (Martinien indique également le Capitaine Tournier, blessé dans une affaire près de la Corogne le 27 février). A la date du 1er avril 1809, l'effectif du 76e est de 2224 hommes, dont 1732 présents sous les armes, Officiers compris.
Ney se porte en toute hâte en Galice avec le 6e Corps pour secourir les faibles garnisons qu'il y a laissées. Le 30 mai, il arrive à Lugo. En mai et juin, le 76e occupa Santiago avec ses 1er et 2e Bataillons et Bétanzos avec le 3e. Le 7 juin, dans un engagement près de Payo, le Sous-lieutenant François Villain, du 76e, reçoit un coup de feu à la poitrine. En Galice, les soldats vivent de réquisitions et sont mal nourris : "Il ne reste pas de quoi alimenter quinze jours les troupes,... écrit déjà Jomini, dans son rapport du 30 avril;... le peu qu'on pourrait exiger achèverait d'insurger le pays.... Il n'a pas été envoyé de fonds pour les troupes françaises" (Souvenirs inédits de Jomini, publiés en 1892 par le Colonel Lecomte, de l'armée suisse, grand admirateur de son célèbre compatriote). Depuis l'entrée en Espagne, le 76e a perdu 180 hommes (ce chiffre est extrait de la situation du 30 avril 1809; il y avait, à cette même date, 2 Officiers et 10 hommes détachés à Bayonne et 2 Officiers et 422 hommes aux hôpitaux. Aucune mutation ne s'était encore produite dans l'Etat-major du Régiment). Ney reste jusqu'au 16 juin dans la province de Galice.
2/ Occupation de la province de Léon et opération dans l'Estramadure
L'Empereur a quitté l'Espagne depuis le mois de janvier, et, sans lui, la guerre dans la péninsule "ne devait être, comme dit Lavallée, qu'une série de tentatives avortées, d'expéditions décousues, de combats et d'efforts inutiles". L'inanité des résultats obtenus n'ôte rien cependant au mérite du soldat. Les luttes soutenues n'ont été que plus périlleuses, les souffrances plus longues et plus pénibles.
Le Maréchal Ney, resté seul en Galice depuis le départ du Maréchal Soult (2e Corps. Après la bataille de la Corogne, Soult avait reçu l'ordre de chasser les Anglais du Portugal. Ney en Galice devait assurer ses communications. Mais celles-ci furent bientôt coupées : Soult, après s'être avancé victorieusement jusqu'à Oporto, fut bientôt traqué par Wellington et Beresfort, Maréchal portugais. Il eut toutes les peines du monde à regagner la Galice au mois de mai. Il ne s'entendit pas avec Ney et alla réorganiser son armée à Zamora. C'est à cette nouvelle séparation qu'il est fait allusion dans le texte), se décide, le 16 juin, à se rapprocher de ce dernier en allant dans la province de Léon. Les difficultés qu'il éprouve à faire vivre ses troupes et à évacuer les malades rendent cette résolution nécessaire. La Brigade Marcognet (39e et 76e) est cantonnée à Léon même. Les Bataillons de guerre reçoivent là des renforts qui élèvent à 1818 le nombre des présents, à la date du 15 juillet. Le 30 juin, le Capitaine Hérisson est blessé, étant en colonne mobile (Martinien).
Le 25 juillet, la Brigade Marcognet est rappelée à Benevente où se concentre le 6e Corps. Wellington, renonçant à poursuivre Soult en Galice, est revenu sur le Tage à Abrantez. De là, il s'est dirigé sur Madrid par Alopéza et Talaveyra, de concert avec les armées d'Estramadure et de la Manche, commandées par la Cuesta et Vanegas qui marchaient sur Tolède. Le Roi Joseph va lui-même à la rencontre de Wellington et ordonne à Soult de réunir les Corps de Ney et de Mortier pour couper la retraite au Général anglais. Le 6e Corps, à peine concentré à Benevente, se met en marche sur Almaraz par Salamanque et Placencia, sans même s'inquiéter du Corps espagnol de Del Parque qui s'est réuni aux Portugais de Beresfort et campe sous Almeïda. Joseph attaque Wellington les 27 et 28 juillet à Talaveyra. Il ne parvient pas à le déloger; mais le Général anglais, apprenant l'arrivée de Soult et de Ney, se met en retraite de lui-même le 2 août, en abandonnant 5000 malades et blessés. Son artillerie et le Corps de la Cuesta qui forme sa réserve arrivent au pont de l'Arzobispo en même temps que Soult; mais le gros de ses forces est déjà passé. Il gagne Truxillio et rentre en Portugal.
Le 76e assiste en réserve au combat d'Arzobispo dans lequel le Corps de la Cuesta est battu et pris presque en entier. Les débris de ce Corps se réfugient dans les montagnes. Le 6e Corps va ensuite à Salamanque (pendant les opérations sur le Tage, Del Parque et Beresfort avaient occupé Salamanque. Ils se retirèrent à Ciudad-Rodrigo aprés l'échec de Wilson au col de Banos). Il forçe, le 12 août, le passage du col de Banos, défendu par le Général anglais Wilson qui est mis en pleine déroute et perd 1200 hommes.
Le 18 août, Ney adresse un rapport au Roi Joseph, dans lequel il lui expose les opérations effectuées par des fractions du 6e corps d'armée aussitôt après son arrivée à Salamanque.
"J'appris, à mon arrivée à Salamanque, qu'il existait des rassemblements vers Ledesma, soutenus par la garnison de Ciudad Rodrigo, et que l'insurrection se manifestait également du côté d'Alba de Tormes et de Penaranda, où des compagnies de contrebandiers à cheval infestaient le pays, le mettaient à contribution et interceptaient les communications.
Je dirigeai, les 16 et 17 août, le 27e de ligne, avec un détachement de dragons, sur Alba de Tormes et Penaranda, le 76e de ligne et un détachement de dragons sur Ledesma.
Ces expéditions avaient le double but de réprimer la révolte et de faire arriver des vivres à Salamanque pour la subsistance de l'armée.
Les rapports qui me sont parvenus annoncent que la partie d'Alba de Tormes et de Penaranda commence à jouir de quelque tranquillité et que les habitants sont portés de bonne volonté à satisfaire aux besoins des troupes.
Les bandes de cavalerie insurgée se sont dispersées et ne paraissent plus.
La situation n'est pas aussi satisfaisante aux environs de Ledesma. Le 76e a eu à soutenir dans ses excursions plusieurs petits combats, dans lesquels il a tué ou fait prisonniers une cinquantaine d'insurgés. Les habitants des villages, à quatre et six lieues en avant (à l'est) de Ledesma, abandonnent leurs habitations à l'approche de nos troupes, ce qui rend la réunion des vivres difficile dans cette partie. La ville de Ledesma se conduit bien.
Une brigade d'infanterie (9e léger et 69e de ligne, général Maucune) et les deux régiments de cavalerie légère (3e de hussards et 15e de chasseurs, général Lorcet) sont depuis quelques jours établis à Fuente Sauco et communiquent avec les troupes du général Kellermann, en position à Toro.
Demain et jours suivants, je fais occuper Zamora par une brigade d'infanterie (1re de la 1re division, général Maucune) et la brigade de cavalerie légère (général Lorcet); une autre brigade d'infanterie (2e de la 1re division, général Marcognet; 39e et 76e) sera à Toro. Le général Marchand (commandant la 1re division) s'établira à Zamora, avec mission de surveiller la droite (amont) de la Tormes et la gauche (aval) de l'Esla, de culbuter tous les partis ennemis qui se présenteraient sur son front et de pousser des reconnaissances sur Benavente.
Je reste ici avec la 2e division (général Mermet) et la brigade de dragons (colonel Ornano). Ma communication avec le maréchal Soult est presque impossible avec de simples détachements; il faut au moins une brigade d'infanterie pour pénétrer jusqu'à Banos, parce que la garnison de Ciudad Rodrigo occupe, par des camps volants, toutes les positions voisines de Montemayor et de Valdelacosa. D'ailleurs, le maréchal duc de Dalmatie, par sa lettre de Plasencia, datée du 16, m'écrit que son intention n'est pas de laisser des troupes à Bejar et au col de Banos.
Le général Kellermann, avec qui je suis en relation, m'annonce qu'il viendra incessamment me voir afin de concerter quelque opération pour chasser les troupes de La Romana au delà de l'Esla.
Je désirerais, avant de donner suite à un grand mouvement, connaître les intentions de Votre Majesté". (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
La Division Marchand ne séjourne à Salamanque que jusqu'au 23 août. Elle en part à cette date pour occuper Zamora et Toro.
Le 13 septembre, le Général Kellermann annonce à Ney qu'il envoie une garnison d'infanterie (200 hommes) à Toro, pour y relever le bataillon du 76e qui s'y trouve. Le 76e n'y est donc pas resté jusqu'à la fin de septembre, comme indiqué dans l'historique régimentaire.
Le 25 septembre 1809 encore, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, vous trouverez ci-joint l'idée d'un rapport pour justifier la levée des 36 000 conscrits que je viens d'ordonner. Vous trouverez également la répartition de ces 36 000 conscrits. Ajoutez à votre rapport une considération sur la grande quantité de conscrits qui restent sur les années passées, écrivez-en même le nombre s'il en reste effectivement 500 000, dites qu'il y en a 800 000. Il est nécessaire que cette phrase soit bien frappée, parce qu'elle fera une grande influence sur l'étranger.
Napoléon
Décret « de distribution » répartissant les 36 000 conscrits par place forte ou régions militaires
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
Article 1er
La distribution des 36 000 conscrits levés en vertu du sénatus-consulte du […] octobre, sera fait ainsi qu’il suit :
... Seront dirigés sur différents dépôts, savoir :
... 200 au 76e ...
Relevé de la distribution des 36 000 conscrits suivant l’ordre numérique des régiments employés à l’armée d’Espagne :
... Infanterie de ligne
... 76e à son dépôt 200 ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22176).
Le 30, le 76e rentre à Salamanque, où tout le 6e Corps se concentre de nouveau. Entre temps, le Chirurgien Sous aide major Capo d'Echetto a été blessé (Martinien).
Le 7 octobre 1809, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre : "Monsieur le Général Clarke ... Mon intention est de réunir, pour le commencement de décembre, 80,000 hommes d'infanterie et 15 à 16,000 chevaux, pour entrer en Espagne ... Je suppose que l'ennemi aura évacué l'île de Walcheren. Voici comment je suppose que je pourrai former ce corps de 100,000 hommes.
Infanterie : 9,000 hommes, composés des 26e, 66e, 82e, d'un bataillon hanovrien et d'un bataillon de la légion du Midi ; 6,000 hommes des 47e, 15e, 86e et 76e ; 3,000 hommes du 22e de ligne ; 8,000 hommes des neuf bataillons du corps du duc d'Abrantès et du régiment de Berg ; 8,000 hommes du régiment de marche qui se forme à Strasbourg ; 3,000 hommes du régiment de marche qui se forme à Maëstricht ; 14, 000 hommes des six demi-brigades provisoires de l'armée du Nord ; 3,000 hommes du régiment de marche qui se forme à Bayonne ; 19,000 hommes provenant de tout ce qui se trouve disponible aux dépôts de tous les régiments, en France, qui seront dirigés sur Bayonne et incorporés dans les régiments d'Espagne ; 10,000 hommes de la Garde ; total, 80,000 hommes d'infanterie et 4,000 hommes de troupes alliées ... que mon intention est d'avoir réunis, entre Bayonne et Orléans, dans le mois de décembre, pour entrer en Espagne.
Je désire que vous fassiez faire ce travail dans vos bureaux, afin de rectifier ces calculs, et que vous me présentiez la formation d'une réserve de 100,000 hommes, en n'y comprenant aucun homme de l'armée d'Allemagne, si ce n'est le corps du duc d'Abrantès" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 7, p. 37 ; Correspondance de Napoléon, t.19, lettre 15909 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22283 avec la date du 8 octobre).
Le 17 octobre, Marchand (qui commande le 6e Corps en l'absence de Ney appelé à Madrid) marche contre Del Parque. "Le lendemain 18, dit le rapport du Chef d'Etat-major de la Chasse-Vérigny, il attaqua l'ennemi dans la position de Tamamès.... Le 76e et le 39e (brigade Marcognet) sont les régiments qui ont le plus perdu" (la Chasse-Vérigny était Chef d'état-major du 6e Corps en l'absence de Jomini alors en mission). La position ne peut être enlevée et, le 19, le 6e Corps rentre à Salamanque. Le 76e a été, en effet, très éprouvé dans la journée de Tamamès; il a 112 tués dont 8 Officiers : le Capitaine Jean-Baptiste Gicquel, les Lieutenants Henry-Joseph Courvoisier (Adjudant major selon Martinien), Jean Chaumont, François Vaugarnier et Théodore Fabre, les Sous-lieutenants Jacques Espiaux (Martinien mentionne un Sous lieutenant Spiaux), Pierre Lesage et François Lebas (Lebas mourut, le 21 octobre, des suites de ses blessures. C'était un des anciens du 76e : Fourrier à la 76e demi-brigade, il fut blessé et mérita une citation, le 4 juin 1800. Sergent le 9 prairial an X (28 mai 1802); membre de la Légion d'honneur, le 25 prairial an XII (13 juin 1804), il fut de nouveau blessé et cité à Elchingen; Sergent-major le 1er brumaire an XIV (22 octobre 1805), il fut blessé encore à Friedland. Adjudant le 1er juin 1808; il était Sous-lieutenant depuis le 14 novembre 1808, lorsqu'il fut tué à Tamamès). Martinien donne en plus le Lieutenant Fabry.
Le nombre des blessés est également très élevé. Le 1er septembre, avant l'affaire, le Régiment n'a aux hôpitaux que 123 hommes, et la situation du 1er novembre en accuse 404, dont 9 Officiers, savoir : le Chef du 3e Bataillon, Nicolas-Louis Foussenquy (la partie supérieure du corps traversée par deux coups de feu), les Capitaines Jean-Michel Goujon (une balle au pied gauche), Desjardins (coup de feu au téton droit), Jean Quoniam et François Badin; les lieutenants Joseph-Désiré Bourdon (la cuisse fracassée), Rispaud d'Aiguebelle (une balle dans l'estomac; Martinien l'indique avec le grade de Capitaine), Antoine-Joseph Coiffier (atteint au bras droit) et enfin le Sous-lieutenant Arthus Selle (fracture de l'épaule droite). Le Sous-lieutenant Polycarpe-Aimé-Nicolas Le Vasseur, légèrement touché, est resté dans le rang. Parmi les Officiers blessés, Martinien ajoute : Chef de Bataillon Genevay; Capitaines Béon, Langlois, Lecourt; Sous lieutenant Carrelet.
Un fait digne de remarque, parce qu'il montre que si le 76e a été fortement éprouvé en soutenant la retraite il a combattu sans se rompre : le 76e n'a pas laissé à Tamamès un seul prisonnier aux mains de l'ennemi.
Voici le rapport que le Général Marchand adressa au Maréchal Jourdan, pour être mis sous les yeux du roi : "L'ennemi occupait une crête très-escarpée, à une petite portée de canon de Tamès : cette crête s'élevait par la droite de l'ennemi, et se liait à des montagnes impraticables. Vers sa gauche, elle arrivait par une pente douce jusqu'à un très-beau plateau, derrière lequel toute la cavalerie ennemie était en bataille. C'est de ce côté que l'attaque principale a été dirigée. Le général Maucune en était chargé avec le 6e d'infanterie légère, le 69e de ligne, un bataillon de voltigeurs et 5 pièces de canon. Le général Lorcet soutenait cette attaque avec le 3e de hussards et le 15e de chasseurs ; le 15e de dragons était en arrière, en réserve.
Le général Marcognet était chargé de l'attaque du centre avec les 39e et 76e, qui formaient deux colonnes. L'attaque de gauche était dirigée par le général Labasset, ayant sous ses ordres le 25e régiment d'infanterie légère ; les 27e et 59e de ligne et le 25e de dragons étaient placés en réserve.
Ces trois colonnes se sont mises en marche en même temps. Dès que l'attaque a été commencée, l'ennemi, qui jusque-là avait masqué toutes ses forces, les déploya devant nous. Une masse de 15 mille hommes était opposée au général Maucune, qui s'est avancé l'arme au bras ; l'ennemi avait de ce côté, sur son front, 7 pièces qui n'ont commencé leur feu qu'à la petite portée de mitraille ; elles n'ont eu le temps que de tirer chacune le premier coup : le 3e de hussards et le 15e de chasseurs sont arrivés ventre à terre sur elles, ont sabré les canonniers et se sont emparés des pièces, au milieu d'une grêle de balles. La cavalerie ennemie, que cette colonne laissait sur sa droite, chargeait dans ce moment, et la prenait en flanc et en queue ; le 3e bataillon du 69e a fait demi-tour à droite, et a reçu cette cavalerie par une fusillade si vive, qu'elle a bien vite rebroussé chemin. Le général Maucune avançait toujours ; il n'était plus qu'à trente pas de l'ennemi qui était en bataille, retranché derrière les rochers ; sa troupe souffrait, sans pouvoir faire beaucoup de mal à l'ennemi. C'est là que le mouvement rétrograde s'est prononcé, et il était impossible d'emporter ce point devant des forces si supérieures en nombre ; le 2e s'est alors avancé pour soutenir la retraite de cette colonne, qui est venue se rallier derrière lui. La cavalerie ennemie, pendant ce moment, inquiétait la nôtre qui était beaucoup trop faible. Le 15e de dragons, qui était en réserve, s'est avancé, a fait une très-belle charge, et a repoussé cette cavalerie, après lui avoir sabré une centaine d'hommes.
Des 7 pièces prises, nous n'en avons ramené qu'une ; les traits des autres avaient été coupés ; nous avons été obligés d'abandonner une des nôtres, qui avait été démontée.
Pendant que cela se passait sur la droite, les colonnes du centre et de la gauche étaient aux prises de leur côté ; elles gravissaient avec peine le coteau, hérissé de difficultés ; la pente était parsemée de rochers derrière chacun desquels étaient embusqués des soldats ennemis, qui tiraient à coup sûr. La crête était couronnée de troupes qui nous faisaient également beaucoup de mal. Le 25e léger, qui formait la gauche, avait rencontré des forces beaucoup trop supérieures, et en appuyant à droite il s'était joint à la colonne du centre ; l'ennemi avait à sa droite 4 pièces qui prenaient ces deux colonnes en écharpe : toutes ces difficultés n'arrêtaient point nos soldats ; ils étaient au moment d'arriver au sommet, lorsque le mouvement rétrograde de la gauche a engagé les chefs à ordonner la retraite Une plus longue obstination de leur part n'aurait pu avoir qu'un effet extrêmement nuisible ; jamais nous n'eussions pu nous maintenir dans cette position avec le peu de monde qui y serait arrivé. Toutes nos troupes sont alors revenues se placer à la position qu'elles occupaient avant l'attaque. Nous sommes restés deux heures en présence de l'ennemi, pour panser nos blessés et les mettre en route. Nous avons eu la satisfaction de les emporter tous.
A trois heures après midi, nous avons commencé notre retraite ; les 27e et 59e de ligne étaient chargés de la soutenir. Nous avions des défilés et des bois à traverser pendant deux lieues. L'ennemi est alors descendu des rochers, et a montré assez d'acharnement à nous poursuivre ; mais il a été contenu avec un sang-froid admirable : nos bataillons semblaient être à l'exercice. C'est dans la retraite surtout que nous avons fait beaucoup de mal à l'ennemi. Notre perte a été de 1,300 hommes tués ou blessés" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 7, p. 8).
Le 6e Corps occupe Salamanque jusqu'au 24 octobre. A cette date, menacé par l'ennemi qui s'est porté sur Ledesma et y a franchi la Tormès, il se replie derrière le Douero et y prend position. La Division Marchand, en 2e ligne, reste à Toro jusqu'au 4 novembre.
Le Duc Del Parque a pris possession de Salamanque le 25 octobre, mais il en repart par le col de Banos, dès que le 6e Corps se met en mouvement pour y revenir. Les Français rentrent dans cette place le 6 novembre. "L'armée espagnole qui y avait manqué presque de tout, dit le rapport du 15 novembre, n'y avait rien laissé.... Il serait essentiel, ajoutait l'ordonnateur en chef Marchand, d'empêcher les troupes de brûler dans chaque village toutes les charrettes qui s'y trouvent". On voit par là combien les pauvres soldats étaient loin de l'abondance. Le 7 novembre, la Brigade Marcognet (39e et 76e) est lancée sur la route de Tamamès, à la poursuite du Duc Del Parque, avec la Brigade Bardet de la 2e Division et les Dragons de Kellermann; mais elle ne rencontre pas l'ennemi, et rentre, le 9, à Salamanque. Le 15 novembre, elle est détachée à Ségovie. Le 23, elle se repliz sur Medina del Campo. Le 24, elle prend position à Valsequillas. Le 25, elle rejoint au pont du Douero le 6e Corps (qui avait quitté Salamanque, le 19, pour se reporter derrière le Douero. Une nouvelle incursion de Del Parque, qui s'était avancé jusqu'à Alba de Tormès, avait motivé ce mouvement) qui s'est établi derrière le fleuve, avec Kellermann, pour couvrir Valladolid.
Le 26, l'offensive reprend, sous la protection de la cavalerie de Kellermann Le 6e Corps se met en ligne à Medina, mais Del Parque décampe dans la nuit. Le 27, la poursuite commence; elle continue le 28. Les Espagnols se sont rangés en bataille pour défendre, en avant d'Alba, le passage de la Tormès. Ils sont rompus par les charges réitérées de la cavalerie de Kellermann. "Notre infanterie qui avait fait neuf lieues, dit de la Chasse-Vérigny (Rapport du 1er décembre 1809), arriva à 8 heure du soir et, à la nuit, entra dans Alba, baïonnette en avant...". Les Espagnols perdent dans cette affaire, d'après un historien anglais (John Bigland, Histoire d'Espagne, T. III p.78) peu enclin à exagérer les succès de nos armes, 4000 hommes tués, 2000 prisonniers, 15 pièces de canon, 10000 fusils, 10 drapeaux et un nombre considérable de caissons. Le 6e Corps rentre à Salamanque.
Le 31 janvier, la position du 6e Corps est la suivante :
A Salamanque et dans les villages environnants, le Quartier-général, trois Régiments de la 1ère Division (39e, 69e, 76e) et le 3e Hussards (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 6e Corps reste à Salamanque jusqu'au 9 février 1810, sans être inquiété et se bornant à faire quelques excursions, pour protéger contre les guérillas les transports de toutes sortes et la rentrée des bestiaux.
3/ 1810 : Récapitulatif des différents envois du Dépôt
Avant d'exposer les événements auxquels prit part, en 1810, la portion principale du Régiment, nous allons indiquer à grands traits les renforts successifs que le Dépôt envoya en Espagne après la paix avec l'Autriche. Plusieurs fractions de forces variables furent successivement envoyée à Metz pour s'y réunir à des fractions d'autres corps et de là gagner Orléans, puis Bayonne. Ces détachements concoururent soit à la création de corps nouveaux, soit à la formation provisoire de Régiments ou de Bataillons de marche destinés eux-mêmes à se fondre dans les Bataillons de guerre.
Ainsi, en janvier 1810, il y a aux Réserves de l'Armée d'Espagne, rattaché à la 2e Brigade (Valentin) de la 2e Division (Reynier à Bordeaux) un Régiment supplémentaire, formé avec des conscrits dirigés sur Bayonne où se trouve un petit Dépôt du 76e de Ligne comprenant 3 Officiers et 273 hommes. Le 11 janvier 1810, l'Empereur écrit depuis Paris à Berthier, prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l'armée d'Espagne, à Paris : "Mon Cousin, vous donnerez sans délai les ordres suivants, que vous enverrez par un officier d'état-major :
... Donnez l'ordre au général Reynier de faire les changements suivants dans sa division. Tout ce qui fait partie des 118e, 119e, 120e, 6e léger, 32e léger, 76e, formera une brigade qui se réunira à Bilbao, maintiendra la communication avec Burgos, Santander, Ossuna, et battra les gorges de Frias, pour nettoyer ces provinces. Cette brigade sera sous les ordres du général Valentin ; elle achèvera de se former à Bilbao ..." (Correspondance de Napoléon, t.20, lettre 16131 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22847).
Par ordre de mouvement du 18 janvier 1810, le Dépôt principal envoya 9 hommes à Orléans où ils arrivèrent le 17 février et firent partie de la Division d'arrière garde qui se formait dans cette ville.
Par ordre de mouvement du 25 janvier 1810, le même Dépôt du 76e envoya, le 1er février, un Officier et 76 hommes au 4e Régiment de marche organisé à Châteauroux. Ce Régiment fit partie de la 3e Division du 8e Corps et alla se fondre en Espagne dans les divers Régiments d'origine des détachements qui le composaient.
Le 19 août 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je désire que vous formiez plusieurs bataillons de marche pour 1'Espagne et le Portugal.
... Le 5e bataillon de marche se composera de 100 bommes du 27e de ligne ; 100 hommes du 39e ; 150 hommes du 59e ; 150 hommes du 69e ; 100 hommes du 76e ; 100 hommes du 22e de ligne ; total 700. Ce bataillon se réunira à Orléans. ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4512 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24356).
Par ordre de mouvement du 23 août 1810, le Dépôt du 76e envoya 2 Officiers et 19 hommes à Orléans où se formait le 4e Bataillon de marche de l'Armée de Portugal destiné au 2e Régiment de marche (2e Brigade de la 2e Division de réserve de l'Armée d'Espagne. Cette Division arriva à Bayonne le 3 novembre, etc).
Le 18 octobre 1810, l'Empereur écrit, depuis Fontainebleau, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin ... Le 2e régiment de marche de l'armée de Portugal se trouvera également diminué ... Il faudra n'en former qu'un seul bataillon qui sera composé savoir :
De 157 hommes du 17e léger, 297 du 65e, 92 du 22e de ligne, 89 du 27e, 95 du 39e, 125 du 59e, 95 du 69e, 79 du 76e.
TOTAL. 1.029 hommes. Ce bataillon fera partie du 1er régiment de marche de l'armée de Portugal ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4725 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24963).
Le dépôt fut alimenté lui-même en 1810 par les conscrits des départements de l'Ain, de la Doire, du Doubs et de Marengo.
4/ Situation du 4e Bataillon en 1810-1811
Quant au 4e Bataillon que nous avons laissé à Bayonne à son retour d'Allemagne, il eut une vie indépendante de la portion principale, jusqu'à la fin d'avril 1811. Parti du camp de Bayonne pour Valladolid le 10 août 1810, son effectif était de 17 Officiers, 568 hommes présents, 15 hommes détachés et 101 malades; il était commandé par le Chef de Bataillon Castillon et formait toujours le 3e Bataillon de la 6e Demi-brigade provisoire (Colonel Saint-Cyr). Cette Demi-brigade faisait partie de la 1ère Brigade (Vichery) de la 1ère Division (Claparède) du 9e Corps (Drouet d'Erlon). Au 15 août, la situation est un peu différente : la 6e Demi-brigade de Ligne est à la 2e brigade Jarry (Vitoria); le 4e Bataillon du 76e comprend 21 Officiers et 614 hommes.
Compostion de la Division Claparède au 27 septembre 1810 6e Demi-brigade de Ligne : Colonel Prévost Saint Cyr, quatrièmes bataillons des 59e, 69e, 76e de ligne. Sources : Lieutenant Mestre, "Le général Claparède", Paris, Paul Dupont éditeur, 1899. D' après une lettre du général Claparède au ministre de la guerre en date du 27 septembre ( Archives administratives) |
Le 9e Corps était chargé d'expéditionner sur les derrières de l'Armée de Masséna, pour chasser les insurgés qui dévastaient la Biscaye, la Navarre et le Santander.
H. J. Doncel, soldat au 76e, écrit depuis Vittoria, le 5 octobre 1810 : "Nous ne recevons pas d'argent et les vivres sont très rares. Nous avons beaucoup de peines à courir après les brigands et tous les jours, nous sommes sur le péril de notre vie" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 267).
En janvier et février 1811, le 4e Bataillon resta à Almeïda avec la Division Claparède dont la mission était de maintenir les communications de l'Armée de Portugal. Il prend part à l'engagements de Ponte de Abbade où il bat le chef de partisans Silveyra et lui tue 200 hommes; il le bat de nouveau le 11 février aux pont de Nilla et de Fresinto, et débarrasse ainsi le pays des rassemblements qui s'y sont formés. Dans ces différentes affaires, le Bataillon a perdu 160 hommes, soit par maladie, soit par le feu. Le 28 avril, il rejoignit à Ciudad-Rodrigo les trois premiers Bataillons du Régiment dont nous allons maintenant reprendre l'histoire au point où nous l'avons interrompue.
5/ Siège de Ciudad-Rodrigo en 1810
L'Empereur écrit, le 10 février 1810, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon Cousin, donnez ordre que la brigade Valentin soit dissoute aussitôt qu'elle aura été remplacée à Bilbao ; que tous les détachements de cette brigade qui appartiennent aux 32e léger, 6e léger et 76e de ligne, aillent rejoindre le 6e corps, pour être incorporés dans leurs régiments respectifs, et que tout ce qui appartient aux 118e, 119e et 120e, se rende à Santander. Le général Valentin lui-même suivra ces trois régiments et sera sous les ordres du général Bonet...
6e Corps. — Vous écrirez au duc d'Elchingen que, moyennant l'arrivée du duc d'Abrantès à Valladolid et l'occupation par ce corps d'armée du royaume de Léon et de la frontière de Galice, il doit attirer à lui la division Loison ; que, avec les augmentations de cavalerie qu'a reçues son corps en dernier lieu par la réunion de la division Kellermann, il aura plus de 6 à 7,000 hommes de cavalerie ; que l'arrivée de la division Loison portera son corps à plus de 36,000 hommes ; que, d'ailleurs, le duc d'Abrantès est, avec un autre corps de 3o,ooo hommes, sur ses derrières pour l'appuyer; qu'il n'y a pas un moment à perdre pour inonder les débouchés du Portugal, autant que possible, par de fortes patrouilles de cavalerie, afin de savoir ce qui se passe, donner de l'inquiétude aux Anglais et les empêcher de se porter sur le midi ; qu'il peut répandre en Portugal l'annonce de l'arrivée de l'Empereur avec 80,000 hommes ; qu'il doit occuper le haut du col qui sépare Ciudad-Rodrigo de Salamanque ; qu'il faut mème, avant d'investir Ciudad-Hodrigo, qu'il ait de forts partis autour de cette ville. Ayez une conférence avec le général la Riboisiere, pour savoir si l'on ne pourrait pas faire partir de Burgos un millier de chevaux chargés de munitions de siège pour Valladolid, et les diriger de là sur Salamanque. Faites-moi rédiger un état du 6e corps, comprenant les augmentations qu'il doit recevoir d'après mes différents ordres ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 7, p. 253 ; Correspondance de Napoléon, t.20, lettre 16245 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 23092).
De son côté, dès les premiers jours de février 1810, le Maréchal Ney, à la nouvelle des succès du Roi Joseph en Andalousie, sent la nécessité de s'emparer de Ciudad-Rodrigo. Le 10, il se met en marche et, le 12 au matin, somme la ville de se rendre, dans l'espoir que la garnison, surprise, capitulera; mais le Gouverneur, André Herrastry, ne se laisse pas intimider par les quelques obus qu'on lui envoie et Ney doit rentrer à Salamanque pour se préparer à faire un siège régulier.
Pendant presque toute la période d'attente qui commence, le 76e occupe les environs de Tamamès avec la Division Marchand. Dans la première quinzaine de mars, le Régiment reçoit du Dépôt un Sous-lieutenant et 50 hommes; le Chef de Bataillon Portemont prend le commandement du 2e Bataillon en remplacement du Chef de Bataillon de Zimmer, qui a quitté le Régiment depuis cinq mois.
Situation détaillée du 76e de Ligne (Colonel Chemineau) au 15 mars 1810 (S.H.A.T.) 6e Corps, 1ère Division Marchand (Tamanès), 2e Brigade Marcognet |
Martinien indique un Sous lieutenant Béchuot, blessé le 3 mars 1810, étant en colonne mobile.
A la date du 20 mars 1810, le 6e Corps présente la situation suivante :
- 1ère Division d'Infanterie : Général Marchand
- 2ème Brigade : Général Marcognet
39e de Ligne (3 Bataillons) : 1703 hommes
76e de Ligne (3 Bataillons) : 1728 hommes (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Par décret du 17 avril, l'Empereur ordonne la réunion des 2e et 8e Corps au 6e, sous le commandement en chef de Masséna qui prend la direction supérieure des opérations contre Ciudad-Rodrigo. Les trois Corps réunis constituent ainsi une armée d'environ 60000 hommes, destinés à mener une troisième expédition contre le Portugal. Les opérations doivent commencer par les sièges de Ciudad Rodrigo et Alméida, afin de s'ouvrir la route de Lisbonne et d'avoir des points de dépôts assurés à la portée de la frontière.
Les préparatifs du siège de Ciudad Rodrigo, commencé en février, sont longs et laborieux. Il faut faire venir de Bayonne tout le matériel, et les routes, de mauvais chemins sans cesse infestées par les guerillas, ont été rendues presque impraticables par les pluies continuelles. Il faut également s'occuper de réunir de grands approvisionnements, car tout le pays entre Ciudad Rodrigo offre un désert de plus de trente lieues d'étendue, où les Espagnols n'ont rien laissé.
Le gouverneur de Ciudad Rodrigo profite de ce temps pour organiser sa défense. La ville compte environ 10000 habitants; tous les habitants des environs s'y sont réfugiés et armés; la garnison elle même est de 6000 hommes. Ciudad Rodrigo s'élève sur un mamelon de la rive droite de l'Agueda. Ce mamelon surplombe la rivière par des pentes escarpées. Les fortifications consistent en une antique muraille haute de plus de 10 mètres, terrassée sur son pourtour, excepté du côté de la rivière. Cette muraille est elle même entourée d'une enceinte moderne bastionnée précédée d'un fossé, mais sans chemin couvert. Les abords de la place sont obstrués par des faubourgs, des maisons, des jardins et des inégalités de terrain. Ces faubourgs, adossés à l'enceinte, facilitent l'approche de l'assaillant jusqu'à portée de pistolet. Enfin la ville est dominée au nord par les plateaux du grand et du petit Tesso qui sont évidemment le défaut de la cuirasse; en effet, le sol de la place s'abaisse dans cette partie et n'a qu'un relief de 8 m 50 sur la plaine.
Herrastry a armé les remparts avec 86 pièces de canon ; il a fait construire des terrassements en avant du faubourg de San-Francisco traversé par la route de Salamanque et organisé défensivement les couvents de San-Francisco, de San-Domingo et de Santa-Clara. La division anglaise Craufurd et une division espagnole manoeuvrent aux environs de la`place, et Wellington a promis de venir à son secours quand il en sera temps.
Le 21 avril, le Lieutenant L'Hoste, dit Landel, est blessé en escortant le Trésor à Madrid (Martinien). Le 16 mai, toujours selon Martinien, le Capitaine Hérisson se noie, à bord de la Vieille Castille, en rade de Cadix (prisonnier ?).
La 2e Division Mermet du 6e Corps arrive en vue de la place le 25 avril.
Ce même 25 avril 1810, l'Empereur écrit, depuis Compiègne, au Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de l'Armée d'Espagne, à Compiègne : "Mon Cousin ... Donnez ordre que le 6e régiment de marche d'infanterie, qui fait partie également de la division Seras, soit dissous, et que les détachements appartenant au 6e corps, savoir, ceux des 6e léger, 39e 76e, 59e, 50e, 69e, 82e, etc. se réunissent en une compagnie à Vitoria, et se rendent de là à Salamanque ..." (Correspondance de Napoléon, t.20, lettre 16420 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 23488).
Le 28 mai, Ney informe, depuis Salamanque, le Prince d'Essling des mouvements du 6e Corps dont les troupes se dirigent sur Ciudad-Rodrigo pour occuper les camps et cantonnements suivants :
- 1ère Division : Général Marchand;
- 2ème Brigade : Général Marcognet;
39e et 76e de Ligne sont cantonnés à Zamarra, Tenebron, Alba de Yeltes et Tamames. Cette brigade sera campée, à la fin du mois, à la gauche de la 1re (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 76e quitte ses cantonnements le 28 mai et arrive, le 30, en vue de la place, avec la Division Marchand et le Maréchal Ney. Dans la nuit, les Espagnols sont rejetés de leurs postes avancés dans l'enceinte. Le 3 juin, le 76e assiste à la revue des troupes de siège passée par Masséna. Le 5, la Division Marchand se porte sur la rive gauche de l'Agueda pour compléter l'investissement de ce côté. On réunit alors les meilleurs tireurs de tous les Régiments, on en forme un Bataillon de 6 Compagnies sous les ordres du Capitaine François. Ils s'emparent dans la nuit du 11 au 12 des auteurs où doit passer la première parallèle.
Dans la nuit du 15 au 16, le 76e prend part à l'attaque du faubourg du Pont qui est enlevé, puis évacué à la pointe du jour. Cette attaque a eu pour but d'attirer de ce côté l'attention de l'ennemi et de faciliter ainsi l'ouverture de la première parallèle.
Le 20 juin, le Général anglais Craufurd ayant poussé une reconnaissance vers la place sur le rideau de Carpio du côté d'Espéja et renforcé son cordon d'avant-postes, le Maréchal Ney plaçe le 76e sur la route de Ciudad Rodrigo à Espéja, rive gauche de l'Agueda, en le faisant appuyer à droite sur la route de Carpio par un Bataillon du 15e Léger et à gauche par un détachement de Dragons. L'ennemi se retire devant ce déploiement, mais il revient le lendemain et force tous les avant-postes à se replier. Néanmoins la Division Craufurd ne fait plus aucune tentative sérieuse. Dans "La vie militaire du Maréchal Ney, t.3", il est dit : "Le 21 juin, dans la matinée, une reconnaissance anglaise composée de 600 fantassins, de 800 cavaliers et de deux pièces de canon fut repoussée jusqu'au delà de Carpio par le 76e d'infanterie et la cavalerie légère affectée à la 3e division" (pages 341-342).
Le 22 juin, le Sous-lieutenant Lesueur est tué aux avant-postes. Par suite de la pénurie des vivres, le 6e Corps est mis à la demi-ration.
Le 30 juin, on apprend par des déserteurs que la garnison a résolu de s'évader en forçant la ligne d'investissement par la rive gauche de l'Agueda. La Brigade Marcognet (39e et 76e) avec son artillerie est alors rapprochée de la ville du côté indiqué et s'établit sur une position dont l'occupation déjoue les projets des Espagnols. Le reste de la Division occupe la Caridad. La Brigade reste toute la nuit sur le qui-vive. Le lendemain elle est remplacée par le 8e Corps. Le 3 juillet, des patrouilles des 6e et 8e Corps poussent des reconnaissances sur les avant-postes anglais; le Sous lieutenant Degen est blessé (Martinien). Le lendemain, nouvelles reconnaissances des troupes du 6e Corps sur Espéja; l'ennemi se retire.
Dans la nuit du 6 au 7 juillet, quatre baraques du camp du 76e sont incendiées par un obus. Dans la matinée du 8, la garnison, qui manque d'eau, fait, pour s'en procurer, une brusque sortie de 200 hommes sur la rive gauche de l'Agueda. Les avant-postes, qui se trouvent formés sur ce point par le 76e, sont surpris et doivent se replier après un engagement dans lequel le Capitaine Augustin Michel et 10 hommes sont tués. Nos grand'gardes ramènent 20 blessés, parmi lesquels le Sous-lieutenant Dejean, qui est nommé Lieutenant, trois jours après, "pour la façon énergique dont il avait défendu le poste qu'il commandait". Martinien donne également le Sous lieutenant Lesueur (voir plus haut), tué, et le Capitaine Poudrel, blessé. A noter qu'un "Etat nominatif des officiers tués ou blessés pendant le siège de Ciudad-Rodrigo" daté du 15 juillet 1810 et signé Béchet de Lescour, Chef d'Etat major du 6e Corps, confirme la mort du Capitaine Micher et du Lieutenant Lesuer, et l blessure du Sous lieutenant Dejean. Un autre Etat signé du même à la même date indique la perte de 10 Sous officiers ou soldats tués, et de 20 Sous officiers ou soldats tués.
Encouragés par ce succès, les Espagnols tentent d'enlever le couvent de San Domingo; les travailleurs du Génie les repoussent. Le 9 juillet, la place, à bout de forces, arbore le drapeau blanc, au moment où les Français montent à l'assaut de la brèche principale. Elle se rend à discrétion après 48 jours de blocus, 24 jours de tranchée ouverte et 16 de feu. "Les vainqueurs furent frappés, dit le Général Mathieu Dumas (Hisoire d'Espagne, t. III, p. 132), du spectacle de bouleversement et de ruine qui partout s'offrit à leurs regards. A peine voyait-on une maison qui ne portât les marques du terrible siège que la ville venait de subir". Le 76e a, comme on a pu le voir, perdu peu de monde par le feu, mais il n'en a pas moins beaucoup souffert. Depuis près de trois mois, le 6e Corps était à la demi-ration et la solde n'avait pas été payée. De plus, des chaleurs excessives, succédant aux pluies abondantes, avaient engendré des fièvres d'autant plus dangereuses que les hommes étaient affaiblis par les privations. Il y a environ 6000 malades dans les hôpitaux.
Situation détaillée du 76e de Ligne (Colonel Chemineau) au 15 juillet 1810 (S.H.A.T.) 6e Corps, 1ère Division Marchand (Ciudad Rodrigo), 2e Brigade Marcognet |
Le 31 juillet 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon cousin, je vous renvoie les propositions du prince d'Essling pour les récompenses à accorder pour la prise de Ciudad Rodrigo. Faites-moi connaître le nom des individus cités soit dans les relations, soit dans les détails du siège, et proposez-moi pour eux des récompenses. Faites-moi connaître également quels étaient les régiments qui faisaient partie du siège ; ceux-là seuls ont droit à des récompenses.
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ANNEXE
Armée de Portugal. 6e corps d'armée. État des demandes d'avancement ou d'admission dans la Légion d'honneur, en faveur des militaires qui se sont le plus distingués au siège de Ciudad Rodrigo
Désignation des corps |
Décorations demandées |
Observations |
|||
De commandant |
D'officiers |
De légionnaires |
|||
... 76e id. |
2 |
10 |
6 |
" (Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24175).
La prise de Ciudad Rodrigo donne à l'Armée un point d'appui pour pénétrer sans danger en Portugal; il en manque encore un second pour avoir une base d'opérations. Masséna s'occupe de suite des préparatifs nécessaires pour faire le siège d'Almeida.
Le 6e Corps s'ébranle le 14 au matin, pour s'établir sur la rive droite de l'Azava entre Aldea Nova de Azava et Marialva, à deux lieues environ de Ciudad Rodrigo. Le 76e quant à lui reste à Ciudad-Rodrigo ; Ney et Masséna veulent faire de cette forteresse délabrée une place d'arme solide, capable d'abriter des magasins et des établissements de toutes sortes, en vue d'une nouvelle expédition en Portugal. Le 76e est employé aux divers travaux d'aménagement intérieur, et au relèvement des fortifications. Tout est à créer : les hôpitaux, les magasins, les fours et les ateliers de toute espèce, mais principalement ceux de l'arsenal d'où doit sortir le nouveau parc destiné au siège de Almeida. Pendant le séjour à Rodrigo, le Chef de Bataillon Glaise remplace à la tête du 3e Bataillon, le Chef de Bataillon Foussenquy. Le 15 août, le 76e aligne un effectif de 1762 hommes.
Le 6e Corps quant à lui continue sa marche sur Almeïda, s'empare du fort de la Conception le 21 juillet, et rejette le 24 derrière la Coa la Division anglaise du Général Craufurd; le blocus commence aussitôt. Le 15 août, les travaux préparatoires du siège sont à peu près achevés; la tranchée est ouverte devant Almeïda qui capitule le 27 août.
Le 30 août 1810, le Général Marchand adresse au Maréchal Ney le rapport suivant : "Le colonel Chemineau (du 76e) m'ayant rendu compte que des troupes du 8e corps étaient venues s'établir à Bervenosa et voulaient, non seulement s'emparer de ses établissements (moulins, fours, etc.), mais encore du pain qui était déjà confectionné, j'ai pensé qu'il n'y avait pas un moment à perdre et j'ai autorisé le colonel Chemineau à envoyer un bataillon à Bervenosa pour protéger ses établissements.
L'officier du 76e qui était dans ce village a été obligé de faire charger les armes et s'est trouvé au moment de faire le coup de fusil pour défendre le pain du régiment. Je ne conçois pas, en vérité, une pareille conduite de la part du général Ménard (du 8e corps), qui se trouvait là. Et on nous accusera ensuite de n'être que des pillards !" (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le Maréchal Ney adresse aussitôt, de Malpartida, son Quartier général, au Prince d'Essling, une copie de ce rapport; dans le même temps, il demande à rentrer en France.
Le 7 septembre, le Capitaine Bonnefond est selon Martinien blessé au siège d'Almeïda (?).
A la date du 9 septembre, le 6e Corps présente la composition suivante :
- 1ère Division : Général Marchand
2e Brigade, Général Marcognet : 39e de Ligne, 3 Bataillons; 76e de Ligne, 3 Bataillons; 4 pièces
(La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Toujours selon Martinien, le Sous lieutenant Selle est blessé le 10 au cours de la défense de Orkoba. Le 15 septembre, l'effectif est de 1704 hommes.
6/ Invasion du Portugal en 1810
Masséna a formé le projet de réunir ses forces, 45000 hommes environs, sur la rive droite du Mondrego, pour marcher sur Viseu et Coïmbre. Le départ de la marche sur Lisbonne est fixé au 16 septembre. A cette époque, le 76e est composé de la manière suivante :
Situation détaillée du 76e de Ligne (Colonel Chemineau) au 16 septembre 1810 (L. Landais)
6e Corps, 1ère Division Marchand, 2e Brigade Marcognet 1er Bataillon Genevay; 2e Bataillon Portemont; 3e Bataillon Glaise - Effectif total : 58 Officiers, 1732 hommes présents. |
Le premier objectif que se propose Masséna est Coïmbre, couverte par l'Armée de Wellington. Celui-ci, après 8 mois d'inaction à la suite de son échec de Talaveyra, a compris que le Portugal doit être la base de toutes ses opérations et se prépare à recevoir les Français. Il a ordonné aux Portugais, sous peine de mort, d'abandonner les villes et les villages, de couper les routes et d'emporter les vivres. L'Armée française va donc s'avancer à travers un pays désert et dévasté, contre l'Armée anglo-portugaise disciplinée et solide.
Si les soldats sont enthousiastes, on ne peut pas en dire autant de leurs chefs. Les tensions entre Masséna, Ney et Junot sont vives et se répercutent sur leurs hommes, de sorte qu'il y a lieu de déplorer le manque de camaraderie d'un Corps d'armée à l'autre et un relachement dans la discipline. Ainsi, le 76e de Ligne du Corps de Ney, se querelle avec les unités du Corps de Junot, à cause des moulins, des fours et du pain confectionné. L'affaire est très grave est un Officier du 76 se voit même obligé de faire charger les armes pour défendre au besoin le pain du Régiment.
Le 76e franchit la Coa et le Pinhel, le 15 septembre; le 6e Corps forme le centre de l'armée de Portugal ; il se réunit à Freisadas. Le 16, la Division Marchand prend position à Juncaïs et y séjourne le 17. Le 18, le 76e refoule une arrière-garde à Orkoba et livre un combat dans lequel le Sous-lieutenant Arthus Selle, déjà blessé à Tamamès, reçoit un coup dans les reins. Le 6e Corps a eu beaucoup de difficultés pour dégager son artillerie du défilé qui se prolonge de Juncaïs au delà de Villanova, ce qui retarde la marche des colonnes. La Division Marchand s'échelonne entre Oteiros et Frexiosa. Le lendemain, elle bivouaque à gauche de Faïl sur la route de Coïmbre. C'est à peine si, dans cette marche pénible, on rencontre quelques habitants : la campagne est en feu et les villages détruits. Le 21, le 6e Corps se porte entre Toudello et Sabugosa, suivi par le 8e Corps.
Jusque là, Wellington a cédé le terrain en évitant le combat. Il semble enfin décidé à accepter la bataille, et prend position sur les hauteurs de Busaco, pour couvrir Coïmbre. La Sierra d'Alcoba, qui n'a pas trois myriamètres de longueur, est divisée en séries parallèles de montagnes escarpées. L'une d'entre elle, la sierra de Busaco, située entre la route de Viseu à Coïmbre et le chemin qui part de Ponte de Criz pour gagner la route de Coïmbre à Porto, n'a guère plus de quinze kilomètres du sud au nord. Son versant oriental est escarpé, hérissé de rochers abrupts et déchiré par des ravins profonds et fourrés. Quelques bouquets d'oliviers jetés çà et là au milieu des bruyères et des bois de sapins, sont les seules traces de culture qu'on y trouve. Une chartreuse bâtie au milieu d'un terrain de trente à trente cinq hectares enclos de murs, s'élève à l'extrémité nord-ouest du plateau qui couronne la Sierra. La possession de la chartreuse rend donc maître de la sierra Bussaco et par suite, de celle d'Alcoba, dont elle est le point le plus élevé. C'est ce point qui va fixer les regards des deux Généraux en Chef. Telle est la position que Wellington a résolu de défendre.
Le 6e Corps, qui a reçu l'ordre de marcher sur Coïmbre par Mortagoa, Olusio et Carguejo, a quelques affaires d'avant garde. Le 25, le combat parait devoir s'engager sérieusement sur les hauteurs de Moira, que l'ennemi semble disposé à disputer. La Division Marchand débouche de Barril pour venir au secours des troupes engagées lorsque Wellington ordonne la retraite. Cette Division s'étabit à Villanova et à Mortagoa (le 76e est à Mortagoa).
Le 26 septembre, les deux Armées sont en présence. Un épais brouillard les masque l'une à l'autre. Les Anglais occupent les crêtes avec un cordon de tirailleurs à mi-côte, jusqu'en face du 6e Corps. Vers midi, Masséna fait une reconnaissance et ajourne l'attaque au lendemain. Le 27, à 7 heures du matin, au signal donné, tous les Corps français s'ébranlent à la fois. Le 6e Corps (centre de l'armée) a pour mission l'attaque de front : route de Viseu à Coïmbre passant par Moira à l'ouest de la chartreuse. Le 76e, formant la gauche de la Division de droite (Marchand), se trouve à peu près au centre du 6e Corps. Il a à sa gauche la Division Loison. Les colonnes françaises abordent l'ennemi avec vigueur sous une pluie de balle et de mitraille. La Division Loison attaque Moira et s'en empare; cependant, par un brusque retour offensif des Anglais, elles est rejetée par des forces supérieures au delà de Moira, laissant tout à coup à découvert, le flanc gauche du 76e. Le Général Marchand, qui aurait du donner en même temps que la Division Loison, s'est porté sur la Chartreuse beaucoup plus tard par le grand chemin; elle tombe alors sous le feu de plusieurs batteries et des tirailleurs embusqués dans les bouquets de bois.
Néanmoins, la Division pousse l'ennemi avec vigueur, malgré une écrasante pluie de mitraille, lorsque la retraite de Loison laisse le flanc droit de la colonne à découvert. Marchand ordonne alors d'appuyer à tout prix vers la gauche et de gagner un bois de pins où il espère trouver un abri. Ce mouvement qui force à présenter le flanc, exécuté par toute la Division sous le feu de l'artillerie, décime les quatre Régiments (6e Léger, 69e, 39e et 76e de Ligne) en quelques minutes. Les troupes tiennent bon néanmoins, mais il est impossible d'avancer et de franchir l'escarpement de la montagne. Marchand se borne à tirailler sur place.
A 4 heures du soir, une trêve de deux heures est convenue pour enlever les blessés. Le 76e a perdu 7 tués et 86 blessés, au nombre desquels le Sous-lieutenant Juste-Clément Large, une balle dans la poitrine, et le Sous-lieutenant Silvestre-César Lanzavecchia, un coup de feu au bras gauche. Martinien cite également le Lieutenant Martinot, blessé. De tous les Régiments engagés, le 76e est encore le moins maltraité. La Division Marchand a, à elle seule, 1173 hommes hors de combat. Masséna renonce à l'attaque, qui n'offre aucune chance de succès, ne voulant pas engager ses réserves. Les deux armées restent en présence.
Dans la soirée, Masséna apprend que l'ennemi a négligé de garder le défilé de Serdao, situé en avant de notre droite (c'est un paysan qui donna cette indication en ajoutant qu'en marchant par la droite on arriverait sur le plateau sans obstacle. "Cette anecdote fut connue, dit Marmont dans ses Mémoires (t. IV, p. 25), et les soldats appelèrent ce mouvement : la manoeuvre du paysan"). A la nuit tombante, il y engage ses troupes. Les blessés sont emportés sur des brancards de feuillages, liés avec des bretelles de fusil, sur les mulets disponibles et même sur le dos des camarades. La Division Marchand ne peut partir qu'à neuf heures du matin. Wellington est tourné.
Le 28, à la pointe du jour, l'Armée anglo-portugaise, qui s'est rendu compte de la marche de Masséna dans la nuit même, se retire par le revers de l'Alcoba sur Coïmbre. Masséna suit, le 8° Corps en tête; dans cette marche, le 76e atteint, le 28 Mortagoa où s'établit, à une heure, la Division Marchand. Le 29, la Division Marchand atteint Formalicao; le 30, elle est à Mealhada; le 1er octobre, Marchand entre à Coïmbre évacué par l'ennemi, après un léger combat d'arrière-garde. Malheureusement, au grand détriment de toute l'Armée, la ville vient d'être pillée par les soldats du 8e Corps arrivés les premiers. Ce pillage fait perdre à l'armée quinze jours de vivre dont elle a le plus grand besoin. Le Corps de Ney reste quatre jours à Coïmbre. Le 76e a alors à l'effectif 1496 présents au 1er octobre).
Le 6e Corps quitte Coïmbre, le 5 octobre et arrive à Leira le 6, épuisé de fatigue. Le temps a été affreux, la pluie tombant par torrents. Exaspérés par ses souffrances et la haine même qu'il inspire, le soldat se livre encore au pillage et à la dévastation. Le 8 octobre, l'armée campe à Rio Mayor, et le 9, à Alcoentre, où elle séjourne le 10. Le 6e Corps arrive, le 11, à Moinho de Cubo, ayant la 2e Division à Otta. L'armée est en vue des fameuses lignes de Torrès-Vedras qui couvrent Lisbonne, composées de 152 ouvrages et armées de 628 pièces. Wellington est décidé à tenir jusqu'au bout.
Le 12, le 76e compte dans ses rangs 1488 hommes. Du 14 au 15 octobre, Masséna fait la reconnaissance des positions ennemies et reconnait l'impossibilité de les enlever de vive force. Il décide donc de les observer et prend position en face d'elles. Le 6e Corps bivouaque en arrière d'Alenquer. La Division Marchand, ainsi que la 2e, occupe Quinta de Pepa, à cheval sur la route de Sobral, observant la vallée d'Arruda. Le 24 octobre, le 76e, placé momentanément sous les ordres du Général Montbrun, fait une tentative sur Chamusca pour enlever 50 barques; ce coup de main ne réussit pas. Le 30, Montbrun, suivi des 66e et 76e de Ligne, des 6e et 11e Dragons, se porte sur Punhet, dont il s'empare le lendemain matin à sept heures. Il y fait établir un pont de bateaux sur le Zézère. Le 66e et le 76e, placés sur les hauteurs de la rive droite, protègent ces travaux contre les entreprises de la garnison d'Abrantès.
Le 2 novembre, départ du Général Foy pour Paris : cet Officier doit faire connaître à l'Empereur la situation de l'armée du Portugal ; il a pour escorte un Bataillon du 47e de Ligne et les Voltigeurs des 39e et 76e, en tout environ 400 hommes. Il arrive le 8 novembre à Ciudad Rodrigo, après une marche de six jours, au milieu de dangers de toute espèce.
Le 6 novembre, la Division Marchand quitte Villanova; la 1ère Brigade occupe Torrès Novas et Santarem, la 2e Brigade (39e et 76e) est à Thomar (ou Momar). Le 14 novembre, l'Armée française fait un mouvement rétrograde, pour se rapprocher des pays moins exploités : le 6e Corps prend position sur le Zézère.
Situation détaille du 76e de Ligne (Colonel Chemineau) au 15 novembre 1810 (S.H.A.T.) 1er Bataillon Genevay : 24 Officiers et 446 hommes |
Le 22 novembre, le 76e de Ligne et cent cavaliers vont occuper Dornes, sur la rive droite de la Zézère, route de Castello Branco. Ce Régiment surveille les routes de Barca, de Codes et de Martinchel, en se liant, d'une part avec le 39e qui tient Cabacos, et de l'autre avec la Division Loison, qui est à Punhete et Golgao.
Le 76e occupe successivement jusqu'au 4 mars 1811, Trasveria, Cabaços et Pombal. Dans ces cantonnements, la situation de l'Armée de Portugal devient chaque jour plus pénible. On manque de tout et pour se procurer des vivres, on en est arrivé à organiser la maraude, car il faut souvent marcher trois ou quatre jours pour se ravitailler. On ne peut pas faire de réquisition, puisque les habitants ont fui dans les bois en emmenant leurs bestiaux et ne sont par conséquent plus là pour obéir aux ordres de l'administration; on est forcé de prendre. On s'éloigne souvent jusqu'à trois et quatre journées de marche du camp, pour se ravitailler et ce au prix des plus grande fatigues. Ces détachements de maraudeurs "rencontraient-ils un Portugais, ils le saisissaient, dit Marmont dans ses Mémoires, et le mettaient à la torture pour obtenir de lui des indications et des révélations sur le lieu où étaient cachées les subsistances. On pendait au rouge, c'était la première menace, on pendait au bleu, et puis la mort arrivait". Des soldats employèrent la même violence pour se procurer de l'argent.
Le 76e a plusieurs engagements avec des postes de paysans insurgés, et comme la position de Dornes est dominée par la rive gauche du Zézère, Ney rappelle le 76e à Frasoceira et Ferreia.
"Plus d'un tiers de l'armée, continue Marmont, se trouvait ainsi constamment dispersé et loin des drapeaux, tandis que le reste semblait être à la discrétion de l'ennemi. En revanche, chaque jour, des soldats étaient massacrés par les paysans. Le 76e eut ainsi 8 hommes tués, le 24 novembre, en dispersant un rassemblement de paysans qui étaient venus insulter nos postes, jusqu'au confluent du Nobao dans le Zézère. Il perdit deux hommes dans la 1re quinzaine de décembre ..." (extrait de la situation du 8e Corps en date du 28 février).
Toute communication est coupée avec la France dont on n'a reçu aucun courrier depuis le 16 septembre. Même chose avec les villes d'Espagne : le Sous lieutenant Du Tertre Delmarcq est blessé le 13 decembre 1810 en escortant un courrier à Salamanque.
"Il (le 76e) perdit ... cinq (hommes) dans la 2e quinzaine de janvier 1811" (extrait de la situation du 8e Corps en date du 28 février).
Le 30 janvier 1811, le Maréchal Ney écrit au Général Loison : "... J'ai invité en outre les 6e léger, 69e et 76e de ligne à fournir chacun deux rations par homme au profit de votre division. Je ne doute pas que ces régiments ne me fassent bientôt connaître les jours que vous pourrez faire enlever ces rations et les points où elles seront rassemblées.
Je vous prie, mon cher Général, de répartir les rations que vous recevrez demain entre ceux de vos régiments qui éprouvent les plus grands besoins.
Quant à la viande sur pied, les régiments prétendent ne pouvoir faire actuellement aucun sacrifice, mais d'ici à quelques jours on vous cédera aussi sur ce point.
J'espère, d'un autre côté, que les deux colonnes qui sont en mouvement sur les deux rives du Zezère pour se diriger sur Certa et Pedrogaogrande ramasseront beaucoup de bestiaux, dont vous pouvez compter de recevoir la moitié de ce qui sera conduit ici" (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 2 février 1811, Ney écrit au Général Reynier : "Le chef d'escadron Saler (du 2e corps) vient d'arriver avec son détachement et m'a remis votre lettre du 1er de ce mois. Demain, il part pour Cabaços, muni d'une lettre de recommandation, dans laquelle j'invite le colonel Chemineau, du 76e régiment, de l'appuyer en cas de besoin pour lui faciliter les moyens d'aller à Pedragaogrande, direction que tient la colonne de mon corps d'armée qui longe les deux rives du Zezère dans l'intention de rassembler aussi des bestiaux ..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 10 février, Ney écrit à Masséna : "Prince, le chef d'escadron Soler, du 2e corps, vient d'arriver (à Thomar) avec 44 boeufs, 2.000 moutons, chèvres, cochons et tous les chevaux chargés de grain; cet officier se loue beaucoup du colonel Chemineau, du 76e, pour l'appui qu'il lui a donné dans ses recherches.
Les régiments de mon corps d'armée mettent la plus grande activité à réunir le maïs destiné au 2e corps; la 2e division aura près de 600 quintaux de rassemblés d'ici au 20, mais elle ne sait comment les transporter à Porto de Moz. Le 2e corps ne pourrait-il pas venir chercher ce maïs ici au fur et à mesure qu'il est réuni ? La 1re division, ainsi que la cavalerie, exécuteront également leur versement (de grains) ici" (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le 16 février, Ney écrit à Masséna pour lui indiquer le nombre de quintaux de grains envoyés par le 6e Corps au 2e Corps à Porto de Moz, et les quintaux de maïs ou de blé déposés au Magasin de Thomar; ainsi, on note, pour le 76e de Ligne, 80 quintaux envoyés au 2e Corps (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
"Il (le 76e) perdit ... un (homme) le 28 février. Ce même jour, une patrouille du 76e, en suivant la rive droite du Zézère, reçut des coups de feu tirés de la rive gauche et trouva trois militaires, dont un officier décoré, qui venaient d'être fusillés par les paysans" (extrait de la situation du 8e Corps en date du 28 février).
Dans les premiers jours de mars, le Régiment perd encore quatre hommes à la maraude. En gros, une moitié des troupes est occupée à faire vivre l'autre.
Ajoutons à ces misères l'état des vêtements et de la chaussure, en lambeaux. Les soldats réparent leurs souliers avec des débris de cuir ramassés çà et là, ou se composent des sandales avec les peaux d'animaux. Ils raccommodent leurs vêtements avec des draps de toutes couleurs. Comme les gueux de Richepin (La Chanson des Gueux, édition définitive, p. 282) :
Ils ont pour cravate une loque;
Leurs habits sont vieux et souillés;
Et leur pantalon s'effiloque
Sur le rire de leurs souliers;
et les Officiers font comme les soldats. Détail plus navrant encore : il ne reste au commencement de mars que cinquante cartouches par homme, c'est-à-dire de quoi se battre un jour, sans pouvoir recommencer le lendemain. La discipline enfin commençe à être en péril dans plusieurs Corps. Les soldats se plaignent, refusent de faire le service et désertent. Il n'existe cependant aucune trace d'aucun acte de ce genre au Régiment. Le 76e traverse cette seconde période avec une patience et une industrie admirables, souvent même éclairées par des rayons de gaieté, au récit d'une gauloiserie ou d'un bon mot. L'effectif du régiment est alors de 52 Officiers et 1804 hommes, dont 176 sont détachés et 226 dans les hôpitaux.
Vers le milieu du mois de janvier, Drouet d'Erlon rejoint l'Armée du Portugal avec une Division. Il a laissé son autre Division sous les ordres de Claparède entre Almeida et Viseu, pour maintenir ouvertures ; nous avons vu plus haut quel part à pris le 4e Bataillon du 76e au sein de cette Division..
Signalons également qu'au 1er mars 1811, il y a à l'Armée du Nord de l'Espagne, commandée par Bessières, au sein de la Division de réserve (Cafarelli - Vitoria), 2e Brigade (Rey Bilbao) un Régiment de marche de l'Armée du Portugal qui comprend dans son 3e Bataillon (Husson) un détachement du 76e de Ligne (S. H. A. T.).
7/ Evacuation du Portugal en 1811
Masséna, ayant épuisé toutes ses ressources, et perdu tout espoir de secours, se décide à battre en retraite par la route de Coïmbre.
Dans la journée du 1er mars, le prince d'Essling envoie de Torres Novas, aux commandants de Corps d'armée ainsi qu'aux chefs des grands services, l'ordre de marche sur Pombal, Anciao et Espinhal, dans une région où il espère pouvoir nourrir l'armée au moyen des ressources locales.
Ce changement de position comporte cinq jours de marche, savoir : la nuit du 5 au 6 et les journées du 7, du 8, du 9 et du 10 mars.
Le 6e Corps, auquel sont adjointes la Division Conroux, du 9e Corps, et la Division de cavalerie Montbrun, doit faire l'arrière-garde générale.
Première marche (nuit du 5 au 6 mars). - ... Le 6e Corps, de Pombal et de Thomar à Leiria.
Deuxième marche (7 mars). - ... Le 6e Corps reste en position, sauf que sa 3e Division et sa Brigade de cavalerie légère se rendent de Punhète en avant de Chaos de Maçans.
Troisième marche (8 mars). - ... Le 6e Corps, à Casai des Ovos, après avoir détruit les ponts. Sa 3e Division à Arneiro.
Quatrième marche (9 mars). - ... Le 6e Corps en avant de Pombal et sa 3e Division à Anciano.
Cinquième marche (10 mars). - ... Le 6e corps reste sur les positions de la veille.
Sixième marche (11 mars). - ... Les 8e et 6e Corps recevront de nouveaux ordres.
Aussitôt, Ney informe le Général Drouet d'Erlon de ces dispositions. Les Divisions Mermet, Marchand et Conroux doivent s'échelonner en avant et en arrière de Leiria, savoir :
... 6e léger, 69e, 76e de Ligne, Artillerie, 6e et 11e Dragons, en arrière de Leiria (Division Marchand).
Le départ du 6e Corps est fixé au 8 mars, pour aller prendre position, le même jour, à Casal dos Ovos et, le lendemain 9 mars, près de Pombal (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Les malades et les blessés, chargés à dos d'âne, le grand parc et les bagages se mettent en marche, le 4 mars au soir. Le gros de l'Armée commençe son mouvement, le 5. Le 6e Corps formant l'arrière-garde, part le dernier. Le 76e passe, le 8, à Leyria. Les Anglais suivent et restent à portée de canon de l'arrière garde. Le 9, le 6e Corps arrive à Pombal; les Divisions Marchand et Mermet sont placées en bataille en avant de la ville. Celle ci offrant quelques ressources, on y séjourne le 10. L'arrière garde est serrée de près par Wellington, et le 11 au matin, les Anglais l'attaquent alors qu'elle évacue Pombal; ils sont repoussés. Le 6e Corps arrive le soir à Venda da Cruz, et s'y arrête.
Le 12, avant le jour, le 6e Corps quitte ses bivouacs, et prend la direction de Redinha où il doit traverser un étroit défilé. Ney a fait partir en tête de colonne la 1ère Division (Marchand). Celle-ci traverse le pont de Redinha et prend position sur les hauteurs de la rive droite, vis à vis de l'issue du défilé, pendant que, sur la rive gauche, la 2e Division tient tête aux Anglais. A 4 heures, la 2e Division franchit le pont à son tour. Les Anglais s'élancent aussitôt pour le passer à sa suite, mais ils sont brusquement arrêtés par les feux étagés de la Division Marchand. Tous les efforts des Anglais se brisent contre l'opiniâtreté de nos troupes. La seule Division Marchand arrète pendant plus de trois heures toute l'Armée de Wellington, ce qui laisse le temps à la 2e Division de filer. Le 76e n'a qu'un Officier blessé, le Lieutenant Mathieu Bisson. Quand la 2e Division est en sûreté, Marchand se replie jusqu'à Presa, à deux kilomètres de Redinha. A la nuit, les Anglais viennent camper en face Marchand.
Dans son Rapport daté de Refança le 12, et adressé à Masséna, Ney écrit sur ce dernier combat : "... Les 6e léger, 39e, 69e et 76e de ligne, composant la division Marchand, qui ont couvert la retraite, se sont montrés tels que je les ai toujours connus, intrépides et consommés dans l'art de la guerre ..." (La vie militaire du Maréchal Ney, t.3).
Le lendemain, 13 mars, le Maréchal Ney évacue les positions de Condeixa et se retire en combattant sur Casal-Novo, disposé en échelon, la Division Marchand formant le 3e échelon en arrière. Cette dernière n'est pas engagée.
Le 14 au matin débute par un brouillard épais, et l'on ne peut distinguer les objets qu'à faible distance. Dès 5 heures du matin, à la faveur de ce brouillard, les Anglais assaillent le 6e Corps dans ses positions de Casal-Novo. Ney, malgré l'obscurité, fait manoeuvrer ses Divisions avec une précision et un aplomb qui provoquent l'admiration des deux armées : "Les 1ère et 2e Divisions et la cavalerie, dit le rapport de la journée, soutiennent la retraite successivement et défendent pied à pied le terrain jusqu'au soir, n'abandonnant une position que pour en prendre une nouvelle, y recevant l'ennemi par des feux bien dirigés et exécutant la retraite dans le plus bel ordre...". La Division Marchand, qui n'avait pas encore donné depuis le commencement de la retraite, fait éprouver des pertes considérables à l'ennemi. Le 6e Corps s'arrête, le soir, au bord de la Ceyra, à Miranda del Corvo, après avoir donné à tous les convois le temps de regagner la tête de l'Armée. Dans cette glorieuse journée, le 76e a eu 26 hommes tués. Au nombre des blessés figurent les Capitaines Pierre Barba et Pierre-Augustin Desessards, les Lieutenants Henry Juste et Nicolas Gobert, ainsi que le Sous-lieutenant Paul-Sévère Ravenel de Bois-Boëtel atteint au bras gauche. Martinien cite également le Capitaine Elambert et le Sous lieutenant Gobert. Les soldats, faisant allusion aux nombreuses positions qui furent successivement occupées et défendues, nommèrent ce combat la journée des positions.
Le lendemain, dès le matin, les Anglais essayent d'envelopper les deux Divisions Marchand et Mermet, campées sur la rive gauche de la Ceyra, ayant à dos un pont étroit et un gué difficile à franchir. Un brouillard épais couvre l'horizon. Les troupes, surprises par cette attaque inopinée, se forment rapidement ; pendant que la Division Mermet tient tête à l'ennemi, la Division Marchand se dirige en toute hâte vers le pont, qui est franchi par la 1ère Brigade. Au moment où Ney arrive à portée de fusil du pont, avec la 2e Brigade (39e et 76e), une batterie de quatre pièces qui descendait de la montagne au grand trôt se renverse et culbute.
Le 50e Régiment, qui suppose l'artillerie chargée par l'ennemi, se croit pris à dos et se débande; le 25e Léger, chargé par les Dragons royaux, se replie; le 39e de Ligne voit tomber son Colonel et lache pied, entrainant le 59e; tous se précipitent vers le pont et s'y entassent; le passage est bientôt obstrué par les corps des hommes renversés; le 50e et le 76e, trouvant le chemin intercepté, courent au gué, le manque et se précipitent dans la rivière. Le guè est au delà. Le Maréchal Ney croit alors avoir perdu au moins 500 hommes noyés. Mais dans la nuit, presque tous rejoignent; la perte ne dépasse pas 150.
Le 16, on séjourne entre la Ceyra et l'Alva. Le 17 mars, on marche sur l'Alva. Le 18, le 6e Corps occupe Ponte Murcella; la Division Marchand est en réserve. L'ennemi ayant tourné cette position par la gauche, le 6e Corps se retire en chelons sur Galices et Villa Nova et arrive, le 19, à cinq heures du soir, à Chamusca. Le 20, la Division Marchand campe à Vinho; le 21, elle s'établit entre Carapi, China et Cortizo. Le 22, l'Armée toute entière est sur les hauteurs de la Coa, ayant exécuté une marche de 60 lieues dans un pays stérile, ruine, sans perdre ni un caisson ni un blessé, ni une voiture de bagages. Le même jour, Ney quitte définitivement le 6e Corps, laissant le commandement au Général Loison.
La retraite se continue, les jours suivants, toujours harcelée par l'ennemi, mais sans engagement sérieux; le 24 mars, la Division Marchand prend position à Guarda. Le 29, le 6e Corps, menacé d'être enveloppé, passe sur la rive droite de la Coa. La Division Marchand occupe Ponte de Sequiras, Val Longo et Villar Mayor; le 76e est cantonné à Val Longo (Valonzo selon Fresnel). A l'abri de cette rivière, le Maréchal Masséna peut donner aux troupes quelques jours de repos. Le 76e présente selon Fresnel un effectif de 52 Officiers et 1250 hommes présents (l'effectif des présents, au départ des cantonnements de la Zézère, était de 54 Officiers et 1352 hommes. Le Régiment avait à la date du 30 mars : 4 Officiers et 88 hommes détachés, 1 Officier et 181 hommes aux hôpitaux et 98 hommes prisonniers); c'est l'effectif tiré des situations du S.H.A.T. :
Situation détaille du 76e de Ligne (Colonel Chemineau) au 1er avril 1811 (S.H.A.T.) 6e Corps, 1ère Division Marchand (Valongo), 2e Brigade Marcognet 1er Bataillon Genevay : 23 Officiers et 404 hommes 2e Bataillon Portemont : 14 Officiers et 441 hommes 3e Bataillon : 15 Officiers, 405 hommes. Une autre situation, extraite des Mémoires de Masséna, donne une situation différente à la même date : le Régiment, réparti en 2 Bataillons, a 1302 hommes dont 48 Officiers et 1177 soldats présents, et 59 malades plus 18 rentrés en arrières ou manquants. Il y a aussi au corps 24 chevaux. C'est la situation donnée dans l'Historique de L. Landais. |
La Division Marchand a laissé à l'hôpital de Coïmbre 553 hommes. Le 4 avril, l'Armée se remet en marche et passe la frontière du Portugal pour rentrer en Espagne. Le 6e Corps atteint Fuenteguinaldo.
Le 4 avril 1811 encore, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de l'Armée d'Espagne, à Paris : "Mon Cousin, l'armée du Portugal sera partagée en six divisions, savoir :
1re division : le 6e léger, les 39e, 76e et 69e de ligne ...
Vous ferez connaître au maréchal prince d'Essling qu'il doit faire tous ces mouvements en temps opportun ; lui seul doit en avoir connaissance. Il peut même y faire les changements qu'il jugera indispensables. Vous lui ferez connaître que mes principaux motifs pour mettre tels ou tels régiments ensemble, c'est qu'ils ont leurs dépôts dans la même division ; ce qui doit faciliter la formation des régiments de marche à envoyer pour les recruter" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17562 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26505).
Le 5 au soir, le 6e Corps occupe les hauteurs de Ciudad-Rodrigo; il y reste jusqu'au 8. A cette date, il prend la route de Salamanque où la Division Marchand arrive le 10. L'Armée reste cantonnée entre Salamanque et Ciudad-Rodrigo jusqu'au commencement de mai. Masséna concentre son armée autour de Ciudad Rodrigo, pour attaquer les Anglais cantonnés entre la Coa et l'Agueda et débloquer Almeida. Il pousse des reconnaissances et observe l'ennemi. Le 20, la Division Marchand est envoyé en reconnaissance vers Almeida; le 76e prend lui même part à une reconnaissance sur Banos et à une pointe sur Almeida. Dans ces opérations, il perd 18 hommes. Le 28 avril, le 4e Bataillon, qui est entré en Espagne avec la 1ère Division du 9e Corps, comme nous l'avons vu plus haut, rejoint le Régiment alors cantonné dans un faubourg de Ciudad-Rodrigo. Le Commandant Castillon, qui commande le 4e Bataillon (tous les Régiments dont les 4èmes Bataillons avaient fait la campagne d'Allemagne en 1809 furent alors rejoints par ces bataillons. Vers la même époque, 30 avril le Dépôt du 76e recevait l'ordre de faire partir de Sarrelouis, le 6 mai, un détachement d'anciens soldats destinés au 30e de Ligne (6e Bataillon) à Minden en Allemagne), amène un renfort de 636 hommes dont 19 Officiers. Ainsi, au 1er mai, le 76e comprend 1504 présents, dont 99 non combattants, malades, etc...
Masséna a décidé de profiter de l'arrivée des 4èmes Bataillons pour débloquer Almeïda, cernée par Wellington. C'est dans ce but que, dès la fin d'avril, il a concentré ses troupes à Ciudad-Rodrigo. Le 2 mai à la pointe du jour, le mouvement commençe : l'armée se porte en avant et le 6e Corps atteint le soir Espeja; le lendemain, il arrive devant le ruisseau de Dos Casas qui coule au pied du village de Fuentes de Onoro; ce village est traversé par la route directe de Ciudad Rodrigo à Almeida. L'Armée anglaise, rangée en bataille derrière le ruisseau, sur les hauteurs de Fuentes, où elle s'est s'est solidement établie, attend de pied ferme. Vers une heure de l'après midi, le 6e Corps attaque Fuentes de Onoro et s'empare de la partie basse du village; le 76e assiste en réserve à cet engagement.
Le 4, Masséna remarque après une reconnaissance que la position ennemie peut être tournée par la droite. A la nuit tombante, il porte de ce côté la majeure partie de ses forces en face de Pozzo-Bello (ou Pozo Velho). Le 5, à la pointe du jour, la Division Marchand s'avance sur le bois qui entoure le village. Deux Régiments anglais en gardent la lisière. Le 76e s'élance à la baïonnette, enlève le bois et pénètre jusque dans les rues du village. Ce coup d'audace, exécuté sous un feu ajusté, coûte au Régiment plusieurs tués ou blessés : le Chef du 2e Bataillon, Portemont (Portemont fut remplacé, quelques jours après, à la tête du 2e Bataillon par le commandant Portugal. Portemont fut nommé, le 24 juin 1811, Officier de la Légion d'honneur) a été touché au pied droit. Le Lieutenant (Capitaine selon Martinien) Edme Collet a été mortellement atteint; les Capitaines Louis Elambert, Antoine Piquerel, Joseph Treillet, les Lieutenants Stouvenaker et Marcandier sont blessés, le dernier au bras droit. Martinien cite également les Capitaines Dessessard, Chambert et Renault. Avec la prise du village, la Division Marchand fait également 150 prisonniers.
Le 6e Corps, maître de Pozzo-Bello, se rabat à gauche pour enlever Fuentes de concert avec les 8e et 9e Corps et la cavalerie. La Division Marchand se porte à droite sur les hauteurs de Fuentes de Onoro pour prendre le village à revers; elle s'engage dans les bois qui l'entourent, et en chasse l'ennemi; elle arrive alors au bord d'un ravin qui sépare Fuentes-de-Onoro de Pozzo-Bello, et se met à tirailler contre les Anglais qui occupent l'autre versant. Elle ne peut cependant franchir cet obstacle. A cinq heures du soir, Masséna, qui veut, vec les Divisions Marchand et Mermet, tenter un su suprême effort sur le centre des Anglais, est obligé de s'arrêter par le manque de cartouches et bivouaque sur le champ de bataille, à portée des fusils ennemis. Ceux ci emploient la nuit à creuser des tranchées, à faire des abatis.
Le 6 au matin, Masséna renonce à poursuivre l'attaque et se décide à la retraite, mais il veut, avant de se retirer, faire sauter la forteresse d'Almeida. Pour porter cet ordre, il faut traverser les lignes anglaises. Le Maréchal demanda des hommes de bonne volonté. Il s'en présente trois : "Ces trois intrépides militaires, dit le Général de Marbot (Mémoires du Général Baron de Marbot, t. II, chap. XLI, p. 469), étaient Pierre Zaniboni, caporal au 76e, Jean-Noël Lami, cantinier de la division Ferey, et André Tillet, chasseur au 6° Léger. Comme ils avaient tous assisté, l'année précédente, au siege d'Almeida fait par les Français, ils connaissaient parfaitement les contrées voisines et devaient prendre des chemins différents. On remit à chacun d'eux une petite lettre en chiffres pour le gouverneur, et ils partirent le 6 au soir, la nuit close. Zaniboni, déguisé en marchand espagnol (il parlait fort bien la langue du pays), s'insinua dans les bivouacs anglais sous prétexte de vendre du tabac et d'acheter les habits des hommes tués. Lami, vêtu en paysan portugais, joua à peu près le même rôle. Les deux Français allaient d'une ligne à l'autre sans éveiller un soupçon, et s'approchaient déjà des portes d'Almeida, lorsque des circonstances inconnues firent découvrir leur ruse. Fouillés et trahis par les lettres accusatrices, ces deux malheureux furent fusillés comme espions, d'après les lois de la guerre qui rangent dans cette catégorie et punissent de mort tout militaire qui, pour remplir une mission, quitte son uniforme".
André Tillet partit pour Almeida en uniforme et réussit à pénétrer dans la place. Le résultat désiré était obtenu. Honneur à ces trois braves. "Leurs noms méritent, dit Thiers, d'être transmis à la postérité". Nous sommes heureux de réaliser ici le voeu de l'illustre écrivain en proposant particulièrement le dévouement du Caporal Zaniboni à l'admiration de ses camarades du 76e !
Le 23 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, vous recevrez le décret par lequel j'ai réglé la formation des 6es bataillons de l'armée d'Allemagne. J'ai changé les éléments de cette formation. Vous verrez par l'état joint au décret que ces bataillons sont composés de trois manières :
1° Avec des conscrits fournis par les dépôts de leurs régiments.
2° Avec ce qu'on peut tirer d'anciens soldats des dépôts de l'armée d'Espagne.
3° Avec des conscrits tirés des dépôts de l'armée d'Espagne ...
ANNEXE
Etat indiquant les éléments de la formation des 6es bataillons des régiments de l’Armée d’Allemagne
Régiments qui forment les 6e bataillons |
Conscrits du régiment |
Supplément de 150 conscrits à tirer du régiment de Walcheren (ce supplément ne compte que pour 50 |
Suppléments à tirer d'autres régiments |
Total de ce que 6e bataillons aura |
||||||
Conscrits que le régiment reçoit et hommes disponibles |
Conscrits pour compléter les bataillons suisses |
Conscrits du 4e bataillon A |
Reste pour le 6e bat. B |
Numéros du régiment d'où on les tire |
Anciens soldats C |
Conscrits D |
Total |
|||
57e de ligne |
1400 |
400 |
800 |
200 |
50 |
Le 76e |
75 |
75 |
150 |
726
|
A : Ces conscrits partiront le 1er juillet 1811 de leur dépôt pour les 6es bataillons en Allemagne.
B : Ces 1500 conscrits partiront de Walcheren par compagnie, dirigés sur le dépôt en France pour le 5e bataillon. Elles commenceront à partir le 15 mai.
C : Ces conscrits partiront dès le 10 mai pour l'Allemagne.
D : Ces conscrits partiront le 1er juin de leur dépôt" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26814".
Le 30 avril 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, les 6es bataillons de l'armée d'Allemagne ne seront pas formés avant les 4es.
Je prends donc le parti de contremander l'ordre que contient mon décret du 23 avril de tirer 1800 anciens soldats des dépôts de l'armée d'Espagne pour servir à la formation des 6es bataillons de l'armée d'Allemagne.
Les détachements que ces différents dépôts de l'armée d'Espagne devaient fournir, savoir le 8e : 80 hommes, le 14e : 60 hommes, le 22e : 60 hommes, etc., se mettront en marche pour Orléans, où il en sera formé deux bataillons de marche, un pour l'armée du Midi, et l'autre pour l'armée de Portugal ...
Le bataillon de marche de l'armée de Portugal sera composé de :
60 hommes du 14e. 60 du 22e. 60 du 27e. 60 du 39e. 60 du 50. 50 du 59e. 60 du 76e. 150 du 65e. 60 du 69e.
Total 620 hommes pour l'armée de Portugal.
Envoyez dans la journée des ordres à tous ces régiments pour que la destination de ces détachements soit changée et qu'on les dirige sur Orléans. Vous ferez connaître aux corps que ces détachements devant désormais former des régiments de marche et servir à recruter des bataillons de guerre, on ne doit plus rayer des contrôles les hommes qui les composent.
Ces 1800 hommes seront remplacés pour la formation des 6es bataillons de l'armée d'Allemagne par une augmentation équivalente dans le nombre de conscrits que ces dépôts de l'armée d'Espagne devaient fournir. Ainsi, ces dépôts au lieu de fournir seulement 1430 conscrits ainsi qu'il est indiqué dans l 'état joint à mon décret du 23 avril compléteront en conscrits le nombre total de 3300 conscrits qu'ils doivent fournir conformément audit état. Ceci aura le double avantage de fournir de bonnes recrues à l'armée d'Espagne, et de ne faire aucun changement dans les contrôles des corps, en même temps qu'on laisse à l'armée d'Allemagne le même nombre d'hommes qu'elle doit recevoir" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5419 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26900).
Jusqu'au 10 mai, l'Armée française reste en position, face aux Anglais immobiles derrière leurs retranchements. A minuit, l'explosion d'Almeïda est le signal du départ. Les troupes reviennent à Salamanque où elles reprennent leurs anciens cantonnements. Martinien cite à la date du 11 mai le Lieutenant Bailly, blessé lors de l'évacuation d'Almeïda.
8/ Opérations diverses sous les ordres du maréchal Marmont de mai 1811 à juin 1812
Au retour de l'expédition d'Almeïda, l'Armée de Portugal passe sous les ordres du Maréchal Marmont, Duc de Raguse (l'Empereur, mécontent des résultats négatifs de l'invasion du Portugal, a relevé Masséna de son commandement. Marmont arrive, le 13 mai, à Salamanque), qui a reçu de l'Empereur plein pouvoir pour la réorganiser. Il y emploie la fin du mois de mai. La situation, déjà lamentable devant Lisbonne, n'a été depuis qu'en s'aggravant. A ce moment, l'Armée de Portugal est dans un état de misère, de mécontentement et de désorganisation difficile à décrire. Les soldats s'estiment heureux quand ils peuvent se procurer un peu de grain ou quelque bétail dans des champs restés incultes et dépeuplés, quand ils peuvent se fabriquer quelque chaussure avec la peau des animaux dont ils se sont nourris. Les Officiers font peine à voir : faute de paye, ils n'ont mème plus de quoi se mettre des bottes aux pieds. Tandis que l'Armée anglaise, presque double de la nôtre, toujours régulièrement payée et convenablement approvisionnée, est dans l'abondance, sans souci du lendemain, "l'armée française ne vivait, dit le Général en chef, que de l'industrie de ceux qui la composaient...". Tandis que "l'armée anglaise avait six mille mulets de transports pour ses seuls vivres, l'armée française n'avait d'autres moyens de transports que le dos des soldats. Jamais, ajoute le maréchal, pendant le temps que j'ai commandé cette armée, elle ne s'est mise en opération qu'auparavant les soldats n'eussent reçu des vivres pour 15, 18 et 20 jours, qu'ils portaient sur eux...". Pendant que "les soldats anglais n'avaient autre chose à faire qu'à marcher et à combattre, les soldats français avaient leurs facultés absorbées par d'autres devoirs et les combats étaient la récompense et le prix de leurs fatigues..." (Mémoires du maréchal Marmont, t IV, p. 36-37).
Marmont supprime l'organisation par Corps d'armée, de manière à n'avoir au dessous de lui que des Divisions. L'ancienne première Division du 8e Corps devient 1ère Division de l'Armée de Portugal, sous le commandement du Général Foy qui remplace le Général Marchand rentré en France. Le Colonel Chemineau, du 76e, est promu Général de Brigade et reçoit le commandement de la 2e Brigade de la Division Foy (39e et 76e). Le Général Chemineau exerçe en même temps le commandement du Régiment jusqu'à nouvel ordre.
"Le maréchal Marmont avait ramené l'armée à Salamanque et profitant de la latitude que lui avait donnée l'Empereur, l'avait réorganisée en six divisions. Le général Foy eut le commandement de la 1re division comprenant les 39e, 69e et 76e régiments de ligne et le 6e d'infanterie légère (Note : Il n'y avait pas au début de généraux de brigade à la 1re division. Les généraux Boyer et Chemineau furent appelés dans la suite à prendre le commandement des deux brigades)" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, page 145.
Au 1er juin, il y a à l'Armée du Nord de l'Espagne (Bessières), Division de réserve Caffarelli (Vitoria), 1ère Brigade (Grandjean) un Régiment de marche de l'Armée du Portugal, dont le 5e bataillon (d'Husson - à Loredo) comprend 1 Compagnie (3 Officiers et 67 hommes) du 76e, destinés sans doute à rejoindre le Corps principal. En attendant, Marmont poursuit la réorganisation de l'Armée : les Régiments d'infanterie sont formés à 3 Bataillons seulement, en portant à 700 hommes l'effectif de chaque Bataillon. Comme conséquence de cette mesure, le 3e Bataillon du 76e, qui est le plus fatigué, est dissous, et les hommes dispersés dans les 1er, 2e et 4e Bataillons; l'effectif au 1er juin est de 60 Officiers et de 2020 hommes.
Les cadres du 3e Bataillon non utilisés partent le 23 mai de Salamanque, pour Valladolid. De Valladolid, les cadres du 3e Bataillon sont envoyés, par ordres de mouvement des 18 et 21 juin, à Bayonne où ils reçurent de Sarrelouis tous les soldats disponibles du 5e Bataillon (qui s'était formé au Dépôt, à Sarrelouis, avec les conscrits du département de la Dyle. Ces hommes partirent de Sarrelouis le 1er juillet, et arrivèrent à Bayonne le 18 août 1811) et reconstituèrent ainsi un nouveau 3e Bataillon. Ce 3e Bataillon devint lui-même le fonds d'un petit Dépôt (ce petit Dépôt reçut, en 1811, d'abord 157 conscrits du 5e Bataillon, puis 164 de la Creuse, 106 de la Nièvre et 68 de l'Aude et de Montenotte. Le nouveau 3e Bataillon (Commandant Condamy chef de l'ancien) fut placé au camp de Bayonne, sous les ordres du Général de Monthion. Ses trois premières compagnies (8 Officiers, 268 hommes) entrèrent le 1er novembre 1811 dans la composition du 2e Régiment de marche (Major Tolozan) de l'Armée du Portugal. Elles eurent l'ordre de rentrer en France, le 15 décembre, pour aller renforcer l'Armée d'Allemagne. Les trois autres firent partie de l'Armée du nord de l'Espagne successivement commandée par les Généraux Dorsenne, Caffarelli et Clausel et tinrent garnison d'abord à Irun (4e Gouvernement, Général Thévenot), puis à Tolosa, d'où elles partirent, en juin 1813, pour rejoindre les trois premières, au 4e Corps de l'Armée d'Allemagne).
(Chef de Bataillon, Commandant le Régiment pendant les Cent-Jours) Services : Né à Dovat (Haute-Vienne), le 15 mars 1769. Soldat au Régiment de Touraine, le 5 mars 1789. Sergent-major au 1er Bataillon de la Haute Vienne, le 1er octobre 1791. Lieutenant au même Bataillon, le 23 décembre 1791. Capitaine, le 17 octobre 1793; passa à la 174e Demi-brigade qui devint 95e; fut réformé, puis replacé à la 91e Demi-brigade, passa enfin au 20e Régiment. Chef de Bataillon au 76e, le 7 septembre 1811; fut licenciée, le 26 septembre 1815. Campagnes et blessures : - 1792-1793. - Aux armées des Ardennes, de la Belgique, du Nord, de Sambre-et-Meuse et enfin du Rhin-et-Danube. 1811. - Aux armées du Rhin et d'Italie. En Corse. 1812. - Aux armées d'Italie et de Naples. 1813-1814. - Aux armées d'Espagne, puis d'Allemagne. 1815. - Bataille de Ligny. |
Après un mois de repos, l'Armée de Portugal se met en marche pour rejoindre Soult et se porter au secours de la ville de Badajoz sur la Guadiana, assiègé depuis trois mois. Le 76e commence une série de marches dont on appréciera les fatigues et les dangers, si l'on se souvient de l'hostilité féroce des habitants, et des seuls moyens de transport et de ravitaillement dont les soldats disposaient. On part le 3 juin; Marmont, à la tête de la 1ère Division et de la cavalerie légère, se porte sur Ciudad Rodrigo. Les Anglais, qui bloquent cette place, se retirent devant nous.
Le 11 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "... Les cadres des 4es bataillons des 14e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e de ligne et 17e d'infanterie légère, 28e, 34e, 65e, 75e et 86e de ligne ont ordre de rentrer en France. Ils arrivent à Bayonne du 15 au 20 juin ...
Mon intention est que ces vingt-deux bataillons soient tous campés dans les baraques de bois que j'ai fait établir en avant de la ville, que l'inspection en soit passée pour compléter les cadres des officiers, sous-officiers, caporaux et tambours, remplacer les officiers et sous-officiers hors de service, et compléter tous ces cadres à 800 hommes ; ce qui fera pour l'armée d'Espagne une réserve de 16 à 18,000 hommes.
Je désire que vous envoyiez à Bayonne quatre colonels en second pour se partager le détail, la surveillance et l'organisation de ces bataillons ...
Le troisième commandera le 17e et le 31e léger, le 27e, le 29e, le 59e, le 69e, le 76e, le 65e et le 86e, appartenant à l'armée du Portugal ...
Ces quatre colonels en second réuniront successivement sous leur commandement tous les 3es et 4es bataillons qui arriveront d'Espagne en conséquence des ordres donnés, et qui appartiendront aux armées d'Aragon, du Nord, de Portugal, du Centre et du Midi. Vous donnerez à chaque colonel en second un major en second pour aide, lorsque son commandement comprendra plus de quatre bataillons. Cela formera quatre brigades, qui s'appelleront brigades des 4es bataillons de l'armée d'Aragon, de l'armée du Nord, de l'armée de Portugal, des armées du Centre et du Midi.
Le général Monthion commandera cette réserve et en passera fréquemment la revue ...
Il faudrait sans délai faire partir des dépôts des 14e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e de ligne, 17e léger, 28e, 34e, 65e, 75e et, 86e de ligne tout ce qu'il y a de disponible, pour être incorporé dans lesdits 4es bataillons ... " (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17793 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27269).
Après avoir ravitaillé la place de Ciudad Rodrigo, Marmont rejoint le 17 à Almaraz le Général Bremer, qui, avec le reste de l'Armée, a passé le col de Banos et s'est porté sur ce point où il a jeté un pont de bateaux.
Le 18 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je reçois votre rapport du 15 sur les différents corps d'observation. Je réponds d'abord à ce qui concerne le corps d'observation de la réserve.
CAMP DE BAYONNE.
... Les 4es bataillons des 17e, 31e, 27e, 39e, 59e, 69e, 65e, 76e et 86e formeront la brigade de Portugal. Vous donnerez deux majors en second au colonel en second qui doit la commander ...
Donnez ordre que tout ce qu'il y a de disponible aux dépôts des 14e, 17e, 27e, 39e, 59e, 69e, 76e, 65e, 86e, 34e, 28e et 75e se dirige sur Bayonne pour y compléter les 4es bataillons de leurs régiments. Il sera appelé 8,000 conscrits sur la réserve pour compléter ces 4es bataillons et les porter à 20,000 hommes. Recommandez que tout ce qui passera désormais à Bayonne, soit hommes isolés, soit hommes sortant des hôpitaux, qui appartiendraient à ces régiments, soit retenu et placé dans les 4es bataillons de leurs régiments ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17817 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27343).
Le 18, l'Armée entre à Mérida; Wellington lève le siège de Badajoz et se réfugie en Portugal.
Le 20, Soult et Marmont entrent dans la capitale d'Estramadure.
Le 24 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Dumas, Directeur des Revues et de la Conscription : "Monsieur le comte Dumas, proposez-moi un projet de décret pour la levée et la répartition de la réserve de la conscription. J'évalue à 25 000 hommes ce qu'il y a de disponible sur la conscription de France ...
Voici les bases de la répartition ...
Complétez les bataillons dont les cadres sont à Bayonne. Savoir : ... 76e ...
Total 12 bataillons. Pour ces 12 bataillons vous dirigerez sur Bayonne de quoi compléter leurs 4es bataillons ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5676 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27432).
Le 25 juin 1811, Berthier écrit, depuis Paris, au duc de Feltre : "L'Empereur ayant nommé généraux de brigade les colonels du 76e régiment d'infanterie de ligne et du 4e d'infanterie légère, qui ne sont point encore remplacés, Sa Majesté me charge d'écrire à Votre Excellence pour qu'elle donne l'ordre aux majors de ces deux régiments de partir en poste pour se rendre sans délai à l'armée de Portugal et y prendre le commandement de leurs régiments respectifs.
L'Empereur étant dans l'intention de nommer des colonels en second au commandement titulaire de ces deux régiments, j'invite Votre Excellence à les proposer, en lui faisant observer que les colonels en second Chabert et Langeron qui faisaient partie du 9e corps, sont les seuls de l'armée de Portugal qui restent à placer ; ayant été blessés à l'affaire du 5 mai, ils sont en route pour se rendre en France.
L'Empereur veut que les colonels qui seront nommés, reçoivent de Votre Excellence l'ordre de se rendre au dépôt de leur régiment ; ils y passeront six mois qu'ils emploieront à prendre connaissance de l'administration.
Si les majors qui vont commander provisoirement les régiments, sont faits colonels en Espagne par suite d'actions d'éclat ou autrement, ils seront remplacés, et s'ils n'ont point obtenu d'avancement, aussitôt l'arrivée des colonels qui auront passé six mois aux dépôts, ces majors rentreront en France pour en reprendre le commandement.
Votre Excellence a vu que par décret du 22, l'Empereur a aussi nommé cinq majors en second parmi les chefs de bataillon ou d'escadron de l'armée de Portugal. L'intention de Sa Majesté est qu'ils continuent néanmoins à commander leurs bataillons ou escadrons respectifs jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés et qu'ensuite ils restent à la disposition du général en chef, M. le duc de Raguse, pour commander provisoircment les régiments dont les colonels seraient blessés ou malades ; j'ai donné les ordres nécessaires.
L'Empereur désire aussi qu'à l'avenir on ne propose aucun des officiers qui sont en Espagne pour être faits majors en second et Sa Majesté veut qu'en principe général, tout colonel qui quitte !e commandement pour cause de maladie ou de mort soit sur-le-champ remplacé par le major qui recevra l'ordre de prendre son poste aux bataillons ou escadrons de guerre" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 1921).
Après avoir ravitaillé la place de concert avec Soult, qui commande l'Armée du Midi, Marmont, dans les premiers jours de juillet, se porte à Naval Moral, et en parallèle, envoie la Division Foy à Almaraz, sur le Tage, avec mission d'y construire sur la rive droite deux têtes de ponts et des ouvrages de manière à mettre cette place importante à l'abri d'un coup de main (nous verrons en mai 1812 que ces travaux furent insuffisants). La portion principale du 76e reste à Mérida.
Situation détaillée du 76e de Ligne (Colonel Chemineau - sic) au 15 juillet 1811 (S.H.A.T.) Armée du portugal , 1ère Division Foy (Condovilla), 2e Brigade Colonel Chemineau (sic) 1er Bataillon Genevay : 30 Officiers et 494 hommes 2e Bataillon Portemont : 16 Officiers et 455 hommes 4e Bataillon Castillon : 14 Officiers, 472 hommes. |
Document extrait de l'Historique régimentaire |
Pendant les deux mois que durent les travaux, le Régiment doit fournir divers détachements qui prennent part à plusieurs petites opérations. Nous reproduisons ci-après une de ces excursions qui eut lieu au commencement d'août; nous la trouvons racontée dans les Mémoires du Commandant Parquin (Souvenirs et campagnes d'un vieux soldat de l'Empire, p. 272, édition de 1882, chez Berger-Levrault; et Souvenirs du capitaine Parquin, p.103, édition illustrée parue en 1852 chez Boussod, Valadon et Cie. L'auteur des Souvenirs est le grand-oncle du lieutenant CharlesVictor Parquin, actuellement (sic) au 76e). Denis-Charles Parquin était alors Sous-lieutenant au 20e Chasseurs et attaché à l'Etat-major du Maréchal Marmont. "....Je recevais l'ordre du chef d'état-major de l'armée de prendre un détachement de cinquante hommes du 76e régiment d'Infanterie, commandé par un officier, et de partir pour Almaraz sur le Tage, pour m'y assurer si le pont que le maréchal y avait ordonné était établi. Ma course dura huit jours; mais à mon retour, lorsque j'approchais de la ville de Truxillo, au milieu d'une plaine fort aride, d'où l'on n'apercevait aucun village, nous vîmes tout à coup un nuage de poussière qui s'élevait au loin. L'officier d'infanterie, qui était habitué aux surprises des guérillas, me dit :
- Mon camarade, vous voyez bien ce nuage de poussière sur la droite ? Dans cinq minutes, nous serons aux prises avec les Espagnols.
Il fit mettre la baïonnette aux fusils qui étaient chargés, et nous continuâmes notre route. Ses prévisions se vérifièrent ponctuellement; les guérillas furent bientôt sur nous, et ils s'approchèrent en hurlant (c'est le vrai mot) ; mais l'officier commanda à propos :
- Halte ! joue ! feu !
Et en un instant les Espagnols faisaient demi-tour, comme une volée de pigeons. Ils n'avaient pas fait ce demi-tour sans nous avoir envoyé une grêle de balles, dont une avait atteint l'officier d'infanterie à la cuisse. Je mis tout de suite pied à terre; puis, ayant fait monter cet officier sur mon cheval, je pris le commandement du détachement. J'arrêtai la marche et fis croiser la baïonnette pendant le peu d'instants que je mis à bander avec mon mouchoir la cuisse de l'officier.
Les guérillas, s'étant aperçus d'un mouvement de halte dans la colonne revinrent sur nous en criant à mon escorte :
- Soldats, abandonnez l'officier de cavalerie, qui est probablement porteur de, dépêches; quant à vous, nous ne vous voulons pas de mal, au contraire, nous sommes vos amis.
Ces mots dits en français me firent présumer qu'il y avait quelque déserteur parmi eux.. On croira facilement que les fantassins n'écoutèrent pas cep propos, et quand, les guérillas, en chargeant; furent arrivés à dix pas de nous, j'ordonnai le feu, qui dispersa les bandits. Plusieurs restèrent tués sur place. Un d'eux, dont le cheval fut tué, resta notre prisonnier; je devais le faire exécuter sur le champ mais je racontai à haute voix à l'officier de l'escorte et à ses soldats l'aventure dans laquelle j'avais dû la vie dernièrement à la générosité d'un chef de guérillas le lieutenant d'Aguillard, et je demandai à l'officier qu'il me laissât disposer de ce malheureux.
- Mon camarade, me répondit-il, c'est votre prisonnier plutôt que le mien; car, quoique les guérillas m'aient blessé, c'était principalement à vous qu'ils en voulaient; ils l'ont assez crié !
- Merci, lui dis-je en lui serrant la main; et puisque notre troupe a entendu ce que je vous ai raconté, veuillez lui demander si elle adhère à la concession que vous venez de me faire.
De toutes parts les soldats s'écrièrent :
Oui, oui, disposez de ce bandit, monsieur l'officier, comme vous l'entendez.
Alors j'écrivis au crayon sur un morceau de papier :
"L'officier Charles Parquin, du 20e Chasseurs, qui, étant prisonnier du lieutenant d'Aguillard et de ses guérillas, près de Salamanque, a dû sa vie et celle de son domestique à leur générosité, leur témoigne sa reconnaissance, le 10 août 1811, dans l'Estramadure, près de la ville de Truxillo, en donnant la vie et la liberté à un Espagnol de la guérilla du Médico".
Je donnai ce papier à cet Espagnol, qui me dit savoir lire; puis je lui remis une once d'or, et je lui rendis la liberté, en lui souhaitant de ne plus se rencontrer sur notre chemin. Le pauvre diable qui, un moment auparavant, était plus mort que vif, embrassa mes genoux en faisant le signe de la croix et disparut. A notre arrivée à Truxillo, nous trouvâmes une troupe d'infanterie qui venait à notre rencontre, parce que des murs de la ville on avait aperçu la fumée des coups de feu; cette troupe rentra avec nous en ville; l'officier du détachement demeura à Truxillo pour y guérir sa blessure, et moi, je conduisis l'escorte à Mérida".
Martinien de son côté cite le Sous lieutenant Large, blessé le 31 juillet près de Valladolid (mort le 6 septembre).
Le 9 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon Cousin ... Deux compagnies de chacun des 65e, 69e et 76e formeront le 7e bataillon et ces deux bataillons, commandés par un major en second, composeront le 3e régiment de marche de l'armée de Portugal, qui se rendra à Vitoria du 20 au 30 août.
Il y aura ainsi dans la Biscaye ... 4° le 3e régiment de l'armée de Portugal, fort de 1.600 hommes ... ce qui fera plus de 7.000 hommes. Mandez au général Monthion de s'assurer que ces bataillons partent en bon état, qu'ils sont complets en officiers et en sous-officiers, qu'ils ont 50 cartouches par homme, leurs pierres à fusil, leur solde au courant jusqu'au 1er septembre, leur livret en règle où le payement de leur solde soit constaté ... Vous ferez comprendre au général Monthion que mon intention est que ces huit bataillons restent en Biscaye jusqu'à ce que les conscrits des dépôts puissent les rejoindre, et qu'on puisse reformer là les vingt-trois bataillons" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5944 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28051).
Vers le milieu de septembre, le 76e quitte momentanément les bords du Tage pour aller plus au nord occuper Placencia, pendant que le Maréchal marche avec le gros de ses forces sur Ciudad-Rodrigo, afin de ravitailler cette ville que Wellington assiège. A l'approche de Marmont, les Anglais se retirent de nouveau en Portugal. Le gros de notre armée revient alors sur le Tage (7 octobre) et la Division Foy, qui a beaucoup souffert par les maladies, est envoyée à Tolède pour s'y refaire.
Voici quelle était à ce moment la composition et l'emplacement des diverses fractions du 76e selon L. Landais :
Colonel : Chabert ; Major : Mourcet; 1er bataillon Genevais, 2e Bataillon Portemont, 3e Bataillon Condamy (à la 1ère Division de l'Armée du Potugal); 4e Bataillon Castillon (4 Compagnies à Bayonne, 2 en Biscaye); Audigier, Quartier maître à Sarrelouis (Dépôt).
Le 76e occupe en Castille différentes localités : Puebla de Montalban, Mora et Tolède même (le 76e forme toujours avec le 39e la 2e Brigade de la Division Foy. Cette Brigade est sous les ordres du Général Baron Desgraviers-Berthelot, qui a remplacé Chemineau.).
Le 28 octobre 1811, l'Empereur écrit, depuis le château de Loo, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, ... 3e RÉGIMENT DE MARCHE DE L'ARMEE DE PORTUGAL.
Un bataillon de marche partira de Bayonne, composé d'une compagnie du 27e de ligne de 140 hommes, d'une du 59e de 140 hommes, d'une du 65e de 140 hommes, d’une du 39e de 140 hommes, d'une du 69e de 140 hommes, et d'une du 76e de 140 hommes, total six compagnies, ou 840 hommes.
Ce bataillon, arrivé à Vitoria, sera incorporé dans le 3e régiment de marche de l'armée de Portugal qui, de 1.200 hommes, sera ainsi porté à 2.040 hommes ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6304 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28940).
Le 22 novembre, la 1ère Division de l'Armée du Portugal part, pour remplacer dans la Manche, les troupes que le Roi Joseph dirige sur Valence.
Le 30 novembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, faites-moi connaître si le général Monthion pourra faire partir au 15 décembre, savoir :
... 3° Un régiment de l'armée de Portugal, composé d'une compagnie du 17e léger, d'une compagnie du 31e id., de deux compagnies du 27e de ligne, de deux compagnies du 39e, de deux compagnies du 59e, de deux compagnies du 65e, de deux compagnies du 69e et de deux compagnies du 76e, et d'un bataillon de six compagnies du 86e.
... Ce qui ferait encore un secours de 4.000 ou 5.000 hommes qui compléterait tout à fait les régiments provisoires.
Faites-moi connaître si tout cela pourra partir en décembre ou, au plus tard, au 1er janvier" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6428 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29218).
Au commencement du mois de décembre, le Tambour-major Melhiot (Melhiot en quittant les lignes ennemies avait été recueilli du côté d'Aljucen par les avant-postes du Maréchal Soult, qui lui avaient donné le moyen de rejoindre le régiment), du 76e, qui avait été fait prisonnier aux environs de Badajoz, rentre au Régiment. Il raconte que les Anglais, après l'avoir pris, l'ont enrôlé sous peine de mort dans la légion de l'Estramadure commandée par un Colonel anglais aux ordres de Murillo et du Général Castanos et l'ont placé à la tête d'une Compagnie de soldats français appartenant à l'Armée de Portugal, prisonniers comme lui, qu'ils obligeaient ainsi à servir contre leurs frères d'armes. Melhiot a réussi à s'évader, le 25 novembre, avec toute sa Compagnie. On voit que nos ennemis nous faisaient la guerre au mépris de toute les lois admises entre les peuples civilisés. On peut également citer le cas du Lieutenant van Goens, massacré par les Espagnols le 8 décembre près de Pampelune (Martinien).
Le 9 décembre 1811, le Maréchal Soult écrit, depuis Séville, au Maréchal Marmont : "Monsieur le maréchal, j'ai l'honneur de vous prévenir qu'en exécution des ordres que Son Altesse Sérénissime le prince major général m'a adressés le 28 octobre dernier, je donne ordre à la septième compagnie du 4e régiment d'artillerie à cheval de se rendre à l'armée de Portugal, sa nouvelle destination ; elle arrivera à Tolède le 30 de ce mois, où elle attendra les ordres de Votre Excellence. Cette compagnie n'emmènera que ses chevaux d'escadron.
Je fais en même temps partir une compagnie de militaires français, appartenant à des régiments de l'armée de Portugal, qui, étant prisonniers de guerre, ont été forcés de servir et faisaient partie de la légion d'Estramadure, commandée par un colonel anglais, sous les ordres de Murillo et du général Castaños. Le sieur Melhiot, tambour-major au 76e de ligne, commande cette compagnie ; c'est lui qui l'a conduite à nos avant-postes, il y a quinze jours, du côté de Aljucen ; la manière dont il a ménagé sa rentrée lui fait honneur et annonce un homme de caractère ; j'ai fait donner tout ce qu'il était possible aux hommes qu'il a ramenés ; je dois cependant vous prévenir que, sur la demande du général commandant l'artillerie de l'armée , j'ai fait retenir six à sept hommes pour être incorporés dans l'artillerie, où ils ont demandé à servir ; je prie Votre Excellence de l'avoir pour agréable. J'ai écrit au ministre de la guerre pour lui demander de vouloir bien approuver cette incorporation ..." (Mémoires de Marmont, tome 4, page 266).
Le 76e va rester en Castille jusqu'en janvier 1812. Bien moins inquiété là que dans l'Estramadure, le Régiment est néanmoins obligé encore de chercher ses vivres et de former des colonnes pour assurer sa sécurité. Les situations de quinzaine signalent toujours au Régiment la mort de quelques hommes soit dans les hôpitaux, soit dans les colonnes. "La solde est toujours impayée" ; tel est pour ainsi dire le refrain de tous les rapports. Cependant, le 15 décembre, on annonçe que des fonds sont arrivés et que "la solde allait être alignée au 1er juillet".
Le 24 décembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, j'approuve l'opinion du général Monthion d'avoir toujours à Bayonne une force disponible et bien organisée. Elle sera composée de la manière suivante :
... 8e bataillon. Un second bataillon provisoire de l'armée de Portugal, composé de deux compagnies du 65e (200 hommes), de deux du 69e (200 hommes), de deux du 76e (200 hommes) 600 hommes.
Ces huit bataillons formeront à peu près 6.000 hommes. On y joindra 6 pièces de canon de 6 et 2 obusiers, et 150 chevaux. Un général de brigade commandera cette colonne, sous les ordres du général Monthion. Elle aura quatre majors en second, et gardera en réserve Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port et la Bidassoa, et sera prête à se porter partout. Le général Monthion l'aura formée le 10 janvier. Il fera venir tout ce qui est disponible aux dépôts et aux 5es bataillons de ces régiments. Il fera des garnisons dans la vallée de Bastan qui sera sous ses ordres. Il marchera au secours du Passage, de Saint-Sébastien, et des côtes des départements des Hautes et Basses-Pyrénées, si elles étaient attaquées. II faut donc qu’il organise parfaitement cette réserve pour qu'elle puisse se porter partout" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6522 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29444).
Le même 24 décembre 1811, l'Empereur écrit encore, depuis Paris, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, donnez ordre que les 6e et 17e régiments d'infanterie légère et les 39e, 69e, 76e, 27e et 59e de ligne qui ont trois bataillons en Espagne fassent rentrer en France les cadres des six compagnies de leur 4e bataillon ; que ces cadres soient bien complets, qu’il y ait même 6 sergents et 12 caporaux par compagnie, au lieu de 4 sergents et 8 caporaux.
Donnez le même ordre pour les 25e léger, 50e, 15e et 22e de ligne ; pour les 31e léger et 86e de ligne ; pour les 26e, 66e et 82e ; et pour les 7e, 16e, 114e, 116e et 117e de ligne, ce qui fera rentrer en France les cadres de 21 bataillons. Recommandez expressément qu'il y ait le nombre de sergents et de caporaux ayant plus de deux ans de service, que j'ai déterminé ci-dessus. Instruisez de cet ordre le ministre de la guerre" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6521 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29445).
Le lendemain 25 décembre 1811, Berthier écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "L'Empereur approuve l'opinion où est le général Monthion d'avoir toujours à Bayonne une force disponible et bien organisée.
Sa Majesté ordonne que cette réserve soit composée de la manière suivante :
... 8e bataillon : Un second bataillon provisoire de l'armée de Portugal, composé de 2 compagnies du 65e, de 2 compagnies du 69e, de 2 compagnies du 76e formant 600 hommes.
Ces huit bataillons formeront à peu près 6000 hommes. Sa Majesté désire qu'il y soit joint 6 pièces de canon de six, 2 obusiers et 150 chevaux. Son intention est aussi qu'un général de brigade commande cette colonne sous les ordres du général Monthion et qu'il y soit attaché quatre majors en second.
Cette réserve gardera Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port et la Bidassoa, et sera prête à se porter partout où les circonstances l'exigeraient. Le général Monthion à qui je viens de donner connaissance de ces dispositions, a l'ordre de former cette réserve pour le 10 janvier. Il fera venir à cet effet tout ce qui est disponible aux dépôts et aux 5es bataillons des régiments qui la composent.
J'ai également prévenu le général Monthion qu’au moyen de cette réserve, l’intention de l’Empereur est qu’il faut des garnisons dans la vallée de Bastan qui sera sous ses ordres et qu’il marche au secours du Passage, de Saint-Sébastien et des côtes et frontières des départements des Hautes cl Basses Pyrénées si elles étaient attaquées" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1809).
Selon L. Landais, les Cadres du 4e Bataillon ont été renvoyés au camp de Bayonne, après avoir versé leur effectif dans les trois autres, afin d'y recevoir les conscrits de 1811 et de 1812 (conscrits de la Dyle). Les 4e Bataillons étaient destinés à remplacer en Espagne les troupes que l'Empereur rappelait en France. Le camp de Bayone était sous les ordres du Général de Monthion. Les deux Compagnies du 4e Bataillon qui opéraient en Biscaye étaient sous les ordres du Général Dorsenne, commandant en chef de l'Armée du Nord.
Dans les premiers jours de janvier 1812, les 1ère et 4e Divisions de l'Armée de Portugal (Divisions Foy et Sarrut) reçoivent l'ordre de se mettre en marche vers Valence, sous le commandement du Général Comte Montbrun, pour faire une diversion en faveur des troupes chargées d'assièger cette ville. Le 1er Bataillon du 76e part de Mora, les 2e et 4e Bataillons, de Tolède, et exécutent vers l'est, à travers la Manche et la Murcie, une marche fatigante et malheureusement inutile. Martinien cite le Lieutenant Kleinschmitt, blessé le 21 janvier, étant de service au pont d'Oniate.
Le 15 février, la Division Foy atteint la petite ville de San Vicente, située sur un affluent de la Segura. Le 1er mars (Marmont, dans ses Mémoires, fait rentrer Montbrun de son excursion vers Valence à la fin de janvier. Il est en cela en contradiction avec les situations de quinzaine qui, établies au jour le jour, doivent étre plus exactes que les souvenirs du Maréchal), elle est de retour sur le Tage, rappelée en hâte par Marmont aux prises avec Wellington. Le 76e (l'effectif du Régiment se décomposait au 1er mars 1812 en 72 Officiers, 1341 hommes présents, et 182 hommes aux hôpitaux, dont 103 du 1er Bataillon) a perdu dans cette expédition 39 hommes, enlevés probablement à la maraude et massacrés par des guérillas ou des paysans. Il occupe pendant presque tout le mois de mars, les environs de Naval-Moral, petit bourg au nord d'Almaraz. A peine le Régiment occupe t-il ces nouveaux cantonnements que l'ordre arrive de renvoyer en France les cadres du 4e Bataillon (le fonds du 4° bataillon entra, le mois suivant, dans la composition de la 10e Demi-brigade Provisoire, 31e Division, Lagrange, 11e Corps) et de répartir les hommes de ce Bataillon dans les 2 Bataillons restants. C'est une mesure générale.
Signalons qu'en date du 3 mars, il y a à la Division de Réserve de Bayonne, 2e Brigade Gruardet, sous les ordres du Major Tolozan, le 3e Bataillon du 76e, qui comprend 7 Officiers et 264 hommes.
A noter que 290 Liégeois de la classe 1812 ont été dirigés sur Thionville (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936). Au dépôt de Sarrelouis, les Conscrits sont soumis à quatre heures d'exercice par jour, soupe le matin et à quatre heures de l'après-midi; ils disposent, chaque jour, d'une demi-livre de viande et d'une livre de pain, nous dit le soldat Jean-Joseph Bataille, soldat à la 3e Compagnie du 5e Bataillon, dans une lettre écrite depuis Sarrelouis le 20 mars 1812 (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 472).
Vers la fin de mars, la Division Foy se porte à Palencia, pour y appuyer un mouvement offensif du gros de l'Armée, Marmont contre Ciudad-Rodrigo. Quand Marmont reprend ses positions autour de Salamanque, la Division revient sur le Tage et le 76e cantonna â Talaveyra. Le 1er mai, le 76e (Brigade Desgraviers) compte dans ses rangs 1222 hommes. Le 15 mai, le Général Foy apprend qu'un fort parti ennemi (trois Divisions, commandées par le Général Hill, détaché de l'Armée de Wellington) menace Almaraz, place de la plus haute importance, fortifiée par nous en 1811, comme devant servir de point de communication entre les Armées du nord et du midi. Il s'y porte en grande hâte avec toute sa Division. Almaraz et les ouvrages de la droite du Tage sont défendus par le Major Aubert, "un brave officier piémontais", qui malheureusement n'a sous ses ordres que de "mauvaises troupes. Ces dernières, dit Marmont (t. IV, p. 3), étaient connues sous le nom de régiment prussien".
L'assaut est donné le 19. Aubert se fait tuer sur un parapet où il est monté pour donner l'exemple; la garnison se débande : le donjon, le pont, la ville, tout est enlevé. Quand Foy arrive, le 23 mai, les Anglais se sont retirés, après avoir dégradé tous les forts, brisé l'artillerie et coulé les bateaux. La 1ère Division cherche à atteindre l'ennemi et continue sa course par Truxillo jusqu'à Deleytosa. Le 28 mai, elle reprend la route du Tage. Le 1er juin, le 76e occupe Arzobispo entre Almaraz et Talaveyra.
9/ Bataille des Arapiles
Cependant, Wellington a concentré ses forces pour fondre sur l'Armée de Portugal. Dès le 3 juin, une de ses Divisions est passée sur la rive droite de l'Agueda. Marmont, qui prévoie l'attaque, a, de son côté, donné des ordres de concentration et demandé des secours à l'Armée du Nord (Caffarelli) et au Roi Joseph. Le 2 juin, la Division Foy se met en marche sur Avila, où elle arrive le 6. Elle y reste jusqu'au 9 et se rend, ce jour-là, à Arevalo. Le 12 juin, toute l'Armée anglaise passe l'Agueda; le 14, Marmont ordonne le rassemblement de ses Divisions aux environs de Salamanque. La 1ère Division (Foy) vient occuper Avila et Arevallo.
Situation détaille du 76e de Ligne (Major Moisnet) au 15 juin 1812 (S.H.A.T.) Armée du Portugal, 1ère Division Foy, 2e Brigade Desgraviers 1er Bataillon Genevay : 25 Officiers et 553 hommes 2e Bataillon Portemont : 22 Officiers et 582 hommes |
Le 16, les Anglais arrivent devant Salamanque, mais Marmont n'étant pas encore en mesure de livrer bataille, met la ville en état de défense et prend position en arrière. Le 19, la 1ère Division rejoint le gros de l'Armée française à Bleines. Le 20, les Anglais cernent Salamanque; Marmont tente alors une manoeuvre offensive sur San Christoval. Wellington occupe ce point depuis le 17. Devant la démonstration de Marmont, il suspend le siège et se met en bataille; mais le Général en chef de l'Armée de Portugal ne se croit pas encore assez fort pour espérer une action décisive et, le 23, il change de position. La 1ère Division va occuper Aldea-Rubia. Marmont attend des renforts.
Marmont, manoeuvrant ainsi à faible distance de la place, compte pouvoir prendre une offensive efficace, avant la chute des forts (un signal lui avait annoncé que les forts avaient encore des approvisionnements pour cinq jours), lorsque, le 27 juin, un incendie éclate dans les magasins du fort principal, détruit tous les approvisionnements et amène la reddition de ce poste. Notre présence autour de Salamanque devenant inutile, Marmont se retire pour attendre plus en sûreté les secours qu'on lui a promis. Le mouvement rétrograde en direction de la Guarena commence le 28; l'Armée anglaise nous suit. Le 29, Marmont est à Trabanjos où il séjourne le 30. Le 1er juillet, l'Armée poursuit son mouvement de retraite sur Zapardiel; le 2, elle passe le Douero à Tordesillas, suivie par les Anglais.
Le 3 juillet, toute l'Armée française a pris position derrière le Douero, de Toro à Tordésillas. Elle y reste jusqu'au 16. A la droite de nos lignes, à Toro, se trouve toute la Division Foy, le 76e établi à San Roman. Le Régiment, alors commandé par le Major Mourcet (Le Colonel Chemineau n'était pas encore remplacé; comme il a déjà éte dit, le 76e n'avait plus que 2 Bataillons, le 1er : Commandant Genevay; le 2e : Commandant Portemont), compte à l'effectif 56 Officiers et 1351 hommes présents, un Officier et 31 hommes détachés, et 118 hommes aux hôpitaux. Quoiqu'on soit en présence de l'ennemi, on est obligé, pour avoir des vivres, d'organiser des corvées, de moissonner le blé et de le moudre. Chaque compagnie travaille pour son compte, dit le rapport de l'Ordonnateur en chef Mazeau à la date du 15 juillet.
Le 16 juillet, Marmont, voyant son armée un peu reposée, renonçe à attendre plus longtemps des secours que Caffarelli promet toujours sans les envoyer et que le Roi Joseph a fini par refuser. Après avoir réussi à faire croire à l'ennemi qu'il allait franchir le Douero à Toro, il passe le fleuve à Tordésillas avec le gros de l'Armée, dans la nuit du 16 au 17, et occupe Rueda. Ce même jour, après une démonstration pour attirer l'ennemi à Toro, le 76e passe sur la rive gauche au pont de Pollos avec toute la 1ère Division. Le 17 au soir, l'Armée est en position à Nava del Rey. Le 18 au matin, l'Armée s'avance en deux colonnes parallèles, marche sur Guarana et essaye de déloger les Anglais des hauteurs de la rive droite, mais elle est repoussée et prend position sur les hauteurs de la rive gauche; la Division Foy a rejoint le gros de l'Armée, qui a selon Fresnel quand même repoussé deux Divisions ennemies. Le 19, le Général en chef accorde aux troupes un repos rendu nécessaire par les fatigues des journées précédentes et par l'excessive chaleur. A quatre heures du soir, l'Armée prend les armes et marche par sa gauche pour remonter la Guarana et prendre position en face de l'Olmo.
Le 20, la marche de l'Armée par la gauche continue et est suivie par l'ennemi. L'Armée passe le Guarana et s'avance vers Salamanque en marchant sur deux colonnes parallèles, la gauche en tête, par peloton à distance entière, prête à se former en bataille. Les Anglais se retirent, et le soir, l'Armée campe sur les hauteurs d'Aldéa Rubia.
Le 21, passage de la Tormès à Alba de Tormès, poste fortifié que les Anglais n'ont pas encore pu relever; l'Armée prend position en face des hauteurs des Arapiles, où se sont établis les Anglais. Le 22 au matin, Marmont se porte de sa personne sur le plateau de Calvarossa de Arriba, que la 1ère Division a ordre de défendre; devant ce plateau se trouve un ravin large et profond. La 3e Division en seconde ligne, est destinée à soutenir la 1ère. L'effectif du 76e est de 1407 hommes. L'ennemi arrive en face de Marmont et se déploie à une lieue et demie au sud de Salamanque. L'heure du choc décisif a sonné.
Il y a entre les Anglais et les Français deux mamelons isolés appelés les Arapiles : la 8e Division s'établit sur l'un deux, tandis que l'avant-garde anglaise prend possession de l'autre. "La 1ère division (la nôtre) eut ordre, dit Marmont dans ses Mémoires (T. VI, p. 334), d'occuper et de défendre le plateau de Calvarossa de Arriba, précédé et défendu par un ravin large et profond". Les autres Divisions se forment à notre gauche ou en arrière. A 11 heures, à un roulement de tambour général, toute l'Armée anglaise se porte en avant; mais Wellington s'arrêta dès qu'il a connu nos dispositions. Il se prépare même à la retraite, quand une Division de notre gauche s'engage prématurément et amène de ce côté une trop grande extension de notre front. Il est deux heures. Vers 3 heures, un éclat d'obus fracasse le bras droit du Maréchal Marmont. Le Général Bonnet prend le commandement et est blessé à son tour. Le Général Clausel (qui est aussi blessé) doit encore le remplacer. L'Armée reste ainsi longtemps sans direction. Wellington s'en aperçoit et, revenant alors à son premier projet, fait assaillir notre gauche, puis notre centre avec des forces considérables.
Clausel ordonne la retraite. "Le général Foy fit un mouvement par sa gauche, et comme sa division n'avait que peu combattu, elle fut chargée de l'arrière-garde; elle arrêta, au commencement du bois, tout net, l'ennemi dans sa poursuite, et la retraite se fit ensuite sans être troublée" (Mémoires du Maréchal Marmont, t. IV, p. 140). Toute l'Armée se retire par la route d'Alba de Tormès, en défilant derrière la Division Foy, qui n' pas cessé d'occuper Calvarossa de Arriba. La cavalerie anglaise se précipite alors sur cette Division ; mais celle-ci se forme en carré, lui tue beaucoup de monde et se retire en bon ordre; à la nuit, elle repasse la Tormès sans être poursuivie.
Le 76e, qui, on vient de le voir, a pris part à la glorieuse lutte de l'arrière-garde, a eu dans cette journée 11 Officiers tués et 5 blessés; nous n'avons pu retrouver les noms que de trois d'entre eux : le Capitaine Pierre Desessards (coup de feu à la tète); le Lieutenant Charles-Toussaint Lebert (tué), et le Sous-lieutenant Claude Massibot (blessé). Martinien pour sa part ajoute le Capitaine Martinot, les Sous lieutenants Lauzavechia et Lambert et le Chirurgien aide major Rossignol, blessés. Ajoutons que le Général Desgraviers, qui commandait la brigade dont faisait partie le 76e (2e de la 1ère Division), est resté blessé aux mains des Anglais.
Le lendemain, l'ennemi attaque de nouveau notre arrière-garde, composée toujours de la 1ère Division. "La cavalerie qui soutenait notre arrière-garde l'ayant abandonnée, la division forma ses carrés et résista aux différentes charges qui furent faites, à l'exception du carré du 6e Léger qui fut enfoncé..." (Ibid., t. IV, p. 141). Dans une de ces charges le Lieutenant Sylvestre Lanzavecchia reçut un coup de sabre à la joue gauche.
"L'armée du Portugal reçoit l'ordre d'être prête à faire mouvement à la pointe du jour ... Le général Foy est chargé du commandement de l'arrière garde, comprenant sa division, qui n'a pas été trop entamée, et toute la cavalerie.
Le 23 au lever du jour, Wellington se rend compte que sauf quelques trainards et blessés, il ne reste plus personne sur la rive ouest du Tormes, toute l'armée française ayant filé par le pont d'Alba ... En voyant arriver les patrouilles de cavalerie alliée, Foy abandonne à son tour Alba de Tormes avant l'heure prescrite (note : Foy ne devait quitter le pont qu'à 9 heures) et marche sur Penaranda, dans le sillage du gros de l'armée de Portugal ...
L'arrière garde française est rattrapée d'abord par la brigade de cavalerie légère Anson au petit village de Garcihernandez. A proximité de ce village une plaine de faible étendue est traversée par le rio Gamo (appelé Caballero dans les relations anglaises); elle est limitée au nord-est par une ligne de collines couronnées par un plateau. La route d'Alba à Penaranda traverse le terrain en passant à deux cent mètres environ au sud du village avant d'escalader les hauteurs de La Serna. L'extrémité de ces hauteurs n'est séparée du ruisseau que par le défilé où passe un petit chemin. L'artillerie de Foy suit la route, protégée sur ses arrières par les dragons de Boyer. L'infanterie défile plus au nord à travers champs; la brigade Chemineau (39e et 69e de ligne) marche en tête, et la brigade Molard (6e léger et 76e de ligne) en arrière (note : la redistribution des régiments dans les brigades, attestée par Sarramon, est peut être intervenue suite à la blessure mortelle du Général Desgraviers). Au nord du dispositif, la cavalerie légère de Curto couvre le flanc des fantassins. Au moment où apparaissent les premiers éléments de l'avant-garde alliée, la brigade de tête commence à gravir les hauteurs, tandis que les soldats des 6e légers et 76e de ligne, ensemble avec des trainards d'autres régiments, sont encore occupés à franchir le ruisseau; plusieurs d'entre eux s'y attardent pour étancher leur soif, tandis que d'autres courent au village pour le piller.
En apercevant l'ennemi, Foy fait ranger en bataille la cavalerie légère de Curto et une batterie d'artillerie; l'infanterie reçoit l'ordre de gagner rapidement les hauteurs au nord du village. Les dragons de Boyer doivent, quant à eux, prendre position en travers de la route sur la rive orientale du ruisseau, de manière à stopper l'avance des dragons légers anglais. Malheureusement, les soldats de Boyer décampent à la vue des cavaliers d'Anson, laissant l'infanterie se débrouiller comme elle peut ... Sur ces entrefaites, Bock tourne les hauteurs par l'ouest avec les 1er et 2e régiments de dragons lourds d ela Légion allemande et se met à la poursuite des cavaliers de Curto qui ont aussi tourné la bride; à ce moment là, le 1er escadron du 1er dragons lourds est pris pour cible par un carré d'infanterie française à gauche, que les Allemands n'ont pas vu tout de suite à cause des ondulations du terrain. Ce carré est formé avec un bataillon du 76e de ligne (note : on pourrait croire, d'après ce que dit le lieutenant Marcel du 69e, que ce carré n'incorporait pas le bataillon entier, beaucoup d'hommes s'étant éparpillés pour boire dans le ruisseau. Ceux-ci se retrouvent prisonniers pour la plupart). Il s'y trouve à proximité, au pied des hauteurs, deux bataillons du 6e léger et un autre du 76e de ligne, totalisant ensemble 2400 hommes.
En théorie, un carré non ébranlé par l'artillerie aurait du tenir ferme contre les dragons lourds ... N'écoutant que son courage, le capitaine von der Decken commandant l'escadron de gauche (3e du 1er dragons) décide d'attaquer les Français afin que son flanc ne soit pas éxposé à leur feu. Le carré du 76e de ligne tire une volée de mousqueterie à bout portant, et de nombreux cavaliers vident les étriers. Les dragons poursuivent néanmoins leur course folle jusqu'à une vingtaine de mètre du carré; les Français ont encore le temps de tirer une autre décharge, blessant mortellement Decken d'une balle au genou. Le carré parait inabordable, lorsque le cheval du soldat Post ayant été touché d'une balle, au lieu de s'écrouler sur le sol, fonce droit avec son cavalier dans le carré en se cabrant, renverse quelques hommes et crée ainsi une brèche par laquelle s'engouffrent les hommes de Decken. Le carré se désagrège en un instant, les fantassins paniqués ne cherchant plus qu'à éviter les longs sabres des dragons qui frappent sans relâche. Les survivants préfèrent se rendre, une cinquantaine seulement parvenant à s'échappe. Ce fait d'arme a été accompli par un escadron totalisant 120 hommes, contre un bataillon cinq fois supérieurs en nombre" (N. Griffon de Pleineville : "1812, la bataille des Arapilles", Gloire et Empire N°45).
"Le 23 juillet 1812, l'armée, repassant la Tormès au pont d'Alba, se retira sur Penaranda. Avant d'arriver à une position qu'elle allait atteindre, l'arrière-garde fut chargée par 18 escadrons anglais, qui entrèrent dans deux masses que formaient deux bataillons du 6e léger et du 76e de ligne. Le 2e bataillon du 69e, formé en carré par le colonel Guimand, les arrêta par un feu nourri et bien dirigé : il causa de grandes pertes à l'ennemi, qui eut plus de 200 chevaux tués à la baïonnette". (Extrait des documents officiels).
Le combat de Garcihernandez se termine au bout d'une quarantaine de minutes. Foy ordonne la retraite qui s'effectue en bon ordre.
L'Armée qui a repassé la Tormès à Alba se met à l'abri derrière le Douero par la route d'Arevalo, Olmedo et Ponte de Douero, où la 1ère Division passe sur la rive droite du fleuve, le 26 juillet. Le 76e a perdu dans cette excursion : 85 hommes tués et 240 prisonniers. La comparaison entre les situations des 15 juillet et 1er août montre que le 1er Bataillon a fait des pertes beaucoup plus fortes que le 2e. Le nombre des présents est réduit, pour le 1er Bataillon, de 29 Officiers et 671 hommes, à 48 officiers et 313 hommes; pour le 2e, de 27 Officiers et 680 hommes à 27 Officiers et 574 hommes. Une situation indique qu'entre le 18 juillet et le 8 août, le Régiment a eu 325 tués ou pris et 181 blessés soit 506 hommes.
Le 4 août 1812, le soldat Thomas Joseph Bossy, originaire de Tembleur (Ourthe), écrit depuis Vitoria : "Il fait très cher en Espagne, car depuis que nous sommes ici, nous n'avons pas encore vu aucun lit. Nous couchons sur la paille que ça est rempli de puces et de poux, et nous ne couchons pas encore notre contentement dessus, puisque tous les jours, à deux heures du matin, il nous faut prendre les armes à cause des brigands qui sont ici dans la campagne. Nous avons resté plus d'un jour sans avoir du pain" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 573).
10/ Dernières opérations de la campagne de 1812
Les Anglais ont renoncé à la poursuite; mais de tous les côtés des nuées de guérillas s'abattent comme des corbeaux sur les débris de l'Armée de Portugal, pour égorger les blessés, les traînards et les fourrageurs. Clausel prend position en avant de Burgos; là, il rallie l'Armée puis la réorganise. Quand l'ordre est rétabli, il se reporte hardiment jusqu'au Douero, pendant que Wellington marche sur Madrid. Le 10 août, il charge la Division Foy de recueillir les garnisons d'Astorga, de Benavente, de Zamora et de Toro, inutilement dispersées sur un ligne qu'on ne peut défendre. Le 76e prend naturellement part à cette petite expédition qui dure une vingtaine de jours. L'effectif du Régiment, au 21 août, n'est plus que de 45 Officiers et 887 hommes présents, 1 Officier et 31 hommes détachés, et 268 hommes aux hôpitaux. Au 1er septembre, il est de 818 hommes.
Cependant Wellington, dans la crainte de voir ses communications coupées par l'Armée de Portugal, quitte Madrid, le 3 septembre, et marche avec 50000 hommes sur le Douero. Clausel se replie alors successivement par Valladolid, qu'il évacue le 5 septembre pour se porter sur Burgos, où il campe le 17. Puis après avoir laissé une garnison à Burgos, il se dirige sur Briviesca; il est rejoint entre ces deux villes par le Général Souham, à la tête de 6000 hommes de l'ancienne armée du Nord. Clausel, fatigué de la blessure qu'il a reçue aux Arapiles, cède le commandement à Souham. Celui-ci arrête l'armée sur la rive droite de l'Ebre dans les environs de Miranda, le temps nécessaire pour se remettre des fatigues et des privations qu'elle a éprouvées. L'Armée, couverte par le fleuve, prend position, reçoit quelques renforts venus des dépôts établis en France le long des Pyrénées (effectif du 76e de Ligne au 1er octobre : 845 hommes), refait ses approvisionnements, et se repose jusqu'au 17 octobre.
Le Colonel Louis Chabert, nommé par Décret du 3 août 1811, arrive au 76e alors cantonné à Bastor (ou Busto), dans la première quinzaine d'octobre. L'effectif des 2 Bataillons dont il prend le commandement a été ramené à 1238 hommes au 15 octobre, dont 41 Officiers. Sur ce nombre, il y a 347 hommes aux hôpitaux. L'historique de L. Landais détaille la situation du 76e à cette date :
Situation détaille du 76e de Ligne (Colonel Chabert) au 15 octobre 1812 Armée du Portugal, 1ère Division, 2e Brigade 1er Bataillon Genevay : 18 Officiers, 261 hommes; 13 détachés, 211 aux hôpitaux - Total 503 2e Bataillon Portemont : 23 Officiers, 544 hommes; 20 détachés, 146 aux hôpitaux - Total 733 Détachement : 2 rejoignant. Effectif total 1238 hommes à l'Armée du Portugal |
Rappelons aussi qu'à cette époque, trois Compagnies du 3e Bataillon sont à l'Armée du Nord sous le Général Cafarelli; les trois autres, avec le Chef de Bataillon Condamy, sont dans le 4e Gouvernement commandé par le Général Thouvenot, dont le Quartier général est à Vittoria, et font partie du 2e Régiment de marche de l'Armée du Portugal commandé par le Major Tolosan. Ces trois Compagnies sont en garnison à Irun, et présente l'effectif suivant : Condamy, Chef de Bataillon; 8 Officiers, 273 présents, 91 aux hôpitaux - Total : 372 hommes.
(3 août 1811 - 1er mai 1815) Services : Né à la Tronche (Isère), le 17 septembre 1772. Soldat au 1er Bataillon des volontaires de l'Isère, le 6 novembre 1791. Caporal, le 16 mars 1792. Sergent, le 13 août 1792. Capitaine au 5e Bataillon du Mont-Blanc, le 10 juin 1793. Adjudant de place à Milan, le 18 fructidor an IV (4 septembre 1796); passa dans le corps des Guides à pied, le 4 fructidor an V (21 août 1797); adjoint à l'Etat-major de l'armée d'égypte, le 1er pluviôse an VII (20 janvier 1799); passa à la 44e Demi-brigade de Ligne, le 7 floréal an X (26 avril 1802). Major à la suite du 44e, le 28 juin 1807; passa en pied au 108e de Ligne, le 10 novembre de la même année. Colonel en second, le 23 mars 1809. Colonel du 76e, le 3 août 1811; conservé en activité sous la 1ère Restauration; mis à le retraite, le 1er mai 1815; promu Maréchal de camp, le 1er juillet 1815, par la commission du gouvernement, ne fut pas confirmé dans ce grade par Louis XVIII à son retour de Gand et prit définitivement sa retraite, le 1er aôut 1815. Mort à Paris, le 6 mai 1831. Campagnes et blessures : De 1792 à l'an VI. - A l'armée d'Italie : reçut un coup de feu à la jambe droite, le 1er septembre 1793. Ans VII, VIII et IX. - A l'armée d'égypte. 1806. - Bataille d'Iéna. 1807. - Bataille de Friedland, où il reçut un coup de feu au pied. 1809. - A la Grande-Armée : reçut un coup de feu au bras gauche à la bataille d'Essling, le 22 mai, et un coup de feu au ventre à la bataille de Wagram, le 5 juillet. De 1810 à 1813. - A l'armée d'Espagne, reçut un coup de feu au front au combat de Fuente de Onoro, le 5 mai 1811. Fin de 1813 au 20 avril 1814. - A la GrandeArmée. Décorations : Membre de la Légion d'honneur, le 25 prairial an XII (13 juillet 1804). - Officier, le 15 octobre 1814. Chevalier de Saint-Louis, le 27 juin 1814. |
Le 17 octobre, les troupes quittent leurs cantonnements dans l'intention de forcer l'ennemi à lever le siège du château de Burgos. Souham, commandant par intérim de l'Armée du Portugal, porte, le même jour, son quartier général de Pancorbo à Briviesca. Après quelques affaires d'avant-garde, il arrive, le 21, en vue des assiégeants et se prépare à combattre, quand, dans la nuit du 21 au 22, Wellington décampe et se dirige par Valladolid vers le Douero. Le Général anglais a appris que l'Armée française du Midi (Soult) marche également sur le Tage au secours de Burgos. Deux Divisions, qui sous la conduite du Général Foy, se dirigeaient vers Villahoz, font une centaine de prisonniers, s'emparent de deux canons de 18 et d'environ vingt voitures que l'ennemi a brisées en les abandonnant.
Le 22 octobre, l'Armée française se réunit entre Burgos et Santianez. Le même jour, le soldat Jean-Joseph Detaille, originaire de Plainevaux (Ourthe), et arrivé en Espagne depuis trois mois, écrit depuis Girone : "Nous avons été presque tous les jours en marche et voilà trois mois que nous sommes entrés en Espagne et nous avons été quatre cents lieues loin de notre pays. A présent, nous sommes revenus à deux lieues proches de la France, mais nous ne croyons pas d'y être longtemps. Car nous sommes en attendant de jour en jour pour aller rejoindre notre régiment qui est à Bourgosse. Nous sommes proches de la mer en attendant les Anglais pour boire la bouteille à la bouche de canon. Mais, quoiqu'il en sort, je me plais toujours bien. Mais ce qui est des plus disgracieux, c'est qu'on ne touche jamais la paie en Espagne. Car depuis que je suis en Espagne, je n'ai pas encore eu un liard" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°639). S'il est satisfait de son sort, son optimisme n'est guère partagé par ses camarades; sa lettre se termine en effet par la nouvelle que beaucoup de ses camarades ont déserté.
Le lendemain, l'Armée française se met en mouvement sur deux colonnes; sa cavalerie est constamment aux prises avec l'arrière garde anglaise; le soir, elle prend position à Villadiego, où elle passe la nuit. Le 25, elle s'avance jusqu'à Maga, en repart le 26 à la pointe du jour. Elle trouve l'Armée anglaise en position derrière le Carrion. La Division Foy marche sur Palencia, qui est défendue par des troupes anglaises et un corps espagnol de l'Armée de Galice. Sommée de se rendre, la garnison répond qu'elle ouvrira ses portes au Général Foy, s'il se présente en personne. Celui-ci envoie un de ses Aides de camp précédé d'un trompette. Le parlementaire est reçu par une décharge à bout portant, qui ne blesse heureusement que le cheval du trompette. Le Général Foy, indigné de ce procédé, fait aussitôt enfoncer à coups de hache les portes barricadées et lançe à l'assaut le 2e Bataillon du 76e, sous la conduite de l'ancien Colonel du Régiment, le Général Chemineau. Les vaillants soldats, brûlant de punir l'ennemi de sa déloyauté, brisent les obstacles, chassent les Anglo-Espagnols la baïonnette dans les reins et, d'un seul élan, arrivent jusqu'au pont du Carrion. Ce pont a été miné; mais les fuyards n'ont pas le temps de le faire sauter. L'ennemi, poursuivi jusqu'au delà du canal, perd beaucoup de monde. Ce brillant fait d'armes, qui console un instant nos braves soldats de leurs peines et de leurs fatigues, décide Wellington à chercher une ligne de défense plus facile à garder. Dans la nuit du 26, craignant d'être tourné par le pont de Palencia, il se retire sur Cabezon.
Le 27 octobre, toutes les troupes françaises se trouvent réunies sur la rive droite de la Pisuerga; Souham, voyant qu'il ne peut enlever de front le pont de Cabezon, fait filer ses troupes vers la droite. Le lendemain, la Division Foy s'empare de Simancas d'où elle chasse le Régiment de Brunswick Oels et deux Bataillons de la Légion allemande, qui, en s'enfuyant, font sauter le pont.
Le 29, l'Armée anglaise se replie derrière le Douero en faisant sauter tous ponts. Celui de Tordesillas est rompu de façon que la tour qui le surmonte reste du côté des Anglais; ceux-ci la font occuper par un poste. La réparation du pont est difficile : 11 Officiers, 40 Sous officiers et soldats de la Division Foy, et des Sapeurs du Génie, conduits par le Capitaine Guingret, traversent le Douero à la nage, s'emparent de la tour, et font 11 prisonniers. Le 30 au matin, l'Armée anglaise prend position entre Tordesillas et Rueda; Souham s'arrête à Valladolid sur ordre du Roi Joseph. Au 1er novembre, le 76e compte 818 hommes.
L'Armée de Portugal fait sa jonction avec celles du Centre et du Midi dans les premiers jours de novembre. La poursuite des Anglais est reprise. Wellington fait une halte derrière la Tormès; le 15 novembre, il a la pensée de livrer aux Arapiles une nouvelle bataille, tandis que l'Armée du Portugal occupe Salamanque. Dans la nuit du 15 au 16 novembre, Wellington, profitant d'un brouillard épais, reprend la marche en retraite et se retire au Portugal. Après quelques jours de poursuite, Joseph se décide à prendre ses quartiers d'hiver aux environs de Salamanque. Le 76e cantonne à Benavente. Pendant cette période de repos, les 3 Compagnies du 3e Bataillon du 76e, que nous avons laissées à l'Armée du Nord, rejoignent le Régiment. Le Général Reille, arrivé dans les premiers jours de décembre, prend le commandement en chef de l'Armée de Portugal, qui reste dans les environs de Salamanque jusqu'en mars 1813. Voici quelle est la situation du 76e au 15 décembre :
Situation détaillée du 76e de Ligne (Colonel Chabert) au 15 décembre 1812 Armée du Portugal, 1ère Division Foy, 2e Brigade Baron Bouté 1er Bataillon Genevay : 18 Officiers, 253 hommes; 22 détachés, 223 aux hôpitaux - Total 523 2e Bataillon Portemont : 22 Officiers, 491 hommes; 16 détachés, 114 aux hôpitaux - Total 643 A incorporer, venant du 3e Bataillon à l'Armée du Nord : 9 Officiers, 244 hommes; 105 aux hôpitaux - Total 358 Rejoignant de France : 2 Effectif total : 49 Officiers, 988 hommes, 38 détachés, 452 aux hôpitaux - Total 1529 |
Les cadres des trois Compagnies du 3e Bataillon, qui font partie du 2e Régiment de marche et qui sont en garnison à Irun, ont ordre de rentrer en France.
Le 15 décembre, la 1ère Division, dont le Quartier général était à Villalval, rejoint le 76e à Benavente. La 7e Division se rend à Tozo. Ces deux Divisions sont placées sous les ordres du Général Foy.
Le 28 décembre 1812, le soldat Sébastien Keppenne, originaire de Bergilers (Ourthe), revenu à Irun, écrit que l'Espagne est un pays sinistre, un enfer dantesque où l'on entre "en déposant toute espérance", coupé pour ainsi dire de toute communication avec le reste du monde (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 625).
La Division Foy quitte la province de Benavente le 31 décembre 1812, pour aller occuper celle d'Avila, où elle s'installe le 15 janvier 1813. Le 76e cantonne à Piétrohita. La solde n'a pas été payée depuis le 12 septembre et les cantonnements sont toujours inquiétés par les bandes de Marquinez, de Julien et de Morales.
11/ Opérations de 1813
Le 8 février 1813, Jean-Lambert Comté, originaire de Liège, soldat à la 4e Compagnie du 3e Bataillon, écrit depuis Irun : "Depuis que nous sommes en Espagne, nous n'avons pas reçu un denier. Cependant si on a besoin d'un peu de savon et du fil, il faut vendre son pain pour en acheter" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; letre 717).
Rapport du Général Foy :
"Le général Foy au général comte Reille.
Villa Toro, 22 Février 1813.
En arrivant le 18 à Piedrahita, j'ai appris que Béjar était occupé par le 50e régiment anglais et un bataillon de chasseurs portugais, que la garnison était commandée par le colonel Harrisson, que les 71e et 92e régiments montagnards écossais et un autre bataillon portugais occupaient Cantagallo et Banos. Je formai le projet de surprendre la garnison de Béjar, et, si je ne réussissais pas à la prendre au dépourvu, de borner mon opération à une reconnaissance, et, dans tous les cas, d'obtenir des renseignements positifs sur les projets que peuvent avoir les Anglais en ce moment. Dans la nuit du 19 au 20, j'ai réuni à Medilla sur la rive gauche de la Tormès, 1.400 hommes du 6e léger, du 39e et du 76e, et 80 chevaux du 14e chasseurs et des chasseurs de Zamora. A la pointe du jour, ma tête de colonne est arrivée devant Béjar. Je connaissais les localités; je savais dans les moindres détails comment les troupes étaient logées, placées, comment elles se gardaient et où était la place d'alarme. J'ai fait mes dispositions en conséquence; j'ai ordonné aux chasseurs de Zamora de charger une garde de dix Portugais qui devait être placée sur le pont du Cuerpo del Hombre, d'enfoncer une autre garde placée à l'entrée de la ville et de courir pour arrêter les chefs et les officiers dans leurs logements qui étaient indiqués. Trois compagnies de voltigeurs, commandées par le chef de bataillon Duplan, avaient l'ordre de suivre immédiatement les chasseurs de Zamora et de courir au pas de charge à la place devant le château, qui était le lieu habituel de rassemblement de la garnison anglaise. Les ordres donnés dans l'hypothèse d'une surprise n'ont pu être exécutés. Des paysans de Medilla avaient prévenu dans la nuit le colonel Harrisson de mon arrivée; la garnison avait pris les armes à 2 heures du matin ; un piquet de 200 Anglais avait été placé dans des maisons crénelées derrière le pont du Cuerpo del Hombre pour garder ce passage. Les 71e et 92e régiments écossais avaient reçu l'ordre de partir à la pointe du jour de leur cantonnement pour se rendre à Béjar. Le 20, à 6 heures du matin, le premier coup de fusil a été tiré au pont du Cuerpo del Hombre; le feu très vif du piquet anglais a empêché les chasseurs de Zamora d'avancer, mais ne leur a fait aucun mal; les compagnies de voltigeurs se sont précipitées sur le pont et, malgré l'excellente position du piquet de 200 hommes, l'ont culbuté et lui ont fait éprouver une perte considérable. Déjà les voltigeurs du 6e léger, conduits par le capitaine Guingret, entraient dans la ville; ils étaient suivis de près par les voltigeurs du 39e et du 76e. Le chef de bataillon Duplan, plein d'ardeur, voulait exécuter le premier ordre que je lui avais donné de se porter à la place du château. Je ne voulais pas engager une affaire sérieuse, quoique je fusse bien certain de l'heureux résultat qu'elle aurait eu; je ne voulais pas surtout attendre l'arrivée des deux régiments écossais. Comme le rapport unanime des prisonniers faits au pont neme laissait aucun doute sur les bonnes dispositions prises par l'ennemi, je n'ai pas hésité un moment à borner mon opération à une reconnaissance; il a fallu forcer (forcer est le mot) les voltigeurs à abandonner l'entrée de Béjar et le Cuerpo del Hombre. Pas un Anglais ni un Portugais ne les a suivis; ils se sont bornés à descendre des places où ils étaient formés, pour garnir les murs délabrés et les maisons de l'enceinte.
Cette action a duré très peu de temps, mais a été vive; nous avons eu deux hommes tués, cinq blessés et pas un prisonnier. Le piquet anglais, malgré son nombre égal à celui des assaillants et la supériorité de sa position et de son feu, a été enfoncé en un instant. L'ennemi a perdu 30 hommes tués ou blessés; nous avons fait 7 prisonniers anglais et un portugais. J'ai fait rentrer le soir les troupes de l'expédition à Puente de Avila" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 385-387.
Par décision impériale du 7 janvier 1813, qui reçoit son exécution le 26 février (le même jour, 26 février 1813, le 76e envoie à Paris 20 hommes destinés à la Garde impériale), l'Armée de Portugal est réorganisée à 6 Divisions au lieu de 8. Le 76e continua à faire partie de la 2e Brigade de la 1ère Division (Foy). Cette Brigade comprend, comme avant, les Bataillons des 39e et 76e et de plus ceux du 105e de Ligne. L'Empereur a ordonné en même temps que tous les Régiments employés en Espagne envoient en France un Bataillon avec cadre au grand complet. Par suite de cette disposition, le 2e Bataillon du 76e, dès son arrivée en Biscaye, rentre en France, pour se diriger vers Mayence. Le Colonel Chabert est également rappelé pour prendre part à la campagne d'Allemagne, ainsi que le Commandant Genevay, du 1er Bataillon, promu Major. Le Commandant Portemont, du 2e Bataillon, prend le commandement du 1er.
Voici la situation du 76e de Ligne en date du 1er mars 1813 :
Situation détaillée du 76e de Ligne (Colonel Chabert) à Avila au 1er mars 1813 (L. Landais) Armée du Portugal, 1ère Division Foy, 2e Brigade Baron Bouté A incorporer, venant du 4e Gouvernement du Nord : 10 Officiers, 179 hommes; 150 aux hôpitaux - Total 339 Effectif total : 47 Officiers, 850 hommes, 54 détachés, 365 aux hôpitaux - Total 1316 |
Napoléon, importuné de la présence des guérillas dans le nord de l'Espagne, prescrit de rétablir à tout prix les communications. "Il est scandaleux, déshonorant, disait-il, qu'aux portes de la France on soit plus en péril qu'au milieu de la Castille et qu'on ne puisse aller de Bayonne à Burgos sans s'exposer à être dévalisé ou égorgé !". En conséquence, la Division Foy est relevée par une Division de l'Armée du Midi, le 25 mars, des cantonnements qu'elle occupait aux environs d'Avila entre Salamanque et Madrid. On l'envoie en Biscaye pour réduire les chefs de bandes qui infestent cette province. La Division Foy passe ainsi à l'Armée du Nord sous les ordres du Général Clausel. Les places de la province ont été assez légèrement abandonnées par le Général Cafarelli, lorsqu'il s'est porté au secours de l'Armée du Portugal. Depuis cette époque, les postes de la côte et particulièrement ceux de Castro et de Borméo, sont occupés par les insurgés et les Anglais.
Foy arrive à Bilbao le 27 avril, et se prépare, avec sa Division, et celles des Généraux Sarrut et Palombini, à faire le siège de Castro. L'effectif du 76e, réduit à son 1er Bataillon, est alors de 879 hommes y compris les Officiers (les hommes du 2e Bataillon ont été versés dans le 1er, avant le départ des cadres de ce Bataillon pour la France).
Foy se dirige immédiatement vers Castro-Urdialès, petite place que Caffarelli a imprudemment abandonnée et dont il faut maintenant faire le siège en règle. Castro est bâtie sur un promontoire dont un grand mur extérieur garni de tours ferme l'accès. Quelques couvents situés en avant et fortifiés pour la circonstance augmentent notablement la valeur défensive de ce poste. En arrière de la ville, à l'extrémité du promontoire, un château sert de réduit. La place est occupée par une garnison de 1200 hommes ; 27 bouches à feu en arment les remparts; 7 navires anglais et 3 chaloupes canonnières appuient la défense.
La 1ère Division est campée devant Castro dès le 27 avril; pendant douze jours, les soldats sont occupés les uns à porter à bras le matériel de siège (car on manque toujours de moyens de transport), les autres à réunir des vivres ou à disperser les rassemblements d'insurgés qui cherchent à gêner les travaux. C'est ainsi que, le 29 avril, la Compagnie de Voltigeurs du 76e est engagée avec le Bataillon du 39e et défait complètement, à Maron, les bandes réunies de Campillo et d'Herrero.
"En attendant que ce matériel parvienne à destination, le général Foy tente un coup de vigueur contre les bandes de Campillo et de Herrero qui se sont rassemblées sur la rive gauche du rio Azon. Prenant avec lui le 39e régiment et la compagnie de voltigeurs du 76e, il atteint par une marche de nuit le village de Marron, tombe à l'improviste au milieu des Espagnols en franchissant la rivière sur la digue d'un moulin et les poursuit dans les rochers. Mais l'ennemi ne se tient pas pour battu; il se rallie dans une forte position en arrière et se groupe autour d'une église; abordé de nouveau à la baïonnette et cette fois définitivement rompu, il s'enfuit du côté de Santander, laissant sur le terrain une centaine de morts et de blessés. Néanmoins la résistance a été plus sérieuse que celle que nos troupes étaient accoutumées à rencontrer en Castille ; elle montre qu'il faudra compter avec les bataillons que Mendizabal réunit en Biscaye dans l'intention de venir troubler les préparatifs du siège et qui seront, dit-on, renforcés par 5,000 insurgés que Marquesito doit amener des Asturies. Le général Foy se préoccupe donc de trouver, aux environs de Castro, une position défensive qui lui permette de faire face aux attaques venant du dehors, sans cesser de coopérer aux travaux du siège que la division italienne ne pourrait exécuter avec ses seules ressources. Cette position se présente à l'ouest de la place, en avant de Cerdigo; d'un abord difficile, elle est fermée d'un côté par des rochers escarpés et s'appuie de l'autre à la hauteur de San Pelayo; elle couvre les sentiers que doivent suivre les convois d'artillerie entre Islarès et Castro, enfin elle est protégée du côté de la mer, la côte étant inaccessible même à de petites embarcations" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 202-203.
Le Général Foy dit, dans son rapport au Général Clausel, daté de Castro-Urdialès le 12 mai 1813 : "Cette affaire fait honneur à MM.... et à M. le capitaine Montauvillet, du 76e".
Rapport du Général Foy :
"Rapport du général Foy au géneral Clausel.
Castro Urdiales, 12 Mai 1813.
Vous avez désiré que Castro Urdiales fût enlevé à l'ennemi. Cette place est située dans une presqu'île ; elle a une première enceinte flanquée de tours qui ferme l'isthme et un fort à réduit. Sa garnison était composée de 1.200 hommes des bataillons d'Ibérie. Elle était armée de 27 bouches à feu ; sept bricks anglais et trois chaloupes canonnières espagnoles appuyaient la défense. Il fallait de la grosse artillerie pour prendre Castro.
L'équipage de siège formé à Saint-Sébastien n'ayant pu arriver par mer, étant d'ailleurs incomplet et mal outillé, j'ai dû chercher des ressources en matériel d'artillerie dans l'arsenal de Santona. M. le général Charles de Lameth, commandant dans cette place, m'a prodigué les moyens de tout genre dont il pouvait disposer. Il a fait établir en 24 heures un équipage de siège de trois pièces de 16, trois de 12, un mortier de 6 pouces. Il a fourni des cartouches, des outils, des vivres, des canonniers. C'est à son zèle pour le service de l'Empereur que je dois avant tout le succès de mon opération. L'équipage de Santona est arrivé par mer à Islarès, le 1er mai. La marine anglaise n'a pas essayé de troubler cette opération. Le transport de l'artillerie d'Islarès à Castro, par des sentiers à peine praticables pour les bêtes de somme, a employé beaucoup de temps et de travail. La lre division de l'armée de Portugal a porté presque tout à bras. Campée devant Castro douze jours avant le siège, elle a dû faire de fréquents détachements, qui ont eu le double objet de procurer des vivres et de dissoudre le rassemblement des bandes. Le 29 avril, le 39e régiment d'infanterie et la compagnie de voltigeurs du 76e ont défait complètement à Marron les bandes réunies de Campillo et de Herrero" (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, page 387.
Le 4 mai commencent les opérations du siège. La tranchée est ouverte dans la nuit du 6 au 7 mai. Le l l mai à 8 heures du soir, la brèche est praticable.
Situation détaillée du 76e de Ligne en mai 1813 (Collection du Docteur Jean Sarramon) Armée du Nord, Troupes séjournant en Biscaye Armée du Portugal, 1ère Division Foy, 2e Brigade Colonel Thevenet (un état en date du 8-9 mai, indique un effectif de 897 hommes). |
Dans la nuit du 11 au 12, les Voltigeurs des 76e et 65e de ligne forment, avec ceux des 2e et 6e Légers, un premier bataillon d'assaut, sous les ordres du Major Larousse. Ce Bataillon se rassemble à la droite de la batterie de brèche, pendant qu'un deuxième bataillon d'assaut, composé des Grenadiers des mêmes Régiments, se réunit dans la place d'armes de la dernière parallèle. Une seconde attaque est menée vers un point éloigné de la muraille. Au signal donné, les colonnes s'élancent avec un tel entrain que les Espagnols ont à peine le temps de faire deux décharges avant de s'enfuir. L'exaspération de nos soldats est si grande qu'on ne fait pas de prisonniers. Tous les fuyards qui ne regagnent pas les chaloupes sont jetés à la mer ou passés au fil des baïonnettes. A deux heures du matin, une Compagnie de Voltigeurs du 6e Léger pénètre dans le château et précipite la garnison dans la mer; nous sommes maîtres de la ville et du château.
"Les compagnies d'élite des 2e et 6e légers, des 65e, 69e et 76e de ligne furent rassemblées dans la tranchée, formées en deux colonnes. Le 39e régiment fut placé en réserve pour les soutenir. Grâce à la vigueur de l'attaque, la ville est prise. Une partie des Espagnols cherche à se sauver sur des barques; d'autres, au nombre d'une centaine, essaient de résister dans le château, mais le capitaine Guingret, du 6e léger, à la tête de sa compagnie, les en chasse et les précipite à la mer" (Extrait du rapport du général Foy au général Clauzel).
"Je dois des éloges particuliers, dit le général Foy, dans son rapport du 12 mai, à MM..., à M. Villain, lieutenant de grenadiers au 76e" (Vilain fut en outre proposé pour la croix de la Légion d'honneur).
Le lendemain, la Division Foy, de concert avec la Division Sarrut, poursuit les bandes qui se sont rapprochées de Castro et les rejette dans les montagnes de Santander. Elle rentre ensuite à Bilbao pour éloigner de cette place l'ennemi qui s'en est repparoché en grand nombre; e traversant le district d'Incartaciones, il défait, sur la route, un Bataillon de volontaires espagnols.
Le 27 mai après midi, la Division Foy part de Bilbao et vient s'établir à Miravalles et à Llodio. Elle marche en colonne avec 3 jours de vivres. Le but est d'atteindre successivement le 1er Bataillon de Biscaye, commandé par Mugartègue, établi à Villaro, et le 3e Bataillon commandé par Ortola, posté à Guernica; chacun de ces Bataillon est fort d'environ 800 hommes. S'il ne peut les atteindre, il veut du moins les fatiguer par des marches et des contre-marches continuelles, provoquer par là une désertion considérable de ces troupes et détruire en outre leurs magasins et leurs hôpitaux.
Dans la nuit du 27 au 28, la 1ère Brigade Bouté avec le Général Foy, disperse le 1er Bataillon de Biscaye à Ochandino. Le 29, Foy place la 1ère Brigade à Berrig et la 2e à Durango. Dans la nuit du 29 au 30 mai, Foy marche avec la 2e Brigade à Guernica pour attaquer de front le 2e Bataillon de Biscaye. Il dirige le Général Bouté avec sa Brigade sur Marquina, la Puebla de Aulestia, Yzpater et Lequeytio, pour couper la retraite à ce Bataillon. En même temps, il fait venir sur Munguia et Berméo la Brigade italienne pour empêcher l'ennemi de se retirer sur sa gauche.
La 2e Brigade (39e, 76e et 105e de Ligne) rencontre les avant-postes ennemis installés à Maniqueta. Elle les attaque avec une telle célérité qu'ils n'ont pas le temps de se reconnaître. ils sont cernés, acculés à la mer et pris; 200 Espagnols, dont 5 Officiers, ont été tués ou noyés; 360, dont 27 Officiers, se rendent prisonniers. Ortola, qui les commandait, parvient à s'échapper. Le Général Foy n'a aucun homme tué ou blessé dans cette affaire. La déroute des trois Bataillons de Biscaye fait tomber entre les mains des Français tous leurs magasins, leurs hôpitaux, leurs dépôts. A la suite de cet échec, la Junte de Biscaye se disperse et les bâtiments anglais se décident à s'éloigner.
Le 8 juin 1813, Jean Michel, originaire de Spa, écrit depuis Vitoria : "Tout est si cher dans le pays là où nous sommes que bien souvent le pain nous manque. Car l'Espagne est remplie de troupes, aussi bien de brigands que de Français. Bien souvent on se bat. Ils ont encore pris grande quantité de mes camarades, qui sont partis avec nous, et nous les croyons en Angleterre" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; letre 716).
Quand la sécurité des communications paraît assurée en Biscaye, la Division Foy est rappelée sur l'èbre, où le Roi Joseph concentre toutes ses forces pour résister à la marche envahissante des 120000 hommes de Wellington. Le 22 juin, Foy arrive à Bergara, en arrière de Mondragon, au moment même où un convoi de l'Armée du Roi Joseph, parti la veille au matin de Vittoria, défilait sur la route de Bayonne, escorté par la Division Maucune. Après le passage de Mancune, le Général Foy aperçoit une colonne ennemie qui poursuit le convoi français. Il déploie son avant-garde, repousse les Espagnols et leur fait quelques prisonniers. La joie de la victoire n'est pas de longue durée, car cette rencontre nous met au courant du désastre que vient d'éprouver le Roi Joseph à Vittoria. Foy prend position en avant de Bergara et envoie des courriers à tous les détachements (parmi ces détachements, il faut compter les 3 Compagnies du 3e Bataillon du 76e détachées à l'Armée du Nord. Ces Compagnies avaient successivement tenu garnison à Bayonne, à Irun et à Tolosa) disséminés dans la Biscaye pour leur donner rendez-vous le 24 à Tolosa. Le 25 juin, la petite armée de 16000 hommes rassemblée par le Général Foy se déploie sur les hauteurs au sud de Tolosa, et barricade les rues de cette ville. Le 1er Bataillon du 76e et toute la 2e Brigade (39 et 105e de Ligne) sont établis sur le plateau d'Iagoz, véritable clef de la position, qui couvre Tolosa.
L'ennemi commençe l'attaque à 10 heures du matin; le combat dure toute la journée; vers cinq heures du soir, les colonnes ennemies ont dépassé la route de Pampelune; elles descendent dans la vallée de Bahura et se présentent pour attaquer de front la très forte position D'Iagoz, tient Tolosa. Deux Régiments anglais marchent à cette position et tentent l'assaut. Les Compagnies de Voltigeurs des trois Régiments français leur épargnent la moitié du chemin en s'élançant sur eux. L'ennemi est culbuté et repoussé sur tous les points; une attaque contre la ville est également repoussée.
"Rapport du général Foy sur les opérations du 21 au 28 juin 1813.
... Le 25, ... A dix heures du matin, l'ennemi partant d'Alegria, s'est dirigé par la droite dans les montagnes d'Alzo, pour arriver sur la route de Tolosa à Pampelune; il marchait en trois colonnes parallèles et concentriques. La première, formée de 10 bataillons portugais, a emporté la hauteur d'Aléou, où il n'y avait qu'un poste, et où il y aurait eu un bataillon, si les ordres que j'avais donnés eussent été exécutés. J'ai fait marcher à la rencontre de l'ennemi le 6e d'infanterie légère et le 69e et je les ai fait soutenir par la brigade italienne. Un combat très vif s'est engagé ; il a duré tout le jour. Nos troupes n'ont pu reprendre la montagne d'Aléou, mais elles ont empêché l'ennemi de suivre les crêtes qui descendent de cette montagne à Tolosa, et l'ont forcé de faire un long détour : c'était le principal objet que je me proposais. La seconde colonne était composée de la 1re division anglaise; la 3e colonne était composée des 4e et 5e divisions anglaises, restées en colonne sur la route de Vitoria avec une division de cavalerie anglaise; elles avaient envoyé quelques bataillons dans les montagnes à droite de la route. Le corps de troupes qui nous était opposé était commandé par le général Graham.
Vers les cinq heures du soir, les colonnes ennemies avaient dépassé la route de Pampelune; elles descendaient dans la vallée de Babura ; elles se présentaient pour attaquer de front la très forte position d'Iagoz, qui suffisait pour tenir Tolosa, et où j'avais placé le 39e, le 76e et le 105e. Deux régiments anglais ont marché à cette position comme à un assaut ; il a suffi, pour les culbuter, d'envoyer contre eux les compagnies de voltigeurs. La brigade italienne et la 1re brigade de l'armée de Portugal étaient sur le point d'être coupées de Tolosa par le mouvement des Anglais ; elles ont fait retraite. Le 69e arrivait devant les portes de Tolosa en même temps que la tête de la colonne ennemie; il a fallu, pour passer, qu'il marchât dessus, et qu'il la fit refluer sur Ibarra; il y a eu une demi-heure d'action très-chaude. Le 69e régiment est un des meilleurs de l'armée ; il a fallu plusieurs feux de bataillon à bout portant; il a dû charger à la baïonnette; il est rentré à Tolosa sans éprouver une perte considérable. On doit les plus grands éloges à M. Guinand, colonel, et à M. Vincent, chef de bataillon; ces deux braves officiers supérieurs méritent tous deux d'être récompensés ..." (Girod de l'Ain, Vie militaire du Général Foy, pages 397-401; Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 9, p. 440).
Brevet de maître de pointe Inscription : 76e régiment, infanterie de ligne, 1r bataillon, 1re compagnie : Brevet / de maître de pointe . . . donné en la prison de Stapleton en Angleterre le 24 juin 1813 (site de la RMN).
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Marcel du 69e de Ligne, qui sera promu Capitaine quelques jours plus tard, raconte : "Dès le matin, les Anglais essayèrent de forcer la position; le 69e leur montra qu'il n'était pas abattu par les revers et reçut de la bonne façon tous ceux qui se présentèrent; toutes les attaques furent repoussées. Vers les 6 heures du soir le bruit se répandit dans les rangs que nous allions être coupés de la ville par une colonne anglaise qui défilait sur nos derrières depuis longtemps. Aucun trouble ne se manifesta parmi nos vaillants soldats qui continuèrent de se battre sans émotion. Un bataillon du 76e alla s'embusquer dans un défilé que devait suivre colonne et l'arrêta instantanément. Nous ne quittâmes nos positions qu'à 9 heures du soir" (Gloire et Empire N°52).
Cette belle défense permet au Général Foy de se replier pendant la nuit sur Ardoain, en ne laissant en arrière ni un malade, ni un blessé, pas même un fourgon. Le 27, il peut communiquer avec le Général Reille, commandant l'Armée de Portugal. Le 28, il s'arrête à Saint-Sébastien dont il renforçe la garnison et, le 29, il se replie en bon ordre sur Irun, et franchit la Bidassoa, dont il fait détruire le pont. Au moment où les derniers soldats du 76e laissés en Espagne remettent le pied sur le sol de France qu'ils n'ont pas foulé depuis cinq ans, nous ne pouvons nous défendre d'une émotion que les circonstances rendent encore plus poignante. Après eux, l'invasion ! Braves et vaillants soldats, dont l'esprit de discipline et de dévouement n'a pu être ébranlé ni par les fatigues, ni par les privations, ni même par les échecs ! Vaincus par les événements plutôt que par l'ennemi qu'ils ont battu dans presque toutes les rencontres, ils ont grandi dans le malheur. Honneur à eux, dirons nous avec l'un des Généraux sous les ordres duquel le 76e a longtemps combattu : "honneur à ces soldats héroïques qui ont su résister à de si grandes difficultés et qui n'exigeaient que deux conditions pour être toujours victorieux et l'objet de l'admiration du monde : avoir des chefs dignes de leur confiance et ne pas être mis en présence d'obstacles supérieurs aux forces humaines !" (Mémoires du Maréchal Marmont, t. IV, p. 38).
M/ Le rôle du Dépôt en 1811 et 1812; Campagne d'Allemagne des 2e, 3e et 4e Bataillons en 1813
1/ Le Dépôt puis le 76e en Allemagne
Fig. 7 | Fig. 7bis | Fig. 7ter |
Le 22 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "... Les sept vaisseaux, qui sont au Helder, auront des garnisons irrégulières, prises dans les 123e, 124e, 125e et 126e, jusqu'à ce qu'ils soient réunis à Anvers, où ils auront pour garnisons définitives des compagnies tirées des 75e, 76e, 54e, 88e, 94e et 95e. A cet effet, ces six régiments fourniront six compagnies qu'ils enverront à Anvers et de là, à Metz. Ces six compagnies jointes à trois compagnies des 96e, 100e et 103e, se formeront à Metz, ce qui fera neuf compagnies disponibles ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6042 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28292).
Le 8 mars 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... Donnez ordre que 30 hommes du 39e, 80 hommes du 40e, 100 hommes du 103e, 120 hommes du 88e, 80 hommes du 76e, 40 hommes du 96e, 30 hommes du 100e, formant un total de près de 500 hommes, se rendent à Wesel et soient formés en bataillon de marche du 3e corps, 2e bataillon ; ce bataillon est destiné à être incorporé dans le 72e ; il se rendra à Magdeburg ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 6899 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30153).
Le 8 mai 1812, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, les états des divisions militaires qui me sont remis aux 1er et 15 de chaque mois, en conformité des instructions données dans la dernière campagne, sont négligés dans leur rédaction. Recommandez aux généraux des divisions, 1° de faire connaître non seulement les numéros des bataillons, mais encore les numéros de chaque compagnie ; 2° de faire connaître en observation le nombre d'hommes que la loi accorde en ouvriers et aux dépôts, et pourquoi ce nombre est dépassé ...
Je vois dans la 3e division que le 69e a 500 hommes, le 76e 550, le 96e 230, le 9e d'infanterie légère 600, le 10e de cuirassiers 150 chevaux, etc. Pourquoi cela ne part-il pas ?
... Donnez une instruction pour que ces états soient faits exactement au 15 et qu'ils m'arrivent le plus promptement possible" (Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18690 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30606).
Toujours le 8 mai 1812, l'Empereur écrit à nouveau, depuis Saint-Cloud,
au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... Vous donnerez ordre que les trois compagnies du 3e bataillon du 27e de ligne, les trois compagnies du 39e, les trois compagnies du 59e, les trois compagnies du 65e, les trois compagnies du 69e, les trois compagnies du 76e, qui sont à Saint-Jean-de-Luz, se rendent à Tolosa pour faire partie du 3e régiment de marche de Portugal qui sera par là porté à 4.000 hommes et dont les bataillons se trouveront complétés à six compagnies. Ce régiment sera alors divisé en deux, le 3e et le 5e.
Le 3e sera composé de trois bataillons entiers des 27e, 59e et 65e.
Le 5e sera composé de trois bataillons entiers des 39e, 69e et 76e. Ce dernier régiment sera commandé par le major Tolosan qui se rendra à cet effet à Tolosa.
Vous laisserez le général Lhuillier maître de retenir le cadre d'une compagnie de chacun des 27e, 39e, 59e, 65e, 69e et 76e, et vous donnerez ordre aux cinquièmes bataillons de ces régiments de diriger sur Bayonne 140 hommes, pour compléter chacune de ces six compagnies ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7232 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30611).
Nous avons vu comment les désastres de Russie avaient entraîné l'Empereur à rappeler en France, les uns après les autres, les Bataillons des Régiments envoyés en Espagne. Au lieu de renforcer ces corps pour réparer leurs pertes, il prescrivit à la plupart d'entre eux, et notamment au 76e, de se réduire à 3, puis à 2 et enfin à un seul Bataillon et d'envoyer aux dépôts les cadres rendus ainsi disponibles. Ces cadres reçurent des conscrits et firent renaître ainsi les Bataillons dissous. Cadres trop vieux et soldats trop jeunes et qui cependant se battront bien !
En Allemagne, les événements marchaient vite et ne laissaient pas le temps d'attendre que tous les Bataillons d'un même Régiment fussent formés pour les envoyer au-devant de l'ennemi. On les expédiait successivement des Dépôts, sur des points désignés, et là on les groupait au fur et à mesure de leur arrivée sous le nom déjà connu de Demi-brigades provisoires. C'est dans ces conditions que trois de nos Bataillons vont combattre en Allemagne dans les rangs des 16e et 18e Demi-brigades provisoires.
Nous parlerons d'abord du 4e Bataillon, qui partit le premier pour l'Allemagne; nous exposerons ensuite les opérations auxquelles prirent part le 3e puis le 2e Bataillon.... Et nous aurons encore des palmes à relever, au milieu même des champs attristés des capitulations; car "la campagne de 1813, comme a dit Napoléon, sera le triomphe du courage inné dans la jeunesse française...".
2/ Le 4e Bataillon à Stettin
LES DEMI-BRIGADES PROVISOIRES DE JANVIER 1812 Dans la vaste réorganisation que Napoléon coordonne pour la Grande Armée qui va entrer en Russie, de nombreuses unités dites provisoires vont être levées, formées de détachements de divers Régiments : Bataillons de marche, Demi-brigades de marche, Bataillons de marche de tel ou tel Corps. Parfois versées dans leurs unités d’origine ou organisées en Divisions de Réserve. Les Demi-brigades provisoires en 1812 sont formées à partir des 4ème Bataillons disponibles des Régiments d’infanterie. Elles vont peu à peu gagner l’Allemagne (ou l’Espagne ou l’Italie), remplacées sur leurs lieux de formation par les Cohortes de Gardes Nationales. Elles sont commandées par des Majors. On y réunit soit des Bataillons d’infanterie de Ligne, soit des Régiments d’infanterie légère entre eux, pour que les unités soient homogènes. Elles seront incorporées dans la seconde Ligne de l’Armée tandis que la force principale franchira le Niémen. Les 2e, 3e, 4e et 5e DB provisoires serviront sur la frontière espagnole et les 14e, 15e et 16e en Italie. 10e DB provisoire : 4e bat des 27e, 63e, 76e et 96e de Ligne |
Fig. 8 |
Le 4e Bataillon du 76e dont nous avons laissé les cadres au camp de Bayonne, au commencement de 1812, se reconstitue là sous les ordres de son ancien chef, le Commandant Castillon.
Le 2 avril 1812, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Berthier : "... 10e DEMI-BRIGADE. Le 4e bataillon du 27e, le 4e du 63e, le 4e du 76e et le 4e du 96e partiront de Mayence, de Belfort, Sarrelouis et Thionville pour se réunir à Utrecht et y former la 10e demi-brigade ...
Par ces dispositions, toutes les côtes de l'Empire seront suffisamment pourvues, en attendant la formation des cohortes de gardes nationales. Il devient pressant que les cadres de ces bataillons soient complets en officiers ; qu'ils aient leurs chefs de bataillon, et que vous nommiez les 15 majors en second qui devront commander ces demi-brigades. Vous ferez partir le 15 avril ces majors en 2nd pour visiter les dépôts qui fournissent aux demi-brigades.
Vous aurez soin de prévenir le ministre de l'Administration de la guerre afin qu'il donne des ordres, et prenne des mesures pour que l'habillement ne manque pas.
Vous autoriserez les majors en 2nd à faire partir le 30 avril les 4es bataillons à 600 hommes. Les 200 autres hommes viendront un mois après.
Les bataillons reçoivent suffisamment de conscrits pour se compléter, hormis ... Celui du 27e de ligne, qui est à Mayence, reçoit 300 hommes, il lui manque 400 hommes. Celui du 76e est dans le même cas ... On peut les prendre dans les dépôts d'autres régiments employés à l'armée d'Espagne, qui n'ont pas leur 4e bataillon en France (A). Présentez-moi un projet pour compléter ces 9 4es bataillons, en retirant ce qui leur est nécessaire des dépôts d'Espagne qui ont plus qu'il ne faut pour compléter leur 4e bataillon.
Les fautes qu'il y a dans la répartition des conscrits proviennent de ce que plusieurs 4es bataillons sont depuis revenus d'Espagne.
Ces demi-brigades ne doivent rien déranger à la comptabilité. Les bataillons qui les composent doivent correspondre avec leurs dépôts pour l'administration
Annexe
Formation des demi-brigades provisoires, de l'Intérieur et des côtes
10e demi-brigade à Versailles (3e division de réserve de la Grande Armée)
1er bataillon : 4e bataillon du 27e de ligne (dépôt à Mayence) : 456 conscrits du Calvados ; total 456 ; manque 264.
2e bataillon : 4e bataillon du 63e de ligne (dépôt à Belfort) : 594 conscrits de l’Allier et 400 du Cher ; total 994 ; 294 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
3e bataillon : 4e bataillon du 76e de ligne (dépôt à Sarrelouis) : 423 conscrits de l’Ourthe ; total 423 ; manque 277.
4e bataillon : 4e bataillon du 96e de ligne (dépôt à Thionville) : 322 conscrits de Sambre-et-Meuse, 346 de l’Ourthe et 253 de la Roër ; total 921 ; 221 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7057 (extrait d’un ordre de l’Empereur daté de Saint-Cloud le 2 avril 1812) ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30370 (intégrale)).
La 10e Demi-brigade provisoire (l'Historique régimentaire parle de la 16e) qui doit se former à Berlin selon l'Historique régimentaire, est placée sous les ordres du Major Suaux.
Le 19 avril 1812, à Paris, le Duc de Feltre écrit à l'Empereur : "Sire, J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté que le cadre du 4e bataillon du 76e régiment d'infanterie de ligne est parti de Bayonne le 10 de ce mois et n'arrivera que le 28 mai à Sarrelouis en suivant les étapes ordinaires.
Il n'est en conséquence pas possible que le 4e bataillon de ce régiment parte de Sarrelouis le 30 avril pour Anvers où il doit entrer dans la composition de la 10e demi-brigade provisoire.
Mais pour accélérer la marche de ce cadre, je supplie Votre Majesté de vouloir bien m'autoriser à le faire prendre en poste, à son passage à Périgueux, le 25 avril". L'Empereur lui répond, depuis Saint-Cloud, le 20 avril 1812 : "Refusé. Cela n'est pas assez urgent ni assez important pour faire des frais de poste" (Brotonne (L. de) : « Dernières Lettres inédites de Napoléon 1er, collationnées sur les textes et publiées », Paris, 1903, t. 2, lettre 1786).
Le 4e Bataillon n'est donc pas parti de Bayonne en juin 1812 comme l'affirme l'Historique régimentaire, qui dit également qu'il est arrivé à Berlin en juillet.
Le 30 avril 1812, Napoléon écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... A la 10e demi-brigade provisoire ... vous prenez 277 hommes du 69e pour compléter le cadre du 4e bataillon du 76e. J'approuve cette disposition ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7186 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30538).
Le 8 juillet 1812, l'Empereur écrit, depuis Vilna, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... Le 39e a son 4e bataillon à Landau ; le 40e a le cadre de son bataillon disponible ; le 6e léger a son 4e bataillon à Phalsbourg ; les 69e et 76e ont le cadre de leur 4e bataillon disponible ; le 70e a le cadre de son 3e bataillon également disponible ; le 86e a le cadre de son 4e bataillon ; le 22e a le cadre de son 4e bataillon à Maastricht. Ce qui fait donc huit bataillons qu'il faut compléter. Peut-être y en a-t-il encore d'autres ... Les bataillons des 39e, 69e, 22e et 76e formeraient une autre demi-brigade destinée pour la réserve d'Allemagne. L'une se réunirait à Pontivy et l'autre à Wesel ou à Mayence ; faites-moi un projet là-dessus.
Ainsi il faudrait des conscrits pour recruter tant ces huit bataillons, et peut-être d'autres cadres, qui existent déjà en France, que les demi-brigades qui ne sont pas encore complètes. Je crois qu'aussitôt que vous aurez tiré des cohortes les 3.000 hommes de la garde, ce qui se fera facilement, vous pourrez continuer de recourir à la même ressource pour la ligne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7419 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 31155). Le Bureau de la Guerre a noté, en marge : "Le 4e bataillon du 76e de ligne est incomplet, à la 10e demi-brigade, à Berlin".
Jean-Denis Lejeune, originaire de Mortroux (Ourthe), soldat au 4e Bataillon, passe à Berlin le 20 juillet, accompagné de sa femme, blanchisseuse dans la Compagnie de Grenadiers. Il écrit "Tant qu'à moi et ma femme, Dieu merci, nous nous portons bien. Je vous prie, ma très chère mère, d'avoir bien soin de mon petit enfant. Car vous savez que celui qui l'a dans la main n'a pas les commodités de l'entretenir. Nous sommes nourris chez le bourgeois. Ma femme tire le vivre tout comme moi, elle est blanchisseuse dans la compagnie des grenadiers" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 565; cité par Pierre Charrié : "lettres de guerre, 1792-1815").
Dès que la 16e Demi-brigade est organisée, elle est placée à la 1ère Brigade (Général Schobert) de la 31e Division (Général Lagrange (le manchot) - composée des Brigades Schobert et Labassée). Cette Division, qualifiée de 3e Division de réserve, fait partie du 11e Corps (31e, 33e et 36e Divisions) commandé par le Maréchal Augereau, dont le quartier général est à Berlin. Au 1er août 1812, le 4e Bataillon du 76e comprend 20 Officiers et 444 hommes.
Peu de temps après, la 16e Demi-brigade est envoyée à Stettin, quartier général de la 31e Division. Elle y compte parmi les troupes de la garnison, pendant toutes les opérations du 11e Corps. Un Etat de situation en date du 1er septembre 1812, indique que le 4e Bataillon fait partie de la 10e Demi-brigade (?) (Major Suaux) de la 31e Division ; l'effectif est alors de 20 Officiers, 415 hommes et 5 chevaux.
La ville de Stettin, située sur la rive gauche de l'Oder et près de son embouchure, avec les faubourgs de Lastadie sur la rive droite, est protégée par une ceinture de fortifications, couverte par des marais et par trois forts détachés : les forts de Prusse, de Guillaume et de Leopold. La forteresse de Dam, reliée à la place par une chaussée de 8 kilomètres de longueur, constitue un ouvrage avancé. Le Général de Division Baron Grandeau commande la place de Stettin.
Le 8 septembre 1812, Hubert Bellote, originaire de Warnant (Ourthe), Grenadier dans le 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Stettin : "Pour l'hiver, on nous a donné des pantalons qui coûte dix francs et un sac de toile qui coûte sept francs. Cela fait que je resterai longtemps sans avoir de paie. Nous avons le tabac à bon prix : 4 sous la livre et le bon à huit sous" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 598).
Le 10 septembre 1812, Joseph Deroisy, originaire de Bierwart (Ourthe), lui aussi Grenadier dans le 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Stettin : "J'ai été bien surpris de recevoir une lettre d'un quart de feuille de papier. Ce n'est pas juste de renvoyer une lettre d'un quart de feuille de papier pour aller aussi loin. Car je suis toujours éloigné de vous de 300 lieues. Aussi c'est une jolie promenade. Je suis dans un pays où il fait très cher vivre. Les pommes de terre sont très chères, le pain est très cher, enfin tout ce qu'il faut pour vivren sinon le tabac qui se vend un bon prix. Vous ne marquez pas si la récolte a été belle. Vous coyez donc, parce que je suis beaucoup éloigné de vous, que j'ai oublié cela ? Pas du tout. Dans le pays où je suis, il fait très froid, car je crois que c'est l'hiver pendant toute l'année. Je suis encore plus loin de Berlin de 50 lieues. Dans la ville où je suis, il y a un nombre infini de soldats blessés. Pour aller dans cette ville, nous avons traversé de très mauvais pays dont nous avons eu beaucoup de misère. Nous sommes à quatre lieues de la mer. La ville de Stettin est très bien fortifiée. Depuis que nous sommes partis de la France, nous n'avons pas reçu un sou de prêt. Jugez comme il faudra vivre. On a publié un édit, dans notre bataillon, que tout militaire qui est jugé incapable de service, qu'on le fera retourner chez lui s'il voulait, sans avoir besoin de retourner à son dépôt. A présent, notre compagnie est sur le bourgeois. Tous les grenadiers, il n'y a que la deuxième compagnie et la troisième qui venoit au quartier. Nous sommes bien plus mal qu'eux, car nous n'avons pas de feu pour nous chauffer. Nous n'avons qu'une fois la soupe par jour, au lieu que la deuxième compagnie l'a deux fois" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 603).
Le même jour, François Godard, originaire de Mélen (Ourthe), soldat dans le 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Stettin : "Depuis que nous sommes partis de Berlin, j'ai bien appris ce que c'est de quitter un père et une mère ! Depuis que nous sommes arrivés à Stettin, tous nos bon stemps sont bien passés. Mais ce qui nous donne espoir, c'est que l'on dit que nous allons partir, que peut-être nous serons biens comme auparavant. Car si nous n'avons pas l'espoir de partir, j'aurais quelque chose à vous demander : comme vous me dites que vous priez Dieu pour moi, peut-être qu'il nous donnera l'heureux moment de partir par un autre chemin..." (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 600).
Au 11 septembre 1812, la 16e Demi-brigade est commandée par le Major Suaux; le 4e Bataillon du 76e de Ligne comprend alors 20 Officiers, 415 hommes, et 5 chevaux d'Officiers. Au 1er octobre, la 31e Division est commandée par le Général Lagrange.
A leur grande satisfaction, les soldats du 4e Bataillon du 76e apprennent la nouvelle de leur retour à Berlin pour le 25 septembre. Ce transfert leur estfort agréable car la capitale de la Prusse leur promet plus d'agréments et qu'ils voient en Berlin la première étape sur le chemin de retour. Mais d'après Louis Roskam, originaire de Liège, le 76e n'est passé de Stettin à Berlin que le 2 octobre (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 623).
Le 8 octobre 1812, Jean Pousset, originaire de Haccourt (Ourthe), soldat au 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Berlin : "Je suis extrêmement mal vêtu et nu pied. Comme voici l'hiver qui s'approche et que nous sommes dans un pays extrêmement froid, je vous prie de me faire passer de l'argent le plus tôt possible, afin de me réquiper dans mes nécessités. Je n'ai aucune nouvelle à vous marquer de la guerre à cause que nous n'y connaissons rien" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 628).
En décembre, le Bataillon est toujours caserné à Berlin. Le 14 décembre 1812, Arnold Nottet, originaire de Houtain-Saint-Siméon (Ourthe), Grenadier dans le 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Berlin : "Nous sommes rapprochés de trente lieues, que nous sommes revenus à Berlin. J'en suis très content, malgré que nous sommes très chagrinés de service pour la garde. Car nous la descendons aujourd'hui à midi et le lendemain nous la remontons encore, malgré qu'il fait une froidure, qu'il gèle bougrement. On nous retient pour des souliers et pour des chemises. Cela fait que nous n'avons jamais d'argent. Du temps que nous étions à Stettin, on a battu la générale que nous avons bien eu peur, car nous pensions que l'ennemi fut très près de la porte pour nous venir assiéger. Mais, Dieu merci, nous avons encore échappé. Je vous dirai qu'il y a de la neige que c'est une chose terrible", 1936; lettre 661).
Le 23 décembre 1812, Jean Pierre Henrard, originaire d'Ans (Ourthe), soldat au 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Berlin : "La présente est pour répondre à la vôtre dont je suis bien surpris que mon père est décédé. Car dans le moment que je l'ai reçue, je n'ai pu autrement que de me tirer de mes camarades pour me mettre à pleurer à mon aise. Car vraiment, dans le moment que je l'ai reçue, j'étais si suffoqué que je ne pouvais pas pleurer dans le moment. Cher cousin, je vois dirai que je ne cesse d'adresser mes prières au Seigneur tous les jours pour le repos de l'âme de mon père. Vous m'avez renvoyé dix francs, dont cela m'a fait un grand plaisir en voyant la reconnoissance, mais quant je l'ai eu donné au major pour recevoir l'argent, ça m'a fait de la peine quand il me l'a retenue pour mon pantalon... Mon cher cousin. On nous fait aussi des épaulettes et des pompons pour la nouvelle année et on nous a fait payer six francs. Et un jour le capitaine a venu dans la chambre et il a dit en riant que l'on devait récrire chez lui pour avoir de l'argent pour les payer. Mais je lui ai répondu que tout le monde n'avait pas le moyen d'en renvoyer à cet effet... L'état de soldat est un état déplorable, surtout dans la garnison où je suis, car nous montons la garde tous les trois jours, encore souvent tous les deux jours et il y fait si froid que l'on a déjà trouvé plusieurs factionnaires gelés en faction et celui qui n'a pas pour boire la goutte est bien misérable, car j'en dois apprécier par moi même" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 669).
Entre temps, les soldats ont appris la défaite subie par les Français en Russie et des rumeurs circulent à Berlin, annonçant l'approche de l'ennemi. Il faut désormais arrêter les Russes, c'est ce qui motive le renvoi du Bataillon à Stettin.
Le 25 janvier 1813, Henri-Joseph Lambinon, originaire de Fléron (Ourthe), soldat à la 1ère Compagnie du 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Stettin : "Nous avons parti de Berlin, le 18 janvier, pour aller à Stettin, mais nous ne sommes pas trop bien, car nous attendons tous les jours les brigands qui s'appellent les Cosaques sur les remparts avec l'arme au bras. Et il fait bien froid que toutes les rivières sont gelées" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 698).
Le 28 janvier 1813, François Merx, originaire d'Eupen (Ourthe), soldat au 4e Bataillon du 76e de Ligne, confirme que le 76e a quitté Berlin le 18 janvier et est arrivé à Stettin le 23 janvier (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 701).
Pourtant, un état en date du 5 janvier 1813, indique que le 4e Bataillon à Stettin comprend 20 Officiers et 452 hommes, plus 5 chevaux (d'après un état de situation signé du Général Lagrange). Soit il y a erreur sur la date, soit cette erreur porte sur le lieu.
Toujours le 28 janvier 1813, Henri-Jean-François Godard, originaire de Mélens (Ourthe), soldat à la 1ère Compagnie du 4e Bataillon du 76e de Ligne, écrit depuis Stettin : "Je me porte bien, malgré la misère que nous avons eue tous les jours depuis le mois de décembre. Car voilà pour la deuxième fois qie je vous récris en vous demandant pardon de tout ce que je vous ai manqué du temps de mon enfance, même que je ne sais si vous n'avez pas reçu ma lettre, ou si vous ne m'avez pas récrit, à cause que je vous avais demandé de l'argent. Cependant, mon cher père, si je vous demande de l'argent, c'est d'être en grand besoin. Car nous sommes à présent dans un temps de nécessité. Car nous trouvons tous les jours des soldats qui viennent de Russie" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre 702).
Lorsque les débris de la Grande Armée rentrent de Russie, les troupes du 11e Corps se portent dans les premiers jours de janvier, sur la rive gauche de l'Oder, afin d'en protéger la retraite. Puis, vers le milieu de février, elles se concentrent sur Berlin, couvert par la 31e Division du côté des routes de Stettin et de Kustrin. La 16e Demi-brigade pour sa part n'a pas pris part à ces diverses opérations, car désignée, on l'a vu, pour tenir garnison à Stettin. Le 15 février, l'état de siège est déclaré dans la ville. Aucun préparatif de défense n'a été fait et les approvisionnements sont presque nuls. Le 16 février, Grandeau, malade, remet le commandement de Stettin au Général Dufresse, commandant d'arme de la place. La ville compte 28000 habitants. La garnison, forte de près de 8000 hommes (le 4e Bataillon du 76e compte alors à son effectif 20 Officiers et 450 hommes), se met aussitôt à l'oeuvre, sous l'active direction du général Dufresse, commandant d'armes. Celui-ci fait partir 4 colonnes détachées de la garnison, qui s'avancent à 10 lieues et restent 6 jours en campagne. Elles ramènent dans la ville une grande quantité de vivres : 736 boeufs, 1325 moutons.
Les fortifications sont réparées et augmentées ; les parapets sont relevés et armés; les faubourgs Unterwick et Damon sont brûlés et démolis; tout ce qui gênent la défense est impitoyablement rasés dans un rayon de deux cents mètres au delà des chemins couverts. Six semaine après la déclaration de l'état de siège, la ville n'est plus reconnaissable et peut soutenir vigoureusement tous les efforts de l'ennemi.
Le 4 mars, les armées de campagne évacuent la Prusse, à l'exception des places fortes, et la garnison de Stettin se trouve abandonnée à sa destinée. Le 10 mars, a lieu une nouvelle sortie de deux Bataillons qui s'avancent encore à plus de dix lieues et, quoique harcelés par les Cosaques, rentrent à minuit en ramenant avec eux 5 Cosaques et 504 boeufs. Lorsque, le 15 mars, le Général prussien Bülow siginifie la déclaration de guerre entre la Prusse et la France, et somme la place de se rendre, elle est largement en mesure de soutenir un siège.
La garnison, bloquée dès le jour même de la sommation et bientôt bombardée par les flotilles anglaises, exécute contre l'ennemi de fréquentes sorties. Le 6 avril a lieu une première sortie. Le Bataillon prend part à une deuxième, celle du 15 avril. Ce jour là, de très bon matin, à la faveur du plus épais brouillard, sous la protection de nombreuses redoutes qu'il avait élevées autour de la place, soutenu en outre par le feu de dix chaloupes canonnières, qu'il avait fait remonter dans les deux bras de la grosse et de la petite Reglitz, l'ennemi, fort d'environ 2500 hommes, vient attaquer les postes français qui defendent la longue chaussée qui relie la place au fort de Dam. Cette opération est appuyée en outre par une fausse attaque dirigée contre la ville elle même.
Le Major Suaux, à la tête de la 16e Demi-brigade, où se trouve le 4e Bataillon du 76e, se porte au pas de course sur la chaussée de Dam, refoule les Prussiens sur le pont du péage où se trouvent depuis deux heures 200 ennemis, dégage le poste de ce pont et poursuit l'ennemi jusque dans ses redoutes en lui faisant perdre 800 hommes tués, blessés ou pris. Cet échec rend les assiégeants plus circonspects; ils continuent à élever de nouvelles redoutes autour de Stettin et de Dam, et les multiplient surtout dans la prairie que traverse la chaussée de Dam, de sorte qu'à partir de ce moment, les sorties deviennent de plus en plus difficiles pour les assiéges.
Cependant, le 12 mai, le 4e Bataillon du 76e sort encore de la place avec deux autres et force l'ennemi à abandonner ses avant-postes pour se mettre à l'abri dans ses redoutes où il est pour ainsi dire assiégé lui même : c'est la réponse du Général Dufresse à la nouvelle sommation adressée, la veille, par le Général Tauentzien à la garnison, à la suite des capitulations de Thorn et de Spandau qu'on lui citait comme exemple. Le Lieutenant Mutel a été blessé ; il décède le 14 (Martinien). Telle est la situation au moment où l'Officier d'Etat major chargé de porter la nouvelle de l'armistice de Pleswitz arrive le 7 juin. La joie est grande dans la garnison, et surtout dans la population qui espère y voir le terme de ses longues souffrances; ce n'est malheureusement qu'une trêve.
L'armistice de Pleswitz suspend les hostilités du 7 juin au 10 août. Pendant la durée de l'armistice, la place est ravitaillée tous les cinq jours, par les soins du commandant des troupes de blocus; de plus, le terrain, dans une lieue autour de la ville, est déclaré neutre. La reprise des hostilités le 10 août serre tous les coeurs ; il n'y a pas de fait notable à signaler. Les assiégeants restent enfermés dans leurs redoutes, paraissant plutôt occupés à se garder contre les assiégés qu'à les attaquer. Ils laissent aux flotilles anglaises le soin de bombarder la ville. Toutefois, les ressources commençent à diminuer sensiblement et l'on ne compte désormais sur aucun secours. Ce n'est donc plus qu'une affaire de temps. Le Général Grandeau, commandant de la place, prolonge la résistance jusqu'au 22 novembre ; il se rend alors, vaincu par la famine. La malheureuse garnison (environ 7500 hommes), qui a supporté 246 jours de blocus, reste prisonnière de guerre jusqu'à la paix.
3/ Premiers mouvements des 2e et 3e bataillons du 76e
Nous avons signalé le départ d'Espagne du 3e Bataillon du 76e en deux groupes. Le 1er groupe, composé des 3 premières Compagnies, part de Bayonne, en janvier 1813, sous la conduite du Commandant Condamy et est dirigé sur Mayence. Il y reçoit ses recrues (le grand dépôt du 76e, toujours à Sarrelouis, a reçu, au commencement de l'année, 300 conscrits du département de Jemmapes provenant de la levée ordonnée par Décret du 11 janvier 1813 (voir Fieffé, t. II, p. 189). Ce sont ces jeunes gens qui relevèrent l'effectif du 3e Bataillon) et est aussitôt envoyé à Wurtzbourg, où commence à se former le Corps d'observation de Bavière destiné à maintenir la Bavière et à observer l'Autriche, sous les ordres de Augereau. De Wurtzbourg, il se rend à Francfort sur le Mein, pour y tenir garnison. Il arrive dans cette ville le 23 juin.
Le 2e groupe, composé des 3 autres Compagnies (qui occupaient en Espagne la garnison de Tolosa), quitte l'Espagne, on s'en souvient, en même temps que le 1er Bataillon, à la fin de juin 1813. Ces 3 Compagnies rejoignent les 3 premières à Francfort dans le courant de juillet.
Le 3e Bataillon reconstitué entre dans la composition de la 18e Demi-brigade provisoire (organisée avec le 3e Bataillon du 34e, le 2e Bataillon du 69e, et le 3e Bataillon du 76e) dont le commandement est donné au Major Lemaire.
Le 5 février 1813, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je n'approuve pas la formation des cinquante demi-brigades provisoires, formant cent cinquante bataillons, pour la garde de l'intérieur ; voici de quelle manière ce travail doit être fait ...
FRONTIÈRES DU RHIN ET DE L'OCÉAN.
La défense de la France, depuis les 31e et 17e divisions militaires jusqu’à Besançon et jusqu’à Bordeaux, aura lieu de deux manières : par la formation de bataillons de garnison, composés de compagnies tirées des 5e bataillons et qui tiendront garnison dans nos places fortes, et par la formation de demi-brigades provisoires.
Les demi-brigades seront d’abord au nombre de vingt-quatre pour cette partie de la frontière qui s’étend depuis la 31e division jusqu’à la 11e.
Chaque demi-brigade sera composée de trois bataillons entiers, sans qu’il puisse y entrer, sous quelque prétexte que ce soit, une fraction de 5e bataillon. Ces vingt-quatre demi-brigades seront formées ainsi qu’il suit :
... la 18e demi-brigade, des bataillons des 34e, 69e et 76e ...
Ces vingt-quatre demi-brigades formeront six divisions ; chaque division, quatre demi-brigades ou douze bataillons, savoir :
... La 5e division, à Cherbourg, composée des 5e, 14e 18e et 22e demi-brigades ..." (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19538 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32615).
Cette Demi-brigade est placée à la 1ère Brigade de la 52e Division (6e Division du Corps d'observation de Bavière). Le 20 juillet, l'effectif du 3e Bataillon est de 9 Officiers et 405 hommes.
Le 12 février, Napoléon écrit, depuis Paris, à Clarke : "... chacun de ces 18 régiments fournira 2 compagnies, 280 hommes des 6 bataillons à la brigade de réserve de la 30e division d'infanterie. Ceux de ces régiments qui pourraient dès ce moment fournir 2 compagnies de 70 hommes chacune, les fourniraient. Ils les complèteraient ensuite à 280 par la conscription des 4 années comme il est dit ci-dessus. Il sera joint à cette brigade une 7e brigade qui devra être composée de 2 compagnies du 27e, du 50e, du 63e, du 76e et du 27e léger en attendant que ces régiments puissent fournir leurs 2 compagnies, ils en formeront une de 140 à 70 hommes qu'ils complèteront ensuite lorsqu'ils auront reçu la conscription des 4 années ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32744 ).
Quelques jours après, le 3e Bataillon est désigné pour faire partie de la 42e Division du Corps d'Observation de la Bavière, commandée par le Général Dupas, où le 2e Bataillon du 76e (qui était rentré en France en mars 1813, comme il a été dit au chapitre précédent) est également envoyé. Ces deux Bataillons du 76e, réunis en août 1813, sous le commandement du Major Maurin, vont représenter le Régiment dans la deuxième partie de la campagne d'Allemagne. Entre temps, un décret en date du 28 juillet, fait passer la 42e Division dans le 14e Corps qui doit se former à Freyberg.
Il semble par ailleurs que des éléments du 76e aient combattu dès le moi de mai en Allemagne, notamment le 20 mai sur les lignes de la Sprée : "Pendant cette bataille, Napoléon, satisfait de la valeur déployée par une compagnie de voltigeurs du 76e de ligne, que commande le capitaine Antoine Courtois, lui envoie un certain nombre de croix. Courtois les distribue à tous ses soldats, et, bien que non décoré, il a la modestie de ne pas s'adjuger lui-même cette récompense, pour laquelle il fut désigné par l'Empereur quelques temps après; mais, atteint d'un coup de feu à la hanche, à la bataille de Dresde, ce brave officier mourut des suites de sa blessure, sans avoir pu recevoir cette croix, qu'il avait si noblement gagnée" (Gloire et Empire 38, Napoléon en Saxe, 1813 - Lützen et Bautzen").
Avant de continuer, signalons un cas de désertion, celui de Jean Joseph Henrard, entré au service le 14 mars 1812 comme conscrit de 1812, Fusilier à la 2e Compagnie du 3e Bataillon, prévenu d'avoir déserté le 30 octobre 1812. Jugé le 24 février 1813, il est condamné à une peine de sept ans de travaux publics et à une amende de 1500 francs.
Collection particulière - S.E.H.R.I. |
4/ Campagne des 2e et 3e Bataillons en Saxe
Le 18 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, j'ai reçu votre lettre du 13 juin ...
J'approuve que les 2es bataillons des 45e, 96e, 103e, 100e, 24e, 76e, 88e, 21e, total 8, soient employés au corps d'observation de Mayence. Vous verrez dans le décret que j'en ai besoin pour former 6 divisions.
En cherchant avec attention dans les dépôts, vous trouverez les 8 ou 10 mille hommes nécessaires pour compléter tous ces bataillons. Vous pourrez ensuite y employer des réfractaires et enfin, si cela est nécessaire, faire un appel de 4 ou 5 mille hommes sur les compagnies départementales. Indépendamment des 11 bataillons, je pense qu'il y en a d'autres arrivés d'Espagne, et qui ne sont compris dans aucun corps" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34820).
Le 76e (2e et 3e Bataillons) est placé à la 1ère Brigade (Général Kreutzer) de la 42e Division (Général Mouton-Duvernet), composée de 14 bataillons appartenant aux 4e, 9e, 10e, 12e, 21e et 28e Légers et aux 27e, 40e, 43e, 63e, 16e et 96e de Ligne. Cette Division, qui a commencé à se former à Wurtzbourg, fait partie du 14e Corps, créé par Décret impérial du 28 juillet, sous les ordres du Maréchal Gouvion Saint-Cyr.
Le 28 juillet 1813, l'Empereur écrit, depuis Mayence, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Je vous envoie un décret que je viens de prendre pour l'organisation des divisions d'infanterie du corps d'observation de Bavière. Faites-le mettre sur-le-champ à exécution, et communiquez-le au ministre de la Guerre, en attendant que le comte Daru lui en envoie expédition.
Vous remarquerez qu'en conséquence de ces nouvelles dispositions, les 21e 1éger, 45e de ligne, 76e, 96e, 100e et 103e ne fourniront plus de bataillons aux demi-brigades provisoires, et qu'ils figureront sous leur propre nom dans l'armée ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 35638).
Le 1er août 1813, l'Empereur écrit, depuis Mayence, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Mon cousin, donnez ordre qu'on complète avec tout ce qu'il y a de disponible à Mayence le second bataillon du 76e, le 3e du 43e et le 2e du 96e et que l'on fasse partir ces trois bataillons bien complétés à 800 hommes, bien armés et bien équipés, demain s'il est possible, afin de compléter la première division de l'armée de Bavière ..." (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 3 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 35705).
Le 4 août 1813, l'Empereur, depuis Dresde, ordonne : "ITRE PREMIER. — Formation d'un XIVe corps.
Article premier. — Il sera formé un XIVe corps d'armée sous les ordres du maréchal comte Gouvion Saint-Cyr.
Art. 2. — Le quartier général du XIVe corps se réunira à Freyberg le 7 du présent mois ...
Art. 4. — L'ordonnateur et toutes les administrations du corps de Bavière seront attachés en la même qualité au XIVe corps et s'y rendront en poste, de manière à être arrivés le 7 prochain à Freyberg.
Art. 5. — Le maréchal Saint-Cyr proposera un général de brigade ou un adjudant commandant pour faire les fonctions de chef d'état-major.
Art. 7. — Le XIVe corps sera composé :
De la 42e division qui sera rendue le 7 à Freyberg ; de la 43e division qui sera rendue le 8 à Chemnitz ; de la 44e division qui sera rendue le 8 à Auma ; de la 45e division qui sera rendue le 8 à Schleiz.
Art. 7. — Les quatre divisions du XIVe corps seront composées de la manière suivante :
42e division
Commandé par un major : 10e léger, 4e bataillon; 21e léger, 3e bataillon.
Commandé par un major : 63e de ligne, 3e bataillon; 27e de ligne, 3e bataillon.
76e de ligne : 2e bataillon, 3e bataillon.
4e Demi-brigade provisoire : 9e léger, 6e bataillon; 28e léger, 3e bataillon.
16e Demi-brigade provisoire : 40e de ligne, 4e bataillon; 43e de ligne, 3e bataillon.
96e de ligne : 2e bataillon, 3e bataillon.
12e léger, 3e bataillon.
4e léger, 2e bataillon.
14 bataillons...
Art. 8. — Le maréchal Saint-Cyr enverra tous les ordres convenables pour opérer leur réunion à Freyberg et à Chemnitz avant le 15 août ...
Art. 20. — Notre major général fera toutes les dispositions nécessaires pour l'exécution du présent ordre" (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 9).
Au commencement d'août, la Division est dirigée sur Freyberg, où doit s'organiser le 14e Corps. C'est là que s'opère la réunion de nos deux Bataillons. Ce rapprochement, dans les douloureuses circonstances où il se produit, est l'occasion d'une scène touchante. Il contribue à resserrer les liens d'esprit de corps qui ont toujours uni les membres du 76e et qui sont encore aujourd'ui une des plus précieuses traditions du Régiment.
La 42e Division arrive, le 13 août, à Pirna, franchit le fleuve ; elle est chargée de la garde des fortifications élevées sur la rive droite de l'Elbe, près de la forteresse de Königstein, afin de s'opposer à l'entrée des Autrichiens en Saxe. On continue à s'occuper de l'organisation et de l'instruction des troupes qui, par ordre de l'Empereur, sont exercées tous les jours au tir à la cible. Les troupes sont baraquées.
Le 13 août 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Mon cousin, assurez-vous si les bataillons qui ont été dirigés de Mayence sur Wurtzbourg sont revenus par Fulda, ou s'ils se sont dirigés sur Géra. Prenez des informations sur le lieu où se trouve le bataillon du 27e de ligne que le général Claparède avait dirigé sur Wurtzbourg. Il est bien important que ce bataillon ne se trouve pas compromis dans des gorges. Ecrivez-en au maréchal Saint-Cyr. Donnez ordre que les bataillons du 27e de ligne qui arrivent à Nossen le 15, viennent le 16 à Dresde. Donnez le même ordre pour le 76e, et pour tous les autres bataillons du 17e corps qui arrivent isolément ; qu'ils ne restent pas inutilement à Crossen. De Dresde, ils seront envoyés à leurs divisions. Cela s'imposera pour des bataillons à rester isolés dans des villages.
Donnez ordre que toutes les batteries du 14e corps qui arrivent à Nossen, n'aient pas de séjour afin qu'elles arrivent, s'il est possible un jour plus tôt à Dresde" (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 66 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 35865).
A la rupture de l'armistice de Pleswitz, la reprise des hostilités oblige le 14e Corps à partir de Freyberg avant d'être complètement organisé, pour aller prendre position sur l'Elbe. Les hostilités devant commencer le 18, on fait précipiter la marche du 14e Corps afin qu'il soit en position le 17. Il la presse en effet, et le corps s'organise en marchant. Les Majors font fonction de Colonel et débrouillent les Compagnies qui composent leurs Régiments provisoires. Les Généraux rejoignent leurs Divisions en route ou sur les frontières de Bohême. Parti le 8 août, le 14e Corps arrive à Pirna le 13.
Le 22 août, le 14e Corps se replie sur Dresde, au moment où Napoléon va se jeter en Bohême à travers les montagnes des Géants, pour empêcher, s'il est possible, la jonction des Russes et des Autrichiens. Dès ce moment, la 42e Division reste séparée du Corps d'armée; elle garde sur la rive droite de l'Elbe les ouvrages de Lilienstein, le pont de Koenigstein, et flanque le Corps de Vandamme (1er Corps) dont elle suit les mouvements les jours suivans. La 42e Division, dont la présence à Dresde n'est pas nécessaire et qui se trouve toute rendue à la droite des positions du 1er Corps, passe, sur ordre de l'Empereur, le 23 août, sous le commandement de Vandamme. , vient d'être chargé par Napoléon de passer l'Elbe
Le 1er Corps, après avoir été relevé par le 8e et la cavalerie de Kellermann, vient occuper Neustadt le 24 et le 25 août.
Pendant que Napoléon pénète en Bohème par les montagnes des Géants, l'armée autrichienne de Bohême (Schwartzemberg) entre en Saxe. Elle a franchi lentement les montagnes Métalliques en trois colonnes, et va bientôt se rabattre sur Dresde. Le 25 août, Napoléon, instruit de la situation, rejoint à marches forcées le 14e Corps laissé à Dresde, et prescrit à Vandamme, qui garde en Silésie les débouchés de la Bohême, par Rumburg et Goergenthal, de passer sur la rive gauche de l'Elbe à Königstein, de s'emparer du camp de Pirna afin de couper les communications de l'ennemi, et d'intercepter la route de Peterswald, afin d'y couper la retraite aux alliés que lui-même va recevoir. "Les officiers étaient pleins de zèle, dit Fezensac (p. 437), les soldats soumis, disciplinés et ne demandant qu'à se battre".
Le 76e repasse sur la rive gauche de l'Elbe à Koenigstein, dans la nuit du 25 au 26 août, avec la 42e Division qui marche en tête. A la pointe du jour, elle repousse les Russes sur la route de Pirna et s'établit dans les bois près de la forteresse de Königstein. Vers quatre heures de l'après midi, une patrouille du 1er Corps passe l'Elbe. Les Russes se retirent et prennent position, la droite à Kritzwitz sur la route de Pirna, la gauche à l'Elbe près de Naundorf. Vandamme se décide à attaquer cette position, mais, faute d'artillerie, il ne peut l'enlever. Dans la soirée, les Russes se retirent sur Pirna.
La journée du 27 se passe en combats de tirailleurs, ayant pour but de s'emparer du plateau. Le 27 au soir, le jour même où Napoléon met les alliés en déroute sous les murs de Dresde, la 42e Division enlève aux Russes le village de Pirna.
Le 28 au matin, les Alliés se retire précipitamment en Bohême. Les chemins sont affreux, et cette retraite ressemble à une fuite. Vandamme commence la poursuite le matin même. Le 76e est à l'arrière-garde : il bivouaque au soir avec la Brigade Kreutzer à droite du village de Gieshubel où Vandamme a livré un combat d'arrière garde.
Le lendemain, à Vandamme continue son mouvement avec toutes ses troupes et s'empare de Hellendof et de Peterswald où l'on campe le soir même. Les Russes, poursuivant leur retraite, se placent en arrière de Priesten, occupant Kulm et Straden où ils se sont mis en bataille pour ralentir la poursuite et donner le temps à Schwartzemberg de rallier l'armée autrichienne de Bohême qui bat en retraite par des chemins difficiles. Vandamme, qui marche avec l'avant-garde, leur enlève encore ces deux villages, mais ne peut les déloger de Priesten. Il attend alors l'arrivée de la 42e Division. A peine les premiers Bataillons sont ils arrivés, qu'il attaque de nouveau; mais ces attaques décousues n'ont aucun succès. Vandamme est obligé de se retirer sur les hauteurs de Kulm, où il se maintient.
Le 30 au matin, Vandamme reforme sa ligne de bataille : neuf Bataillons de la 42e, avec le Général Mouton Duvernet, sont placés à droite de Straden; le Général Kreutzer, avec les cinq autres Bataillons, au nombre desquels se trouvent les 2e et 3e Bataillons du 76e, sont envoyés à Aussig, à l'extrême gauche de la ligne, pour couvrir ce flanc. Ils se maintiennent dans cette position jusqu'à la nuit, échapant ainsi au désastre du Corps Vandamme qui, assailli de front par les Russes et sur les derrières par le Corps prussien de Kleist, a été rompu et dispersé. Placés tout à fait à l'extrême gauche du champ de bataille, ils ne sont que faiblement attaqués. Le Général Kreutzer se retire le soir en bon ordre. Le Capitaine Vasseur, du 76e, est blessé dans cette journée (Martinien parle du Capitaine adjudant major Levasseur, et cite également le Lieutenant Grand Mothé, tué).
Le lendemain, la Brigade Kreutzer se replie sur Koenigstein, faisant même quelques prisonniers. Elle rejoint ensuite le reste de la 42e Division, quelques jours après, au camp de Lilienstein ; cette Division était revenue sous Dresde avec le 14e Corps. La 42e Division repasse donc sous les ordres de Gouvion Saint-Cyr (14e Corps), dont le quartier général est resté à Dresde.
La 42e Division est chargée de garder les ouvrages de Lilienstein et disposée de manière à observer les mouvements de l'ennemi sur la rive droite de l'Elbe, vers Rumburg; elle flanque aussi la gauche du 14e Corps, en menaçant la droite des Russes. Trois Bataillons sont disposés dans les redoutes de Kunnersdorf et de Hermsdorf; trois autres, dont les deux du 76e, avec un des Généraux de la 42e Division et trois canons, occupent les hauteurs de Kritzwitz; un Bataillon est à Pirna.
Les 5 et 6 septembre, les Russes et les Prussiens, qui débouchent de la Bohême par la route de Péterswald, repoussent du plateau de Pirna les premières troupes de la 42e Division qui se replie, le 7, sur Koenigstein, pendant que le 76e, avec un autre Bataillon de la 42e Division et trois Bataillons de la 44e, prend position au petit village de Heidenau. Le 8 septembre, dès le jour, l'ennemi recommençe son attaque ; le 14e Corps se retire derrière la Müglitz, ne conservant sur la rivre droite que les villages de Dohna et d'Heidenau. Mais les défenseurs de Heidenau résistent avec une telle vigueur aux assauts des troupes de Ziethen, que celles ci "se retirèrent à bonne distance", dit le Maréchal Gouvion Saint-Cyr dans ses Mémoires, et ne jugent pas devoir recommencer leur attaque. Elles se retirent à une distance honorable. A deux heures de l'après midi, Napoléon arrive sur la hauteur de Gahming. La belle défense de Heidenau permet au 14e Corps de reprendre l'offensive et de repousser définitivement l'ennemi jusqu'à la position de Geyersberg qu'il occupe jusqu'au 13 septembre, époque à laquelle il rétrograde à son tour sur Furstenwald, Liebnau et Breitenau. La 42e Division, qui s'est avancée jusqu'à Peterswald et Nollendorf, rentre dans sa position de Langen Hennersdorf, flanquant ainsi la gauche du 14e Corps. A cette date, l'effectif du 76e est le suivant :
Situation détaillée du 76e de Ligne au 13 septembre 1813 (D'après L. Landais) 2e Bataillon : 17 Officiers, 627 hommes Total : 34 Officiers, 1313 hommes. |
Dans la journée du 11 septembre, Napoléon a ordonné la construction de redoutes à Langen Hennersdorf et Gieshübel; il a retranché le château de Sonnenstein. De plus, afin de mettre de l'unité dans la défense, la 42e Division, séparée du 14e Corps, auquel elle appartient, est rangée sous les ordres du Comte de Lobau, chef du 1er Corps.
Le 14 septembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Maréchal Berthier, Major-général de la Grande Armée : "Mon cousin, écrivez au général Mouton-Duvernet que l'opinion de l'officier du génie est ridicule ; qu'il faudrait raser ces ouvrages, s'il était vrai qu'il fallût tant d'hommes pour les défendre. Un bataillon de 500 hommes, la compagnie d'artillerie et la compagnie de sapeurs qui se trouvent là sont suffisants pour défendre les ouvrages du Lilienstein. Il faut faire d'ailleurs tous les travaux du moment nécessaires pour se mettre à l'abri d'une surprise, et qu'on ait les yeux bien ouverts. Toutefois le général peut laisser un bataillon qui soit de 600 hommes. Ce qui est important, c'est que le général ait ses pièces de canon et fasse travailler sur-le-champ à la redoute que je lui ai indiquée. Ecrivez-lui que l'ordre a été expédié au maréchal Gouvion-Saint-Cyr de renvoyer les trois bataillons qu'il avait gardés au parc. Les deux bataillons de la 76e doivent être en marche pour retourner ..." (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 160; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 36313).
Le même 14 au matin, l'avant garde ennemi reprend l'offensive. Les travaux ordonnés par Napoléon ne sont pas encore terminés; le Comte de Lobau est obligé de replier ses troupes sur Gieshübel. Le 15, Napoléon arrive de Dresde avec la Garde et fait reprendre l'offensive. Le 1er Corps suit la route de Peterswald. La 42e Division appuie à gauche par Bahra; l'ennemi se retire devant les Français. Le lendemain, malgré un temps horrible, l'armée se met en marche vers le défilé de Hollendorf et vient camper sur les hauteurs de Nollendorf.
Le 17, le 1er Corps descend dans la plaine, précédé par la cavalerie et appuyé par la 42e Division, qui engage brillamment l'affaire en s'emparant du village de Arbesau; mais le Général autrichien Colloredo l'en chasse. La 42e Division se retire alors à Tellnitz. Un orage affreux, mêlé de pluie, de grêle et de neige, a, pendant toute cette journée, exposé le soldat à de grandes souffrances. Selon Martinien, ce jour là, le Chef de Bataillon Naigeon est tué; le Lieutenant adjudant major Levussen, les Capitaines Degen, Jouquet, Jacquot, Dutertre Delmarcq et Mandrieux, les Lieutenants Imbert et Coux, et le Sous lieutenant Détroit (mort le 24) sont blessés
Le lendemain, l'ennemi attaque les positions françaises et est repoussé. Le 19, Napoléon ordonne dans l'après midi de rentrer dans les positions de Gieshübel. La 42e Division s'établit aux alentours de Königstein, dans divers emplacements, sur les deux rives du fleuve, travaillant à quelques retranchements qu'on élève à hauteur de Langen Hennersdorf. Elle y reste jusqu'au 7 octobre, sans être attaquée. Le 76e occupe de nouveau Kritzwitz.
A cette époque, les différents corps sont extrêmement affaiblis, et par les évènements naturels de la guerre, et par les privations de tous genres qu'ils supportent depuis si longtemps. Les distributions se font rarement, et d'une manière fort irrégulière. Les derniers mouvements de l'Armée ont épuisé les dernières ressources du pays. Enfin, le mauvais temps presque continuel, les chemins rendus impraticables, l'aspect de ces lieux où l'on vient d'éprouver tant de revers, toutes ces causes contribuent à la désorganisation de l'Armée. Celle ci fait de si rapides progrès qu'un ordre du jour préscrit de décimer les soldats qui quittent leurs drapeaux. Ainsi, les hommes isolés doivent être arrêtés, et lorsqu'on en a réunit 10, les Généraux les font tirer au sort pour en fusiller un en présence de la Division. La même peine est portée contre tous ceux qui sont assez lâches pour se mutiler. Ces ordres indiquent assez quel est l'affaiblissement moral des troupes.
Au 1er octobre, l'effectif des deux Bataillons du 76e, qui occupent Kritzwitz, toujours sous les ordres du Major Maurin, est le suivant :
Situation détaillée du 76e de Ligne au 1er octobre 1813 (D'après L. Landais) 2e Bataillon (Fine) : 19 Officiers, 526 hommes présents; 2 Officiers et 126 soldats aux hôpitaux; 20 prisonniers, 73 égarés - Total général : 766 hommes Total : 37 Officiers, 1039 hommes présents; 5 Officiers et 324 soldats aux hôpitaux; 20 prisonniers, 165 égarés - Total général : 1590 hommes |
Le 7 octobre, l'Empereur quitte Dresde avec toute l'armée pour se porter contre Blucher vers Leipzig. Les 1er et 14e Corps, placés sous les ordres de Gouvion Saint-Cyr, restent seuls chargés de la défense de Dresde, et se retrouvent ainsi isolés du reste de l'Armée. L'effectif de ces deux Corps est d'environ 25000 hommes. C'est le prélude de la bataille de trois jours, "la plus terrible des temps modernes", dit Lavallée, la bataille des Nations, qui devait ramener jusqu'au Rhin les débris de la Grande Armée.
Le 6 octobre, dans la soirée, la 42e et la 43e Division ont reçu l'ordre de venir relever le soir même, dans le camp retranché de la rive droite, les troupes du 11e Corps qui devait en partir le lendemain à six heures du matin. Cet ordre étant arrivé un peu trop tard pour que les postes des 42e et 43e Divisions puissent être relevés à temps, ces deux Divisions bivouaquent entre Pirna et Dresde. Cependant, comme elles marchent une partie de la nuit, elles prennent encore leurs positions avant le moment indiqué.
Voici quel était à cette époque l'état des défenses de la place de Dresde. L'enceinte de Dresde n'était pas susceptible de défense. C'était un simple pentagone sans ouvrages extérieurs, et qui était du reste en très mauvais état. Pour défendre la place, il aurait fallu détruire les faubourgs, mais Napoléon n'avait pas voulu s'y résoudre. Sur la rive droite de l'Elbe, un simple ouvrage de campagne entourait le faubourg de Neustadt.
Dès le mois de mai, Napoléon fait construire, autour de la place, un vaste camp retranché, qui se compose d'un ensemble de redoutes sur les deux rives de l'Elbe, destinées à tenir à distance les troupes ennemies. En arrière de ces redoutes, principalement sur la rive gauche, on a mis à profit les murs des jardins existant à l'extrémité des faubourgs, on les a reliés avec les haies, les clôtures en bois, et l'on a fermé les intervalles par des tranchées et des ouvrages en bois, de manière à former une seconde ligne de défense.
Le 8 octobre, le Comte de Lobau fait une tentative pour réoccuper les redoutes de Gieshübel et de Borna, qu'on a abandonnées par ordre de l'Empereur lorsqu'il a eu un instant le projet d'emmener avec lui le 1er et le 14e Corps. Mais en présence des forces considérables qu'il a devant lui, il doit y renoncer. Le Général Bonnet, qui appuie ce mouvement du 1er Corps avec la 42e et la 45e Division, après avoir fait remettre au fort de Königstein l'artillerie du camp de Lilienstein et brûler le pont de bateaux, vient également prendre position en arrière de la Müglitz.
Le 9, les troupes Françaises se retirent sur les hauteurs de Leuben, toujours suivies de près par Bennigsen. Le 10, elles se rapprochent encore de Dresde; la 42e Division vient s'établir à Strehlen. A cette date, le 76e présente la situation suivante :
Situation détaillée du 76e de Ligne au 10 octobre 1813 (D'après L. Landais) 40 Officiers présents, 5 aux hôpitaux - Total : 45 Total : 1044 hommes présents; 367 aux hôpitaux; 20 prisonniers, 153 égarés - Total général : 1584 hommes |
Le 11 octobre, les troupes rentrent dans Dresde. Le 1er Corps est placé sur la rive gauche de l'Elbe, la gauche s'appuyant au fleuve et la droite à la route de Dippoldiswalde. Le 14e Corps défend le reste de l'enceinte et le faubourg de Neustadt, sur la rive droite. Le 76e campe sur la rive droite, non loin du faubourg de Neustadt.
Napoléon, en quittant Dresde, n'a malheureusement laissé que 7 jours de vivres et 3 jours de fourrages, de sorte que si le blocus s'effectuait, comme toutes les apparences l'annonçaient, les Français allaient se retrouver sans cavalerie au bout de quatre jours, et sans pain le huitième. L'Empereur en fait comptait revenir bientôt. Aussi, chacun se prépare t'il à repousser les attaques de l'ennemi. Celui ci se borne à prendre des dispositions défensives, en établissant quelques redoutes. Seul le Corps russe de Tolstoï (20000 hommes) est chargé de bloquer dans Dresde les troupes françaises.
Gouvion Saint-Cyr, voulant à tout prix se procurer des vivres, ordonne, le 17 octobre, une grande sortie dans la direction de Plauen et Racknitz. Huit Bataillons de la 42e y prennent part. Les Russes sont repoussés jusqu'au Gieshübel. L. Landais, dans son historique, déclare ne pas savoir si les deux Bataillons du 76e ont participé à cette sortie. Il semble bien que oui puisque ce jour là, le 76e a 10 Officiers blessés : les Capitaines Courtois et Drouot (mort le 21 selon Martinien), le Lieutenant Paré et les Sous-lieutenants Vallot, Naigeon, Tugnot et Hoffmann (mort le 19 selon Martinien). Martinien indique également le Lieutenant Duret, tué. Les troupes occupent Dohna pendant 4 jours. Ce temps est employé à faire rentrer dans la place, bestiaux, farines et fourrages qui restent dans le pays, et à détruire les ouvrages de l'ennemi.
Le 22, les Français commencent à se replier ("le maréchal Gouvion, dit Fezensac (p. 439), écrivait qu'il ne pouvait résister plus longtemps avec une armée composée d'enfants). Le 26, ils sont rentrés dans les faubourgs de Dresde; l'ennemi a reçu le 27 des renforts considérables de Bennigsen et de Bubna. Par ailleurs, la Grande Armée a quitté l'Allemagne. De ce fait, la petite armée française qui constitue la garnison de la ville est complètement bloquée. Elle n'a plus à attendre de secours de personne.
Le 6 novembre, avant le jour, Gouvion Saint-Cyr fait exécuter une nouvelle sortie, toujours pour recueillir des vivres. Le 1er Corps, avec les 42e et 45e Divisions, sort du faubourg de Neustadt par la route de Grossenhayn. L'avant garde ennemie est culbutée, mais, arrivé au pied du Drachemberg, en avant du village de Boxdorf, le Comte de Lobau reconnait qu'il ne peut enlever cette position qu'avec une perte énorme. Il se décide donc à attendre la nuit pour rentrer à Dresde, où il revient en effet le soir même, ayant perdu un millier d'hommes. La 42e couvre la retraite. Le 76e n'a cependant pas été engagé dans cette sortie.
A la suite de cet évènement, le découragement est total. Tout espoir est désormais interdit. La misère et la disette sont à cette époque montées au plus haut degré. Les habitants "partageaient toutes nos infortunes, dit le Général en chef dans ses Mémoires. Le typhus faisait chez eux d'aussi grands ravages que dans l'armée, dont la perte s'élevait journellement à environ 200 hommes, sans compter ceux que l'on ramassait, tous les matins, dans les rues, parce que la plupart des malades ne voulaient plus entrer dans les hôpitaux, tant ils étaient persuadés de n'en sortir que pour être enterrés" (Mémoires du maréchal Gouvion Saint-Cyr, tome IV, p. 252).
Dès le 7, les négociations pour la capitulation s'ouvrent; elle est signée le 11 : il y est stipulé que la garnison doit rendre les armes et rentrer en France en passant par la Suisse, sous promesse de ne pas servir avant d'être échangée. "Les officiers, dit Fezensac (p. 514, 515), conservaient leurs armes, leurs chevaux et leurs propriétés particulières. Le départ devait avoir lieu en six colonnes; chaque colonne ayant avec elle 50 hommes et une pièce de canon. Les colonels cachèrent les aigles dans les fourgons; les Autrichiens les demandèrent; on répondit que la garnison se composait de bataillons détachés de divers régiments et que les aigles n'y étaient pas.... Au moins le temps était sombre, continue Fezensac. Le soleil n'éclaira pas cette journée et la tristesse du ciel semblait s'unir à la nôtre. Les généraux s'étaient donné le mot pour rester enveloppés dans leurs manteaux sans marques distinctives de leurs grades. Un général autrichien vint à notre rencontre avec quelques troupes. Je dois dire que nous fumes comblés d'égards et qu'on ne négligea rien pour adoucir l'amertume de notre situation.... Il n'y eut aucune pompe, point de tambours, de musique, point de défilé".
L'effectif des Bataillons du 76e, la veille de la capitulation, est le suivant :
Situation détaillée du 76e de Ligne au 10 novembre 1813 (D'après L. Landais) 35 Officiers présents, 7 aux hôpitaux - Total : 42 Total : 798 présents; 519 aux hôpitaux; 29 disparus - Total général : 1346 hommes |
La première colonne se met en marche le 12, les autres suivent. Mais on a trop compté sur la bonne foi des alliés : les souverains alliés refusent de reconnaître cette capitulation. Les Français doivent rester en antonnement dans les environs d'Altenbourg et de Géra. Le 1er décembre, les soldats apprennent qu'ils vont être conduits en Bohême comme prisonniers de guerre et les Officiers en Hongrie ("Bientôt (17 novembre), dit le général duc de Fezensac dans ses Souvenirs (p. 151), une nouvelle étrange circula. Personne ne pouvait y croire. Le prince de Schwartzemberg refusait de ratifier la capitulation et nous déclarait prisonniers de guerre. Le maréchal Saint-Cyr invoqua la foi des traités... On répondit que le général Klénau avait outrepassé ses pouvoirs, qu'il en serait puni... Au surplus, ajoutait Schwartzemberg, comme le maréchal Gouvion Saint-Cyr a agit de bonne foi, on lui offre de rentrer dans Dresde. On lui rendra ses armes, ses moyens de défense et le siège recommencera. Le maréchal répondit que cette proposition était dérisoire... Le ler décembre, on reçut l'avis officiel que... nous allions être conduits en Hongrie, comme prisonniers de guerre. Nous fûmes justement indignés d'une pareille mauvaise foi... Et personne ne nous a blâmés d'avoir traité à des conditions que l'ennemi refusait d'accomplir"). C'est une violation flagrante du traité; mais contre les Français, tout semble légitime à des ennemis qui, ayant perdu depuis longtemps l'habitude de vaincre, sont éblouis par la victoire et se croient tout permis. Quant aux Français, trahis par la fortune, ils n'ont plus qu'à se résigner.
Tous les officiers de la garnison sont mis en captivité à Presbourg : partis en une seule colonne le 3 décembre, ils arrivent à Presbourg le 6 janvier selon L. Landais, le 14 janvier 1814 selon Fresnel. "Il ne faut pas demander à Presbourg, dit Fezensac (p. 512), la tenue, la distinction, la conversation de Paris; cependant on y trouve une société douce et agréable, des moeurs faciles, des hommes sans prétention, des femmes légères. On est reçu partout, a toute heure, sans toilette et sans cérémonie"), pendant que la troupe est disséminée dans les environs de Prague. Ainsi sont dispersés ces braves Bataillons. Leur valeur, leur activité, leur énergie dans les épreuves et leur jeunesse même méritaient mieux que cela !
Le 28 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre ...Il sera formé un nouveau corps d'armée qui prendra le n° 7, et qui sera composé de trente-six bataillons ou de trois divisions, formées ainsi qu'il suit : 1re division : 12e léger, 3e et 4e bataillons ; 8e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 24e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 27e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 28e de ligne, 2e et 4e bataillons ; 34e de ligne, 3e et bataillons ; total, 12 bataillons ; 2e division : 27e léger, 2e, 3e et 4e bataillons ; 45e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 58e de ligne, 2e, 3e et 4e bataillons ; 64e de ligne, 3e et 4e bataillons ; 81e de ligne, 6e bataillon ; 60e de ligne, 4e bataillon ; total, 12 bataillons ; 3e division : 75e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 76e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 79e de ligne, 3e et 4e bataillons ; 88e de ligne, 2e et 3e bataillons ; 94e de ligne, 3e bataillon ; 100e de ligne, 2e, 3e et 4e bataillons ; total, 12 bataillons. En tout pour le 7e corps, 36 bataillons.
Les administrations, l'artillerie et le génie qui étaient attachés au 14e corps le seront au 7e corps.
Les dépôts enverront à leurs bataillons respectifs les détachements nécessaires pour les porter au complet ; et ceux des bataillons dénommés ci-dessus, qui se trouvent dans les dépôts, se rendront sans délai à Strasbourg, où ce corps se formera ...
Le 7e corps, formé comme il a été dit ci-dessus, sera de trente-six bataillons ...
RÉCAPITULATION.— ... 7e corps, trente-six ...
Tous ces bataillons doivent se trouver complétés moyennant l'appel de la moitié des 300,000 hommes, ou si cela ne suffisait pas, moyennant un supplément sur la conscription de 1815.
II faudra me renvoyer cet état quand vous l'aurez corrigé, et comme la répartition des 160,000 hommes est déjà faite, la répartition des 140,000 hommes, que j’appelle sur la levée des 300,000 pour l'armée du Rhin, doit servir à compléter tous ses bataillons. Il n'y a, d'ailleurs, que l'état en cent colonnes qui puisse bien déterminer cela. Les cadres qui ne pourraient pas être remplis le seront sur la conscription de 1815.
NAPOLÉON.
P. S. On égalisera par la suite tous les corps, chacun à trois divisions de quatorze bataillons, ou quarante-deux bataillons par corps, ce qui, multiplié par huit, fait trois cent trente-six bataillons ou vingt-quatre divisions ; mais c'est une opération de détail qui se fera plus tard" (Correspondance de Napoléon, t. 26, 20943 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37291).
A noter avant de terminer sur cette partie que le 15 décembre 1813, à Paris, l'Empereur décrète : "... 7e corps. Il sera formé un 6e bataillon ... aux 8e, 24e, 27e, 28e, 34e, 45e, 58e, 60e, 64e, 81e, 75e, 76e, 79e, 88e, 94e et 100e de ligne" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 1242).
Le 18 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, le 1er corps bis prendra le nom de 1er corps ...
Le 7e corps d'armée ne sera pas formé, et ses bataillons feront partie du 1er corps, savoir :
Le 8e de ligne, le 24e, le 27e, le 28e, le 34e, le 45e, le 58e, le 64e, le 75e, le 76e, le 88e, le 94e, le 100e, le 12e léger et le 27e léger.
Ainsi le 1er corps sera composé de la manière suivante :
13e d'infanterie légère (3e, 4e et 6e bataillons), 3 bataillons ; 12e d'infanterie légère (6e bataillon), 1 bataillon ; 27e d'infanterie légère (6e bataillon), 1 bataillon ; 17e de ligne, 3 bataillons ; 21e de ligne, 3 bataillons ; 25e de ligne, 3 bataillons ; 33e de ligne, 3 bataillons , 36e de ligne, 2 bataillons ; 51e de ligne, 3 bataillons ; 55e de ligne, 3 bataillons ; 85e de ligne, 3 bataillons ; 8e de ligne, 2 bataillons ; 24e de ligne, 2 bataillons ; 27e de ligne, 2 bataillons ; 28e de ligne, 2 bataillons ; 34e de ligne, 2 bataillons ; 45e de ligne, 1 bataillon ; 58e de ligne, 2 bataillons ; 64e de ligne, 1 bataillon ; 75e de ligne, 1 bataillon ; 76e de ligne, 1 bataillon ; 88e de ligne, 2 bataillons ; 90e de ligne, 1 bataillon ; 100e de ligne, 1 bataillon
Total 48 bataillons ...
Ces dispositions porteront le 1er corps à 52 bataillons ...
Il est indispensable que vous expédiiez dans la journée, par estafettes extraordinaires, ces nouveaux ordres aux généraux commandant les divisions militaires, afin que les 16 régiments qui devaient envoyer des détachements pour reformer le 14e corps à Strasbourg ne les fassent pas partir. Ceux qui seraient partis seront incorporés, comme je l'ai précédemment ordonné, dans le 2e corps à Strasbourg, et les cadres retourneront à leurs bataillons ...
Il n'était encore parti que 7 détachements formant 1800 hommes des bataillons qui devaient former le 7e corps à Strasbourg ; ils arrivent en ce moment à Strasbourg. Ces 1800 hommes seront incorporés, comme je l'ai ordonné dans le 2e corps. Les cadres retourneront à leurs dépôts ...
Je me dépêche de vous envoyer ces décisions parce que l'expédition des ordres qu'elles exigent est urgente.
ÉTAT C
ÉTAT A
Distribution du 1er corps en 3 divisions
... 3e division
1 bataillon du 21e ; 3 bataillons du 25e ; 3 bataillons du 33e ; 3 bataillons du 55e ; 3 bataillons du 85e ; 1 bataillon du 64e ; 1 bataillon du 75e ; 1 bataillon du 76e ; 1 bataillon du 81e ; 1 bataillon du 100e ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37606).
"ORDRES CONCERNANT LA COMPOSITION DES CORPS D’ARMÉE.
Paris, 21 décembre 1813.
Le général Maison est nommé commandant du 1er corps d’armée à Anvers ; le major général lui donnera l’ordre de partir demain pour se rendre dans cette place ; le général Roguet et le général Lefebvre-Desnoëttes seront sous ses ordres.
Le major général donnera l’ordre au général Grouchy de partir de suite pour se rendre à Strasbourg, où il prendra le commandement en chef de la cavalerie de l’armée.
… Le 1er corps d'armée, commandé par le général Maison, sera composé de trois divisions, savoir :
... 3e division : 11e de ligne, deux bataillons ; 30e, un ; 33e, trois ; 55e, deux ; 64e, un ; 75e, un ; 76e, un ; 85e. deux ; 88e, deux ; 94e, un ; 100e, un ; total, dix-sept bataillons.
Cette division pourra être commandée par le général Carra Saint-Cyr ..." (Correspondance de Napoléon, t. 26, 21024).
Selon un situation du S.H.A.T., il était prévu, dans la nouvelle organisation de l'Armée établie par l'Empereur, d'insérer dans le 1er Corps commandé par le Général Maison, le 6e Bataillons du 76e :
Situation détaillée du 76e de Ligne en décembre 1813 - janvier 1814 (S.H.A.T. C2 555) 1er Corps d'Armée, 3e Division |
N/ L'invasion
1/ Opération de l'Armée d'Espagne sur la frontière
Nous avons laissé le Général Foy à la date du 29 mai, au passage de la Bidassoa. L'Armée du Portugal, commandée par le Général Reille, prend position sur les montagnes qui dominent Vera vers la France; elle occupe les défilés de Berra et d'Echalar. L'Armée anglaise, suivant les divisions françaises dans leur retraite, arrive presque aussitôt qu'elles sur la Bidassoa. Elle occupe les cols de Berra, de Maya, de Roncevaux et le débouché des vallées de Rastan et Baigorry. Les Anglais n'osent pas encore entrer résolument sur le territoire de France.
L'armée de Portugal est donc derrière la Bidassoa lorsque, par Décret daté de Dresde le 1er juillet, le Maréchal Soult, Duc de Dalmatie, reçoit le commandement en chef de l'armée d'Espagne qui est réorganisée à 9 Divisions. Les trois premières (ancienne armée de Portugal), sous les ordres du Comte Reille, forment l'aile droite de la nouvelle armée; le centre est confié au Général Drouet d'Erlon; l'aile gauche, au Général Clausel. Le 1er Bataillon du 76e (Commandant Portemont, 20 Officiers et 817 hommes dont 36 détachés et 83 aux hôpitaux ou en congé) continue à faire partie de la 2e Brigade Fririon (composée de deux Bataillons du 65e, deux Bataillons du 69e et le 1er Bataillon du 76e) de la 1ère Division (Foy).
Le 14 juillet, Soult fait l'inspection de toutes les positions militaires de sa ligne, et ordonne à Reille de jeter deux ponts sur la Bidassoa, à Biriaton. Le nouveau Général en chef concentre son armée à Saint Jean Pied de Port. Le 20, les troupes de Reille, qui sont en position au dessus de Vera et de Sare, sont relevées par d'autres, et se dirigent par Cambo sur Saint Jean de Pied de Port; mais des pluies continuelles enflent les torrents et gâtent les routes de telle sorte que les troupes de Reille sont obligées de renoncer à la route de Cambo et de passer par celle de Bayonne. Reille, et donc la Division Foy, n'arrive à Saint Jean Pied de port que le 24 juillet; les troupes épuisées par cette marche pénible, y retrouvent les Divisions qui forment l'aile gauche, déjà arrivées.
Dès le lendemain, Soult se met en mouvement dans la direction de Pampelune. Dans la matiée, les trois Divisions du Général Reille, qui étaient concentrées sur le versant droit du Val Carlos, près du rocher d'Airola, gravissent ce rocher au point du jour, et s'avancent par le sommet des hauteurs vers un point culminant de la grande chaîne des Pyrénées appelé le Lindoux. En arrivant sur ce point, le 6e Léger, qui est en tête de colone, se trouve tout à coup en présence du 20e Régiment anglais; il le culbute à la baïonnette. Cette position domine dans toute son étendue la ligne de retraite de l'ennemi. Pendant ce temps, Clausel, avec l'aile gauche, est arrivé au pied du col de Ibaguetta. Un brouillard épais, qui couvre la vallée empêche de continuer le combat et pendant la nuit, les anglais se replient sans bruit sur Zibury. Dans cet engagement, le Lieutenant de Montoviller, du 76e, est tué (au col de Maya selon Martinien qui cite également le Lieutenant Huvic, tué).
La marche en avant est reprise le 26 à la pointe du jour. Mais le brouillard est très épais sur le sommet de ces montagnes, élevées de 5000 pied au dessus de la plaine. Les guides de Reille, qui se sont égarés, refusent de conduire les troupes le long des crêtes pour gagner le col de Belate, qu'il soit important d'occuper afin de se lier aux Divisions du centre. A dix heures, ce Général n'ayant pas d'autre parti à prendre, descend par le défilé de Mendichuri sur Espinal où il s'établit. Sout, quoique arrivé dans l'après midi devant la position de Zibury, où se sont concentrés les Alliés, remet l'attaque au lendemain. Ce retard donne le temps à l'ennemi de recevoir des renforts considérables.
Le 27 au matin, les Anglais, sous les ordres du Général Picton, évacuent la vallée de Zibury, suivis par les Français, le Corps de Reille s'avançant par la rive gauche de la rivière de Guy. Les Anglais prennent position au débouché de la vallée de Zibury, sur un terrain échelonné en plateaux et offrant les plus grandes difficultés à gravir, la gauche s'appuyant à un torrent qui coule parallèlement à la route de Pampelune, la droite touchant à des mamelons disposés de façon à ne pouvoir être tournés.
La Division Foy occupe, dans le val de Zibury, avec la 2e Division, le village de Zabaldica. La configuration du terrain ne permet pas aux Français de déployer leurs colonnes d'attaque, ce qui les force d'agir par Divisions successives. Les escarpements sont gravis au pas de course; mais les alliés attendent les soldats un peu en arrière de la crête des positions et là les reçoivent par des feux de file qui les contraignent à rétrograder. Chaque Division fait successivement une tentative pareille et n'est pas plus heureuse. Un violent orage vient hâter l'arriver de la nuit et mettre fin au combat.
Le 28 juillet, Soult fait traverser la rivière de Lanz aux Divisions de Clausel et leur fait gravir le prolongement des hauteurs occupées par les alliés; les deux premières Divisions de Reille, venant de la montagne par Zabaldica, doivent diriger chacune une Brigade contre les hauteurs en la faisant soutenir par la deuxième Brigade. Vers midi, le combat commence par une nuée de Tirailleurs qui se répandent sur toute la surface de la montagne; les colonnes d'attaque les suivent mais, arrivées au sommet, elles reçoivent à bout portant le feu des Anglais. Quatre fois ces colonnes reviennent à la charge, quatre fois elles sont repoussées. Le Sous lieutenant Caron, selon Martinien, est blessé.
Le 29, les deux armées restent en position, sans tirer un coup de fusil. Soult, après avoir renvoyé en France son artillerie et ses blessés, se décide à la retraite, ne pouvant forcer les lignes ennemies. Il revient s'établir, le 30, en avant de Saint Jean Pied de Port. Le Corps de Reille prend cette direction. Le 30, à six heures du matin, la Division Foy et suit le sommet de la montagne pour se rendre de Zabaldica à Saurorem. Elle est alors attaquée par la 4e Division anglaise et se trouve ainsi coupée du gros de l'armée. Cependant, le Général Foy, en suivant la crête de la montagne, entre la vallée de Zibury et la vallée de Lanz, et en se servant des bois, opère sa retraite sans éprouver une grande perte. Mais il ne descend ni dans l'une, ni dans l'autre de ces vallées, et se voyant entièrement coupé, il se dirige sur les Aldudes par le défilé d'Urtiaga, après avoir fait connaitre à Soult sa position. La Division Foy arrive à Cambo non sans peine le 31. De là, elle reçoit l'ordre de retourner sur ses pas et de renforcer ses troupes de tout ce qu'elle peut rassembler de Gardes Nationales et de détachements, afin de couvrir Saint Jean Pied de Port et les routes qui conduisent en France dans cette direction. Le 1er Bataillon du 76e occupe le camp d'Orogne. Les Sous lieutenants Caron et Blanchon ont été blessés (Martinien ne cite que Blanchon) au cours de toutes ces périginations.
Au 1er août, le 1er Bataillon du 76e (Portemont) comprend 20 Officiers, 728 soldats ; 36 hommes sont détachés, 80 aux hôpitaux, 3 en congé. Effectif total : 867 hommes.
Le mois d'août est employé à réorganiser l'Armée et à fortifier les positions en faisant construire des ouvrages, en barrant les routes et en organisant défensivement les villages.
Situation de l'Armée française au 10 août 1813 Aile droite (QG à Urtubie) : Général de Division (Lieutenant général) Reille Source : S.H.D C8 372 |
Vers la fin du mois, Soult décide de faire une tentative pour dégager Saint Sébastien. Les trois Divisions de Reille forment l'attaque de droite; quatre Divisions sous les ordres de Clausel celle de gauche; enfin, d'Erlon, avec trois autres Divisions, la réserve.
La Division Foy se met en mouvement le 29 par la route de la Houssoa; elle descend la Nive, franchit cette rivière à Cambo et passe la nuit à Espelette, ne laissant que des Gardes nationales pour couvrir Saint Jean Pied de Port. Le 30, elle repart d'Espelette et par les ponts d'Almotz et de Serres, et atteint Saint Jean de Luz où le Corps de Reille est concentré. Ces troupes se tiennent pendant la journée du 30 en arrière de la montagne de la Croix des Bouquets, du mont Louis XIV et du Mendale près de Biriaton. La Division Foy forme la réserve du Corps de Reille.
Le 31, au point du jour, les 2e et 3e Divisions du Corps Reille passent la rivière la Bidassoa au pont de Biriatou, mais ayant attaqué sans ensemble, elles sont rejetées au delà de la rivière. La Division Foy, qui n'a pas encore traversé la Bidassoa, est envoyée sur les hauteurs de Serre derrière la Nivelle, où le Maréchal Soult se propose de livrer une bataille générale. Une effroyable tempête survient à trois heures de l'après midi, comme il en éclate quelquefois dans les montagnes, suspend le combat. Pendant la nuit, les Français repassent la Bidassoa ; le 2 septembre, toute l'armée revient sur la rive droite et prend ses cantonnements. Aucun autre évènement remarquable n'a lieu durant tout le mois de septembre; l'Armée est occupée seulement à construire des ouvrages en terre en avant des lignes.
La Division Foy occupe d'abord le camp d'Espelette; le 1er Bataillon du 76e y séjourne. Le Maréchal Soult profite de ce répit pour faire quelques modifications dans la composition de ses Divisions. Le 8 septembre 1813, Nicolas Balhan, originaire de Liège, soldat à la 4e Compagnie du 1er Bataillon, écrit à ses parents depuis Bayonne : "Je ne veux rien savoir de vos misères. J'en ai bien assez depuis le 25 juillet. Nous avons été pour délivrer nos amis qui étaient bloqués dans le fort de Pemplune. Nous n'avons pas "poulu" à cause qu'ils étaient trop de monde. Ils étaient toujours à deux cent cinquante mille personnes contre nous soixante mille et ils avaient des pièces, eux, et nous n'en avions pas. Nous avons été serrés partout que nous ne savions pas de quel côté passer. Toutes les routes étaient embouchées. Nous avons passé que nous étions encore à dix mille hommes. Nous sommes retirés en France. Nous tenons la ligne à six lieues de Bayonne. L'ennemi est à une portée de fusil de nous" (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; letre 957).
A la date du 16 septembre, le 1er Bataillon (Portemont) du 76e est à la 1ère Brigade Berlier (1er Bataillon du 6e Léger, 1er et 2e Bataillons du 69e de Ligne et 1er Bataillon du 76e) de la 1ère Division Foy. Son effectif est de 18 Officiers et 576 soldats présents ; 2 Officiers et 212 hommes aux hôpitaux (le nombre des hommes aux hôpitaux s'est accru de 131 depuis trois mois) - total : 808 hommes.
Le 8 octobre, pendant que Soult passe en revue les troupes du camp d'Espelette, les Anglais franchissent la Bidassoa à huit heures du matin, alors que les troupes chargées de la défense du cours de cette rivière se préparent à passer le lendemain la revue du Maréchal et ont démonté leurs fusils. Les Anglais restent maîtres des hauteurs de la Croix des Bouquets et de la Bayonnette, et, pour la première fois, mettent le pied sur le territoire français.
Le reste du mois d'octobre se passe sans combats. De part et d'autre, les troupes s'occupent à fortifier leurs positions. Du côté français, l'armée entière travaille sans relâche à complèter un immense système de retranchements qui, entre la mer et la Nive, présente sur deux lignes un développement de 30 kilomètres. L'on met en réquisition tous les ouvriers et les matériaux que l'on peut trouver dans le pays. On s'occupe en outre à instruire les conscrits qui arrivent. Le temps est du reste très mauvais, la pluie tombant par torrents.
La Division Foy reçoit l'ordre d'occuper Bidarray, entre Cambo et Saint Jean Pied de Port, d'où elle surveille les débouchés du val Baigorry. Elle doit être prête selon les circonstances, à occuper le mont ursouia sur la rive droite de la Nive, ou en marchant par Cambo, à renforcer la position sur la rive gauche de cette rivière. Dans le courant d'octobre, le 1er Bataillon du 76e passe sous les ordres du Chef de Bataillon Ardigaud, le Commandant Portemont ayant été nommé Major; la 1ère Brigade passe sous ceux du Général Fririon.
Dans une lettre crite le 3 novembre de Saint-Jean-Pied-de-Port, Pierre Joseph Micha, originaire de Seraing, soldat dans la 2e Compagnie du 1er Bataillon, raconte que les soldats mal vêtus, souffrent à ce moment de la neige et des intempéries (E. Fairon et H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; letre 985). On reste ainsi sans rien entreprendre jusqu'au 10 novembre.
La nouvelle du désastre de Leipzig est un coup de foudre pour l'Armée des Pyrénées; de son côté, Wellington à cette nouvelle se décide à envahir le midi de la France. Le 10 novembre, au point du jour, l'armée anglaise aborde nos lignes entre la Nivelle et la Nive; celles ci tombent entre les mains de l'ennemi; les Français sont rejetés à deux lieues environ en arrière, la gauche appuyée à Ustaritz, la droite à Bidard et à la mer. Au premier signal d'un engagement sur la ligne, le Duc de Damatie a donné l'ordre au Général Foy d'attaquer l'ennemi sur son flanc droit en débouchant par Bidarray, afin de faire diversion et de lui donner des inquiétudes pour ses arrières.
Cette attaque est un plein succès. Vers onze heures, la lère Division enfonçe les Bataillons de Mina et les déloge du mont Gorospil; puis, se portant contre le flanc de la Division Murillo, qui couvre la droite et les derrières des Anglais, il la force à battre en retraite et la poursuit jusqu'au col de Maya, en lui enlevant 150 prisonniers, des troupeaux et tous ses bagages. Par cette heureuse diversion, Foy sauve l'armée d'Espagne qui a été repoussée par les Anglais à plusieurs kilomètres des lignes. (Martinien cite à cette date le Capitaine Baron, blessé au combat de Sarre ?).
"Le général Foy au maréchal Soult.
Mont Gorospile, 10 Novembre 1813.
La division que je commande est partie de Bidarray au premier coup de canon qu'on a entendu sur la droite, pour se porter sur le mont Hartza. L'ennemi occupait avec un bataillon la montagne d'Igoustebégui qu'il n'avait pas encore occupée jusqu'à présent. Cette circonstance m'a forcé de masser ma division plus en arrière, afin de ne pas être aperçu. La troupe étant reposée et formée, j'ai fait monterà la montagne d'Igoustebégui. Trois compagnies du 39e ont suffi pour déloger le bataillon ennemi ; le reste des troupes ennemies, c'est-à-dire les six bataillons de la division Morillo et le 3e et le 4e de Mina, formant ensemble une force de près de 5.000 hommes, occupait la forte position du Gorospile. J'ai lancé sur eux en tirailleurs trois compagnies du 39e. La 1re brigade, commandée parle général Fririon, les suivait immédiatement. Les Espagnols ont défendu la position avec autant de bravoure qu'auraient pu le faire les meilleures troupes. Ils ont été abordés à la baïonnette, enfoncés et poussés avec une telle vigueur qu'ils n'ont pas eu le temps de faire halte et de se rallier ni au rocher d'Ausastegui, ni dans les ouvrages défensifs qui sont entre le Gorospile et le col de Maya. On les a culbutés dans la vallée de Bastan, où ils se sont enfuis au-delà d'Errazu. Les équipages de plusieurs régiments d'infanterie et de cavalerie anglaises étaient à Maya, sous la garde d'un détachement de la 6e division anglaise et d'une centaine de chevaux des 13e et 14e dragons. Ces équipages ont été pris ; mon avant-garde allait s'emparer de tous les bagages du corps du général Hill, réunis à Erazzu, quand j'ai appris ce qui se passait au centre de l'armée. Alors j'ai rappelé mes troupes.
Nous avons tué et blessé beaucoup de monde à l'ennemi. Nous avons fait une centaine de prisonniers, parmi lesquels se trouvent un officier et 20 soldats anglais. Les soldats ont pris 150 chevaux ou mules chargés d'effets. Notre perte ne va pas à 180 hommes tués ou blessés; je regrette vivement M. le colonel Guinaud du 69e régiment. Je prie V. E. de donner ce régiment à M. le chef de bataillon Duplan du 39e, officier rempli de capacités et de vigueur. Je dois des éloges particuliers à M. le colonel Thévenet du 39e, à M. le chef de bataillon Guingret du 6e léger, aux capitaines Bazas du 76e et Rose du 69e, au lieutenant Arthur Foy, mon aide de camp, ces trois derniers officiers ont été blessés en enlevant la position du Gorospile" (Girod de l'Ain, Vie Militaire du Général Foy, pages 406-407).
Cependant, craignant à son tour d'être coupé, Foy juge convenable de se replier pendant la nuit ; il atteint Cambo et Ustaritz le 11 novembre, assez à temps pour relever dans ses postes la Division Ablé. Le 12, la tête de pont de Cambo est attaquée par une reconnaissance anglaise. Les ouvrages, quoiqu'à l'épreuve, sont mal défilés. Plongée par la division anglaise, la Division Foy perd quelques hommes, mais son artillerie fait taire cele de l'ennemi. Le 16, la tête de pont de Cambo est de nouveau attaquée, et l'Officier qui commande fait sauter le pont. Cependant, Soult ayant reconnu que, par suite des pluies abondantes qui tombent tous les jours, la Nive n'est plus guéable qu'au dessous de Cambo et d'Iatu, décide d'en faire sa ligne naturelle de défense. La Division Foy reçoit pour mission de défendre le passage de la rivière entre Cambo et Iatu; la 2e Brigade est cantonnée dans le bas Cambo. Le mauvais temps réduit momentanément les deux armées à l'inaction. Cependant, le 19 novembre, aux avant-postes, le Capitaine Bassas reçoit un coup de feu au pied gauche.
Le temps, qui est devenu meilleur dans les premiers jours de décembre, permet de reprendre les hostilités. Le matin du 9 décembre, les alliés réussissent à passer la Nive à gué au dessous de Cambo (entre Cambo et Iatu). La Division Foy, après avoir opposé la plus vigoureuse résistance, est obligée de se replier sur les hauteurs en arrière. Elle prend position à la ferme de Lormentua. La 2e Brigade restée au bas de Cambo se trouvant, par suite du passage de la Nive au dessus de ce point, séparée du reste de la Division, le Général Berryer, qui la commande, se replier par la route de Saint Jean Pied de Port, sans être poursuivi par l'ennemi qui craint une surprise dans ce pays qu'il ne connait pas assez.
Le Général Berryer, ayant fait halte avec sa Brigade, manoeuvre sur le flanc de la colonne anglaise, traverse le bois d'Hasparen et rejoint le Général Foy vers deux heures de l'après midi, à la ferme de Lormentua, sans avoir esuyé aucune perte. La Division Ablé, cantonnée à Monguerre, est envoyée au secours du Général Foy; ces deux Divisions se battent avec acharnement et tiennent en échec l'ennemi à la ferme de Lormentua, qu'il ne peut dépasser.
Le lendemain, Soult, voulant empêcher l'ennemi de repasser la Nive, concentre ses forces et attaque sur tous les points. Les Divisions Foy, Boyer, Leval, les réserves du Général Villate sont destinées à agir directement sur Bidart sous les ordres du Général Reille. Toute la nuit, une pluie abondante est tombée ; vers le matin cependant, le temps s'éclaircit et l'affaire s'engage. Le Général Reille, avec deux Divisions, s'empare du bois de Barouillet et s'avance sur Bidart, où les Anglais, embusqués derrière les haies et les fossés, arrêtent nos soldats par un feu terrible. La Division Foy soutient à gauche cette attaque en s'emparant du plateau qui relie Bussussary à Barouillet. Il est alors deux heures. Soult vient de donner l'ordre d'attaquer sur toute la ligne, lorsque des renforts survenus aux Anglais le déterminent à arrêter ce mouvement. Dans la nuit, la Division Foy se retire sur Bussussarry, où elle reste pendant les journées du 11 et du 12 décembre.
Dans la nuit du 12 au 13, Soult établit cinq Divisions sur la rive droite de l'Adour en passant par Bayonne; elles viennent camper avant le jour en face et au bas de Saint Pierre d'Irube de Bayonne (près de Bayonne). La Division Foy, toujours à l'extrême gauche, s'est rapprochée d'Ustaritz. Cependant, les Français commettent la faute d'allumer des feux qui donnent l'éveil aux Anglais.
Le 13, à 7 heures du matin, La Division Ablé attaque de front la position de Saint Pierre d'Irube, la Division Daricau s'avance à gauche pendant que la Division Foy s'avance sur le vieux Mouguerre pour attaquer la droite. L'ennemi est abordé avec la plus grande résolution sur toute la ligne. La Division Foy et une Brigade de la Division d'Armagnac précédées par sic pièces d'artillerie à cheval, s'emparent de la montagne de Partouhira et se trouvent ainsi en potence sur le flanc droit des Anglo-Espagnols, au moment ou Soult avec la Division Ablé atteint de son côté les positions de Saint Pierre. L'ennemi refoulé sur toute la ligne va être contraint à la retraite. C'est alors qu'un renfort considérable lui arrive. De part et d'autre, une lutte acharnée s'engage dans laquelle nos soldats épuisés par l'entrée en ligne successive des troupes fraîches de l'ennemi doivent céder à. leur tour. La retraite se fait en bon ordre, couverte par un rideau de tirailleurs qui ne cessent le feu qu'à la nuit.
La bataille de Saint Pierre est l'une des plus sanglantes de toute la guerre de la Péninsule. Wellington déclare qu'il n'a jamais vu de champ de bataille couvert d'autant de morts. Le Bataillon du 76e a eu 56 hommes tués ou blessés; le Capitaine Etienne Gaspard Edouard Chaigneau (mort le 3 janvier 1814 selon Martinien) et le Lieutenant Claude Massibot sont au nombre des blessés. Martinien mentionne également le Sous lieutenant Dupont, blessé et mort le 31, et le Colonel Thévenet (?), blessé.
Pendant la nuit, Soult passe l'Adour; la Division Foy est placée le long de la rive droite jusqu'à son confluent avec la Gave de Pau, ayant son quartier général à Saint Martin des Signaux. Le Bataillon du 76e se trouve près du confluent du gave de Pau. Le reste de l'Armée française occupe une courbe depuis Saint Jean Pied de Port jusqu'à l'embouchure de l'Adour. Le 20 décembre, le Quartier général de Soult est transféré à Peyrehorade. Telle est la situation respective des deux armées à la fin de 1813.
Le 1er janvier 1814, le 69e est à l'aile droite (Reille), 1ère Division (Foy), 1ère Brigade (Fririon), 1 Bataillons, 520 hommes sous les armes (J. B. Dumas, Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult).
Le mois de janvier se passe sans évènements militaires de quelque importance : l'hiver est rude et pluvieux; la Nive, l'Adour, les gaves, tous les torrents sont débordés et inondent les basses terres et les chemins de traverse, en sorte que les opérations militaires sont vraiment impossible. Le Maréchal Soult met donc ce temps à profit pour remettre de l'ordre dans les unités, et achever l'instruction des recrues qu'il vient de recevoir. Notre Bataillon reçoit lui même en janvier des conscrits des départements de la Roërs, du Mont-Tonnerre et du Pas de Calais. L'instruction de ces recrues est activement poussée jusqu'à la reprise des opérations. A la date du 16 janvier, le 1er Bataillon du 76e fait toujours partie de la 1ère Brigade (Fririon) de la 1ère Division Foy. Le Quartier général de la Division est à Bidache; le 76e, qui est revenu sur la rive gauche de l'Adour, cantonne alors à Hastingues (Hastingeas), sur les hauteurs de la rive droite du gave d'Oloron. Son effectif est le suivant : 746 hommes dont 17 Officiers présents, 2 détachés à Bayonne, 2 à l'hôpital; et 534 soldats présents, 7 détachés à Bayone et 184 à l'hôpital.
Situation détaillée du 76e de Ligne au 22 janvier 1814 (d'après Cdt Clerc : Campagnes du Maréchal Soult dans les Pyrénées Occidentales 1813-1814) Armée d'Espagne, Maréchal Soult, Aile droite : Général Reille |
2/ Bataille d'Orthez
Les pluies abondantes qui tombent en décembre et en janvier ont transformé la Nive, les gaves et 1'Adour en torrents impétueux impossibles à franchir. Les débordements de ces cours d'eau inondent la plaine et mettent sous l'eau les chemins de traverse. En février, le froid augmente et de fortes gelées permettent aux alliés de passer les gaves sur la glace. Le 14 février, les Anglais attaquent notre aile gauche, et le Maréchal Soult, craignant d'être tourné, se replie derrière le gave d'Oloron. Notre Bataillon franchit le cours d'eau à Sordes, le 16.
Les Alliés, parvenus devant Sordes dès le 18, forment d'abord le projet de franchir l'Adour au dessus de Bayonne, puis, abandonnant cette idée, se portent de nouveau contre la gauche des Français. Ceux ci abandonnent le gave d'Oléron et se portent sur Orthez derrière le gave de Pau, position moins étendue et plus aisée à défendre.
Toute l'armée française se trouve unie, le 26, autour d'Orthez, dont les hauteurs présentent, sur un front de trois kilomètres, une succession de rideaux d'un accès assez difficile. La Division Foy qui forme, avec la Division d'Armagnac, le centre de nos lignes, sous les ordres du Général Drouet d'Erlon, a été placée à cheval sur la route de Bayonne, à la naissance des collines qui s'élèvent à l'ouest en avant de la ville. Ces hauteurs, d'une étendue d'environ trois quart de lieue, présentent une suite de rideaux inégaux d'un accès assez difficile.
Le 27 au matin, Wellington, après avoir reconnu la position, se décide à l'attaquer sur toute son étendue. L'action commence vers neuf heures. L'armée anglaise aborde notre position sur toute son étendue; elle est repoussée. Au premier choc, une colonne de la Division Picton, qui cherche à gravir une crête en arrière de laquelle se trouve la Division Foy, est repoussée vivement : chargée à la baïonnette au moment où elle atteint le sommet de la hauteur, elle est culbutée et s'enfuit en désordre, en laissant entre nos mains quelques prisonniers. Le Lieutenant Benoît Joseph Caron est blessé dans cette première phase du combat. Martinien cite également le Lieutenant Castettan.
Wellington fait renouveler l'attaque en lançant en masse les Divisions Picton et Clinton sur la gauche de la Division Foy, pendant que le 52e Régiment anglais, traversant les marais, aborde les hauteurs occupées par les Français et les attaque sur la droite. Ce plan réussit pleinement. Pendant que les soldats luttent courageusement contre les 3e et 6e Divisions anglaises, les soldats du 52e de précipitent avec de grands cris, et en faisant un feu roulant sur l'autre flanc de la Division Foy. C'est dans ce moment que le Général Foy tombe grièvement blessé ! Découragée par l'absence de son chef, engagée contre des forces triples, surprise par la force de l'attaque, la Division Foy, "commença à regarder derrière elle, dit le commandant F. Koch (Mémoires pour servir à l'histoire de la campagne de 1814, t. II, p. 288). Bientôt son mouvement rétrograde détermina celui des divisions placées sur ses flancs". Après quelques efforts impuissants, le Maréchal Soult, également forcé sur sa gauche, ordonne la retraite générale sur Saint Sever. Le mouvement s'exécute avec calme en défendant les collines l'une après l'autre. Nous devons signaler ici un escadron du 21e Chasseurs, dont le dévouement arrète un instant la Division portugaise qui serre de trop près la Division Foy. Conduit par le Commandant Leclerc, l'escadron du 21e Chasseurs se jette sur l'ennemi avec une telle vigueur qu'il fait mettre bas les armes à tout un Bataillon portugais. Mais bientôt il est lui même enveloppé, Leclerc refuse de se rendre et se fait jour à coups de sabre; 7 cavaliers seulement réussissent à rentrer avec lui dans nos lignes.
L'armée française s'étant réunie et reposée quelques heures au Sault de Navailles, continue pendant la nuit sa retraite sur Hegetmau et atteint Saint Sever en deux marches. Le 1er mars, elle est réunie sur l'Adour. Voici quel est l'effectif du Bataillon du 76e commandé par le Chef de Bataillon Artigaut à cette date :
Effectif : 678 - Officiers : 18 présents, 2 détachés à Toulouse, 3 à l'hôpital; soldats : 473 présents, 12 détachés à Toulouse, 170 à l'hôpital.
Le Bataillon du 76e a perdu devant Orthez, et dans sa retraite sur Saint Sever, 61 hommes tués ou blessés.
Situation détaillée du 76e de Ligne au 1er mars 1814 (SHAT) Armée d'Espagne, Maréchal Soult, Centre |
3/ Bataille de Toulouse
Soult renonçant à couvrir Bordeaux, décide de se retirer sur Tarbes, en remontant l'Adour; c'est une manoeuvre à peu près semblable à celle de Frédéric II levant le siège d'Olmütz. Celui-ci, au lieu de se retirer sur ses Etats et d'y attirer l'ennemi, les sauva en faisant un mouvement parallèle à leur frontière pour envahir la Bohème. Les Divisions Foy et d'Armagnac, sous les ordres de d'Erlon, occupent Cazères, sur la rive droite d'où elles sont repoussées en combattant jusqu'à Barcelone. De là, d'Erlon gagne Marciac, couvrant la route d'Auch. L'Armée est réorganisée : le Général Darricau remplace le Général Foy à la tête de la 1ère Division. Wellington établit son quartier général à Aire.
Le 10 mars, le 76e est au centre (d'Erlon), 1ère Division Paris puis Darricau, 1ère Brigade Fririon (avec les 6e Léger et 69e), 1 Bataillons, 491 hommes (J. B. Dumas, Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult).
Le 12 mars, Soult concentre ses Divisions à Maubourguet et se porte en avant vers Aire, dans l'intention d'attaquer l'ennemi, qu'il suppose affaibli par l'envoi de ses forces sur Bordeaux. La forte position des Anglais et la nouvelle de l'évacuation de Bordeaux fait prendre à Soult la résolution de se retirer le 16, avant le jour, sur Lembaye et, de là, sur Toulouse.
Jusque là, il semble que le Bataillon du 76e n'a pris part à aucun engagement. Le 18 mars, la Division Darricau, commandée provisoirement par le Général Paris, forme l'avant-garde du Corps d'Erlon. La colonne se dirige de Maubourguet sur Vic de Bigorre. En arrivant devant cette ville, l'avant-garde est brusquement attaquée par la cavalerie du Général Fane (qui a repoussé, la veille, la cavalerie française sur Rabastens et occupe Vic de Bigorre). Nos soldats n'ont pas le temps de former les carrés. Ils se jettent en toute hâte dans les vignes situées à environ une lieue de la ville, pour se soustraire au choc de l'ennemi. Les premières charges sont repoussées mais vers 2 ou 3 heures, la cavalerie Fane se trouve renforcée par l'arrivée de la Division Picton qui attaque les Français avec vigueur. La situation est des plus critiques. La Division Paris, attaquée de front par Picton, et sur son flanc droit par la cavalerie allemande, est bientôt mise en déroute. Mais la Division d'Armagnac, qui s'est déployée derrière elle, entre en ligne et renouvelle le combat. Cette intervention de la 2e Division du Corps d'Erlon permet de battre en retraite en bon ordre derrière Vic de Bigorre, où d'Erlon prend position pour la nuit. L'action a été très chaude.
La marche de Soult à travers la plaine sablonneuse de Gers est très pénible pour les troupes. Soult arrive à Tarbes le 29 mars. L'arrière garde de l'armée française est attaquée vers midi, au moment où elle évacue la ville. Après une courte canonnade, elle se retire en bon ordre sur deux colonnes qui marchent toute la nuit. Elles sont guidées dans leur marche par des feux qu'on a allumés sur des hauteurs comme des points de direction.
De là, il se dirige sur Toulouse par Saint Gaudens et la Garonne. Le Corps de d'Erlon et celui de Reille, qui ont suivi la grande route, atteignent Saint Gaudens le 30. Le 2 avril, l'armée française, malgré le mauvais temps, est en position derrière la Touch, couvrant Toulouse. Martinien cite le Capitaine Arnault, blessé le 14 mars (?) aux avant-postes près de Toulouse.
Situation détaillée du 76e de Ligne au 1er avril 1814 Armée d'Espagne 1ère Division Daricau, 1ère Brigade Fririon Source : J. B. Dumas, Neuf mois de campagne avec le Maréchal Soult. |
Pendant cette longue route d'Orthez à Toulouse, nos Bataillons sont péniblement impressionnés par le mauvais vouloir des autorités, et l'hostilité même des habitants. Lassées du régime impérial, les populations du Midi pressentent la chute de Napoléon, et appellent de leur voeu, avec le retour des Bourbons, la paix à tout prix ("Plus de tyran, plus de guerre, plus de conscription, plus de droits réunis", tel était le mot d'ordre de toutes les proclamations par lesquelles les alliés s'annonçaient en France, pour détacher la nation de l'Empereur et de l'armée). Aussi font elles à nos soldats un accueil des plus froids, comme si cette malheureuse et vaillante armée pouvait être rendue responsable des calamités de la guerre dont elle même avait tant souffert. De ce fait, les soldats, indignés de ce manque de patriotisme, se livrent au pillage et à tous les excès.
Situation détaillée du 76e de Ligne au 10 avril 1814 Armée dEspagne Soult Centre : Lieutenant Général D'Erlon 1er Bataillon : 18 Officier, 472 hommes, 181 hommes absents ou aux hôpitaux : total 671 hommes |
Toulouse, où vient d'arriver l'Armée française, est depuis longtemps le grand dépôt de cette armée et doit être le pivot de toutes ses opérations ultérieures. C'est aussi la seule position où Soult peut espérer obtenir quelques avantages avec une armée aussi faible en nombre.
Le Maréchal fait élever autour de la ville une ligne de retranchements qui en font en quelques jours une position formidable dans laquelle, avec 33000 hommes, il va livrer le 10 avril aux 60000 hommes de Wellington une bataille acharnée où la victoire reste indécise. La Division Darricau, placée sur la rive droite de la Garonne, a pour mission de défendre le canal depuis son embouchure jusqu'à la route d'Alby. Le Bataillon du 76e, occupant la tête de pont construite en avant du pont des Minimes, doit garder ce passage de concert avec le Bataillon du 31e Léger établi dans le couvent. l'effectif du 1er Bataillon n'est plus à cette époque que de 465 présents.
Attaquée vigoureusement dès 7 heures du matin par les Anglais du Général Picton, la Division Darricau soutient les efforts de l'ennemi dans cette position jusqu'à 4 heures du soir. Le Lieutenant Claude Massibot y est blessé (10 avril; Martinien cite également le Capitaine Villain et les Lieutenants Boulan (mort le 11) et Chollet). A ce moment la Division reçoit l'ordre de se porter en deuxième ligne derrière le canal du Midi, qui sert dès lors de deuxième ligne de défense; le combat continue jusqu'à 9 heures. C'est le dernier acte de l'invasion. Le lendemain, la retraite est ordonnée pour onze heures du soir; les troupes, munies de quatre jours de vivres, prennent en bon ordre la direction de Montpellier, pour se joindre aux 14000 hommes de Suchet. Le Corps d'Erlon forme l'arrière garde.
Le 12, l'Armée française s'établit à Villefranche; le 13, elle prend position à Castelnaudary, puis se retire sur Avignon. Le Bataillon du 76e vient tout juste d'arriver à Castelnaudary le 13, quand on apprend la bataille de Paris du 30 mars et l'abdication de Fontainebleau signée depuis le 4 avril. Un armistice est conclu le 19, et les hostilités cessent dans le midi de la France.
4/ Le dépôt à Sarrelouis
Pour terminer le récit des opérations auxquelles le 76e a pris part pendant l'invasion, il nous reste encore à faire connaître le sort du Dépôt qui, depuis avril 1808, tient garnison à Sarrelouis, petite ville de 5000 âmes, patrie du Maréchal Ney, bâtie vers 1680 sur la rive gauche de la Sarre et fortifiée par Vauban. La garnison comprend, outre le dépôt du 76e sous les ordres du Quartier maître (trésorier) Audiguier, les Dépôts des 2e et 10e Cuirassiers, celui du 33e Léger et 400 Gardes nationaux. Aucun préparatif de défense n'a encore été fait, quand le Maréchal Marmont, battant en retraite devant l'Armée de Silésie qui a franchit le Rhin, arrive sur la Sarre, le 6 janvier 1814. Le Maréchal s'occupe de suite de pourvoir à l'approvisionnement de la ville. Le commandant de la place a complètement perdu la tête et ne sait quelles mesures prendre. Le Duc de Raguse, autorisé par les règlements à donner dans cette circonstance un autre commandant à la place, nomme à cette fonction le Colonel Lorrain de Mirelle, du 59e, Officier ferme, capable de créer des ressources et de montrer du courage et de la persévérance.
La garnison est augmentée d'un Bataillon du 59e de Ligne, fort de 200 hommes, ce qui porte à 1200 hommes le nombre des défenseurs. Marmont, après avoir fait sauter le pont de Sarrebruck, et coulé tous les bateaux de la Sarre, porte son quartier général à Forbach.
Le 9 janvier, le Général Katzler, avant-garde du Corps d'York, se porte brusquement sur Sarrelouis, qu'il ne réussit pas à surprendre. N'ayant pu parvenir à franchir la Sarre grossie par les pluies et privée de tous ses bateaux détruits par Marmont, il prend position à Sarrewillingen, face à Sarrelouis. De là, il somme la ville de se rendre avec menace de bombardement en cas de refus. Le Colonel du 59e lui répond qu'il ne se rendra qu'à la dernière extrémité. Le Général Katzler fait aussitôt commencer le feu sur la ville ; le bombardement dure toute la nuit. Le 11 janvier, York, passant la Sarre à la poursuite de Marmont, laisse huit Bataillons et quatre Escadrons pour bloquer Sarrelouis.
Le 21 janvier 1814, l'Empereur, depuis Paris, décrète : "I. Les régiments des dépôts ci-après désignés et ceux de leurs cadres qui n'ont pas de conscrits se rendront, savoir :
... Ceux de la 3e division : 100e et 103e de ligne, 24e et 26e léger, 30e, 33e, 59e, 69e, 61e, 76e, 111e de ligne, 9e léger et 96e de ligne à Beauvais ...
II. Le ministre de la guerre désignera un officier général ou supérieur ou un commissaire des guerres de ceux employés dans le département pour être spécialement chargé de ces dépôts qui seront placés dans les villes ci- dessus désignées ou aux environs ..." (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2736).
Le 21 février 1814, l'Empereur écrit, depuis Nogent-sur-Seine, au Général Hulin, commandant de la 1ère Division militaire : "Monsieur le comte Hulin, je reçois votre état de situation du 20. Je vois une grande quantité d'hommes aux dépôts des 5es bataillons des régiments qui n'ont pas de cadres à fournir : le 27e, par exemple, a son 5e bataillon à Compiègne, 182 hommes ; le 32e, 660 hommes ; le 58e, 688 ; le 61e, 300 (à Beauvais) ; le 76e à Beauvais, 194 hommes ; le 88°, à Paris, 500 hommes ; ainsi de suite. Je vois que le 37e léger a 900 hommes à son 5e bataillon à Beauvais, et son cadre du 3e à Paris, 35 hommes. Mettez plus d'activité dans les mouvements de ces cadres. Faites venir à Paris ce qui est aux 5e bataillons, et complétez les cadres des 3e et 4e bataillons ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 38281).
L'investissement dure jusqu'à la signature de la convention du 23 avril. qui règle l'évacuation du territoire français. Aux termes de l'article 3, "le blocus des places fortes de France devra cesser immédiatement... Les places situées sur le Rhin, non comprises dans les limites de la France de 1792, de même que celles entre le fleuve et ses limites, seront remises dans l'époque de 10 jours.... Leurs garnisons devront sortir avec armes et bagages, propriétés particulières", etc. Par l'article 7, tous les prisonniers doivent être rendus sans rançon. En exécution de cette convention, Sarrelouis est débloqué.
Le lendemain de la signature de cette convention, le Roi Louis XVIII, qui vient de quitter sa retraite de Hartwel, s'embarque à Douvres et prend terre à Calais. La France a changé de maître; une ère nouvelle va s'ouvrir.
O/ 68e Régiment d'Infanterie
1/ Réorganisation du 76e sous le nom de 68e Régiment d'Infanterie
Par Ordonnance royale du 12 mai 1814, les 156 Régiments d'Infanterie existant à l'avènement au trône du roi Louis XVIII, sont réduits à 90 : le 76e est réorganisé sous le numéro 68. Cette réorganisation s'effectue avec les éléments suivants :
- Le Dépôt de l'ancien 76e, qui s'accroit des prisonniers rentrés de captivité par application de l'article 7 de la convention du 23 avril;
- Le 1er Bataillon de l'ancien 76e de Ligne;
- Le 2e Bataillon de l'ancien 143e de Ligne;
- Un détachement et les 2e et 4e Bataillons du 151e de Ligne;
- Les 5e et 6e Bataillons du 33e Léger;
- Le 2e Bataillon du 1er Régiment de Tirailleurs de la Garde impériale.
Le numéro 76 échoit alors à l'ancien 92e de Ligne; mais comme ce Régiment ainsi que l'ancien 76e reprendront leurs numéros 92 et 76 au retour de Napoléon de l'lle de l'Elbe, nous ne citons ici que pour mémoire le 76e de la 1ère Restauration et nous suivrons, pendant cette courte période, le 68e Régiment d'Infanterie. A noter que lorsque Napoléon revint de l'île d'Elbe, le 76e (ancien 92e de Ligne) était en garnison à Bourg (mars 1815); le 12 mars, il se prononça en faveur de Napoléon 1er, ainsi que le 6e Hussards qui était à Dijon. Le Maréchal Ney avait promis à Louis XVIII de ramener Napoléon dans une cage de fer. Le 76e de la 1ère Restauration contribua ainsi à faire revenir le Maréchal Ney sur sa décision, oubliant ainsi la promesse donnée et abandonnant la cause royaliste. Voici ce que dit à ce sujet Henry Houssaye dans son ouvrage "1815, la 1ère Restauration, le Retour de l'île d'Elbe, les Cent-Jours", édité chez Perrin en 1893 : "Le 13 mars 1815, dans la soirée, Capelle, préfet de Bourg, arrive à demi mort de peur. Les habitants l'ont chassé, et le 76e de ligne, qui formait à Bourg la tête de colonne du corps Ney, a passé à Napoléon".
Le 68e se forme à Sarrelouis où est resté, comme nous l'avons vu, le Dépôt de l'ancien 76e. Par l'ordre de mouvement du 31 mai, les éléments du 151e ancien, destinés au 68e nouveau, doivent partir de Metz pour Sarrelouis au reçu dudit ordre. Par l'ordre de mouvement du 5 juin : le 1er Bataillon de l'ancien 76e doit partir de Lavaur le 15 juin, pour arriver à Sarrelouis le 28 juillet. Le 2e Bataillon de l'ancien 143e doit partir de Perpignan le 16 juin, pour arriver à Sarrelois le 31 juillet. Les 2e et 4e Bataillons de l'ancien 151e (220 hommes) doivent partir de Gacé le 12 juin, pour arriver à Sarrelouis le 2 juillet; les 5e et 6e Bataillons de l'ancien 33e Léger doivent partir de Givet le 9 juin, pour arriver à Sarrelouis le 17; enfin le 2e Bataillon du 1er Tirailleurs (13 Officiers, 20 hommes) doit partir d'0rléans le 9 juin, pour arriver à Sarrelouis le 29.
Le 68e nouveau est organisé, le 1er août, à 3 Bataillons ayant chacun 6 Compagnies, dont une de Grenadiers et une de Voltigeurs, avec un effectif de 67 Officiers et 1379 hommes. Le Colonel Chabert, de l'ancien 76e, reçoit le commandement du 68e. Le Major Chaud, les Chefs de Bataillons Condamy (1er), Sainte-Avoye (2e), Finé (3e) et le Quartier-maître Audiguier composent l'Etat-major du Régiment.
2/ Drapeau - Garnisons
Le roi Louis XVIII a à peine touché le sol de France que le Duc d'Angoulême, quittant le Quartier général anglais, vient passer en revue l'Armée des Pyrénées du Maréchal Soult, où est encore notre 1er Bataillon, le seul du 76e qui soit encore en armes pour la défence du pays. Bien qu'aucun ordre n'ait été donné, les troupes arborent la cocarde blanche. L'ordonnance du 12 mai ("Il y aura par régiment, dit l'ordonnance, art. 8, un drapeau dont le tond sera blanc, portant l'écusson de France et la désignation du régiment; le modèle nous en sera présenté par le ministre de la guerre... Outre le drapeau, chaque bataillon aura un fanion dont la couleur et les dimensions seront déterminées par un règlement du ministre...) leur donne le drapeau blanc à fleurs de lys. Ce nouvel étendard est alors inconnu à plus des trois quarts de l'Armée, mais par cet acte de soumission, les soldats prouvent que, Français, avant tout, ils étouffent dans leur coeur les sentiments qui les attachent à Napoléon, et se rallient à la patrie pour la gloire et la defense de laquelle ils ont cru devoir, sous lui, comme avant lui, répandre jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Quelques mois plus tard, ils reprendront le drapeau tricolore; quelques mois encore, et ils seront abrités de nouveau par le drapeau blanc. Braves coeurs, étrangers à la politique, nos soldats ne regardent par la couleur du drapeau; ils aiment celui que la patrie leur a confié. Quel qu'il soit, le drapeau du Régiment, c'est la France, et c'est Elle que sert le soldat, c'est pour Elle qu'à toute heure il est prêt à se dévouer jusqu'à la mort.
Au moment du retour de Napoléon, l'Armée acclame le souverain qui a donné tant de gloire à la nation. Dans une se ses proclamation, l'Empereur dit : "Soldats, je rentre en France; nous avons été malheureux, mais nous n'avons pas été vaincus. Arborez le pavillon tricolore : c'est celui de la nation, c'est celui de la victoire". Deux Décrets impériaux, du 9 mars (Grenoble) et du 13 mars (Lyon) abolissent la cocarde blanche et rétablissent la cocarde nationale aux trois couleurs et le drapeau tricolore.
Fin mars 1815, un "Projet de répartition des militaires l'appelés aux drapeaux en sept dépôts généraux où ils seraient armés, habillés et instruits. Fin mars 1815". Le 68e de Ligne (ex 76e) à Sarrelouis fait partie de la 3e Division militaire; il doit être fourni par le Département de la Moselle, et son Dépôt doit être initialement établi à Reims, mais l'Empereur décide que le Dépôt doit se rendre à Paris (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2972).
Le 68e reste à Sarrelouis (3e Division militaire) jusqu'au 4 avril 1815. L'Empereur est aux Tuileries depuis le 20 mars et la lutte de la France contre l'Europe va recommencer. Le 68e est désigné pour faire partie du 4e Corps (Armée de la Moselle). Le Dépôt et les cadres du 3e Bataillon sont envoyés à Saint-Denis pour y tenir garnison.
Un des premiers actes du gouvernement impérial est de rendre aux corps leurs anciens numéros. Le Décret qui ordonne cette mesure est daté du 25 avril, au palais de l'Elysée. Il est ainsi conçu : "Les régiments d'infanterie de ligne dont les numéros ont été changés reprendront ceux qu'ils avaient précédemment et qu'ils ont illustrés, depuis l'an IV, dans tant de combats célèbres qui ont immortalisé les armées françaises. Le 68e régiment d'infanterie actuel reprendra le numéro 76" qu'il a si vaillamment porté pendant vingt ans. "Il appartenait au gouvernement qui rend à la France sa dignité et son rang, dit, dans sa circulaire, le Maréchal Davout, Ministre de la guerre, de restituer à chacun des corps de la première armée du monde, cette portion de souvenirs et de traditions qui forme un patrimoine et une succession destinée à être transmise de génération en génération, des vétérans aux jeunes soldats, des anciens aux nouveaux défenseurs de la patrie" (en 1875, lorsqu'on organisa l'armée en 18 corps d'armée, etc., on eut un instant la pensée de débaptiser tous les Régiments pour leur donner les numéros correspondant à leur corps d'armée, les mêmes numéros que ceux qu'on donnait aux Régiments territoriaux. C'eût été plus méthodique; mais on s'est souvenu sans doute de la circulaire de Davout et on n'a pas voulu toucher aux numéros des Régiments).
Le drapeau tricolore est rendu au 76e, le 26 mai, à l'Assemblée du Champ de mai. La députation du 76e appelée à Paris, par Décret du 22 avril, pour assister à cette imposante cérémonie, se compose d'un Chef de Bataillon, d'un Lieutenant, des 1er, 2e et 3e Porte-aigles, d'un Sergent, d'un Caporal, d'un Tambour et de deux soldats. Pauvre drapeau de 1815, tu ne flotteras pas longtemps sur les fiers Bataillons; tu ne connaîtras pas l'ivresse de la victoire !
P/ Campagne de 1815
1/ Premiers préparatifs
L'Empire est rétabli depuis le 20 mars, mais l'Europe entière se lève de nouveau pour le renverser. L'Empereur se prépare à la lutte. Par Décret du 31 mars, cinq Corps d'observation sont formés pour garder la frontière du nord-est, depuis Dunkerque jusqu'à Huningue.
L'armée se reconstitue avec activité; l'Empereur rappelle les anciens soldats sous les drapeaux et confie la défense des places à tous les militaires en retraite ou en réforme qui sont encore capable de faire ce service; ils sont spécialement chargés de l'instruction de la Garde nationale.
Le 76e (1er et 2e Bataillons) entre, comme nous l'avons vu, dans la composition du 4e Corps (appelé aussi Armée de la Moselle), sous les ordres du Maréchal Gérard, dont le Quartier général est à Metz. Rapproché de la Moselle, le 76e passe tout le mois d'avril à Pange près de Metz, où il est cantonné et emploie ce temps à s'organiser. Le Régiment fait partie de la 1ère Brigade (Général Le Capitaine - formée des 59e et 76e de Ligne) de la 2e Division (Général Vichery - formée des Brigades Le Capitaine et Despretz. Elle est en même temps 2e Division du 4e Corps d'observation et 13e Division de l'Armée du Nord). Le Quartier général de la 2e Division est établi à Courcelles-Chaussy.
Dans les premiers jours de mai, le Quartier général est transporté à Sarrebrück ; le 76e est cantonné aux environs de cette ville (Fresnel dit "cantonné sur la Sarre, de Sarrelouis à Sarrebruck"). Le Colonel Chabert est admis à la retraite le 1er mai, et le Chef de Bataillon Condamy, du 1er Bataillon, prend le commandement du Régiment et le garde jusqu'au licenciement. Le 2e Bataillon est commandé par le Chef de Bataillon Finé. Le Dépôt envoie successivement plusieurs détachements de Saint-Denis à Metz, pendant le mois de mai, afin de renforcer l'effectif des Bataillons de guerre, notamment 100 hommes, le 11 mai et 200 le 19.
Le 16 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, je reçois votre rapport du 14 mai ...
Quant aux dépôts d’infanterie, voici mes observations :
... 13e division : donnez ordre que le 3e et 4e bataillon du 59e rejoignent les deux premiers bataillons de guerre ; que le 76e qui est à Saint-Denis envoie 200 hommes pour compléter ses deux bataillons de guerre ; que le 48e envoie de Cahors 250 hommes pour compléter les deux premiers bataillons, que le 69e complète son 3e bataillon et l’envoie à ses bataillons de guerre ..." (Correspondance de Napoléon, t. 27, 21909 ; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39639).
Le 31 mai 1815, Lobau écrit, depuis Paris, à Davout : "L'Empereur m'ayant fait connaître que son intention était que les 111 hommes du 76e régiment de ligne que Sa Majesté a vus à la parade de dimanche dernier, rejoignissent les bataillons de guerre de ce corps, je les ai fait former en une compagnie de marche qui, partant aujourd'hui, ira loger à Claye et sera le 12 juin à Metz"(Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 3330).
Le 31 mai 1815 encore, le 76e, présente la situation suivante :
- Condamy, Chef de bataillon, commandant le Régiment.
1er Bataillon : Condamy.
2e Bataillon : Finé.
Effectif : 1079 hommes (1er juin, 1089 hommes) - Officiers : 40 présents, 1 détaché à Metz; Soldats : 974 présents (1014 au 1er juin), 3 détachés à Metz, 21 absents, en congé ou aux hôpitaux. A la date du 1er juin, le Dépôt et les cadres des 3e, 4e (et 5e Bataillons selon Fresnel ?) quittent Saint-Denis pour aller tenir garnison dans l'Allier, à Gannat.
Déjà Wellington avec 160000 Anglais, Hollandais, Hanovriens, et Blücher avec 120000 Prussiens se rassemblent en Belgique. Napoléon, impatient de les combattre et ne voulant pas leur donner le temps de se reconnaître et d'être renforcés par les Autrichiens et les Russes, décide de prendre l'offensive dès le commencement de juin. Le 1er Corps part de Metz le 6 juin, par la route de Montmédy, passe la Meuse à Mézières, et arrive le 14 à Philippeville. Il a été rallié en route par la Division Vichery. L'Empereur est à Avesnes depuis la veille. En même temps, le 3e Corps, commandé par Vandamme, arrive à Beaumont. Ces deux Corps forment l'aile droite, que le Maréchal Grouchy commande en chef. Les camps sont établis derrière des monticules, à une lieue de la frontière, de manière à ce que les feux ne soient point aperçus de l'ennemi.
2/ Bataille de Ligny
Le 15 juin, toute l'Armée se porte en avant. A trois heures du matin, le 4e Corps avec le 76e, franchit la frontière; il traverse la Sambre au Châtelet (dont le pont est utilisé par le 4e Corps et toute la droite de l'Armée) en refoulant les avant-postes du 1er Corps prussien (Ziethen) qui se replient sur Fleurus. L'aile gauche de son côté exécute le passage à Marchienne ; Napoléon occupe Charleroi avec sa réserve. Le soir, l'Armée française bivouaque sur la rive gauche; le 76e avec le 4e Corps est au nord du Châtelet, à sa place de bataille. Le 3e Corps se trouve à gauche, posté sur la route un peu en arrière de Fleurus. L'Empereur donne l'ordre à Grouchy de faire marcher le lendemain l'aile droite sur Sombref pour aller à Gembloux. Il porte lui même sa Garde à Fleurus, pendant qu'il envoie Ney avec le 1er et le 2e Corps sur la route de Bruxelles.
Le 15 au matin, les alliés ne s'attendent encore à rien. En apprenant le passage de la Sambre, Blücher se hâte de se concentrer en arrière de Fleurus; trois de ses Corps sont en ligne le lendemain, sa gauche à Sombref, sa droite à Bry et son centre au moulin de Bussy. La première ligne de Blücher, composée de fortes masses, s'étend entre les villages de Saint Amand et de Ligny, ayant tout son front couvert par le ruisseau de ce nom dont les rives sont fort escarpées. Le 4e (Bülow) ne peut arriver qu'après la bataille. Wellington (quartier général à Bruxelles) n'est pas directement menacé. Il ne comprend pas que Napoléon veut le séparer de son adversaire pour écraser ce dernier avant sa jonction avec l'armée anglo-hollandaise; aussi se borne t'il à redoubler de surveillance. Sa prudence aurait causé sa ruine, si, le 17, Ney n'avait été lui-même moins hésitant et si, le 18, Grouchy n'avait pas perdu les traces de Blücher. Mais n'anticipons pas sur les événements.
Le 16 juin, l'armée prussienne occupe les hauteurs de Ligny : sa droite à Saint-Amand, son centre à Ligny, sa gauche à Sombreffe, à cheval sur la route de Namur à Bruxelles, par les Quatre-Bras. Le front de ses positions est couvert par un ravin profond qui se jette dans l'Ormeau, affluent de la Sambre. "Le ciel était pur, dit de Mauduit (T. II, p. 39), comme le ciel de Marengo, dont allions en quelque sorte fêter l'anniversaire; le soleil était ardent et nous présageait une chaude journée; elle le sera, en effet, sous tous les rapports !".
A la pointe du jour, l'Armée française se met en mouvement sur deux colonnes. Les Tirailleurs commencent l'action au delà de Fleurus. La colonne de gauche, avec le Maréchal Ney, se porte sur les Quatre Bras; celle de droite en avant de Fleurus. Le 4e Corps, dont tous les soldats sont sous les armes depuis l'aube du jour, ne reçoit l'ordre de se porter en avant qu'à 9 heures 30. Il se met immédiatement en marche et se dirige, en colonne par division, à ditance entière, par la route qui mène de Fleurus à la chaussée de Namur. Vers 10 heures, l'Empereur arrête la marche des colonnes. Le 4e Corps s'arrête à la hauteur du village de Ligny, situé à deux kilomètres en avant de Fleurus. Les troupes restent l'arme au pied jusqu'à deux heures de l'après midi. Pendant ce temps, Napoléon fait sa reconnaissance et prend ses dispositions. Pendant que notre aile gauche (Ney) doit marcher sur la route Charleroi-Bruxelles, pour contenir au besoin les Anglais, le 4e Corps, encadré par Grouchy et Vandamme, est conduit par Napoléon avec la gauche à l'attaque de Ligny.
Vers 2 heures, l'Empereur ordonne un changement de front sur Fleurus, la droite en avant. Ce mouvement porte le 4e Corps en face même de Ligny et à deux portées de canon de ce village. "Il se peut, dit alors Napoléon au général Gérard, en voyant l'entrain des troupes, il se peut que dans 3 heures le sort de la guerre soit décidé". La fortune, qui a tant de fois souri au génie de l'Empereur, va ici trahir ses légitimes espérances.
Le village de Ligny est défendu par des forces considérables. En outre, un ruisseau, un ravin, des haies et des clôtures de jardin en font une position formidable. A 3 heures un quart, le 4e Corps aborde avec vigueur le village; l'ennemi est rejeté sur la rive gauche du ravin. Alors commençe une lutte acharnée, dans laquelle Ligny est pris et repris 4 fois. L'ennemi, qui sent bien l'importance de cette position, s'oppose à toutes les attaques avec des troupes fraîches. Le Journal militaire (T. II, p. 39) autrichien a fait en 1819 la description de cette mêlée. "On combattait dans les rues du village à coups de baïonnette et à coups de crosse de fusil, dit le Journal; on s'attaquait homme à homme avec toute la fureur de la haine personnelle. Il semblait que chacun eût rencontré dans son adversaire un ennemi mortel, et se réjouit de trouver le momeut de la vengeance. On ne demandait pas de quartier!...". "Le combat, ajoute Norvins (T. IV, p. 235), se prolongeait par le nombre des troupes ennemies et présentait une effroyable scène de carnage". La possession de ces quelques maisons nous coûte beaucoup de monde. Au nombre des blessés se trouve le Capitaine Bisson, du 76e, qui meurt, le 26 juin, des suites de ses blessures. Martinien cite également les Capitaines Lecourt, Fayart, Martinot, Villain, Deslauriers, les Lieutenants Langlois, Terrin, Leclerc et les Sous lieutenants Viel, Déal, Hugo, Chameroy, tous blessés.
Le 4e Corps, n'ayant pu être soutenu par de nouvelles troupes, se contente d'empêcher l'ennemi de déboucher; ce n'est pas facile car Blücher, ayant été délivré de toute inquiétude sur la droite, par la retraire du 1er Corps, qui s'était porté au secours du Maréchal Ney, en profite pour diriger sur Ligny la plus grande partie de ses forces. Une méprise, causée par l'arrivée du corps d'Erlon sur la gauche, nous fait perdre également 3 heures précieuses.
Le Général Gérard, avec son intrépidité accoutumée, parvient toutefois, malgré sa grande infériorité numérique, à conserver son terrain. Cependant, sa position est critique. Il est plus de 7 heures et la journée reste indécise. Il est temps de frapper un grand coup ! Napoléon, ayant appris l'éloignement du 1er Corps, avec ses réserves dont sa garde au secours du 4e Corps. Le 4e Corps, l'Infanterie, et la cavalerie de la Garde, les cuirassiers de Milhaud et de Delort se trouvant réunis, cette masse s'ébranle au pas de charge, l'infanterie en tête, et la cavalerie derrière. Les airs guerriers retentissent de tous côtés, excitant les soldats; le feu, qui a paru se ralentir un instant, recommence avec une nouvelle violence. Un affreux combat s'engage au moment où, sortie du ravin, l'infanterie française attaque l'ennemi; le centre des Prussiens est culbuté ainsi que leur réserve. Blücher, renversé lui-même par une charge de cavalerie, ne doit son salut qu'à la nuit qui empêche de le reconnaître.
Ligny nous reste définitivement; l'armée prend position sur les hauteurs qu'elle vient d'illustrer par ce brillant fait d'armes. Le 4e Corps bivouaque sur la position conquise en avant de Ligny. Le 76e se forme en carré sur 3 rangs; 2 rangs de chaque face veillent pendant que le troisième se repose ou descend au village pour y chercher quelques vivres ou quelques bottes de paille afin de se garantir de la pluie qui commence à tomber.
Vers minuit, une fausse alerte met tout le camp en émoi. Des coups de fusil partent à tout hasards, et bientôt, un feu roulant s'établit sans savoir ni pourquoi ni comment; l'alerte est générale. Enfin, on apprend que par la suite d'une fâcheuse méprise, une Division du 6e Corps qui manoeuvrait pour se rapprocher du reste de l'armée, a été prise par nos postes pour une colonne ennemie et accueillie à coup de fusils. Cette échauffourée causa la mort de beaucoup d'hommes qui avaient eu le bonheur d'échapper aux terribles dangers de la journée. Peu à peu, le calme se rétablit et le reste de la nuit se passe tranquillement.
Les Prussiens de leur côté exécutent leur retraite à la faveur de l'obscurité; ils se retirent sur Gembloux et de là, sur Wavres dans un désordre extrême, ayant perdu environ 20000 hommes tués, blessés ou prisonniers, 30 pièces de canon, etx... L'Armée française a combattu à Ligny comme jusqu'alors elle avait combattu dans toutes les grandes occasions, une valeur extraordinaire l'anime ; il semble que chaque soldat a une offense personnelle à venger et que, dans son adversaire, il rencontre son plus implacable ennemi; aussi a t'on fait peu de prisonniers. Le 76e y a couvert de gloire son nouveau drapeau.
L'Empereur charge le Maréchal Grouchy de poursuivre Blücher avec l'aile droite et rejoint avec sa Garde le Maréchal Ney, qui a devant lui toute l'armée anglaise aux ordres du Duc de Wellington. Ce partage de l'armée fut la première cause de nos désastre.
La matinée du 17 est employée, dans le Corps d'Armée, à complèter les munitions et à s'occuper des ambulances qui se trouvent déjà encombrées par nos blessés; il fait un temps affreux; la pluie tombe par torrents, et elle continue ainsi pendant tout le jour et la nuit suivante. Le 4e Corps, placé avec le 3e et la cavalerie d'Exelmans, sous les ordres du Maréchal Grouchy, doit suivre Blücher, l'épée dans les reins, l'empêcher de se rallier et surtout de rejoindre les Anglais. Le Corps de Grouchy quitte Ligny vers une heure pour se porter sur Gembloux à trois lieues de là : la pluie, qui tombe toute la journée et la nuit suivante, retarde sa marche. On arrive le soir à Gembloux. Blücher s'est retiré sur Wavres, et Grouchy, qui n'a pas osé abandonner la route de Namur, ne part de Gembloux que le 18, à 10 heures du matin. Ce sera la deuxième cause du désastre irréparable qui va de nouveau ouvrir la France aux étrangers.
3/ Combat de Wavres
Pendant que l'Empereur livre avec l'aile gauche et la réserve (65000 hommes) la fatale bataille de Waterloo, l'aile droite s'achemine sur Wavres. Il est 11 heures, le Maréchal Grouchy vient d'arriver à Walhain, quand on entend le canon de Waterloo. "J'étais alors dans le jardin de la maison où M. le maréchal était à déjeuner, écrivit le colonel Simon Lorière au général Hulot en 1819 (divers récits avaient été publiés, pour expliquer la conduite de Grouchy, Chacun cherchait à rejeter la faute sur un autre. C'est cette polémique qui explique la lettre du colonel Simon Lorière); ... il mangeait des fraises. Je vins prévenir mon général (le général Gérard) du bruit que j'avais cru entendre; car il tombait une pluie très dense et les détonations étaient sourdes. Le général et le maréchal purent se convaincre que je ne m'étais pas trompé. Ce fut un quart d'heure après que le général Gérard ouvrit cet avis (l'avis de marcher au canon), surtout d'après l'assertion du maître de la maison qui était Français et indiqua la forêt de Soignies comme 1ieu de l'action". Certains auteurs affirment au contraire que Grouchy voulait quitter la route de Wavres et que ce furent les généraux sous ses ordres qui l'en empêchèrent.
Quoi qu'il en soit, la marche sur Wavres est continuée. Le village et la Dyle sont gardés par le 2e Corps prussien (Général Pirch); il est attaqué vers deux heures 30 par les 3e et 4e Corps. Le 4e Corps est chargé tout spécialement d'attaquer le village et de forcer le passage de la rivière au moulin de Bierge. Le 4e s'éxécute, tente de franchir la Dyle au moulin, mais ne peut y parvenir; son chef, le Général Gérard, est dangereusement blessés. Enfin, vers six heures, le Maréchal Grouchy fait passer le pont de Limalle par la cavalerie du Général Vallin et ensuite par la Division Vichery que suit bientôt le reste du 4e Corps; les Prussiens, se voyant tournés, évacuent Wavres (on avait prétendu que le 4e Corps était entré dans Wavres vers quatre heures et demie du soir. Le Général Sénécal, Chef d'Etat-major de la cavalerie de l'armée, le 18 juin 1815, écrivit le 3 juin 1830 au Maréchal Grouchy : "... Le général Gérard fut blessé, le soir, vers quatre heures et demie ou cinq heures au plus tard, ayant l'ordre de porter une partie de ses troupes à Saint-Lambert, quand elles arriveraient à Wavres, et ce n'est que vers dix ou onze heures qu'elles y arrivèrent...").
Le 76e n'a pas été engagé. A la nuit, les soldats campent sur la rive droite de la Dyle, aux environs et sur les hauteurs de Limale, où Grouchy établit son Quartier général. A minuit, Grouchy n'ayant reçu aucune nouvelle de l'Empereur, decide de faire effort le lendemain dès la pointe du jour, pour rejoindre le gros de l'armée.
5/ Retraite sur Paris
Le 19 au matin, la lutte recommençe de bonne heure. Grouchy, voulant à tout prix rejoindre le gros de l'armée, repousse l'ennemi au delà de Rosieren, sur la route de Bruxelles, où il croit trouver Napoléon. Dans cette première partie de la journée, le 76e, aux prises avec l'ennemi dès le début de l'action, se bat avec d'autant plus d'ardeur qu'il n'a pas eu la veille, l'occasion de se distinguer. Le Lieutenant Jean Lecourt et le Sous-lieutenant Jean-Baptiste Chameroy (mort le 6 juillet) sont mortellement atteints. Enfin, les Lieutenants Jean-édouard Bizanet et Pierre-Joseph Courtaud de Blauve sont blessés. Martinien cite : Sous lieutenant Rousselot (mort le 26 juin), les Capitaines Ferrand de Missol, Guimbelot, Ferrand, le Lieutenant Lassus, les Sous lieutenants Vidal, Naigeon et Reau, blessés.
Grouchy apprend à Rosieren la triste réalité : Waterloo a été un désastre. C'est un coup de foudre pour tous. La retraite sur Gembloux est aussitôt ordonnée. Tous les efforts ne doivent plus avoir d'autre but désormais que d'échapper à la déroute générale. En arrivant à Gembloux, Grouchy apprend que l'ennemi a déjà franchit la Sambre, et se trouve sur son flanc droit; il se déice à marcher sur Namur en deux colonnes. L'une, qu'il conduit en personne (c'est le 4e Corps) marche de Limalle sur Temploux où elle bivouaque; l'autre suit la route directe de Namur.
L'ennemi suit directement le 4e Corps dans sa marche sur Namur. Le 20 au matin, les Prussiens attaquent son arrière garde. Le désespoir des blessés qui craignent de tomber entre les mains des Prussiens et d'être massacrés par eux (on fit en effet peu de prisonniers dans cette campagne.. "Le premier grenadier qui m'amènera un prisonnier, je le ferai fusiller", avait dit le Général Roguet en lançant ses bataillons le 16, à Ligny. Et effectivement, de part et d'autre, on ne faisait pas de quartier) cause, ce jour-là, un instant d'émotion et de trouble qui aurait pu avoir les plus fâcheuses conséquences. "Général, s'écria alors Grouchy en se portant au-devant de Vichery qui commandait le Corps en l'absence de Gérard, blessé la veille, général, jurons de ne pas abandonner ces braves gens, de les sauver ou de périr avec eux". Ce serment, prononcé sous les balles, d'une voix haute et ferme, donne du courage à tous et les soldats font encore à l'arrière-garde une belle résistance qui permet au gros de la colonne engagé sur une seule colonne de traverser sans encombre le long défilé de Namur à Dinan, et de gagner cette dernière ville sans rien laisser derrière elle. Les Prussiens, qui ont éprouvé de lourdes pertes perdent alors tout espoir d'entamer l'aile droite dans sa retraite.
La retraite continue. Le 3e et le 4e Corps arrivent à Givet le 21 dans la soirée; les troupes, très fatiguées, bivouaquent sous Charlemont et au camp retranché du Mont d'Or. "Chaque jour de cette retraite, dit le Maréchal Grouchy dans un de ses rapports, a été marqué par des combats sanglants, mais glorieux pour les armes françaises. Les corps sont cruellement affaiblis, mais ils ont un bon moral et n'ont pas perdu un trophée militaire". L'infanterie de l'aile droite a perdu 7000 hommes. Le 76e se trouve en dix jours diminué de près de 400 combattants.
L'Ordre du jour du 22 juin déclare : "Soldats, vainqueurs à Lagny, à Wavres, à Namur, vous avez battu l'enemi partout où vous l'avez abordé ! Je me plais à payer à votre intrépidité le tribut d'éloges qui lui est dû". A 11 heures, le 4e Corps quitte ses emplacements autour de Givet pour se porter à Divezemont et à Fumay, gardant les gués de la Meuse à Aubrain et Haybes. Le Lendemain, les Divisions partent à 10 heures pour aller se cantonner à Maubert-Fontaine et aux environs. Les ordres de l'Empereur prescrivant à l'aile droite de se porter par Reims sur Soissons, en conséquence, le 4e Corps se rapproche le 24 de Réthel où il se masse près du 3e Corps.
Cependant, les évènements se précipitent à Paris; l'Empereur vient d'abdiquer, et les représentants du peuple ont proclamé son fils, Napoléon II Empereur des Français; une commission de gouvernement est constituée, qui nomme Grouchy commandant en chef de l'Armée du Nord. Le 3e et le 4e Corps d'armée sont alors réunis sous les ordres de Vandamme.
Le 24 juin, à 7 heures du matin, les Corps reçoivent l'ordre de hâter leur mouvement sur Soissons; il est temps car l'ennemi, en effet, ne suit pas la marche de l'armée mais se dirige droit sur Laon; le 23, il est déjà à Vervins. Le 76e arrive à Reims le 25, et le lendemain, il se porte par Fismes sur Soissons, qu'il atteint le 27. Nos soldats conservent pendant cette retraite un moral excellent. Voici comment s'exprimme sur leur attitude à ce moment, le Général Vendamme dans un de ses rapports :
"Le 3e et le 4e corps sont très beaux, malgré les fatigues et les mauvais temps; ils marchent dans le plus grand ordre. Les événements qui se passent aujourd'hui les affligent, mais ne les abattent pas; ils sont prêts à rendre à leur patrie tous les services qu'elle peut attendre d'un soldat dévoué et disposé fermement à faire respecter les droits et l'indépendance de la nation".
L'armée alliée est dès le 27 en position en avant de Compiègne; le Maréchal Grouchy donne l'ordre au Général Vendamme de commencer immédiatement sur Paris son mouvement qui devient d'instant en instant plus urgent, l'ennemi se portant le long de l'Oise sur la capitale. Nos Bataillons, massés près de Soissons, se mettent en marche sur Nanteuil, le 28. Le 76e faisant partie de l'arrière-garde se met en route à 2 heures du matin. Dans la journée, l'ennemi ayant débouché en trois colonnes de Compiègne sur Villers Cotteret, Crépy et Senlis, le Corps de Vandamme ne peut plus se porter directement sur Paris; il reçoit l'ordre de se retirer tout entier, sans perdre un instant, sur la Ferté et sur Meaux. La marche est forcée autant que possible.
Le 29, Vandamme place le 4e Corps sur la rive gauche de la Seine, où il occupe Meudon, Vanves et Issy, afin de mettre la capitale à l'abri d'une surprise qui aurait pu être dirigée sur le côté méridional, où les travaux de défense étaient à peine ébauchés. Le 76e occupe Issy. Le Maréchal Davout, commandant en chef de Paris, compte, dit il, sur cette belle et bonne armée animée d'un excellent esprit. Selon Houssaye (cité in Gloire et Empire N°38), le 29 juin, "deux bataillons formés des dépôts des 69e et 76e de ligne étaient dans Saint-Denis, bien fortifié, avec le général Allix".
6/ Licenciement
Le 2 juillet, Blücher, qui est arrivé à Versailles, veut tenter de forcer le passage de la Seine par le pont de Sèvres. Il s'avance depuis Versailles par Saint-Cloud et Meudon avec 45000 hommes. Le combat commence 11 onze heures. Le Maréchal Davout lui tient tête, et les Prussiens ne peuvent forcer le passage. Vers 8 heures du soir, débouchant de Vanves et d'Issy, l'infanterie du 4e Corps force les Prussiens à battre en retraite. Le vieux 76e a combattu, le 2 juillet, pour la dernière fois, et il a eu la consolation suprême de voir l'ennemi céder à ses baïonnettes (Lieutenant Mesmer, blessé le 3 selon Martinien).
Le lendemain 3 juillet, est signée la convention qui termine les hostilités. L'Armée doit se retirer derrière la Loire. A minuit, le 76e, ainsi que les autres troupes aux ordres de Vandamme, commencent le mouvement rétrogade qui est une des clauses de la convention. Nos braves soldats ont les larmes aux yeux. Tout est bien fini pour eux ; ils le comprenent et ils vont en silence, la tête basse et la rage au coeur, en songeant que, pour la seconde fois, l'étranger va dicter des lois à la France. Peut-être aussi pensent-ils aux 400 braves qui sont partis avec eux de Sarrelouis et de Metz et qui manquent à l'appel. Le Régiment entre dans Paris par la porte de la Santé, traverse la Seine au pont d'Austerlitz et se dirige sur Charenton pour aller camper en avant de Maisons sur la toute de Melun. Le 76e passe ensuite par étampes, Angerville, Artenay et arrive à Orléans le 10 juillet. Après avoir passés 8 jours à Jargeau et aux environs, près d'orléans, les soldats se mettent en marche pour aller prendre de nouveaux cantonnements depuis la Vienne jusqu'à Limoges. La Division Vichery, dont fait partie le 76e, est placée toute entière à Châteauroux. L'Armée de Paris est devenue l'Armée de la Loire.
Le 1er août, le Corps d'Armée est en marche sur Tulle et Cahors; le 76e est placé à Gramat et aux environs (Quartier général à Souillac). Le 22 du même mois, les Bataillons se mettent encore en route pour aller se cantonner dans le département du Lot et Garone.
L'étranger règne à Paris... le licenciement de l'Armée de la Loire, qui a alors à sa tête le Maréchal Macdonald, est décidé par une ordonnance du 16 juillet. Le Général de Division Souham est chargé de mettre à exécution cette mesure pour le corps d'armée, et, le 29 septembre 1815, le 76e est licencié à Sauxac (L. Landais) ou Saujac (Fresnel) dans l'Aveyron. Les soldats licenciés, ceux qui ont rempli l'Europe de leurs exploits guerriers, rentrent paisiblement dans leurs foyers. Pourtant, des Français dégénérés (sic L. Landais), qui n'ont pas rougi aux jours de nos désastres d'applaudir à l'entrée des Cosaques dans la capitale, osent, à l'abri derrière les baïonnettes étrangères, insulter nos braves soldats du nom de "brigands de la Loire".
L'ancien 76e a cessé d'exister. Son nom ne devait plus reparaître que quarante ans plus tard. Le fond du 76e entra dans la formation de la Légion de la Nièvre, 51e Légion départementale, qui concourut, avec la Légion de l'Allier, à former, en 1820, le 3e Régiment de ligne.
II/ Sources iconographiques et commentaires
Selon l'Historique régimentaire, en 1794, la 76e Demi-brigade porte l'habit des Gardes nationales, bleu avec revers retroussés et passepoils blancs, collet et pattes de parements rouges, boutons jaunes avec numéro 76 en relief, culotte blanche. La coiffure est le chapeau de feutre à bords relevés.
- Figure 1 : Grenadier en 1794 tiré de l'Historique régimentaire (source : non mentionée).
L'Ordre du jour de l'Armée d'Helvétie, rédigé au Quartier général à Berne, le 30 juillet 1798 (12 thermidor an 6) indique : "Le général en chef rappelle aux officiers de l'armée l'ordre du 19 messidor [7 juillet 1798) concernant leurs costumes. Il autorise ceux d'infanterie qui préfèrent les guêtres noires aux bottes à en faire usage et prévient tout officier de service que ne sera pas vêtu de l'un ou de l'autre sera puni.
L’adjudant général, chef de l'état-major général. Signé : Rheinwald" (Force d’occupation : une armée au quotidien à l’époque du Directoire : les forces françaises en Suisse, juillet-août 1798 – BNUS, MS 482, p. 113).
- Figure 1bis : Portrait au pastel d'un Voltigeur du 76e de Ligne, Premier Empire. Hauteur : 35,5 cm - Largeur : 23 cm. état moyen (le profil du soldat a été découpé et recollé sur un papier ancien). Remarquons que ce Voltigeur porte la queue ; il n'y a pas de date. Tenue initiale ?
- Figure 2 : "Cette petite aquarelle montre un jeune Grenadier du 76e de Ligne vers 1807. Réalisée d'après le tableau de Charles Meynier peint entre 1805 et 1807 et présenté au salon de 1808 : "Les soldats du 76e de Ligne retrouvent leurs drapeaux dans l'arsenal d'Innsbruck". On remarque quelques détails interessants : le shako sans jugulaires avec sa visière agrafée, la plaque losangique de laiton, l'absence de pattes de parements, le pantalon de route gris. D'autre Grenadiers dans le tableau portent le bonnet d'oursin : il est donc vraisemblable que le shako fut distribué progressivement aux éléments les plus récents du régiment" (commentaires de Didier Davin - Le Bivouac, qui nous a aimablement autorisé à utiliser ce dessin).
- Figure 3 : Caporal de Voltigeurs (décoré) du 76e Régiment vers 1805-1807, d'après un dessin d'époque, en tenue de sortie. On notera l'absence de jugulaires au shako, les plumet, cordon et raquettes jaunes, le collet jaune (chamois) passepoilé de rouge, les épaulettes jaunes à tournantes rouge, la culotte blanche assez étroite portée avec les souliers à boucles et les deux chevrons d'ancienneté sur le bras gauche. Le sabre briquet est orné d une dragonne jaune et rouge. Le reste de la tenue est classique pour l'infanterie de Ligne; On peut supposer les retroussis décorés de cors de chasse jaunes (commentaires de Didier Davin – Le Bivouac, qui nous a aimablement autorisé à utiliser ce dessin).
- Figure 4 : Officier supérieur en tenue de ville, 1806, d'après Duplessis-Bertaux. Dessin tiré de l'Historique régimentaire.
- Figure 4a : Plaque de shako d'Officier de Fusiliers, 1806 (Collection privée), donné par C. Blondieau. In Tradition N°224, page 39.
- Figure 4ab :A côté, une autre plaque, communiquée par un de nos correspondants. En cuivre, d'un aspect plus rustique, il s'agit sans aucun doute d'un modèle de troupe.
- Figure 4b : Caporal de Voltigeurs (Collection privée), donné par A. Pigeard. In Tradition N°177, page 17. C'est ce dessin naïf qui a servi de source d'inspiration au Caporal de voltigeurs donné en figure 3 (dessin de D. Davin).
Ce type est intéressant à plus d'un titre. D'une part, le shako, qui parait être du modèle 1806; la plaque n'est que fort peu visible (sans aucun doute en losange), mais l'on peut par contre remarquer que le plumet jaune a une petite base verte (D. Davin donne un plumet jaune sur un pompon de même couleur); cordons jaunes. L'habit ensuite : le collet est jaune, sans passepoil (D. Davin donne un passepoil bleu); la patte de parement est rouge passepoilée de blanc (elle paraît bleue sur le dessin de notre collègue). On notera les épaulettes, jaunes à tournante rouge, les galons (de grade et d'ancienneté). Notre homme est apparemment en tenue de sortie : il porte de longues culottes moulantes blanches, par dessus des guêtres également blanches. Il porte des souliers et a gardé son sabre briquet, doté d'une dragonne jaune. Le paysage du fond est peut être polonais ? Le type peut être daté de l'année 1807.
- Figure 5 : Caporal fourrier, 1809, d'après Martinet. Dessin tiré de l'Historique régimentaire.
- Figure 5bis : Idem, d'après un dessin de Pierre Albert Leroux (Collection Brown, Providence, Etats Unis) que nous avons reproduit en fac similé. On notera les différence avec le précédent type, telles que le sommet du plumet, la patte du collet, ou même les revers qui se terminent curieusement en pointe, et rendent de ce fait douteux ce type. A noter aussi que la légende de la planche originale indique le grade de Sergent major, ce qui est strictement faux ! Bref, nous ne donnons ce type que pour information.
- Figure 6 : Caporal de Voltigeurs en Espagne; fac-similé d'un dessin de H. Boisselier, découvert par Yves Martin. Sources indiquées : El Guil, ancienne collection Bezard, communication H. Feist. Par rapport au type naïf représenté en figure 4b, l'on notera les évolutions concernant le shako, qui est d'un modèle postérieur à 1806 (pompon jaune à la place du plumet; pourtour supérieur jaune; absence de cordons); concernant l'habit dont les pattes de parements sont bleues passepoilées de rouge (au passage, le collet demeure sans passepoils); et les épaulettes : corps rouge, franges vertes, tournante jaune. Pour le reste, la présence en Espagne se fait resentir dans la tenue : gilet de type civil, pantalons gris bleu rafistolés; sandales à la place des chaussures; gourde pendant sur le côté. Le type doit se situer aux alentours de 1810-1811.
- Figure 7 : Major du 76e ; mannequin de "l'ancien musée des Invalides" ; communication d'un de nos correspondants, membre du Bivouac. A côté, en figure 7bis, le shako, tel que publié dans la revue russe Zeughaus (article de Dimitry Gorchkoff). Remarquons la cocarde, dont le cercle extérieur parait noir; puis rouge, le bleu au centre. Enfin, en figure 7ter, un shako absolument identique, exposé au Musée Militaire de Stocholm (communication d'un de nos correspondants).
- Figure 8 : Fusilier en 1813-1814; tiré d'un dessin paru dans la revue Tradition N°241, celui est vêtu de la capote grise. Remarquons le shako, recouvert d'une toile cirée noire, sur laquelle apparait le chiffre 76 en cuivre.
III/ Drapeaux
Avers du drapeau commun à toutes les Demi-brigades et arboré au second Bataillon ou Bataillon du centre (reproduction d'après Challiot) | Modèle réglementaire du drapeau des 1er et 3e Bataillons, 1794-1804 (reproduction d'après Challiot) | Drapeaux de la 76e de Bataille conforme au dessin de Challiot; pris à Paris en 1815 et conservés à Berlin à l'époque de Hollander (1913). 1er et 3e Bataillons |
Drapeau de la 76e de Ligne conservé à Berlin à l'époque de Hollander, comportant des modifications importantes par rapport aux dessins de Challiot. |
Reconstitution du drapeau de la 76e de Bataille (Infographie © Le Bivouac 2008) |
Drapeaux modèle 1794
Drapeaux de la 76e demi-brigade de Ligne : Selon Historique régimentaire de Fresnel, les drapeaux de la demi-brigade, surmontés d'une lance et ornés d'une cravate tricolore, portaient un voile carré aux couleurs nationales. Le blanc formait au milieu un carré inscrit dont les diagonales étaient perpendiculaires aux côtés du voile. Ce carré blanc était orné au centre d'un faisceau de licteur surmonté du bonnet rouge de la Liberté et entouré de deux branches de lauriers. Il était limité de chaque côté par deux triangles alternativement bleus et rouges. Les drapeaux (un par Bataillon) portaient le numéro 76.
Selon Pierre Charrié, la 76e Demi-brigade de Bataile avait reçu en 1795 à l'Armée du Nord 3 drapeaux modèle 1794. Toujours selon lui, la 76e de Ligne ayant été constituée en partie de la 76e de Bataille, on peut donc penser que les anciens drapeaux ont été conservés. A Senft, le 26 septembre 1799, les drapeaux des 1er et 2e Bataillons sont pris par les Autrichiens, mais les cravates sont sauvées. Les deux drapeaux sont repris à Innsbrück le 7 novembre 1805. Drapeaux remplacés assez tard xar, au 30 janvier 1802, il est demandé que les drapeaux soient renouvelés, ceux existant n'ayant que des bâtons et des cravates. Charrié indique également que se trouvaient à Berlin 3 drapeaux modèle 1794 (1er, 2e et 3e Bataillons), pris à Paris en 1815. Il pourrait s'agir des drapeaux déposés le 5 décembre 1804.
Toujours selon l'Historique régimentaire de Fresnel, le premier drapeau du 76e Régiment est à peu près semblable à ceux de la 76e Demi-brigade. La disposition des trois couleurs reste la même. Au milieu du carré blanc était d'un côté le chiffre de la République française, R. F., avec un faisceau et des branches de lauriers; de l'autre, un trophée. L'Historique de L. Landais indique de son côté : "En l'an XI, un modèle uniforme de drapeau fut adopté pour l'armée : les trois couleurs étaient ainsi disposées : un carré blanc ayant ses angles au milieu des côtés du drapeau; des quatre triangles ainsi formés dans les angles du drapeau, deux étaient rouges et deux étaient bleus. Dans le carré blanc, d'un côté du drapeau, était le chiffre de la République française : R. F., accompagné de faisceaux et de branches de lauriers. De l'autre côté, un trophée, en général assez compliqué et variant suivant les diverses armes".
Drapeaux modèle 1804
Quand Bonaparte est proclamé Empereur, de nouveaux drapeaux sont solennellement donnés aux Régiments dans une cérémonie qui suit le sacre. La députation du 76e chargée d'aller chercher à Paris le précieux emblème qui guidera le Régiment pendant 10 ans sur tous les champs de bataille de l'Europe, fut composée de trois Officiers, un Sergent-major, un Fourrier et deux Fusiliers. Elle partit de Hanovre, le 1er octobre 1804, assista au sacre le 2 décembre, et rentra au corps le 1er janvier 1805.
L'Historique régimentaire de Fresnel nous dit que "Le drapeau impérial, dont la description est donnée dans une lettre du Maréchal Berthier datée du 2 Thermidor an XII (20 juillet 1804), portait d'un côté : EMPIRE FRANÇAIS avec des trophées d'armes, et de l'autre un disque d'azur au centre d'une gloire ou rayons d'or, et entouré aux trois quarts d'une branche de laurier le disque. Sur le disque, on lisait :
NAPOLÉON
EMPEREUR DES FRANCAIS
AU
76e RÉGIMENT D'INFANTERIE
Au sommet du disque et des branches de laurier était la légende : VALEUR ET DISCIPLINE".
L'Historique de L. Landais ajoute à cette description que "au dessus (du disque) était l'aigle impériale, en or, appuyée sur un foudre et surmontée de la légende : "Empire français" au dessus de laquelle était la couronne impériale (de lauriers d'or). En outre, la hampe était surmontée d'une aigle ". Bien entendu, le drapeau décrit ici n'est pas celui qui a été distribué; il s'agit très certainement d'un projet. Nous le mentionnons cependant pour information. En réalité, le 76e a touché trois Aigles et drapeaux modèle Challiot.
Le 1er octobre 1808, le 76e reçoit deux couronnes d'or à Paris.
Le 8 avril 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "... j'approuve que tous les corps renverront leurs aigles en France hormis une qu'ils garderont. En attendant qu'ils aient des enseignes, vous les autoriserez à faire faire pour chaque bataillon des enseignes très-simples, sans devise et le tiers de celles qu'ils avaient autrefois. Ces enseignes sont pour leur servir de ralliement ; elles n'auront aucune décoration de bronze, elles porteront seulement le numéro du régiment et du bataillon. Quant au corps du général Oudinot, il faut que chaque bataillon fasse faire un petit drapeau d'un simple morceau de serge tricolore, portant d'un côté le numéro de la demi-brigade et de l'autre le numéro du bataillon, comme, par exemple, 4e bataillon du 6e d'infanterie légère d'un coté, et de l'autre 1re demi-brigade légère, etc. Il faut faire pour cela très-peu de dépense. J'en ferai faire de très-belles, que je donnerai moi-même aussitôt que possible" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 15030 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20750).
Le 28 juin 1809, depuis Schönbrunn, Napoléon ordonne : "Article 1er. Les 1er et 2e porte-aigles de chaque régiment seront armés d'un esponton formant une espèce de lance de cinq pieds, auquel sera attachée une banderole, qui sera rouge pour le premier porte-aigle, blanche pour le second. D'un côté sera le nom du régiment, de l'autre le nom de l'Empereur.
Art. 2. Ces espontons seront fournis par le ministre de la guerre mais, en attendant, les régiments seront autorisés à s'en procurer. Cet esponton sera une espèce de lance dont on se servira comme d'une baïonnette. Les banderoles blanche et rouge serviront à marquer le lieu où se trouve l'aigle.
Art. 3. Le premier et le second porte-aigles porteront, indépendamment de l'esponton, une paire de pistolets, qui seront dans un étui, sur la poitrine, à gauche, à la manière des Orientaux" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3281).
Drapeau modèle 1812
En 1812, une Aigle est en service. Le 76e a touché un drapeau modèle 1812. D'après un état datant de l'année 1810, devait figurer sur ce drapeau les batailles suivantes : Ulm, Jéna, Eylau, Friedland, Essling, Wagram (O. Hollander). Ce drapeau a été laissé au dépôt à Sarrelouis (Pierre Charrié).
A noter que dans le monumental travail de Etienne-Alexandre Bardin (1774-1840; pages 26 et 27 du volume 3 du "Projet de règlement sur l'habillement" du Major Bardin), illustré par Antoine Charles Horace Vernet (1758-1836), se trouve une représentation idéale du drapeau du 76e selon le modèle 1812. On peut consulter le document en question sur le site de la Réunion des Musées Nationaux.
Le 20 septembre 1813, l'Aigle d'Espagne est renvoyée au Dépôt.
Drapeau modèle 1815
En 1815, le 76e reçoit une Aigle et drapeau modèle 1815. D'après un état datant du 22 septembre 1815, le 76e a déposé le 26 août 1815 dans les magasins d'artillerie de Bourges, 1 Aigle, 1 drapeau, 1 cravate et 1 gland (O. Hollander). Le tout a été détruit à Bourges (Pierre Charrié).
IV/ Sources générales
Bibliographie
- Charrié P. : "Drapeaux et étendards de la Révolution et de l'Empire"; Editions Copernic, 1982.
- Fresnel (Cdt du) : "Un Régiment à travers l'Histoire : le 76e, ex 1er Léger"; Flammarion, Paris , 1894.
- Landais L. : "Histoire du 76e Régiment d'Infanterie depuis 1677 jusqu'en 1873"; Paris, Dutemple, 1874.
- Martinien : "Tableaux par corps et par batailles des officiers tués et blessés pendant les guerres de l'Empire (1805-1815)", Editions Militaires Européennes, Paris.
Ressources numériques en ligne
- Site de R. Darnault : http://darnault-mil.com/Militaires/regiments/infanterie_ligne.php
- Collection de situations Nafziger : http://usacac.army.mil/cac2/CGSC/CARL/nafziger