Le 4ème Régiment d'Infanterie de Ligne

1796-1815

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Avertissement : Nous adressons nos plus vifs remerciements à Mrs Raymond Pinsseau et Thierry Berthier pour nous avoir autorisé à utiliser les lettres adressées à leur ancêtre, Jean Marie Defay, par son frère, Michel Defay, qui a fait la plus grande partie de sa carrière au sein du 4e de Ligne. Ces lettres, que nous avons reproduites dans leur intégralité sont du plus grand intérêt. Outre qu'elles apportent des renseignements importants au plan de l'historique du 4e de Ligne, elles replacent également le soldat que fut Michel Defay dans un cadre bien différent : celui de la famille. Car l'homme, comme tant de soldats de l'époque, bien qu'éloigné de sa famille, ne l'oublie pas et s'intéresse à tous les événements, heureux ou malheureux, qui la concerne. Cela donne une dimension toute autre du soldat napoléonien; guerrier certe, mais avant tout homme de coeur. Un grand merci donc, encore une fois, à Mrs Raymond Pinsseau et Thierry Berthier pour ces magnifiques lettres, accompagnées du portrait de Michel Defay. Merci également à Mr Malvaux pour son aide constante dans nos recherches. Nos remerciements s'adressent également à Mr Jean-Marie Ravier, qui lui aussi, nous a autorisé à intéger dans cette page les "Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin", son ancêtre, Mémoires qui viennent compléter avec bonheur l'historique du 4e Régiment d'Infanterie de ligne.

I/ Historique

a/ Les origines

- Piémont, Blaisois, Provence

Le Régiment de Piémont forme le Régiment de Blaisois.

Hausse col de la 4e Demi-brigade de 1ère formation

"Le hausse-col dessiné ci-après, dont l'ornement en argent, détaché, que le catalogue du Musée de Boulogne qualifie improprement de plaque de coiffure, est d'une ornementation peu fréquente, est d'officier du 4e régiment d'infanterie de ligne. Il n'est évidemment pas des premiers temps de la Révolution et vers l'an VI, les hausse-cols s'ornent plus souvent du faisceau de licteur que du bonnet phrygien. Il me semble donc rationnel de le dater du moment où l'amalgame du 21 février 1793 est parachevé. C'est-à-dire de la fin de l'an III.
A cette époque, le 4e régiment d'infanterie faisait partie de l'armée du Rhin-et-Moselle, et d'après le tableau de l'emplacement des troupes de l'an IV avait été composé du 2e bataillon du 2e régiment (ci-devant Picardie), du 3e Bataillon de la République et du 4e de la Haute-Saône.
La forme du bonnet phrygien n'est pas celle non plus des débuts de la République plus semblable à celle d'un casque-à-mèche qu'au bonnet des Suisses de Châteauvieux, retour des galères
".
Capitaine M. Bottet

Fig. 1 Hausse col vers l'an IV; La Giberne, 9e année, page 134

Par Ordonnance royale du 25 mars 1776, le Régiment de Piémont, un des cinq vieux Régiments, formait, de deux de ses Bataillons, le Régiment de Blaisois (ce fut le deuxième régiment ainsi nommé, le premier avait été dissous en 1749), le dernier de ce nom. Une Ordonnance royale du 19 février 1777 donna au Régiment de Blaisois le numéro 4 dans l'ordre de bataille.

Blaisois devient Provence

Par Ordonnance royale du 12 mai 1785, Blaisois prit le nom de Provence (c'était le cinquième Régiment qui portait le nom de Provence; le premier datait de 1635), devenu disponible (Provence venait de prendre le nom de Picardie et Picardie celui de Colonel-Général) ; il garda à ce moment le numéro 4. Enfin par Décret de l'Assemblée Constituante du 1er janvier 1791, ce Régiment de Provence laissa son nom pour être désigné uniquement par celui de 4e Régiment de ligne. Il se trouvait alors à Brest.

4e de Ligne

Le 4e de Ligne avait donc une triple origine : Piémont, Blaisois, Provence, et héritait de la gloire de ses trois ancêtres.

Au mois d'octobre 1791, le 2e Bataillon du 4e, fort de 380 hommes, prend part à la malheureuse expédition de Saint-Domingue et disparaît complètement fondu, sans qu'aucun de ses débris rejoigne le corps. Au début de la guerre de Vendée, le 4e Régiment est réparti dans divers cantonnements de la rive gauche de la Loire, en avant de Nantes.

1793

La Compagnie de Grenadiers du 4e avait été détachée à Mayence et, après la capitulation de cette ville (93 juillet 1793), elle arriva en Vendée avec toutes les troupes de la garnison, sous les ordres du Général Aubers-Dubayet, pour faire partie de l'Armée des côtes de la Rochelle.

Loi du 26 février 1793. Premier amalgame.

Le Régiment se trouvait à Brest, lors de l'application de la loi du 26 février 1793 sur la réorganisation de l'armée, réorganisation connue sous le nom de premier amalgame ou de création des Demi-brigades de première formation. Chaque Régiment à deux Bataillons dut concourir, dans l'ordre de balaille, à la formation de deux Demi-brigades, ainsi le 4e Régiment dut former les 7e et 8e Demi-brigades. Cette lois resta lettre morte pour le Régiment qui ne fut pas amalgamé à ce moment, son 2e Bataillon se trouvant à Saint-Domingue et le 1er étant décimé par la guerre de Vendée.

Ce que devint l'ancien 4e Régiment

En 1796 seulement, lors du deuxième amalgame, le 1er Bataillon et le dépôt du 2e Bataillon concoururent à la création de la 52e Demi-brigade de deuxième formation, qui devint ensuite 52e Régiment d'infanterie de l'Empire.

- 4e Demi-brigade de première formation

La loi du 26 février 1793 (premier amalgame), qui d'ailleurs n'eut jamais son plein effet, ne fut guère appliquée qu'en 1794. Elle avait décreté l'amalgame de deux Bataillons de volontaires, avec un Bataillon d'infanterie, et décidé que le mon de Régiment serait remplacé par celui de Demi-brigade, chaque Demi-brigade devant porter un numéro déterminé par l'ordre de bataille du Régiment qui avait servi à le former. Ainsi, le premier Régiment forma les 1ère et 2e Demi-brigades ; le deuxième (Picardie) forma les 3e et 4e Demi-brigades.

La 4e Demi-brigade avait donc un ancêtre aussi respectable et aussi glorieux que le 4e Régiment : c'était Picardie, l'un des quatre vieux, comme Piémont.

Le 7 pluviôse an II (20 janvier 1794), la 4e Demi-brigade fut formée du 2e Bataillon du Régiment de Picardie, du 3e Bataillon des volontaires de la République, du 4e Bataillon des volontaires de la Haute-Saône. Ce deuxième Bataillon de Picardie était en Vendée au moment où il entra dans la composition de la 4e Demi-brigade.

"Le 9 juin 1793, A la prise de Saumur, un détachement s'y defendit seul avec un rare courage. Pressés par les Vendéens qui les sommaient de mettre bas les armes, ces braves enfants de Picardie préférèrent se jeter dans la Loire". Après l'arrivée des Mayençais, le Bataillon passa à l'armée du Rhin et prit une part glorieuse à toutes les affaires qui eurent lieu sur cette frontière. Dans un combat autour de Haguenau, un dragon autrichien coupa, d'un coup de sabre, le pouce à Poupart, canonnier du Bataillon, au moment où il allait mettre le feu à la pièce. Poupart aveugla son ennemi avec sa lance à feu et le fit prisonnier.

An II

Le 23 mai 1794, la 4e Demi-brigade se fit remarquer par sa grande bravoure : elle faisait partie de la Division Ambert, cantonnée à Hochspeyer et Fischbach, qui, attaquée par des forces supérieures, dut se retirer sur Pirmasens. Elle forma l'arrière-garde de la Division et soutint la retraite avec énergie, repoussant à la baïonnette la cavalerie ennemie à plusieurs reprises.

An III

Elle continua à servir pendant l'an II à l'armée de la Moselle, et, pendant l'an III, à l'armée du Rhin. Durant ces deux années, elle se fit remarquer dans plusieurs combats d'avant-garde, ainsi qu'à la défense de Manheim, en octobre et novembre 1795.

An IV (deuxième amalgame)

En l'an IV, lors du deuxième amalgame, cette 4e Demi-brigade de Bataille fut incorporée le 1er floréal (20 avril 1796), savoir :
Le 1er Bataillon dans la 89e, qui devint 86e de Ligne, 74e, puis de nouveau 86e; le 2e Bataillon dans la 31e; le 3e Bataillon dans la 62e, qui devint 62e de Ligne.

- 4e Demi-brigade provisoire

La 4e Demi-brigade provisoire, sans aucun lien d'ailleurs avec la 4e Demi-brigade de Bataille, fut formée à l'armée des Pyrénées, au milieu de juillet 1795, des corps suivants : 1er et 3e Bataillons du Tarn, 4e Bataillon du Lot, qui étaient dispersés et attachés à différentes Divisions de l'armée. Désignée pour faire partie de la Division Sauret, elle se réunit à Montpellier au mois de scptcmbre 1795 et se mit en marche pour rejoindre l'armée d'ltalie. En avril 1796, elle faisait partie de la Division Garnier (4e Division), lorsqu'elle devint 20e Demi-brigade, puis 11e Demi-brigade de Ligne au deuxième amalgame (création des Demi-brigades de deuxième formation).

- Origines de la 4e Demi-brigade de deuxième formation

Les Demi-brigades de première formation ne furent jamais complètement organisées; d'un autre côté, les levées nécessitées par la guerre permanente avaient introduit dans l'armée une foule d'éléments nouveaux. Il en résultait une confusion qui nécessita une nouvelle réorganisation de l'armée. Elle fut ordonnée par un arrêté du 10 nivôse an IV (31 décembre 1795), complété par un décret du 14 mars 1796 ; c'est l'époque le Général Bonaparte vient prendre le commandement en chef de l'Armée d'Italie (en germinal an IV - mars 1796).

Avec les débris des Demi-brigades de l'an II et avec de nouveaux Bataillons, il était prévu de former des Demi-brigades dites de ligne ou de deuxième formation, dont le numéro devait être tiré au sort. C'est ainsi que des éléments provenant de la 39e de première formation, du 2e Bataillon de la 55e, des 130e, 145e, 147e Demi-brigades, et de la 14e Demi-brigade provisoire (le tout de premier amalgame) devaient être fusionnés pour constituer une nouvelle Demi-brigade de ligne. Voici le détail de cet amalgame :

a/ 39e Demi-brigade de 1ère formation

Elle avait été formée en l'an II à partir du 1er Bataillon du 20e Régiment d'infanterie (ex-Cambrésis), du 1er Bataillon des Basses-Pyrénées et du 2e Bataillon des Basses-Pyrénées. Elle ne fut pas modifiée à l'organisation de nivôse an IV. Cette 39e Demi-brigade avait fait la campagne de 1793 et celle de l'an II aux Pyrénées-Occidentales, celle de l'an III aux Pyrénées-Orientales, celle de l'an IV aux Pyrénées-Orientales et en Italie.

-1er Bataillon des Basses-Pyrénées

L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.

Composé de 400 volontaires environ des districts de Bayonne et de Pau, rassemblés à Pau le 17 octobre 1791, formés en six Compagnies le 19 et organisés en un Bataillon incomplet les 20 et 21, le 1er Bataillon des Basses-Pyrénées est passé de suite en revue le 21 par le Maréchal de camp Duchilleau, assisté du Commissaire des guerres Derville et de MM. Bordenave et Liévin, Commissaires du département.

Etat des cadres à la formation (Revue du 21 octobre 1791). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-Colonel Dujat des Allimes* (Dominique-Christophe), de Lyon, 49 ans.
2e Lieutenant-Colonel Lanusse, de Monein.
Quartier-Maître Trésorier Barrère* (Dominique), de Tarbes.
Adjudant-Major Bellas* (Claude), de Bayonne, 33 ans.
Adjudant-Sous-Officier Girardin* (Joseph), de Nancy, 38 ans.
Chirurgien-Major N...
Grenadiers : Capitaine Pourailly (Etienne), de Pau, 28 ans. Lieutenant Ruthie* (Bernard), d'Aussurucq, 33 ans. Sous-Lieutenant Labat* (Bernard), de Nay, 36 ans.
1ère Compagnie : Capitaine Suzamicq* (François), de Pau, 54 ans. Lieutenant Ponse* (Antoine), de Pau, 44 ans. Sous-Lieutenant Foucade (Jean-Martin), d'Oloron, 42 ans.
2e Compagnie : Capitaine Claverie (Pierre), de Pau, 21 ans. Lieutenant Lamarque (Joseph-Léonard). Sous-Lieutenant Marquesuzan* (François), de Pau, 43 ans.
3e Compagnie : Capitaine Lambert (Jean-Baptiste), d'Ustarrits, 33 ans. Lieutenant Laxague (Pascal), de Laguinge, 33 ans. Sous-Lieutenant Lagravère (Guillaume-Firmin), de Montauban, 25 ans.
4e Compagnie : Capitaine Fourcatères (Raymond-Ignace). Lieutenant Bergès* (Eloy), d'Auch, 38 ans. Sous-Lieutenant Majendie (Pierre), 31 ans.
5e Compagnie : Capitaine Lamothe* (Pierre), de Pau, 37 ans. Lieutenant Guiroye* (Jean), de Moncin, 34 ans. Sous-Lieutenant Andrereu (Jean), de Pau, 50 ans.
6e Compagnie : Capitaine Ferrier l'aîné (Pierre), de Pau, 50 ans. Lieutenant Vignalet (Pierre), d'Arasp, 24 ans. Sous-Lieutenant Lapeyre (Félix), de Pau.
7e Compagnie (dédoublement de la 3e) : Capitaine Bellas* (Claude), de Bayonne, 35 ans. Lieutenant Riveron (Pierre), de Nay, 35 ans. Sous-Lieutenant Fortuné dit Balty (Antoine-Auguste), 25 ans.
8e Compagnie (dédoublement de la 2e) : Capitaine Lamarque (Joseph-Léonard). Lieutenant Pocy (Jean), de Sainte-Croix-d'Oloron, 49 ans. Sous-Lieutenant Pourailly (Paul), de Pau, 29 ans.

Le Bataillon part ensuite pour Saint-Palais et Mauléon, où il se complète peu à peu et procède, le 26 novembre, à la formation des deux Compagnies manquantes par dédoublement des 2e et 3e anciennes. Il passe à Oloron le 19 décembre et rentre à Pau le 20 pour l'hiver.

Le 1er Bataillon des Basses-Pyrénées est à Pau le 4 janvier 1792 et concourt à assurer l'ordre dans la ville, sur la demande de la municipalité. Il est troublé, le 7 mai, par une sorte d'émeute bientôt arrêtée et demeure à Pau jusqu'en octobre, comptant à l'armée du Midi. Il est chargé de fournir un certain nombre de postes sur la frontière des Pyrénées, puis, lorsque ces détachements ont été relevés par d'autres du 3e des Basses-
Pyrénées, il est réuni en entier à Narbonne en décembre "pour y reprendre un service régulier, une discipline exacte et se perfectionner dans la connaissance des évolutions militaires". Il vient ensuite en garnison à Bayonne et en part le 25 décembre; il passe par Saint-Palais et Sauveterre pour arriver en quartiers d'hiver à Navarreins.

En 1793, le Bataillon est affecté à l'armée des Pyrénées-Occidentales et se trouve encore le 1er avril à Navarreins (effectif : 730). Il se met en route quelques jours plus tard, passe aux Aldudes le 15 et est à Saint-Jean-Pied-de-Port le 20. Il prend part à l'affaire des Aldudes le 9 mai et à celle du poste de Berdarritz; il fait partie de l'avant-garde de la Division La Jamelière, combat à la fonderie de Baïgorry le 3 juin, à l'affaire du camp d'Yranchard le 4 et à la reprise du col d'Ispeguy le 5. Envoyé en expédition le 6 dans la vallée de Baztan, il était déjà en marche lorsqu'il apprend l'attaque des Espagnols; il revient en toute hâte, voit son chef des Allimes tomber mort, épuisé par la fatigue et la chaleur, en arrivant, et ne peut empêcher la déroute de Château-Pignon, perdant tous ses papiers. Il est envoyé le 22 juin à Saint-Etienne et prend part à l'attaque du camp d'Ispeguy, après laquelle les Espagnols sont obligés de repasser la Bidassoa. Il demeure immobile jusqu'à la fin de l'année, d'abord à Saint-Jean-Pied-de-Port de juillet à septembre, puis à Baïgorry où, le 21 octobre, il est amalgamé avec le 1er Bataillon du 20e Régiment et le 2e des Basses-Pyrénées, pour former la 39e Demi-brigade (entrée le 12 mars 1796 dans la composition de la 4e nouvelle).

Etat des cadres au moment de l'amalgame :
Chef : Suzamicq* (F.). Quartier-maître : N... Adjudant-major : N... Chirurgien : N. Adjudant-Sous-Officier : Castaing* (D.).
Grenadiers : Capitaine Pourailly (E.). Lieutenant Lassalade. Sous-Lieutenant Terlot* (0.).
1ère Compagnie : Capitaine Latrille (P.). Lieutenant Ponse* (A.). Sous-Lieutenant Barouilh* (J.).
2e Compagnie : Capitaine Fourcade (J. M.). Lieutenant Marquesuzan* (F.). Sous-Lieutenant Bonne (F.).
3e Compagnie : Capitaine Lambert (J. B.). Lieutenant Latxague (P.). Sous-Lieutenant Girardin* (J.).
4e Compagnie : Capitaine Majendie (P.). Lieutenant Bergès* (E.). Sous-Lieutenant Bergorrat (J.).
5e Compagnie : Capitaine Lamothe* (P.). Lieutenant Barrat (J.). Sous-Lieutenant Claverie (P.).
6e Compagnie : Capitaine Vignalet (P.). Lieutenant Hau (J.). Sous-Lieutenant Patou (J.).
7e Compagnie : Capitaine Bellas* (C). Lieutenant Riveron (P.). Sous-Lieutenant Balty (A. A.).
8e Compagnie : Capitaine Barrère* D.). Lieutenant Pocy (J.). Sous-Lieutenant Pourailly (P.).

- 2e Bataillon des Basses-Pyrénées

L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.

Composé de 400 volontaires environ du district de Pau, rassemblés à Pau le 17 octobre 1791, formés en six Compagnies seulement le 19, puis organisés le 19 et le 20 en un Bataillon incomplet, le 2e Bataillon des Basses-Pyrénées est passé en revue le 21 par le Maréchal de camp Duchilleau, assisté du Commissaire des guerres Dervillé et de MM. Bordenave et Liévin, Commissaires du département.

Etat des cadres à la formation (Revue du 21 octobre 1791). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.

1er Lieutenant-Colonel Casenave (Antoine de), de Lembeye, 28 ans.
2e Lieutenant-Colonel Pescheux (Pierre-Paul), de Pau, 44 ans.
Quartier-Maître Trésorier Laplace (Pierre), d'Uzos, 22 ans.
Adjudant-Major Noguèss*.
Adjudant-Sous-Officier François dit Brie* (Jos.), de Génaville (Mos.), 31 ans.
Chirurgien-Major (Vacant).
Grenadiers : Capitaine Sarraute (Jean-Baptiste), de Garlin, 28 ans. Lieutenant Lamothe-Saucet (Joseph). Sous-Lieutenant Camy* (Antoine), de Pau, 39 ans.
1ère Compagnie : Capitaine Lamothe (Jean), de Pau, 30 ans. Lieutenant Paris (Paul). Sous-Lieutenant Latapy (Jean- Pierre), de Garlin, 27 ans.
2e Compagnie : Capitaine Bellet* (Jean-Pierre), de Pau, 36 ans. Lieutenant Larriu (Jean-François-Xavier), d'Artiguelouve, 19 ans. Sous-Lieutenant Fourcade dit Gaillet (Jean), de Pau, 39 ans.
3e Compagnie : Capitaine Labat (Jean-Pierre), de Pau, 25 ans. Lieutenant Duron. Sous-Lieutenant Barbet.
4e Compagnie : Capitaine Feuillet (Jean). Lieutenant Labardate (Mathieu), Sous-Lieutenant Pascouan (Jean), 19 ans.
5e Compagnie : Capitaine Latour* (Pierre), de Pau, 32 ans. Lieutenant Baterabère (Jean). Sous-Lieutenant Lassansaa (Jean), de Billère, 23 ans.
6e Compagnie : Capitaine Ducois. Lieutenant Penne (Bertrand), de Pau, 28 ans. Sous-Lieutenant Labadet (Pierre), de Goarraze, 27 ans.
7e Compagnie (de dédoublement) : Capitaine Bayle (Jean-Antoine-Honoré), du Vernet (Basses-Alpes), 20 ans. Lieutenant N... Sous-Lieutenant Dibat (Jean).
8e Compagnie (de dédoublement) : Capitaine Noguès* (Bernard), de Pau, 26 ans. Lieutenant Ferré (Pierre), de Pau, 38 ans. Sous-Lieutenant Daize.

Le 2e Bataillon des Basses-Pyrénées part aussitôt après pour Oloron, s'y complète peu à peu, y constitue les deux Compagnies qui lui manquent et demeure immobile tout l'hiver.

En 1792, il reste en garnison à Oloron à perfectionner son instruction et y procède, le 1er mars, à une réorganisation de ses cadres lors du départ de Fescheux. Il compte en avril à l'armée du Midi, puis en octobre à l'armée des Pyrénées.

En 1793, il est affecté à l'armée des Pyrénées-Occidentales et se trouve en garnison à Saint-Jean-Pied-de-Port le 1er avril (effectif : 599). Il occupe, le 20 mai, le
camp de Château-Pignon et prend part aux opérations autour de Baïgorry, avec la Division de la Genetière, à partir du 3 juin. Il assiste à la déroute de Château-Pignon le 6, lors de la reprise des Aldudes par les Espagnols, et rentre à Saint-Jean-Pied-de-Port. Il est envoyé le 22 juin à Auhans, attaque le camp d'Ispéguy et force les ennemis à repasser la Bidassoa. Il demeure ensuite inactif, d'abord au camp près de Saint-Jean-Pied-de-Port, puis à Baïgorry, où il est amalgamé, le 21 octobre, avec le 1er Bataillon du 20e Régiment et le 1er des Basses-Pyrénées, pour former la 39e Demi-brigade (entrée, le 12 mars 1796, dans la composition de la 4e nouvelle).

Etat des cadres au moment de l'amalgame.
Chef en 1er : Noguès* (B.); en 2e : Bellet* (J.-P.). Quartier-maître : N... Adjudant-Major : N. Chirurgien : N... Adjudant-Sous-Officier : Noguès (D.).
Grenadiers : Capitaine Sarraute (J.). Lieutenant Camy* (A.). Sous-Lieutenant Serré (J.).
1ère Compagnie : Capitaine Lamothe (J.). Lieutenant Latapy (J. P.). Sous-Lieutenant Darros (J. P.)
2e Compagnie : Capitaine Larriu (J. F. X.). Lieutenant Fourcade (J.). Sous-Lieutenant Formarie* (M. J.).
3e Compagnie : Capitaine Labat (J. P.). Lieutenant Dispil (R.). Sous-Lieutenant Moncade (J.).
4e Compagnie : Capitaine François (J.). Lieutenant Gurs (J.). Sous-Lieutenant Pascouan (J.).
5e Compagnie : Capitaine Latour* (P.). Lieutenant Baterabère (J.). Sous-Lieutenant Gripet (C).
6e Compagnie : Capitaine Penne (B.). Lieutenant Lassansaa (J.). Sous-Lieutenant Labadet (P.).
7e Compagnie : Capitaine Pons (P. F.). Lieutenant Bergeron (J.). Sous-Lieutenant Dibat (J.).
8e Compagnie : Capitaine Ferré (P.). Lieutenant Pemilhe (A.). Sous-Lieutenant N...

b/ 2e Bataillon de la 55e Demi-brigade de 1ère formation

La 55e Demi-brigade de Bataille avait été formée à partir du 1er Bataillon du 28e Régiment (ex 29e Du Maine), et des 2e et 3e Bataillons de l'Ardèche.

Figure dans ses rangs un certain Jean-Pierre Dupin, futur Officier au sein du 4e de Ligne, auteur de Mémoires dans lesquels il raconte, entre autres, ses débuts en tant que soldat ; il nous informe aussi des premières campagnes de son unités jusqu'au 2e amalgame : "Nicolas Dupin, mon père, né à Chaudron, département de Maine et Loire le 9 avril 1738, entra au service militaire dans le Régiment de Périgord le 17 novembre 1759 ; Il fit la campagne de Hanovre de 1760, 61 et 62, fut blessé à l’affaire d’Hamenenbourg d’un coup de feu à la cuisse gauche.
A la formation du régiment des gardes de Lorraine, il fut choisi pour faire partie de ce corps où il y servit jusqu’à la mort du Roi Stanislas ; à cette époque, il fut incorporé dans le régiment Dumaine Infanterie.
En 1780, étant en guerre avec l’Angleterre, ce régiment faisait partie des troupes qui se rassemblaient sur les côtes de la Bretagne, pour aller attaquer les îles de Jersey et Guernesey ; la paix ayant arrêté ces mouvements, notre régiment fut dirigé sur le midi de la France. Nous restâmes deux ans en garnison à Montpellier, Nîmes, Béziers et Sète ; en 1783, nous reçûmes l’ordre d’aller tenir garnison à Toulon, mais en route nous reçûmes un contre-ordre pour nous diriger sur la Seyne et de là nous embarquer pour la Corse.
Notre régiment resta sept ans et demie en Corse ; en 1791 nous rentrâmes en France ; mon père était porté pour avoir sa retraite qu’il fut obligé de refuser, attendu que la Vendée, son pays natal, était à feu et à sang par la guerre civile, ce qui le força quoique d’un âge assez avancé, de continuer son service.
Le régiment fut dirigé sur le Var et fit partie de l’armée d’Italie, sous les ordres du Général d’Anselme, Brion, Brunet, Dumersion et Dugommier. Il fit les deux premières campagnes dans cette armée ; aux affaires des 7, 8 et 9 septembre 1793, il était capitaine commandant l’avant poste du camp de Breuille, avec cent hommes postés à la droite de la route dans une masure ; le 7, jour de la fête patronale du Piémont, toute notre ligne fut attaquée et nos avant-postes repoussés, son poste seul soutint et se trouva cerné ; sommé deux fois de se rendre, il répondit aux parlementaires que tant qu’un de ses hommes aurait une cartouche dans sa giberne il ne se rendrait pas. Le 9 au matin, l’armée Sarde fut mise à son tour en pleine déroute et en rentrant à son corps il reçut de ses chefs et de ses camarades les compliments les plus flatteurs. Appelé sous les murs de Toulon, il participa à la prise de la Redoute Anglaise dite Petit-Gibraltar où il monta à l’assaut ; après la prise de cette ville, le régiment fut dirigé sur l’armée des Pyrénées orientales.
Mon père fit à cette armée plusieurs traits de bravoure contre les Espagnols, mais il y termina au champ d’honneur, sur la rive gauche du Tech sa longue et honorable carrière militaire ainsi que son fils Philippe. Je restai seul avec mon frère Joseph, qui termina deux mois plus tard sa carrière, en défendant le poste des Moulins en avant du camp de Cantaloup.
Mon père avait un seul frère Mathias Dupin, qui entra au service militaire de bonne heure ; il servait au régiment de Bourgogne ; il fit les campagnes d’Amérique ; à la paix avec l’Angleterre il rentra en France malade et aveugle ; après son débarquement, il fut dirigé sur l’hôpital militaire de Nîmes, où il mourut quelques jours après son arrivée.
Moi, Jean-Pierre Dupin, né à Strasbourg le 29 juin 1772, je fus élevé par les parents de ma mère qui mourut en me donnant le jour ; à l’âge de sept ans, mon père me fit venir près de lui et je fus porté sur les registres du corps comme enfant du régiment Dumaine, dédoublement de Lyonnais, N° 29, boutons jaunes. Ce régiment porta ce numéro jusqu’au licenciement du régiment du Roi, il prit alors le N° 28 et boutons blancs.
A la paix de 1780 avec l’Angleterre, le régiment se trouvait sur les côtes de Bretagne, il fut dirigé sur le midi de la France et eut pour garnisons Montpellier, Béziers et Sète, il y resta jusqu’en 1783 où il reçut l’ordre d’aller tenir garnison en Corse.
En arrivant dans cette île, on mit deux cents hommes cantonnés à St Florent, deux compagnies à Corté, et le reste du régiment à Bastia ; comme il n’y avait pas de casernes pour y loger les troupes, elles furent ainsi réparties : les deux compagnies de grenadiers aux Jésuites, deux compagnies du centre à St François, deux à St Joseph, et enfin le reste du régiment à la citadelle et dans plusieurs maisons. Le régiment d’Ernest Suisse se trouvait aussi à Bastia avec nous, mais en 1789 il reçut l’ordre de rentrer en France, alors notre régiment resta seul. Mon père n’ayant plus que quelques années à faire pour avoir sa retraite, mes deux frères et moi, nous continuâmes de servir avec lui ; nous nous trouvions en Corse au moment de la révolution de 1789 ; malgré les nombreux agents qui nous étaient envoyés de Marseille et de Toulon afin de nous exciter à suivre l’exemple des autres corps en garnison dans ces villes pour renvoyer nos officiers nobles, le régiment, je dois le dire, conserva toujours la plus stricte discipline, fut inébranlable et conserva ses officiers, dont au reste il n’avait pas à se plaindre ; il opéra les changements que les lois prescrivaient, mais tout se fit dans le plus grand ordre et le plus grand calme. Telle a toujours été la conduite du régiment dans toutes les positions difficiles où il s’est trouvé.
Nous avions pour colonel en 1789 Mr le Comte de Rully, brave militaire, ayant fait les campagnes d’Amérique ; il était décoré de plusieurs ordres et très aimé du régiment. Cependant, ennuyé du long séjour que le corps faisait en Corse (7 ans et demie) et comme il avait du crédit à la Cour, il se disposa à faire un voyage à Paris afin d’obtenir un changement. Il partit ; quelques jours après son arrivée dans la capitale, il nous donna avis qu’il était heureux de nous annoncer qu’il venait d’obtenir notre changement et qu’il se mettait en route pour Toulon afin de presser plus vivement l’armement des vaisseaux qui devaient venir nous chercher. L’empressement et le zèle que mit notre colonel furent incriminés et donnèrent prise à la malveillance ; on lui attribua des desseins criminels ; on disait hautement que notre régiment était vendu au roi de Sardaigne ... enfin, après bien des contrariétés, les vaisseaux mirent à la voile et devaient en quelques jours nous transporter en France. Pour activer notre départ, le colonel part de Toulon avant nos vaisseaux et arrive à St Florent ; aussitôt il donne ordre au commandant de notre détachement de se tenir prêt à partir de suite ; celui-ci crut bon de lui observer que le régiment se trouvant seul dans cette partie de l’île, notre départ paraissait peu agréable aux habitants ; que déjà depuis plusieurs jours, il avait remarqué du mécontentement dans l’esprit du peuple et qu’il pourrait bien faire quelques démonstrations pour arrêter notre départ ; le colonel peu satisfait de ces observations lui répondit en pleine place et de manière à se faire entendre, qu’avec sa cravache et à la tête d’une compagnie de son régiment, il mettrait toute cette canaille à la raison.
Ce propos fut entendu et circula bientôt de bouche en bouche et en peu de temps fut connu à Bastia avant l’arrivée du colonel. A son arrivée dans cette ville, il fit venir chez lui notre Major pour lui donner ses ordres, celui-ci crût bon de lui observer que l’on remarquait un grand mouvement dans la ville, lui faisant part de ce fait, croyant qu’il était dirigé contre sa personne. Le colonel ne voulut porter aucune attention à ces avis ; étant fatigué, après avoir terminé avec le Major il se coucha, mais à peine au lit, un Corse qui lui était attaché, vint l’avertir qu’il n’était plus en sûreté chez lui, et qu’il était temps de quitter sa maison pour se mettre à l’abri ailleurs ; comme il était logé en ville, il crut qu’il pourrait passer la nuit aux Jésuites et qu’au jour avec les grenadiers il pourrait gagner la citadelle ; il consentit de sortir de chez lui par une autre porte dérobée et parvint non sans peine à gagner la caserne des grenadiers ; là il compta sur son courage ; fatigué il se jeta sur un lit et perdit les moments les plus précieux en ne gagnant pas de suite la citadelle. On l’éveilla au jour, mais il n’était plus temps, toutes les casernes se trouvèrent cernées et surtout celle des Jésuites qui était au centre de la ville et où on savait que se trouvait le colonel. Toutes les maisons environnantes étaient remplies de Corses qui bloquaient la caserne ; au jour, le colonel réunit sa troupe, et avant de la faire sortir, veut parler au peuple malgré les instances d’un lieutenant qui commandait les grenadiers ; il veut sortir seul, mais à peine a-t-il fait un pas hors du couvent, qu’il est renversé par une grêle de balles et que la troupe se trouve dans l’impossibilité de sortir.
Dès que la mort du colonel fut connue, les autorités municipales firent proclamer la loi martiale et une ordonnance qui engageait les habitants à rentrer chez eux et aux étrangers à retourner dans leurs foyers, considérant le départ du régiment comme suspendu et la troupe consignée ne faisant plus de service. Cet état de choses ne dura que quelques jours ; nous reprimes notre service comme de coutume ; quelques mois après nous fumes relevés par le régiment de la vieille marine. Dans cette affaire, notre Major, Mr de St Martin, fut blessé ainsi que trois officiers ; mon frère Joseph, sans la protection de Mr Ardipon père, aurait perdu la vie ; il se trouvait en ville dans ce moment, et comme la maison de Mr Ardipon se trouvait près des Jésuites, ce dernier le voyant poursuivi, le fit entrer chez lui où il passa la nuit.
Enfin les vaisseaux arrivèrent et nous partîmes pour nous rendre à Toulon, mais quelle fut notre surprise en apprenant en route que nous ne pouvions pas débarquer, attendu que la garde nationale et la troupe ne voulaient pas nous recevoir, disant que nous étions des aristocrates et que nous ne nous étions pas purgés en chassant nos officiers nobles ! On parlementa toute la journée, et il fut convenu que le régiment débarquerait la nuit et sans armes, entre le fort Lamalgue et la ville et qu’il serait dirigé sur Draguignan. A notre arrivée à Brignole, on nous donna séjour pour attendre disait-on nos équipages ; les autorités de cette ville profitèrent de cela pour mettre notre patriotisme à l’épreuve ; nous fûmes admis au club, d’après notre conduite, le Président ayant assuré que nous étions de bons français, on nous remit nos armes qui venaient d’arriver à Brignole. Malgré toutes ces tracasseries, le régiment fut toujours calme et conserva la plus stricte discipline ; nous arrivâmes à Draguignan où nous restâmes, et par notre conduite nous sûmes mériter l’estime de ses habitants. Je passai fourier de la compagnie de mon père avant notre départ. Nous avions alors Mr de Clairissi pour colonel, bon militaire, aîné du régiment, nous restâmes à Draguignan et Payonce jusqu’à l’époque où on rassembla des troupes sur le Var, environ onze mois ; comme nous étions près des frontières, nous crûmes que nous ferions partie de l’armée qui allait marcher sur le Piémont ; il n’en fut rien ; nous reçûmes à notre grand désappointement l’ordre de nous rendre à Toulon pour y tenir garnison, nous nous mimes en routes, toujours conservant la même discipline.
A notre arrivée à Toulon, nous fûmes casernés : un bataillon au fort Lamalgue et l’autre en ville ; là nous apprîmes non sans un grand chagrin, que le général d’Anselme allait prendre le commandement de l’armée des Alpes Maritimes ; comme le général avait servi dans notre régiment, nous lui adressâmes de suite une demande afin qu’il veuille bien obtenir l’ordre de nous faire venir près de lui ; il nous répondit que la chose était impossible en ce que le gouvernement n’avait pas grande confiance en nous, attendu que nous ne nous étions pas épurés ; alors il fut décidé qu’une députation de deux officiers, deux sous-officiers et deux soldats partiraient de suite pour aller présenter eux mêmes à Antibes, (quartier général du général en chef) notre nouvelle supplique. Cette demande fut très bien accueillie du général, mais il nous dit qu’aussitôt que le régiment se serait épuré, il ferait cette demande, mais qu’il ne le pouvait pas avant. Nos officiers s’apercevant que c’étaient eux qui étaient cause de toutes les tracasseries que l’on faisait au régiment, furent les premiers à aller au devant des dispositions que l’on voulait faire venir de nous contre eux ; une partie émigra, d’autres donnèrent leurs démissions et enfin, un autre bon nombre resta avec nous.
Après ces changements, une seconde réputation partit pour porter ces nouvelles au général d’Anselme, plus heureuse que la première fois, elle revint quelques jours après et nous apporta l’ordre de laisser trois cents hommes à Toulon pour monter la flotte que l’Amiral Truguet devait commander et de faire partir le régiment pour Antibes où se rassemblait l’armée d’Italie ; nous fûmes organisés en deux bataillons de guerre et je fus nommé fourier de la première compagnie de chasseurs.
A notre arrivée à Antibes, dans le courant de septembre 1792, nous passâmes le Var et marchâmes sur Nice que nous prîmes ainsi que Villefranche et le fort Montalban ; ce furent nos grenadiers qui s’emparèrent du fort ; aussitôt ces places rendues, nous partîmes pour l’avant-poste que nous établîmes à Scarena où nous passâmes tout l’hiver dans la plus grande misère ; le temps était affreux, nous avions soir et matin des escarmouches avec l’ennemi, et souvent dans la nuit, étant attaquée à l’improviste, il fallait aller batailler dans la neige et pieds nus, car nous manquions de tout ; cependant jamais aucune plainte ne se fit entendre par nous, quoique nous n’avions très souvent pas même une pauvre demi ration de pain sec.
Enfin le 9 mars 1793, le temps était devenu un peu meilleur dans nos montagnes, le capitaine Guillot commandant notre compagnie de chasseurs, reçut l’ordre d’aller prendre position à Moulines, à plus de trois grandes lieues de notre camp ; nous nous mîmes en route à la pointe du jour, nous descendîmes le col de Rousse et entrâmes paisiblement dans la gorge qui nous conduisit à notre position, mais à peine arrivés en vue de l’endroit, l’ennemi se présenta en force ; notre capitaine nous fit prendre une petite hauteur, mais bientôt nous nous trouvâmes entourés par une nuée de Barbets soutenue par de la troupe de ligue ; là nous soutînmes pendant près de six heures le feu contre ces forces vingt fois plus fortes que nous ; la nuit allait arriver, le capitaine voyant qu’il ne nous venait pas de renfort, que nos munitions commençaient à diminuer, que de plus, nous étions sur le point d’être tout à fait coupés, ordonna la retraite. Ce mouvement devait se faire, non par la route où nous étions venus et dont l’ennemi s’était emparé, mais par la cime des montagnes. Comme nous marchions sur un rang et dans un sentier très étroit, je me trouvais à la gauche de la compagnie avec le capitaine ; notre mouvement s’effectuant trop lentement, il m’ordonna de partir afin de tâcher de gagner la tête de la compagnie et d’ordonner de presser la marche, je m’élance, mais à peine arrivé au centre de la troupe dans un endroit très étroit, mon pied glisse et je roule sans abandonner mes armes jusqu’au bas de la montagne ; il faisait nuit, je me relève et veux me diriger du côté où je comptais pouvoir rejoindre ma compagnie, mais à peine ai-je fait dix pas que je suis arrêté par le cri de « qui vive » en Italien et que j’essuie deux coups de fusils de deux factionnaires ; sans perdre un instant je cours à eux, en leur disant en bon Italien : « State ferma, birbanti, o vi occiso ». Ils ne bougent plus, je les désarme et leur casse leurs fusils ; c’était un grenadier sarde et un Barbet ; je leur dis encore en Italien que je leur accordais la vie à condition qu’ils me serviraient de guide pour me conduire à Scarena et en parlant au Barbet, j’ajoute que s’il me trompe je le tuerai le premier. Ils me promettent et je les fis marcher devant moi, les tenants toujours à portée du canon de mon fusil. Plusieurs fois nous fûmes forcés de nous arrêter pour éviter de tomber à la rencontre de leurs gens qui suivaient ma compagnie, enfin après avoir couru bien des dangers, nous arrivâmes vers minuit sur la grande route de Scarena à Sospello ; là, je rencontrai quatre de mes chasseurs qui comme moi, par des chutes, avaient été séparés de la compagnie ; nous nous reposâmes puis nous nous remîmes en route et j’arrivai le lendemain au camp avec mes deux prisonniers. Je trouvai mon père et mes frères qui me pleuraient, me croyant mort, car dans ce temps, les Barbets, surtout ne faisaient que peu de prisonniers. Ces troupes, légères et sans ordre, peuvent être comparées aux Lazzaroni de Naples ou aux Guérillas d’Espagne ; elles sont même plus cruelles ; voici un trait qui suffit pour bien les faire connaître ; un jour, notre compagnie était détachée à Levenzo ; ils nous prirent trois chasseurs, les conduisirent sur le sommet d’une montagne la plus escarpée, là ils les firent déshabiller et les forcèrent à se jeter dans le précipice qui se trouvait au bas ; comme le second avait fait le mutin, ils furent forcés de se mettre tous après lui pour lui faire faire le saut de force, de manière qu’il ne restait qu’un Barbet pour garder le troisième chasseur, qui saisit ce moment, allonge un coup de poing de désespoir à son gardien, se sauve à travers les bois comme un sauvage et est assez heureux d’arriver à Levenzo tout nu et tout ensanglanté. Dans ma chute je ressentis un mal de côté provenant d’un effort ; je fus trois mois éloigné de ma compagnie pour me soigner et obligé de porter un bandage.
Le 12 mars, (trois jours après) nous fûmes commandés, vingt compagnies de grenadiers et de chasseurs, avec une brigade et deux pièces de canons de montagne pour aller s’emparer de cette position ; comme la première fois, il nous fût impossible de conserver ce poste plus de trois jours, nous fûmes obligés de revenir à notre position du camp de Rausse.
Nous assistâmes aux combats d’Altelle, Lantosca, Belle Vedere et reprîmes deux fois Sospello ; à ces deux dernières affaires notre régiment s’y conduisit de la manière la plus honorable ; à la dernière je faillis être victime de mon courage : sur la hauteur, de l’autre côté de l’endroit, notre compagnie de chasseurs criblait un bataillon Sarde qui se trouvait dans le fond de la route ; ne pouvant en sortir tant que nous continuerions notre feu, il se servit d’un stratagème ; les soldats mirent les crosses en l’air en nous criant qu’ils voulaient se rendre ; au même instant notre capitaine nous commande « En avant », nous nous lançons sur eux, mais quand ils virent que nous n’étions pas plus nombreux, ils retournèrent leurs armes contre nous et nous fûmes obligés de battre en retraite. Comme j’avais une forte chevelure, je fus saisi par ma queue ; j’eus la présence d’esprit de tirer mon sabre que j’enfonçais dans le flanc de mon adversaire qui tomba par terre en gardant mon ruban de queue dans la main et j’eus la vie sauve ; mais nos forces arrivant à l’instant, ce régiment tout entier fut pris et notre régiment lui fait payer sa perfidie ; toute l’armée Sarde fût repoussée de Breuille et Broglio, jusque sous les murs de Saorgio dont sans doute nous nous serions emparés si la malheureuse nouvelle de la prise de Toulon par les Anglais n’eut arrêté notre marche ; on nous fit former un camp sur la route près de Broglio.
La moitié de l’armée fut envoyée de suite sous les murs de Toulon, notre second bataillon en fit partie et désigné pour reprendre le fort Lamalgue.
Après cette soustraction, notre armée fut réduite à la défensive et obligée de faire face à un ennemi bien nourri, bien entretenu et trois fois plus fort que la nôtre qui était dans une position des plus malheureuses. Tous les jours, c’étaient de nouveaux combats à soutenir jour et nuit, qui devenaient chaque fois plus sérieux, surtout celui du 7 septembre, jour de la fête patronale du Piémont, qui rappelait tant de beaux souvenirs à la Savoie. Ce jour fut choisi pour exterminer l’armée française ; on y mit la plus grande pompe et on fit les plus grands préparatifs ; toute notre ligne fut attaquée à la fois, nos avant-postes furent d’abord repoussés, cette attaque dura trois jours, mais le 9, le courage français l’emporta et toute l’armée Sarde fut écrasée et mise en pleine déroute ; elle perdit toute son artillerie et plus de la moitié de l’armée fut faite prisonnière. Dans ces journées, mon père se distingua particulièrement ; le 7 il était de garde à l’avant-poste, placé dans une masure avec cent hommes, cerné de tous côtés, il reçut deux parlementaires qui lui proposèrent de se rendre, il fit répondre au général ennemi que tant qu’un de ses soldats aurait une cartouche dans sa giberne il ne se rendrait pas.
L’armée Sarde ayant été détruite dans ces trois journées, nous crûmes avoir un moment de répit, mais il n’en fut rien ; nous fûmes informés que pendant que nous étions attaqués au centre par le Roi même, une colonne composée de Croates et de Piémontais commandée par un prince Napolitain, s’avançait sur notre gauche le long du Var, afin, disaient-ils, de nous couper notre pont et la retraite, entrer en France avec le secours des mécontents, marcher et détruire l’armée qui bloquait Toulon ; déjà cette colonne s’était emparée de Gillette ; nous reçûmes l’ordre de marcher sur cet endroit ; cette colonne pouvait être de dix mille hommes. Aussitôt notre arrivée, notre régiment soutenu par quelques compagnies de gardes nationaux, attaqua cette colonne qui se trouvait retranchée dans cet endroit, et en deux heures elle mit complètement bas les armes et fut faite prisonnière ; tout fût pris. A cette affaire, Eberlé, Sergent Major de la compagnie de chasseurs, rendit les plus grands services ; chargé de prendre la redoute qui dominait l’endroit et qui était gardée par dix huit cents hommes, Eberlé, dans son chemin, voit un Major autrichien qui venait d’être tué, prend ses vêtements et son chapeau ; étant de Colmar, il parlait très bien allemand, il ordonna à la compagnie de cesser le feu, s’élança dans la redoute et ordonna aux Autrichiens de mettre bas les armes ; à l’instant la compagnie entra et tout fût pris. Pour récompenser cette belle conduite, le capitaine Guillot fut fait général de Brigade et Eberlé, de Sergent Major, Chef de bataillon Adjudant Général. Ainsi s’évanouit en quelques heures l’espoir de nos ennemis, qui devaient par cette manoeuvre porter le dernier coup à la France ; ces faits sont trop enchanteurs pour qu’à la longue on puisse croire qu’environ deux mille Français, manquant de tout, étant dans la plus grande misère, ont battu plus de dix mille ennemis, bien armés, bien nourris, et surtout bien entretenus et dans leurs pays ! C’est cependant la vérité.
Le lendemain de cette affaire, nous reçûmes l’ordre de départ pour nous rendre près du brave général Dugommier, qui était parti pour aller commander et activer le siège de Toulon, nous quittâmes ces hautes montagnes qui furent tant de fois témoins de nos brillants exploits et de notre constant amour de la patrie pour laquelle nous avions enduré tant de peines et de privations en tous genres.
Nous arrivâmes à Toulon ; nous crûmes rejoindre notre second bataillon, mais il n’en fût rien ; nous fûmes placés sur la gauche de la Seyne, entre cet endroit et Toulon, près la redoute que les Anglais avaient construite et qu’ils appelaient le Petit-Gibraltar. Cette redoute était défendue par six mille Anglais ; ses abords étaient fermés tout autour par un immense abatti de branches d’arbres et de trous de loups, puis se trouvaient les corps des arbres et de nouveaux trous de loups, enfin on arrivait aux chevaux de frise enchaînés et au fossé de la redoute qui était palissadé ; enfin la redoute se trouvait sur une petite éminence, les fondations étaient faites en mats de vaisseaux recouverts de fascines et les embrasures en sacs à terre ; elle était garnie d’artillerie de tout calibre, depuis l’espingole jusqu’à la pièce de trente six.
Le surlendemain de notre arrivée, à dix heures du soir, et par un temps des plus affreux, nous reçûmes l’ordre de marcher à l’attaque de cette redoute ; nous fûmes deux fois repoussés, ce ne fût qu’à la troisième charge qu’elle fut emportée ; les Anglais se défendaient comme des lions avec les fusils et leur artillerie, mais en nous rapprochant ils se servirent de grenades, de pierres et enfin de l’arme blanche ; ainsi dans la redoute, le combat s’engagea corps à corps à l’arme blanche et la valeur française l’emporta. Après un carnage de plus de six heures, par un temps des plus mauvais, la redoute fut prise et pas un Anglais ne fut fait prisonnier, ils moururent tous à leur poste ; au point du jour, l’intérieur de la redoute ne présentait qu’un monceau de morts et l’extérieur le tableau le plus affreux par la quantité de malheureux qui avaient succombé à ce carnage effrayant ; la terre en était couverte tout autour à une grande distance. Jusque là la flotte était restée paisible spectatrice, mais dès que notre drapeau fut arboré sur la redoute, l’Amiral Anglais ne put contenir son désespoir, il commanda à toute sa flotte le feu le plus meurtrier et ils en profitèrent pour faire leurs préparatifs de départ, parce que malgré les bombes, les boulets et la mitraille qui tombaient sur nous comme la grêle, nous marchions toujours afin de leur couper la retraite ; ils s’aperçurent de notre dessein, levèrent l’ancre et se disposèrent à partir, abandonnant tous ceux qu’ils avaient entraînés dans leur parti ; ils agirent contre eux avec une perfide cruauté ; sous nos yeux, il eurent la barbarie de repousser des embarcations à coups de canon à mitraille qui venaient implorer leur protection ; je me trouvais en tirailleur au bord de la mer pour prendre la vieille tour, au moment où une embarcation repoussée par eux venait de notre côté pour fuir la mort ; ce canot renfermait plusieurs dames et peu d’hommes, qui, pour se soustraire au feu terrible des Anglais, se jetèrent à l’eau, à peine arrivés sur le rivage.
Je faillis être victime de mon ardeur à secourir ces malheureux ; je m’élançais à la mer avec plusieurs de mes camarades et nous les retirâmes de l’eau, mais les Anglais redoublèrent leur feu à mitraille sur eux et sur nous dont plusieurs furent victimes ; moi j’en fus quitte pour recevoir à la tête quelques éclats de pierre ; la flotte anglaise brûla sur nous l’excédent de ses provisions de guerre. Vers midi, voyant qu’ils ne pouvaient nous arrêter, ils levèrent l’ancre au moment où nous nous emparions de la Croix des Seigneurs, poste qui commande le port ; ils se sauvèrent honteusement, abandonnant cette malheureuse ville et ses habitants après avoir mis le feu aux magasins à poudre, méchanceté dont ils attendaient les plus grands résultats, aidés par leurs amis les forçats, auxquels ils avaient donné la liberté afin d’être plus sûrs de la perte de la ville ; mais ceux-ci, plus humains et plus généreux qu’eux, ne se servirent de cette liberté que pour rendre les plus grands services à la ville ; ils se portèrent en masse aux différents magasins à poudre et furent assez heureux pour éteindre le feu en coupant les mèches que les Anglais y avaient postées, afin par leur explosion de faire sauter la ville ; mais ils ne furent pas aussi heureux pour nos autres établissements ; nos magasins furent pillés, nos vaisseaux qu’ils ne purent emmener, nos arsenaux, nos chantiers et enfin toutes nos provisions de toute espèce mis en feu et ne présentant plus que ruine et désolation. Le lendemain, nous prîmes possession de la ville qui n’offrit à nos yeux que le tableau de la plus triste dévastation ; vinrent alors les récompenses et les punitions, ces dernières poussées par la vengeance furent extrêmes, en voici deux exemples : à notre arrivée, l’Etat Major et les officiers du régiment de marine qui étaient restés en ville, vinrent au devant de nous sur la place d’armes près de l’arsenal, le représentant du peuple et le général en chef les firent placer en bataille le long du mur de l’arsenal et là sans autre forme de procès on fit avancer un bataillon à qui on ordonna de faire feu et ils furent tous fusillés. Pour le civil, le lendemain on ordonna à tous les citoyens qui étaient dans la ville d’en sortir pour se rendre au champ de Mars ; plusieurs vaisseaux servaient de ponton dans le port pour y recevoir les républicains ; avant leur départ, les Anglais y avaient mis le feu, mais le Thémistocle et un autre furent assez heureux pour l’éteindre et les malheureux qui les montaient se sauvèrent.
Voilà les juges que l’on prit pour punir les coupables ; ces individus portaient à leurs chapeaux un petit drapeau tricolore en guise de cocarde et furent placés en haie le long de la porte, là, ils désignaient ceux qui devaient passer à droite ou à gauche ; ici je dois rappeler un fait qui m’est personnel : ayant besoin de m’éloigner pour épancher de l’eau, je donnai mon arme à tenir à un de mes camarades et je traversai la ligne des gardes nationaux qui formaient la haie pour empêcher les hommes désignés de s’évader ; comme il y avait moins de monde, car la place était encombrée de troupes, ayant fini, je voulu rentrer à mon poste, (comme nous avions quatre cents hommes embarqués sur la flotte qui se rendit aux Anglais ; ils emmenèrent bien les vaisseaux, mais ils laissèrent les hommes, plusieurs avaient déjà passé en avant), mais quand je voulus revenir, pour rien au monde, les gardes nationaux ne voulurent me laisser traverser la haie, heureusement pour moi, qu’un officier de mon bataillon se trouva là pour me réclamer, enfin, quand tous les citoyens furent sortis hors de la ville, tous ceux qui avaient été désignés pour passer à gauche, (ils pouvaient être trois ou quatre mille avec les soldats blessés et autres qu’on porta même sur des brancards) furent placés au fond de la place le long d’un grand mur, et là, quatre bataillons que l’on fit avancer alternativement, firent feu, jusqu’à ce que tous soient morts ; le lendemain, ce fut le tour des femmes, nous restâmes huit jours dans cette malheureuse ville, pendant lesquels nous eûmes ces tristes expéditions. Nous restâmes huit jours dans la ville, afin de nous remettre de nos fatigues et réparer nos effets, car nous étions dans une bien triste position, manquant de tout, excepté de courage et d’amour pour la patrie !... Nous revenions de nos montagnes dans un délabrement complet ; on nous donna des effets réquisitionnés, nous nous trouvâmes, l’un habillé de vert, l’autre de jaune, enfin, bariolés de toutes couleurs, l’un avait un casque, l’autre un chapeau rond, d’autres à cornes, mais on souffrait tout pour la liberté et la patrie.
Je fus nommé sergent au choix de mes camarades, dans la compagnie de mon père, c’était la loi alors, et c’étaient nos camarades qui nous récompensaient. Enfin, notre brave général Dugommier reçut l’ordre d’aller prendre le commandement de l’armée des Pyrénées Orientales et à notre grande satisfaction nous emmena avec lui ; nous partîmes de Toulon le neuvième jour de la prise et l’Arsenal fumait encore ; contents et joyeux, nous nous mîmes en route pour Perpignan que les Espagnols venaient de cerner après s’être emparés de Bellegarde, du Boulon, de Collioure, de Port Vendres et Saint Elme. A notre approche, l’armée Espagnole se retira sur la rive droite du Tech et nous fumes prendre position à Elme qui se trouve sur la rive gauche ; nous restâmes à peu près un mois dans cette position pour attendre l’organisation de l’armée qui se trouvait dans un état de délabrement Complet ; pendant le temps que nous restâmes là, nuit et jour nous avions des combats d’avant-postes à livrer ou à soutenir ; dans un de ces combats, à le tête du pont d’Elme j’eus le malheur de perdre mon père et mon frère Philippe, tous deux, morts au champ d’honneur.
Quelques jours après, l’organisation de l’armée étant terminée, nos combats de nuit furent multipliés, afin de mieux tromper l’ennemi ; dans un, je passais le Tech avec huit grenadiers dont je venais d’être nommé sergent ; je surpris un poste en m’emparant d’une vedette que je fis prisonnier. Enfin, l’ordre tant désiré de marcher à l’ennemi arriva ; toute notre armée passa le Tech, l’armée Espagnole fut mise en retraite ; notre bataillon et le 8ème léger formaient le premier régiment de chasseurs de la Division Sauret. Nous fûmes désignés pour prendre Collioure, Port Vendres et St Elme ; le 8ème léger venait aussi comme nous du siège de Toulon et avait également beaucoup souffert. Notre bataillon ayant été reconnu le plus propre à la guerre de montagnes, fût dirigé sur Villa de la Rocca, petit village situé au pied des Pyrénées ; nous en partîmes à la tombée de la nuit et nous marchâmes toute la nuit, afin de nous emparer de la cime des plus hautes montagnes ; nous arrivâmes au point du jour sur celle qui domine St Elme ; il est impossible de dire combien nous avons souffert pendant cette malheureuse nuit ; nous laissâmes là un poste et nous descendîmes sur St Elme pour cerner ce fort. Cette forteresse est placée sur une montagne qui forme le dos d’âne, notre bataillon prit position sur la croupe où se trouvait une petite bergerie ; ma compagnie de grenadiers fut placée en avant sur une petite hauteur qui formait le garo et où la batterie à laquelle nous devions travailler devait être placée et battre le fort qui formait la tête ; Collioure et Port Vendres se trouvaient au bas comme des étriers. Dans la journée nous fûmes maîtres de cette position, l’ennemi renfermé dans le fort, et Collioure et Port Vendres étant liées ensemble par un chemin au bord de la mer par cette manoeuvre se trouvaient bloquées par terre et par St Elme qui dominait ces deux places. Sans perdre de temps, nous travaillâmes à dresser une batterie afin de nous mettre à l’abri du feu de l’ennemi qui nous arrivait de tous côtés ; quatre pièces de gros calibre, deux petits mortiers et les munitions pour servir ces pièces, furent traînés à bras par notre bataillon, enfin, en peu de temps cette batterie fut armée et le feu battit le fort en brèche. De leur côté, les Espagnols ne cessaient de nous harceler nuit et jour ; dans une affaire générale de nuit, deux colonnes, l’une partie de Collioure, l’autre de Port Vendres, vinrent nous attaquer vivement, celle partie de Collioure fut arrêtée et ne put parvenir jusqu’à nous, mais l’autre venant de Port Vendres fut plus heureuse, elle était composée d’émigrés ; elle parvint à surprendre nos avant-postes en leur criant : ne tirez pas, nous sommes Français ! Comme la nuit était très obscure, elle parvint jusqu’à notre bivouac et nous égorgea quelques hommes, qui n’avaient pu prendre leurs armes. Cette colonne arriva sur la hauteur en même temps que le brave général Dugommier accompagné d’une faible escorte, il venait là afin de s’assurer de tout par lui-même, mais au même instant arrive aussi l’ennemi ; se trouvant dans la position la plus critique, il conserva sa présence d’esprit et dès qu’il vit le danger imminent qu’il courait, il s’écria « à moi ! braves grenadiers du 28ème, à moi ! ». Nous étions en avant de la redoute, l’arme au bras à attendre l’ennemi ; à ce cri, nous faisons demi tour, croisons la bayonnette et nous nous précipitions comme des lions sur les émigrés ; en un instant la terre est couverte de morts et cette colonne mise en pleine déroute ; le brave général Dugommier ne cessa de nous adresser les plus grands éloges et chaque fois qu’il nous passait en revue, il nous disait : voilà mes libérateurs ! Nous perdîmes plusieurs hommes dans cette échauffourée.
Le lendemain, le feu de notre batterie continua avec plus de vigueur ; quelques jours après, le représentant du peuple vint nous visiter et voulut que le général en chef ordonna l’assaut malgré les observations du général qui lui dit que la brèche n’était pas encore praticable ; enfin l’assaut fut ordonné et ma compagnie reçut l’ordre de remplir cette mission ; le 2 prairial, an 2, à dix heures du soir, l’armée fit une fausse attaque sur Collioure et Port Vendres et ma compagnie de grenadiers où j’étais Sergent Major marcha droit au fort St Elme ; munis d’échelles, nous entrâmes dans le fossé et nous les plaçâmes le long du fort ; je montai le premier, mais quel fut notre désappointement ; la brèche n’était point praticable et nos échelles se trouvaient trop courtes ! Une voix fit connaître à l’ennemi ce malheur ; jusque là il avait ralenti son feu, mais à cette nouvelle il le redoubla ; je fus atteint d’un coup de feu à la cuisse et d’un coup de bayonnette au pied, je fus renversé par la chute sur ma tête de plusieurs morceaux de terre et je tombai dans le fossé ; tous nos efforts furent inutiles, nous fûmes obligés de nous retirer et d’abandonner nos blessés ; sans la précipitation du représentant du peuple à faire donner l’assaut, notre succès eut été complet. Je restai dans cette triste position jusqu’au lendemain matin avec une vingtaine de mes camarades ; c’était d’autant plus affreux qu’alors nous faisions une guerre à mort avec les Espagnols, mais eux-mêmes, se trouvant aussi dans une mauvaise situation et voyant qu’ils ne pouvaient pas nous échapper, du haut de leurs remparts, à la pointe du jour, ils firent des signaux pour annoncer que l’on pouvait venir nous enlever sans crainte et cessèrent le feu ; nos camarades vinrent nous enlever et je fus conduit à l’ambulance où je fus obligé de rester deux mois et où j’appris la mort de mon frère Joseph tué à l’affaire dite des Moulins, en avant de Cantaloup. Ce fut la première fois que les Espagnols essayèrent de monter de l’artillerie légère ; ils vinrent nous attaquer avec deux pièces montées avec des mulets ; nous les prîmes avant qu’ils aient pu faire leur seconde décharge. Quelques jours après notre assaut, St Elme, Collioure et Port Vendres se rendirent à discrétion ; notre bataillon fut dirigé pour renforcer le blocus de Bellegarde qui était la dernière place Française que les Espagnols occupaient encore ; Dugommier voulant conserver cette place ne voulut pas l’assiéger, mais il y établit un fort blocus, et tous les efforts que fit l’ennemi pour nous repousser furent inutiles. Là, je rejoignis ma compagnie et sortis de l’hôpital. Nous fûmes placés un instant au camp de Cantaloup et de là, au bas de la montagne Noire, près de la route de Figuières en avant de la Jonquière, nous établîmes une redoute sur une petite hauteur, que le général Dugommier nomma la Redoute Sans Peur, car il les baptisait toutes des noms de Liberté, l’invincible, la Foudroyante, etc. Nous formions l’armée du centre, en face des forces principales des Espagnols et des Portugais ; nous eûmes dans cette position plusieurs affaires des plus glorieuses, malgré tous les efforts que fit le général en chef Espagnol pour ravitailler Bellegarde, il fut repoussé partout et ne cessa ses attaques qu’après la capitulation de cette place. Jusqu’au jour où Bellegarde se rendit, nous fûmes vigoureusement attaqués matin et soir, quelquefois trois fois par jour, afin de pouvoir nous enfermer et pénétrer dans la place pour la dégager mais tous les efforts furent inutiles.
Le 27 brumaire, an 3 (18 septembre 1794) Bellegarde se rendit ; en apprenant cette nouvelle, le Général Espagnol Launion prévoyant qu’ils allaient être attaqués, fit prendre à son armée des positions formidables en avant de Figuières, couverte par une immense ligne de redoutes toutes placées sur des hauteurs le plus avantageusement possible et garnies d’une nombreuse artillerie ; cette ligne était regardée par eux comme impénétrable ; cependant le 18 novembre 1794, à la pointe du jour, notre brave Général, surnommé le père du soldat, donna le signal de l’attaque ; toute l’armée se mit en mouvement, nous formions l’aile gauche, Division de chasseurs Sauret ; le premier jour, l’attaque et la résistance furent terribles, nous nous bornâmes à repousser les avant postes en leur prenant quelques positions peu importantes ; notre Division pouvait être de dix mille hommes à l’effectif et nous avions à en combattre vingt cinq mille, bien armés, bien équipés et surtout bien retranchés, leur aile droite étant appuyée à la citadelle de Rose. La nuit mit fin un moment au combat, qui recommença plus terrible à la petite pointe du jour ; toute la matinée se passa à prendre quelques positions peu importantes, nous attendions que notre aile droite ait fait quelques progrès, mais vers les deux heures de l’après-midi, nous apprîmes que le brave Général Dugommier en voulant observer les positions de l’ennemi s’était mis au sommet de la montagne Noire et venait d’être tué par un éclat d’obus ; il put encore adresser ces paroles aux officiers qui l’entouraient : « Faites en sorte de cacher ma mort à nos braves soldats, pour qu’ils achèvent de remporter la victoire ; seule consolation à mes derniers moments ». A cette nouvelle, toute l’armée fut profondément émue et resta quelques heures comme paralysée par l’affection qu’elle portait à son brave général en chef, qui lui avait mérité le nom de père du soldat d’après la réponse qu’il fit au représentant du peuple qui le pressait de donner l’assaut du fort St Elme, « Représentant, dit- il, apprenez qu’il faut vingt ans pour faire un homme et qu’il ne faut qu’une seconde pour le tuer ». Cette réponse lui donna tous les coeurs de son armée.
Le général Pérignon prit de suite le commandement de l’armée, et le sentiment de tristesse où elle était plongée fit place à celui d’une vengeance terrible ! Alors, le général Pérignon suivit les intentions du général Dugommier et changea son plan d’attaque ; notre bataillon reçut l’ordre de se porter de suite sur la droite de notre armée qui se trouvait à St Laurent de la Mouga sur les montagnes, nous partîmes de suite, sans boire ni manger ; après nous être battus tout le jour, nous marchâmes toute la nuit en silence et nous arrivâmes à la Mouga à la pointe du jour, après avoir fait dix grandes lieues ; on nous distribua une ration d’eau de vie, un morceau de pain et on nous donna deux heures de repos dont nous avions le plus grand besoin, car nous étions morts de faim et harassés de fatigue. Le 20 au petit jour, l’heure de la vengeance sonna, nous fûmes placés à l’avant garde, l’armée se mit en mouvement, et en moins de neuf heures, nous attaquâmes avec une telle impétuosité, que l’armée Espagnole fut mise en pleine déroute ; de cette belle armée qui comptait vingt cinq mille hommes, il n’en resta pas six mille ; enfin, près de onze heures du matin les quatre vingt redoutes furent prises, toutes les positions, camps retranchés, armée en déroute, tout fut pris et en notre pouvoir, ce qui fit neuf heures de combat en tout ! Le corps du général en chef Espagnol, comte Launion fut trouvé parmi les morts sur le glacis en avant de sa dernière redoute. Dans cette mémorable journée pour la France, il fut brûlé peu de poudre, le canon et la fusillade eurent peu à faire, Redoutes, camps retranchés, tout fut enlevé à la bayonnette ; notre bataillon, toujours placé à l’avant garde, fut honorablement complimenté par le général en face de toute l’armée qui se trouvait réunie sous les glacis de la citadelle de Figuières ; pendant cette revue nous eûmes le plus triste spectacle de la cruauté des Espagnols qui avaient miné leurs redoutes et sautaient en l’air l’une après l’autre ; là nous perdîmes quelques hommes ; sans ce malheur, notre victoire aurait été complète ; cette armée fut entièrement démoralisée. Les Espagnols ne croyaient pas que l’armée Française aurait marché aussi vite, c’est ce qui fit que nous perdîmes peu de monde, car aussitôt une redoute prise, on courait de suite pour en reprendre une autre, ainsi de suite jusqu’à la dernière.
Après la revue, notre Division défila tout autour du fort de Figuières qui se rendit à la première sommation tant les Espagnols étaient démoralisés et avaient peur de l’armée Française ; nous partîmes ensuite après la revue et nous marchâmes sur Rose, qui sans l’obstination du Représentant du peuple, se serait rendue comme Figuières, mais il ne voulut recevoir la soumission de la citadelle et du fort sans celle de la flotte qui était à l’ancre dans le port ; l’amiral s’y opposa et on fut obligé de commencer le siège qui fut des plus rudes vu la saison et notre triste position, aussi, eûmes nous tous à souffrir, le froid, la faim, les maladies et les fatigues, étant presque nus, nous eûmes plusieurs sentinelles gelées à la tranchée ; nous étions sans vêtements et les pieds nus ; pendant le siège il nous arriva quelques effets d’habillement, mais c’était curieux de nous voir : l’un avait un habit vert, l’autre jaune, un autre bleu etc., les uns avaient des chapeaux, d’autres des chapeaux à trois cornes et des casquettes ; placés à la droite du siège près du rivage, nous eûmes beaucoup à souffrir de la flotte qui, nous prenant sur le flanc, nous bombardait et nous attaquait jour et nuit ! Quant aux vivres, le vin fut le seul soutien pour les troupes, parce que les caves des habitations des environs de la place nous en fournirent en abondance et de très bon vin, mais les vivres manquaient ; on nous fit quelques rares distributions de lard et de viande salée tirés de Figuières, quelques chèvres que nos soldats allaient prendre dans la montagne, quelque peu de biscuits et de farine qui étaient dans Figuières pour sa provision, furent la seule nourriture que la troupe de siège reçut pour vivre pendant trois grands mois et la saison la plus rigoureuse ; nous n’avions pour nous chauffer que des ceps de vignes, en rentrant dans nos tentes au retour de nos gardes de la tranchée et du service de la pelle et de la pioche ; notre bataillon fit ce service depuis le commencement jusqu’à la fin, mais il est impossible de décrire toutes les souffrances que nous fit endurer ce siège.
Enfin, le 3 février 1795 nous reçûmes l’ordre de monter à l’assaut ; on envoya 300 hommes, des tirailleurs, qui entrèrent dans la ville, sans coup férir, il n’y avait plus une âme, la garnison avait abandonné la place n’y laissant que les morts et les blessés qui étaient en grand nombre car ils s’étaient courageusement et vaillamment défendus. L’obstination du Représentant du peuple a coûté bien cher à la France en hommes, car de notre côté nous avons aussi perdu beaucoup de monde. Notre bataillon fut désigné pour garder la citadelle, nous y restâmes douze jours ; le 16 au matin, nous en partîmes ; à peine avions nous fait une demi lieue que nous entendîmes une forte détonation, c’était une mine que nous n’avions pu découvrir qui faisait explosion, le bataillon qui nous avait relevés perdit près de 200 hommes par cette explosion ; voilà le caractère de ces hommes fanatiques qui n’avaient que la pensée de nous faire du mal ; ils poussèrent la méchanceté jusqu’à empoisonner les eaux en jetant leur batterie de cuisine en cuivre dans les puits ! De suite nous fûmes dirigés sur Castilliona, sur la Fluvia, où nous eûmes plusieurs affaires glorieuses et enfin en avant de Figuières où nous établîmes un camp formant l’avant garde de cette place qui était le centre de l’armée ; nous reçûmes en amalgame les 2eme et 3ème Bataillons de l’Ardèche complets en officiers et sous officiers, et environ 1200 hommes. C’est à cet amalgame que notre brave bataillon échangea son beau nom de Dumaine au 28ème qu’il avait si bien honoré pour celui de 55ème demi brigade. Afin de nous familiariser on mit plusieurs de nos sous officiers dans les compagnies de gardes nationales ; je fus nommé sergent major de la lère compagnie de grenadiers. Notre séparation du bataillon des Vosges nous fut très pénible ; nous avions contracté une amitié telle, qu’en nous disant adieu nous eûmes autant de chagrin que si nous quittions nos pères et mères... De suite après notre organisation nous fûmes donc comme je l’ai dit, au camp sur la Fluvia, en avant de Figuières ; là nous eûmes plusieurs affaires glorieuses, mais nous souffrîmes plus des maladies que du feu de l’ennemi, nous nous portions bien le matin et le soir nous étions morts ; l’ennemi était aussi mal que nous, ce qui nous amena forcément à une suspension d’armes, nous manquions absolument de tout, excepté du courage que l’amour de la patrie nous conservait. Heureusement que la paix vint nous tirer de cette affreuse position ; ce qu’il y eut de plus honorable pour nous, c’est que jamais une plainte n’est sortie de notre bouche, ni aucun signe d’insubordination ne s’est manifesté, mais dans ce temps, il n’y avait ni l’argent ni l’ambition pour mobiles ; honneur et patrie ! C’était tout pour nous ; si un individu de l’armée eut eu le malheur de porter atteinte au prestige de ces deux mots, il aurait été corrigé à l’instant par ses camarades de manière à lui faire passer l’envie d’y revenir.
Le 5 août 1795, à notre grande satisfaction, la paix nous fut annoncée ; aussitôt nous reçûmes l’ordre d’aller rejoindre l’armée d’Italie ; nous partîmes pour Nice ; les deux campagnes que nous venions de faire étaient des plus pénibles, sans solde, sans habillements, toujours coucher sur la terre, sans entrer ni dans une maison ni une grange, nous recevions une nourriture qui suffisait à peine pour nous soutenir, des hôpitaux qui étaient de vrais tombeaux, car on se servait de maisons que les habitants avaient eu soin de dévaster avant de les quitter, et pour couchage, quelque peu de paille dont on aurait à peine pu se servir pour litière aux chevaux était ramassée par tas dans les cours et les corridors des maisons ; on mettait trois malades ensemble, car il me suffit de vous en donner un idée pour vous convaincre de la malheureuse position qui était réservée aux blessés et aux malades ; je fus conduit à l’ambulance et déposé sur un chenil, on me donna le soir deux camarades, je me trouvais au milieu étant arrivé le premier, le lendemain à la pointe du jour je voulus faire connaissance avec mes nouveaux camarades, mais comme ils ne répondaient ni l’un ni l’autre, je voulus les pousser pour les éveiller, mais peine inutile, il étaient morts tous deux dans la nuit. J’étais d’autant plus content de quitter cette terre de peine et de deuil pour moi, que je ne cessais de penser aux pertes cruelles que j’avais éprouvées de mon bon père et mes deux frères ! ! !
Nous partîmes les derniers, mais de quel spectacle affreux fument nous spectateurs ! Depuis Figuières jusqu’à Perpignan nous ne faisions pas deux cents pas, sans rencontrer à droite et à gauche, un cheval, un âne crevés ; pas un arbre ou un buisson sans avoir deux, trois et quatre malheureux morts. Jusqu’à Belgarde je m’étais bien porté, mais comme on nous avait fait forcer la marche, arrivé à Belgarde, on nous fit faire halte pour nous donner un peu de galette, je me couchais sur l’herbe, on y resta deux heures ; comme je m’étais endormi, on vint m’éveiller pour partir ; à ma grande surprise je ne pus me lever, j’avais une fièvre des plus fortes, mais mes camarades me faisant voir la position malheureuse où nous nous trouvions, sans moyens de transports, ce tableau me donna du courage, je me levai et avec bien du mal je suivis ma compagnie qui fut couchée dans un village à deux lieues de Perpignan car cette ville était encombrée des états majors des dépôts de différents régiments de l’armée. Nous restâmes huit jours dans notre pauvre village dont le perruquier me traitait pour me couper la fièvre ; le lendemain de notre arrivée, je reçus l’ordre de me rendre à Perpignan, pour y retirer du magasin du régiment les effets de mon père et de mes deux frères qui étaient considérables en meubles, effets et argenterie ; me trouvant dans l’impossibilité de le faire étant malade, je chargeai un de mes camarades d’aller me remplacer et de tâcher de vendre le tout s’il le pouvait, car il y avait un partage à faire entre ma belle-mère et moi ; elle se trouvait à Perpignan bien malheureuse, non par manque d’argent, mais par la difficulté de se procurer des vivres ; souvent j’étais obligé d’aller à son secours par toutes les occasions que je pouvais trouver, pour lui faire passer le peu d’économies que je pouvais faire sur ma nourriture et celle de mon pauvre frère, qui avait meilleur appétit que moi et qui ne pouvait pas supporter la privation ; combien de fois n’ai-je pas grondé ce bon frère pour avoir trop mangé ! mon camarade partit, trois jours après il me rapporta seize mille francs en papier (à cette époque les assignats étaient au même taux que l’argent) produit de la vente du mobilier et des effets et quatre mille deux cents francs pour celle de l’argenterie.
Jusque là, jamais aucune plainte n’avait été portée par la troupe ; nous partîmes de notre cantonnement, je suivis mon corps en commandant ma compagnie, car mon capitaine Roche et mon lieutenant Dubois étaient malades et je n’avais pas de sous lieutenant. J’ai souffert comme un malheureux de Perpignan à Nîmes ; le lendemain de notre arrivée, nous passâmes dans cette dernière ville la revue du commissaire des guerres ; notre demi Brigade étant instruite qu’on avait donné de l’argent au quartier maître, porta plainte au commissaire des guerres et comme de raison exigea d’être payée ; toutes les observations qu’on pût faire aux soldats ne servirent à rien, ils refusaient de marcher ! Notre quartier maître n’arrivant pas et nous écrivant qu’il ne pouvait nous préciser le jour de son arrivée par suite de l’encombrement des troupes et le manque total de transports, alors il fut arrêté qu’un emprunt serait fait dans la demi brigade, qui servirait à donner un acompte à la troupe ; comme on savait que je venais de toucher de l’argent on vint me trouver pour m’engager à participer à cet emprunt, je ne consultai que l’honneur du corps et je donnai mes seize mille francs qui à ce moment ne perdaient rien ; ma blessure s’étant rouverte la veille de notre arrivée à Nîmes, je fus forcé d’entrer à l’hôpital et à mon grand regret je vis partir ma compagnie. Je restais un grand mois à l’hôpital de Nîmes, mais dans un état de marasme complet ; enfin je m’acheminais lentement sur la route d’Italie, ne pouvant pas me rétablir à l’hôpital ; je comptais que l’aire et la route me rendraient mes forces, mais il n’en fut rien ; A Aix, je fus forcé de rentrer à l’hôpital où je restai encore quinze jours ; le matin du jour de mon départ, j’étais plongé dans mes rêveries les plus tristes, je me demandais ce que j’allais devenir, seul, sans parents, car le pays de mon père (la Vendée), était à feu et à sang, mes amis de mon régiment étaient presque tous tués, je restais donc seul pour gouverner ma conduite ; là, je pris la résolution d’être honnête homme, de fuir les mauvaises sociétés et d’avoir toujours la plus grande confiance en Dieu. A l’instant mon médecin arrive près de mon lit et me demande comment je vais ; je luis répondis : à peu près la même chose, et que j’avais encore eu la fièvre ; il me dit qu’il ne savait quel métier je faisais dans mon lit, que je faisais le câlin tandis que mes camarades se battaient à la frontière ! Je lui répondis qu’il voyait bien que j’étais trop mal pour pouvoir me rendre à mon corps, que si je ne me battais pas aujourd’hui j’avais déjà versé mon sang et perdu mon père et mes deux frères pour la patrie ; « ba, ba, me dit-il, si tout le monde faisait le câlin comme toi, nous serions bientôt égorgés en France » ; je lui répondis fièrement : « c’est assez, citoyen, je vais partir à l’instant, je ne resterai pas deux heures de plus dans ton hôpital !» Je me lève et fais mon sac ; mon camarade qui était près de moi, jeune homme qui avait été blessé dans les Allobroges au siège de Toulon, ne pouvait pas guérir d’une grave blessure, parce qu’il préférait la mort à l’amputation, voyant que j’étais décidé à partir, me dit : « tiens, camarade, on m’a donné trois remèdes pour guérir la fièvre la plus mauvaise, tu choisiras et à la première étape tu pourras l’essayer ; le premier, c’est de boire un verre d’urine au moment où tu sentiras la fièvre arriver ; le second, de faire une tasse de café bien fort, d’y mettre un jus de citron dedans et de l’avaler sans sucre avec le marc ; le troisième de faire bouillir une bouteille de bon vin avec du sucre et de la cannelle, de tremper une soupe avec du pain et de la manger aussi au moment où la fièvre vient, et tu es sûr que tu t’en débarrasseras ». J’optais pour ce dernier et promis à mon camarade de faire ce remède en lui assurant que s’il ne me tuait pas je lui donnerais de mes nouvelles. Je dus prendre mon billet de sortie et j’allai chez le commissaire des guerres prendre ma feuille de route ; là je rencontrai un ancien officier qui allait aussi rejoindre son corps à l’armée d’Italie ; après nous être entendus sur le moyen de faire la route ensemble, il me proposa de profiter de la monture à laquelle il avait droit comme ayant dépassé l’âge de cinquante ans et moi de partager mon étape avec lui, car le gouvernement ne lui accordait que deux francs cinquante centimes en papier par jour, et avec cette somme il mourait de faim. Enfin, notre accord fait, je monte sur sa bourrique, et lui, marchait à mes côtés, autant pour me secourir si je me trouvais faible, que pour causer avec moi. Nous arrivâmes enfin à St Cyprien d’assez bonne heure ; nous logeâmes ensemble chez une bien brave veuve, nous lui demandâmes ce qu’il y avait de curieux à voir dans l’endroit, elle me dit : « la cathédrale » ; comme j’avais encore deux heures à attendre avant que la fièvre me prit, je la priais de vouloir bien me préparer mon vin chaud et de me le tenir prêt pour quand je rentrerais ; nous fûmes voir l’église qui est très curieuse par sa construction ; ce sont deux églises l’une sur l’autre. Je ne sais si c’était l’effet de la route ou le froid de l’église, mais la fièvre me devança de deux heures. Je courus à mon logement, et malgré les remontrances de mon hôtesse et de mon compagnon de voyage, j’avalais mon remède et fus me coucher ; je dormis jusqu’à cinq heures, heure à laquelle mon compagnon de voyage vint me réveiller ; je me trouvais bien, mais j’avais une affreuse démangeaison à la tête et par tout le corps parce que j’avais beaucoup transpiré ; je tirais mon portefeuille de ma poche et j’y pris un peigne fin, je me peignais à fond, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps, et je tuai une quantité de vermine incroyable tant sur ma tête que sur moi ; mon compagnon de voyage n’en revenait pas de me voir si bien, il prétendait que c’était St Cyprien qui avait obtenu ma guérison. Enfin, nous nous mîmes en route le lendemain, et je ne ressentis plus de fièvre. Nous continuâmes notre route à petites journées et j’arrivais à Nice en bonne santé ; je m’empressais de remercier mon bon jeune Allobroge sur son lit de douleur pour le bon effet de son remède sur moi.
Le lendemain de mon arrivée à Nice, un détachement partit pour aller rejoindre le corps, je profitais de cette occasion et j’arrivais au corps qui se trouvait cantonné à Talbingue. Le 1er frimaire veille de la première bataille à laquelle le régiment assistait depuis notre départ d’Espagne. Le 2 nous attaquâmes l’ennemi qui fut repoussé jusqu’à Loano l’épée dans les reins ; notre demi brigade reçut l’ordre d’attaquer et de prendre une redoute qui se trouvait sur une hauteur à gauche et en avant de la ville ; la redoute fut bientôt cernée ; nos deux compagnies de grenadiers montèrent à l’assaut et nous nous emparâmes de la redoute. Je reçus un coup de feu à la cuisse gauche, heureusement que la balle ne pénétra qu’environ un pouce et fut extraite de suite ; je ne restai que deux heures à l’ambulance et je retournai de suite à mon poste où je continuai mon service. Nous entrâmes le soir même à Loano où je fis emplette d’une paire de souliers, car en revenant de l’ambulance, nous fîmes un mouvement pour nous emparer de cette ville, nous passâmes dans une terre grasse, mon sous pieds cassa ; je laissais dans la terre un de mes souliers et je marchais quelques heures avec un pied nu.
Nous restâmes trois jours à Loano, je fus nommé Adjudant, mais ma nomination n’ayant pas été confirmée parce que mon bataillon n’avait pas six cents hommes à l’effectif, je repris mon grade de sergent major de grenadier du 1er bataillon. Nous reçûmes l’ordre de nous emparer de Bardinette qui se trouve placée sur la plus haute montagne ; c’était le pays le plus malheureux que nous ayons encore parcouru ; à notre approche l’ennemi s’évacua ainsi que Lucerant ; après avoir échangé quelques coups de fusil, nous restâmes quinze jours dans cette malheureuse position où nous endurâmes toutes les misères possibles ; nous arrivâmes dans ce village le jeudi Saint, il y avait trois pieds de neige sur la terre, ce qui fut cause qu’on nous logea dans l’église, mais le lendemain, le curé ayant parlé de nous à son prône en s’adressant à ses ouailles leur dit : « souffrirez-vous de laisser les soldats logés dans la maison de Dieu ? » A ces mots ils s’écrièrent « non, non ! » Après la messe que nous entendîmes tous assis sur nos sacs dans l’église, chaque habitant prit le nombre d’hommes qu’il pouvait abriter, et de la sorte, l’église se trouva évacuée et notre position fut un peu améliorée ; au moins nous avions chaud, car nous couchions dans les étables ; mais les habitants étaient si malheureux que nous échangions avec eux notre biscuit, notre huile, notre sel, seule nourriture que nous recevions encore, mais en très petite quantité ; ainsi un jour, je comptai que pour mon capitaine, mes lieutenants et moi, nous avions chacun trente neuf haricots ; nous assaisonnions nos vivres et les augmentations avec des pelures de navets, des champignons que les habitants faisaient sécher et un peu de châtaignes qui composaient la récolte de ces malheureux habitants. Pour supporter cette misère en repos, il fallait se garder, monter la grand garde dans la neige jusqu’à la ceinture et presque nus. Hé bien, je dois le dire à la louange de l’armée, nous supportions tous nos maux sans jamais donner le moindre signe de mécontentement ni d’insubordination, aussi, nos officiers portaient-ils les épaulettes de soie, le sac au dos et le fusil sur l’épaule, mais ils étaient soutenus comme nous par l’amour de la patrie et de la sainte liberté.
Enfin nous reçûmes la nouvelle de l’arrivée de notre nouveau général en chef, qui devait réorganiser l’armée et nous promettait un avenir plus heureux, nous partîmes pour Finola, où toutes les troupes furent embrigadées et formées en division ; comme nous n’avions pas les corps qui devaient embrigader avec nous, nous restâmes attachés au grand quartier général, afin que le général en chef puisse nous avoir sous la main et nous diriger en cas de pressant danger. Mars 1796, l’effectif de notre armée présente sous les armes était porté de trente à trente six mille hommes quand Bonaparte en prit le commandement et pour bien dire mal armée et plus mal équipée ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

A noter que l'amalgame du 2e Bataillon de la 55e Demi-brigade au sein de la 4e Demi-bigade se fera après la bataille d'Arcole ; Jean-Pierre Dupin le mentionne en le situant immédiatement après la bataille; nus verrons plus bas que l'ordre en fut donné par Bonaparte à Berthier le 20 décembre 1796. Lorsque nous citerons les Mémoires de Dupin jusqu'à cette date, nous parlerons donc de la 55e Demi-brigade (provisoire), devant intégrer pour partie les rangs de la 4e (un autre partie étant amalgamée à la 5e Demi-brigade légère).

Bien des années plus tard, dans une lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin, alors en retraite à Nancy écrit "... Après la prise de Rose, nous reçûmes en amalgame les 2ème et 3ème bataillons de l’Ardèche et je fus nommé sergent-major de grenadiers ; nous formâmes deux bataillons et prîmes la dénomination de 55ème demi brigade ; nous pouvions être deux mille hommes sous les armes ; le 3ème Régiment seul avait 200 gardes nationaux, le second trois cents.
Ainsi a fini ce brave Régiment qui dans toutes les armées dont il a fait partie, a su mériter par sa discipline et sa bravoure la considération de ses chefs et l’estime de ses camarades. Pour notre second bataillon nous n’en avons plus entendu parler, il a formé le 56ème.
Nous restâmes à cette armée jusqu’à la paix ; nous eûmes bien d’autres affaires, mais de peu d’importance ; de suite à la paix, nous reçûmes l’ordre de rejoindre l’armée d’Italie ; nous fûmes placés à cette armée à l’aile droite et prîmes part de suite en arrivant à l’affaire de Loano. Je fus blessé en arrivant en montant à l’assaut d’une Redoute qui est sur la gauche et en avant de cette ville. Nous eûmes ensuite quelques jours de repos qui furent employés à organiser l’armée. On fit plusieurs amalgames. Notre 55ème seulement resta sans recevoir de nouvelle organisation. Nous fûmes considérés comme chasseurs, et à la disposition du Général en chef Bonaparte, qui venait de prendre le commandement de notre armée ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

c/ 130e Demi-brigade de 1ère formation

Elle a été formée à partir du 2e Bataillon du 70e Régiment, du 4e Bataillon de la Haute-Garonne et du 5e Bataillon de la Haute-Garonne.

- 4e Bataillon de la Haute-Garonne

Bouton du 4e Bataillon de la Haute-Garonne Bouton du 4e Bataillon de la Haute-Garonne

Bouton du 4e Bataillon de la Haute-Garonne

L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.

Cette unité a, pour noyau, 413 volontaires seulement du district de Grenade, répartis en six Compagnies, formées dès le mois de juillet 1791 dans les divers cantons par les Commissaires MM. Brucy et Cartet-Sequenville.

Composé de ces six Compagnies, rassemblées à Beaumont le 15 janvier 1792, organisées en Bataillon du 16 au 18. Rassemblé à nouveau à Toulouse le 7 mars, complété par une Compagnie du district de Revel et une autre recrutée sur place, le Bataillon est réorganisé et passé en revue, le 8, par le Commissaire des guerres (523 présents).

Etat des cadres à la formation (Revue du 8 mars 1792). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-Colonel. Guiringaud* (Jean), de Castelsarrasin, 38 ans.
2e Lieutenant-Colonel. Barbot (Marie-Etienne de), de Toulouse, 22 ans.
Quartier-Maître Trésorier Guilhe (Jean-Antoine), de Villemagne (Aude), 27 ans.
Adjudant-Major Reynaud* (Henry), de Castelnau-sur-Thuil, 33 ans.
Adjudant Sous-Officier Forgues* (Jean-Pierre), d'Auriac, 25 ans.
Chirurgien-Major Lacoste (Bernard), de Toulouse, 24 ans.
Grenadiers : Capitaine Barbot* (François), du Cause, 49 ans. Lieutenant Maury (Antoine). Sous-Lieutenant Blanc (Louis), de Saint-Nicolas, 29 ans.
1ère Compagnie (de Beaumont) : Capitaine Carrié (Bertrand), de Larrazet, 24 ans. Lieutenant Barbot (Silvain), du Cause, 19 ans. Sous-Lieutenant Milhaud (Baptiste), de Burgaud, 23 ans.
2e Compagnie (de Beaumont) : Capitaine Roucolle (Jean), de Beaumont, 24 ans. Lieutenant Darquier (Isidore), de Beaumont, 22 ans. Sous-Lieutenant Savy (Jean-Raymond), de Beaumont, 19 ans.
3e Compagnie (de Cadours) : Capitaine Serès (Jean-Baptiste), de Mauvezin, 27 ans. Lieutenant Bourdès (Jean-Pierre). Sous-Lieutenant Sabatier (Jean), de Laréole, 18 ans.
4e Compagnie (de Saint-Nicolas) : Capitaine Teullé (François-Marie-Cyprien), de Caumont, 18 ans. Lieutenant Teullé (Joseph), de Caumont, 18 ans. Sous-Lieutenant Seguy (Antoine), de Caumont, 18 ans.
5e Compagnie (de Toulouse et Revel) : Capitaine Rouger de Laplane* (Antoine), de Mourvilles-Hautes, 54 ans. Lieutenant Bruguières (Jacques), de Chamberougé, 41 ans.
Sous-Lieutenant Bouger de Laplane* fils (Marc-Antoine), de Mourvilles-Hautes, 28 ans.
6e Compagnie (de Revel) : Capitaine Savrat (Jean), de Revel, 27 ans. Lieutenant Faure-la-Jonquière (Jean-Pierre-Antoine), de Revel, 24 ans. Sous-Lieutenant Duval (Paul), de Revel, 23 ans.
7e Compagnie (de Verdun). Capitaine Lasserre (François-Léonard). Lieutenant Surguier* (Pierre), de Sarlat, 21 ans. Sous-Lieutenant Jougla (Clément), de Selignac, 21 ans.
8e Compagnie (de Saint-Nicolas) : Capitaine Ayral* (Guillaume), de Selignac, 23 ans. Lieutenant Courtiade* (Raymond), de Castelsarrasin, 39 ans. Sous-Lieutenant Bonastre* (Géraud), de Saint-Nicolas, 31 ans.

Le Bataillon demeure d'abord à Toulouse, où il fait bénir son drapeau le 10 mai 1792, puis se met en route le 12, passe à Narbonne le 17, à Sigean le 19 et cantonne le 20 à Rivesaltes. Affecté à l'armée du Midi, il repart le 30 mai, passe à Narbonne, Nîmes, Pont-Saint-Esprit et arrive tenir garnison, le 12 juin, à Montélimar, détachant trois Compagnies à Valence et deux à Bagnols. Il passe à l'armée des Alpes en octobre et est maintenu en garnison à Valence; désigné pour aller en Quartiers d'hiver à Montélimar, il reçoit, le 30 décembre, contre-ordre et est dirigé sur Crest.

Le 4e Bataillon de la Haute-Garonne est en garnison à Montélimar le 11 janvier 1793, puis il est envoyé dans l'Isère. Il part de La Mure le 23 mars, passe à Saint-Bonnet, Gap, Embrun et arrive à Guillestre le 29 pour y tenir garnison; il demeure tout l'été dans la vallée du Queyras, prend part à la campagne des Hautes-Alpes, reçoit, le 12 mai, 175 recrues de l'Ardèche et de l'Isère, et passe le 18, à Abriès, une revue extraordinaire du Chef de Brigade Maynard (803 présents). Il se trouve, en juillet, dispersé à Abriès, Praubonne, Ristolas et au Val-Pollet, puis est réuni en août au camp de Tournoux, d'où il est envoyé rejoindre l'armée devant Toulon. Il se distingue pendant les opérations du siège et, en particulier, à la prise de la redoute anglaise, en septembre. Le Bataillon assiste à la reddition de la place le 29 décembre et est ensuite désigné pour faire partie de l'armée des Pyrénées-Orientales.

Le 3 janvier 1794, le Bataillon constitue une Compagnie de canonniers à Perpignan (capitaine G. M. Ayral, lieutenant P. F. Mange et Sous-lieutenant F. H. Jean). Le 4e de la Haute-Garonne campe à Corneilla le 5 février (609 présents), puis est affecté à la Division de gauche, aux ordres de Sauret, et campe à Ortaffa à la fin de mars. Le Bataillon participe, le 18 avril, au combat de Palau-del-Vidre, le 9 mai à l'attaque de Collioure et le 26 à la prise de la place, où il stationne quelque temps. Il est dirigé sur La Junquera en juin, puis s'installe, le 20 juillet, au camp de Cantallops. Il est au camp de Darnius le 1er septembre et au camp de Cancères le 11 (198 présents, 149 hommes et les canonniers détachés aux Chasseurs de la 1ère Division). Il demeure au repos jusqu'au 13 novembre, prend part aux batailles des lignes de Figuera, le 17 et le 20, puis à l'investissement de Rosas à partir du 24. Il est employé tout l'hiver au siège de cette place.

Le Bataillon assiste à la capitulation de Rosas le 3 février 1795, puis est envoyé en Catalogne, à Castello de Ampurias, où il reste jusqu'à la fin de mai. Il est amalgamé, le 19 juin, avec le 2e bataillon du 70e Régiment et le 5e de la Haute-Garonne, pour former la 130e Demi-brigade (entrée, le 12 mars 1796, à l'armée d'Italie, dans la composition de la future 4e nouvelle).

Etat des cadres au moment de l'amalgame :
Chef : Guiringaud* (J.). Quartier-maître : Salvat (J -B.). Adjudant-major : Reynaud* (H.). Chirurgien : (N.). Adjudant Sous-Officier : Dejean (J.).
Grenadiers : Capitaine Barbot* (F.). Lieutenant Blanc (L.). Sous-Lieutenant Brunet* (E.).
1ère Compagnie : Capitaine Carrié (B.). Lieutenant Barbot (S.). Sous-Lieutenant Ballé* (P.).
2e Compagnie : Capitaine Roucolle (J.). Lieutenant Savy (J. R.). Sous-Lieutenant Milhaud (B.).
3e Compagnie : Capitaine Serès (J. B.). Lieutenant Seguy (A.). Sous-Lieutenant Poitevin (J.).
4e Compagnie : Capitaine Darquier (I.). Lieutenant Jougla (C). Sous-Lieutenant Julian (P.).
5e Compagnie : Capitaine de Laplane* (A.). Lieutenant Ramadier* (P. A.). Sous-Lieutenant de Laplane* (M. A.).
6e Compagnie : Capitaine La Jonquière. Lieutenant Poitevin (P.). Sous-Lieutenant Labathut* (J. B.).
7e Compagnie : Capitaine Teullé (J.). Lieutenant Surguier* (P.). Sous-Lieutenant Sabatier (J.).
8e Compagnie : Capitaine Courtiade* (R.). Lieutenant Bonastre* (G.). Sous-Lieutenant Calvet (J. M. S.).

- 5e Bataillon de la Haute-Garonne

Bouton du 5e Bataillon de la Haute-Garonne Bouton du 5e Bataillon de la Haute-Garonne Bouton du 5e Bataillon de la Haute-Garonne Bouton du 5e Bataillon de la Haute-Garonne

Bouton du 5e Bataillon de la Haute-Garonne

Cachet du 5e Bataillon de la Haute-Garonne Congé du 5e Bataillon de la Haute-Garonne

Cachet (source SEHRI) et Congé de retraite du 5e Bataillon de la Haute-Garonne

L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.

Composé de 455 volontaires des districts de Castelsarrasin, de Muret et de Villefranche, rassemblés à Toulouse, formés en Compagnies du 8 au 10 mars 1792 et organisés en Bataillon le 10 par MM. Saint-Cyr et Estradeu, Commissaires du département. Le Bataillon est passé en revue, le 16, par le Commissaire des
guerres, à Toulouse.

Etat des cadres à la formation (Revue du 16 mars 1792). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-col. Lichague* (Jean), de Montgiscard, 34 ans.
2e Lieutenant-Col. Quilhet* (Guillaume), de Moissac (Lot), 41 ans.
Quartier-Maître Trésorier Cazeneuve* (Jean-Pierre), de Villenouvelle, 43 ans.
Adjudant-Major Montrejaud* (Marc), de Cintegabelle, 45 ans.
Adjudant-Sous-Officier Lacaze* (Pierre), de Nailloux, 23 ans.
Chirurgien-Major Gorsse (Jean-Antoine), de Toulouse, 27 ans.
Grenadiers : Capitaine Bonnafous* (François), de Saint-Porquier, 37 ans. Lieutenant Saint-Sardos* (Pierre-Marie), de Beaumont, 24 ans. Sous-Lieutenant Descazeaux (Jean-Pierre), de Cordes-Tolosannes, 20 ans.
1ère Compagnie (de Villefranche) : Capitaine Cazeneuve* (Jean-Michel), de Villenouvelle, 30 ans. Lieutenant Passios* (Guillaume), de Villenouvelle, 26 ans. Sous-Lieutenant Cazeneuve (Jean-Pierre), de Villenouvelle, 22 ans.
2e Compagnie (de Castelsarrasin) : Capitaine La Caussade-Prévost-Saint-Cyr (Joseph-Honoré), de Castelsarrasin, 21 ans. Lieutenant Philip (Pierre), de Castelsarrasin, 18 ans. Sous-Lieutenant Villette (Antoine), de Saint-Aignan, 21 ans.
3e Compagnie (de Muret) : Capitaine Quairats* (Jean-Paul), d'Aguts, 31 ans. Lieutenant Lannes (Jean), d'Auterive, 26 ans. Sous-Lieutenant Peyret (Bertrand), de Miremont, 19 ans.
4e Compagnie (de Villefranche) : Capitaine Gaillard (Joseph), de Villenouvelle, 48 ans. Lieutenant Mercadal (Pierre), de La Bastide (Ariège), 26 ans. Sous-Lieutenant Daustry (Jean-François-Victor-Pierre), de Montbrun, 28 ans.
5e Compagnie (de Muret) : Capitaine Sauret* (Jacob), de Calmont, 30 ans. Lieutenant Monteil* (Abraham), de Calmont, 29 ans. Sous-Lieutenant Lautré (Paul), de Gibel, 26 ans.
6e Compagnie (de Castelsarrasin) : Capitaine Plantade* (Jean-Cosme), de Finhan, 25 ans. Lieutenant Pradel* (Jean-Baptiste), d'Escatalens, 50 ans. Sous-Lieutenant Carles (Veissière), de Montech, 24 ans.
7e Compagnie (de Villefranche) : Capitaine Calès (Victorin), de Caraman, 22 ans. Lieutenant Calès (Jean-Chrysostome), de Caraman, 23 ans. Sous-Lieutenant Bigot (Augustin), de Lux, 62 ans.
8e Compagnie (de Castelsarrasin) : Capitaine La Caussade-Prévost-Saint-Cyr (François), de Castelsarrasin, 19 ans. Lieutenant Mouisset (Jean), de Villebrumier, 27 ans. Sous-Lieutenant Chaubet (Jean-Dominique), de Bressols, 24 ans.

Le 5e Bataillon de la Haute-Garonne fait bénir son drapeau le 7 juillet 1792 seulement et se met en route le même jour; il passe à Narbonne du 12 au 14 et arrive, le 16, tenir garnison à Perpignan, en remplacement du 2e de la Haute-Garonne. Il se remet en route le 15 août, armé de mauvais fusils de rebut, repasse à Narbonne du 17 au 22, puis gagne Pont-Saint-Esprit où il demeure jusqu'en octobre. Il est ensuite affecté à l'armée des Alpes et envoyé à Orange, où il se constitue, le 13 novembre, une Compagnie de canonniers (Capitaine Arnaud, Lieutenant Lautré et Sous-lieutenant Baisse). Il quitte le même jour son cantonnement et se rend par Pont-Saint-Esprit, dans l'Ardèche où il tient garnison à Bourg-Saint-Andéol, Privas et Viviers jusqu'à la fin de l'année.

Le 11 janvier 1793, il se trouve, cantonné à Annonay, Bourg-Saint-Andéol, Privas, Saint-Agrève et Viviers, puis, en mars aux Vans ; il en part le 3 avril pour Saint-Esprit, Romans et Grenoble, où il entre le 14. Il passe, par ordre du Représentant
François, le 6 mai, au camp de Rondeau, la revue extraordinaire du Chef de Bataillon Desherbiers-Létaudière, qui le juge "mal tenu, inexact et indiscipliné", avec des "officiers plus jaloux de toucher des appointements que de lesgagner" (effectif : 772). Du 1er au 19 mai, le Bataillon reçoit 225 recrues de l'Isère et de la Haute-Loire, puis est affecté à la place de Briançon en juin et s'y trouve encore le 15 août. Il campe au "Val-des-Preds" le 8 septembre, tandis que ses Grenadiers sont détachés dans le département du Mont-Blanc Il es envoyé ensuite devant Toulon, et prend part au siège de la ville jusqu'au 18 décembre.

En janvier 1794, le 5e Bataillon de la Haute-Garonne est affecté à l'armée des Pyrénées-Orientales et cantonne, le 5 février, à Perpignan. Il campe à Trouillas le 5 mars (578 présents), puis entre en campagne le 27, avec l'avant-garde de la Division Augereau. Il prend part, en avril, à la diversion des Aspres, à l'enlèvement de la fonderie de San-Llorens et au combat du 19 mai. Il assiste à l'affaire de Bellver le 26 juin, puis demeure campé à la Fonderie jusqu'en août. Le Bataillon subit quelques pertes au combat de San-Llorens-de-la-Muga le 13 août, puis est au camp de la Magdalena le 1er septembre, puis au camp de Darnius d'où partent, le 6 novembre, les notes des Officiers adressées au Comité de Salut Public. Le 5e se bat, les 17 et 20 novembre, sur les lignes de Figuiera et assiste à la capitulation du fort, le 28. Il est campé au Mas-d'Ancère à partir du 7 décembre.

Le 5e de la Haute-Garonne est encore, le 1er janvier, au camp du Mas-d'Ancère; il se trouve, le 18 février, au Mas-Corneilla, puis de nouveau au Mas-d'Ancère le 30 mars et jusqu'à la fin de mai (461 présents). Il est amalgamé, le 19 juin, avec le 2e Bataillon du 70e Régiment et le 4e de la Haute-Garonne, pour former la 130e Demi-brigade (entrée le 12 mars 1796, à l'armée d'Italie, dans la composition de la 4e nouvelle).

Etat des cadres au moment de l'amalgame.
Chef : N... Quartier-maître : Dourde* (B.). Adjudant-Major : Lacaze* (P.). Chirurgien : Gorsse (J.-A.). Adjudant-Sous-Officier : Lacurie (J.).
Grenadiers : Capitaine Bonnafous* (F.). Lieutenant Saint-Sardos* (P. M.). Sous-Lieutenant Descazeaux (J. P.).
1ère Compagnie : Cazeneuve* (J.M.). Lieutenant Passios* (G.). Sous-Lieutenant Caseneuve (J. P.).
2e Compagnie : Capitaine Prévost (J. H.). Lieutenant Philip (P.). Sous-Lieutenant Calmel (P.).
3e Compagnie : Capitaine Montrejaud* (M.). Lieutenant Lannes (J.). Sous-Lieutenant Peyret (B.).
4e Compagnie : Capitaine Gaillard (J.). Lieutenant Daustry (J. F. V. P.). Sous-Lieutenant Rouquet.
5e Compagnie : Capitaine Sauret* (J.). Lieutenant Lespinasse (J. F.). Sous-Lieutenant Gout (J. J.).
6e Compagnie : Capitaine Mercadel (P.). Lieutenant Pradel* (J. B.). Sous-Lieutenant Ginesta (A.).
7e Compagnie : Capitaine Calés (J. C). Lieutenant (vacant). Sous-Lieutenant Castera (A.).
8e Compagnie : Capitaine Prévost (F.). Lieutenant (vacant). Sous-Lieutenant Richard (J. B.).
Canonniers : Capitaine Arnaud* (D.). Lieutenant Lautré (P.). Sous-Lieutenant Baisse* (A.).

d/ 145e Demi-brigade de 1ère formation

Cette Demi-brigade a été formée à partir du 1er Bataillon du 79e Régiment, du 2e Bataillon des Hautes-Pyrénées et du 3e Bataillon de la Haute-Vienne.

- 2e Bataillon des Hautes-Pyrénées

L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.

Composé de volontaires des divers districts, rassemblés à Tarbes, formés en Compagnies vers le 10 mars, puis organisés en Bataillon, le 29, par le Commissaire du département, M. Courtade, le 2e Bataillon des Hautes-Pyrénées est ensuite passé en revue par le Commissaire des guerres (on n'a pas le procès-verbal).

Etat des cadres à la formation (29 mars 1792). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-Colonel Bacarère (François), de Caslelnau-Rivière-Basse, 24 ans.
2e Lieutenant-Colonel Doléac (Alexis), d'Ordizan, 54 ans.
Quartier-Maître Trésorier Joannas (Bernard), de Lourdes, 24 ans.
Adjudant-Major Larroque* (Jean-Baptiste), de Pavie, 24 ans.
Adjudant-Sous-Officier Cochinard* (Nicolas), de Maubert-Fontaine, 23 ans.
Chirurgien-Major N...
Grenadiers : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
1ère Compagnie : Capitaine Louit (Jean-Pierre), de Madiran, 24 ans. Lieutenant Lagrange (Jean-Pierre), de Saint-Lanne, 24 ans. Sous-Lieutenant Laffitte (Louis), de Castelnau-Rivière-Basse.
2e Compagnie : Capitaine Dulac (Pierre), de Montgaillard, 28 ans. Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
3e Compagnie : Capitaine Noguès (Jean), d'Arcizac, 28 ans. Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
4e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant Ferras (Jean-Baptiste), d'Arreau, 22 ans. Sous-Lieutenant N...
5e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant Ragonnet* (Claude), de Vélorcey (Haute-Saône), 34 ans.
6e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
7e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant Desca (Jean), de Vic-en-Bigorre, 25 ans.
8e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant Duthu (Dominique), de Banios, 22 ans. Sous-Lieutenant N...

Après avoir été habillé et équipé, le 2e des Hautes-Pyrénées part de Tarbes le 14 août 1792, passe par Saint-Gaudens, Tarascon et s'installe en garnison, cinq Compagnies à Mont-Louis et quatre à Olette. Il est à Sarrancolin en septembre, puis est affecté à l'armée des Pyrénées-Orientales. Le Bataillon part de Saint-Esprit le 19 octobre pour Nîmes et Lunel et se retrouve le 14 décembre à Mont-Louis. Il est envoyé presque aussitôt en cantonnements dans le district de Labarthe, cinq Compagnies à Arreau et quatre à Ancizan et Guiche, où elles arrivent le 23 avril.

Le Bataillon part de Mont-Louis le 3 mars 1793 et va remplacer le 1er du Cantal, à Perpignan, puis rentre en sa garnison où, le 1er avril, il compte 546 hommes à l'effectif. Il est, le 28, à Collioure et Fort-les-Bains et s'installe, en mai, au camp de l'Union, sous Perpignan. Il prend part, en juin, à l'affaire de Puig-Oriol et se retrouve à Collioure en juillet. Il prend encore part à la défense de la Têt en août, à l'expédition de Rosas en octobre; se trouve, le 1er novembre, au-dessus de Banyuls (270 présents), et assiste au combat de Saint-Ferréol le 26 novembre, à la déroute de Villelongue le 7 décembre, de Banyuls le 15 et à la retraite sur Perpignan, après la capitulation de Collioure, le 21.

Le Bataillon campe, de janvier à mars 1794, au col de Tenère; il est employé à l'avant-garde de l'armée de Dugommier en avril; il est à la prise de Montesquieu le 30 et à la bataille du Boulou le 1er mai, puis à la reprise de Collioure le 26 (352 présents). Il reçoit, le 31 mai, l'incorporation du Bataillon de réquisition d'Anduze dans la place de Collioure, où il demeure avec la Division Sauret. Il occupe Saint-Jean-la-Celle en juin; il se trouve devant La Juncquera en juillet, il y est en septembre, aux ordres de Pérignon. Le Bataillon fait partie, en octobre, de la Division n° 2 (268 présents) et compte le 7 novembre, à l'avant-garde, vers Le Boulou. Il prend part aux batailles des lignes de Figuera les 17 et 20 novembre, est employé à l'investissement de Rosas le 24 et assiège la place tout l'hiver, en ayant ses quartiers à Castello de Ampurias.

Le 2e des Hautes-Pyrénées demeure à Castello de Ampurias jusqu'à la capitulation de Rosas, le 3 février 1795, puis est ramené à Figuera le 18. Il campe, en mars, entre Figuera et Girone; prend part aux opérations de la Fluvia en avril et mai, puis est amalgamé, le 8 juin, avec le 1er Bataillon du 79e Régiment et le 3e de la Haute-Vienne, pour former la 145e Demi-brigade (entrée le 12 mars 1796 dans la composition de la 4e nouvelle).

Etat des cadres au moment de l'amalgame.
Chef : Louit (J.-P.). Quartier-maître : Ladrix (M.). Adjudant-Major : Lagonsa. Chirurgien : N... Adjudant Sous-Officier : N...
Grenadiers : Capitaine N... Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
1ère Compagnie : Capitaine Lagrange (J. P.). Lieutenant Bellanger (J.). Sous-Lieutenant Soubies (D.),
2e Compagnie : Capitaine Dulac (P.). Lieutenant Courtade (D.). Sous-Lieutenant Coutois (L.).
3e Compagnie : Capitaine (vacant). Lieutenant Noguès (M.). Sous-Lieutenant Noguès (A.).
4e Compagnie : Capitaine Cochinard" (N.). Lieutenant N... Sous-Lieutenant Dariban (J.).
5e Compagnie : Capitaine Corraze. Lieutenant Desca (J.). Sous-Lieutenant Carrère.
6e Compagnie : Capitaine Ragonnet* (C). Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
7e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant Ducasse. Sous-Lieutenant Foucart.
8e Compagnie : Capitaine Duthu (D.). Lieutenant Planté. Sous-Lieutenant N...

e/ 147e Demi-brigade de 1ère formation

Cette Demi-brigade a été formée à partir du 1er Bataillon du 80e, des 2e et 3e Bataillons de l'Aude.

- 2e Bataillon de l'Aude

L'essentiel de ce qui suit est tiré de l'ouvrage "Bataillons de volontaires nationaux, Cadres et historiques", de G. Dumont.

Composé de 545 volontaires des districts de Carcassonne (284), Lagrasse (71) et Narbonne (213), rassemblés à Carcassonne le 6 septembre 1791, formés en compagnies aussitôt, mais organisés en bataillon le 10 novembre seulement. Est passé en revue le même jour par le Lieutenant général de Chollet, assisté du Commissaire des guerres Despiès et de MM. Barthe et Marcel, Commissaires du département.

Etat des cadres à la formation (Revue du 10 novembre 1791). Un astérisque (*) placé à la suite du nom indique que l'officier a servi soit dans les troupes de ligne, soit dans les troupes provinciales.
1er Lieutenant-Colonel Exea* (Marie-Scipion d'), de Narbonne, 57 ans.
2e Lieutenant-Colonel Astruc* (Jean-Paul d'), de Gahuzac, 34 ans.
Quartier-Maître Trésorier Garry (Louis).
Adjudant-Major N...
Adjudant Sous-Officier Alberny* (François), de Garcassonne, 27 ans.
Chirurgien-Major Lacroix.
Grenadiers : Capitaine Maury* (Maximilien-Henry), de Lagrasse, 26 ans. Lieutenant Gros* (Jean-Louis), de Garcassonne, 24 ans. Sous-Lieutenant Hue* (Joseph), de Limoux, 23 ans.
1ère Compagnie (de Lagrasse), Capitaine Darnis (Pierre). Lieutenant Max* (Antoine), de Lagrasse, 23 ans. Sous-Lieutenant Hammier (Victor).
2e compagnie (de Carcassonne). Capitaine Louis dit Parroy* (Nicolas), de Carcassonne, 52 ans. Lieutenant Sicre (Pierre-Claude), de Carcassonne, 16 ans. Sous-Lieutenant Calvayrac (François), de Garcassonne, 20 ans.
3e Compagnie (de Narbonne). Capitaine Vernon (Marc). Lieutenant Roger dit Lafeuillade (Jean). Sous-Lieutenant Vignes (Léon).
4e Compagnie (de Narbonne). Capitaine Cassan (Pierre-Jean-Louis-Aphrodise), de Lézignan, 20ans. Lieutenant Sizaire (Joseph), de Rieux-Minervois, 20 ans. Sous-Lieutenant Cassan (Baptiste), de Lézignan.
5e Compagnie (de Carcassonne). Capitaine Arnaud* (Jean-Baptiste), de Carcassonne, 37 ans. Lieutenant Ressigeac* (Charles), de Carcassonne, 32 ans. Sous-Lieutenant Reboulh (Marie-Paul), de Carcassonne, 24 ans.
6e Compagnie (de Carcassonne). Capitaine Frère (Bernard-Georges-François), de Montréal, 29 ans. Lieutenant Cancal (Bernard). Sous-Lieutenant Sanche (Marc-Antoine).
7e Compagnie (de Narbonne). Capitaine Castel (Gabriel). Lieutenant Navarrat (Marc). Sous-Lieutenant Lagarde (Jean-Jacques).
8e Compagnie (de Carcassonne). Capitaine Cabart (Pierre-Antoine). Lieutenant Figeac (Antoine). Sous-Lieutenant Piquet (Bernard).

Le Bataillon part le 22 décembre 1791 pour joindre l'armée du Midi, passe le 27 à Sigean, le 28 à Perpignan et s'établit à Céret, détachant trois Compagnies à Arles et une au Boulou.

Le Bataillon est affecté à l'armée des Alpes le 6 mai 1792, lors de la déclaration de de guerre, quitte Céret le 30, passe par Narbonne et Nîmes, traverse Pont-Saint-Esprit le 12 juin et, par Valence, est dirigé sur le camp de Cessieu. Il part de Saint-Symphorien le 4 juillet et, par Ubaye et Barcelonnette, vient tenir garnison à Tournoux et lieux circumvoisins jusqu'à nouvel ordre, à l'armée d'Italie. Il est encore à Tournoux le 18 septembre, en part à la fin du mois pour se rendre dans le Var, repasse à Barcelonnette et arrive à Nice, où il s'installe en cantonnement le 12 octobre, détachant à Sospel ses Grenadiers et sa 5e Compagnie, formée en Chasseurs. Il combat à l'affaire de Lantosque, puis, sur l'ordre du Général Rossi, part d'Entrevaux le 25 novembre pour renforcer l'armée des Pyrénées; il passe à Nîmes le 7 décembre et le 17 à Carcassonne, où il reçoit une brillante réception.

Désigné pour l'armée des Pyrénées-Occidentales, il y passe à Pau le 19 mars 1793 et cantonne à Ustarrits le 1er avril (effectif : 633) ; il combat sur la Bidassoa le 23, à l'affaire du camp de Sare, sur la montagne de Louis XIV le 22 juin et aux affaires du 23 juillet et du 30 août. Il est au camp de Saint-Jean-de-Luz le 1er septembre, avec une Compagnie détachée (499 présents), et est amalgamé, le 22, avec le 1er Bataillon du 80e Régiment et le 3e de l'Aude, pour former la 147e Demi-brigade.

Etat des cadres au moment de l'amalgame.
Chef en 1er : Frère (B.-G.-F.); en 2e : Arnaud* (J.-B.). Quartier-maître : N.
Adjudant-major : Montaudry (F.). Chirurgien : (Vacant). Adjudant-Sous-Lieutenant*: Cabanier* (D.).
Grenadiers : Capitaine Gros* (L.). Lieutenant N... Sous-Lieutenant Bergé.
1ère Compagnie : Capitaine Signier (D.). Lieutenant Bru (A.). Sous-Lieutenant Arnaud.
2e Compagnie : Capitaine Max* (A.). Lieutenant N... Sous-Lieutenant Saunier (G.).
3e Compagnie : Capitaine Calvayrac (F.). Lieutenant Deville (F. E.). Sous-Lieutenant N...
4e Compagnie : Capitaine Cassan (P.J.L.A.). Lieutenant Marsan. Sous-Lieutenant Dupont.
5e Compagnie : Capitaine Teulet (J.). Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...
6e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant Avienis (J.). Sous-Lieutenant Bertrand (J. J.).
7e Compagnie : Capitaine N... Lieutenant Sarrère (F.). Sous-Lieutenant Fabre (J.).
8e Compagnie : Capitaine Alberny* (F.). Lieutenant N... Sous-Lieutenant N...

f/ 14e Demi-brigade (provisoire)

Elle a été formée des 2e, 4e et 7e Bataillons des Côtes-Maritimes et des 1er et 2e Bataillons de l'Aude (ces deux derniers provenant des 4e, 5e, 6e, 7e, 8e et 9e Bataillons de l'Aude).

Chapeau d'Officier de la 4e de Ligne, 1795Chapeau d'Officier de la 4e de Ligne, 1795

Bouton de chapeau d'Officier de la 4e de Ligne, 1795

Fig. 1bis Chapeau d'officier avec bouton de la ganse de cocarde, porté vers 1795

Le tirage au sort du numéro de la nouvelle Demi-brigade (qui à cette époque, compte encore dans ses rangs des soldats des anciens Régiments de Cambrésis, d'Angoumois, de Boulonnais et de Médoc, amalgamés à des Volontaires Nationaux des Hautes et Basses Pyrénées, de la Haute-Garonne et de l'Aude) ne pouvant se faire dans l'immédiat, il fut décidé qu'elle porterait provosirement le N°39.

Finalement, ce n'est que le 10 prairial an IV (29 mai 1796) que la 4e Demi-brigade de Ligne est véritablement organisée, à Loano (Italie). Et le 1er juin 1796 (13 prairial an IV), les dispositions du Général en Chef sont expédiées, depuis le Quartier général à Peschiara aux Divisions de l'armée; la 39e demi-brigade devient officiellement la 4e (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 540).

A cette époque, la 4e Demi-brigade est commandée par Bernard Pourailly.

Bernard (Etienne ?) Pourailly

Né le 14 septembre 1763 à Bayonne. Capitaine au 1er Bataillon des Basses Pyrénées le 17 octobre 1791. Chef de Brigade le 3 nivôse an IV. Tué à Salo le 16 thermidor an IV. A enlevé deux drapeaux à l'ennemi au combat de Loano le 2 frimaire an IV.

Cachet du 4e de Ligne
Cachet de la 4e Demi-brigade

- Campagne d'Italie (1)

Fourriers du 4e de Ligne 1805
Boutons de la 4e Demi-brigade, communiqués par nos correspondants ; le bouton du centre et celui de droite viennent de Pologne
Bouton en provenance d'Italie; on remarquera la nette différence avec les précédents, notamment dans la forme du chiffre 4 - communication d'un de nos correspondants

(1) La plus grande partie de la campagne d'Italie est tirée d'un journal de marche manuscrit, intitulé : Précis historique des marches, combats, batailles et actions de la 4e demi-brigade de bataille..., certifié véritable et signé par le Chef de Brigade Frère, à la date du 16 fructidor an V (2 septembre 1797).

Dès sa création, la 4e Demi-brigade fit la glorieuse campagne d'Italie, sous les ordres de Bonaparte. Elle était selon l'historique régimentaire à la Brigade Beyraud, de la Division Augereau.

Composition, emplacements et effectifs de l'armée d'Italie, fin mars, début avril 1796 (avant l'amagalme)
Général en chef : Général Bonaparte
Corps de Bataille
1ère Division : Général Augereau; Quartier général à Pietra Ligure, puis Langueglia
Adjoint de l'Adjudant général Verdier : Lieutenant Caseneuve, de la 130e
1ère Brigade (à Toirano) : Général Beyrand
39e Demi-brigade : 3866 hommes, 90 Officiers
Compagnie auxiliaire de la 39e : 441 hommes et 30 Officiers
Note : Les 130e, 145e et 147e ont été amalgamées entre mars et avril à la 39e

In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796"

Elle n'est pas sans connaître des problèmes, puisque deux Officiers de la 39e (l'Adjudant-major Mermet et le Sous-lieutenant Fromage), "accusés de provocations désorganisatrices", sont mis en jugement, le 8 avril 1796 (F. Bouvier : "Bonaparte en Italie, 1796").

Armée d'Italie, composition, et effectifs, 9 avril 1796 - 20 germinal an IV (après l'amagalme)
Général en chef : Général Bonaparte
Corps de Bataille
1ère Division : Général Augereau
Future 4e Demi-brigade (39e, 130e, 145e, 147e et 14e provisoire) : 3109 hommes

In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796"

Le 11 avril au au soir, Bonaparte envoie ses ordres. Augereau entraine dans la nuit les 4e (alors 39e) et 18e (alors 69e) Demi-brigades (F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796").

Le 13 avril, c'est la bataille de Millesimo. Avant d'exposer ses troupes au feu plongeant des défenseurs du castello, Augereau essaie de préparer les voies. Ses pièces sont trop éloignées pour que leur tir soit efficace. On ne peut, en raison de la raideur des pentes, les hisser plus haut. Le capitaine de la compagnie de canonniers de la 51e demi-brigade, Dupin, s'avise de faire démonter les pièces, les place sur des rouleaux attachés à des prolonges et les fait ainsi traîner jusqu'au sommet de là montée par un détachement de 100 h. de renfort. Trois pièces de 4, amenées de Carcare, sont ainsi braquées contre le château et tout près, à cent pas des murailles, mais d'une manière si défavorable qu'elles ne produisent qu'un faible effet, et ne réussissent pas à y ouvrir une brèche. Les attaques manquent d'ensemble et il règne un certain décousu dans la marche des colonnes. Joubert mène la première colonne au centre mais est blessé au cours de son attaque ... Impressionnée par ce spectacle, la seconde colonne, 1er bataillon de la 4e et 51e de première formation (cette 51e, issue du premier amalgame, sera plus tard versée dans la 63e de seconde formation; il ne faut pas la confondre avec la 51e qui portait alors le n°99 et combattit à Montenotte et à Dego avec Masséna), sous les ordres du général Banel, s'approche, l'arme au bras, dans un morne silence (Bonaparte au Directoire, 15 avril 1796 - Arch. G.). Le feu de l'ennemi redouble contre elle. Banel, l'héroïque Banel, un brave entre les braves de l'armée des Pyrénées, déjà blessé à Loano, est tué au pied des retranchements (son buste, par Bartolini, est au Musée de Versailles, et son nom y est inscrit sur les tables de marbre). La troisième colonne (Quenin) n'est pas plus heureuse. On entraîne de nouveau les hommes (dont le ler bataillon de la 4e de ligne). Le même feu plongeant, meurtrier, brise l'élan des soldats qui ne parviennent pas à escalader la butte et voient s'entasser morts et blessés. En moins d'un quart d'heure, 300 morts et 600 blessés jonchent le sol (Récit de Martinel - Arch. G. - F. Bouvier : "Bonaparte en Italie, 1796).

Les Chefs de Bataillon Serre et Arnaud, de la 4e Demi-brigade (alors 39e), sont blessés, ainsi que le Sous-lieutenant Belbèze (F. Bouvier - Historique de la 4e, Arch. G.); 12 hommes ont été tués, 17 autres blessés.

Jean-Pierre Dupin (au sujet de ce qui est encore provisoirement la 55e Demi-brigade) raconte : "L’effectif de l’armée Austro-Sarde était portée à quatre vingt dix mille hommes, bien armés, ne manquant de rien et ayant tout à profusion.
Aussitôt que notre organisation fut terminée, nous reçûmes l’ordre d’attaquer cette armée ; cette attaque fut si bien dirigée et soutenue par le courage Français, qu’au premier choc toute la ligne Austro-Sarde fut repoussée, culbutée sur tous les points ; la colonne qui défendait Dégo fut écrasée, nos troupes poussèrent les fuyards trop loin, une colonne Autrichienne vint de nouveau reprendre cette redoute ; le général en chef averti aussitôt de ce mouvement (nous arrivions sur le terrain) se mit à notre tête, après nous avoir adressé quelques paroles de compliments, nous commande « En avant » ; rien ne nous arrête, en moins d’une demi heure la redoute est à nous et tous les ennemis qui la défendaient restèrent sur le champ de bataille en représailles d’une trentaine de pauvres éclopés Français qui avaient été commandés pour garder la redoute et qu’ils avaient massacrés.
Nous marchâmes le lendemain sur Millesimo, Collario, Cevas ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 16 avril, la Division Augereau, formée en deux colonnes, continue sa marche sur Ceva. Les Généraux Joubert et Beyrand les dirigent. Elles défilent devant Bonaparte (c'est au moins vraisemblable, puisque l'on voit par une lettre de Berthier qu'il se porta effectivement en avant de Montezemolo sur Ceva). Joubert à droite marche avec la 11e Légère (alors 3e) et l'ancienne 51e, soit moins de 2000 hommes ; Beyrand conduit la 4e Demi-brigade (alors 39e) et le 3e Bataillon de la 25e (alors 84e), environ 2000 hommes; ce sont, au total, à peu près 5000 hommes qui vont affronter les multiples défenses de Ceva. Face à eux, environs 3000 hommes commandés par Brempt. Joubert s'avance droit sur la Pedaggiera en suivant par Gazzola les crêtes des hauteurs qu'on appelle les Langhe. Beyrand à gauche prend pour objectif Paroldo. Arrivé à ce village, il y laisse un Bataillon en réserve, scinde sa colonne en deux groupes (la Brigade Beyrand aurait marché de Paroldo en deux colonnes, chacune de 8 à 900 hommes, l'une par les maisons Gazalia ou Gazzola, à l'est des maisons Brocard; l'autre par les maisons Cavalli et Viache) et s'efforce par eux de prendre en flanc les redoutes de la Pedaggiera et de Govone. La Brigade Rusca, parvenue aussi à Paroldo, traverse la Bovina et monte droit à Ca della Suppa (elle aussi sur deux colonnes, chacune de 700 hommes environ, avançant l'une par Brens, Sbria et Ca della Disgrazia; l'autre par Maron et Parra-Suppa (ou Ca della Suppa) sur le bric Jagonent). C'est la Pedaggiera qui est la clé de la position (la Pedaggiera prise, tout le camp retranché tombait sans coup férir).

Joubert cherche donc à tourner par le Nord les défenses de Ceva. Il est midi (le rapport du Brigadier Brempt indique que l'attaque aurait commencé à midi. Il refoule d'abord les Chasseurs de Colli après un vif combat sous bois, ainsi que les Croates demeurés en avant de la redoute, puis il prolonge sa droite par la vallée du Belbo pour tourner les brics Berico et Giorgin. Au moment où il assaille les retranchements de la Pedaggiera, les deux Bataillons du Régiment de Verceil demeurés à Mombarcaro, évacuent cette hauteur et repassent sur la rive gauche du Belbo pour se retirer vers les redoutes sur le bric Berico (sans doute en raison de l'arrivée de la Brigade Dommartin partie de Rochetta di Cairo, passant par Carrello, Golta Seca et Monesiglio, et qui a pu déboucher sur Mombarcaro vers 3 heures de l'après-midi). Les soldats de Joubert, que la vigoureuse résistance du Colonel Colli et de ses Chasseurs a déjà surpris, se croient-ils attaqués sur leurs derrières et leur flanc droit ? Ils battent en retraite et la 23e Demi-brigade (alors 84e) s'avance pour les soutenir. Ils se rallient toutefois, d'autant plus vite que les colonnes de Beyrand ont prononcé leur mouvement et attaqué au Sud les redoutes de la Pedaggiera et de Giorgin. Le Colonel Colli qui montre "ce sang-froid et cette bravoure entraînants, qui lui ont mérité la considération des braves" (récit du commandant Martinel - Arch. G. Il ne faut pas le confondre avec le Général en chef Colli - F. Bouvier), forcé de faire tête à ces nouveaux assaillants, ne peut poursuivre Joubert. Du moins Brempt et Colli, au prix de pertes sensibles (Brempt, dans son rapport accuse 150 hommes tués ou blessés, surtout parmi les Grenadiers royaux), maintiennent vigoureusement leur ligne. Le Régiment d'Acqui se défend avec un courage extraordinaire. Le Chef de la 4e Demi-brigade (alors 39e), le brave béarnais Bellet est frappé à mort; la 25e est également fort éprouvée. En outre du Chef de Brigade Bellet, la 4e perd le Capitaine Guiton ou Queton, le Lieutenant Orselet et le Sous-lieutenant Dussot, tués ; le Lieutenant Barère, les Sous-lieutenants Puyos et Labatut, blessés; 25 tués, 57 blessés. Un état nominatif des Officiers et soldats tués ou blessés (Arch. Administ. G.) indique pour la 4e une perte totale de 182 hommes, dont 38 morts, 125 blessés. 6 prisonniers, 10 disparus; le Capitaine Jean Bijon (de Dornazac, Haute-Vienne) et le Tambour-major Chevalier ont été tués. Les efforts des Français échouent devant la vaillance des Piémontais que leur retraite de Montezemolo n'a pas découragés.

Le 19 avril, le Général Augereau avait été chargé d'enfoncer le centre de l'armée sarde. Mais, tandis que le Général Sérurier fait face à une vigoureuse contre-attaque du Général Colli, et se retrouve précipité en bas des pentes de San-Michele, Augereau n'a toujours pas attaqué le plateau de la Bicocca, ce qui aurait permis d'immobiliser les forces de Colli. Sur le front de la Division Augereau, le combat ne fait que traîner en une longue fusillade et elle ne peut, même doublée par Masséna, forcer l'obstacle du Tanaro.

Les Brigades Joubert (11e Légère, 1200 hommes, et ancienne 51e, 700 hommes), Beyrand (4e Demi-brigade, 2600 hommes) et Rusca (27e Légère (Allobroges), 1000 hommes, 29e Légère, 1300 hommes), sous les ordres d'Augereau tentent en effet d'accomplir la mission qui leur a été confiée ; mais malgré les exhortations de Bonaparte, qui vient en personne près d'Augereau, examiner l'obstacle qui paralyse sa droite, elles ne peuvent y parvenir. Bien que la Brigade Vitale qui leur est opposée ne compte guère que la moitié de leur propre effectif, celle-ci peut pendant toute la journée contenir la Division Augereau. Le lit du Tanaro roulant ses eaux abondantes et rapides constitue à lui seul un obstacle matériel difficile à éviter. Une batterie de cinq pièces postée près de la Madonna della Rocca d'Arassi empêche par son feu tous les essais de passage du fleuve que les Français tentent en avant de Castellino, et le feu de mousqueterie parti de la Madonna delle Casette et de la rive gauche du Tanaro, les fait également souffrir. Furieux de ne pouvoir même aborder l'ennemi et de subir son feu sans le rendre, l'intrépide Joubert compte entraîner ses hommes par son audacieux exemple. Il se lance à cheval, dans le lit de la rivière, et fend le courant. Sa longue et maigre taille sert de cible aux tireurs sardes qui cependant le manquent; il manque se noyer dans les flots bourbeux et pressés, et doit revenir sous la mitraille sans avoir pu atterrir. Pas un homme ne l'a suivi. "Vous avez raison ! dit-il en rejoignant ses soldats ; il est impossible de passer". Des tentatives analogues, risquées sur d'autres points, n'ont pas meilleur résultat (F. Bouvier : "Bonaparte en Italie, 1796").

Le 23 avril 1796 (4 floréal an 4), Augereau écrit depuis Dogliani, au Général en chef : "Il est sept heures, et j'arrive ici avec la trente-neuvième demi-brigade ..." (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaperte, t.1 Italie).

Le 25 avril 1796, la Division Augereau, et tout particulièrement la 4e Demi-brigade, qui s'est fait remarquer par son exacte disicipline, se voit adresser des félicitations, par ordre du jour (Registre G. n° 6, Arch. G. - cité par F. Bouvier).

Jean-Pierre Dupin raconte (au sujet de ce qui est encore provisoirement la 55e Demi-brigade) : "... et sur Cherasco, où nous fûmes les 1ers Français qui y entrèrent, le 25 avril 1796 nous entrâmes les premiers dans la ville, où par reconnaissance et pour nous remettre, le général en chef nous laissa huit jours de repos ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... Nous avons servi très activement et rendu de grands services, surtout à Dego, que nous reprîmes sur l’ennemi, à Millesimo, Leva et Chirarco.
Nous fûmes les premiers Français qui entrèrent dans ces villes ; comme nous avions beaucoup souffert, nous restâmes huit jours dans cette dernière place ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le même jour, Augereau, pressé par Bonaparte (Bonaparte à Augereau, 25 avril 1796 - Arch. G.) envoie son avant-garde dans la soirée du 25 en direction de Alba, et le 26 avril (7 floréal) à midi, à la tête de la 4e Demi-brigade (alors 39e), il fait une entrée triomphale dans la ville au milieu des acclamations (F. Bouvier).

Armée d'Italie, composition, et effectifs, 29 avril 1796 - 10 floréal an IV (après Cherasco)
Général en chef : Général Bonaparte
2e Division : Général Augereau
Future 4e Demi-brigade : 2160 hommes

In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796"

Bonaparte a été frappé de la force de résistance que les Bataillons de Grenadiers sardes ont déployée dans les divers combats, de leur valeur incontestablement supérieure à celle du reste des troupes piémontaises. Il a pu juger également de l'efficacité de ses propres têtes de colonne qui lui ont, en plusieurs circonstances, valu la victoire. Aussi, dès le 28 avril (Ordre du jour - Arch. G.), prescrit-il d'étudier la formation, dans chaque Division, de Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers à l'aide des Compagnies d'élite prélevées dans toutes les Demi-brigades. Chacun de ces Bataillons doit être fort de six Compagnies à l'effectif de 100 hommes. Formée de soldats éprouvés, encadrée, enlevée par des Officiers d'élite, cette troupe va constituer une avant-garde d'une solidité et d'une vigueur incomparables, dont l'exemple devait échauffer les plus timides.

Le 2 mai, la Division Augereau et la plus grande partie de la cavalerie du Général Beaumont se placent autour et en avant de Bosco ; la Brigade Rusca dans le village de Frugarolo, avec des grand-gardes très en pointe; les Brigades Beyrand (avec la 4e (alors 39e) 2485 hommes) et Victor, sous les arbres, à gauche et en arrière de Frugarolo.

Jean-Pierre Dupin raconte (au sujet de ce qui est encore provisoirement la 55e Demi-brigade) : "... Le 2 mai, nous reçûmes l’ordre de marcher sur Tortone ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 3 mai, Bonaparte donne ses ordres pour que les Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers soient aussitôt formés.

Le 5 mai, les Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers sont réunis en un Corps d'avant-garde, sous les ordres d'un valeureux Officier, le Général Dallemagne, qui vient de rejoindre l'armée. On lui donne pour Chef d'Etat-major l'Adjudant général Lanusse, et pour commander les Grenadiers, le Chef de Brigade Lannes ; tous deux se sont signalés par leur bravoure entraînante dans les combats de Dego.

Le bourg de Casteggio est mis en rumeur par l'arrivée de trois des Bataillons de Grenadiers et de deux Bataillons de Carabiniers, en marche depuis 5 heures du matin. Le Général Dallemagne les y attend, ainsi que Lanusse, Lannes, et un Commissaire des guerres; un Colonel et quatre Régiments de cavalerie y accourent de leur côté, ainsi qu'une Compagnie d'Artillerie légère. C'est l'imposant "Corps d'élite", formé d'hommes aguerris, aussi durs à la fatigue qu'inaccessibles à la peur, qu'une élite d'Officiers va guider à la victoire.

Le 3e Bataillon de Grenadiers est formé des Compagnies des 4e et 18e (Division Augereau - Etat de situation du 8 mai, 19 floréal : Arch. G. - cité par F. Bouvier).

Dallemagne passe ses Bataillons en revue et distribue les 900 paires de chaussures qu'il a reçues (on lui en avait annoncé 2000 paires), ainsi que des cartouches.

Le 6 mai, le Général Dallemagne, entraînant l'avant-garde, à 6 heures du matin, arrive le soir à Castel San-Giovanni, après une étape d'environ 28 kilomètres, s'emparant en route de bateaux chargés de sel.

Le 7 mai (18 floréal), à 4 heures du matin, Dallemagne part de Castel San-Giovanni avec toutes les troupes de l'avant-garde Il est 9 heures du matin quand l'avant-garde, faisant marche forcée, parvient sous les murs de Plaisance. Cette vigoureuse troupe a parcouru 16 lieues en trente-six heures. Sans la laisser respirer, Bonaparte ordonne le passage immédiat sur l'autre rive. Le Pô, devant Plaisance est large de 230 toises, et son courant est très rapide. Un lit large, coupé de bancs de sable à travers lesquels circule le fleuve ; des rives basses, terres d'alluvion vite envahies par les eaux, couvertes de bouquets d'arbustes et de prairies, et de chaque côté une plaine plate, immense, tel est l'aspect de la vallée du Pô en cet endroit. Un bac qui fait communiquer les deux rives peut transporter 500 hommes ou 50 chevaux et effectue le trajet en une demi-heure. Il faut aller plus vite, et passer sur des barques, des radeaux, puis jeter des ponts volants, une fois qu'on tiendra l'autre rive. Lannes se précipite dans une barque; ses Grenadiers et les Carabiniers l'imitent, et 900 hommes traversent ainsi le fleuve, parfois entraînés au large, coupant avec peine le fil de l'eau. Abordé sur la rive gauche, Lannes saute le premier à terre et la fusillade éclate. Après quelques coups de fusil, les cavaliers autrichiens se retirent. Il est 2 heures de l'après-midi. Le commandant Andréossy lance aussitôt un pont volant sur lequel passe le reste de l'avant-garde.

Armée d'Italie, composition, et effectifs, 8 mai 1796 - 19 floréal an IV (lors de la marche sur Plaisance)
Général en chef : Général Bonaparte
Avant-garde : Général Dallemagne
3e Bataillon de Grenadiers à 6 Compagnies (4e et 18e Demi-brigades) : 600 hommes
2e Division : Général Augereau
Future 4e Demi-brigade : 2485 hommes

In : F. Bouvier "Bonaparte en Italie, 1796"

Le 8 mai, l'avant-garde s'avance en trois colonnes; chacune de deux Bataillons (celle de gauche avec Lannes, celle du centre avec Lanusse, celle de droite avec Dallemagne). Ces troupes débusquent l'ennemi de Guardamiglio, sans éprouver de résistance. Mais lorsqu'elles débouchent sur Fombio, elles sont saluées par le feu de trois ou quatre canons. Dallemagne s'avance vivement pour envelopper le village, et en une heure, refoule Lipthay sur la route de Pizzighettone. Lannes pénètre à la baïonnette dans Fombio, avec sa fougue inconsidérée, en est chassé deux fois, puis y rentre, et finalement s'en rend maître, non sans pertes sérieuses ... Lipthay, rejeté sur Codogno, veut se maintenir dans cette ville assez de temps pour que Beaulieu puisse intervenir. Mais Lanusse s'empare de San-Fiorano, menaçant de tourner Codogno, et Lipthay qui n'a plus que cinq Bataillons et six Escadrons sous la main, trois de ses Bataillons sur le point d'être cernés par Lannes et Lanusse ayant reflué au Nord sur Lodi, se voit contraint de reculer sur Maleo et de là sur Pizzighettone, toujours poursuivi. Lipthay ne se croit pas encore en sûreté derrière les murs de Pizzighettone et, laissant dans la place deux Bataillons et un Escadron, pour y défendre le passage de l'Adda, il se retire de suite sur Crémone et Casalmaggiore où il arrive la nuit.

Les Grenadiers de l'avant-garde poursuivent les débris de Lipthay jusqu'à la nuit close; ils s'arrêtent à Maleo, à une demi-portée de canon de Pizzighettone.

Le 9 mai, l'avant-garde passe sous le commandement de Masséna (Bonaparte à Masséna - Arch. G.) qui en même temps continue de commander sa propre Division. L'avant-garde de Dallemagne, par une sorte de chasse-croisé, va, dans la soirée du 9, de Maleo à Zorlesco, à 4 kilomètres en avant de Casalpusterlengo ... A Zorlesco, les Grenadiers et Carabiniers sont en bonne place, en extrême pointe d'avant-garde, prêts à se porter sur Lodi ou sur Pavie suivant les visées du Général en chef. Ils sont d'ailleurs appuyés à courte distance par la Division Masséna.

Le 10 mai (21 floréal), c'est la bataille de Lodi. L'avant-garde française rencontre inopinément, vers 9 heures du matin, une troupe de Grenadiers autrichiens, avantageusement postés, qui défendaient la chaussée de Lodi. La cavalerie monte aussitôt à cheval et accourt, amenant quatre pièces légères; Masséna suit, et Augereau ne tarde pas aussi à s'ébranler de Borghetto sur l'autre route qui conduit à Lodi. Dallemagne, pendant ce temps, s'est jeté avec ardeur sur les Autrichiens. Ceux-ci résistent avec opiniâtreté; il faut manoeuvrer. Marmont avec le 7e Hussards charge et bouscule sur la route la cavalerie ennemie; tandis que Lannes avec les Grenadiers répandus sur les deux côtés de la chaussée assaille l'infanterie. Enfin, les Grenadiers rompent les rangs ennemis, prennent un canon et poursuivent, l'épée dans les reins, les Autrichiens en désordre jusqu'à Lodi. Marmont toutefois ne peut, dans ce pays coupé et divisé à l'infini, atteindre l'infanterie autrichienne, qui défile sous ses yeux, à l'abri des canaux des rizières qui bordent la route, impénétrables aux chevaux. Sur la chaussée même, la cavalerie recule devant lui et arrivée à Borgo Roma, faubourg de Lodi, s'éclipse soudain en contournant le mur extérieur de la ville. On veut fermer les portes de cette petite place, ceinte de remparts en terre et briques, mais des Grenadiers pénétrent pêle-mêle dans les rues avec les derniers pelotons de fuyards ... La place de Lodi elle même n'est pas en état de résister à cette vigoureuse attaque ... Vers 11 heures du matin, la fusillade se fait entendre dans le haut de la ville de I.odi et les Autrichiens, qui sont en train de faire la soupe, se voient assaillis dans la place par les Grenadiers de l'avant-garde française qui ont escaladé les murailles. Le combat dans les rues de Lodi est vif, mais de courte durée. Les Grenadiers se répandent dans les rues, balayant avec entrain les faibles forces adverses ... Chassés de la ville de Lodi, les Autrichiens descendent en désordre la longue voie en pente, pavée de petits cailloux, qui conduit au pont sur l'Adda et courrent s'abriter auprès des troupes de Sebottendorff. Il est environ midi quand toutes les forces autrichiennes ont passé la rivière. Les Grenadiers de Dallemagne, lancés au pas de charge à la poursuite des soldats de Roselmini, débouchent derrière eux vers l'entrée du pont. Ils y sont salués d'un feu d'artillerie et de mousqueterie des plus vifs qui les contraint à chercher un abri derrière les murs de la ville, auprès de l'église San-Francesco... En attendant de pouvoir franchir le pont de l'Adda, les Grenadiers et Carabiniers se reposent dans la ville basse. Bonaparte, au milieu d'eux, parcourt les rangs, haranguant, exhortant ou raillant les soldats, communiquant à tous la flamme ardente qui le dévore. Il excite habilement leur amour-propre, les pique, en disant qu'il leur ferait bien passer le pont, mais qu'ils s'amuseraient à tirailler et qu'alors cela n'irait pas. Lorsqu'il pense les avoir amenés au degré d'excitation nécessaire, il les forme, les amène à la porte et lance enfin la fameuse colonne ... Vers 5 heures, Bonaparte donne l'ordre de l'attaque ... Masséna et Dallemagne forment en colonne serrée, sur l'esplanade qui va de San-Giacomo à la porte d'Adda, les Bataillons de Grenadiers et de Carabiniers ... Au signal donné, un peu avant 6 heures, la porte s'ouvre et la redoutable colonne, par un simple mouvement de conversion à gauche, se trouve hors des murs, à l'entrée du pont. Le feu de l'ennemi s'est ralenti; celui des batteries françaises redouble, sur l'ordre de Sugny, pour préparer l'attaque ... le pont est franchi et la lutte se poursuit sur l'autre rive de l'Adda. La victoire est totale.

Le 11 mai, toute l'avant-garde avec Dallemagne doit se rendre à Crema.

Le 13 mai, l'avant garde et le Général Dallemagne sont laissés dans la place de Pizzighettone.

Par ailleurs, l'amalgame des Demi-brigade d'Infanterie touche à sa fin; quelques jours plus tard, elles prennent par tirage au sort le nouveau numéro sous lequel elles vont désormais servir (ordres du jour de Berthier, du 23 et du 26 mai (Arch. G.) cités par F. Bouvier). Ce tirage au sort a lieu le 26 mai (7 prairial) en présence de Berthier et de l'Etat-major par des Officiers de chaque Demi-brigade. Le Procès-verbal de l'Adjudant général Vignolle, signé par les Chefs de Bataillon Perreimond, de la 19e ; Goujon, de la 20e ; les Capitaines Faure, la Jonquière, de la 39e ; Méresse, de la 70e; Molleau de la 69e ; Giraud, de la 99e etc., etc., et par les Adjoints Ballet, Bertrand et Baurot (pièce classée au 29 mai, Arch. G.), atteste que la 39e devient la 4e. Le Général en chef là-dessus ordonne qu'à compter du lendemain 8 prairial (27 mai), les Demi-brigades ne porteront plus que leurs nouvelles dénominations.

Le 1er juin 1796 (13 prairial an IV), les dispositions du Général en Chef sont expédiées, depuis le Quartier général à Peschiara aux Divisions de l'armée; la 39e demi-brigade devient officiellement la 4e; elle demeure à la Division Augereau, avec un effectif de 2320 hommes, stationnés à Ponton (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 540).

Le 1er juin 1796 (13 prairial an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Peschiara au Général Augereau : "Il est ordonné au général Augereau de partir demain matin de Piovezzano pour se rendre à Castiglione-Mantovano, où il sera suivi de la 4e demi-brigade d'infanterie de ligne, qui doit y arriver de bonne heure ... Le général Beyrand doit suivre la 4e demi-brigade..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 541).

A la suite des victoires du début de cette guerre, Montenotte, Millesimo, Dego, Mondovi, Lodi, les débris de l'armée autrichienne avaient évacué le Milanais et s'étaient retirés à Borghetto, pour défendre avec vigueur le passage du Mincio. Les Grenadiers forcent le pont et poussent jusqu'aux portes de la ville, suivis de la Division Augereau qui tout à coup prend à gauche sur Peschiera pour couper la retraite de l'ennemi. Le mouvement s'exécute rapidement, et la 4e Demi-brigade, séparée du reste de la division, n'en montre ni moins d'audace ni moins d'assurance. Elle tombe sur une forte colonne ennemie qui formait l'arrière-garde, la bat et lui enlève une masse de prisonniers. Les deux premières Compagnies du 1er Bataillon, qui étaient en avant-garde, et encouragées par ce succès, s'engagent trop à fond et tombent dans une embuscades. Elles sont en partie détruites, en partie enlevées ou dispersées. Parmi les pertes figurent : Le Lieutenant Patou, blessé; le Lieutenant Laplume, prisonnier; le Lieutenant Pascouan, tué. Parmi les Sous officiers et soldats : 32 tués, 26 blessés, 39 prisonniers.

- Mantoue.

La Division s'étant rendue à Governolo, la 4e Demi-brigade poursuit son mouvement et marche le 16 prairial (4 juin) sur la porte Cérèse, à Mantoue. Ce poste fortifié, couvert d'ouvrages, est vigoureusement attaqué. Pendant longtemps, la 4e combat sans pouvoir l'enlever. L'ennemi oppose une vive et longue résistance, et la porte ne peut être forcée à coups de canon ; alors un jeune Tambour, nommé Cassagne, se fait soulever par quelques Grenadiers jusqu'à une petite ouverture pratiquée au-dessus, passe de l'autre côté, avec autant d'adresse que d'intrépidité, et ouvre lui-même la porte aux Français qui se jettent dans l'enceinte et font plusieurs prisonniers. Le Général en chef dut faire retenir les Grenadiers, qui prétendaient enlever Mantoue en s'élançant en tirailleurs sur la chaussée et qui criaient : "Il y a bien moins de mitraille qu'au pont de Lodi que nous avons bien emporté !".

Le 6 juin 1796, la 4e Demi-brigade est répartie entre la Division Masséna (à Vérone) et la Division Augereau (à Cérèze).

L'expédition de Romagne a lieu sur ces entrefaites. Le 12 juin 1796 (24 prairial an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Pavie au Général Augereau : "Il est ordonné au général Augereau de partir avec les 4e et 51e demi-brigades d'infanterie de bataille (sic) et son artillerie, le 28 du courant, pour se rendre à Bologne, allant,
le premier jour, au delà du Pô, par Borgoforte;
le deuxième jour à la Mirandole;
le troisième jour, à Bomporto;
et le quatrième jour, à Bologne.
Il commencera son mouvement le 27 ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 619).

la Division s'avance sur les Etats du Pape et arrive bientôt à Bologne. La population ayant pris les armes, la lutte est vive et acharnée.

Le 28 juin 1796 (10 messidor an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Livourne au Général Augereau : "Il est ordonné au général Augereau de faire partir pour Porto-Legnano, à la réception du présent ordre, un bataillon de la 4e demi-brigade de ligne. Ce bataillon ira bivouaquer, le jour de son départ de Bologne, à moitié chemin de cette dernière ville à Porto-Legnano, et se rendra le lendemain dans ce dernier lieu, où il restera jusqu'à nouvel ordre. En partant de Bologne, il prendra sa subsistance pour deux jours ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 700).

Jean-Pierre Dupin raconte (au sujet de ce qui est encore provisoirement la 55e Demi-brigade) : "... à la prise de cette place (Tortone) nous marchâmes sur Plaisance, Régio, Modène, le fort Urbin et Bologne, notre demi-brigade, seule avec deux pièces de quatre fit soumettre tout ce pays et toutes ces villes, au seul chant de la Marseillaise ! ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... nous marchâmes sur Alexandrie où là nous reçûmes l’ordre de marcher à l’effet de faire soumettre à la France Plaisance, Parme, Modene, Beforwbise et Bologne. Ici nous apprîmes que nos affaires sur Mantoue n’avançaient pas et que les Autrichiens venaient d’entrer dans Ferrare ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 18 messidor (6 juillet), les 1er et 3e Bataillons marchèrent sur la province de Lugo, où un soulèvement venait d'avoir lieu. Pertes : La Demi-brigade eut 14 braves tués, dont le Lieutenant Eustache, et 21 blessés, dont le Chef de Brigade Pourailly, le Capitaine Dautun et le Lieutenant Chausson. Mais enfin, les habitants succombent sous les coups de la Demi-brigade et l'insurrection est réprimée.

"... J'ordonnai au général Beyrand de se rendre à Imola, où je fis rassembler un bataillon de la quatrième demi-brigade, deux cents chevaux et deux pièces d'artillerie, et je m'y rendis moi-même. Le chef de brigade Pourallier avait ordre de partir avec la moitié de la troupe qui se trouvait à Ferrare, et de marcher sur les derrières de Lugo, pour couper les rebelles, pendant que je les attaquerais de front ...
Je marchai contre eux, hier au matin, avec à peu près 800 hommes d'infanterie, deux cents chevaux, et deux pièces d'artillerie. A une lieue et demie de la ville, leurs avant-postes cachés dans les chanvres, commencèrent à fusiller; nos éclaireurs les firent déguerpir, et les conduisirent plus vite que le pas, jusque dans la ville, où ils se crurent en sûreté. J'y fis diriger quelques coups de canon et mettre le feu à plusieurs maisons; cet appareil, joint à une fusillade assez vive, les fit déloger à la hâte; ils se répandirent en désordre dans la campagne, où je les fis poursuivre avec chaleur. Trois cents environ restèrent sur la place. Il nous en a coûté quatre hommes et six à sept blessés.
Les chefs de ces rebelles, bien certains du traitement que je leur réservais, avaient prudemment pris la fuite.
En entrant dans Lugo, des coups de fusil partis de quelques fenêtres m'ont tué deux hommes. Je voulais faire brûler la ville; mais il n'y était resté que quelques femmes, des vieillards et des enfans : ils furent respectés
" (Lettre expédiée depuis Bologne par Augereau le 8 juillet 1796 (20 messidor an 4) au Général en chef - Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaperte, t.1 Italie; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.1, p. 211).

"… Un moine, arrivé de Trente, a apporté la nouvelle dans la Romagne que les Autrichiens avaient passé l'Adige, débloqué Mantoue, et marchaient à grandes journées dans la Romagne. Des imprimés séditieux, des prédicateurs fanatiques prêchèrent partout l'insurrection ; ils organisèrent en peu de jours ce qu'ils appelèrent l'armée catholique et papale ; ils établirent leur quartier-général à Lugo, gros bourg de la légation de Ferrare, quoique enclavé dans la Romagne.
Le général Augereau donna ordre au chef de brigade Pourailler d'aller soumettre Lugo. Cet officier, à la tête d'un bataillon, arriva devant cette bourgade, où le tocsin sonnait depuis plusieurs heures; il y trouva quelques milliers de paysans. Un officier de grenadiers se porta en avant, en parlementaire : on lui fit signe d'avancer, et, un instant après, il fut assailli d'une grêle de coups de fusil. Ces misérables, aussi lâches que traîtres, se sauvèrent : quelques centaines sont restés sur la place.
Depuis cet événement qui a eu lieu le 18, tout est rentré dans l'ordre, et est parfaitement tranquille ...
" (Lettre expédiée depuis le Quartier général de Milan par Bonaparte le 14 juillet 1796 (26 messidor an 4) au Directoire exécutif - Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaperte, t.1 Italie; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 84; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.1, p. 121; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.1, p. 218).

"Au moment où Bonaparte allait se rendre au camp devant Mantoue, il reçut la nouvelle que, au mépris de l'armistice demandé et obtenu par le pape, les habitans de la Romagne s'étaient insurgés, et s'étaient portés envers les Français aux plus horribles excès. Les instigateurs de ces nouveaux troubles étaient encore des nobles et des prêtres, mus eux-mêmes par la crainte de perdre leurs privilèges et prérogatives, menacés incessament par les progrès des principes révolutionnaires. Les insurgés avaient fait de Lugo leur place d'armes. Cette petite ville, enclavée dans le Ferrarais cédé à la répuplique, continuait d'appartenir à la Romagne, ou, pour mieux dire, au pape. Le prise d'armes avait été précédée par une proclamation, où l'on peut remarquer que les auteurs, en déclamant contre les Français laissaient entrevoir le danger du voisinage de ces derniers. "Les circonstances critiques dans lesquelles se trouve le peuple lugois, disait cette proclamation, par l'invasion des Français dans l'état pontifical, l'enlèvement des subsistances, les insultes faites aux personnes, l'ont porté à prendre les armes pour la défense de ses saints protecteurs, du souverain de l'état et de la patrie. Tous doivent concourir au salut commun, dans le commun péril. Il espère que tous, animés par le zèle pour la religion, l'attachement pour sa Sainteté, leur légitime souverain, et l'amour de la patrie, travailleront de concert au succès d'un si beau dessein, en se rangeant sous les glorieuses bannières de l'église".
Promptement instruit de cette insurrection, le général Augereau donna trois heures aux Lugois pour poser les armes, les menaçant, en cas de refus, de marcher contre leur ville le fer et la flamme à la main. Ceux-ci méprisèrent la menace, et ayant appris que soixante dragons avec huit officiers se dirigeaient à Lugo, ils dressèrent une embuscade pour les massacrer. Ce premier acte d'hostilité réussit. Au signal convenu, les dragons essuyèrent un feu très-vif; cinq d'entre eux tombèrent morts à la première décharge, les, autres prirent la fuite. Les têtes des dragons tués furent coupées et portées en triomphe dans Lugo par des forcenés qui ne savaient pas qu'ils promenaient l'arrêt de leur propre condamnation. Cet horrible trophée, d'une victoire facile, fut exposé sur la maison commune de la ville. Un début aussi sanguinaire transporta de fureur les soldats français ; tous voulaient marcher pour en punir les fanatiques auteurs : mais Augereau voulait encore essayer les voies de la modération. Le baron Capelletti, chargé d'affaires d'Espagne, se rendit au foyer de la sédition; il exhorta les habitans de Lugo à la soumission et à la confiance envers l'armée française disposée à leur pardonner les excès commis. Mais il ne put rien obtenir de ces furieux, égarés par les conseils les plus perfides. Le général Augereau se décida alors à employer la force : il fit anvancer sur Lugo un corps composé d'infanterie et de cavalerie, avec du canon et des caissons bien approvisionnés, sous le commandement du chef de brigade Pourailler. Les insurgés organisés en bandes, sous la dénomination d'armées catholique et papale, sortirent de la ville au nombre de plusieurs milliers. Pouraillier avait divisé ses troupes en deux colonnes qui se portèrent, la pre mière par Imola, et la seconde par Argenta, sur Lugo. Les deux partis ne tardèrent pas, à se rencontrer. Le colonel français voulût tenter un dernier effort pour épargner le sang des paysans aveuglés, et leur envoya un officier de grenadiers pour leur offrir la paix. L'officier s'avançait vers eux lorsqu'il fut accueilli tout-à-coup par une grêle de balles. Ce fut le signal d'une horrible mêlée. Les Français, furieux de l'obstination des Lugois, et de ce dernier acte de trahison, se précipitèrent sur cette masse de fanatiques. Animés par la rage du désespoir, par la présence de plusieurs ministres de la religion en habits sacerdotaux qui combattaient dans leurs rangs, les Lugois se défendirent avec une grande intrépidité. Ce ne fut qu'après trois heures d'un engagement, qui fut plutôt une boucherie qu'un combat, que le désordre s'introduisit dans les bandes insurgées. Une grande partie fut taillée en pièces. Plus de deux mille morts couvrivent le champ de bataille. Les débris des vaincus s'enfuirent vers la ville : mais le colonel Pourailler, quoiqu'il eût perdu un grand nombre de ses soldats, me donna point aux fuyards le temps de se retrancher dans Lugo. Les Français, en les poursuivant, entrèrent pêle-mêle avec les insurgés dans cette ville. Là, commença un nouveau carnage. La vue des têtes de leurs camarades, encore exposées sur la maison commune, redoubla l'animosité des soldats français ; ils se livrèrent à tous les excès de la vengeance. Lugo fut livré au pillage pendant trois heures. Tous les individus rencontrés dans les rues, ou trouvés dans les maisons, furent impitoyablement massacrés. Le colonel Pourailler avait eu la précaution de ne faire entrer qu'une portion de ses troupes dans la ville. Celles qui se trouvaient en dehors fermaient toutes les issues. Nul habitant ne put échapper au sort funeste qui l'attendait, et que des misérables avaient attiré sur cette populace livrée au fanatisme. Augerau fit publier une proclamation pour retenir dans les bornes de la soumission ceux des habitans du Ferrarais et du Bolonais, qu'une vengence aussi prompte n'aurait point épouvantés
" (Victoires et conquêtes des Français, T. 6. P. 100 ss).

Le 10 juillet 1796 (22 messidor an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Porto-Legnano au Général Augereau : "Le général Augereau est prévenu que sa division s'étend depuis Ronco jusqu'à Badia ... Il aura à ses ordres la 12e demi-brigade d'infanterie légère, les 4e et 51e demi-brigades d'infanterie de bataille (sic) commandées par les généraux de brigade Beyrand, Robert et Gardanne ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 744).

La Division quitte Bologne vers la mi-juillet et se reporte sur l'Adige. La Demi-brigade prend position le long de l'Adige de Labada à Ponte Castanino (Ponte-Castagnaro); de Ponte Castanino à Legnano. Tel était son emplacement lorsque dans la nuit du 28 juillet arriva l'ordre de battre en retraite. En effet, les Généraux autrichiens Quatdanowich et Wurmser avaient rassemblé dans le Tyrol une armée de 20000 hommes et s'avançaient contre nous par les vallées de la Chiese et de l'Adige. Bonaparte réunit ses Divisions disséminées, lève le siège de Mantoue et se concentre au sud du lac de Garde, de façon à se trouver entre les colonnes ennemies qui descendent de chaque côté du lac et à pouvoir les combattre successivement.

Le 29 juillet 1796 (11 thermidor an IV), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Montechiaro au Général Augereau : "L'ennemi a forcé le poste de la Corona. L'on s'occupe en ce moment à le reprendre. Il est indispensable, qu'elle que soit l'issue de cette tentative, d'attaquer l'ennemi et de le battre.
Vous voudrez donc, Citoyen général, réunir le 22e régiment de chasseurs et 300 hommes ... ainsi que la 4e demi-brigade d'infanterie, en laissant seulement 800 hommes ... à Legnano.
La 51e demi-brigade se réunira également à Ronco ... et passera l'Adige. Vous vous réunirez à Zerpa et vous marcherez dès lors sur Villanova, et de là à Montebello, pour y attaquer l'ennemi demain, dans la matinée. Si l'ennemi avait fait tout autre mouvement, vous l'attaqueriez dans la nouvelle position qu'il occuperait ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 796).

Le même jour, une nouvelle lettre est expédiée par le Général en Chef Bonaparte, depuis le Quartier général à Montechiaro au Général Augereau : "Il est ordonné au général Augereau de partir, avec la 4e demi-brigade ... et d'opérer sa retraite sur Roverbella. Il est indispensable qu'il soit arrivé demain au soir, ou au plus tard dans la nuit. Il passera par Castellaro, où je lui ferai passer des ordres, si les circonstances obligent de changer de situation. Il aura soin de rompre le pont de Legnano, de brûler les affûts appartenant à la ville, et de jeter à la rivière les munitions qu'il ne pourra emporter ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 800).

- Castig1ione. 1re journée (17 thermidor)

La 4e Demi-brigade, rappelée de ses cantonnements le long de l'Adige, se met en marche avec sa Division; elle abandonne les postes qu'elle avait sur l'Adige, se rassemble à Legnano, démonte les pièces qu'elle ne peut emmener, coupe le pont, et pousse à tour de route sur Roverbella. Elle se repose une heure dans cette ville

Le 30 juillet (12 thermidor an IV), une lettre est expédiée par le Général en Chef Bonaparte, depuis le Quartier général à Castelnovo au Général Augereau : " Vous devez avoir reçu, Général, l'ordre de vous rendre à Roverbella; mais les circonstances étant changées, vous prendrez position à Castellaro, derrière la Molinelle, pour couvrir Mantoue ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 800).

La 4e se dirige alors sur Castellaro. Elle protège, ferme l'arrière garde et revient encore sur ses pas. Elle gagne de nouveau Castiglione di Mantua, traverse Roverbella et finalement, atteint Goïto le 13 thermidor (31 juillet) à 8 heures du matin. Elle a parcouru 111 milles en cinquante-cinq heures sans, pour ainsi dire, prendre aucun repos; 173 Sous-officiers et volontaires, épuisés de fatigue, ont été forcés de rester en arrière et ont été faits prisonniers.

Le 31 juillet 1796 (13 thermidor an 4), Augereau écrit depuis son Quartier général à Roverbello au Général en chef : "Mes troupes sont arrivées ici ce matin, à trois heures, après avoir marché deux nuits et un jour. Elles vont se rendre à Castellaro. Je vous observe que je n'ai que la quatrième demi-brigade et la cinquante et unième, faisant partie de la division du général Kilmaine. J'ai aussi un peu de cavalerie et onze pièces d'artillerie légère, ce qui est beaucoup trop pour si peu d'infanterie.
A l'arrivée du général Kilmaine, j'ai été le trouver, afin de me concerter avec lui pour le bien du service. Je suis convenu avec lui qu'il placerait une demi-brigade entre Roverbello et Castellaro pour couvrir Mantoue, et pouvoir nous porter des secours mutuels; car de Castellaro à Roverbello il y a quatorze milles ...
" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaperte, t.1 Italie; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.1, p. 256).

Avec le reste de la Division, la 4e partit de Goïto pour Castiglione delle Stiviere (1er août ?).

Le 2 août 1796 (15 thermidor an IV), est expédié par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Brescia, la nouvelle composition des Division de l'Armée : "Général Augereau : 4e, 45e et 51e demi-brigade de ligne, 1er et 2e bataillon de la 69e et la 17e demi-brigade d'infanterie légère.
Les généraux de brigade employés dans sa division seront les généraux Robert, Pelletier et Beyrand. Il placera ces trois généraux ainsi qu'il le jugera à propos ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 822).

La 4e arrive le 16 thermidor à Castiglione delle Stiviere. Le Général Augereau apprit que l'ennemi occupait le pont de San-Marco et les hauteurs de Montechiaro : il ordonne au Chef de Brigade Pourailly (?) de prendre un Bataillon de sa Demi-brigade, deux pièces et cinquante chevaux et d'aller s'emparer du pont de San-Marco, ce que fait ce brave Officier (Relation anonyme de la bataille de Castiglione, attribuée à Augereau).

Augereau écrit le 3 août 1796 (16 thermidor an IV), depuis le Quartier général de Castiglione de Stiviere, au Général en Chef : "L'ennemi est battu complétement : 3,000 hommes prisonniers, canons et munitions, sont les fruits de cette journée. Les trois armes se sont bien battues ; chacune a fait son devoir. Nous avons à regretter la mort de quelques braves : le général Beyrand a été tué sur le champ de bataille; le général Robert a été blessé; le chef de brigade Pouraillier a été tué pareillement et plusieurs braves chefs de bataillon.
L'ennemi a reçu plusieurs fois du renfort ; le combat a été des plus sanglans : j'estime la perte de l'ennemi à 7,000 hommes. Votre aide-de-camp Marmont s'est comporté ou-ne peut pas mieux pendant tout le combat; il a déployé de grands talens militaires. Je vous prie de m'envoyer le général Saint-Hilaire pour commander la quatrième demi-brigade, ainsi que le chef de brigade Lannes, qui a le brevet pour en prendre le commandement; sans cela, cette brave troupe est perdue. Vous tâcherez aussi de m'envoyer un général de brigade pour commander la cinquante-unième. Il faut tâcher de profiter de cette victoire. Je vous ferai passer le rapport circonstancié, relatif à l'affaire d'aujourd'hui, où je vous demanderai de l'avancement pour les officiers qui se sont distingués
" (Panchouke : " Correspondance inédite officielle et confidentielle de Napoléon", t. 1 Italie ; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.1, p. 260).

Ce jour là, Bonaparte culbute la droite autrichienne à Lonato et se retourne ensuite contre Wurmser.

Le 17 (4 août), à 4 heures du matin, la Division du Général Augereau, la 4e Demi-brigade en tête, se trouve sous les armes dans la plaine de Castiglione, à la droite de l'armée. Les tambours retentissent, les chants de la musique se font entendre. Elle s'avance l'arme au bras et arrive à travers la mitraille à deux portées des murs de la ville, malgré le feu terrible de l'artillerie autrichienne. Là, les Grenadiers et le 3e Bataillon, commandés par l'Adjudant-général Verdier, se dirigent vers les hauteurs sur la gauche. Les 1er et 2e Bataillons marchent vers la plaine à droite, faisant mine de laisser la ville derrière eux. En vain l'ennemi cherche à les arrêter par une grèle de mitraille et de mousqueterie : les premiers s'emparent de la hauteur, les autres se forment en bataille dans la plaine à l'est de la ville. Les tirailleurs du 1er bataillon se portent en avant, tuent beaucoup de monde et font un grand nombre de prisonniers. Ceux du 2e prennent deux pièces de canon avec leurs caissons; ils enlèvent un drapeau, et font mettre bas les armes à une colonne de 1500 hongrois avec tous ses Officiers. Le 1er Bataillon est chargé trois fois par la cavalerie ennemie; trois fois il la reçoit par un feu soutenu de mousqueterie et la force à se retirer.

Le champ de bataille est gagné. L'Armée se repose le 4 août sur le terrain qu'elle a conquis. L'ennemi cependant est resté en présence; l'action recommence dès le lendemain.

- 2ème journée

"Le 18, nouvelle bataille ; à neuf heures du matin, la Demi-brigade, commandée par le général Verdier marche dans la plaine contre une forte redoute ennemie; elle avait en avant d'elle l'artillerie légère et sur ses flancs la cavalerie; à 10 heures, on est à portée de cette redoute. Elle fait sur les Français un feu très meurtrier qu'ils reçoivent l'arme au bras et sans désordre, et auquel l'artillerie légère répond vigoureusement; à midi, le feu de l'ennemi diminua. Les grenadiers du 1er Bataillon et un détachement de cavalerie qui était en tirailleurs s'en aperçoivent; ils courent sur la redoute et s'en emparent; bientôt l'ennemi se mit en fuite; il laisse ses pièces avec les caissons et quantité de munitions de guerre et de bouche; tandis que la cavalerie et l'artillerie les poursuivent dans la plaine, la fameuse 4e demi-brigade gagne les coteaux et lui donne la chasse jusqu'à la Valle-Monte-Albani : tel est le résultat de cette mémorable bataille, dont le succès a rendu les Français, pour la deuxième fois, vainqueurs de l'Italie" (G. Fabry : "Rapports historiques des régiments de l'armée d'Italie pendant la campagne de 1796-1797").

La Demi-brigade a eu d'importantes pertes : ont été tués : Beyrand, Général de Brigade; Pourailly, Chef de brigade Pourailly (le 16), les Capitaines Fauché (le 18), Pichonnet (le 18), Desparbis, Fescheneau; les Lieutenants Caraguel, Planti, Sarraz, Berges, Carles; les Sous lieutenants Audibert, Berthin. Ont été blessés les Chefs de Bataillon Gros, Arnaud; le Capitaine Boucault; les Lieutenants Ramadier, Larousse; les Sous lieutenants Castagnès, Talon, Boulet. Auxquels il faut ajouter 61 Sous officiers et soldats tués, 147 Sous officiers et soldats blessés.

"Le 16 ... Le chef de la 4e demi-brigade, Pourailler ... ont été également tués ...
La 4e demi-brigade, à la tête de laquelle a chargé l'Adjudant général Verdier s'est comblée de gloire ... Le 18 ... Augereau attaqua le centre de l'ennemi appuyé à la tour de Solférino; Masséna attaqua la droite ; l'adjudant général Leclerc, à la tête de la 5e demi-brigade, marcha au secours de la 4e demi-brigade ...
", écrit depuis le quartier général de Castiglione Bonaparte au Directoire Exécutif dans son rapport du 6 août 1796 (19 thermidor an IV - Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 98 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.1, p.140 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 32 ; correspondance de Napoléon, t.1, lettre 842).

- Actions d'éclat : Parmi les nombreux faits d'armes isolés à l'honneur de la Demi-brigade, il convient de signaler les suivants : Le Sous-lieutenant Noguet, étant en tirailleurs, prend un drapeau, et le Caporal Mariot une pièce de canon. Le Capitaine Fauché est atteint par un boulet qui lui emporte la cuisse. En proie aux douleurs les plus aigües, il exhorte les soldats de sa Compagnie "à faire leur devoir et à exposer mille fois leur vie, s'il le faut, pour le triomphe de la République". Le Capitaine Pichonnet (ou Fecheneau ?) a également la jambe emportée par un boulet : "Je ne regrette pas ma jambe, s'écrie-t-il, puisque je l'ai perdue au service de ma patrie. J'espère que celle qui me reste lui sera encore utile", mais, vaincu par la douleur, il expire en criant : "Vive la République !".

Au milieu de tant de dévouement et d'insouciance de la vie, le sang-froid de l'adjudant-général Verdier se fit remarquer encore. Arrivé devant la redoute, cet Officier fait halte, et se porte sur la droite pour rectifier l'alignement. Au moment où il ouvre la bouche pour faire le commandement que la circonstance exige, un obus tue son cheval et le jette au loin. Il n'en tient pas compte, et achève son opération comme si de rien n'était.

Le 3 août 1796 (16 thermidor an 4), Augereau écrit depuis son Quartier général à Castiglione au Général en chef : "... le combat a été des plus sanglans : j'estime la perte de l'ennemi à 7,000 hommes. Votre aide-de-camp Marmont s'est comporté on ne peut pas mieux pendant tout le combat; il a déployé de grands talens militaires. Je vous prie de m'envoyer le général Saint-Hitaire pour commander la quatrième demi-brigade, ainsi que le chef de brigade Lannes, qui a le brevet pour en prendre le commandement; sans cela, cette brave troupe est perdue ..." ( - Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaperte, t.1 Italie).

La 4e passe sous le commandement de Bernard George François Frère.

Colonel/Général Frère 4e de Ligne

Bernard George Antoine Frère

Né le 8 janvier 1764 (l'Historique régimentaire indique le 2 octobre 1764); entré au service en 1791 au 2e Bataillon de l'Aude; Capitaine le 28 septembre 1792; Chef de Bataillon le 7 mars 1793; Chef de Brigade le 8 septembre 1796 ; Chef de Brigade dans l'Infanterie de la Garde Consulaire le 3 janvier 1800 ; Général de Brigade le 13 septembre 1802 ; Général de Division le 6 mars 1808 ; Commandeur de la Légion d'Honneur le 14 juin 1804 ; Comte de l'Empire le 18 mars 1809 ; décédé le 16 février 1826.
Ci-contre, portrait (communication de Mr M. Lint)

Le 6, la 4e demi-brigade marcha sur Borghetto. Obligée de rétrograder devant les masses ennemies, elle gagna Peschiera , repassa le Mincio le 7.

- Vérone

Le 20 thermidor (8 août), la Demi-brigade assista à la prise de Vérone. Le Capitaine Donna est blessé (déjà blessé à l'armée des Pyrénées, 19 prairial an III, devint Aide de camp du Roi Joseph Bonaparte en 1808) à la tête d'un coup de feu. La 4e entre dans Vérone, où elle fait des prisonniers. Elle passe quelques jours dans cette ville pour se remettre des fatigues qu'elle a essuyées. Puis elle va fouiller les montagnes du Tyrol, et descend après une vaine excursion dans la vallée de l'Adige.

Wurmser en effet a reformé son armée; avec 50.000 hommes il reprend l'offensive et se dirige par la vallée de la Brenta sur Bassano et Vicence pour tenter de délivrer Mantoue. Bonaparte avec une partie de son armée, dont la Division Augereau, va atteindre les Autrichiens à Primolano et à Bassano.

- Primolano (7 septembre)

La Division tout entière s'engage le 2 septembre dans ces gorges; elle cherche deux jours l'ennemi sans le joindre, et arrive le 4 à Roveredo; elle reprend sa course le lendemain, et, laissant Trente sur la gauche, gagne Vigorel. Elle continue son mouvement, dépasse Caldanezo, et entre dans la vallée du Borgo, où la Brenta prend sa source. Elle suit le cours de cette rivière. Pendant ces différentes marches, la 4e a toujours tenu la droite de l'armée.

Le 7 septembre au matin, l'avant-garde du Général Augereau, commandée par le Général de Brigade Lanusse, rencontre un corps de Croates, commandé par le Colonel Cavasini, retranché dans le village de Primolano, la gauche à la Brenta, la droite à des montagnes à pic. La 5e Demi-brigade attaque l'ennemi en tirailleurs; la 4e, en colonne serrée, l'attaque de front, protégée par l'artillerie légère, et le village est enlevé. Ces Croates vont se rallier dans le petit fort de Cevolo qui barrait le chemin par où il fallait passer. La 5e Légère est dirigée à gauche du fort où elle engage une vive fusillade. En même temps, quelques Compagnies de la 4e passent la Brenta et gagnent les hauteurs derrière l'ennemi et décident de sa retraite (Extrait des Ephémérides de Pillet). En effet, voyant que les fusils étaient inutiles contre des hommes embusqués derrière des rochers, la 4e marcha sur eux la baïonnette en avant, et prit une partie de leur colonne. Le terrain était tourmenté, abrupte, l'ennemi voulut profiter de la difficulté des lieux pour se rallier; mais la demi-brigade le suivait à la trace, elle lui livra plusieurs petits combats où il fut constamment défait. Le nombre de prisonniers fut considérable. A Solagna, non loin de Primolano, le Chef de brigade Lannes s'empare, avec tout juste une quarantaine de soldats, d'une colonne entière d'Autrichiens.

" ... La 4e demi-brigade de ligne, en colonne serrée par bataillon, marche droit à l'ennemi, protégée par le feu de l'infanterie légère. Le village est emporté ..." , écrit depuis le quartier général de Cismone Bonaparte au Directoire Exécutif dans son rapport du 7 septembre 1796 (21 fructidor an IV - Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 144 (la lettre est datée du 22 fructidor an 4 – 8 septembre 1796) ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 54 (idem) ; correspondance de Napoléon, t.1, lettre 976).

- Actions d'éclat : Les nommée Groussel et Lajoux du 1er Bataillon, prirent chacun un drapeau. La Demi-brigade eut dans cette affaire 4 morts et 9 blessés.

La Division, chargée d'un nombre de prisonniers considérable, vint bivouaquer à Auguadano.

- Bassano (8 septembre).

La Division reprend sa route le lendemain, passe la Brenta à Salage, où la gorge commençait à s'élargir. La 4e, qui a bivouaqué à Enégo, continue sa marche sur Bassano par le pont d'Assiago, formant l'extrême droite, pendant que le reste de la Division attaque sur la rive gauche de la Brenta. La Division Masséna suit la 4e Demi-brigade. L'ennemi est culbuté avant d'avoir eu le temps de se reconnaître. Le Général Augereau pénètre au pas de charge par la gauche, tandis que le Général Masséna y entre par la droite, à la tête de la 4e Demi-brigade, sous le feu de l'artillerie. Le Général autrichien lance contre elle un Bataillon de Grenadiers qui vient de jurer de vaincre ou de mourir, et les fait soutenir par quatre bouches à feu. Mais la 4e fond elle-même sur cette colonne; elle la brise, la renverse, la prend avec ses canons, et enlève un convoi de 800 voitures chargées de munitions de guerre.

"... Le 22, à deux heures du matin, nous nous mîmes en marche. Arrivés au débouché des gorges, près le village de Solagna, nous rencontrâmes l'armée ennemie. Le général Augereau se porta, avec sa division, sur la gauche, et envoya à sa droite la 4e demi-brigade de ligne; j'y fis passer également toute la division Masséna.
Il était à peine sept heures du matin et le combat avait commencé ... les ennemis tinrent quelque temps; mais, grâce à l'impétuosité de nos soldats, à la bravoure de la ... 4e de ligne, l'ennemi fut partout mis en déroute ... Nous marchâmes aussitôt sur Bassano ... le général Masséna y entrait par la droite à la tête de la 4e demi-brigade, dont une partie à la course et une partie en colonne serrée fondent sur les pièces qui défendent le pont de la Brenta, enlèvent ces pièces, passent le pont et pénètrent dans la ville ... le chef de bataillon de la 4e demi-brigade Frère ...
(s'est couvert) de gloire ... Je vous demande de nommer à la place de chef de brigade de la 4e de bataille (sic), le chef de bataillon Frère ..." , écrit depuis le quartier général de Bassano Bonaparte au Directoire Exécutif dans son rapport du 7 septembre 1796 (23 fructidor an IV - Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 145 (la lettre est datée du 22 fructidor an 4 – 8 septembre 1796) ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 55 (idem) ; correspondance de Napoléon, t.1, lettre 978).

"L'ennemi tint quelque temps, mais l'impétuosité des soldats français, et en particulier des 4e de Ligne et 5e Légère, l'emportèrent, et il fut mis partout en déroute" (Extrait des Ephémérides de Pillet). 3.700 prisonniers, 6 canons et un convoi de 800 chariots restèrent entre nos mains. Pendant toute l'action, la Demi-brigade a abordé l'ennemi à la baïonnette.

Pertes : Cette affaire coûtait à la 4e 8 hommes tués, dont le Chef de Bataillon Lechague et le Sous-lieutenant Mariès, et 14 blessés dont le Chef de brigade Frère et les Capitaines Darquier (prisonnier), Chavanne et Sire.

Actions d'éclat : Louis Durand, Sergent, s'empare d'un drapeau au milieu de la colonne ennemie, et le conserve quoique blessé grièvement. Au pont de Bassano, le Sous-lieutenant Fabrègues, accompagné de quelques volontaires, prend deux pièces de canon avec les attelages et les Officiers. Le Capitaine Magendie s'élance sur un canon pour s'en emparer; il s'engage avec un Grenadier autrichien et reçoit un coup de baïonnette qui traverse son habit et le cloue au mur. Il a assez de sang-froid pour tuer son adversaire d'un coup de sabre, se dégager et ramener la pièce.

Plus intrépide encore que ses Officiers, Lannes obtint de plus vastes résultats. La fusillade continuait de se faire entendre, il accourut à la tête d'une trentaine de tirailleurs, et aperçut un général ennemi entouré de son état-major. Il poussa à lui, et le somma de se rendre. L'Autrichien, indigné qu'un homme seul prétendit l'enlever au milieu de sa troupe, s'avança lui-même pour le saisir. Malheureux ! lui cria Lannes, sais-tu que derrière moi sont quatre mille hommes qui n'attendent qu'un signe pour te passer par les armes toi et les tiens ? Le Général subjugué n'essaya pas de prolonger la lutte; sa troupe mit bas les armes et défila devant son audacieux vainqueur.

Portée par le mouvement du combat sous les murs de Citadella, la 4e continua sa marche; elle entre le 9 septembre à Padoue.

Le même jour (23 fructidor an IV - 9 septembre 1796), Augereau écrit depuis son Quartier général à Bassano au Général en chef : "Vous n'ignorez point, mon général, combien la conduite de la quatrième demi-brigade d'infanterie de ligne a toujours été brillante : vous avez été témoin de ses exploits dans les journées des 21 et 22 de ce mois. Cette intrépidité qui la caractérise, est due en partie à l'exemple des braves officiers qui la commandent, et parmi eux voici ceux qui se sont particulièrement distingués, et pour lesquels je vous demande un avancement bien mérité.
Je sollicite le grade de général de brigade pour le chef de brigade Lannes, qui, dans cette armée, comme dans celle des Pyrénées orientales, n'a cessé de donner les preuves les plus éclatantes de bravoure, et qui, dans la dernière affaire, a enlevé deux drapeaux a l'ennemi.
Celui de chef de brigade, commandant la quatrième demi-brigade, pour le chef de bataillon, frère de cet officier ; il a rendu les services les plus importans, et joint des talens précieux au plus grand courage. Il fut blessé au combat de Ceva ; il l'a encore été hier : ce malheur, qui lui donne des droits à la reconnaissance publique, ne l'empêchera pas de reparaître en peu de temps à la tête de ses braves camarades.
Je demande enfin que les citoyens Cassan et Gros, capitaines de grenadiers, également recommandables par leur bravoure, leur zèle et leur moralité, soient élevés au grade de chefs de bataillon.
J'espère, général, que vous voudrez bien transmettre ces demandes au directoire exécutif, sur la justice duquel je compte, à cet égard, autant que sur la vôtre
" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaparte, t.2 Italie; The Bonaparte letters and despatches, Londres, 1846, t.1, p. 342).

Le 10, la 4e arrive à Este, et se présenta le 11 sous les murs de Legnago. Les troupes qui défendent cette place ayant mis bas les armes, elle reprend son mouvement le 12, traverse Villapenta le 13, atteint Governolo le 14, et débouche le 15 sur la porte Saint-Georges.

A noter que le 12 septembre, Jean André Commes serait devenu Chef de Brigade de la 39e devenue 4e.

- Saint Georges (29 fructidor)

Wurmser en effet, toujours refoulé, a continué sa marche vers Mantoue; il va se faire battre encore à Saint-Georges. Augereau a reçu l'ordre de marcher sur ce faubourg de Mantoue pour former la gauche de l'armée et écraser l'ennemi. II part de Governolo avec sa Division. La 4e Demi-brigade arrive le 29 fructidor vers midi près de la porte Saint-Georges, devant le camp autrichien, et attaque sans attendre le reste de la Division. Malgré leur intrépidité, les 1er et 2e Bataillons, seuls contre 8.000 hommes et 700 chevaux, doivent se replier après nne heure de lutte et subissent des pertes considérables. A l'arrivée de deux Bataillons de la 51e, le combat recommence jusqu'à la nuit et l'ennemi abandonne le champ de bataille, laissant 400 cavaliers entre nos mains.

" ... La 4e demi-brigade de bataille, qui avait, sur la gauche, commencé le combat, avait attiré la principale attention de l'ennmi, qui se trouvait percé par le centre; nous enlevâmes Saint-George ..." , écrit depuis le quartier général de Due-Castelli Bonaparte au Directoire Exécutif dans son rapport du 16 septembre 1796 - 30 fructidor an IV (Panckoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 131 (la lettre est datée du 13 fructidor an 4 – 30 août 1796) ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.1, p.183 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 43 ; Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1000 ; Correspondance générale de Napoléon, t.1, lettre 906).

Actions d'éclat : Dans le cours de l'action, Cambret, Grenadier au 2e Bataillon, est fait prisonnier. Le commrndant autrichien ordonne à deux de ses soldats de le conduire à Mantoue; mais Cambret leur arrache leurs armes, les tue et se sauve. Cherchant ensuite à rejoindre ses camarades, il rencontre son Capitaine Derbhey escorté par deux Autrichiens. Il se précipite sur eux, tue l'un d'un coup de baïonnette, blesse l'autre et délivre son Capitaine.

Pertes : La 4e Demi-brigade avait perdu dans cette affaire 52 morts, parmi lesquels le Capitaine Farcy, le Lieutenant Boutal (ou Boulet) et les Sous-lieutenants Parquet (ou Pergras) et Perducet. Parmi les blessés, au nombre de 116, se trouvaient l'Adjudant major Michel, les Capitaines Laroque (ou Langue), Barégo, Chamonat et Lajonquière, l'Adjudant Tollit. Enfin 251 (ou 247 ?) hommes avaient été faits prisonniers. Parmi les Officiers prisonniers figurent le Capitaine Deville, le Lieutenant Pinoneau, le Sous-lieutenant Martin et l'Adjudant Villemin. Pertes des Sous-officiers et soldats : 48 tués, 109 blessés, 247 prisonniers. Un de ceux-ci, le Grenadier Cambret, échappa aux Autrichiens avec un bonheur, une intrépidité rares. Conduit à Mantoue par deux Croates, il les désarma, se jeta à travers champs, aperçut son Capitaine qui venait aussi d'être enlevé, attaqua son escorte et le délivra.

Le 16 septembre 1796 (30 fructidor an IV), Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Due-Castelli, au Général Berthier : " ... La 51e et la 4e demi-brigade de bataille se rendront, le 2 vendémiaire, à Governolo ..." (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1001; Correspondance générale de Napoléon, t.1, lettre 903).

Le même jour, Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Due-Castelli, au Général Kilmaine : " ... La 4e demi-brigade, la 51e de bataille et la 52e (sic) d'infanterie légère garderont le le pont de Governolo, avec les détachements aux ordres du général Sandoz ...
La 4e demi-brigade, la 51e de bataille et la 5e d'infanterie légère, quoiqu'elles ne fassent pas partie des troupes qui doivent être sous vos ordres, y seront provisoirement, puisqu'elles seront chargées de la défense du pont de Governolo ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1002).

La 4e Demi-brigade rentra à Govornolo, où le Général de Brigade Bon prit le commandement de la Division en l'absence d'Augereau. Le Général de Brigade Lannes a également été blessé.

- Governolo (2 vendémiaire an V)

A la suite du combat de Saint-Georges, l'ennemi est complètement enfermé dans Mantoue.

Le 24 septembre 1796 (3 vendémiaire an V), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Milan au Général Kilmaine : "Le général en chef désirerait que, lorsque le jour de l'attaque sera décidé ... Vous même, avec toute la division du général Augereau, composée de la 5e demi-brigade légère, des 4e, 5e et 51e de bataille ... vous vous rendrez à Cerese, passant par Governolo. Alors la division du général Augereau prendra ses dispositions devant la porte de Cerese, et prendra à revers ce que l'ennemi pourrait avoir dehors, dans le Serraglio ... Immédiatement après l'expédition ... vous renverrez à Governolo ou tout autre endroit environnant ... les 4e et 51e de ligne ..." (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1022).

Le 26 septembre 1796 (5 vendémiaire an V), le Général en Chef Bonaparte écrit, depuis le Quartier général à Milan au Général Berthier : "Le fort de la Chiusa sera occupé par un détachement de la division du général Vaubois.
Vous donnerez les ordres pour que les détachements, garnisons, postes, fournis par ... la 4e demi-brigade de ligne ... aient à rejoindre sur-le-champ et soient relevés par les détachements des autres demi-brigades ... Les six demi-brigades ci-dessus nommées doivent avoir leurs chef de brigade et leurs chefs de bataillon présents aux corps. Vous donnerez ordre pour que les chefs de brigade et de bataillon de ces corps qui seraient blessés soient remplacés par les chef de brigade et de bataillon à la suite. Si qulqu'une de ces places était vacante, vous voudrez bien m'en instruire sur-le-champ, afin que je prenne des mesures pour les remplacer.
Vous ordonnerez aux généraux de division de porter une attention particulière à ce que chacune de ces demi-brigades ait sa musique complète et son armement en règle, et le nombre de tambours accordé par l'ordonnance ...
" (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1033).

Dans la nuit du 8 vendémiaire, l'ennemi essaie de s'emparer du poste important de Governolo. Un combat opiniâtre s'engage sur la rive droite du Mincio; les Grenadiers et une Compagnie du 1er Bataillon de la 4e Demi-brigade y prennent part sous les ordres du Général Sandos ; les hommes de la Demi-brigade se jettent sur la porte Cerèse et l'enlève. L'ennemi, repoussé, laisse entre nos mains 3 canons et 1 obusier. En même temps, le Général Verdier, chargé de la défense du pont de Governolo, fait filer sur la rive gauche du Mincio quatre Compagnies de la 4e Demi-brigade sous les ordres du Commandant Guéringau. Ces Compagnies, renforcées par 100 hommes de la 12e Demi-brigade, prennent l'ennemi de flanc et de revers, le mettent en déroute et le poursuivent jusqu'à Virgiliana, où deux Bataillons de la 5e Demi-brigade et les Grenadiers du 1er Bataillon de la 4e lui enlèvent 900 prisonniers. "La conduite valeureuse qu'ont tenue les grenadiers et la 7e compagnie de la 4e demi-brigade... mérite les plus grands éloges", écrivait le Général Bon, dans son rapport au Général en chef, daté de Governolo le 8 vendémiaire an V (29 septembre 1796). Les troupes de la 4e Demi-brigade se retirèrent le soir en bon ordre sur Governolo.

Cependant 1'Autriche envoyait deux nouvelles armées en Italie pour debloquer Mantoue. L'une de 40.000 hommes, partait du Frioul sous les ordres d'Alvinzi ; l'autre, de 20.000 hommes, sous Davidovich, descendait du Tyrol. Elles devaient se réunir à Vérone, accabler Bonaparte et délivrer Wurmser.

Le 30 septembre 1796 (9 vendémiaire an V), une lettre est expédiée, par ordre du Général en Chef, depuis le Quartier général à Milan au Général de Brigade Bon : "Il est ordonné au général Bon de partir de la position qu'il occupe soit à Governolo, soit dans le Serraglio, avec les 4e et 51e demi-brigades de bataille et la 5e d'infanterie légère, pour se rendre, le 12, de l'endroit où il se trouvera, à moitié chemin de Vérone, et, le 13, dans cette ville, où il restera avec ses troupes jusqu'à nouvel ordre ..." (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1053).

- La Brenta (16 vendémiaire)

Le 16 vendémiaire, la 4e Demi-brigade, en tête de la Division, marche sur l'ennemi, retranché derrière la Brenta; elle l'attaque vigoureusement et lui enlève 4 pièces de canon et 400 prisonniers. A l'arrivée de la Division, un vif combat s'engage et dure sans résultat jusqu'à 10 heures du soir ; nos troupes sont alors obligées de se retirer sur Vérone. La 4e Demi-brigade avait eu 41 morts parmi lesquels le Capitaine Adjudant-major Lacaze, et 94 blessés : de ce nombre étaient les Capitaines Massy et Darguiez, les Lieutenants Fidèle et Poitevin, les Sous-lieutenants Saunier et Champion. Le Lieutenant Rousseau a été fait prisonnier.

La 4e formait l'arrière-garde; elle contint, éloigna d'abord les hussards ennemis; mais ceux-ci devenant toujours plus entreprenants, elle fit halte, feignit de leur prêter le flanc et les vit bientôt accourir. Ils arrivaient tumultueux, confiants; une décharge meurtrière en étendit une partie dans la poussière, et rendit les autres plus circonspects.

Alvinzi s'arrête aux portes de Vérone et occupe la forte position de Caldiero.

- Caldiero (22 vendémiaire)

Le 21 vendémiaire an V (12 octobre 1796), la 4e Demi-brigade en tête de la Division part pour Vérone et marche sur Caldiero. Arrivés à Saint-Martin, les 2e et 3e Bataillons suivent la grand'route : le 1er prend sur la gauche pour tourner un village à mi-chemin de Caldiero. Après un court engagement, le poste est enlevé ; l'ennemi laisse 2 canons et 500 prisonniers. Les 2e et 3e Bataillons ont beaucoup à souffrir du feu de l'artillerie ennemie ; cependant on conserve cette position toute la nuit et on ne la quitte que le lendemain matin 22 (13 octobre), pour aller chercher l'ennemi sur les hauteurs de Caldiero. L'attaque se fait de front : les 2e et 3e Bataillons de la 4e tombent au milieu d'un fort détachement autrichien embusqué dans un ravin. Leur position était critique, mais la valeur de ces braves soldats les met au-dessus du danger : ils fondent à la baïonnette sur l'ennemi qui criait déjà victoire, renversant tout ce qui ne met pas bas les armes, et font un grand nombre de prisonniers.

Pendant ce temps, le 1er Bataillon a tourné l'ennemi par la gauche malgré la résistance opiniâtre qui lui était opposée. Malheureusement l'arrivée de nouvelles troupes ennemies force le Bataillon à se replier sur les 2e et 3e. La Demi-brigade réunie se met alors en bataille sur les bords d'un fossé afin d'arrêter les progrès des Autrichiens; malgré le feu écrasant de l'artillerie, elle conserve cette position jusqu'à la nuit et, à la faveur de l'obscurité, elle bat en retraite sur Vérone. La 4e avait perdu dans cette affaire 35 morts, dont 2 Officiers (Capitaine Adjudant major Floquet, Sous lieutenant Rigault), et 146 blessés, dont 14 Officiers (Chef de Bataillon Savetier Candras, Capitaines Donna, Teulet, Lebeau, Gros, Duthu et Derville (ou Deville); Lieutenants Paysse (ou Paussy), Blangir, Doré (ou Dors); Sous lieutenants Betrèze (ou Belbèze), Comtois (ou Courtois), Richards et Laplace (ou Laplane)).

Situation le 22 octobre 1796
Division Augereau à Vérone. 4e Demi-brigade : 2163 hommes

Bonaparte voyant qu'il ne peut déloger les Autrichiens en les attaquant de front se décide à tourner la position. La division se rend le 13 à Tomba. Le 23 brumaire (14 novembre), Bonaparte sort de Vérone par la porte de Milan, côtoie la rive droite de l'Adige, repasse le fleuve à Ronca et se trouve sur le flanc de l'ennemi au milieu de marais coupés seulement par deux chaussées : l'une à gauche va sur Vérône, l'autre à droite traverse un ruisseau, l'Alpone, au village d'Arcole, et rejoint la route de Vérone à Vienne, derrière les retranchements de Caldiero.

- Arcole (26 et 27 brumaire)

Là s'engage une terrible bataille de deux jours. La 4e Demi-brigade, arrivée le 24 à Ronco, passe l'Adige le 25, et le 26 elle marche sur Arcole par une chaussée étroite, construite entre deux marais. Arrivée près du village d'Arcole, elle trouve la 5e Demi-brigade légère culbutée sur le côté droit de la chaussée et est arrêtée elle-même par un feu terrible de mousqueterie après avoir pris la place de la 5e, et voit successivement accabler tout ce qui se présenta. Dans l'aprés-midi le Général en chef, suivi de son Etat-major, et le Général Augereau se présentent à la tête de la Division : ils exhortent la troupe à déboucher de la chaussée où elle est écrasée par le feu des batteries autrichiennes. Mais la troupe est rebutée, éperdue; il cherche vainement à lui rendre son audace, vainement il lui rappelle l'intrépidité dont elle a si souvent fait preuve, et lui peint l'humiliation de l'attitude qu'elle présente. Sa voix, pour la première fois sans puissance, n'éveille ni enthousiasme ni souvenirs. Ils donnent eux-mêmes l'exemple. Bonaparte se saisit d'un drapeau, Augereau en pred un autre, et tous deux s'élancent sur la chaussée au milieu d'une grêle de projectiles, mais cet héroïsme ne réveille pas le moral des troupes découragées. L'exemple est aussi stérile que les paroles et tout reste immobile; quelques Officiers se pressent autour de leurs Généraux, les arrêtent et les font retrograder. La journée s'achève dans cette terrible position.

A la nuit la Division et l'armée se replient sur Ronco. Chargée, le 16, de la garde du pont, la 4e franchit l'Adige le 17 (27 brumaire), à 8 heures du matin sous la conduite du Général Augereau ; elle prend à droite pour traverser un pont lancé à la hâte sur un canal latéral. Le passage est effectué sous le feu d'une batterie ennemie qui en défend 1'accès et nous fait beaucoup de mal ; la Demi-brigade recueille la 51e, qui vient d'être repoussée, et force les Autrichiens à se replier sur Arcole. Arrêtée à son tour par des troupes embusquées derrière les murs et dans les fossés, elle éprouve une résistance qu'elle fut longtemps à vaincre. Trois fois elle en chasse l'ennemi qui trois fois rentre dans sa position.

A 6 heures du soir; elle tente une quatrième attaque, appuyée par une vigoureuse charge des Guides du Général en chef, elle parvient enfin à mettre l'ennemi en déroute. Trois cents fuyards autrichiens, commandés par un Major, s'enferment dans un château et accueillent la Demi-brigade par un feu meurtrier; sommés de se rendre sous peine de voir iucendier le château, ils mettent bas les armes.

Actions d'éclat : Au cours de cette mémorable affaire, le Général en chef, en parcourant les rangs pour électriser les troupes, était tombé sur le bord des marais : Boudet, Sergent de Grenadiers, vole à son secours et, atteint par une balle qui le traverse de part en part au moment où il allait l'en retirer, il s'écrie : "II vaut mieux que ce soit moi que le général". Selon d'autres sources : "Je suis mort, je le sens; mais, du moins, n'est-ce pas le général qui est frappé". Le Caporal Pallier, interpelé semble t'il par Boudet, et voyant le Général en Chef dans l'eau, se précipite pour l'en retirer. "Le général, plein de sensiblilité, la lui témoigne de la manière la plus touchante et la plus noble" (Journal historique des marches et opérations de la 4e Demi-brigade). Rigo pour sa part dit qu'il s'agit du Caporal Pailhes (sic) et du Grenadier Bayrou qui tous deux entreront par la suite dans la Garde des Consuls. Fabry parle du Sergent de Grenadiers du 2e Bataillon Boulet (sic - blessé à cette occasion) et du Caporal Piallet (sic) de la 3e Compagnie du 2e Bataillon.

Ce qui est certain, c'est que le 20 novembre 1800 (29 brumaire an 9), Bonaparte, à qui l'on soumet la demande suivante : "Bouday, ex-sergent des grenadiers dans la 4e demi-brigade, qui a rendu au Premier Consul le service de le tirer d'un marais où il était tombé, demande la pension de retraite", réponds : "Je prie le citoyen Frère (Chef de brigade dans la garde des Consuls) de me faire connaître si ce citoyen est digne, par sa conduite et sa tenue, d'être fait sous-lieutenant dans la garde ..." (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 5189). C'est donc bien le Sergent Bouday, ou Boudet, dont il est question dans cet épisode, Sergent qui au final, n'est pas mort à Arcole, comme le prouve ce document.

Dans une autre affaire, Cambret, Grenadier, indigné de voir une Division entière acculée derrière une digue, part seul et s'élance le long de la chaussée. Là, à portée de pistolet de l'ennemi, il met un genou en terre et brûle toutes ses cartouches. "Avancez donc, criait-il à ses camarades, vous voyez bien qu'on ne me tue pas; apportez-moi des cartouches". Personne ne lui en apportait; il est tué en se relevant pour aller en prendre. Le Capitaine adjudant-major Dupin sauve une pièce de canon qu'on abandonnait faute d'attelage. Magny et d'autres Capitaines se font remarquer par leur brillante conduite. Le Capitaine Danture est fait Chef de Bataillon sur le champ de bataille.

Jean-Pierre Dupin raconte (au sujet de ce qui est encore provisoirement la 55e Demi-brigade) : "... A notre arrivée à Bologne, nous reçûmes la nouvelle que l’ennemi venait de s’emparer de Ferrare ; ordre nous arriva de changer de route et de marcher en tout hâte sur cette ville et de la reprendre à l’ennemi. Nous partîmes de suite et arrivâmes le lendemain dans la matinée sous les murs de la citadelle, que par la peur du nom Français les Autrichiens évacuèrent dans la nuit ; nous en prîmes possession ; le lendemain le général en chef arriva pour nous passer en revue ; après sa revue, comme notre effectif des deux Bataillons n’était que de huit à neuf cents hommes et qu’il nous manquait beaucoup d’officiers, il nous organisa de trois bataillons en un seul de 6 à 900 hommes ; après notre organisation finie et après nous avoir dit les plus belles choses et fait les plus beaux compliments, il nous dit : « Brave 55ème, vous deviez vous rendre à Livourne, mais j’ai encore besoin de vous, je vous vois partir avec peine, comme je compte sur vous, je vous garde près de moi, vous allez partir pour vous rendre à Legnago, pour tenir garnison dans cette ville afin que vous puissiez prendre quelques jours de repos dont vous avez tant besoin ». Il était trois heures après midi, nous partîmes de suite avec ordre de détruire sur notre route tous les ponts et matériaux qui pourraient servir à leurs réparations ainsi que tous les bateaux ; au pont de l’écluse nous reçûmes un nouvel ordre de presser notre marche. Nous arrivâmes à Legnago dans l’après-midi, le commandant de place nous donna connaissance de l’ordre de la place et nous dit combien il se glorifiait d’avoir d’aussi braves soldats sous ses ordres, « Occupez-vous de suite mes enfants, nous dit-il, de vous procurer des effets d’ordinaire, je viens d’inviter les boulangers de mettre tout ce dont ils pourraient disposer à votre disposition, pour votre couchage je ferai tout mon possible pour que vous soyez bien, car vous avez bien souffert, il est temps que vous vous reposiez un peu ; mais je veux vous dire à la retraite le bonsoir que je donne à toutes les troupes qui arrivent dans la place, et que personne, surtout, ne manque à cet appel qui est de la plus grande rigueur ! » Nous rompîmes les rangs et notre arrivée fit du bruit dans la ville par les démarches que nous fîmes pour nous procurer notre casernement ; à la retraite, tout le bataillon se trouva réuni, on nous renouvela nos munitions de guerre, on nous fît prendre toutes les dispositions nécessaires afin que nos armes et nos bidons fissent le moindre bruit, et dans le plus grand silence, par une poterne, on nous fit sortir de la place ; nous trouvâmes sur les glacis deux pièces de quatre et une vingtaine de dragons qui nous attendaient, nous nous mîmes en route et marchâmes toute la nuit, ayant soin d’éviter toutes les habitations le long de notre route. Avant le jour, nous aperçûmes au loin des bivouacs ennemis ; alors, plus nous en approchions et plus nous redoublions de précautions pour masquer notre marche ; au petit jour nous étions arrivés à St Boniface, village qui se trouvait absolument sur les derrières de l’armée ennemie qui était à Arcole, nous eûmes cinq minutes de repos, on fit avancer nos deux pièces qui firent leur décharge qui était pour notre armée le signal de notre arrivée à notre poste ; notre commandant ordonna la charge, nous attaquons l’ennemi, qui se crut attaqué par des forces supérieures aux nôtres qui voulaient lui couper la retraite, fait son mouvement pour marcher sur nous en masse et s’ouvrir le passage, et nous sommes forcés de soutenir le feu de toute cette armée et en un instant nous sommes écrasés, mais le but était rempli ! Au même moment, notre armée qui était paisiblement en position à Ronco cette nuit là, se précipite pour passer l’Adige, force le pont d’Arcole que depuis deux jours elle n’avait pu franchir, attaque et charge l’ennemi qui était aux prises avec nous ; notre pauvre bataillon fut écrasé et le carnage devint effroyable dans un terrain marécageux où on récolte le riz ; l’armée Autrichienne fut mise en pleine déroute, tous furent tués ou prisonniers mais notre malheureux bataillon qui, la veille, était de huit à neuf cents hommes à l’effectif, n’était pas de quatre vingt le lendemain ; de ma compagnie qui était de deux officiers et soixante sept sous-officiers, tambours et grenadiers, je me trouvai seul avec le nommé Gâche, grenadier, tout le reste était resté mort sur le champ de bataille.
Au moment où l’armée Autrichienne fit son mouvement de retraite et marcha sur nous, une de nos pièces de quatre qui était restée avec nous pour commencer l’attaque, se trouva abandonnée par la perte des hommes et des chevaux qui la servaient et qui avaient été tués ; j’engage le nommé Parisien, sergent à ma compagnie de me suivre, nous sautâmes sur la pièce qui était en batterie et nous la trainâmes assez loin pour qu’elle fut en sûreté près d’un fort ruisseau, afin que l’ennemi qui était en pleine déroute ne puisse s’en emparer ; à peine la pièce renversée, j’eus la douleur de voir tomber à mes côtés ce brave et digne Parisien, blessé à mort par une balle. C’est à tort que dans les victoires et conquêtes on donne ce fait d’armes aux guides ; ils passèrent effectivement l’Adige à la nage, mais lorsqu’ils arrivèrent sur la rive gauche, nous y étions et l’ennemi était déjà en mouvement ; la preuve, c’est que c’est moi qui suis allé trouver leur chef afin qu’il envoie des chevaux pour conduire ma pièce que j’accompagnais jusqu’au parc (c’est un fait historique, les preuves existent) ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... notre première destination qui était de nous rendre à Livourne pour nous embrigader avec les cadres qui étaient arrivés par mer, fut changée ; nous reçûmes l’ordre de marcher sur Ferrare ; à notre approche les Autrichiens évacuèrent la citadelle et nous en prîmes possession. Le lendemain le Général en chef vint nous y passer en revue ; après les choses les plus flatteuses qu’il nous adressa, il nous dit qu’il ne pouvait pas se séparer de nous, qu’il en avait encore besoin, et comme notre effectif était à peu près de huit cents hommes en deux bataillons, il nous organisa en un seul et nous donna l’ordre de nous rendre près de lui à Ronco, longeant l’Adige, et de détruire tous les ponts et bateaux que nous trouverions sur cette rivière ; arrivée à Ronco, l’armée Autrichienne venait aussi d’arriver à Arcole ; le Général Bonaparte voulut forcer le pont comme à Lodi, mais la nature des lieux ici était contre nous ; enfin après plusieurs tentatives infructueuses, nous nous tînmes sur la défensive. Le lendemain à la pointe du jour nous reçûmes l’ordre de nous rendre à Legnago pour y tenir garnison ; sur les midi, nous arrivâmes dans cette place avec grand apparat ; on nous fit faire de grands préparatifs de casernement, mais avec la plus grande recommandation que tout le bataillon se trouverait réuni le soir à l’appel et en armes, ce qui s’exécuta ; après l’appel, on nous fit arrêter toutes les parties de notre armement qui pourraient faire du bruit, et après ces précautions prises on nous fit sortir de la place par une poterne. Sous les glacis nous trouvâmes deux pièces de quatre et une vingtaine de dragons qui nous attendaient ; nous nous mîmes en route tous ensemble dans le plus grand silence, ayant soin de faire le moins de bruit possible et d’éviter les habitations ; nous marchâmes toute la nuit, enfin après bien des détours, nous arrivâmes au jour sur la route de Vissarne sur les derrières de l’armée ennemie ; aussitôt nos deux pièces sont mises en batterie et firent leur décharge comme il était convenu pour annoncer notre arrivée à notre armée, nos tambours battirent la charge et nous commençâmes le feu sur l’arrière garde Autrichienne ; aussitôt cette armée se crut coupée, fit un mouvement et tombe sur nous ; la nôtre profite de ce moment, franchit le tout à la baïonnette et en peu d’instants toute l’armée Autrichienne fut mise en pleine déroute, mais aussi notre pauvre bataillon fut écrasé. Je puis dire écrasé car de sept cents et quelques hommes que nous étions la veille sous les armes, après la bataille, nous n’étions pas trente, le reste n’a été ni prisonnier ni blessé ; tous morts. J’avais à ma compagnie deux officiers et soixante sept grenadiers. Je restai seul avec le nommé Gâche.
Voilà sur l’honneur la pure vérité, la cause du jour de la fameuse bataille d’Arcole que quelques écrivains ont dénaturée pour en faire honneur aux trompettes des guides du Général en chef, le bon sens veut seul s’opposer à cette fable et faire percer la vérité toute entière ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

La 4e Demi-brigade avait eu 51 tués, dont 7 Officiers : les Capitaines Paumier (ou Sauniers), Duerbey (ou Derbey), Andrieu, le Lieutenant Bélanger, et les Sous lieutenants Peyret, Bourgeois et Vignon; et 218 blessés, dont 5 Officiers connus : les Capitaines Sirvin, Teulet, Delpil et Ragonnet, l'Adjudant major Ragouis.

La division quitta le village d'Arcole. Elle traversa Caldiero, Saint-Martin, s'arrêta un jour à Vérone, et se mit en route pour les montagnes du Tyrol. Arrivée à Santa-Anna (Sainte Cenne ?), elle marcha de là sur Péri pour couper la retraite à l'ennemi. Arrivée trop tard, elle ne put rencontrer que 400 hommes d'arrière garde; elle les fit prisonniers, s'empara des bagages de l'ennemi et brûla un équipage de pont tout neuf qu'elle ne pouvait emporter. La Division rentre à Ronco, par Luchniza et Vérone (23 novembre), elle y restera jusqu'au 24 nivôse an V (13 janvier 1797).

Jean-Pierre Dupin raconte (au sujet de ce qui est encore provisoirement la 55e Demi-brigade) : "... Le lendemain de cette mémorable bataille d’Arcole, le général en chef nous passa en revue sur le terrain même du champs de bataille ; arrivé aux débris de notre brave et malheureux bataillon, il nous adressa les éloges et les compliments les plus flatteurs et nous rappela en termes touchants les paroles qu’il nous avait adressées en nous passant en revue à Ferrare : « Je vous avais bien dit à Ferrare que j’avais encore besoin de vous ! Je suis content, vous avez dignement rempli vos devoirs ; pour vous récompenser de votre belle conduite, je vais vous incorporer dans la brave 4ème de ligne, c’est le corps de l’armée que j’affectionne le plus ; c’est tout vous dire, on aura soin de vous rendre justice ». Je fus nommé Adjudant sous-officier au 1er bataillon. Quatre officiers, neuf sous-officiers et une soixantaine d’hommes, reste de notre bataillon, furent incorporés dans la 4ème. Telle fût la fin de ce brave régiment Dumaine dont les débris étaient : Gentil, chirurgien-major, Dupin, Adjudant, Poujade, sergent-major, Claravel, Vaguemestre, Boutaire et Pissaut, sergents, Ratta, tambour, Mouillard, enfant de troupe musicien, Boeuf et Cazalé, fusiliers. J’affirme sur l’honneur que ces hommes sont absolument les seuls qui ont été épargnés par le fer et le feu des ennemis de la France ; les autres sont restés sur les champs de bataille ; nous repoussâmes l’ennemi jusqu’au delà de Vicence. Nous partîmes de suite d’Arcole pour poursuivre les faibles débris de l’armée Autrichienne jusqu’au delà de Vicence et nous retournâmes à Vérone.
La 4ème nous reçut comme des frères, nous faisions partie de la division Augereau, nous restâmes quelques temps à Vérone pour y passer le mauvais temps et y recevoir des hommes ; on profita de ce répit pour faire rendre les comptes de l’ex 55ème au 4ème, c’est à cette reddition de comptes que l’on me remboursa les seize mille francs que j’avais prêtés au conseil d’administration lors de notre passage à Nîmes ; on me rendit cette somme en assignats qui à cette époque ne valaient plus rien ; on me donna une indemnité en mandats territoriaux qui ne valaient pas plus que les assignats, de manière que je perdis absolument tout. En ce moment cette perte ne me fut pas très sensible vu la position où je me trouvais, car tous les jours nous avions à soutenir ou à livrer un combat ou une bataille, de manière que je voyais tomber à mes côtés mes amis et mes camarades et que j’attendais patiemment que mon heure sonnât ; combien j’étais loin de penser qu’un jour cette somme me serait d’un pressant besoin !
Nous n’eûmes qu’à nous louer d’être entrés dans la 4ème, mais comme ce corps avait aussi beaucoup de braves à récompenser et que nous n’avions plus de chefs pour nous protéger, nous fûmes bientôt oubliés, cependant je passai Adjudant le lendemain de notre arrivée ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... Le lendemain de la bataille, le Général en chef nous passa en revue et adressa à notre pauvre débris les éloges et les choses les plus affectueuses et nous dit : « mes braves, je vous prouver encore de plus combien je suis content de vous, je vais vous incorporer dans la 4ème demi brigade, c’est le corps que j’affectionne le plus de l’armée et là on aura soin de vous ». Mais là aussi il y avait des braves à récompenser et on a toujours soin de ceux qu’on connaît avant ceux qu’on va connaître.
J’obtins seul une récompense ; je fus nommé Adjudant.
Voilà le nom des hommes du Régiment Dumaine qui restaient encore : Poujade, sous- lieutenant, Dupin, sergent-major, Claravel, vaguemestre, et Pissac sergent qui avait remplacé mon frère, Ratta, tambour et Boeuf, soldat.
Aujourd’hui je reste seul ! ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 20 décembre 1796 (30 frimaire an V), Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Vérone, au Général Berthier : "Vous voudrez bien donner l'ordre au général Augereau de faire reconnaître les officiers suivants aux différentes demi-brigades de sa division, et prévenir chacun de ces officiers en particulier, que j'ai demandé pour eux des brevets au Directoir exécutif.
4e Demi-brigade de ligne.
Frère, chef de brigade, commandant.
Arnaud, chef de bataillon, chargé de l'administration.
Candras, Cassan, Gros, commandant les trois bataillons.
Lieubot, chef de bataillon, commandant en second.
Gueringot, chef de brigade, demande une place dans l'intérieur.
Manneville, Jann, chefs de brigade, demandent leur retraite.
Brie, Douay, Lenfant, Cavallier, chefs de bataillon. Les prévenir qu'ils peuvent se retirer dans leur domicile; qu'ils envoient leurs papiers au ministre pour leur retraite.
Commesse, chef de bataillon, commandant en second un bataillon provisoirement ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1295; Correspondance générale de Napoléon, t.1, lettre 1170).

Toujours le 20 décembre 1796 (30 frimaire an V), Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Vérone, au Général Berthier : "... Les grenadiers de la 63e demi-brigade faisant partie aujourd'hui du 1er bataillon de grenadiers seront incorporés dans la journée de demain, deux compagnies dans la 4e demi-brigade et une compagnie dans la 51e.
Les deux bataillons de la 55e demi-brigade seront incorporés. Un bataillon dans la 5e demi-brigade légère, et un bataillon dans la 4e de ligne
" (Correspondance générale de Napoléon, lettre 1174).

Le 21 décembre 1796 (1er nivôse an V), Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Vérone, au Général Berthier : "Vous voudrez bien donner l'ordre au général Joubert de faire reconnaître les officiers suivants aux différentes demi-brigades de sa division, et prévenir chacun de ces officiers en particulier que j'ai demandé pour eux des brevets au Directoir exécutif.
... 22e Demi-brigade d'infanterie légère.
Magny, capitaine de la 4e demi-brigade, promu au grade de chef de bataillon, commandant ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1304).

Le 12 janvier 1797 (23 nivôse an V), par ordre du Général en Chef Bonaparte, une lettre est adressée depuis Roverbella au Général Augereau : "... Le général Augereau fera en conséquence toutes ses dispositions.
J'ai vu, par sa lettre du 22, qu'il ne lui restait plus à faire mouvoir que la 4e demi-brigade ...
" (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1373).

Le 13 janvier 1797, les Autrichiens, reprenant l'attaque, se présentèrent sur l'Adige. A cette date, un Bataillon de la 4e reçoit l'ordre de se porter sur Aughiari pour soutenir la 51e et arrêter Provera dans sa marche vers Mantoue. Il était trop tard et il fallut attaquer Aughiari, où l'ennemi s'était déjà installé ; devant des forces supérieures les troupes françaises battaient en retraite, lorsque le 9e Dragons chargea avec tant d'à-propos qu'il mit l'ennemi en déroute et lui fit 250 hommes prisonniers. Le Bataillon de la 4e avait eu dans cette affaire 12 morts, dont 1 Officier (Lieutenant Chausson), et 18 blessés, dont 1 Officier (Sous lieutenant La France).

Il rentra à Ronco et, pendant la nuit, 160 autres prisonniers furent faits par une de nos patrouilles commandées par le citoyen Leuba, Chef de Bataillon de la 4e de Bataille. "Je reçus, dit ce Chef de Bataillon, ordre de me porter avec 100 hommes d'infanterie et 25 dragons sur Izola-Porcharina... Je trouvai toutes les routes coupées ... Un détachement de dragons rapporte qu'auprès de Séala, sur l'Adige, des paysans leur avaient annoncé la présence d'officiers autrichiens dans une maison du village ... Le chef de brigade Frère m'ordonna d'y aller avec mon détachament pour tâcher de les surprendre. Je partis avec 60 hommes et 25 dragons; une partie de ce détachement fut sous les ordres du capitaine Duthu et d'un officier de cavalerie sur la gauche, celle que je commandais prit à droite. Le chemin que j'avais pris étant beaucoup plus court, je fus obligé d'attendre fort longtemps .... Voyant que la gauche ne pouvait pas pénétrer, je fus forcé d'ordonner qu'on chargeât en faisant beaucoup de bruit ... Ils nous crurent beaucoup plus nombreux et furent si surpris, qu'ils se rendirent sans tirer un seul coup de fusil. J'eus donc l'avantage, avec 30 hommes d'infanterie et 12 cavaliers, de faire prisonniers 162 soldats, 6 officier... et de prendre de 30 à 35 chevaux" (Rapport du Chef de Bataillon Leuba).

Pertes. - Officiers: Chausson, Sous-lieutenant, tué; Lafranque, Sous-lieutenant, blessé; Cassan, Chef de bataillon; Cortemberg, Capitaine; Ragouis, Adjudant-major; Lebeau, Lieutenant, prisonniers. - Sous-officiers et volontaires: 11 tués, 17 blessés.

La Demi-brigade se réunit à la suite de cette affaire; elle prit la tête de la division, s'avança sur Bassano, en chassa l'ennemi, et revint s'établir à Castel-Franco, qu'elle occupa jusqu'au 27 février.

Provera, refoulé sur Mantoue, fut enveloppé à la Favorite et obligé de mettre bas les armes. De son côté, Alvinzi avait été battu à Rivoli, le 14 janvier, de sorte que Mantoue, n'ayant plus rien à espérer, dut capituler quelques jours après.

Le 17 janvier 1797 (28 nivôse an V), le Général en chef Bonaparte écrit depuis Vérone au Général Berthier : "... La division du général Augereau sera composée des 27e demi-brigade d'infanterie légère, 4e demi-brigade de bataille (sic), 40e idemm, 51e idem, 57e idem, 9e régiment de dragons, 6 pièces d'artillerie légère, 6 pièces d'artillerie à pied.
Elle se tiendra prête à marcher le 1er du mois prochain, et se réunira toute à Legnano et environs ...
" (Correspondance de Napoléon, t.1, lettre 1397 ; Correspondance générale, lettre 1292).

Le 1er février 1797 (13 pluviôse an V), depuis le Quartier général de Bologne, le Général en chef Bonaparte écrit au Général Miollis pour le féliciter, lui et sa Brigade, dont la bravoure au cours du siège de Mantoue, la place "au côté de la 4e ... et de toutes les vieilles troupes auxquelles nous devons le succès de la campagne que Mantoue va couronner" (Correspondance générale de Napoléon, lettre 1345).

Au mois de février, Bonaparte signait avec le gouvernement pontifical le traité de Tolentino, qui mit fin aux hostilités dans la péninsule.

Jean-Pierre Dupin raconte (il parle désormais au nom de la 4e Demi-brigade de ligne) : "... La 4ème faisait partie de la division Augereau, nous restâmes environ un mois à Vérone, l’arrivée du Feld Maréchal Provera avec son armée sur l’Adige qui venait de Vienne pour débloquer Mantoue, nous fit sortir de nos cantonnements, Provera s’était porté sur Arcole, position qu’il trouvait plus propice pour passer l’Adige et se diriger sur Mantoue ; nous partîmes de suite à la nouvelle de l’apparition de l’ennemi, mais nous arrivâmes trop tard, il avait tous ses équipages de ponts avec lui et passa sans résistance ; quoique nous venions de faire une forte journée, nous ne nous arrêtâmes à Ronco que le temps nécessaire pour recevoir une ration d’eau de vie et un morceau de pain et nous marchâmes à la poursuite de Provera, mais avant la nuit nous ne pûmes atteindre que son arrière garde avec laquelle nous eûmes un petit engagement ; nous étions accablés de fatigue ce qui fut cause que nous ne pûmes le combattre, mais notre commandant Leuba fut chargé avec deux cents hommes d’aller harceler cette arrière garde la nuit ; je fus de ce détachement ; nous tombâmes sur ce corps qui ne nous croyait pas si près et après une faible résistance, trois cent quatre vingt Autrichiens mirent bas les armes et furent faits prisonniers ; la nuit mit fin au combat. Au point du jour nous nous remîmes en marche sur Isola de Larcalle poursuivant Provera et par le mouvement habile de nos manoeuvres, ce général et son armée se trouvèrent cernés et obligés de mettre bas les armes et de se rendre prisonnier de guerre ; Mantoue se rendit le 3 février ; notre demi-brigade fût chargée d’accompagner Wurmser jusqu’à Padoue. Voilà les résultats de cette fameuse expédition qui faisait tant de bruit et qui à son départ avait été promise à la patrie pour l’anéantissement de l’armée Française en Italie. Wurmser fut serré de plus près dans Mantoue et le 3 février fut obligé de capituler ; il obtint une capitulation des plus honorables ; que son armée rentrerait en Autriche, qu’une escorte pour le général resterait armée et que le reste déposerait les armes sous les glacis de la place de Mantoue en renvoyant un pareil nombre de Français qui étaient prisonniers en Autriche ; notre demi-brigade brigade escorta les prisonniers jusqu’à Bologne. Ainsi tomba cette fameuse Mantoue qui a tant coûté à l’Autriche ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Armée d'Italie, 5 mars 1797
Commandant en Chef Général Bonaparte
2e Division Généraux Augereau et Guieu (9165 hommes, 857 cavaliers)
27e Demi-brigade légère
4e, 40e, 43e et 51 Demi-brigades de Ligne
1er Hussards
24e Chasseurs
9e Dragons
5e de cavalerie
Artillerie (193 hommes)

Le 6 mars 1797 (16 ventôse an V), par ordre du Général en Chef, le Chef de Brigade Frère, de la 4e, se voit accorder une gratification de 10000 livres (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1548).

Libre de ses mouvements, le Général en chef, à la tête de 55.000 hommes, forme le projet de marcher sur Vienne. L'armée marcha alors sur Trévise, se répandit le long de la Piave.

Le 12 mars, l'armée leva son camp et alla se mettre en bataille à portée de canon des Autrichiens. Elle avait passé les deux tiers de la journée dans cette attitude : ceux-ci considérèrent son déploiement comme une vaine menace, et posèrent les armes. C'est ce qu'elle attendait. Elle descendit aussitôt par pelotons dans la rivière, franchit la Piave ayant de l'eau jusqu'à la ceinture ; et, tombant sur ses imprudents ennemis elle les dispersa, les poussa au loin. L'armée se jeta sur leurs traces: elle traversa Conegliano, Sacile, atteignit le Tagliamento. Les Autrichiens étaient en bataille sur la rive opposée. Le feu s'ouvrit, et la mitraille se croisa jusqu'à une heure d'un bord à l'autre. Les grenadiers venaient de se réunir : ils s'élancèrent à travers le torrent, la 4e les suivit en colonnes par bataillon; elle traversa la plaine ayant son artillerie dans les intervalles; elle marcha, combattit, n'arrêta pas qu'elle ne fût à Valvassone.

Pertes. - Officiers: Cassagnet, Sous-lieutenant; Montagueil, idem, blessés. - Sous-officiers et soldats: 18 tués, 14 blessés.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A notre retour, nous restâmes campés en avant de Trévise sur la rive droite de la Piava ; le 10 mars 1797 nous reçûmes l’ordre de passer cette rivière et de marcher au devant pour combattre le prince Charles qui arrivait à la tête d’une nouvelle armée pour nous chasser d’Italie.
Nous passâmes la Piava en colonnes par divisions ; comme cette rivière est très rapide, tous les soldats se tenaient par le bras ; malgré les forces qui défendaient ce passage et la rapidité de la rivière rien ne put arrêter notre mouvement que nous effectuâmes comme je viens de le dire. Comme Adjudant ma place était sur le flanc gauche de la colonne, je marchais seul, avec bien de la peine je résistais au courant mais au moment d’arriver, je sentis mes forces s’affaiblir et fus entraîné par le courant ayant de l’eau jusqu’aux aisselles, je réclamai du secours pour me tirer à terre, car de l’endroit où le courant m’avait porté cela m’était impossible ; heureusement le lieutenant Castagnet avec la compagnie avaient passé les premiers, il accourt à moi et me voyant en danger il me tend un fusil dont je pus saisir la bayonnette et je fus assez heureux pour qu’il me retire de l’eau.
Nous marchâmes de suite à l’ennemi qui au premier choc fut culbuté dans la plaine, repoussé avec pertes et forcé de se retirer derrière le Tagliamento, là avec les nouveaux renforts que venait de recevoir de Vienne le prince Charles, il se croyait invincible, mais, hélas, ce pauvre prince ne fut pas plus heureux que ses prédécesseurs ; notre armée marcha en avant et le fameux Tagliamento dont il voulait nous disputer le passage fut franchi ; toutes les positions occupées par cette armée fraîche furent enlevées à la bayonnette, poursuivie l’épée dans les reins, en déroute et presque détruite, elle fut obligée d’aller prendre de nouvelles positions dans le Tyrol, le Frioul et le Corinthie ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 14 mars 1797 (24 ventôse an V), par ordre du Général en chef, une lettre est expédiée depuis le Quartier général à Sacile, au Général Guieu : "... Les 4e et 51e demi-brigades de bataille (sic) seront commandées par le général de brigade Point, qui aura sous ses ordres l'adjudant général Gilly-vieux ..." (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1579).

La Demi-brigade dépassa successivement Passeriano, Palma-Nova, Trevigliano.

Le 19 mars 1797 (29 ventôse an V), le Général Guieux écrit depuis Trivigiano au Général au général en chef : "A mon arrivée à Trivigiano, j'ai trouvé cette ville pillée par des soldats de la division Serrurier, la mienne n'a pas été plus sage, et a fini de ruiner ses pauvres habitans; le chef de brigade Auvray me rend compte que des militaires faisant partie de l'avant-garde, et quelques uns de la quatrième y sont entrés malgré la force armée, et ont poussé la scélératesse jusqu'à incendier une maison. Je viens de donner un ordre pour prévenir de semblables excès ; mais je crois qu'un ordre de votre part est nécessaire dans le moment où nous allons entrer dans le pays conquis, et où il est à propos de nous faire aimer.
Le soldat, livré au pillage, a méconnu ses chefs ; un volontaire de la soixante-neuvième a couché en joue le chef de bataillon Arnaud, qui voulait arrêter le désordre : cet individu a été consigné, et on l'a laissé évader. Je vous envoie copie de l'ordre que j'ai donné
" (Correspondance inédite et confidentielle de Napoléon Bonaperte, t.2 Italie).

Le lendemain 20 mars (30 ventôse an V), sur ordre du Général en chef, l'ordre suivant est adressé aux troupes depuis le Quartier général de Palmanova :
"L'armée a passé la rivière de l'Isonzo sous le feu de l'ennemi et à gué; la division du général Serurier sur San-Pietro, la division du général Bernadotte sur Gradisca, où l'ennemi s'était renfermé et fortement retranché. L'ennemi, épouvanté de l'audace des premières attaques, a capitulé sur la première sommation du général Bernadotte. 3700 hommes ont été faits prisonniers, sept pièces de canon et huit drapeaux enlevés. Le général Masséna a fait de son côté 800 prisonniers vers Pontebba. Le général en chef, en louant la bravoure et l'intrépidité des troupes dans les différentes journées qui viennent de se succéder, voit avec déplaisir les excés auxquels se sont livrées plusieurs demi-brigades, soit quelques corps de la division Bernadotte à Cadripo, soit la 69e demi-brigade de la division Serurier. Le général en chef rappelle à tous les généraux l'ordre qu'il a donné de faire fusiller les pillards" (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1607).

Le même 30 ventôse an V (20 mars 1797), selon l'historique régimentaire, le Général en chef accorde à l'armée d'Italie cent sabres d'honneur, dont la 4e Demi-brigade a sa part ainsi que le constatent les Archives du dépôt de la guerre (sic) où l'on relève les noms suivants :
- Lajoux, Grenadier. Est entré le premier dans les retranchements de Primolano et a pris un drapeau.
- Laiglon, Sergent de Grenadiers. A fait prisonnier un Officier autrichien au milieu de sa troupe.
- Girardel (dit Mariot), Sergent. A reçu trois coups de sabre à la bataille de Saint-Georges; a fait vingt-six prisonniers à Caldiéro et pris deux canons à Arcole.
- Fourcade, Sergent. A pris un Colonel autrichien à Bassano.
- Carles, Sergent. Est entré le premier dans les retranchements de Céva, et, un des premiers, a passé le pont de Lodi.
- Héricey, Sergent. A Castiglione se défit de trois cavaliers qui le chargeaient, délivra un de ses camarades prisonnier; sauva un Sous-lieutenant qu'il alla chercher blessé au milieu des rangs ennemis; à Arcole, sauva une pièce de canon; à la Chiusa, monta un des premiers à l'assaut. Mort à Essling, Sous-lieutenant.

La 4e Demi-brigade arriva le 24 mars devant le fort de la Chiusa. L'ennemi était retranché avec soin, et le poste réputé imprenable : elle l'attaqua néanmoins avec un Bataillon de la 27e légère; elle s'élança à travers les rochers, escalada des hauteurs qui paraissaient inaccessibles. La division, de son côté, essaya de faire une diversion, et ne recueillit que des sarcasmes. Les Impériaux, qui s'amusaient de ses efforts, daignaient à peine répondre à son feu. Mais tout-à-coup descendent avec fracas des blocs de rochers. Ils lèvent la tête et voient le danger qui les menace : ils ne se déconcertent pas cependant; loin de là, ils s'emportent, veulent venger par les flammes une si audacieuse agression. Une forêt épaisse ceint la montagne, ils y mettent le feu. Mais la division arrive au pas de charge. Le Sous-lieutenant Larousse prend son élan, les troupes le suivent, et le fort est emporté. Enlevée d'assaut, la garnison devait passer par les armes; mais le soldat, aussi humain que brave, se borne à la constituer prisonnière.

Voici le contenu des rapports officiels. "La 4e, en avant-garde, arrive le 4 germinal sous le fort de la Chiusa. L'ennemi, retranché dans cette position que la nature et l'art rendaient terrible, et qu'il fallait absolument enlever pour ouvrir le passage, attendait les Français avec calme. Ce poste était considéré comme imprenable par son front, mais est-il quelque obstacle insurmontable pour les braves qui viennent l'attaquer ? Bientôt les 2e et 3e bataillons de la 4e et un bataillon de la 27e légère reçoivent l'ordre de gravir une montagne à pic sur leur gauche, dominant le fort de la Chiusa, et qu'on avait crue jusqu'alors impraticable. Déjà les plus intrépides en ont atteint la cime, plutôt à l'aide des mains que des pieds, et sont bientôt suivis de tout le reste. A midi, les bataillons sont tous réunis sur le faite du mont, et, pendant que les uns roulent sur le fort des quartiers de roche qui lui annoncent sa chute, les autres essaient de descendre pour couper la retraite à l'ennemi. Celui-ci, surpris de se voir dominer, tente de se venger d'une semblable témérité en mettant le feu à la forêt qui est sous les pieds de nos troupes; mais le vent était trop faible et le feu ne gagna que lentement. La division qui était dans la gorge, en face du fort, s'aperçoit que l'inquiétude et l'alarme commençaient à gagner l'ennemi; elle ne lui laisse pas le temps de la réflexion : on bat la charge et on monte à l'assaut. L'Autrichien, surpris, épouvanté, pressé de toutes parts, ne sait plus de quel côté opposer résistance. Bientôt le fort est pris et la garnison prisonnière de guerre. D'après les lois de la guerre, elle devait être passée au fil de l'épée, mais si le Français est terrible dans les combats, il est grand et généreux après la victoire : les soldats eux-mêmes demandent grâce pour leurs ennemis vaincus et ils sont considérés comme prisonniers de guerre" (Précis des marches, batailles et actions de la 4e Demi-brigade).

Le lendemain (25 mars 1797 - 5 germinal an 5), le Général en chef écrit depuis son Quartier général à Gortiz au Directoire exécutif, au sujet de l'affaire de la Chiesa : "... Cependant le général Guieu poussa la colonne qu'il avait battue à Pulfero jusqu'à la Chiusa autrichienne, poste extrêmement retranché, mais qui fut enlevé de vive force, après un combat très-opiniâtre, où se sont particulièrement distingués les généraux Bon, Verdier et la 4e demi-brigade ..." (Panckoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 1, p. 325 ; Oeuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.1, p. 386 ; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.1, p. 87 ; Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1632 ; Correspondance générale de Napoléon, t.2, lettre 1476).

Le Général Guieu, commandant la Division, écrivait quelques jours après au Général en chef : "Dans les divers rapports qui m'ont été faits des affaires de Stuppiza et de la Chiusa, je remarque beaucoup d'individus qui ont mérité par leur bonne conduite d'être distingués : De ce nombre, sont : le lieutenant de grenadiers Saurs qui a forcé les canonniers autrichiens à retourner sur le fort les pièces qui étaient dans la redoute et à faire feu sur leurs camarades. La Rousse, sous-lieutenant de grenadiers; celui-ci plus particulièrement recommandé à la reconnaissance nationale. Cet officier réunit à la bravoure de la moralité et des talents". La lettre du Général Guieu porte l'annotation suivante de la main de Bonaparte : "Le chef d'état-major donnera ordre que le citoyen La Rousse soit reconnu demain comme lieutenant et il écrira une lettre flatteuse".

Le Bulletin de la Grande Armée résume ainsi le rôle de la Demi-brigade : "La Chiusa fut enlevée par la 4e de ligne, surnommée l'Impétueuse". A noter que le Capitaine Mercier a été tué au cours de cette affaire.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... notre division marcha sur Trieste, mais après la prise d’Oudine, nous reçûmes l’ordre de marcher sur Vienne ; ayant rassemblé les débris de sa belle armée, le prince Charles prit position à Goritz (Frioul) position très forte pour résister, mais elle fut enlevée à la bayonnette par notre demi brigade ; le reste de cette colonne se retira sur le fort La Chiusa (Corinthie) afin encore d’arrêter notre marche ; cette position est très forte, ils la regardaient comme imprenable par la nature même ils se croyaient en sûreté dans ce fort qui est à cheval sur la route de Vienne et de chaque côté il y a deux montagnes escarpées à perte de vue, dont les habitants nous assurèrent que jamais aucun homme n’avait pu les franchir ; mon bataillon cependant reçut l’ordre de s’emparer de la plus haute.
Notre corps formait l’avant garde, le général en chef s’apercevant que si nous pouvions prendre la hauteur de celle qui se trouve au nord du fort, alors l’artillerie du fort ne pourrait pas manoeuvrer ; au même instant il fait attaquer le fort par des tirailleurs pour masquer le mouvement, et il ordonne au général Duphot d’y monter avec mon bataillon ; nous nous mîmes en route, aucun obstacle ne put nous arrêter, pas même le feu continu du fort, non sans de grands périls et de grandes fatigues et après avoir perdu trois hommes, nous nous emparâmes de la hauteur ; près d’arriver je faillis perdre la vie ; comme Adjudant je me trouvais à la tête du bataillon, une pierre glissa sous mon pied et je tombai ; heureusement que le général Duphot se trouva près de moi et m’arrêta par le pan de mon habit, sans quoi je roulais jusqu’au fond du précipice. Aussitôt arrivés sur le sommet de la montagne, nous ouvrîmes le feu le plus vif et le plus meurtrier ; l’ennemi surpris de cette manoeuvre sur laquelle il ne comptait pas (car notre feu plongeait sur lui de telle manière qu’il ne pouvait plus tenir), pour ne pas périr jusqu’au dernier, fut forcé après quatre heures de combat, de capituler et de rendre le fort qui renfermait douze cents hommes et une artillerie bien montée car vingt cinq pièces avaient servi contre nous ; nous avions eu bien du mal pour gravir cette montagne jugée impraticable, mais nous éprouvâmes bien plus de difficultés pour la descendre. Cette position enlevée, nous marchâmes sur Vienne étant bien persuadés que l’ennemi n’oserait plus se présenter ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le passage était ouvert : la division occupa successivement Trevisano, Villach.

Le 28 mars (8 germinal an V), depuis le Quartier général à Villach, une lettre est expédiée au Général Guieu, sur ordre du Général en chef :
"Le général en chef ordonne au général Guieu de faire rejoindre ce qu'il a de la 4e demi-brigade au premier village sur la route de Tarvis, du moment où l'avant-garde du général Chabot sera arrivée sur la Gail.
Le général Guieu fera passer le pont de la Drave à une demi-brigade ainsi qu'à un de ses régiments de troupes à cheval, demain à sept heures du matin, lorsque la division du général Masséna aura filé, ayant reçu l'ordre de partir demain, à cinq heures du matin, pour se porter sur Klagnefurt. Cette demi-brigade prendra position à l'enfourchure des grandes routes dont l'une conduit à Klagenfurt et l'autre à Saint-Veit ...
" (Correspondance de Napoléon, t.2, lettre 1648).

La Division se rend ensuite à Clagenfurth, et arriva le 3 avril à Neumark. La 4e gagna Judembourg. Le 21 germinal (10 avril), la Division Guieu arrive à Leoben où les préliminaires d'une paix glorieuse arrêtent sa marche.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... cependant pour entrer à Leoben, le prince Charles ayant rassemblé tous ses derniers soldats, soutenus par une nuée de chasseurs Tyroliens et trois à quatre mille hommes de cavalerie, voulut tenter un dernier effort ; il se présenta à nous avec ces troupes réunies sur une belle position en avant de la ville, nous nous arrêtâmes un instant pour former nos colonnes, car nous marchions comme si nous allions à la manoeuvre ; à peine notre division formée, on ordonne de battre la charge et nous attaquons l’ennemi ; après la première décharge nous croisons la bayonnette et sans tirer un seul coup, deux heures suffirent pour disperser tout ce rassemblement, prendre un bon nombre de prisonniers et prendre position dans la ville. Nous en repartîmes le lendemain, nous ne brûlâmes pas une amorce jusqu’à Klagenfurth, où quelques crânes tyroliens voulurent avoir l’honneur d’échanger quelques coups de fusil avec notre avant-garde ; le lendemain nous continuâmes notre route jusqu’à Gratz, où enfin notre général en chef reçut un parlementaire qui demandait la paix ; notre marche fut arrêtée, nous rétrogradâmes sur Klagenfurth où nous fûmes campés jusqu’au 15 avril 1797, époque où la paix fut conclue ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Cette campagne mémorable a coûté à la Demi-brigade 1599 hommes, dont on trouve le détail dans l'état ci-joint certifié véritable par le Chef de brigade Frère :

Grades
Morts
Blessés
Prisonniers
Observations
Chef de Brigade
Chefs de Bataillon
Adjudants majors
Capitaines
Lieutenants
Sous lieutenants
Sous officiers et Soldats

2
1
2
9
10
11
351

1
5
3
16
11
15
866


1
1
3
4
1
286

35 Officiers tués

51 Officiers blessés

Totaux
386
917
296
Total général
1599

Le Précis des marches et combats conclut en ces termes : "La 4e Demi-brigade, dans tant de batailles où elle a assisté, a eu la douleur de voir succomber un grand nombre de ceux qui la composaient. Ceux qui ont survécu sont consolés par l'idée qu'ils sont morts au champ d'honneur et qu'eux-mêmes peuvent être encore utiles à leur patrie".

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Ces deux campagnes si glorieuses pour la France furent bien terribles pour nous : figurez-vous ces malheureux Français réunis sur les plus hautes montagnes des Apennins couvertes de neige, sans habillements, presque nu-pieds, sans argent et pour ainsi dire sans vivres, étant sur un pays ami pour lequel on avait le plus grand intérêt à conserver l’amitié des Génois et observant la plus stricte discipline quoique n’ayant aucun moyen de correction que la garde du camp qu’on était forcé de lever au moindre mouvement de l’ennemi qui arrivait presque tous les jours. Hé bien, on ne le croira pas, mais jamais aucun signe de mécontentement ne se fit voir, jamais le soldat n’avait dans la bouche que des chansons patriotiques qui respiraient l’amour de la patrie et de la liberté ; il me suffit de citer un de ces couplets à notre entrée à Milan :
Milan ranime ton courage,
Jouis de ta félicité,
Tu peux sans crainte rendre hommage
A l’arbre de la liberté !
Il n’est plus de revers capables
D’arroser son pied de tes pleurs,
Tu le verras inébranlable
Car sa racine est dans nos coeurs.
Gloire aux Républicains armés pour leur patrie, Gloire aux soldats Français les vainqueurs d’Italie !
Pour combattre les ennemis de la France, l’armée ne voyait aucun danger, on en a vu l’exemple par mon pauvre bataillon parti de Lignago pour aller attaquer cette armée Autrichienne qui tenait une position retranchée à Arcole, et notre armée tenue deux jours en échec à Ronco, hé bien, pas un homme n’a manqué au rendez-vous, et sur 900, une quinzaine seulement ont échappé à ce carnage ! ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 26, sont encore blessés les Sous lieutenants Castagnet et Montagnet.

La Division revint à Vérone au mois de juin; elle y restera jusqu'après le traité de Campo-Formio (17 octobre 1797).

Le 14 juin 1797 (26 prairial an 5), le Général en chef Bonaparte écrit depuis Monbello au Général Berthier : "... Vous ordonnerez que l'on forme les brigades de la manière suivante :
... 2e Division ...
La 4e de ligne et la 40e, 3e Brigade : Verdier } Augereau ...
" (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 1919; correspondance générale, t.1, lettre 1674). Note : en l'absence de Augereau, le commandement intérimaire de la 2e Division est confié au Général Bon.

Toujours le 14 juin 1797 (26 prairial an 5), le Général en chef Bonaparte écrit depuis Monbello au Général Berthier : "Vous voudrez bien ordonner de prendre les mesures pour l'organisation prompte du personnel de l'artillerie de l'armée, ainsi qu'il suit :
Il y a dans ce moment-ci 76 compagnies d'artillerie de demi-brigade, desquelles vous ne devez former seulement que 30 compagnie d'artillerie de brigade, chaque demi-brigade de ligne devant avoir sa compagnie de canonniers.
4e demi-Brigade : - La 4e compagnie de canonniers, dont le citoyen Clarak est capitaine, sera amalgamée avec la compagnie de la 4e demi-brigade dont le citoyen Maffrol est capitaine ...
" (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 1921; correspondance générale, t.1, lettre 1677).

En août, Augereau est nommé commandant de la 17e Division militaire, qui couvre Paris et ses environs. Il est remplacé par le Général Brune, nommé Général de Division.

Le 6 août 1797 (19 thermidor an 5), le Général en chef Bonaparte écrit depuis son Quartier général à Milan au Général Berthier, Chef de l'Etat-major général de l'Armée d'Italie : "Vous trouverez ci-joint une plainte de cinq grenadiers de la 4e demi-brigade qui se plaignent d'avoir été ôtés de la compagnie de grenadiers. Vous voudrez bien me rendre compte pourquoi on les en a ôté et s'il n'y a d'autre raison que la taille, et qu'il soit vrai qu'ils aient été grenadiers pendant deux campagnes" (Correspondance générale, t.1, lettre 1879).

Le 9 novembre 1797 (19 brumaire an 6), par ordre du Général en chef Bonaparte, une lettre est expédiée depuis le Quartier général de Milan, au Général Vignolle : "... Vous donnerez l'ordre au général Victor de se rendre avec toute sa division à Vérone. Dès l'instant qu'il y sera arrivé, le général Brune partira avec la 4e, la 40e, son état-major, ses administrations et son artillerie; il n'emmènera point avec lui de cavalerie, et se rendra à Brescia ..." (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2332). Il est précisé que Brune doit répartir ses "demi-brigades dans les plus gros villages voisins, de manière que la troupe soit bien". Et de rajouter : "Lorsque tous ces mouvements seront effectués, l'armée se trouvera donc placée de la manière suivante :
... 2e division, Brune, à Brescia 4e de bataille, 40e idem, 43e idem, 51e idem, Artillerie toute attelée de chevaux ...
".

Le même jour, le Général en chef Bonaparte écrit depuis son Quartier général de Milan, au Général Vignolle : "Vous préviendrez les 18e, 25e, 32e et 75e de bataille qu'elles sont destinées à être les premières pour partir pour l'armée d'Angleterre.
Vous donnerez le même ordre aux 4e, 40e, 43e et 51e de bataille ...
... Vous donnerez l'ordre aux généraux ... Brune ... de se tenir prêts à partir, comme devant faire partie de l'armée d'Angleterre ...
" (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2334; correspondance générale, t.1, lettre 2202).

L'Etat des Demi-brigades, établi le même jour, précise que la 4e, destinée pour l'expédition d'Angleterre, comprend 2200 hommes (Correspondance de Napoléon, t. 3, lettre 2335).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le lendemain de la nouvelle de la paix, nous reçûmes l’ordre de nous mettre en route pour le Havre à grandes journées ; nous n’eûmes pendant notre route qu’un séjour à Vérone où le général en chef voulut voir son impétueuse 4ème ; il nous passa en revue, comme il passait tous les corps qui traversaient son quartier général ; après la revue et avant le défilé il nous dit les choses les plus flatteuses et ordonna à notre chef de Brigade Frère, de faire sortir des rangs les plus braves et ceux qui s’étaient distingués afin de leur donner des armes d’honneur pour récompenser leurs bons services ; Frère lui répondit d’un ton ferme : « général, impossible de remplir cet ordre, parce que tous sont braves, tous se sont conduits avec honneur et tous méritent la reconnaissance de la patrie ! ». Alors le général Bonaparte dit d’une voix ferme et énergique : « 4ème demi brigade, vous êtes tous des braves ! Chef de brigade, je vous autorise tous à porter des ganses jaunes à vos chapeaux, afin que partout je puisse reconnaître les braves de la 4eme ! ». Ce fut la seule récompense et celle que la demi brigade reçut avec le plus de plaisir ; nous reçûmes deux demi brigades de l’Aude, complètes en officiers mais peu de soldats ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... A la paix nous reçûmes l’ordre de nous mettre en route pour Le Havre ; nous partîmes de suite. A notre passage à Vérone, le général en chef nous passa en revue, comme il passait tous les corps qui traversaient son quartier général ; après cette revue et avant le défilé, il nous adressa ses compliments sur la conduite qu’avait tenue la demi brigade depuis le commencement de cette guerre, et ordonna à notre chef de brigade frère, de faire avancer les braves afin qu’ils reçussent de sa main les récompenses que le gouvernement leur accorda ; notre chef de brigade lui répondit : « mon général votre ordre est inexécutable en ce moment, parce que pour récompenser les braves, il faudrait vous faire marcher toute la demi brigade parce que tous sont braves et tous ont fait leur devoir ». Bonaparte, général en chef, lui répondit : « je le sais c’est vrai, hé bien chef de brigade, afin que je puisse reconnaître ces braves partout où je les rencontrerai et que je puisse dire « ce sont les braves de la 4ème, je vous autorise à porter des ganses jaunes à vos chapeaux ». A ces paroles, toute la demi-brigade était dans l’enchantement, mais cette distinction nous attira bien des envieux dans l’armée ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 11 novembre 1797 (21 brumaire an 6), le Général en chef Bonaparte écrit depuis sont Quartier général à Milan, au Général Vignole : "Vous trouverez ci-joint, Général, l'état des hommes auxquels j'accorde des sabres; vous voudrez bien faire écrire la légende qui est à côté, sur ces sabres, et les leur envoyer. Vous pourrez provisoirement écrire à chaque chef de brigade, et leur donner la liste des hommes qui ont été nommés. Je vous prie aussi de m'adresser une copie de cette liste, telle qu'elle est ci-jointe" (Correspondance de Napoléon, t.3, lettre 2347; correspondance générale, t.1, lettre 2220).

Suit l'état nominatif établi par le Général Bonaparte (Correspondance de Napoléon, t.3, annexe à la pièce 2347; correspondance générale, t.1, annexe lettre 2202) que l'on pourra comparer avec ce qui est dit dans l'historique régimentaire (plus haut) à la date du 20 mars 1797 (30 ventôse an 5); pour la 4e de Ligne, on note :
- 1er Bataillon, Compagnie de Grenadiers : Lajoux (Marc), Grenadier, N°39. Pour être entré le premier dans les retranchements de Primolano et avoir pris un drapeau ennemi.
- 1er Bataillon, Compagnie de Grenadiers : Laiglon (Pierre), Sergent, N°40. Pour avoir fait prisonnier un Officier supérieur autrichien, au milieu de sa troupe, à l'affaire de Primolano.
- 3e Bataillon, 5e Compagnie : Mariot (Antoine), Sergent, N°41 : Pour avoir fait vingt-six prisonniers, à l'affaire de Caldiéro.
- 3e Bataillon, 8e Compagnie : Fourcade (Jean), Sergent, N°42. Pour avoir fait prisonnier un Colonel autrichien, à la bataille de Bassano.
- 3e Bataillon, 3e Compagnie : Carles (Jean), Sergent, N°43. Pour être entré le premier dans les retranchements de Ceva, et avoir passé un des premiers le pont de Lodi.

certificat 4e de Ligne
Certificat délivré au Citoyen Ambroise Duberset, natif de l'Ain. Lieutenant à la 5e Compagnie du 3e Bataillon. A fait les campagnes de 1778 à 1779. Celle de 1792. Celles des Pyrénées, Italie, et Armée d'Angleterre. Fait à Cherbourg le 3O thermidor an 6. Lieutenant le 8 octobre 1793. Plus de 1O Signatures. Format 31X2OCms, 4e 1/2 Brigade avec tampon à encre de la Brigade et tampon du Commissaire des Guerres. Marqué en haut à gauche "ARMEE D'ANGLETERRE". Communiqué par un de nos correspondants

Le 12 janvier 1798 (23 nivôse an 6), un Arrêté du Directoire Exécutif à Paris, fixe la composition de l'Armée d'Angleterre :
"LE DIRECTOIRE EXECUTIF,
Considérant qu'il est instant de réunir sur les côtes toutes les forces qui doivent être employées à l'armée d'Angleterre,
ARRÊTE ce qui suit :
ARTICLE PREMIER
Les divers corps de troupe ci-après désignés seront mis en mouvement pour se rendre sans délai sur les côtes qui bordent la Manche, ou autres lieux de rassemblement désignés par le ministre de la guerre, savoir :
INFANTERIE DE LIGNE
Les 4e, 10e, 16e, 17e, 18e, 25e, 30e, 31e, 32e, 37e, 40e, 43e, 46e, 51e, 57e, 58e, 61e, 62e, 69e, 73e, 75e, 76e, 78e, 84e, 85e, 89e, 96e, 100e et 105e demi-brigades.
INFANTERIE LEGERE.
Les 1re, 2e, 3e, 5e, 9e, 10e, 18e, 20e, 21e, 22e et 25e demi-brigades.
TROUPES A CHEVAL
Les deux régiments de carabiniers ;
Les 1er et 8e régiments de cavalerie ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 17e et 19e régiments de dragons ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 8e, 9e, 10e et 12e régiments de chasseurs ;
Les 2e, 3e, 5e et 8e régiments de hussards.
ARTILLERIE ET GÉNIE
Les 1er et 4e régiments à pied ;
Les 2e et5e régiments à cheval ;
Quatre compagnies d'ouvriers ;
Quatre compagnies de mineurs ;
Deux bataillons de sapeurs et deux corps de pontonniers
" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 97).

La Division rentra en France au commencement de l'année 1798. Dans le "RAPPORT FAIT AU GÉNÉRAL EN CHEF, PAR L'ADJUDANT GÉNÉRAL RIVAUD, SUR LE DÉPART DES COLONNES POUR L'ARMÉE D'ANGLETERRE", daté de Milan, le 16 janvier 1798 (27 nivôse an VI), il est indiqué :
"Le corps d'armée parti de l'Italie pour passer en France et faire partie de l'armée d'Angleterre, sur les côtes de l'Océan, a été composé de cinq divisions d'infanterie, une division de dragons, une brigade de chasseurs à cheval, les chevaux et attelages nécessaires à six pièces d'artillerie légère et six pièces d'artillerie à pied pour les divisions d'infanterie, et pour six pièces d'artillerie à cheval pour la division de dragons. Les chasseurs à cheval n'ont pas emmené de chevaux et attelages d'artillerie.
… Les colonnes d'infanterie ont toutes été dirigées par le Mont Cenis …
L'adjudant général, RIVAUD
" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 97.)

Ce rapport est suivi d'un tableau qui indique :
2e Division Général de Division Brune; 4e Demi-brigade d'Infanterie de ligne : 2415 hommes au moment du départ de Brescia, le 12 nivôse; arrivée prévue à Rennes le 11 ventôse (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 99).

Le 20 janvier 1798 (1er pluviôse an VI), le Ministre de la Guerre Schérer écrit depuis Paris, au Général en chef Bonaparte : "Vous avez pensé, Citoyen Général, dans la conférence que nous avons eue ensemble le 27 du mois dernier, qu'il suffirait de retirer seulement, quant à présent, onze demi-brigades de l'armée d'llalie pour être employées à l'armée d'Angleterre, indépendamment des régiments de troupes à cheval qui sont en ce moment en marche pour se rendre à cette destination, afin de conserver, par ce moyen, vingt-sept demi-brigades en Italie, non compris les deux demi-brigades stationnées à Corlou, ni celles qui se trouvent employées en Corse.
Vous avez désigné, à cet effet, les 4e, 18e, 25e, 32e, 40e, 51e, 57e, 58e, 69e, 75e et 85e demi-brigades de ligne.
Tous ces corps sont en ce moment en marche, dans l'ordre indiqué par le tableau ci-joint...
Salut et fraternité
" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 101).

La 4e Demi-brigade, dirigée sur Le Havre, y arriva au mois de mars et fit partie de la Brigade Douné, Division Championnet.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le lendemain nous continuâmes notre route pour nous rendre au Havre ; nous fîmes ce voyage dans le mois de janvier, par le plus mauvais temps ; nous crûmes en arrivant au Havre y tenir garnison, mais trois jours après, on forma deux bataillons de guerre et une compagnie de dépôt destinées à s’embarquer, qui devaient recevoir des officiers au dessus de cinq par compagnie, d’après l’arrivée des deux demi brigades de l’Aude, qui comprenaient le cadre de six bataillons d’officiers de garde nationale, nous nous trouvâmes cinq Adjudants par bataillons ; ces camarades adressèrent une demande au chef de brigade afin qu’il voulut bien choisir dans ce nombre un Adjudant qui serait titulaire dans le bataillon ; cette demande fut accueillie et je fus nommé Adjudant au 1er bataillon.
Notre organisation finie, nous trouvâmes dans le port une division des premiers bateaux plats dont la France voulait essayer l’utilité ; ces bateaux n’étaient pas pontés, de manière que chaque bateau devant recevoir une compagnie de cent hommes, plus six artilleurs de marine et l’équipage de bord et ces embarcations étant absolument plates, nous étions entassés comme des harengs dans une tonne, sans aucun moyen d’abri ; un coffre seul servait pour nos armes ; il est impossible de dépeindre les souffrances que nous endurâmes en tout genre dans ces malheureuses gamelles à Musquin, sans pouvoir ni jour ni nuit trouver un abri pour nous garer du froid et du mauvais temps ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... Le lendemain nous nous mîmes à continuer notre route et arrivâmes au Havre, où nous trouvâmes une division de bateaux plats commandée par Musquin. Ces bateaux plats de première fabrique n’étaient pas pontés, ils étaient comme les canots et recevaient une compagnie chacun, avec les marins et six hommes d’artillerie de marine, de manière que nous étions entassés dans ces malheureuses embarcations comme des harengs dans une tonne, sans abri et sans pouvoir faire de nourriture ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

En 1798, la 4e participe à l'expédition aux Iles Saint-Marcouf.

Afin de persuader le gouvernement britannique que l'intention du Directoire est bien de tenter une descente, on décide de tenter une attaque sur les îles Saint-Marcouf, alors aux mains des Anglais, et dont la possession permet à ces derniers d'intercepter les communications par mer entre le Havre et Cherbourg. On prépare donc une expédition dans le port du Havre. Un habitant d'Anvers nommé Muskein soumet un plan de bateau plat dont l'idée lui a été suggérée en Suède. On charge cet homme, nommé Capitaine de Vaisseau, de faire construire des transports de ce genre, et bientôt on peut mettre à l'eau jusqu'à trente-trois, au Havre. La 4e Demi-brigade, deux Compagnies d'artillerie à pied, une de Sapeurs, sont embarquées sous les ordres de Muskein et sous la haute direction du Contre-amiral Lacrosse. L'expédition, sortie dans la nuit du 7 au 8 avril 1798, pénètre dans la baie de Caen, où elle est attaquée par deux frégates ennemies, cherchant, d'une part, à lui couper la retraite, de l'autre, à l'empêcher d'arriver aux îles Marcouf. Le combat est des plus vifs, une des frégates anglaises s'échoue à la côte, jette ses canons à la mer et parvient à se remettre à flot. Un vaisseau de 74, en entendant des îles Marcouf où il mouillait, le bruit de la canonnade, se dirige de ce côté et force la flottille à s'abriter à deux lieues de Caen, à l'embouchure de l'Orne, dans un petit port appelé Sallenelles (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 416).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Cette division commandée par le général Musquin devait aller prendre les 2 îles Marcouff que les Anglais nous avaient prises et fortifiées et qui leur servaient de refuge tout en empêchant les communications des côtes. Nous partîmes du Havre par escouades de cinq bateaux afin de pouvoir passer plus librement et nous rallier dans la rivière de Savenelle afin d’être moins en vue de l’escadre que les Anglais laissaient toujours dans ces parages ; l’escouade dont je faisais partie eut plusieurs engagements à soutenir ; nous faillîmes même prendre une frégate ; c’était le jour de Pâques, comme nous entrions dans la rivière Savenelle, cette frégate voulut nous empêcher d’entrer, la marée était basse, elle nous poursuivit avec tant d’ardeur qu’elle se trouva prise dans le sable ; notre capitaine prévoyant le coup, fit le signal aux trois bateaux les plus près de nous de virer de bord, de marcher sur la frégate et de l’attaquer à l’abordage ; ce mouvement s’exécuta promptement, mais la marée montait depuis une demi heure, nous marchâmes sur la frégate, mais nous vîmes qu’elle jetait ses canons à la mer pour s’alléger et la marée le secondant, elle doubla de voiles et finit par nous échapper ; à notre grand regret nous fûmes obligés de virer de bord et de rentrer dans le port où nous restâmes huit jours pour attendre la réunion de la division. Notre division réunie, nous marchâmes sur la Hougue qui est en face des îles Marcouff ; il y avait toujours deux vaisseaux Anglais pour protéger ces îles ; enfin le moment favorable pour nous arriva : on profita d’un beau calme plat pour marcher à la rame sur ces îles qui ne sont séparées du continent que par trois petites lieues. A la pointe du jour le signal fut donné, toute la flottille s’ébranla, mue par la plus vive ardeur des rames de nos soldats ; mais à peine avions nous fait deux lieues qu’un vent frais s’éleva nous mettant le chagrin dans l’âme. Les deux vaisseaux Anglais lèvent l’ancre et marchent contre nous ; le signal douloureux nous est donné, il faut virer de bord avec ordre de manoeuvrer chacun pour soi pour regagner le port la Hougue ; nous reçûmes quelques volées de coups de canons et trois de nos bateaux furent brûlés et coulés, et nous eûmes plusieurs grenadiers tués ; nous sauvâmes les équipages moins les blessés au nombre de douze hommes ; les deux vaisseaux s’approchèrent du port et pendant tout l’après-midi, nous envoyèrent des obus et force boulets, qui heureusement nous firent peu de mal. C’est ainsi que se termina cette fameuse expédition qui nous coûta tant de peines et de fatigues ; voyant qu’on ne pouvait rien faire de plus, nous reçûmes à notre grande satisfaction l’ordre de débarquer et de nous rendre à Cherbourg. A notre arrivée dans cette ville, je fus nommé sous-lieutenant au choix des officiers ; notre demi brigade fut détachée par compagnies depuis Cherbourg, Granville et Avranches jusqu’au Mont St-Michel, pour faire le service de la côte de jour et de nuit, service qui était très pénible, pour empêcher les communications avec l’Angleterre ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... Nous reçûmes l’ordre d’embarquer, de mettre à la voile et de marcher pour aller reprendre les îles Marcouff que les Anglais nous avaient prises.
Nous nous mîmes en route et pour mieux échapper à la vigilance des Anglais, nous partions par section de cinq bateaux ; mais ces précautions furent inutiles, nous étions toujours poursuivis, soit par des vaisseaux ou des frégates. Malgré leurs forces bien supérieures, ils n’ont jamais pu contrarier notre marche ; au contraire, plusieurs fois nous échangeâmes avec eux quelques volées de canon à notre avantage et le jour de Pâques les cinq bateaux sur un desquels j’étais monté avec la compagnie de grenadiers et le commandant Cassar entrèrent dans la rivière de Savenelle étant vivement chassée par une frégate ; celle-ci s’étant trop aventurée, signal nous fut fait pour virer de bord, et aller la prendre à l’abordage. Ce mouvement s’exécuta à notre grand contentement, mais par le plus grand bonheur pour elle, la marée montait ; nous fûmes contrariés par cet événement, la frégate voyant ce mouvement, jeta sa première batterie à la mer pour s’alléger et se sauver plus vite, nous fûmes obligés de revirer de bord et de rentrer, à notre grand désappointement.
Enfin notre flotille réunie à Savenelle, nous marchâmes sur les îles Marcouff, mais deux vaisseaux et deux frégates Anglaises arrivaient avec un vent favorable. Au moment où nous arrivions à l’attaque, nous fûmes forcés de virer de bord et de gagner le rivage, où nous échangeâmes quelques coups de canons avec les Anglais. Nous eûmes trois bateaux coulés et quelques hommes tués ; voilà la fin de notre expédition qui nous a causé bien du mal ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Situation de la Compagnie d'Artillerie de la 4e Demi-brigade de Ligne le 18 août 1798, d'après le "Tableau général des forces de l'armée d'Orient au 1er fructidor de l'an VI de la République française une et indivisible" :
- Garnison de Malte, Général Vaubois :
- Canonniers de la 4e Demi-brigade, Fort de Saint-Elme : total de l'effectif, Officiers compris : 51.
2 Officiers présents; 49 hommes présents sous les armes (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 2. p. 613 et suivantes).

En 1799, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche et la Russie coalisées menacent nos frontières du Zuidersée au golfe de Tarente. L'Italie nous échappe; tandis que Masséna défend la Suisse (victoire de Zurich), Brune sauve la Hollande (Bergen, 19 septembre; Alkmaer, 2 octobre, et Castricum, 6 octobre).

La 4e Demi-brigade, tirée de l'Armée d'Angleterre, est réunie à Rouen, d'où elle doit se rendre sans délai rejoindre l'armée de Batavie; elle n'y arrive que le 7 octobre, le lendemain de la troisième victoire de Brune, et après le 18 Brumaire, elle fut rappelée à l'armée du Rhin, sous les ordres du Général Moreau.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... nous restâmes là jusqu’à la nouvelle du débarquement de l’armée Anglo-Russe en Hollande qu’elle voulait envahir ; cette armée était commandée par le Duc d’York ; nous reçûmes l’ordre de partir de suite et de marcher à grandes journées pour nous rendre en Hollande ; nous quittâmes avec joie ces parages qui nous rappelaient les maux que nous avions éprouvés sur nos malheureuses gamelles à Musquin.
A notre arrivée à Anvers, nous reçûmes l’ordre d’aller à Alkmar pour faire partie de l’armée de Hollande commandée par le général Brune ; en arrivant dans cette ville, le corps d’officiers fut rendre visite au général en chef qui l’occupait avec son quartier général ; il vint au devant de nous et après les compliments d’usage nous dit : « Camarades, j’avais demandé dix mille hommes au gouvernement, il m’envoie la 4ème, je suis satisfait, il ne pouvait me faire un plus grand plaisir ». Le lendemain à la pointe du jour nous reçûmes l’ordre de marcher à l’ennemi ; nous nous recommandâmes les uns aux autres de bien enfoncer nos chapeaux, ce qui voulait dire en terme militaire que d’après le discours du général, ce serait notre corps qui aurait les honneurs de la journée.
Nous sortîmes de la ville, le général en chef à notre tête et à peine eûmes nous atteint nos avant postes, qu’un parlementaire Anglais arriva porteur d’une dépêche du Duc d’York qui demandait à capituler ; à notre grand regret, le Duc acceptait les propositions dictées par la France, ce qui nous ôtait l’espoir de nous mesurer et de combattre ces fiers Anglais et nous obligea de rester paisibles spectateurs pour voir embarquer ces ennemis acharnés de la patrie que nous nous proposions de punir comme nous l’avions déjà fait à Toulon. Nous fûmes envoyés dans un pauvre village au bord de la mer et effectivement les Anglo-Russes obtinrent une honteuse capitulation ; nous restâmes quinze jours dans ce village où on nous paya sept mois de solde qui nous étaient dus.
L’embarquement terminé, nous reçûmes l’ordre de partir de suite pour nous rendre à l’armée du Rhin sous les ordres du général Moreau ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... Nous débarquâmes à la Hougue, et passâmes tenir garnison à Cherbourg, Granville, Avranche et le fort St Michel ; nous faisions le service de nuit tout le long de la côte. Nous fîmes ce service jusqu’à la nouvelle du débarquement de l’armée Anglo-Russe en Hollande commandée par le duc d’York. Nous reçûmes de suite l’ordre de marcher sur la Hollande et de faire partie des troupes commandées par le général Brune. A notre arrivée à Alkmaar, ce général vint nous passer en revue, et nous dit : « j’avais demandé dix mille hommes au gouvernement, il m’envoie la 4ème, je vous estime au-delà de ce que j’avais demandé ». Nous servîmes dans cette armée jusqu’à la capitulation des Anglo-Russes ; nous reçûmes de suite l’ordre de remonter le Rhin et d’aller faire partie de l’armée commandée par le général Moreau. Nous fîmes cette campagne avec distinction jusqu’à la paix de Luneville ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 4 décembre 1799 (13 frimaire an 8), le Consul Bonaparte fait écrire, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Le ministre de la guerre réunira chez lui les généraux Moreau et Clarke, pour arrêter ensemble un plan d'opérations pour la nouvelle armée du Rhin.
Les Consuls désireraient que, vers la fin de décembre, l'armée du Rhin se portât en Bavière. Elle sera renforcée, 1° des 4e, 15e, 56e, 42e, 51e, 68e, de deux demi-brigades bataves et deux demi-brigades françaises de l'armée qui est en Batavie, du 21e régiment de chasseurs, qui est à Paris, et de trois régiments de cavalerie, qui sont en Batavie; 2° de tous les bataillons de conscrits qu'il sera possible d'y envoyer et qu'on incorporera au moment de leur arrivée.
Le ministre de la guerre retirera de l'intérieur tous les régiments de cavalerie qu'il pourra, afin de les envoyer à l'armée du Rhin. Il y enverra particulièrement le 11e de hussards, qu'on équipera à cet effet le plus promptement possible
" (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 4413 ; cité par De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1800, t.1, p. 7).

Le lendemain 5 décembre 1799 (14 frimaire an 8), dans une nouvelle lettre écrit depuis Paris, à Berthier, Bonaparte décide que "L’armée du Rhin sera renforcée sans délai : 1° par les 4e, 15e, 42e, 51e, 54e, et 60e demi-brigades et par deux autres demi-brigades extraites de l’armée française qui est en Batavie ; 2° par deux demi-brigades bataves ; 3° par le 21e régiment de cbasseurs qui est à Paris et par trois régiments de cavalerie extraits de l'armée française qui est en Batavie ; 4° par tous les bataillons de conscrits qu'il sera possible dy envoyer ; ces bataillons seront incorporés dans des demi-brigades au moment de leur arrivée ; 5° par tous les régiments de cavalerie qui se trouvent dans l’intérieur de la République et qu'il sera possible d'envoyer à l’armée du Rhin ; 6° par le 11e régiment de hussards qui sera équipé à cet effet le plus promptement possible" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.3, lettre 3010).

La 4e fut placée à la Brigade Sabatier, de la 3e Division (Sahuc), sous les ordres du Chef de brigade Frère. La 3e Division formait l'aile gauche de l'armée et devait garder le Rhin, de Lauterbourg à Frisenheim.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... arrivé à Baie nous passâmes le Rhin sans nous arrêter dans la ville ; le premier jour de bivouac, les troupes étaient sans vivres, il s’offrit à nos yeux un spectacle des plus nouveaux ; aussitôt les faisceaux formés, les troupes de la division quittèrent le bivouac pour aller se procurer des vivres ; nous voulûmes retenir nos soldats, car jamais nous n’avions vu de pareilles manoeuvres, cela nous fut impossible, ils partirent comme les autres, alors tout le corps d’officiers signa et adressa une plainte au général en chef par laquelle nous le priions de vouloir bien accepter nos démissions si de pareils désordres se renouvelaient ; le lendemain le général en chef nous rapporta notre plainte et nous assura que la guerre d’Allemagne ne pouvait se faire autrement ; seulement il nous invita à tenir la main à ce que ni crimes ni délits ne se commissent dans toute cette campagne ; sous ce rapport la 4ème se distingua particulièrement par sa discipline ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Armée française du Rhin, fin décembre 1799 (Nafziger - 799LCL)
Commandant : Général Moreau
Réserve : Général Moreau (dans Basel)
Division : Général de Division Richepanse
Brigades : Généraux de Brigade Digonnet et Durutte
4e Demi-brigade de Ligne

Le 4 janvier 1800 (14 nivôse an 8), le Premier Consul écrit, depuis Paris, à Berthier : "... Le citoyen Frère, chef de brigade de la 4e de ligne, recevra l'ordre de se rendre sur-le-champ à Paris pour être employé dans la garde des consuls. Il amènera avec lui un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant qu'il choisira parmi les individus de ces grades qui se sont distingués sur le champ de bataille" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 79).

Le 4 janvier 1800 (14 nivôse an 8) encore , Clarke écrit, depuis Paris, à Lannes : "Le général Bonaparte, premier consul, m'a chargé, mon cher camarade, de vous demander, de sa part, de lui indiquer quel est celui des chefs de bataillon créés par lui eu Italie dans la 4e demi-brigade qu'il convient de choisir pour remplacer le citoyen Frère comme chef de brigade dans ce corps, ce citoyen recevant une autre destination" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 79).

Le 16 février 1800 (27 pluviôse an 8), Bonaparte écrit au Général Berthier, Ministre de la guerre : "... Donnez l'ordre ... aux dépôts des 4e et 5e de bataille (sic) qui sont encore en Batavie, de se rendre à Strasbourg ..." (Correspondance générale, t3, lettre 4995).

- Campagne d'Allemagne (1800)

Moreau prenant l'offensive, fait passer le Rhin par son armée à Kehl, Bâle et Schaffouse.

Situation de l'Armée du Rhin le 25 avril 1800 (Nafziger)
Commandant en chef : Général Moreau
Centre : Lieutenant Général Gouvion Saint-Cyr
Division : Général de division Desbrulys
Brigade : Général de brigade Sahuc, 4ème Demi-brigade (2321 hommes)

Le 5 floréal (28 avril), la 4e Demi-brigade passe le fleuve à Bâle; elle fait partie de la Division de réserve du centre, sous les ordres de Gouvion Saint-Cyr, qui est bientôt remplacé par Richepanse.

Situation de l'Armée du Rhin le 1er mai 1800 (Nafziger)
Commandant en chef : Général Moreau
Réserve : Général en chef Moreau
Division : Général de Division Richepanse : 4ème Demi-brigade

- Engen

Le 13 floréal (3 mai), la Division marche sur Engen par le Hohenheven qu'occupent les Autrichiens : la 4e Demi-brigade, aux ordres de Durutte, est détachée à gauche sur Leipferdingen; entourée par la cavalerie ennemie, elle serre les rangs, fait feu de tous côtés et contribue activement au gain de la bataille d'Engen. "On ne saurait donner trop d'éloges aux grenadiers ... La 4e y soutint sa belle réputation" (Le Général Dessolles, Chef d'Etat-major général de l'armée du Rhin).

"Le général Moreau s'avança alors à la tête de quatre compagnies qui se conduisirent avec le plus grand dévouement, regagnèrent les avenues du village et rétablirent le combat sur ce point. Le but de ce mouvement était de dégager le général Richepance, dont le feu, qu'on apercevait sur la hauteur de Hohenhewen, était alors extrêmement vif. Ce général, en sortant de Blumenfeld, avait rencontré l'ennemi sur les routes de Wolterdingen et Leipferdingen. Il envoya, à gauche, sur Leipferdingen, le général Durutte, avec la 4e demi-brigade de ligne, le 5e de hussards, le 10e de cavalerie et une pièce d'artillerie ; il marcha lui-même sur Wolterdingen avec la 100e demi-brigade, le 3e bataillon de la 50e, les deux bataillons de grenadiers, le 17e de dragons, et le reste de l'artillerie. L'ennemi fut forcé sur ce point, se retira promptement sur les hauteurs de Hohenhewen, où il s'établit et plaça du canon.
La brigade de gauche avança de son côté avec rapidité; la 4e demi-brigade, entourée un moment par la cavalerie ennemie, se serra, tint ferme, fit feu de tous côtés, et ne tarda pas à se dégager.
La tête de la division du général Baraguey-d'Hilliers avança dans ce moment, et le général Richepanse, tranquille pour sa gauche, retira de cette partie le 5e de hussards, le 13e de cavalerie, et marcha de nouveau pour chasser l'ennemi des positions où il venait de s'établir.
A mesure qu'on approchait du grand plateau qui domine Engen, l'ennemi, en se réunissant, opposait de plus grandes forces; il fit des efforts prodigieux pour tourner la gauche du général Richepanse, qui se trouva un moment sans appui, espérant ainsi culbuter sa division sur celle du général Delmas, et séparer le corps de réserve de celui du lieutenant-général Saint-Cyr.
Le général Richepanse rendit vains tous ses efforts, et parvint sur la hauteur qui dominait toute la chaîne dite de Hohenhewen. De cette sommité s'étendait, sur le revers qui faisait face à l'ennemi, un bois qu'il garnit d'infanterie. C'est sur ce front que, pendant plus de trois heures, l'ennemi dirigea le feu de 11 ou 12 pièces d'artillerie qui ne cessaient de tirer à mitraille, et qu'il faisait avancer des bataillons frais à mesure que les nôtres les repoussaient.
Les positions, si longtemps, si opiniâtrement défendues, restèrent enfin à nos troupes. On ne saurait donner trop d'éloges aux grenadiers, dont un de leurs chefs de bataillon , Griolet, resta blessé, après une charge, entre les mains de l'ennemi. La 4e y soutint sa belle réputation ...
" (Bulletin de l'Armée du Rhin, rédigé par le Général de Division Dessoles, Chef de l'Etat-major de cette armée, et successivement adressé sous la forme de rapports partiels au Ministre de la Guerre, Rapport du 12 au 13 floréal an VIII (2-3 mai 1800). Cité par le Marquis de Carrion-Nissas : "Campagne des Français en Allemagne, année 1800"; Mémoires pour servir à l'histoire militaire sous le Directoire, le Consulat et l'Empire, par le maréchal Gouvion Saint-Cyr ... Tome 2; ce Rapport figure dans les Papiers du Général Paul Grenier. XIV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 4 page 20).

Sont blessés à Engen, le Chef de Bataillon Arnaud et les Capitaines Baraigne, Chatelain, Nuget, Teulé.

Le 15 prairial, la Division Richepanse sert de réserve aux Divisions Delmas et Bostoul et la 4e est encore engagée à la bataille de Moeskirch. Moreau atteint encore les Autrichiens à Biberach (19 prairial). "Tandis que Saint-Cyr enlève Biberach, Richepanse tourne l'ennemi par la Risp qui est, en cet endroit, encaissée et bourbeuse. Rien n'arrête l'élan de nos troupes : la 4e traverse la rivière dans l'eau jusqu'à la ceinture. Le général Digonnet, à la tête de la brave 4e, le général Durutte .... gravissent la hauteur".

Dans ses Mémoires, le Général Hugo raconte : "... Je dois cependant dire qu'à la suite de la bataille de Moeskirch, qui avait été décidée avant midi, et qui fut recommencée sur le soir, le général Moreau m'ayant trouvé avec deux cents hommes et une pièce de canon, m'opposant, en avant de Grambach, à une trouée que l'ennemi opérait sur ce point, m'ordonna de l'accompagner. Il était seul, et je le suivis. Comme il manifestait de l'inquiétude sur le retard que la division Richepanse apportait à déboucher, et qu'il paraissait désirer quelque infanterie, je lui fis l'offre d'aller prendre à une ambulance voisine beaucoup d'hommes qui s'y reposaient après y avoir porté des blessés. Moreau ayant accueilli favorablement cette proposition, je réunis environ huit cents soldats et quelques caporaux, qu'il me fallut organiser en pelotons sur le terrain, et auxquels la 101e demi-brigade en joignit, bientôt après, quatre cents autres. Un officier général m'ayant ordonné de prendre position à la gauche de la 4e, et de m'y déployer, je fus dans l'obligation d'expliquer la manœuvre, afin que les caporaux chefs de pelotons pussent l'exécuter.
Nous étions sur la brune, ce qui m'avait empêché d'apercevoir le général en chef arrêté à peu de distance. Ce général, entendant détailler un déploiement devant l'ennemi, envoya M. Desprez, l'un de ses aides-de-camp, savoir qui s'amusait à cette explication, qu'il croyait superflue. Desprez m'ayant joint, fut rendre compte que c'était moi, et de mes motifs ; et, dès ce soir-là, Moreau voulut me récompenser de ma conduite dans la journée, par le grade de chef de bataillon. Encore ce jour-là je le priai d'attendre que je l'eusse mieux gagné, et ce n'est qu'avec regret qu'il parut céder à des instances qui lui parurent très rares ...
" (« Mémoires du Général Hugo », Paris, 1823, t. 1, p. 71 et suivantes).

Le Bulletin de l'Armée du Rhin, rédigé par le Général de Division Dessoles, Chef de l'Etat-major de cette armée, et successivement adressé sous la forme de rapports partiels au Ministre de la Guerre, déclare :
"IV. Rapport du 16 au 20 floréal an VIII (6-10 mai 1800).
BATAILLE DE BIBERACH.
Le général Richepanse, qui s'était dirigé par Schweinhausen, avait de son côté rencontré l'ennemi, qui défendait à deux lieues de distance la route de Biberach. Dès Ingoldingen, il fut obligé de déployer une partie de ses forces, et il s'avança en combattant. Au moment qu'il arrivait sur les hauteurs en deçà de Biberach, les troupes du général Saint-Cyr se précipitaient dans la ville. Il résolut alors d'attaquer le plateau en arrière, où l'ennemi avait un corps nombreux et beaucoup d'artillerie; et, laissant la ville à sa gauche , il descendit dans le ravin.
La Riss est, dans cette partie, encaissée et bourbeuse, et ses bords sont marécageux ; l'artillerie ennemie y faisait tomber une pluie de boulets et de mitraille ; rien n'arrêta nos troupes : la 4e demi-brigade, la 100e et le 3e bataillon de la 50e, et les deux bataillons de grenadiers, la traversèrent dans l'eau jusqu'à la ceinture; le 5e régiment de bussards les suivit avec peine ; le terrain était devenu si mouvant, que le général Richepanse ordonna au 13e de cavalerie et au 17e de dragons d'aller au galop traverser la Riss à Biberach, et de prendre ensuite le chemin de cette ville à Memmingen, sur lequel, par son mouvement, il se portait perpendiculairement.
Ces dispositions furent parfaitement exécutées; le général de brigade Digonet, à la tête de la brave 4e, le général de brigade Durutte, à la tête des deux bataillons de grenadiers, gravirent la hauteur, baïonnette en avant. Le 17e de dragons et le 13e de cavalerie débouchèrent en même temps par la route Biberach à Memmingen, et, conduits par l'adjudant général Plausanne et les aides de camp du général Richepanse, se formèrent avec audace sur la droite de l'ennemi.
Toute cette division chargea alors les Autrichiens, qui abandonnèrent précipitamment le champ de bataille, couvert de morts et de blessés ...
" (de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829; ce Rapport figure dans les Papiers du Général Paul Grenier. XIV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 15 page 42).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A l’affaire de Biberac, je me trouvais en tirailleur dans le bois à droite en avant de la ville, armé d’un fusil ; un Autrichien qui se trouvait à vingt pas de moi me tira un coup de fusil et me manqua, sans réfléchir que j’étais seul je courus sur lui, lui lâcha mon coup de fusil et il tomba mort à mes pieds ; au même moment trois autres Pandours arrivent, je tire mon second coup, j’en blesse un, alors les deux autres viennent sur moi ; au bruit de ces trois détonations le brave Castagnet arrivait aussi au moment où je préparais une vigoureuse résistance ; suivis de quelques hommes nous prîmes ces deux Pandours prisonniers et fîmes donner du secours à celui qui était blessé ; c’était la seconde fois que ce brave Castagnet me sauva d’un danger imminent ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Les Autrichiens abandonnent le champ de bataille. Ont été blessés à Biberach les Capitaines Forot, Calès et Laurent.

A Memmingen, la 4e ne fut pas engagée. Le 15 prairial, le Général Decaen remplaça le Général Richepanse à la tête de la Division : la 4e Demi-brigade ne comptait plus que 1839 hommes sur les 2321 qui avaient franchi le Rhin.

Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 mai 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef Général Moreau
Réserve : Général en chef Moreau
3ème Division : Général de Division Richepanse
4ème Demi-brigade (3) (1861)

Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemange, Année 1800, Paris, 1829

Le 18 Prairial an 8 (7 juin 1800), le Général Decaen écrit : "Le général Debilly étant arrivé, j'organisai la division.
La 1re brigade, aux ordres de ce général, fut composée de la 100e demi-brigade (2300 hommes), 3e bataillon de la 50e (650 hommes), 17e de dragons (550 hommes, 590 chevaux), deux pièces de 4.
La 2e brigade, commandée par le général Durutte : de la 4e demi-brigade de ligne (2260 hommes), deux escadrons du 13e de cavalerie (160 hommes, 180 chevaux), deux pièces de 4.
La réserve : une compagnie d'artillerie légère commandée par le capitaine Vallée, 2e compagnie du 3e régiment (149 hommes, 206 chevaux), un escadron du 13e de cavalerie (80 hommes, 90 chevaux)
Cette division se composait alors d'environ 6000 combattants. Peu de jours après, elle fut augmentée du 6e régiment de chasseurs à cheval ayant plus de 600 chevaux, ce qui lui donnait environ 1500 hommes de cavalerie, et d'un bataillon de grenadiers d'environ 500 hommes. C'étaient plus de 7 000 combattants
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 9).

Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 juin 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef Général Moreau
Centre : Général en chef Moreau
3ème Division : Général de Division Decaen
Brigade Durutte
4ème Demi-brigade (3) (1832)

Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemange, Année 1800, Paris, 1829

La Division passa le Danube à Dillingen le 1er messidor. Kray, battu à Hochstedt, se retira derrière l'Inn, tandis que Moreau se portait à marches forcées vers Munich pour couper les Autrichiens de leur base d'opérations. La 4e Demi-brigade fit 36 lieues en trois jours, poussant devant elle les troupes de Merfeld, et atteignit Munich le 9 messidor an VIII (28 juin 1800).

Concernant cette journée du 9 Messidor an 8 (28 juin 1800), le Général Decaen écrit : "... A un quart de lieue de Munich, je fis faire une halte. J'ordonnai que la brigade Debilly traverserait la ville pour aller prendre position, une partie sur la rive droite de l'Isar, et l'autre, sur la gauche, afin de défendre le pont ; que le général Durutte établirait le bataillon de grenadiers dans la ville avec un bataillon de la 4e de ligne, et que le reste de sa brigade serait placé en avant de Munich, la droite vers l'Isar et de manière à couvrir les routes de Freising, d'Ingolstadt et de Ratisbonne ; que deux pièces d'artillerie légère seraient envoyées à chaque brigade qui avaient chacune deux pièces de 4 ..." (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 41).

De son côté, Bonaparte, vainqueur à Marengo, avait conclu la convention d'Alexandrie, qui suspendait les hostilités en Italie.

- Armistice de Parsdorf (15 juillet 1800)

Situation de l'Armée du Rhin au 15 juillet 1800 (Nafziger)
Centre : Général en chef Moreau
2ème Division : Général de Division Decaen
Brigade: Général de Brigade Debilly et Durutte
14ème Demi-brigade Légère (3)
4ème et 100ème Demi-brigades (6)

Le 15 juillet, Moreau signa avec Kray l'armistice de Parsdorf.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... et sa bravoure surtout à Biberac, Ulme, Méningue, Dacau, Stuttgart ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Situation en Août 1800 (côte SHDT : usuel-180008 ) Chef de corps : FRERE Chef de Brigade - Infanterie ; CHARPIN Quartier Maître Trésorier ; RATTIER Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Candras - armée d'Italie
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan - armée d'Italie
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Gros - armée d'Italie

Le 5 septembre 1800 (18 fructidor an 8), Bonaparte écrit depuis Paris, à Carnot, Ministre de la Guerre : "... Vous donnerez les ordres à l'armée de l'ouest pour que le détachement de 139 bataillons [sic] de la 4e de ligne rejoigne son corps à l'armée du Rhin ..." (Correspondance générale, t.3, lettre 5630).

Le 2e jour complémentaire an 8 (19 septembre 1800), Decaen raconte : "Le général en chef me désigna alors une nouvelle position que devait prendre ma division ...
Le général Durutte reçut l'ordre de placer aussi, ce même jour avant midi, sa brigade composée du 10e de chasseurs à cheval, de la 4e d'infanterie de ligne, du 2e bataillon de la 14e légère, de deux pièces de 4, sur les hauteurs en arrière de Grafing, la droite vers Alxing et Bruck, dans la position la plus convenable ..." (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 94).

Situation de l'Armée du Rhin en novembre 1800 (Nafziger)
Centre : Général en chef Moreau
Division : Général de Division Decaen
Brigade : Général de Brigade Debilly
4ème Demi-brigade de Ligne

Le 30 Brumaire an 9 (21 novembre 1800), le Général Decaen écrit : "… Depuis la notification faite aux Autrichiens que la suspension des hostilités devait cesser le 7 frimaire, tous les corps de notre armée cantonnés dans la Souabe, le Wurtemberg et la Franconie avaient reçu l'ordre de marcher en Bavière. Dès le jour de cette notification, les troupes de ma division avaient reçu l'ordre de se préparer à se mouvoir au premier ordre. La ligne d'avant-postes avait été renforcée et la surveillance avait été recommandée.
Cette division se composait alors de 8044 combattants.
Demi-brigades :
14e d'infanterie légère. 2202
4e de ligne. 1844
100e de ligne. 2083
6129
Cavalerie :
6e régiment de chasseurs 654
10e régiment de chasseurs 608
17e régiment de dragons. 514
Artillerie :
3e compagnie du 5e d'artillerie à pied. 62
2e du 3e à cheval. 77
8044
Pour pouvoir diriger cette division avec plus de facilité sur le point qui me serait désigné, j'avais fait passer l'Isar à la majeure partie des troupes
" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 119).

Concernant la journée du 9 Frimaire an 9 (30 novembre 1800), le Général Decaen écrit : "… Mon chef d'état-major rendit compte au générai Lahorie de rétablissement de la division, en lui annonçant qu'une brigade était établie en échelon entre Hohenthann et Mailling, en soutien de l'avant-garde postée à Beibarting et environs ; qu'une autre brigade avait Zorneding pour centre de ses cantonnements ; que la légion polonaise occupait Moosach, Buch, ayant un bataillon et 100 chevaux sur Dorfen, Loitersdorf et Niclasreuth ; qu'une reconnaissance avait rencontré l'ennemi à une lieue et demie au-delà de Beiharting, l'avait poussé et avait occupé Aibling jusqu'au moment où les troupes de la division Montrichard y étaient arrivées. Il fut exposé que la légion polonaise avait un besoin urgent de chaussures et de vêtements, et il fut demandé qu'il y fut satisfait incessamment.
La légion polonaise, forte de 2200 hommes d'infanterie, 480 hommes de cavalerie et une compagnie d'artillerie légère, réunie à la division, celle-ci se trouva composée de 10000 combattants, non compris le 4e bataillon de la 4e de ligne, resté à Munich, et le 1er bataillon de la 14e d'infanterie légère envoyé à la division Richepance, douze pièces d'artillerie légère et six pièces de 4 de bataille
" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 131).

Situation de l'Armée du Rhin 22 novembre 1er décembre 1800 (Nafziger)
Commandant Général : Général Moreau
Centre : Général Moreau
3ème Division : Général de Division Decaen
Brigade : Généraux de Brigade Debilly
4ème Demi-Brigade : 3 Bataillons, 2048 (2100 selon Picard) hommes

Sources : De Carrion-Nisas, Marquis, "Campagne des Francais en Allemagne", Année 1800, Paris, 1829 ; Picard : "Hohenliden"

A la reprise des hostilités (7 frimaire. 28 novembre), l'Archiduc Jean, qui a remplacé Kray à la tête des Autrichîens, prend l'offensive, passe l'Inn et marche sur notre centre par la route de Munich qui traverse, au village de Hohenlinden, une vaste clairière s'ouvrant au milieu des bois.

Situation de l'Armée du Rhin le 1er décembre 1800 (SHAT B2 546)
Commandant en chef : Général Moreau
Centre : Commandé par le Général en chef Moreau en personne
3ème Division Général Decaen : 4ème Demi-brigade de ligne, 3 Bataillons (2048 hommes).

- Hohenlinden (8 décembre 1800)

Peter MAYR (1758-1836), Capitaine de la 4e demi-brigade d'infanterie de ligne, Augsbourg, 1801. Portrait mis en vente sur le site www.lemoinebouchard.com.
"Miniature sur ivoire, ovale, H. 5,2 cm signée et datée : Pierre Mayr à Augsbourg, 1801, cadre en bois noirci. Peter Maÿr (Fribourg en Brisgau, Allemagne, 1758 - Munich, 1836) travailla à Augsburg et Munich, peut-être aussi en France où l'on rencontre de ses oeuvres. Il francisa parfois sa signature en “Pierre Mayr”, comme c'est le cas ici ainsi que sur le portrait de l'Empereur Napoléon conservé au Louvre. Exécutée avec beaucoup de réalisme dans les traits du visage, cette miniature fut réalisée en 1801 à Augsbourg en Bavière. Elle montre un Officier français en surtout bleu foncé à petites épaulettes typiques de l'époque, à boutons dorés au chiffre "4", cravate noire, sur fond gorge de pigeon. Nous remercions vivement M. Dimitri Gorchkoff de nous avoir précisé qu'il s'agit du capitaine de la 4e demi-brigade d'infanterie de ligne (1801), avec les boutons au chiffre 4 selon le réglement du 21 février 1793. Des oeuvres de Peter Maÿr sont conservées au musée du Louvre, au Landesgewerbe Museum, Stuttgart, au Maximilian Museum, Augsbourg, au Musée national, Munich" (WWW.lemoinebouchard.com).

Moreau s'était porté sur Hohenlinden avec six Divisions d'infanterie, dont la Division Decaen, et presque toute sa cavalerie et son artillerie. Le 10 frimaire (1er décembre), la 4e Demi-brigade était en position à Aubing; le lendemain, elle se trouvait avec sa Division à Zornolting et reçut l'ordre de marcher le 12 au matin (3 décembre) à la suite de la Division Richepanse. Tandis que l'armée autrichienne, engagée dans les bois de la rive gauche de l'Inn, débouchait dans la clairière occupée par Moreau, celui-ci lançait Ney par la grande route sur la tête de colonne principale et donnait l'ordre à Richepanse de s'avancer à travers bois pour prendre l'ennemi en flanc et à revers.

La 4e Demi-brigade s'était mise en route à 5 heures du matin sur la chaussée de Wasserbourg. Arrivé à Ebersberg, Decaen y laisse le Général Debrilly avec la 100e et continue sa marche avec la Légion polonaise et la Brigade Durutte (4e et 14e Légères). Cette dernière dégage le Général Drouet (de la Division Richepanse) aux prises avec les troupes refoulées par Ney; elle prend 3000 hommes et 7 canons, puis, revenant sur ses pas, elle marche au secours de la Légion polonaise et là encore le succès est décisif. Au cours de cette bataille, elle perd tout de même 500 hommes.

Le Général Dessoles résume ainsi le rôle de la Division Decaen dans cette glorieuse journée : "Dans les combats que soutint le général Decaen, ses troupes se sont montrées de la façon la plus distiuguée". De ces éloges, la Brigade Durutte mérite la plus belle part et le souvenir de la bataille de Hohenlinden est un des plus glorieux de la 4e Demi-brigade; l'histoire l'a consacré, et, sur le drapeau du 4e, Hohenlinden n'est pas une inscription banale : il résume en un mot la brillante conduite, dans une campagne restée célèbre, d'une Demi-brigade qui comptait déjà à son actif Arcole et sa légende.

Dans son rapport adressé au Général en chef, rédigé le lendemain de la bataille, le Général Decaen écrit : "... Les 2e et 3e bataillons de la 14e, le 1er bataillon de la 4e d'infanterie de ligne, la légion polonaise et un escadron du 6e régiment de chasseurs se sont conduits avec la plus grande bravoure. Si les autres troupes eussent eu l'occasion de donner, on doit croire, par le zèle qu'elles ont montré, qu'elles auraient imité ceux qui ont combattu l'ennemi ..." (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 142).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A Warserbourg, nous passâmes la Salsa ; une colonne d’émigrés voulut nous disputer le passage, mais elle ne put résister à l’impétuosité de la 4ème, fut culbutée et mise en pleine déroute ; dans cette affaire je pris deux prisonniers dont je conserve encore la médaille d’un. Partout dans cette campagne je me suis distingué ; le brave général Durutte qui commandait notre brigade m’avait pris en affection ; aucune affaire d’avant poste n’avait lieu sans que je la commandasse. Bien souvent j’envoyai au général et à mon colonel non seulement des prisonniers, mais des repas, soupers et déjeuners qui avaient été préparés pour messieurs les officiers de Pandours que je débusquais de leurs bivouacs. J’ai toujours été heureux dans plusieurs affaires avec les Pandours, je les surprenais souvent et j’en ramenais toujours quelques uns prisonniers, aussi le nom de Pandoure mes resta-t-il, mes camarades ne me nommaient que le Pandoure de la 4ème ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Moreau, reprenant sa marche sur Vienne, passe l'Inn et la Salza (22 frimaire - 13 décembre) sans rencontrer de sérieuse résistance.

Dans son rapport au Général en Chef, rédigé deux jours plus tard, le Général Decaen : "... trois intrépides chasseurs de la 14e d'infanterie légère s'étaient déterminés à se jeter à la nage pour aller prendre une barque qui avait été aperçue à une demi-lieue au-dessus du pont de Laufen ; que c'était le nommé Bernard, tambour, qui leur avait donné l'exemple. Les deux autres sont Lemâle et Perrin, du même bataillon. Ces intrépides soldats, ayant à lutter contre la rigueur de la saison, eurent encore plus à faire contre le courant de la Salzach qui les reporta deux fois à la rive d'où ils étaient parvenus, avec toutes les peines possibles, à arracher leur bateau ; enfin ils ne purent achever leur pénible tâche que lorsque deux d'entre eux se furent jetés de nouveau à la nage et, au moyen d'une corde qui était à la barque, ils parvinrent à arriver à la rive gauche.
Ce trait de courage, auquel on ne peut donner de nom, inspira le plus grand enthousiasme. Bientôt un grand nombre de chasseurs de la 14e, à la tête desquels se mirent le capitaine Jean et l'adjudant major Cornille, entra dans la rivière pour passer un de ses bras qui n'avait que deux pieds d'eau, s'embarqua et descendit ensuite sur l'autre rive. Je saisis avec empressement ce trait de dévouement. Je me déterminai à jeter 300 ou 400 hommes sur la rive droite, dont deux compagnies de la 4e de ligne, commandés par le capitaine Cazeneuve et le lieutenant Duvaldreux, qui se mirent la plus grande partie à l'eau, comme les soldats de la 14e légère, quoique des chasseurs du 10e voulussent les passer au-delà du premier bras de la rivière sur leurs chevaux et je fis des dispositions pour leur protection, et surtout en faisant fusiller et canonner fortement l'ennemi qui était placé et embusqué à la tête du pont. On s'empara encore de quelques autres bateaux ...
" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 169)

Voici par ailleurs le rapport de Durutte à Decaen (sans date ni lieu) sur ce passage : "... Quoique tout devait nous présager que ce détachement aurait été pris, l'adjudant commandant Plauzonne et le jeune Decaen, sous-lieutenant au 6e régiment de chasseurs à cheval, vous offrirent d'aller joindre ce détachement pour l'exciter à attaquer le pont de Laufen par la rive droite. En applaudissant à leur zèle, vous m'ordonnâtes de faire soutenir cette attaque par deux compagnies du 1er bataillon de la 4e demi-brigade ; elles furent commandées par le capitaine Cazeneuve qui leur montra l'exemple de passer un bras de la rivière dans l'eau jusqu'à la ceinture ..." (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 169).

Le Bulletin de l'Armée du Rhin, rédigé par le Général de Division Dessoles, Chef de l'Etat-major de cette armée, et successivement adressé sous la forme de rapports partiels au Ministre de la Guerre, déclare :
"III. Rapport du 18 au 24 frimaire an IX (9- 15 décembre 1800).
PASSAGE DE LA SALZA.
Le général Durutte, qui remontait la Salza pour chercher un gué, aperçoit une barque au-dessus de Laufen. Trois chasseurs de la 14e, qui l'ont également apercue, Bernard, tambour, Malle et Perrier, se jettent à la nage pour la ramener, malgré la rigueur d'un froid excessif, malgré la rapidité du courant de la Salza, encore plus rapide que l'Inn. Après de longs et généreux efforts, ils parviennent à se rendre maîtres de la barque et à la conduire sur la rive gauche.
Le général Decaen, prévenu, saisit avec empressement ce trait de dévouement ; il ordonne au général Durutte de jeter à l'instant 400 hommes sur le bord opposé; il envoie l'adjudant-commandant Plausonne, et le citoyen Decaen, son jeune frère, officier de chasseurs, remplissant auprès de lui les fonctions d'aide de camp, pour se mettre à leur tête, et, pour détourner l'attention de l'ennemi; il engage au même moment une fusillade et une canonnade très vives vers le pont.
Deux compagnies de la 4e, commandées par le capitaine Jean et l'adjudant-major Cornil, passent et s'emparent d'un village, sur la rive droite, qu'ils barricadent, en y laissant quelques hommes pour empêcher leurs flancs et leurs derrières d'être inquiétés ; puis, dans le plus grand silence, ils s'avancent, sur la tête de pont, jusqu'à l'ennemi, qui ne s'occupait que de notre artillerie : il est surpris; les cris et les baïonnettes d'une poignée d'hommes le mettent en déroute, et l'on fait plus de 100 prisonniers, parmi lesquels 4 officiers.
Ce succès ne fut troublé par aucune inquiétude. Tous les bateaux de la rive droite furent bientôt à notre disposition, et, avant la fin du jour, 800 hommes étaient établis sur l'autre rive. On profita de la nuit pour établir un pont-volant, destiné à passer l'artillerie; le pont, détruit par l'ennemi, fut assez réparé pour porter l'infanterie et la cavalerie.
Le général Decaen fit prévenir, dès le soir, le général en chef, qu'une partie de ses troupes avaient passé la Salza
" (de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829).

Le 2 nivôse (23 décembre), la suspension d'armes de Steyer arrêtait la 4e Demi-brigade dans la Haute Autriche, où elle resté cantonnée jusqu'à la signature de la paix. C'est là qu'elle reçut les armes d'honneur accordées à ses braves par des Décrets antérieurs. De nouvelles distinctions récompensèrent les militaires qui s'étaient fait remarquer pendant la campagne :
- Denit, Sergent : un sabre. Bravoure en 1799-1800.
- Fourcade Jean, Sergent : un fusil accordé le 28 juillet 1802. A déjà reçu un sabre en Italie.
- Carles Jean, Sergent : un sabre en 1800 (accordé le 24 janvier 1803) pour sa bravoure; a déjà reçu un sabre en Italie.
- Gourat Jean, Sergent : un sabre accordé le 30 mai 1803. S'est distingué au 30 floréal an II; a eu la cuisse traversée par un biscaïen, à Engen, en montant à l'assaut. Devenu Capitaine en 1809.
- Hericey Jean Pierre, sergent : un sabre d'honneur accordé le 30 mai 1803.
- Laffond Jean, Sergent-major : un sabre accordé le 30 mai 1803. Blessé à l'attaque du camp de Mutquiracha; blessé à Vérone, conserve son poste; à Engen, met en déroute quatre Bataillons avec 50 Grenadiers. Devenu Capitaine, Laffond fut tué à Wagram.
- Martin, Sergent : un sabre pour sa bravoure.
- May Jean Antoine, Sergent : un sabre accordé le 24 janvier 1803 pour sa bravoure.
- Moniet ou Moynet Jean (dit Curbe), Sergent : un fusil accordé le 31 mai 1803 pour sa bravoure.
- Picquenot Francois, soldat : un fusil d'honneur accordé le 8 novembre 1800.
- Antignac Gérard, Sergent : un sabre accordé le 30 mai 1803. Conduite distinguée dans un engagement partiel.
- Astre Jacques, Sergent-major : un fusil accordé le 30 mai 1803. Combattit avec distinction à l'armée d'Italie; a fait un Officier prisonnier et tué deux Grenadiers autrichiens.
- Baillarjac Pierre, Grenadier : un fusil accordé le 30 mai 1803. A pris un Officier et trois hommes.
- Ballin Bernard, Caporal : un fusil accordé le 30 mai 1803.
- Boutrai François, Capitaine : un fusil accordé le 30 juillet 1802.
- Castillon Jacques, Sergent : un sabre accordé le 30 mai 1803.
- Delorme Hyacinthe Denis, Sergent : un sabre accordé le 24 janvier 1803. S'est signalé à Ronco, où il fut blessé, à Saint-Michel, à Engen. A contribué à la prise d'une redoute.
- Teulé Jean, Capitaine : un sabre accordé le 18 décembre 1802. A pris une redoute à Castiglione; blessé à Caldiero.
- Le Capitaine Ramadier, les Sous-lieutenants Lautré et Viguier, promus en raison de leur bravoure et de leur mérite, furent maintenus dans leur grade.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Hohenliden, Warserbourg, Salzbourg, Welse, Kroeminster et Stager. Dans la soirée de cette dernière affaire nous reçûmes une suspension d’armes pour traiter de la paix ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Savetier de Candras, 4e de Ligne Situation en Mars 1801 (côte SHDT : usuel-180103)
Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Chef de Brigade - Infanterie ;
1e bataillon - armée du Rhin
2e bataillon - armée du Rhin
3e bataillon - armée du Rhin

Ci-contre, portrait de Jacques de Savetier de Candras (communication de Mr M. Lint)

Le 27 Ventôse an 9 (18 mars 1801), le Premier Consulé écrit, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "… Dans le tableau qui me sera présenté, de toutes les demi-brigades qui, d'après cet ordre se rendront dans les divisions militaires, vous mettrez la 4e de ligne et la 12e légère pour la 4e division militaire ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6130).

Le 19 germinal an 9 (9 avril 1801), le Général Decaen écrit : "Un bataillon de la 4e demi-brigade était resté à Munich pour la garde de cette ville, des magasins et des hôpitaux, etc. Il était caserné. Ayant appris qu'on voulait le loger chez l'habitant sous un autre prétexte que celui de rendre libre la caserne qu'il occupait afin de la préparer pour les troupes bavaroises, j'écrivis au commandant de ce bataillon que je venais d'être informé que le gouvernement bavarois se disposait à lui annoncer, s'il ne l'avait pas déjà fait, que, pour témoigner combien il avait à se louer de la bonne conduite de la 4e demi brigade pendant qu'elle avait tenu garnison à Munich, il consentait que ce bataillon loge chez l'habitant pendant les deux jours qu'il avait encore à y rester ; mais, attendu que, depuis le moment où les troupes françaises étaient entrées dans cette ville, il n'avait pas dépendu de ce gouvernement de désigner tel ou tel logement pour les soldats de la République, et que, si elles avaient été casernées, c'était à cause de la discipline et pour la facilité du service, ce bataillon ne devait donc quitter son quartier qu'à l'instant de son départ. Et [j'ajoutai] que je rendais ce chef de bataillon responsable de l'exécution de mes ordres" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 227).

Le 20 Germinal an 9 (10 avril 1801), le Général Decaen écrit : "... Après avoir fait donner l'ordre au commandant du bataillon de la 4e de précéder, le lendemain, l'arrière-garde pour se rendre aussi à Dachau et, de là, à Augsbourg, je montai en voiture à 8 heures du soir et quittai Munich" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 228).

Le 21 Germinal an 9 (11 avril 1801), le Général Decaen écrit : "J’arrivai à Augsbourg. Le général Moreau en était parti de la veille ; mais j'y trouvai l'ordre ci-après :
« La division du général Decaen est composée des corps ci-après : 14e demi-brigade d’infanterie légère, 4e demi-brigade d'infanterie de ligne, 16e demi-brigade d'infanterie de ligne, 27e demi-brigade d'infanterie de ligne, 1er bataillon de la 65e, à Ulm, 17e de dragons, 1er de chasseurs à cheval, 6e de chasseurs à cheval, 10e de chasseurs à cheval, 20e de chasseurs à cheval ; avec les 2e, 4e et 6e compagnies du 3e régiment d'artillerie à cheval.
Les généraux de brigade Sahuc et Durutte sont attaches à cette division avec l'adjudant commandant Plauzonne.
Cette division s'établira d'abord entre le Lech et le Danube. La division se mettra ensuite en marche pour arriver sur la rive droite du Rhin ».
L'époque de l'arrivée des troupes près de ce fleuve ainsi que les points où elles devaient effectuer leur passage ayant été changés par un ordre ultérieur, je ne les énonce point ... Je fixai les cantonnements du surplus de la division entre Balzenhofen et Augsbourg
" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 228).

Le 26 Germinal an 9 (16 avril 1801), le Général Decaen écrit : "Je reçus du général Lahorie la lettre ci-après, datée de Stuttgart, le 23 :
« Je te préviens, mon cher Decaen, que, d'après les ordres du gouvernement, la 4e demi-brigade de ligne devra passer le Rhin à Strasbourg le 15 floréal, pour continuer sa marche le même jour sur Nancy ; le bataillon du 65e devra passer le 15 pour se rendre à Metz ; la 14e légère devra passer le 19 ou le 20, à Huningue ; la 16e légère devra passer le 17 ou le 18, à Brisach ; le 17e de dragons, à Strasbourg le 14, pour Pont-à-Mousson ; le 20e de chasseurs, à Strasbourg le 16, pour Arras ; le 1er de chasseurs, à Strasbourg le 26, pour Commercy ; le 6e de chasseurs, à Strasbourg le 26, pour Strasbourg ; et le 10e de chasseurs, à Strasbourg le 30, pour Stenay.
La 27e demi-brigade de ligne devra continuer, dès ce moment, sa marche pour arriver à Strasbourg où je suppose qu'elle arrivera vers le 10 floréal.
Le pays entre le Rhin et les montagnes étant épuisé, il est nécessaire, mon cher Decaen, que tu combines ton mouvement de manière que les troupes n'aient qu'un séjour près du Rhin sur la rive droite.
Le général Sainte-Suzanne a reçu du gouvernement les ordres de route de tous les corps ; ainsi il sera bon que tu lui envoies d'avance ainsi qu'à moi l'itinéraire des troupes de ta division.
L'artillerie légère entrera à Strasbourg avec le 6e de chasseurs.
Le caissier du payeur Labouillerie est chargé de te remettre un effet sûr pour 25 000 francs
" (« Journal de mes campagnes comme général de division dans l'an VIII et l'an IX (1800-1801) – In Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 2, p. 230).

Rappelée en France, la 4e Demi-brigade repasse le Rhin à Kehl et arrive à Nancy au mois d'août 1801.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A l’évacuation de l’Allemagne nous eûmes Nancy pour garnison ; arrivés dans cette ville mon lieutenant Ramadier ayant eu le bras droit emporté, obtint le commandement d’une compagnie de vétérans, je fus nommé lieutenant à sa place au choix du corps ; j’avais encore onze sous lieutenants avant moi, ce grade me fut donné comme récompense de ma belle conduite dans cette dernière campagne qui fut pour moi des plus glorieuses ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 19 septembre 1801 (2e jour complémentaire an 9), à Paris, on soumet au Premier Consul la demande suivante : "Le citoyen Maffrand, nommé le 1er janvier 1793 capitaine des canonniers du 3e bataillon de la Haute-Vienne, employé en la même qualité dans la 4e demi-brigade de ligne, remarqué au siège de Malte par le général Vaubois, est aujourd'hui sans place depuis que sa compagnie a été supprimée au mois de prairial dernier ; il demande à entrer dans le corps d'artillerie, mais il devrait subir un examen pour qu'on juge s'il a les connaissances théoriques et pratiques nécessaires". Bonaparte répond : "S'il y a fait plusieurs campagnes actives comme capitaine de canonniers volontaires, il est propre à entrer dans l’artillerie" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1225). Là-dessus, Berthier déclare qu'il faut placer Maffrand dans l'Artillerie, puis, le 10 vendémiaire suivant, qu'il faut le placer comme Lieutenant. Maffrand répond qu'il ne veut pas rétrograder et qu'il préfèrae jouir du traitement de réforme. "Il sera placé, répliqua Berthier, comme lieutenant ou sera considéré comme démissionnaire". Maffrand cède ; il écrit qu'il joindra le Corps qu'on lui indiquera, et plus volontiers un Corps d'Artillerie légère. "Placez-le, annota Gassendi, dans l’artillerie légère à une place vacante et finissons". Maffrand est envoyé comme Lieutenant au 2e Bataillon de Pontonniers à Plaisance ... Mais l'affaire n'est pas terminée ; après nouvelle réflexion, le Ministre admet Maffrand au traitemenf de réforme du grade de Capitaine ! (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1230).

Portrait de Michel Defay en tenue de Capitaine de la Garde Nationale de Roanne, décoré de la Légion d'Honneur.
Michel Defay est né à Roanne le 19 janvier 1770; il y est décédé le 21 octobre 1849. Sa tombe est toujours visible au cimetière de Roanne. Son grand-père et son père étaient jardiniers-propriétaires à Roanne, rue Poisson, actuellement rue Maréchal Foch. Après avoir quitté l'armée, il a été Capitaine de la Garde Nationale de Roanne. Il n'a pas eu de postérité.
Etats de service de Michel Defay
Ci dessous : détails

Le 11 brumaire an 10 (2 novembre 1801), depuis Nancy, Michel Defay écrit à son frère : "Nancy le 11 Brumaire an 10 de la Rép.
DEFAY ainé à son frère cadet.
J'ai reçu, Très Cher Frère, depuis quelques jours seulement ta lettre du 23 vendémiaire. Je ne sais à quoi attribuer son retard qui doit être au moins de cinq jours. Je commençais à m'inquiéter, ne pouvant imaginer quelle pouvait être la cause de ta négligence. J'ai appris avec la plus sensible douleur la maladie dont mon oncle a été affligé, et la joie que j'ai ressentie de son rétablissement n'a pas été moins vive. Je viens de l'apprendre par ta lettre que tu as écrite à Sastres, et que j'ai vue hier. Je souhaite donc que cette convalescence soit heureuse et que sa santé soit bientôt rétablie.
Il parait par ta dernière lettre que le tems ne te dure pas moins au Pays dans ce moment, que dans les premiers de ton arrivée, et que tu es à peu près décidé de venir joindre le corps au premier Frimaire. Pour moi, je vois bien que je ne me déciderais pas à y aller. Cet ennui me fait peur; ainsi je me résouds à t'attendre ici. Que mes parens ne pensent pas au moins que ce soit le peu de considération que j'ai pour eux qui soit la cause de mon insouciance pour ma ville natale. Non, je désirerais avec grand empressement les voir, les ambrasser, jouir enfin pendant quelques tems de leur présence, mais tu m'as fait peur, puisqu'il faut te le répéter, par cet ennui et ce désoeuvrement dont tu te plains.
Je ne croirais pas d'ailleurs obtenir aisément un semestre. Molinier qui devait partir au premier fructidor, et qui se trouva absent pour lors, pour cause de maladie, revint quelques jours après le départ des semestriers, et n'a pu partir; on l'a renvoyé au premier frimaire. Nous ne sommes plus que quatre sergens à la Compagnie, Rathelot étant passé aux Grenadiers, et des quatre que nous restons, l'un Charles dit Charpentier, a sa réforme et peut partir au premier jour. On ne nous laisserait donc pas partir aisément deux, puisqu'il n'en resterait plus, proprement dit, qu'un.
Toutes ces considérations ont achevé de me dégouter de demander un semestre.
Je te charge donc de témoigner à tous mes Parens les regrets que j'ai de ne pouvoir aller les embrasser. Assure les toujours de mes sentiments qui seront toujours les mêmes pour tous ceux que la nature m'a uni.
Parles surtout de moi à mes Soeurs. Qu'elles ne croyent pas que l'amitié que j'ai toujours eue pour elles soit en rien diminuée. Non, rien ne serait capable de diminuer cette tendresse que mon coeur leur a voué, et je serais au désespoir, qu'elles pensassent le contraire.
Persuades les donc, tant que tu pourras, de mes sentiments fraternels.
Je ne sais que te dire des nouveaux de Nancy. Mais à propos, Comby est toujours décidé à aller faire un tour à Roanne. Cependant il est bien fâché que je ne partes pas avec lui. Il a vu avec peines que tu ayes parlé à ses Parens en sens contraire à ses intentions. Tu leur as dit, je crois, qu'il vaudrait mieux, qu'il ne vint pas au Pays, qu'il n'en obtiendrait que plus aisément et plus tôt un congé absolu.Tout cela ne le contente pas, il faut absolument qu'il aille y faire un tour.
Sastre vient donc de recevoir cette lettre que tu lui a tant fait attendre. Il m'a chargé de sa réponse, et de te témoigner pour lui ses sentiments. Rien autre à te dire, nous n'avons point de nouveau ici; c'est toujours la même chose. Il a fait déjà quelques jours de froid, mais voilà deux ou trois jours que l'air s'est bien radouci. Nous aurons le plaisir d'aller nous promener dans la campagne, quand il fera quelques beaux jours d'hyvers; on a levé la consigne des portes de la ville depuis les premiers jours de ce mois. Mais il faut que je finisse, car il me faut aller à l'exercice; je suis de décade, je ne t'en dirai donc pas davantage pour le moment.
Adieu, Cher Frère, je suis en attendant le plaisir de te voir.
Ton Affectionné Frère
DEFAY sergent
P.S. Tu ne manqueras pas de faire des compliments de ma part à tous nos Parens, surtout à notre Cousin Augagneur et à ma Marraine ainsi qu'à son mari.
Assures mon oncle et ma tante de mes sentimens respectueux. Embrasses pour moi toute leur petite famille.
Témoignes à nos Soeurs tous mes regrets de ne pouvoir les embrasser moi même. Assures les de mes amitiés, et ne part pas sans les embrasser pour moi.
Mille choses à notre soeur Flandrin, ainsi qu'à son mari. Embrasses ses fils, nos neveux; l'ainé doit être déjà grand
".

La suscription de la lettre est la suivante : "Au Citoyen
DEFAY Cadet caporal à la
16. 1/2 brigade de ligne, actuellement
en semestre chez le Cit. Flandrin
Charpentier en bâtimens, rue Moulin-Gilbert
A ROANNE
département de la Loire
".

Situation en Septembre 1801 (côte SHDT : usuel-180109)
Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Chef de Brigade - Infanterie
1e bataillon à Nancy - 4e division militaire
2e bataillon à Nancy - 4e division militaire
3e bataillon à Phalsbourg - 4e division militaire

D'après l'Etat militaire de l'an X (1801-1802), les 1er et 2e Bataillons de la 4e Demi-brigade sont à cette époque à Nancy, et le 3e à Phalsbourg. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :

- Etat major : Chef de Brigade Candras; Chefs de Bataillon Arnaud, Cassan, Gros-Louis, Cretin; Quartier maître trésorier Charpin; Adjudants major Capitaines Ragonnel, Guy (Pierre Nicolas), Sanrey; Officiers de santé Blondel, Gorsse, Chirac.
- Capitaines : Caseneuve, Saint-Cyr (Prevost), Forot, Calis, Teulet, Roubeau, Darquier, Donna, Chavannes, Bomaud (Jean Baptiste), Bareige, Chatelain, Mercier, Montaudry, Alberug, Cochimard, Duthu, Uny (Jean françois), Teulé, Deville (Esprit), Lannes, Brisac, Sarrère, Daricroy, Laumière, Poitevin, Laurent.
- Lieutenants : Labussière, Aviennis, Duval-Dreux, Thomas (Jean), Dubeau, Paton, Desca, Rumadié, Duberset, Bergeron, Caillac, Fidel, Blanger-Dauphin, Paissé, Gaudonville, Descazeaux, Loyez, Saur, Juillet, Cabanier, Tallon, Richard, Castagnet, Blanc, Saunier (Gabriel), Tollet, Boudet.
- Sous lieutenants : François (Jean Baptiste), Villemain, Dabézie, Gaillard, Saunier (Bernard), Merlin, Leglon, Coeurte, Laplane (Hilaire), Poujade, Lamagnière, Duffaut, Allary, Thibault, Claverie, Dupin, Magnen, Mazars, Juillet, Maury, Castie, Charpin, Vignier, Lautré, Laforgue, Fonrouge, Duperret.

Situation en Mars 1802 (côte SHDT : usuel-180203)

Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Chef de Brigade - Infanterie
CRETIN 4e Chef de Bataillon ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Nancy - 4e division militaire
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan à Nancy - 4e division militaire
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Gros à Phalsbourg - 4e division militaire

certificat 4e de ligne
Certificat de blessures de la 4e Demi-Brigade, pour le Citoyen Dominique Cabannier, Lieutenant de la 6e Compagnie du 3e Bataillon. "1° - Le 16 BRUMAIRE de l'AN 5 a l'affaire de BASSANO Armée d'ITALIE, le combat étant engagé le fusil d'un soldat creva et atteignit la figure du citoyen CABANNIER qu'il eut entièrement brulée... 2° - Le 22 PRAIRIAL de l'AN 8 à l'affaire de KRUMBACH, Armée du RHIN, reçu un coup de feu qui lui traversa la cuisse gauche... Fait à NANCY le 14 THERMIDOR de l'AN 10 (2 août 1802). Plus de 30 signatures. Document format 37x23 cms. Communication d'un de nos correspondants.

Situation en Septembre 1802 (côte SHDT : usuel-180209)

Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Chef de Brigade - Infanterie
CRETIN 4e Chef de Bataillon ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Nancy - 4e division militaire
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan à Nancy - 4e division militaire
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Gros à Nancy - 4e division militaire

D'après l'Etat militaire de l'an XI (1802-1803), la 4e Demi-brigade est à cette époque à Nancy et fait partie de la 4e Division militaire. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :

- Etat major : Chef de Brigade Savetier-Candras; Chefs de Bataillon Arnaud, Cassan, Gros-Louis, Cretin; Chef de Bataillon à la suite Pouget; Quartier maître trésorier Gaudonville; Adjudants major Ragonnet, Guye, Sanrey; Chirurgiens majors Blondel, Gorsse, Léonard.
- Capitaines : Caseneuve, Saint-Cyr (Prevost), Forot, Calès, Roubaud, Darquier, Donna, Foucaud, Chavanne, Bareige, Chatelain, Mercier, Montaudry, Alberny, Cochinard, Duthu, Uny (Jean françois), Teullé, Deville (Esprit), Sarrere, Lannes, Dariéroy, Brisac, Laurent, Poitevin, Labussière, Aviény.
- Lieutenants : Colinet Duvaldreux, Thomas (Jean), Dubeau, Desca, Ramadié, Duberset, Bergeron, Caillac, Fidel, Patou, Peyssé, Descaseaux, Loyez, Saur, Julliet, , Castagnet, Cabannier, Richard, Blanc, Sounié (Gabriel), Tollet, Boudet, François (Jean Baptiste), Dabezie, Villemain, Allary, Poujade.
- Sous lieutenants : Gaillard, Saunier (Bernard), Caucurte, Laplane (Hilaire), Dufau, Claverie, Dupin, Thibault, Mazars, Jullié, Maury, Castié, Charpin, Viguier, Lautré, Laforgue, Fonrouge, Duperret, Delmas, Clavarel, Dupuy, Villaret, Ribot, Jouvenel, Cassagné, N, N.

Le 28 janvier 1803 (8 pluviôse an 11), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... La 4e de ligne a 175 hommes qui passent son complet : vous en disposerez. Il ne faudrait disposer que de 75 et ainsi de suite. Il faudrait laisser à chaque corps, indépendamment de son complet, 100 hommes, afin qu'il puisse toujours avoir un remplacement lorsque des hommes viendraient à manquer par mort, congé, etc ..." (Correspondance générale, t.4, lettre 7447).

Situation en Mars 1803 (côte SHDT : usuel-180303)

Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Chef de Brigade - Infanterie
CRETIN 4e Chef de Bataillon ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Nancy - 4e division militaire
2e bataillon à Nancy - 4e division militaire
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Gros à Nancy - 4e division militaire

A cette époque, entre dans la 4e de Ligne le futur général Pouget : "... Je reçus inopinément l'ordre d'aller rejoindre la 61e demi-brigade de ligne. Ce fut pour moi un si grand désappointement que je partis aussitôt pour Paris et me précipitai dans les bureaux de la guerre pour sommer le chef de division d'infanterie de me tenir sa parole. Il me reçut très amicalement, et, au bout de quatre jours, je revins à Nancy nanti de ma lettre de service à la 4e demi-brigade. J'en fis part au colonel, qui m'en témoigna sa satisfaction.
Ce corps était fort bien composé en officiers. Ces messieurs étaient généralement aussi distingués dans le monde que d'une belle tenue militaire
" ("Souvenirs de guerre du Général Baron Pouget", publiés par Mme de Boideffre née Pouget, Paris, Librairie Plon, 1895).

Le 19 avril 1803 (29 Germinal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Sarrelibre : "Inspection de l’an 11 dans les 2e et 4e Divisions
Le Général de Division, Inspecteur général d’infanterie, aux Chefs des 4e, 12e, 14e, 56e, 72e et 111e Demi-brigades de ligne, 25e, 26e, et 31e Demi-brigades d’infanterie légère.
Le Ministre de la Guerre vous a sans doute donné avis, citoyens chefs, que la demi-brigade que vous commandez fait partie de l’arrondissement dont l’inspection m’est confiée. Je vous adresse en conséquence trois livrets de revue avec les états y annexés ainsi que les contrôles nominatifs des officiers. Vous observerez que la situation sommaire ne doit être établie qu’après mon arrivée au corps et lorsque j’en aurai passé la revue.
L’état n°2 qui est le contrôle nominatif des officiers pourra être rempli dans son entier jusqu’à la colonne des observations qui me regarde particulièrement ; vous remarquerez que la colone du détail des services n’est destinée qu’aux officiers promus et admis dans le corps depuis la dernière revue ; cet état devra être signé par vous, les chefs de bataillon et le quartier maître.
Nota : On classera dans cet état les officiers présents ou absents dans l’ordre ci-après :
1° les officiers de l’état-major, y compris le chirurgien-major.
2° les capitaines, lieutenants et sous-lieutenants suivant leur ancienneté de grade.
L’état n°2 bis contiendra les lieutenants et sous-lieutenants susceptibles d’obtenir la gratification accordée par l’arrêté du 14 Ventôse an 11 ; il restera en blanc et vous le ferez dresser sur papier libre jusqu’à ce que j’aie statué sur vos propositions.
L’état n°3 du livret général pourra être rempli dans son entier.
Le n°4 jusqu’au détail des services, en ayant soin de le remplir conformément à l’article 48 de l’arrêté du 9 Vendémiaire an 11. Et de ne proposer pour la Garde des Consuls que les hommes qui auront les conditions et les qualités voulues par ledit arrêté.
Les n°5, 6 et 7 pourront être remplis jusqu’à la colonne d’observation.
Les états n°8, 9, 10, 11 et 12 resteront en blanc. Jusqu’après la revue et jusqu’à ce que j’aie statué sur ceux qui me seront présentés pour la réforme, la retraite, les vétérans nationaux et les Invalides.
Vous remarquerez à cet égard, de ne présenter pour la réforme que les hommes absolument incapables de servir et pour des infirmités non provenant des évènements de la guerre ; à l’appui de l’état que vous en ferez dresser sur papier libre devant être les certificats du chirurgien major de la demi-brigade bien motivés et visés par le conseil d’administration.
Aucun homme ne sera réformé faute de taille ; il en sera dressé un état séparé sur papier libre et conforme au n°8 bis ; dans cet état seront compris aussi les hommes qui seraient dans le cas de passer à d’autres corps.
L’état n°9 comprendra les individus d’une conduite constamment répréhensible et que les punitions de la discipline ordinaire ne peuvent corriger. Cet état sera aussi sur papier libre, ainsi que tous ceux que j’indique devoir rester en blanc, jusqu’à mon arrivée à la demi-brigade.
Il est très important de distinguer soigneusement les trois classes de militaires qui sont dans le cas des états n°10, 11 et 12. Il ne faut pas que ceux qui n’étant que légèrement blessés, pourraient être encore utilement employés dans l’intérieur, soient proposés pour des récompenses qui ne sont dues qu’aux hommes que des blessures graves mettent hors d’état de rester aux drapeaux et de pourvoir à leur subsistance.
Les pièces à l’appui des désignés ci-contre sont pour chaque hommes les certificats bien motivés du chirurgien major sur les blessures, les causes des blessures et leur suite avec les mémoires de proposition en double expédition conformes au modèle.
Vous vous conformerez donc pour la proposition des hommes à admettre à la solde de retraite, aux vétérans et aux Invalides, aux dispositions de la loi du 28 Frimaire an 7, la lettre du Ministre du 25 Frimaire an 9 et l’arrêté du 4 Germinal an 8 sur les vétérans, pour remplir ponctuellement les intentions du gouvernement et suivre les dispositions que je vous prescris ; vous passerez, citoyens chefs, la revue préliminaire de votre demi-brigade quelques jours avant la revue d’inspection. Vous recevrez de chaque capitaine le contrôle et les états de sa compagnie, et vous en vérifierez les détails ; d’après cette vérification, vous ferez établir un livret préliminaire sur papier libre dans lequel vous comprendrez tous les états que je vous demande. Vous me présenterez à mon arrivé ce livret préliminaire avec les contrôles des compagnies qui devront être rédigés avec clarté et précision et contenir toutes les mutations en perte et en gain survenues depuis la dernière revue d’inspection. Ces contrôles serviront à vérifier et à établir la situation sommaire de votre demi-brigade à l’époque de ma revue.
Les états n°15, 16, 17, 18 et 19 du livret servant à constater plus particulièrement l’administration, la comptabilité et la tenue de la demi-brigade seront établis comme les précités sur papier libre et ne seront transcrits comme eux sur les livrets que je vous adresse qu’après que j’en aurais reconnu l’exactitude.
L’inspection générale des corps ayant pour but de faire connaître au gouvernement les abus qui peuvent exister, les améliorations à faire, de lui rendre compte de l’instruction, de la discipline, de la tenue, de l’habillement, armement, équipement, administration et comptabilité, vous donnerez connaissance de la présente au conseil d’administration de la demi-brigade et vous me mettrez à même de faire un rapport satisfaisant au gouvernement de l’administration et gestion de votre corps.
Je vous annoncerai par une lettre subséquente le jour que je passerai la revue de votre demi-brigade.
Ps. Ci-joint la note des états et livrets de revue que je joins à la présente
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 105 page 223).

Le 21 avril 1803 (1er Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Sarrelibre, au Général de Division Gilot, commandant la 4e Division militaire : "Je vous préviens, citoyen général, qu’en suite des dispositions arrêtées par le gouvernement, le Ministre m’a désigné pour inspecter les troupes d’infanterie stationnées dans les 2e et 4e divisions militaires. Je vous envoie ci-joint copie de mes lettres de service et vous prie de les faire mettre à l’ordre de la division que vous commandez. J’ai adressé aux chefs des 4e, 56e, 72e de ligne et 9e de vétérans stationnées dans votre commandement les livrets de revue et instructions nécessaires à la préparation des états et autres matériaux que je leur indique.
Je compte me rendre à Phalsbourg du 15 au 18 de ce mois et y passer l’inspection de la 56e ; l’examen de tous les objets relatifs à ma mission m’y arrêtera jusque vers la fin du moins ; époque à laquelle je me rendrai à Nancy pour y continuer mes opérations.
Vous m’obligerez, général, de me donner en attendant que je puisse avoir l’avantage de vous voir, les renseignements que vous avez été à même d’acquérir sur la discipline, la tenue, l’instruction et la moralité de chacune de ces demi-brigades depuis qu’elles sont sous vos ordres.
Veuillez me faire connaitre aussi l’emplacement des détachements s’il en existe et me tenir au courant des mouvements que l’une ou l’autre de ces demi-brigades pourrait faire en suite des ordres du gouvernement
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 108 page 230).

Le 21 avril 1803 (1er Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Sarrelibre, au Ministre directeur de la Guerre : "J’ai l’honneur de vous prévenir, citoyen Ministre, que je commencerai l’inspection qui m’est confiée par la 56e demi-brigade en garnison à Phalsbourg. Je compte en passer la revue du 15 au 20 de ce mois et vous adresser après sa cloture tous les états ayant rapport à l’administration de la guerre.
Je continuerai mes opération pendant le mois de Prairial à Nancy, où je vous prie de m’adresser les ordres que vous aurez à me donner.
Lorsque j’aurai terminé dans la 4e division militaire, je vous ferai connaître l’itinéraire que je tiendrai dans la 2e.
Notice des livrets et états envoyés aux 4e, 12e, 14e, 56e, 72e, 111e de ligne, 25e, 26e et 31e légère, ainsi qu’aux 6e et 9e demi-brigades de vétérans pour servir à la revue d’inspection de l’an 11. Envoi du 29 Germinal.
3 exemplaires du livret général de revue avec états annexés.
1 du livret du matériel
1 duplicata de l’état n°1.
3 cahiers de l’état n°2
1 duplicata n°4*
1 duplicata n°5*
1 duplicata n°6*
1 duplicata n°10
1 duplicata n°11
1 duplicata n°12*
2 duplicatas n°15
1 duplicata n°16
1 duplicata n°17
1 duplicata n°18
1 duplicata n°19
3 exemplaires du n°2bis*}
1 exemplaire du n°8 bis*} ils ne font pas partie du livret général de la revue
Les livrets de revue et autre états désignés ci-dessus seront soigneusement conservés et resteron en blanc jusqu’à l’arrivée de l’inspecteur général, à l’exception de ceux qu’il a par son instruction aux chefs de corps indiqué pouvoir être remplis.
Nota : tous les états marqués d’une étoile ne faisant pas partie de la revue des demi-brigades de vétérans ne leurs ont pas été adressés
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 233).

Le 1er mai 1803 (11 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit au Ministre de la Guerre : Par ma lettre du 30 Germinal dernier, j’ai eu l’honneur de vous prévenir, citoyen Ministre, que je me proposai de commencer ma tournée d’inspection par la 56e demi-brigade stationnée à Phalsbourg et que je comptais m’y rendre du 12 au 15 de ce mois ; mais j’apprends à l’instant par le général commandant la 4e division militaire, que j’avais prévenu de cette disposition, que la 56e demi-brigade n’était pas encore arrivée à Phalsbourg, et qu’elle ne devait y être rendue que le 6 Prairial prochain, quoique sur l’état d’emplacement que vous m’avez adressé, elle soit porté comme y tenant garnison. Cette circonstance m’oblige de changer mon itinéraire. Je vous préviens en conséquence, citoyen Ministre, que je serai le 20 de ce mois à Nancy, et que je commencerai mon inspection par la 4e demi-brigade de ligne afin de laisser à la 56e le temps de s’établir et de préparer les matériaux nécessaires à sa revue" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 111 page 235).

Le même 1er mai 1803 (11 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit au Général Gilot, commandant la 4e Division militaire : "L’état d’emplacement des troupes stationnées dans la 4e division militaire, que m’a adressé le Ministre de la Guerre, m’annonçait la 56e demi-brigade en garnison à Phalsbourg et je ne devais pas présumer que ce corps était encore en route ; je vous remercie général de l’avis que vous m’en donnez par votre lettre du 7, ainsi que du changement qu’a éprouvé l’état major de la 9e demi-brigade de vétérans.
Par suite de ces circonstances, je suis obligé de changer mon itinéraire, je vous préviens en conséquence que je me rendrai le 21, ou le 22 de ce mois, à Nancy pour commencer mon inspection par la 4e demi-brigade de ligne. J’en donne avis au chef de cette demi-brigade afin qu’il soit en mesure de passer sa revue préliminaire
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 112 page 236).

Toujours le 1er mai 1803 (11 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit ensuite au Chef de la 4e Demi-brigade de ligne : "Je vous donne avis, citoyen chef, qu’ensuite de nouvelles dispositions, j’arriverai le 21, ou le 22, de ce mois à Nancy, et que mon intention est de passer la revue de votre demi-brigade le 25 ; veuillez tout disposer en conséquence.
Je ne prononcerai sur les questions que vous me faites par votre lettre du 7, que lors de mon arrivée à Nancy ; mais comme vos premiers états seront sur papier libre, rien ne vous empêche de classer les hommes qui seront dans le cas de la retraite, de l’admission aux vétérans et aux invalides, selon celui dans lequel ils se trouvent, en joignant vos observations à chacuns.
L’inspection de ces hommes, la durée de leur service, les campagnes qu’ils auront faites, la nature de leurs blessures et leur conduite seront mes régulateurs dans les solutions que je donnerai. L’intention du gouvernement n’est pas de conserver dans les corps des hommes inutiles et qui n’auront rendu aucun service ; si donc il se trouve des conscrits impropres au service militaire, ils doivent être présentés pour la réforme simple
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 112 page 236).

Le 14 mai 1803 (24 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Chef de la 4e Demi-brigade : "Comme je vous l’ai annoncé, citoyen chef, je verrai ce matin à 10 heures les hommes proposés pour la réforme simple ; à l’appui de l’état que vous m’en présenterez, devront être les certificats des chirurgiens majors du corps, qui devront, ainsi ques les commandants des compagnies, se réunir au lieu où se trouveront les hommes à réformer, afin de pouvoir donner sur les individus tous les renseignements que je serai dans le cas de demander.
Veuillez, au moment où les hommes seront réunis, m’envoyer quelqu’un pour me conduire au lieu du rassemblement
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 112 page 237).

Le même 14 mai 1803 (24 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit encore, depuis Nancy, au Chef de la 4e Demi-brigade : "Veuillez, citoyen cher, faire mettre à l’ordre de votre demi-brigade que pendant mon séjour près d’elle, je recevrai tous les jours depuis 10 heures du matin jusqu’à 11 les réclamations que les officiers, sous-officiers et soldats pourraient former relativement à leur grade, à leur rang ou à tout objet, pourvu que ces réclamations me soient présentées dans la hierarchie et que chacune d’elle porte par écrit votre avis et celui du conseil d’administration" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 238).

Le 14 mai 1803 (24 Floréal an 11) encore, le Général de Division Grenier note : "Donné avis au général Gillot que je passerai le 25 la revue de la 4e demi-brigade d’infanterie" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 238).

Puis, toujours le 14 mai 1803 (24 Floréal an 11), le Général de Division Grenier note également : "Donné avis au commandant d’armes à Nancy que je passerai le 25 Floréal la revue de la 4e avec invitation de faire relever ce soir les postes de cette demi-brigade par la 72e, afin qu’elle n’ait que sa garde de police de service" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 238).

Le 15 mai 1803 (25 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Chef de la 4e Demi-brigade : "La troupe paraitra à la revue sans sacs ; les hommes sans armes, enfants de troupe et autres impropres à être dans le rang seront placés à la gauche de leur bataillon ; après que j’aurais passé devant le front de la demi-brigade, les compagnies rompront à droite et on ouvrira les rangs ; aussitôt les hommes placés à la gauche du bataillon rentreront dans leurs compagnies et aux places qu’ils occupent dans le contrôle ; les officiers, sous-officiers et tambours seront à la droite. La revue a 10 heure ½.
J’ai reçu, citoyen chef, les notes que vous m’avez adressées ; je vous en remercie
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 238).

Le même 15 mai 1803 (25 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit encore, depuis Nancy, au Chef de la 4e Demi-brigade : "Demain 26, à neuf heures du matin, je verrai, citoyen chef, les hommes à proposer pour la solde de retraite, les invalides et les vétérans ; les hommes de recrue de l’an 9 et l’an 10 admis depuis la dernière revue ; ces conscrits seront placés séparément par année ; les enrôlés volontaires.
Ceux admis à la haute paye en exécution de l’arrêté des consuls du 3 Thermidor an 10.
Les enfants de troupe et les hommes destinés à passer dans la Garde des Consuls.
Ces différentes inspections terminées, vous ferez rassembler l’école de peloton. Tous les officiers, sous-officiers et caporaux devront se trouver à cette réunion
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 239).

Encore le 15 mai 1803 (25 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, aux Chefs des trois Bataillons de la 4e Demi-brigade : "Chargé par le gouvernement de lui faire connaitre la moralité et le degré d’instruction des officiers des corps dont l’inspection m’est confiée, j’ai besoin, citoyens commandants, de m’entourer de l’opinion des chefs qui font corps avec eux, qui suivent toutes leurs démarches, et sous les rapports ont avec eux des relations relatives à l’ordre, la subordination, la discipline, la tenue et la moralité. Je vous invite donc à me présenter d’ici les 24 heures, l’état nominatif des officies des bataillons que vous commandez et à me donner sur chacun d’eux les renseignements qui devront me mettre à même de les … au gouvernement.
Cette lettre étant confidentielle, le chef de brigade seul pourra en avoir connaissance ainsi que de l’état signé que vous me remettrez
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 239).

Enfin, encore le 15 mai 1803 (25 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Chef de la 4e Demi-brigade : "Désirant, citoyen chef, m’assurer jusqu’à quel point les chefs de bataillon de votre demi-brigade connaissent les officiers des bataillons qu’ils commandent, je les invite par la lettre ci-incluse de me donner des renseignements sur la moralité, l’instruction et la tenue de chacun d’eux. Je désire et je crois que leur opinion coincidera parfaitement avec la votre ; j’aurai la double preuve du bon esprit qui règne dans la demi-brigade que vous commandez et vous acquèrerez de nouveaux droits à la confiance du gouvernement que vous avez si justement mérité.
Lorsque vous aurez pris connaissance des lettres que j’adresse aux chefs de bataillons de votre demi-brigade, je vous prie de les cacheter et les leur envoyer
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 114 page 240).

"Réclamation des capitaines Prévost Saint-Cyr, et Cazeneuve.
Le citoyen Prévost Saint-Cyr demande que son ancienneté de service lui soit compté depuis le 13 novembre 1791, jour de sa nomination au grade d’officier dans une compagnie.
Le citoyen Cazeneuve demande que l’ancienneté du citoyen Prévost Saint-Cyr ne date que depuis le 8 mars 1792, jour de la formation de ces compagnies en bataillon.
L’objet de cette réclamation ayant été soumis au Ministre de la guerre, on attendra sa décision ; mais l’ancienneté de grade des deux capitaines réclamants ne devant dater que du jour de la formation du bataillon, le capitaine Cazeneuve conservera provisoirement et jusqu’à la décision du Ministre, la préséance du rang à laquelle lui donne droit son ancienneté d’âge.
Le grenadier Molard réclame le payement d’une somme de 182 fr 50 c qui lui est dûe pour le temps qu’il a servi dans le train d’artillerie.
L’inspecteur général d’infanterie invite le conseil d’administration de la 4e demi-brigade de ligne à presser et à suivre près de qui de droit le payement des sommes dûes au grenadier Molard, en adressant au Ministre de la Guerre copie des pièces qui constatent sa créance.
Réclamation du citoyen Duvaldreux, lieutenant à la 4e demi-brigade
Ayant servi dans les colonies, demande à passer dans les troupes qui y sont employées.
L’inspecteur général d’infanterie prie le Ministre de la Guere de faire droit à la demande du citoyen Duvaldreux dont le départ ne pourrait nuire au bien du service.
Réclamation du citoyen Brousouve, caporal dans la 4e demi-brigade.
Etant au service depuis le 8 mars 91, il demande, en vertu de l’arrêté des Consuls, à obtenir son congé absolu.
A porter sur l’état des congés absolus, si son ancienneté de service lui donne des droits à l’obtention.
Réclamation du citoyen Naudin, caporal dans la 4e.
Ayant fait neuf campagnes dans la 53e demi-brigade de ligne, et n’ayant quitté ce corps, après avoir été quelques temps à l’hôpital, qu’avec un congé du général de division Gillot, le réclamant demande que son ancienneté de service lui soit comptée et désirerait obtenir son congé absolu.
Si les services du citoyen Naudin sont bien constatés, comme il appert par les pièces si-jointes, l’interruption de ses services ne peut lui ôter l’ancienneté qu’il réclame, puisque cette interruption doit être motivée et garantie par un congé d’amnistie qui lui a été retiré ; il sera en conséquence placé à son rang d’ancienneté dans les matricules.
Réclamation du citoyen Baillaria, grenadier dans la 4e.
Etant au service depuis 91 et ayant été blessé à la guerre, l’exposant désirerait son congé.
Sera porté sur l’état des hommes qui ont droit à l’obtention des congés absolus.
Réclamation du citoyen Larrue, caporal de la 4e
Ayant des droits aux congés absolus par son ancienneté, l’exposant souhaiterait obtenir le sien.
Si le caporal Larue a fait son service depuis sont entrée au corps, il datera pour prendre rang parmi ceux qui ont droit à l’obtention des congés absolus, de l’âge de seize ans.
Réclamation du citoyen Baudin, soldat dans la 4e
L’exposant, ayant un frère dans la 107e, demande à passer dans ce corps.
A porter s’il y a lieu sur l’état des hommes à passer dans d’autres corps.
Réclamation du citoyen Droucha, soldat dans la 4e
L’Exposant, étant d’une petite taille, demande à être réformé.
Ne peut être réformé.
Réclamations des citoyens Testu et Cavalier, grenadiers dans la 4e
Ces deux militaires, ayant une très faible santé, par suite des blessures qu’ils ont reçues à la guerre, et ayant des moyens d’existances chez leurs parents, demandent à être réformés.
Le motif de la réforme des deux grenadiers dénommés ci-contre leur étant honorable et la suite de leurs actions à la guerre, ils resteront à la demi-brigade jusqu’à la délivrance des premiers congés absolus ; et ils prendront rang parmi ceux qui y auront droit quand bien même leur ancienneté de service ne les y porterait pas.
Réclamation du citoyen Blanc, lieutenant dans la 4e
Cet officier, ayant donné sa démission après trois années de service et étant rentré en activité lorsque des officiers démissionnaires ont été invités à reprendre du service, demande si ses trois années ne doivent pas lui comter pour son ancienneté.
La démission du citoyen Blanc, lieutenant, en date du 30 Ventôse an 4, ayant été volontaire, et ayant eu par suite une interruption de service de 3 ans, il ne peut reprendre son rang que du jour où il a été admis à reprendre du service.
Réclamation du citoyen Pouget, chef de bataillon à la suite de la 4e demi-brigade.
La place de chef du 2e bataillon de la 4e étant vacante par la promotion au grade de chef de brigade du citoyen Cassan qui l’occupait, l’exposant demande, en vertu de l’arrêté du 19 Frimaire an 10, le commandement de ce bataillon.
Vu la lettre du citoyen Pouget, chef de bataillon à la suite de la 4e demi-brigade de ligne ; vu encore l’arrêté du 19 Frimaire an 10 qui place en activité à la suite des corps les chefs de brigade et de bataillon pour être pourvus des 1ers emplois vacants, la demande du citoyen Pouget sera présentée au Ministre de la Guerre par l’inspecteur général, et le conseil d’administration adressera de suite ce à ce Ministre un mémoire de proposition en sa faveur. L’inspecteur général d’infanterie ordonne provisoirement que le chef de bataillon Pouget prendra le commandement du 2e bataillon, vacant par la promotion du citoyen Cassan au grade de chef de brigade de la 110e
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 114 page 240).

Le 20 mai 1803 (30 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre : "J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint, deux demandes, l’une du citoyen Gros, chef de bataillon, l’autre du citoyen Donna, capitaine à la 4e demi-brigade de ligne, pour être admis dans la légion d’honneur. J’ai crû, citoyen Ministre, ne pas devoir refuser de vous les présenter ; les certificats qui constatent les actions d’éclat de ces militaires sont à l’appui de chacune d’elles" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 117 page 246).

Le même 20 mai 1803 (30 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit encore, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre : "J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint, citoyen Ministre, la démission de l’emploi de sous-lieutenant à la 4e demi-brigade présentée par le citoyen Charpin. Les motifs qui déterminent cet officier à donner sa démission ne lui font pas honneur ; je les ai établis en marge de sa démission à laquelle je joins la lettre que m’a adressé le chef de brigade en me l’envoyant. J’ai fait à cet officier toutes les représentations que le cas exigeait, mais en vain ; je vous prie de l’accepter" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 117 page 246).

Toujours le 20 mai 1803 (30 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit aussi, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre : "J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint, citoyen Ministre, une réclamation que m’a adressée le citoyen Pouget, chef de bataillon à la suite de la 4e de ligne ; cette réclamation est fondée sur la justice de ses droits et sur l’exécution de l’arrêté des Consuls du 15 Frimaire an 10 ; veuillez la prendre en considération et demander au gouvernement que le chef de bataillon Poget soit définitivement nommé au 2e bataillon vacant dans cette demi-brigade par la promotion du chef de bataillon Cassan au grade de chef de brigade dans la 110e ; les talents et les connaissances militaires de cet officier le rendent dignes de cette faveur et de l’attention du gouvernement" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 117 page 246).

Encore le 20 mai 1803 (30 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre : "Conformément à votre lettre du 19 Germinal dernier, j’ai l’honneur de vous adresser, citoyen Ministre, le procés verbal de désignation des candidats propres pour être membres du nouveau conseil d’administration qui doit être établi à dater du 1er Vendémiaire an 12, conformément à l’arrêté des Consuls du 15 Germinal dans la 4e demi-brigade de ligne.
J’ai joint mon avis à ce procès verbal, ensuite des dispositions voulues par l’art. 6 de l’arrêté précité
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 117 page 247).

Enfin, encore le 20 mai 1803 (30 Floréal an 11), le Général de Division Grenier écrit une dernière fois, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre : "Vous avez demandé, citoyen Ministre, par lettre du 3 Vendémiaire dernier, au conseil d’administration de la 4e de ligne, l’état des services, lieux de naissance, etc. de huit militaires qui seraient jugés les plus méritants et les plus dignes d’obtenir des distinctions d’honneur en sus de celles que le corps a déjà reçues ; le conseil d’administration s’est empressé de vous adresser cet état et m’en a présenté le double lors de ma revue d’inspection, en m’invitant de vous l’envoyer derechef ; j’ai crû devoir déférer à sa demande et le joins à la présente" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 118 page 248).

Le 26 mai 1803 (6 Prairial an 11), le Général Grenier écrit, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre, Bureau du personnel des Officiers : "J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint l’état des services du citoyen Ratelot, sergent de grenadiers à la 4e demi-brigade de ligne ; ce sous-officier est parent du chef de cette demi-brigade qui sous tous les rapports mérite la bienveillance du gouvernement ; il n’a pas voulu, par délicatesse, faire porter se sous-officier sur l’état des quatre désignés comme susceptibles d’avancement. Cependant ce jeune homme y a des droits par sa bonne conduite et ses connaissances ; veuilles, citoyen Ministre, vous intéresser à lui et demander qu’il soit nommé à la sous-lieutenance vacante à cette demi-brigade par la promotion du citoyen Dupin au grade de lieutenant. Le chef de brigade Candras recevra par cette faveur une nouvelle preuve de la bienveillance du gouvernement" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 118 page 248).

Le 26 mai 1803 (6 Prairial an 11) encore, le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Ministre de la Guerre, Bureau de l’Inspection : "J’ai l’honneur de vous adresser de vous adresser le livret général et tous les états relatifs à la revue d’inspection de la 4e demi-brigade de ligne que j’ai passée le 25 Floréal dernier.
L’effectif de cette demi-brigade reste à 1662 hommes, desquels il faut encore défalquer ceux proposés pour la solde de retraite, les vétérans 64 L’effectif restera à 1598.
Et le manque au complet sera de 363.
Les officiers de santé qui, ensuite de l’arrêté du 20 Vendémiaire an 4, devaient être supprimés, sont encore au corps, parce qu’ils doivent toucher leur solde d’activité jusqu’au 1er Vendémiaire an 12 et que les inspecteurs aux revues continuent de les comprendre dans leurs revues.
J’ai réformé 150 hommes dans cette demi-brigade ; vous serez sans doute étonné d’en voir un aussi grand nombre, mais vous devez croire que j’ai mis dans cette opération toute la rigidité possible ; dans le nombre de ces réformés se trouvent 43 hommes amnistiés et qui avaient déjà des congés provisoires, 5 conscrits des années 9 et 10 et 102 anciens soldats ; parmi ces derniers, les deux tiers au moins auraient droit à la solde de retraite, puisque leurs infirmités sont des suites de blessures, des bivouacs ou des fatigues de la guerre ; la majeure partie d’entre eux n’était pas à la dernière revue ; les uns étaient au semestre, les autres aux hôpitaux, et depuis leur rentrée, ils ne faisaient aucun service et étaient à la charge de la demi-brigade.
Je propose pour la retraitre 18 individus dont 4 officiers, et 14 sous-officiers et soldats ; et enfin, 50 hommes que j’ai jugés admissibles aux vétérans nationaux, vous trouverez les pièces à l’appui des états.
Je crois avoir rempli vos intentions relativement aux notes à donner aux officiers et vous pouvez compter sur leur véracité ; j’ai fait tout ce ce que je devais pour ne pas vous induire en erreur ; ceux portés à l’état n°2 bis m’ont paru susceptibles d’obtenir la gratification déterminée par l’arrêté des Consuls du 14 Ventôse dernier.
Par le résumé de la revue et l’ordre que j’ai laissé à la 4e demi-brigade, j’entre, citoyen Ministre, dans tous les détails qui peuvent vous faire connaitre l’ensemble de cette demi-brigade, tant sous les rapports de l’instruction, tenue et discipline, que ceux d’administration, habillement, équipement.
J’ai été très content de la tenue des conscrits ; j’ai vu leurs sacs ; ils sont munis de tous les effets que la loi leur accorde et ils sont traités avec beaucoup de douceur.
J’ai reconnu que les 4# 10 s. que laissaient les travailleurs pour leur service, n’étaient pas suffisants, surtout à une époque où tout est augmenté, et lorsque le prix de leurs journées de travail est beaucoup plus fort qu’il n’était autrefois ; je pense donc que l’on pourrait sans inconvénient augmenter la retenue à faire dans les proportions suivantes : 5 francs aux travailleurs des ateliers du corps et 6 francs à ceux qui travaillent en ville ou à la campagne, outre les deniers qu’ils mettent à l’ordinaire pour l’exemption des corvées de cuisine. Je me réserve d’entrer dans de plus grands détails sur cette partie dans le rapport général que j’aurai l’honneur de vous présenter à la fin de mon inspection ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 118 page 249).

Le même 26 mai 1803 (6 Prairial an 11), le Général de Division Grenier adresse, depuis Nancy, au Bureau de l’Inspection : "Notice des livrets et états relatifs à la revue d’inspection de la 4e demi-brigade de ligne, adressée au Ministre de la Guerre
Le livret général de la revue.
L’état nominatif des officiers, double n°2
L’état double du n°2bis
Une expédition de l’état 4
Id 5
Id 6
Id une pièce à l’appui 10
Id id 12
Une expédition de l’état n°15
Id 19
Id 8 bis
Objets accessoires à la revue
1e le procés verbal de désignation des candidats proposés pour être membres du conseil d’adminitration au 1er Ventôse an 12
2e état des militaires susceptibles d’obtenir des distinctions d’honneur, demandé par le Ministre de la Guerre.
3e réclamation du chef de bataillon Pouget.
4e démission du sous-lieutenant Charpin.
5e lettre au Ministre de la Guerre, en faveur du sergent Rathelot.
6e demande du chef de bataillon Gros et du capitaine Donna
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 119 page 251).

Le 26 mai 1803 (6 Prairial an 11), le Général Grenier écrit aussi, depuis Nancy, au Ministre directeur de l’Administration de la Guerre : "J’ai l’honneur de vous adresser, citoyen Ministre, le livret d’inspection du matériel et les état n°15, 16, 17 et 18 relatifs à la revue de la 4e demi-brigade de ligne, que j’ai passée le 25 Floréal dernier.
J’ai trouvé cette demi-brigade fort bien tenue et administrée avec beaucoup de soins ; le résumé de ma revue et les ordres que j’ai laissés à la demi-brigade vous feront connaitre l’ensemble de toutes les parties du service ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 119 page 251).

Le 29 mai 1803 (9 Prairial an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Chef de la 4e Demi-brigade de ligne : "Je vous adresse ci-joint, citoyen chef, le livret général de revue d’inspection de votre demi-brigade, passée le 25 du mois dernier. Le travail est entièrement terminé et j’ai lieu d’être satisfait du résultat qu’il présente.
Je ferai connaitre au gouvernement l’ensemble qui règne dans toutes les parties du service, les soins que vous y avez donné et le bon esprit qui existe dans votre corps ; je ne doute pas qu’il ne vous en témoigne bientôt sa satisfaction.
L’instruction des recrues ayant plus particulièrement pesé sur l’adjudant major Guy, et quelques sous-officiers de votre demi-brigade, je désire qu’il leur soit alloué une gratification qui sera prise sur les économies particulières qui existent dans le corps ; cette gratification pourra être accordée dans les proportions suivantes :
A l’adjudant-major Guy 400
Aux quatre sous-officiers qui auront mis le plus de zèle à l’instruction des recrues à raison de 50 frs 200.
Cette disposition n’aura cependant lieu qu’autant que vos économies la supportent ; de pareilles dépenses ne devant dans aucun cas se faire sur le compte de la masse générale.
Je vous adresse en même temps les mémoires de propositions qui doivent rester au corps ainsi que le livret de revue d’inspection de la demi-brigade de l’an 10
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 120 page 252).

Le 27 mai 1803 (7 Prairial an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, à l’Inspecteur aux Revues de la 4e Division militaire : "Je vous envoie, ci-joint, citoyen inspecteur, l’état des hommes de la 4e demi-brigade, réformés dans la revue d’inspection.
Vu le procès verbal de la 4e demi-brigade d’infanterie de ligne qui désigne huit capitaines choisis comme candidats pour le conseil d’administration, deux pour remplacer et seconder le chef de bataillon chargé de tenir les contrôles, deux lieutenants ou sous-lieutenants pour remplacer et seconder le quartier maître et enfin les quatre sous-officiers les plus dignes d’être membres du conseil et suppléants ; tous choisis conformément à l’art. 3 de l’arrêté des Consuls du 15 Germinal an 11, relatif à l’organisation des conseils d’administrationà compter du 1er Vendémiaire an 12, l’inspecteur général estime que tous les officiers et sous-officiers désignés dans le dit procés verbal, sont propres aux fonctions pour lesquelles ils ont été présentés comme candidats. Il doit cependant observer que les capitaines Saint-Cyr, Chavanne et Darquier méritent plus particulièrement l’attention du Ministre de la Guerre sous le rapport des connaissances administratives
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 116 page 245).

Le 1er juin 1803 (12 Prairial an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Nancy, au Général de Division Gillot, commandant la 4e Division militaire : "Je vous préviens, mon cher général, que j’ai entièrement terminé mes opérations avec les 4e et 72e demi-brigades.
Je vous annonce avec plaisir que j’ai sous plusieurs rapports été satisfait de ces deux corps ; vous jugerez de l’ensemble de chacun d’eux par les ordres que j’ai laissés aux conseils d’administration et dont copie doit vous être adressée par les soins des chefs de brigade. Vous m’avez, mon cher général, beaucoup secondé dans ce travail tant en fixant mon opinion sur les connaissances et moralité des officiers, qu’en me faisant connaitre les parties faibles de l’instruction et de l’administration ; vous avez servi le gouvernement et vous m’avez particulièrement obligé.
J’attends de votre amitié que vous exigiez des deux demi-brigades l’exécution ponctuelle des ordres que je leur ai laissés ; je dois vous dire confidentiellement qu’elles doivent être surveillées, surtout la 72e, dans la distribution du bois ; j’ai de fortes raisons pour croire que jusqu’à présent, le soldat n’a pas eu son compte ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 124 page 260).

Le 9 juin 1803 (20 Prairial an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Phalsbourg, au Ministre de la Guerre, Bureau de l’Inspection, Opérations militaires : "J’ai reçu, citoyen Ministre, la lettre du 8 de ce mois, par laquelle vous appelez mon attention particulière sur la conservation, l’entretien et la réparation des armes qui sont à la disposition des corps qui dépendent de l’inspection qui m’est confiée. Je ne négligerai pas cet objet important et je m’en suis déjà occupé dans les demi-brigades dont le travail de la revue est terminé.
Les armes existantes dans la 4e demi-brigade de ligne sont dans le meilleur état possible, et ce corps est, sous tous les rapports, parfaitement disponible ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 127 page 266).

En 1803, la 4e est dirigée sur le camp de Compiègne et reçoit, au mois de juin l'ordre de fournir deux Bataillons de 1000 hommes à l'armée d'Angleterre en cas d'embarquement.

Le 14 juin 1803 (25 prairial an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous renvoie, Citoyen Ministre, les projets que vous aviez rédigés pour le camp de Saint-Omer. Voici définitivement les bases auxquelles je me suis arrêté :
Six camps seront formés, lesquels, destinés à ne composer qu'une seule armée, seront commandés par six lieutenants généraux commandant en chef. Ils auront chacun un parc d'artillerie commandé par un général d'artillerie et par un colonel diiecteur du parc. Les six parcs seront tous soumis à un général commandant en chef l'artillerie et à un général de brigade directeur général des parcs des six camps. Chacun de ces camps aura un ordonnateur, lequel correspondra avec un ordonnateur en chef des six camps.
Ces six camps seront : un en Hollande, un à Gand, un à Saint-Omer, un à Compiègne, un à Saint-Malo, un à Bayonne ...
Pour le camp de Compiègne, les 9e et 24 légères; les 18e, 44e, 63e, 64e, 4e, 32e, 96e et 111e de ligne; le 3e régiment de hussards; le 10e de chasseurs; les 1er, 3e, 8e et 9e de dragons ...
Chacune des demi-brigades ci-dessus ne fournira que ses 1er et 2e bataillons, lesquels seront complétés à 1,000 hommes. Il est donc nécessaire que ces corps soient prévenus sur-le-champ que leurs deux premiers bataillons doivent marcher vers la fin de l'été, afin qu'ils activent l'instruction, l'habillement, etc ...
" (Correspondance de Napoléon, t.8, lettre 6814; Correspondance générale, t.4, lettre 7722).

A cette époque, la 4e est sous le commandement de Jacques Lazare Savetier de Candras.

Jacques Lazare Savetier de Candras

Né le 24 août 1768 ; Soldat au 7e Bataillon de Paris le 3 septembre 1792; Chef de Bataillon au 2e Bataillon des Alpes Maritimes le 27 mai 1793; Chef de Brigade le 11 mars 1800 ; Colonel en 1803 ; Général de Brigade le 13 avril 1804 ; Commandeur de la Légion d'Honneur le 14 juin 1804 ; Baron de l'Empire le 27 novembre 1808 ; tué le 28 novembre 1812 à la Bérézina.

Le 18 juillet 1803 (29 Messidor an 11), le Général de Division Grenier écrit, depuis Mézières, au Conseil d’administration de la 4e Demi-brigade de ligne : "Ci-joint, vous trouverez, citoyens, les 18 congés que vous m’avez adressés, revêtus de ma signature. Je vous observe qu’ils ne doivent être remis aux militaires qu’ils concernent que lorsque le ministre leur aura annoncé leur admission à la solde de retraite" (Papiers du Général Paul Grenier. XV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 138 page 289).

Le 28 août 1803 (10 fructidor an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous envoie, citoyen ministre, les dispositions que j'ai arrêtées pour l'organisation de quatre camps faisant partie des six qui vont être formés sur les côtes de l'Océan.
... Camp de Saint-Omer
Le général Soult commandant en chef le camp de Saint-Omer
... La 2e division sera commandée par le général de division Vandamme qui aura à ses ordres les généraux de brigade :
Roger-Valhubert,
Féry.
La 2e division sera composée des :
24e légère,
4e de ligne,
43e id
(note : passe ensuite à la 1ère, et remplacée par la 28e),
46e id,
57e id
Le ministre de la Guerre et celui de l'Administration de la guerre prendront sur-le-champ les mesures nécessaires pour qu'il soit établi deux camps en baraques à Boulogne, l'un sur la droite, l'autre sur la gauche du port ...
Le général Soult partira de Paris le 16 fructidor et établira son quartier général entre Saint-Omer et Boulogne ...
" (Correspondance générale, t.4, lettre 7972).

Le 3 septembre 1803 (16 fructidor an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie,Citoyen Ministre, de donner ordre à la 4e demi-brigade de ligne de former ses deux premiers bataillons à 800 hommes chacun, et de se rendre à Boulogne; le 3e bataillon restera à Nancy ...
Donnez ordre aux généraux Soult et Davout de partir, le 20, pour se rendre à leur quartier général.
Donnez ordre que l'on commence sur-le-champ, à Boulogne, à former les deux camps. A mesure qu'un corps sera campé, il jouira du traitement de campagne.
Donnez ordre à l'inspecteur en chef aux revues de faire passer la revue des deux bataillons de chaque corps destinés à faire partie des camps; ces revues seront passées au moment de leur arrivée au camp; et, sur cette revue, vous leur ferez payer leur gratification de campagne.
Ordonnez aussi qu'au moment où les troupes camperont on leur distribue des bidons portatifs ...
" (Correspondance de Napoléon, t.8, lettre 7066; Correspondance générale, t.4, lettre 7991).

Le Général Pouget raconte dans ses mémoires : "Nous reçûmes, le 3 août 1803, l'ordre de nous rendre à Boulogne pour y former le noyau d'un camp devenu célèbre" ("Souvenirs de guerre du Général Baron Pouget", publiés par Mme de Boideffre née Pouget, Paris, Librairie Plon, 1895 - N'est ce pas plutôt le 3 septembre ?).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Nous restâmes en garnison à Nancy jusqu’à la formation du camp de Boulogne où notre demi brigade fut le premier corps qui arriva au camp et de suite employée ; nous eûmes beaucoup à souffrir jusqu’après la construction de nos baraques ; nous étions campés au camp de gauche et notre division fut formée des 24ème léger, 4ème, 28ème, 46ème et 57ème de ligne ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Situation en Septembre 1803 (côte SHDT : usuel-180309)

Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Chef de Brigade - Infanterie
GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Boulogne - 16e division militaire
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Gros à Boulogne - 16e division militaire
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cretin à Nancy - 4e division militaire

D'après l'Etat militaire de l'an XII (1803-1804), le 4e de Ligne a ses 1er et 2e Bataillons à Boulogne (16e Division militaire) et le 3e à Nancy (4e Division militaire). Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :

- Etat major : Colonel Savetier-Candras; Major N; Chefs de Bataillon Arnaud, Gros, Guye; Quartier maître trésorier Lieutenant Géraud-Gaudonville; Adjudants major Capitaine Ragonnet, Capitaine Guye (N.), Lieutenant Castagnet; Chirurgiens majors Blondel, Gorse.
- Capitaines : Caseneuve, Forot, Calès, Roubaud, Darquier, Donna, Chavane, Boucaud, Baraige, Chatelain, Mercier, Montaudry, Alberny, Cochinard, Duthu, Uny (Jean françois), Teulle, Déville (Esprit), Lanes, Brissac, Sarrére, Dariérroy, Poitevin, Laurent, Labussière, Avieny.
- Lieutenants : Duvaldreux, Thomas (Jean), Dubeau, Desca, Dubercot, Bergeron, Patou, Peyssé, Descaseaux, Loyez, Saur, Julliet, Richard, Blanc, Sounié (Gabriel), Tollet, Boudet, François (Jean Baptiste), Dabezie, Vuillemain, Alary, Poujade, Dupin, Gaillard, Saunier (Bernard), Thibault, N.
- Sous lieutenants : Caucurte, Dufau, Claverie, Mazars, Jullié, Maury, Castie, Charpin, Lautré, Vignier, Laforgue, Fonrouge, Deperret, Delmas, Clavarel, Dupuy, Ribot, Jouvenel, Cassagne, Galabert, Sourda, Saudrais, Barange, Gourrat, Renard, Capuran, N.

c/ 4e de Ligne

L'arrêté du 1er vendémiaire an XII (24 septembre 1803) rétablit la dénomination de Régiment d'infanterie.

Le 26 septembre 1803 (3 vendémiaire an 12), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Il me semble que la 4e de ligne a déjà reçu l'ordre de sortir de Nancy et de se réunir vers le Nord, si elle ne l'avait pas reçu, ordonnez lui de compléter des deux premiers bataillons à 800 hommes chacun et de les diriger sur Boulogne ..." (Correspondance générale, t.4, lettre 8076).

Les deux Bataillons dirigés sur le camp de Boulogne fournissent des détachements sur la flottille de guerre que Bonaparte réunit sur les ports de la Manche. Rappelé au camp de Saint Omer, le 4e fait partie de la Division Vandamme, du 4e Corps (Soult).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... ici nous perdîmes le nom de demi brigade pour prendre celui de régiment ; nous étions 2ème division du corps d’armée du Maréchal Soult, une formidable armée ; je dis formidable parce que jamais on ne verra la pareille, tant pour sa discipline et sa tenue, que pour son instruction ; cette armée se réunit autour de la ville de Boulogne pour effectuer une descente en Angleterre ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 30 septembre 1803 (7 vendémiaire an 12), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Soult, Commandant au camp de Saint-Omer : "... La 4e de ligne doit, à l'heure qu'il est, être arrivée. Tout est en marche pour Saint-Omer et pour compléter vos divisions. Il faut actuellement, s'il n'y a pas d'inconvénient très-majeur, que les bateaux sortent tous les jours avec leur garnison et apprennent à nager et à faire l'exercice du canon. Vous devez avoir à Boulogne huit divisions et plusieurs compagnies des 5e et 1er régiments d'artillerie. Toutes les fois que vous ferez sortir les bateaux, mettez-y un bon pointeur et un autre canonnier. Vous devez avoir 1,000 canonniers de terre à Boulogne" (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7144; Correspondance générale, t.4, lettre 8092).

Le 6 octobre 1803 (13 vendémiaire an 12), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Soult, Commandant au camp de Saint-Omer : "... Toutes les fois que vous m'écrirez, envoyez-moi la situation des troupes de votre camp. La 4e doit être arrivée.
Faites-moi connaître le nombre de malades que vous avez eu, corps par corps, depuis le 1er fructidor jusqu'au 1er vendémiaire.
Il faut exercer les soldats à nager. Il faut donc que tous les jours, en se relevant toutes les trois heures, les soldats s'exercent sur les péniches et les bateaux canonniers, lorsqu'ils peuvent aller en rade, et, lorsqu'ils ne peuvent y aller, dans le port. Dès après-demain je commence à faire nager la Garde sur six péniches. Chaque détachement y restera deux heures, de manière qu'on exercera toute la Garde à pied chaque jour ...
Faites-moi connaître si la solde est au courant, et si ce qu'on distribue aux soldats est de bonne qualité
" (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7171; Correspondance générale, t.4, lettre 8118).

Le 8 octobre 1803 (15 vendémiaire an 12), Bonaparte promulgue depuis Saint-Cloud un Ordre du jour pour la flotille de Boulogne : "La 2e division, composée de la 24e légère, 4e, 43e, 46e et 57e de ligne, et de dix compagnies du 5e d'artillerie à pied, sera attachée à la flottille de chaloupes canonnières.
... Le 1er bataillon de la 4e de ligne sera attaché à la 3e section de la 1re division.
Le 2e bataillon de la 4e sera attaché à la 4e section de la 2e division.
... Chaque compagnie sera attachée à une chaloupe canonnière, et lui fournira perpétuellement 21 hommes de garnison.
... L'amiral attachera trois péniches ... à la 2e
(division), commandées chacune par un capitaine de frégate, et qui seront chargés d'exercer le soldat à la nage. On placera dans chaque péniche 64 hommes aux avirons et deux canonniers aux deux pièces. Les troupes s'exerceront à la nage par bataillon, et de manière que tous les jours chaque soldat y ait été exercé deux heures. Les trois premières leçons seront données dans le port; après quoi on ira en rade.
Toutes les fois que les chaloupes canonnières devront sortir du port et qu'un plus grand nombre de troupes sera jugé nécessaire, chaque compagnie fournira un renfort.
... On exercera les canonniers, pendant qu'ils manoeuvreront sur les chaloupes canonnières, bateaux canonniers et péniches, à tirer sur des tonneaux placés sur le rivage, et de manière que les boulets ne soient point perdus
" (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7182).

Fin octobre, le camp de la rive gauche est celui de la 2e Division (Vandamme, arrivé à Outreau depuis le 1er octobre), établi en, avant du moulin d'Outreau, entre le village de ce nom et la mer. Il se compose des 24e Léger, Tirailleurs du Pô, 4e, 57e, 28e, 46e, 22e, 70e, 75e de Ligne (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 107).

Le 29 novembre 1803 (7 frimaire an 12), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Il est inutile, citoyen ministre, de rien changer à l'arrêté qui met sur le pied de guerre les 2e, 15e, 20e, 4e, 65e, 93e, 16e et 23e régiments" (Correspondance générale, t.4, lettre 8343).

Le Chef de Bataillon Pouget écrit "Le régiment était si novice en fait de baraquement, que les officiers et soldats ne trouvèrent rien de mieux à faire que de creuser la terre, recouvrir les trous avec des branches et s'y caser. Je m'exemptai de cet arrangement avec d'autant plus de raison que j'aurais commis une infraction au règlement sur le campement, qui ne reconnaissait pas d'emplacement pour un officier à la suite, comme je l'étais; le régiment avait un état-major au complet quand j'y arrivai, ce qui ne laissa pas que de faire bien des mécontents et des jaloux. Je fus donc m'installer paisiblement au village d'Osterhove, qui n'était qu'à deux portées de fusil du camp. J'eus mes tours de garde et de ronde, pour lesquels je ne fus pas oublié. On organisa un conseil de guerre près du corps d'armée commandé par le général Soult, dont mon régiment faisait partie; j'en fus nommé membre, ce qui me valut ma résidence en ville, où je me trouvai à merveille, n'ayant plus ni garde à monter, ni ronde à faire. Nous étions dans les temps pluvieux et froids, nous marchions à grands pas vers l'hiver de 1803 à 1804. J'étais fort soucieux de ne pas être titulaire d'un commandement de mon grade; il n'y en avait point de vacant dans le régiment auquel j'étais attaché, et cette espèce d'isolement m'était pénible; d'un autre côté, j'éprouvais des maux de reins qui ne me permettaient pas plus de marcher que de me redresser; les soins du chirurgien-major triomphèrent de mes douleurs, et jamais guérison ne vint plus à propos.
Il était connu dans l'armée que le premier Consul voulait créer des majors lieutenants-colonels qui seraient chargés de la police, discipline, instruction et comptabilité des corps. Ils devaient remplacer les chefs de bataillon chargés de la tenue des contrôles. Je vis cette institution avec d'autant plus de plaisir que je croyais fermement qu'un des chefs de bataillon du 4e régiment serait nommé major et que j'aurais enfin un commandement réel. Quel fut mon étonnement quand je reçus par la poste une lettre du ministre de la guerre qui m'annonçait ma promotion au grade de major du 62e régiment de ligne en garnison à Turin !
Je ne pouvais en croire mes yeux; je lisais et relisais avec une émotion qui m'étouffait. Je n'imaginais pas qu'un officier à la suite pût passer à un grade supérieur de préférence aux quatre chefs de bataillon titulaires, et je pouvais facilement croire à une erreur de nom quoique le mien fût bien correctement écrit sur l'adresse de la lettre du ministre. Mon anxiété fut redoublée par la réception d'une seconde nomination de major au 57e de ligne, dont le dépôt était à Hesdin et le régiment au camp. Je ne pouvais être major de deux régiments; le premier Consul fut consulté, il venait d'arriver au camp; il décida, à ma grande joie, que la deuxième nomination serait non avenue et que j'irais à Turin. Avant son départ de Paris, le premier Consul avait nommé à vingt-quatre emplois de major. Je ne savais à quelle bienveillance je devais d'en avoir fait partie. Je ne pouvais que le soupçonner, et je ne fus confirmé dans mes soupçons que dix-huit mois plus tard.
Mon bonheur était au comble, j'allais en Italie, j'allais revoir tous les miens, embrasser ma femme et me faire décorer par elle de mes nouvelles épaulettes ! Je partis pour Turin, après avoir reçu les adieux des officiers du 4e régiment, qui étaient restés en dépôt à Nancy. Je reçus aussi des témoignages d'attachement de ceux que j'avais laissés au camp; les jaloux me virent partir sans regret, mais rongés par l'envie. Mes deux nominations donnèrent une telle fièvre à l'un des chefs de bataillon qu'il en garda le lit pendant plusieurs jours (Note : Il se nommait Gros et fit fortune depuis)
" ("Souvenirs de guerre du Général Baron Pouget", publiés par Mme de Boideffre née Pouget, Paris, Librairie Plon, 1895).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Cette armée creusa un port par les plus mauvais temps, travaillant jour et nuit dans la bourbe jusqu’à la ceinture, la moitié était toujours embarquée, commandée par un lieutenant et relevée tous les mois par un sous-lieutenant par compagnie ; embarqués, il fallait mettre la main à la manoeuvre de bord, l’exercice de l’artillerie de marine et le service du matelot.
A terre, elle passait son temps au creusement des bassins qui renfermaient notre flottille, à l’établissement du camp, à la manoeuvre de l’artillerie de ligne, à l’exercice et aux grandes manoeuvres quand elles avaient lieu ; nous partions le matin du camp à la pointe du jour et nous n’y rentrions qu’à la nuit ; malgré ces pénibles et périlleux travaux, jamais nous n’entendîmes la moindre plainte.
Embarquée, chaque fois qu’il faisait beau, la flottille sortait, elle était composée de tartanes portant 4 canons, de canonnières en portant deux, les bateaux plats en comportaient un ; toutes les pièces étaient de 24 puis il y avait des péniches, et elle ne rentrait qu’au mauvais temps ; Lorsqu’on pouvait rentrer de suite au premier signe de mauvais temps, la chose allait bien mais quand il fallait attendre la marée, il était rare qu’il n’y ait pas d’avaries plus ou moins graves. Je me trouvai en grand danger dans une de ces rentrées : le matin on fit le signal de rentrer à la marée de l’après-midi, le temps était mauvais, la marée très houleuse, le capitaine du bord me dit : « lieutenant, il y aura du gâchis ce soir pour rentrer, mais ajouta-t-il, je veux laisser appareiller les plus pressés et ne rentrer que des derniers » ; quoique je souffrais beaucoup du mal de mer, j’approuvai cette disposition, en l’assurant que ma troupe le seconderait de toutes ses forces. Le moment d’appareiller arrive, un des bateaux Hollandais que nous nommions Carlins à cause de leur forme, vint se jeter sur nous d’une telle force, qu’à l’instant même, nous fûmes couverts de trois pieds d’eau ; nous nous crûmes perdus, le capitaine qui était un tout jeune homme perd la tête, quelques marins se jettent dans la chaloupe pour se sauver, le capitaine quitte son habit et va pour s’élancer aussi dans la chaloupe, je l’arrête, je tire mon sabre et le menace de le tuer en lui disant : « malheureux, ne sais-tu pas que nous ne devons sortir d’ici que les derniers, ordonne vite la manoeuvre des pompes » ! Alors je fis remonter les trois marins de la chaloupe, qui reçurent la savate lorsque nous rentrâmes dans le port ; la manoeuvre des pompes fut si bien faite qu’en un instant nous fûmes redressés et dans le cas de marcher. Ce service des sorties en rade était des plus pénibles pour les rentrées, de plus nous avions les Anglais qui étaient toujours embossés en face de nous, qui ne nous permettaient pas de nous écarter pour prendre le vent ; ils étaient au désespoir de voir que tous leurs efforts ne pouvaient empêcher la réunion de notre escadre, alors ils eurent recours aux machines infernales afin de nous inquiéter ; une nuit ils lancèrent sur notre ligne une trentaine de brûlots, mais cela n’eut pour résultat que la perte d’une bombarde et de quelques hommes tués ou blessés et ne servit qu’à leur honte ; les autres brûlots, grâce à la surveillance et à l’adresse que l’on mit à les éviter, allèrent éclater sur le rivage sans faire aucun mal ; le mauvais temps nous faisait plus de mal qu’eux ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Situation en Janvier 1804 (côte SHDT : usuel-180401)

Chef de corps : SAVETTIER (de Candras) Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - du Pas de Calais de l'an XI et XII
SCHOBERT Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Camp de Saint Omer - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Gros à Camp de Saint Omer - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cretin à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

Cachet du 4e de Ligne
Cachet régimentaire du 4e de Ligne (Collection particulière - S.E.H.R.I.)
Autre cachet

En mars 1804, le Colonel Savettier de Candras est fait Général de Brigade et remplacé à la tête du 4e par le Prince Joseph Bonaparte.

Le 14 avril 1804 (24 germinal an 12), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Soult, commandant le camp de Saint-Omer : "... Vous devez prévenir le colonel du 4e régiment que je l'ai nommé général de brigade. J'envoie, pour le remplacer comme colonel, mon frère Joseph; il a, dans les premières campagnes de la révolution, servi comme chef de bataillon; il a à coeur, comme moi, de devenir militaire; car, dans les temps où nous vivons, ce n'est pas assez de servir l'état par ses conseils dans les négociations les plus difficiles; il faut encore pouvoir, si les circonstances le veulent, le servir avec son épée. Mais, comme il faut que j'informe déjà le Sénat de cette mesure, il faut tenir cela secret. Je pense que Joseph sera à Boulogne avant le 1er du mois prochain; il doit y faire son métier avec la plus grande rigueur. Seulement, au moment de son arrivée, vous pourrez le recevoir avec tous les honneurs dus à un grand officier de la Légion d'honneur, à un sénateur et à une personne qui m'est si chère. Il descendra pour cela à mon quartier général. Mais, ces honneurs une fois rendus, il devra mettre son habit de colonel et être subordonné comme le veut la loi militaire.
J'ai nommé capitaine dans le même corps Stanislas Girardin, qui était capitaine lorsqu'il est entré au Corps législatif. Je désire que vous me fassiez connaître le meilleur capitaine du 4e, que je veux faire entrer dans la Garde, afin que cela ne fasse aucun tort à l'avancement du corps ...
" (Correspondance de Napoléon, t.9, lettre 7683; Correspondance générale, t.4, lettre 8804).

Le 18 avril 1804 (28 germinal an 12), Bonaparte adresse depuis Saint-Cloud le message suivant au Sénat Conservateur : "Saint-Cloud, 18 avril 1804
MESSAGE AU SENAT CONSERVATEUR
Citoyens Sénateurs, le sénateur Joseph Bonaparte, grand officier de la Légion d'honneur, m'a témoigné le désir de partager les périls de l'armée campée sur les côtes de Boulogne, afin d'avoir part à sa gloire.
J'ai cru qu'il était du bien de l'état et que le Sénat verrait avec plaisir, qu'après avoir rendu à la République d'importants services, soit par la solidité de ses conseils dans les circonstances les plus graves, sait par le savoir, l'habileté, la sagesse, qu'il a déployés dans les négociations successives du traité de Mortefontaine, qui a terminé nos différends avec les états-Unis d'Amérique, de celui de Lunéville, qui a pacifié le continent, et, dans ces derniers temps, de celui d'Amiens, qui avait rétabli la paix entre la France et l'Angleterre, le sénateur Joseph Bonaparte fût mis en mesure de contribuer à la vengeance que se promet le Peuple français pour la violation de ce dernier traité, et se trouvât dans le cas d'acquérir de plus en plus des titres à l'estime de la nation.
Ayant déjà servi sous mes yeux dans les premières campagnes de la guerre et donné des preuves de son courage et de ses bonnes dispositions pour le métier des armes, dans le grade de chef de bataillon, je l'ai nommé colonel commandant le 4e régiment de ligne, l'un des corps les plus distingués de l'armée et que l'on compte parmi ceux qui, toujours placés au poste le plus périlleux, n'ont jamais perdu leurs étendards et ont très-souvent ramené ou décidé la victoire.
Je désire, en conséquence, que le Sénat agrée la demande que lui fera le sénateur Joseph Bonaparte de pouvoir s'absenter de ses délibérations pendant le temps où les occupations de la guerre le retiendront à l'armée
" (Collection générale et complète des lettres, proclamations, discours de Napoléon, rédigée d'après le Moniteur, publiée par C. Fisher, Leipzig, Graff, 1808-1813, t.1, p. 183; Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 367 (avec une erreur : c'est le 1er de ligne qui est mentionné, et non le 4e) ; Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 1, p. 122 ; Correspondance de Napoléon; t.9, lettre 7693).

Joseph Bonaparte

Né le 7 janvier 1768 ; élève à l'Ecole d'Artillerie en 1783; Officier d'Etat major en 1792; Adjudant général en 1793; blessé au siège de Toulon en 1794; Colonel en 1804 ; Grand Aigle de la Légion d'Honneur le 2 février 1805 ; Général de Division le 3 janvier 1806 ; Roi de Naples le 31 mars 1806 ; Roi d'Espagne le 6 juin 1808 ; décédé le 28 juillet 1848

Bouton du 4e de LigneBouton du 4e de LigneBouton d'Officier du 4e de Ligne
Bouton du 4e de Ligne Bouton du 4e de Ligne
Boutons du 4e de Ligne, communiqués par un de nos correspondants; à droite, bouton d'Officier
Bouton du 4e de Ligne, petit module, communiqués par un de nos correspondants
Bouton publié dans Tradition N°08
Bouton d'Officier trouvé en Pologne (communication d'un de nos correspondants)
Bouton, petit module, diamètre 16 mm
Autre bouton
Bouton, grand module
Bouton en cuivre diamètre 24mm
Bouton petit module

Situation en Avril 1804 (côte SHDT : usuel-180404)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - du Pas de Calais de l'an XI et XII
SCHOBERT Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Camp de Saint Omer - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Camp de Saint Omer - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Faure à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

L'Ordre du jour, rédigé au Quartier-général à Boulogne, le 10 Floréal an 12 (30 avril 1804) déclare : "Le citoyen Joseph Bonaparte est arrivé hier au Pont-de-Briques. Les honneurs supérieurs dus à son rang, comme frère du premier consul, sénateur et grand officier de la Légion d'honneur, lui ont été rendus. Aujourd'hui il est reconnu comme colonel commandant le quatrième régiment d'infanterie de ligne.
L'armée appréciera la faveur que le gouvernement lui accorde, en plaçant dans ses rangs, et à la tête d'un des corps distingués qui y sont employés, un des premiers personnages de l'État, qui, dans les négociations importantes dont il a été chargé, lui a rendu les plus grands services ; et elle sentira qu'elle ne peut justifier cette confiance qu'en redoublant de zèle dans ses devoirs, et en offrant de plus en plus l'exemple du dévouement le plus absolu pour le chef auguste de l'État.
Le général commandant en chef,
SOULT.
Le général de division, chef de l'état-major général,
Andréossy
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 1, p. 125).

Joseh vient au camp d'Outreau prendre son commandement, entouré des respects des Généraux et de toute l'armée. Cette circonstance met Vandamme en relation avec le frère aîné de l'Empereur. Cette relation, commencée sous la baraque, au milieu des troupes, ne cessera jamais, basée qu'elle était sur une estime réciproque (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 118).

Fourriers du 4e de Ligne 1805
Fig. 1ter Musicien en 1805, d'après Collection Schmidt

Le 21 mai 1804, le Lieutenant Dupin, étant de garde au port de Châtillon, aperçoit pendant la nuit une péniche sur le point de se briser contre les rochers du Porthel; il se précipite dans les flots, demande qu'on lui jette une amarre et parvient à sauver tout l'équipage.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Un jour l’Empereur voulut faire sortir la flottille, l’amiral Bruix lui observa qu’à la nuit nous allions avoir une tempête affreuse ; rien ne put lui faire changer l’ordre qu’il avait donné ; de ce jour l’amiral fut en disgrâce ; la flottille sortit ! Je me trouvais à terre, de garde au fort Chatillon, qui se trouve placé près de l’entrée du port ; le soir, le temps étant affreux, on fut forcé de donner le signal de rentrer ; quelle horreur ne vîmes nous pas ! Je rentrais dans mon corps de garde le coeur navré lorsqu’à l’instant mon factionnaire me fit avertir qu’une péniche dérivait et venait se briser sur les rochers qui se trouvaient à gauche de mon poste ; je sors de suite avec mes hommes de garde et je vis la péniche qui se trouvait dans les brisants qui étaient affreux ; nous entendions, non sans une vive émotion, les secours qu’ils nous demandaient ; je leur demande une amarre qu’ils me jettent de suite ; à l’instant je me précipite dans les flots et suis assez heureux d’en saisir le bout que je rapporte à mes hommes et nous parvenons à tirer la péniche qui vint échouer sur le sable ; elle était montée par soixante grenadiers du 36ème de ligne ; l’Empereur arriva au moment où je sortais des flots, un grenadier avait laissé son fusil dans la péniche, c’était son arme d’honneur, il m’en témoignait tous les regrets, hé bien, lui dis-je d’un ton sec, sais-tu nager ? Oui, mon lieutenant, reprit-il, je vous comprends, aussitôt il court à la péniche et a le bonheur de revenir tout joyeux avec son fusil, l’Empereur qui était là avec une seule ordonnance, ranima le courage de ces pauvres naufragés et m’adressa les compliments les plus flatteurs, me demanda mon nom et le numéro de mon régiment, quand je lui « dis du 4ème de ligne », il me dit : « c’est bien, j’en étais sûr » ; il faisait tellement obscur (9 heures de soir) l’orage continuait toujours, nous ne pouvions nous voir qu’à la lueur des éclairs ; après m’avoir recommandé ces braves du 36ème, il voulut suivre le galet pour se rendre au Port et où on venait de l’informer que trois canonnières venaient d’échouer ; je lui observai qu’il ne pouvait suivre cette route avec son cheval, car la marée montait et qu’il ne pourrait franchir les écueils ; il me dit de lui indiquer le chemin qu’il pourrait suivre, je lui fit faire le tour de mon poste, pendant ce temps il me fit différentes questions ; je le conduisis jusqu’à mon dernier factionnaire et lui indiquai son chemin ; il me quitta en me recommandant encore mes naufragés et ajouta : « vous n’êtes pas intrigant, vous ! ».
Le lendemain soir, l’Empereur se transporta de nouveau au Port et, lieu du sinistre des trois canonnières, pour s’assurer si tous les moyens avaient été employés pour relever ces embarcations ; en retournant en ville, il ordonna de faire sortir notre division sans armes, comme il arrivait par la gauche, on fit placer les officiers à la gauche des compagnies qui étaient sur un rang en colonnes ; il était escorté par le Maréchal Soult et un nombreux état- major ; après avoir inspecté et parlé à presque tous les officiers et beaucoup de soldats, des 57ème, 46ème, 28ème et notre second bataillon, il arrive à une compagnie qui était la 6ème du 1er bataillon, demande à mon capitaine son nom, « Sarrère, Sire », combien il avait d’années de grade de capitaine, « 17 ans », « vous n’avez pas été blessé ? » « Non Sire, c’est bon » dit-il, et lui tournant le dos il ajoute : « à la première affaire », puis se tournant vers moi, me regarde et me dit : « c’est vous, Dupin ? » « Oui Sire », lui répondis-je, « c’est vous qui étiez hier soir de garde à Chatillon », « oui Sire », lui répondis-je de nouveau, alors s’adressant à son frère qui était notre Colonel, il lui dit : « Colonel, je vous recommande particulièrement ce brave » ; tout son état-major et sa suite furent surpris de voir la présence d’esprit et la mémoire de l’Empereur, et surtout lorsque j’affirmai qu’au moment où il m’avait vu la veille, la nuit était obscure et qu’il n’avait pu me voir qu’à la lueur des éclairs. Peu de jours après, eut lieu avec une solennité remarquable la première distribution des croix de la légion d’honneur, notre régiment fut porté pour en obtenir cinq, j’obtins la troisième ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans une lettre adressée au Maréchal Soult, Ministre et Président du Conseil, en 1839, Jean-Pierre Dupin a confirmé cet épisode (avec quelques variantes) "... Je me trouvais de garde au poste de Chatillon au bord de la mer, le jour de l’affreuse tempête, où trois canonnières naufragèrent en avant du Portet. Mon factionnaire m’avertit qu’une péniche dérivait et allait infailliblement se briser sur les rochers qui se trouvaient à la gauche de mon poste. Cette embarcation tirant peu d’eau était à portée de m’entendre, je lui criai de me jeter une amarre, je m’élançai aussitôt à la mer et je fus assez heureux pour en saisir le bout et le rapporter à mes hommes, qui joignant leurs efforts aux miens, parvinrent à faire échouer sur le sable la péniche dont la perte sur les rochers était inévitable. Elle était montée par des grenadiers du 36ème de ligne : un d’eux, désespéré d’avoir laissé à bord son fusil (arme d’honneur) me demande comment il pourrait ravoir son arme, je lui demande froidement s’il ne savait pas nager ; il me comprit, sauta à l’eau, entra dans la péniche qui était submergée et me rapporta son fusil.
Au même instant, l’empereur arrive suivi d’une seule ordonnance et nous trouve à l’ouvrage. Il me donne des éloges, s’informe de mon nom et me fait différentes questions. Il voulait gagner le Portet en passant sur le rivage pour s’assurer de la position des embarcations naufragées ; comme il faisait déjà un peu obscur, je lui fis observer qu’en ce moment, comme la marée montait, il ne pourrait suivre cette route, je lui indiquai celle du camp et le conduisit jusqu’à mon dernier factionnaire.
Le lendemain, l’empereur se rendit encore au Portet par le galet ; il voulut voir notre division en rentrant en ville ; il commence cette revue par la gauche - il voit le 47ème, le 46ème, et le 28ème, et notre second bataillon ; il arrive à ma compagnie, il demande au capitaine son nom - Sarrère, lui fut-il répondu - combien de grade ? 17 ans - vous n’avez pas été blessé ? - non, sire - l’empereur venant à moi, me dit : c’est toi Dupin ? - oui, sire - c’est toi qui étais de garde hier soir, à Chatillon ? - oui, sire - il se retourna vers notre colonel et lui dit : colonel je vous recommande cet officier, c’est un brave. Ces paroles me furent adressées en présence de tout son état. Major et une quantité de curieux surpris de cette sûreté de mémoire dont l’empereur faisait preuve ; leur étonnement redoubla surtout quand je leur dis que la nuit tombait, il avait pu à peine me voir.
La grande distribution des premières croix données à l’armée eut lieu quelques jours après, et sur les cinq décorations accordées à notre régiment j’en obtins une - je pense que ces faits existent dans vos cartons ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Toujours au camp de Boulogne, le soldat Lahaye, témoin du naufrage d'une péniche et de sept canonnières, s'élance à travers les flots, saisit le Capitaine sous son bras et, tenant le bout d'une amarre, regagne la terre. Encouragé par ce succès, il s'élance jusqu'à cinq fois et parvient à sauver cinq Grenadiers de la Garde Impériale et deux Officiers de marine, sous les yeux du Prince Joseph et du Général Vandamme.

Situation en Juillet 1804 (côte SHDT : usuel-180407)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - du Pas de Calais de l'an XI et XII
SCHOBERT Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Arnaud à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Faure à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

Le 15 septembre 1804 (28 fructidor an 12), Bonaparte écrit depuis Cologne au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des camps : "Mon Cousin, je désire avoir des renseignements sur M. Chartrand ancien capitaine du 4e régiment de ligne actuellement dans le 106e : connaître l'état de ses services, quelle habileté il a et s'il est propre à faire un chef de bataillon" (Correspondance générale, t.4, lettre 9217).

Situation en Décembre 1804 (côte SHDT : usuel-180412)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - du Pas de Calais de l'an XI et XII
SCHOBERT Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Faure à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

Le 12 décembre 1804, les yeux remplis des fastueuses images du Sacre, une délégation du 1er Bataillon prend la route de Boulogne, emportant avec elle l'Aigle dorée qu'elle vient de recevoir.

Etat des conscrits que chaque département doit fournir sur les classes de l'an XI (1803) et de l'an XII (1804)
Moselle
538
Pas de Calais
300

Le 6 février 1805, Bigarré est affecté comme Major au 4e de Ligne. Le commandement du Régiment est désormais exercé par le Major Bigarré à la place du chef de corps titulaire, Joseph Bonaparte. Avant d'envoyer Bigarré à l'armée d'Angleterre, Napoléon lui dit : "Allez prendre le commandement du 4e régiment de ligne ; c'est un cadeau que je vous fais. Dites aux Gascons du 4e que je les conduirai bientôt en Angleterre". En effet, presque tous les Officiers et soldats du 4e étaient Gascons. Le Major Bigarré va rester à la tête du 4e pendant toute la campagne de 1806 et c'est à lui que nous emprunterons l'essentiel du récit des faits qui vont suivre.

Major Bigarré

Entré au service le 1er avril 1791; Sous lieutenant le 8 février 1793; Officier d'ordonnance du Général Hoche en 1796; Lieutenant le 18 septembre 1796; Capitaine le 13 octobre 1796; Major au 4e le 6 février 1805 (le commande à Austerliz); au service du Roi de Naples en 1806; Colonel le 3 février 1807; Général de Brigade le 9 juin 1808; Commandant de la Garde Royale espagnole en 1809; Général de Division en 1814

Accès à la biographie de Auguste Julien Bigarré sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Julien_Bigarr%C3%A9

Accès à son dossier de Légionnaire (LH/236/44) : http://www.culture.gouv.fr/LH/LH018/PG/FRDAFAN83_OL0236044v001.htm

Avant le départ de Joseph, le 6 mars 1805, le Général Vandamme s'adresse à ce Prince, pour obtenir par lui de Napoléon une faveur à laquelle il attache beaucoup de prix, la concession de terrains qui lui ont été promis par l'Empereur (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 118).

Situation en Mars 1805 (côte SHDT : usuel-180503)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - du Pas de Calais de l'an XI et XII
BIGARRE Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Faure à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

Le 21 mars 1805 (30 ventôse an XIII, date présumée), Napoléon écrit depuis La Malmaison au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, je vois avec peine que l'on me propose, tous les jours, des avancements rapides pour des officiers d'état-major, des lieutenants qui ne le sont que de deux, trois, quatre ans, et l'on se croit ancien lorsqu'on date de l'an VII. Cependant il n'y a pas de régiment où il n'y ait huit capitaines de 1792 ayant des blessures et fait toutes les campagnes. J'en compte ... quatorze dans le 4e ... Mon intention est que vous me remettiez un état de tous les officiers qui ont été faits capitaines pendant l'an XIII et avant, un même état des lieutenants et sous-lieutenants, avec la note de leurs services, s'ils ont fait la guerre dans leur corps sans interruption, avec des notes sur chacun d'eux, et que vous ne me proposiez aucun officier pour être chef de bataillon que la liste de ceux qui sont sur cet état ne soit épuisée" (Correspondance de Napoléon, t.10, lettre 8460).

Le 2 avril 1805, le Chef d'Etat-major général écrit au Général Vandamme : "M. le maréchal commandant en chef a été informé, monsieur le général, que le nommé Pierre Courtois, soldat au 28e régiment, étant de faction hier, à neuf heures du soir, devant les armes du poste du préfet, avait fait feu sur deux individus, qui voulurent prendre la fuite lorsqu'il les a appelés au mot de ralliement, et qui se nomment Malisse, du 4e régiment, Durand, du 10e d'infanterie légère. M. le maréchal vous invite à faire mettre à la garde du camp, pour vingt jours, et à lui faire faire pendant ce temps la corvée de sa compagnie, le nommé Malisse ; j'écris au général commandant la 1re division pour qu'il ordonne la même punition à l'égard du nommé Durand.
Comme l’officier qui était de garde, le 11 de ce mois, à ce poste, a fait relever de sa faction le nommé Courtois, pour le punir d’avoir tiré, monsieur le maréchal vous invite à faire connaitre à cet officier que c’est injustement qu’il a puni ce factionnaire, auquel il aurait dû donner des éloges pour avoir fait son devoir
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 127).

Le 11 avril 1805 (21 germinal an 13), Napoléon écrit depuis Lyon au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des Camps : "... Le major du 4e de ligne n'a pas encore rejoint le camp de Saint-Omer ; donnez-lui l'ordre de s'y rendre sur-le-champ ..." Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 9811).

Le 25 Floréal an 13 (15 mars 1805), Murat écrit au Général César Berthier : "On lui répond que le Prince ne peut autoriser une réunion projetée des sous-officiers du 2e bataillon de la Garde de Paris et des sous-officiers du 4e régiment de Ligne sous le prétexte d'un raccommodement, suite d'une rixe qui a existé entre ces deux corps" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 432, lettre 2007 - Note : 4e de Ligne ou 4e Léger ?).

Le 19 mai 1805 (29 floréal an 13), l'Empereur écrit depuis Milan au Maréchal Soult, Commandant du camp de Saint-Omer : "Monsieur le maréchal Soult, j'ai reçu votre lettre du 21 floréal ... Relativement au prince Joseph, vous auriez mal fait de vous éloigner en rien du décret du 19 messidor : mais je dois blâmer que, faisant partie de l'armée dans un grade déterminé , ce prince ne se renferme pas dans son grade. C'est dans ce sens que je ne puis approuver ce que j'ai lu, dans quelques articles de journaux que je suppose mal rédigés, avoir eu lieu à la dernière revue. Le prince devait passer la revue de son régiment et pas autre chose" (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10083).

Le 20 mai 1805 (30 floréal an 13), l'Empereur écrit depuis Milan au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des Camps : "Faites connaître à Soult mon mécontentement de ce que, dans les différentes revues à son camp, le prince Joseph a paru autrement que comme colonel; que rien dans une armée ne peut éclipser le commandant en chef; que le prince pouvait passer la revue de son régiment comme il le voulait; mais le jour d'une revue, s'il y avait un déjeuner à donner, c'était au général et non au prince; cela tient de trop près au service. Le principe général est qu'un prince colonel n'est à la revue que colonel. Le prince ne peut quitter Boulogne sans l'ordre du général. Vous écrirez à Joseph qu'instruit que, rendu au camp, il l'a quitté sans con sentement, je ne puis que lui en témoigner mon mécontentement; que la discipline militaire ne souffre point de modifications, et qu'une armée est une et entière; celui qui la commande est tout; que mon intention est qu'il se rende à son régiment et y remplisse, dans toute la force du terme, son devoir de colonel. Faites-lui sentir qu'il se tromperait étrangement s'il croyait avoir encore les qualitésnécessaires pour mener son régiment" (Correspondance de Napoléon, t.10, lettre 8762; Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10085).

Situation en Juin 1805 (côte SHDT : usuel-180506)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de l'an XIII
BIGARRE Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée - corps du centre - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Outreau - Camp de Saint Omer - Grande armée - corps du centre - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

Armée des Côtes de l'Océan – 4e Régiment d'Infanterie de Ligne. Certificat de blessures et de bravoure, signé des Officiers, Sous-officiers et soldats du Corps, en faveur de Jean Montauban, Fusilier au 1er Bataillon, 4e Compagnie, entré au service au 17 octobre 1790. Au camp (de Boulogne ?), 18 thermidor an XIII (6 août 1805). 1 p. oblong in-fol. Belle pièce.
"A fait toutes les campagnes de la Révolution, s'est trouvé à toutes les batailles ou le corps a donné, et qu'il a été blessé d'un coup de feu au siège de l'Ose, en Espagne, à Roucque en Italie à la jambe gauche, et à l'épaule gauche au passage du Taillemento aussi en Italie.
Le denommé ci-dessus a monté le 1er à l'assaut du fort de la Chiousa , s'est emparé d'une pièce de canon, après avoir tué les deux canonniers que la servaient. Dans le même fort, le 2 thermidor an II étant embarqué sur la canonnière no. 641 ... au moment de la tempête un boulet ayant atteint le batiment au millieu il se jeta a l'eau pour boucher le trou, par ce trait de dévouement il conserva au gouvernement un batiment avec son équipage, qui aurait infailliblement peri. Ledit Montauban a toujours mené une conduite exemplaire. En foi de quoi nous lui avons délivré le present...
".

hausse col 4e de ligne

hausse col 4e de ligne

Hausse col pouvant être attribué au 4e de Ligne (Communication d'un de nos correspondants )
Chiffre 4 provenant de Lituanie dimension 3x2; ornement de Hause col ? (idem)

Elie Brun Lavainne, jeune Musicien gagiste au 46e de Ligne, écrit : "Nous étions là cinq beaux régiments : les 24e légers, 4e, 28e, 46e, et 57e de ligne. Le général Vandamme commandait notre division. Le corps d'armée était sous les ordres du maréchal Soult. Nous n'avions pas un grand amour pour ces deux chefs qui se montraient ordinairement durs envers leurs subordonnés" (in "Mes Souvenirs)".

D'après un "Etat sommaire des hommes qui ont fait la guerre dans les différents corps composant l'armée des côtes (Exécution de l'ordre du 12 thermidor an XIII.)", au Corps du Centre, Division Vandamme, le 4e de Ligne, sur un effectif de 2059 hommes, en a 819 qui ont déjà fait la guerre (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 145).

Le 4 août 1805, le 4e de Ligne a ses deux premiers Bataillons à l'Armée des Côtes, Corps du centre ; ils présentent un effectif total de 2059 hommes, dont 67 aux hôpitaux. Le 3e Bataillon est à Nancy (4e Division militaire) : son effectif est de 550 hommes, dont 43 aux hôpitaux et 60 en recrutement ou détachés. Au 19 août, le Corps du Centre est commandé par le Maréchal Soult, et le 4e est à la 2e Division Vandamme. Toujours commandé par Joseph Bonaparte, les Chefs des deux premiers Bataillons sont Coquereau et Guye ; l'effectif est de 1992 hommes présents (pour un complet de 1860), stationnés à Outreau et Boulogne ; le Dépôt à Nancy compte 507 hommes.

Les jeunes conscrits des ans 10, 11 et 12 sont jetés aux milieu d’hommes accoutumées à la guerre de réquisitions, endurcis et impitoyables, dont l'accueil est brutal au point de multiplier les désertions. Les recommandations incessantes des inspecteurs généraux font assez ressortir à quel point le mal est visible. Aussi, on trouve remarquable, au 3e et au 4e de Ligne, le fait que "les conscrits sont traités avec douceur". Il est vrai que· bien des causes contribuent à produire la désertion, qui est énorme. Depuis trois ans, il déserte environ 50 hommes par bataillon chaque année. Certains Régiments ont pu perdre jusqu'à un tiers de leur effectif. Une grande partie de ces désertions proviennent du peu d'esprit national des recrues, levées en Belgique, dans le pays de Trèves, le Palatinat ou l'Italie, ou dans nos départements de l'Ouest; mais il faut avouer que toutes les parties de la France sont atteintes plus ou moins du même mal; l'Isère, le Rhône, Saône-et-Loire, etc., qui comptaient cependant parmi les départements les plus patriotes et les plus militaires depuis 1791, donnent lieu à des plaintes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 170-171-172-173).

Désertion en l'an XIII

Régiments

Recrues

Déserteurs

4e de ligne

967

137

Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 148

Le 23 août 1805, la Division Vandamme, 2e du 4e corps, est formée des Brigades Saligny (Tirailleurs du Pô et 24e de Ligne), Ferrey (4e et 28e de Ligne), Candras (46e et 57e de Ligne); en tout huit mille six cents hommes environ. Elle a pour Chef d'Etat-major l'Adjudant général Mériage. Les Aides de camp du Général Vandamme sont le Chef d'Escadron Séron, le Capitaine Desoye, et le Lieutenant Deswarte (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 136).

Un "État des présents sous les armes des bataillons de guerre de tous les corps de l'Armée des côtes de l'Océan en marche vers le Rhin, pour servir à établir la distribution des fonds accordés par l'Empereur pour fournir une paire de souliers par homme et le tiers de l'effectif en capotes", daté du 11 fructidor an 13 (29 août 1805) indique que le Corps du centre comprend à sa 2e Division les :
Bataillon de Tirailleurs du Pô, 781 hommes.
24e Régiment d’infanterie légère, 1373 hommes.
4e Régiment d’infanterie de ligne, 1925 hommes.
28e Régiment d’infanterie de ligne, 1651 hommes.
46e Régiment d’infanterie de ligne, 1699 hommes.
57e Régiment d’infanterie de ligne, 1783 hommes
Total : 8530 hommes (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1, p. 384).

"Du 8 au 12 fructidor an XIII (26 au 30 août 1805), toute l'armée campée à Boulogne fut dirigée par Divisions sur le Rhin. Le 4e, qui appartenait à la division Vandamme, passa le fleuve à Spire et fut coucher sur la route d'Heilbronn". Le 27 août, le 4e de Ligne aligne un effectif de 1924 hommes au sein de la Brigade Ferrey (Nafziger 805HAH).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Quelques jours après, toute l’armée reçut l’ordre de s’embarquer, au grand contentement de tous, ce mouvement fut bientôt exécuté, mais à notre grand regret, au moment de mettre à la voile, un contrordre arriva et changea toutes ces belles dispositions ; au lieu de voguer sur l’Angleterre, nous reçûmes l’ordre de partir de suite pour marcher contre les Autrichiens, qui sans prétexte et sans motif venaient de nous déclarer la guerre, avaient déjà envahi la Bavière et n’étaient plus qu’à quelques lieues du Rhin. Telle fut l’issue de cette fameuse expédition du camp de Boulogne, qui a coûté tant de sang et d’argent à la France, mais qui a fait trembler nos plus cruels ennemis, et qui, si elle avait réussi, aurait sans aucun doute donné au monde une paix des plus longues et des plus glorieuses ; la haine seule, nous a donné des forces pour supporter les dangers et les cruelles fatigues que nous avons endurés pendant la durée de ce camp. Nous partîmes de Boulogne pour nous rendre sur le Rhin à marche forcée ; nous passâmes ce fleuve à Spire. Nous faisions partie du 4ème corps et de la 2ème division Soult et Vandâme, notre divisionnaire ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 31 août 1805 (13 fructidor an 13), Napoléon écrit depuis Pont-de-Briques, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "En conséquence des différents mouvements que j'ai faits avant-hier, ... manque d'un chef de bataillon ... 28e ... de ligne ... Mon intention est que vous me présentiez ... [pour] être chef de bataillon ... au 28e de ligne un capitaine du 4e ... Présentez-moi le plus tôt possible [ces nominations].
[Je vous] recommande de me présenter des capitaines ayant six [ans] de grade [et fait la] guerre avec distinction, instruits. Vous sentez que dans le moment où se trouve l'armée [il faut que] ces nominations me soient présentées de suite. Prenez donc les renseignements nécessaires
" (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10713).

Le 10 septembre 1805 (23 fructidor an 13), Napoléon écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, donnez ordre :
- aux 3es bataillons ... du 4e, 57e et 40e de ligne, de se rendre à Landau ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10769).

Le 1er complémentaire (21 septembre 1805), le Maréchal Soult fixe la répartition des cantonnements pour les Divisions du 4e Corps de la Grande Armée. 2e Division. Le 4e Regiment de 1igne a son 1er Bataillon à Niderotterbach; son 2e Bataillon à Salmbach et Langenschleithal (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 100).

Le 25 septembre, le Corps de Soult constitue le 4e Corps de la Grande Armée.

Le 5 Vendémiaire an 14 (27 septembre 1805), le Commissaire des Guerres Géant écrit, depuis Waghaüsel, au général Vandamme : "… il a manqué peu de bois, et peut-être chaque régiment en aurait eu suffisamment, si la répartition eût été faite avec ordre. Mais il en a été donné neuf voitures à chacun des 4e, 57e et 46e régiments …" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 514).

Le 28 septembre 1805 (6 vendémiaire an 14), Napoléon écrit depuis Strasbourg, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "Mon cousin, faites partir 150 hommes du 88e sous les ordres d'un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant. Ils prendront quatre jours de vivres, 50 cartouches, deux paires de souliers dans le havresac, et se rendront à marches forcées sur Heilbronn, en passant par Rastadt et Bretten. Ils joindront leur régiment à Heilbronn ...
Et le même ordre à 100 hommes du 4e de ligne, sous le commandement d'un capitaine et d'un lieutenant, qui sont à Landau, de joindre à Heilbronn les bataillons de guerre.
Enfin, donnez l'ordre à tous les 3es bataillons qui, depuis la formation de la Grande Armée, n'ont pas eu ordre d'envoyer des détachements aux bataillons de guerre de faire partir 100 hommes et plus pour lesdits bataillons, en recommandant aux majors de chercher à compléter les 2es bataillons de guerre au grand complet, qui est de 2020 hommes. La route de l'armée est désormais Spire, Heilbronn, etc. Vous ferez donc diriger tout sur Spire ...
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 355; Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 10883).

Le même 7 Vendémiaire an 14 (29 septembre 1805), le Général Vandamme écrit encore au Maréchal Soult : "Monsieur le Maréchal,
J'ai l'honneur de vous rendre compte de la situation de la division, par régiment, ainsi qu'il suit :
... 4e régiment. Les capotes et souliers se confectionnent aussi à Strasbourg et Nancy et sont attendus très incessamment ainsi que le fourgon. Il est dû au régiment 10,600 francs sur sa solde de fructidor et le troisième tiers de gratification accordée aux officiers ...
Les régiments n'ont point encore reçu du Ministre les modèles et instructions pour le fourgon d'ambulance, ni les fonds affectés à cette dépense.
Les achats de souliers et capotes ont été très chers à raison de la concurrence.
Les corps ont emporté trois paires de souliers, la moitié de la totalité est usée par la route ...
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 531).

- Campagne de 1805

Au moment du passage du Rhin, le 4e de Ligne compte 1889 hommes. "Le 9 vendémiaire (30 septembre), tout le Corps de Soult était réuni vers Heilbronn ; le lendemain, le 4e se mit en marche sur Nördlingen.

Le 11 Vendémiaire an 14 (3 octobre 1805), le Général Vandamme écrit, depuis l'abbaye de Combourg, au Maréchal Soult : "Monsieur le Maréchal,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que, conformément à vos ordres, les deux régiments de ligne de la 2e division ont pris leur camp entre la ville de Hall et le village d'Hessenthal. L'artillerie est arrivée de deux brigades ainsi que les équipages de la division et un demi-bataillon du 4e régiment et une compagnie de grenadiers sont à Hall. L'avant-garde a pris position en avant du village de Zimmern, où le général Candras est établi de sa personne. Il doit envoyer un parti de cavalerie à Vellberg et s'éclairer sur Ellwangen, ayant l'ordre de se garder militairement et de faire exécuter les réquisitions qui lui sont remises ...
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 2, p. 691).

"Le 7 octobre, l'armée française franchit le Danube sur les ponts compris entre Munster et Ingolstadt ; le 4e corps le passe à Donauwerth ; Mack, coupé de l'Autriche, est enfermé dans Ulm" où le 4e combat.

Le 17 Vendémiaire an 14 (9 octobre 1805), l'Adjudant-commandant Hastrel écrit, depuis Donauwörth, à l'Intendant Petiot : "J'ai l'honneur de vous prévenir que des détachements des 17e régiment d'infanterie légère, 4e, 18e et 88e de ligne, doivent partir sous deux ou trois jours de Heilbronn pour aller à Nördlingen, d'où le général Millet doit les diriger sur le 4e corps d'armée.
HASTREL.
P.-S. - Ces détachements ont dû arriver à Heilbronn le 9 du courant, peut-être sont-ils déjà partis
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 435).

Le 18 Vendémiaire an 14 (10 octobre 1805), le Général Salligny écrit, depuis Augsburg, au Chef de Bataillon Boy, commandant à Heilbronn : "Commandant,
Vous trouverez ci-jointes diverses lettres pour les commandants de détachements qui doivent arriver successivement à Heilbronn pour rejoindre les bataillons de guerre des corps dont ils font partie; vous voudrez bien les déposer entre les mains d'une personne à Heilbronn en l'invitant à les faire remettre à leur adresse à l'instant de l'arrivée de chaque détachement.
Je pense que vous aurez dirigé par Hall, Ellwangen et Donauwörth sur l'armée, tous les détachements qui seront arrivés à Heilbronn, notamment celui de 150 hommes du 88e régiment; celui de pareille force du 17e d'infanterie légère; celui de 100 hommes du 18e de ligne et celui de 60 hommes du 4e régiment, les trois premiers ayant dû s'y rendre le 9 et le quatrième le 10 de ce mois; s'ils s'étaient arrêtés à Heilbronn, vous leur donneriez l'ordre d'en partir sur-le-champ pour rejoindre leurs corps respectifs
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 1ère partie, p. 477).

- Memmingen (18 octobre 1805)

Sergent major porte aigle du 4e de Ligne 1805 Sergent major porte aigle du 4e de Ligne 1805 Sergent major porte aigle du 4e de Ligne 1805
Fig. 2 Sergent major porte aigle 1805, d'après Rigo "Le Plumet", planche 78; au centre, le même d'après Bryan Fosten (MAA 141) ; à droite, la vision de Rigo dans Soldats Napoléoniens (N°2 de 2003)

Fourriers du 4e de Ligne 1805

Fig. 2bis Sergent major Jacques Honoré Prévost Saint Cyr, d'après Rigo (Soldats Napoléoniens N°2 de 2003)

Une diversion tentée dans le Tyrol par Jellachich aboutit à la défaite des Autrichiens par le 4e Corps à Memmingen, et, le 17 octobre, Mack capitule dans Ulm.

Le 17 octobre 1805, le 4e Régiment d'Infanterie de ligne reçoit 1733 rations de pain et 540 bouteilles de vin; le Régiment a eu, en outre, du pain pour plusieurs compagnies, à Ochsenhausen, avant son départ; le Régiment a aussi un détachement au pain "Schemmerberg. - Le 4e n'a point encore de rapport" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 880).

Le 30 Vendémiaire an 14 (22 octobre 1805), le Général Salligny écrit, depuis Mindelheim, au Général Vandamme : "Mon cher Général,
Veuillez bien, conformément aux intentions de M. le maréchal, faire cantonner le 4e régiment à Heimenek, Mindelau, Echenried et Altensteig; le 28e à Nirlewang, Apfeltrach, Gerenstall et Unkenried; le 46e en ville, et le 57e à Unter-Auerbach (qu'il ne faut pas confondre avec Ober-Auerbach), Westemach et Massbeuren. Les villages assignés aux 4e et 57e sont en avant de la ville, ceux du 57e en arrière.
Ces régiments devront se garder très militairement, et recevront vos ordres pour leur réunion sur la route de Landsberg.
Votre avant-garde campera en arrière d'Ober-Auerbach, et aura quatre compagnies dans ce village
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1043).

Le 2 Brumaire an 14 (24 octobre 1805), le Général Vandamme écrit, depuis Landsberg, au Maréchal Soult : "Monsieur le Maréchal,
J'ai l'honneur de vous soumettre une demande de M. Sonnier, lieutenant au 4e régiment de ligne. Je dois vous informer, mon Général, de deux abus extrêmement préjudiciables au repos et au bien-être de la troupe, c'est que toujours on annonce des distributions à tel endroit et à telle heure, et qu'ensuite, après avoir fait marcher des hommes de corvée et attendre plusieurs heures; on les renvoie au lendemain ; d'une autre part, le pain continue à être très mauvais et la viande est affreuse. Enfin hier, les troupes de la 2e division ont été obligées de rester jusqu'à minuit pour dépecer de mauvaises vaches dont le poids ne s'élevait pas au-dessus de 100 kilogr., ce qui peut faire juger de leur qualité.
Je pense, Monsieur le Maréchal, que ces abus doivent être réprimés le plus tôt possible, et je vous prie de donner vos ordres pour les faire cesser. Monsieur le Maréchal, deux régiments de ma division ont reçu des souliers, deux autres en ont besoin. Mais le 24e est absolument pieds nus. Je vous prie, en grâce, de m'en accorder 400 paires pour ce corps, s'il n'est pas possible d'en avoir davantage
" (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 3, 2e partie, p. 1159).

Grande Armée - 26 octobre 1805 (Nafziger - 805JXA)
4e Corps : Soult
2ème Division Vandamme
4e de Ligne, 2 Bataillons, 1889 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2-470,480,481

Le 4e de Ligne est dirigé avec sa Division sur Landsberg. Il descend la vallée du Danube et participe à la poursuite des corps autrichiens échappés à la capitulation. Le 16 novembre, le 4e Corps, avec une partie de l'armée, est aux environs de Brünn, pendant que les débris de l'armée autrichienne et les deux armées russes se concentrent à Olmütz et se préparent à marcher contre nous.

Batailles de Hollabrunn & Schoengrabern, ordre de bataille - 16 novembre 1805 (Nafziger - 805KCE)
4e Corps : Soult
2ème Division Vandamme
4e de Ligne, 2 Bataillons

Source : Dr. R. Egger - "Das Gefect bei Hollabrunn und Schoengrabern 1805"

"ORDRE GéNéRAL du 5 Frimaire an 14 (26 novembre 1805).
Les succès de la grande Armée ont passé nos espérances ; en 15 jours l'armée autrichienne a été détruite; et le 22 brumaire, 40 jours après le passage du Rhin, S. M. l'Empereur et Roi est entré à Vienne. Les quatre derniers Bulletins sont arrivés à-la-fois ; les trois derniers sont datés du Palais de l'Empereur d'Autriche. Ces Bulletins, trop intéressans pour être analysés, ne pouvant être transcrits à l'ordre, seront distribués à tous les Corps en nombre suffisant. Les troupes verront avec admiration le combat de Diernstein, où des détachemens des 4e, 12e, 32e, 100e et 103e Régimens d'Infanterie de ligne, du 9e d'Infanterie légère et du 4e de Dragons, au nombre de 4,000, ont tenu tête à 30,000 Russes, qui, non-seulement n'ont pu forcer la ligne française, mais ont perdu 4,000 hommes, des drapeaux et 1,300 prisonniers.
Depuis le passage de l'Inn, 10,000 Russes ou Autrichiens ont été faits prisonniers ; plus de deux mille bouches à feu prises. La Capitale et la plus grande partie des états de la Maison d'Autriche sont occupées par les Armées françaises.
Soldats ! puisque nous ne pouvons partager les travaux et la gloire de nos camarades, partageons leurs sentimens et l'alégresse qu'inspirent à tout Français des événemens si importans, si glorieux, qui assurent à jamais la gloire et le bonheur de notre pays.
Signé Louis BONAPARTE.
- Pour copie conforme :
Le Général de Brigade Chef de l'Etat-major général du Gouvernement de Paris et de la première Division militaire,
CéSAR BERTHIER
" (Ordres du jour de la 1re division militaire. An XIII et 1er semestre 1806, II).

Grande Armée, 6 brumaire an IXV - 29 novembre 1805 (Nafziger - 805KCH)
4e Corps : Soult
2ème Division Vandamme
4e de Ligne, 2 Bataillons

Source : Alombert et Colin

Le 28 novembre, l'ennemi prend l'offensive et enlève Wischau, brillamment défendu par le Colonel Guyot, du 9e Hussards ; par ordre de l'Empereur, l'armée opère un mouvement rétrograde.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Nous traversâmes le Wurtenberg et arrivâmes en Bavière puis par Molk, St Polter, Shafenhoffer, Landschout, Bruneau, Lintz et Vienne. De cette ville, nous prîmes la route de la Bohème, puis celle de la Moravie, nous repoussâmes vigoureusement l’armée ennemie, à cinq lieues avant d’arriver à Boutchowitz ; la division arriva à dix heures du soir, les hommes morts de faim et de fatigue ; toute la division se logea militairement, une et deux compagnies par maison ; comme de coutume, je ne pensai à moi qu’après avoir logé et établi le bivouac de la compagnie ; il n’en était pas de même de mon capitaine qui avait la vue faible et était peu ingambe ; de manière qu’après avoir établi mes feux et placé les armes, je voulus entrer dans la maison pour demander où je pourrais me procurer des vivres, car j’en avais défendu l’entrée à mes hommes qui attendaient dans la cour ; je fus bien surpris de voir que mon capitaine (Sarrère) et mon sergent major étaient attachés à l’olive de la porte pour empêcher qu’elle s’ouvrit ; je leur demandai le motif de leur crainte, ils me dirent qu’ils avaient voulu entrer, mais qu’à l’instant une grande femme, enfin une furie, était venue au devant d’eux avec trois enfants en poussant des hurlements effroyables, qu’il était dangereux d’entrer dans cette chambre ; je me souvins que le soir de la bataille d’Hoelinden, nous voulûmes, plusieurs officiers, entrer dans une pauvre maison ; on nous fit descendre d’un petit escalier une vieille femme morte depuis quatre ou cinq jours ; nous prîmes la morte, nous la posâmes respectueusement sur un banc de pierre qui se trouvait à la porte et nous restâmes à passer la nuit dans cette chambre ; voulant faire de même, je dis à mon capitaine et à mon sergent major de lâcher la porte ; je l’ouvre, je vis une femme furieuse qui en défendait l’entrée et qui avec ses trois enfants jetait des cris affreux ; je traverse la chambre, dans le fond il y avait un chandelier du pays en forme de fourche, dans lequel on adaptait une latte de sapin qui brûlait pour servir de lampe, mon capitaine voulait me retenir, mais je persiste et je vais m’asseoir près du chandelier pour être vu de la femme, je fis le signe de la croix et au même instant la femme et les trois enfants embrassaient mes genoux ; je tirais de ma poche un scapulaire que je conservais toujours sur moi depuis le jour de ma première communion que je fis en Corse, je fis baiser ma relique à la femme et aux enfants, je la relevai et lui fis des signes pour la tranquilliser, mais aussi pour qu’elle nous donne des vivres, car c’était fini pour parler ; on ne parlait là absolument que le Morave. Enfin elle me prend par le bras et me conduit au grenier où elle me découvre son mari caché derrière des broussailles et du bois, je le retire de sa cachette et le tranquillise, mais mes signes pour avoir des vivres recommencent et je les conduis dans la cour afin qu’ils vissent le nombre d’hommes que nous étions ; alors la femme lui dit quelques paroles et comme un enfant, il nous livra un cochon, du pain et des légumes raisonnablement. Bien, je crus entrer pour me reposer et prendre un peu de nourriture dont j’avais tant besoin ; il n’en fut pas ainsi, la femme qui me tenait toujours par le bras, me fit force supplications et me fit signe d’aller avec elle, je crus que c’était pour aller chercher des vivres et d’un pas précipité elle me conduisit dans une maison où était établie une compagnie du 24ème ; tout était sans dessus dessous dans cette maison et elle n’avait pu avoir de vivres ; je parlai au capitaine et lui montrai mon hôtesse qui me tenait toujours par le bras, et lui dis que s’il voulait rappeler sa compagnie à l’ordre, je lui promettais de lui faire livrer ce qu’il aurait besoin ; ce qu’il fit, et à l’instant les vivres lui furent fournis ; d’après le signes que me fit mon hôtesse, je compris que c’était la maison de son père ou de sa mère. Je crus ma tâche remplie, mais non, à force de prières je consentis à aller dans deux autres pour y remplir la même mission ; la pauvre femme aurait bien voulu que j’allasse avec elle dans toutes les maisons du village, mais je lui fis comprendre par signes que je n’en pouvais plus ; nous retournâmes à la maison où elle nous prépara à manger et nous donna un peu d’eau de vie de pommes de terre. Je passai une bonne nuit, car il y avait au moins deux mois que je n’avais couché ni dans une maison ni dans une grange et il y avait deux pieds de neige sur la terre ... Le lendemain, à la pointe du jour, comme nous nous disposions à partir, mes hôtes versaient des larmes en me voyant m’en aller. Voilà comme je me suis toujours conduit en pays étranger. J’étais aussi chargé de la musique ; à l’instant arrive mon chef de musique qui venait me prévenir que le jeune Haugé, musicien, avait été si malade dans la nuit qu’il était dans l’impossibilité de suivre et me priait de vouloir bien prendre des dispositions pour le laisser dans ce village jusqu’à sa guérison ; je pensai de suite à réclamer les bontés du curé pour qu’il le prit sous sa protection, je courus chez ce brave curé que je trouvai bien triste, au reste comme presque tous les curés d’Allemagne ; je lui parlai de mon jeune Haugé et lui demandai de me rendre le service de le prendre chez lui et qu’il me donnât sa parole qu’après notre départ il ne lui arriverait aucun mal ; heureusement que ce brave homme parlait Italien, il me dit : « Monsieur, que me demandez-vous là, une chose impossible, si tous les Français s’étaient conduits comme vous et comme quelques-uns d’entre vous, oui, je pourrais vous la donner, mais dans une nuit vous venez de nous enlever nos provisions d’un an en tout genre ; comment et combien de temps nous faudra-t-il pour réparer le mal que vous venez de nous faire ? ». Je n’avais rien à répondre, « mais me dit-il, je vous promets d’employer tout mon ministère afin de le faire respecter comme chrétien » ; alors je fis conduire chez lui le jeune Haugé et nous partîmes en le laissant à la garde de Dieu. Après la bataille, ce jeune homme fut reconduit avec une bonne voiture à l’hôpital de Brinne.
Nous marchâmes sur Boutchowitz, petite ville qui offrait assez de ressources ; arrivés dans cette ville, notre général de division Vandâme nous dit que la paix allait se faire et qu’il fallait ménager nos ressources, car nous resterions quelques temps dans ce pays, que cependant il fallait se garder militairement et se tenir prêt à marcher au bruit de deux coups de canon qui seraient le signal d’alarme. Notre colonel fit avancer nos équipages qui étaient au grand quartier général ; le lendemain de l’arrivée de nos bagages (le huitième jour de notre arrivée) je descendais la garde et je débordais mon chapeau afin de l’envoyer chez un chapelier pour le repasser, il était neuf heures du matin, les deux coups de canon se firent entendre, je n’eus que le temps d’aller chercher mon chapeau, nous partîmes comme une volée de pigeons et fîmes quatre lieues à la course, nous étions coupés par l’ennemi ... Toute la brigade perdit ses équipages, il ne nous resta que ce que nous avions sur le corps. Enfin nous battîmes en retraite jusqu’à la position que l’empereur avait choisie, en avant et sur la droite de Brinne pour livrer bataille ; nous restâmes quatre jours dans cette position pour attendre la réunion de l’armée ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 1er décembre, les deux adversaires sont en présence, séparés par le ruisseau du Goldbach. Le Corps de Soult forme le centre de l'armée française derrière les villages de Girzikowitz et de Pontowitz. "Dans la nuit, l'empereur Napoléon vint visiter les bivouacs ; arrivé à la 1ère compagnie de grenadiers du 4e régiment, il dit aux grenadiers "Eh bien ! Gascons du 4e, êtes-vous bien préparés à vous battre demain matin ? - Oui, sacredieu, répondit un caporal de cette compagnie ; car voyez, sire, dit-il en montrant à l'empereur des pommes de terre en robe de chambre, on n'engraisse pas les soldats français en campagne avec une aussi mauvaise cuisine".

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le 1er décembre, veille de la bataille dite d’Austerlitz, je commandais l’avant posté de la division, avec deux officiers et 250 hommes à plus d’une lieue en avant de notre camp ; jamais grand garde n’a été plus pénible ni plus périlleuse, placée dans la plaine au bas des hauteurs où l’aile gauche de l’armée Russe se rassemblait ; toute la nuit je fus attaqué à chaque instant ; je résistai à toutes ces attaques sans perdre un pouce de terrain. J’avais un moulin où il n’y avait qu’une petite_planche_pour. pont.de retraite, c’était le seul passage par lequel je devais me retirer si j’y avais été forcé ; il y avait là un escadron de dragons pour garder le passage ; en passant pour aller à mon poste, le chef d’escadron me pria de tacher de tenir, si j’étais attaqué, de manière à lui donner le temps de monter à cheval ; je lui répondis : « soyez tranquille, l’ennemi ne passera pas sur ce pont avant de passer sur mon corps, je vous en donne ma parole d’honneur » ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

- Austerlitz (2 décembre 1805)

Ordre de Bataille français à Austerlitz - 2 décembre 1805 (Nafziger - 805LCI)
4e Corps : Soult
2ème Division Vandamme
Brigade Schiner : 4e de Ligne, 1658 hommes

Sources : Alombert & Colin, "Campagne de 1805 en Allemagne", Paris, 1904
"Histoire des Campagnes de l'Empereur Napoléon en 1805-1806 et 1807-1809", Tome 1, Campagne de 1805, en Bavière et en Autriche; Paris, 1845

Ordre de Bataille français à Austerltiz - 2 décembre 1805 (Quintin - Austerlitz)
4e Corps : Soult
2e Division Vandamme
Brigade Candras : 4e de Ligne, 66 Officiers et 1592 hommes

Source : Situations de la Grande Armée conservées au SHAT à Vincennes sous la cote C2 606 (effectifs établis lors de l'appel du 22 novembre)

Le 2 décembre, le 4e (sous le commandement du Major bigarré) présente un effectif total de 1822 hommes. A la pointe du jour, l'armée se met en mouvement. L'aile gauche des Russes s'étend démesurément vers le sud dans le but de nous envelopper et de nous couper de Vienne. Napoléon, qui a suivi cette manœuvre, voit le plateau de Pratzen presque entièrement dégarni. De la batterie du Petit Santon, il envoie au corps de Soult l'ordre d'enlever le plateau et de couper en deux les masses ennemies. La Division Vandamme, gauche du Corps d'armée, débouche de Girxikowitx ; le 4e de Ligne est en tête de la Brigade Candras. On attaque sur le champ l'ennemi qui, par les sommets du terrain, refuse sa droite. Les hauteurs sont hérissées de bouches à feu et l'ennemi s'y est formé sur plusieurs lignes. Sa position, sa contenance, auraient effrayé des troupes moins déterminées ; mais rien ne peut arrêter ces braves. Lancés à corps perdu, ils enfoncent la première ligne et prennent son artillerie. La deuxième ligne, soutenue par des troupes à cheval, éprouve le même sort. En vain la troisième ligne, qu'un mamelon favorise et masque dans ses mouvements, manœuvre pour nous déborder par la gauche ; elle est attaquée de front par le 4e et de flanc par le 24e Léger aux ordres du Général Schiner. On voit ces deux Régiments gravir avec une égale audace cette position redoutable, sans tirer un coup de fusil, aborder la ligne ennemie forte de six Bataillons, la rompre, la tailler en pièces et prendre toute son artillerie. Le Régiment de Salzbourg et un Régiment russe périssent en entier. L'Empereur donne l'ordre à la Division Vandamme de faire un changement de direction à droite par les hauteurs et le village d'Augezd pour se rabattre sur le flanc et les derrières de la gauche ennemie. On s'aperçoit alors qu'un Bataillon du 4e et deux du 24e ne peuvent se lier à ce mouvement. Entraînés par leur ardeur à la poursuite des Russes, ils se trouvent déjà sur les hauteurs de Kzenowitz.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le lendemain à la pointe du jour, notre division vint se rassembler à mon poste, je reçus les félicitations de tous mes chefs et les marques de sincère amitié de mes camarades sur ma belle conduite, les dangers que j’avais courus et l’énergie que j’avais montrée pour soutenir le moral de mes soldats. Qu’on se figure des malheureux sans vivres, car il y avait deux jours que nous avions beaucoup de peine à nous procurer quelques pommes de terre. Nous restâmes ainsi 24 heures sans rien prendre et au bivouac dans la neige, je faisais allumer des feux, mais il fallait que nous fussions toujours placés à vingt ou trente pas à droite ou à gauche de nos feux, parce que c’était le point de mire de l’ennemi ; hé bien, nous riions encore comme des bienheureux lorsque les balles des Russes faisaient sauter en l’air nos tisons, je réponds que jamais plus cruelle garde n’a été montée.
Notre corps d’armée formait la droite de l’armée Française ; au moment de notre réunion, on nous lut une proclamation de l’empereur, qui nous prescrivait la conduite que nous devions tenir dans cette mémorable bataille ; sous quelque prétexte que ce fut, personne ne devait quitter son rang et surtout tourner le dos à l’ennemi. Aussitôt, l’empereur donne le signal de l’attaque, on bat la charge, toutes les colonnes se mettent en mouvement, et en moins de trois heures l’ennemi est repoussé sur toute la ligne. Vers dix heures, notre division fut arrêtée par l’empereur et le Maréchal Soult qui arrivaient à nous avec une forte division de dragons pour se porter sur notre droite qui éprouvait en ce moment dans le bois une vive résistance. Nous étions sur une hauteur, le Maréchal ordonna aux 28ème, 46ème, et 57ème de suivre l’empereur et au 24ème léger et à notre second bataillon d’aller s’emparer d’une hauteur qui se trouvait sur notre gauche et en avant de nous.
Cette attaque eut le plus grand succès ; cette position fut enlevée à la bayonnette, notre bataillon restait donc seul à notre position, recevant l’arme au bras le feu de tous côtés ; nous perdîmes quelques hommes, entre autres notre porte drapeau qui fut tué et un second blessé, mon sergent-major, Provot St Cyr, jeune homme des plus braves, me demanda la permission de s’en saisir ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans ce moment, le Capitaine Vincent, Aide de camp du Général Ferey, accourt au galop vers le 1er Bataillon du 4e. Quoi qu'il ne soit pas porteur d'un ordre écrit, il invite le Major à marcher en avant pour compléter la défaite des Russes et ramasser des prisonniers. Le Bataillon remonte au pas de charge un versant couvert de vignes et d'arbres fruitiers sur la crête duquel on découvre au loin la colonne ennemie qui bat en retraite. Mais bientôt, au lieu d'une troupe en désordre, on distingue sept Bataillons soutenus par autant d'Escadrons qui se retirent au pas et forment pour ainsi dire l'arrière garde de la ligne enfoncée. Cependant, le Bataillon continue sa marche tandis que la cavalerie ennemie, voyant l'isolement et la faiblesse de cette troupe, fait volte-face et manœuvre pour l'envelopper. Le Commandant du Bataillon fait former le carré et s'avance dans cet ordre : les obstacles de toutes sortes rompent les pelotons, et bientôt il faut s'arrêter pour reformer les faces du carré. L'infanterie russe qui a observé ces mouvements jette ses sacs à terre et, par un brusque demi-tour, vient tomber sur la 1ère Division. Accueillis par un feu de peloton qui se change bientôt sans commandement en un feu à volonté des plus meurtriers, les Russes n'en continuent pas moins leur mouvement, et, grâce à leur supériorité numérique, débordent par les ailes.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... il y avait bien une bonne demi heure que nous étions dans cette position pénible, et comme abandonnée, lorsqu’il arriva un officier d’état-major, apportant l’ordre à notre chef de bataillon de conduire le bataillon à la gorge, au bas de la hauteur où nous nous trouvions, afin de couper la retraite à la cavalerie Russe qui n’avait que ce seul passage pour se sauver et qui était cernée de toute part, disant que notre bataillon suffirait pour lui faire déposer les armes ; le bataillon en entendant donner cet ordre fut animé du plus vif enthousiasme et s’écria : « vive l’Empereur et en avant » ; la charge bat et le bataillon part !
A peine sommes nous arrivés à mi côte, que des cris de halte partis de la bouche des blessés qui étaient restés sur la hauteur se firent entendre et nous avertissaient que l’ennemi nous coupait la retraite ; nous nous arrêtâmes un instant, mais des hommes qui étaient en tirailleurs nous dirent que c’étaient des Bavarois habillés de blanc, qui marchaient pour se réunir à nous, le bataillon cria de nouveau en avant et se remit en marche pour gagner le débouché du bois, mais à peine avions nous fait quelques pas que tous les blessés crièrent plus fort : halte, halte, le bataillon s’arrête de nouveau, alors le commandant vint me trouver à ma compagnie et m’ordonne d’aller reconnaître ces troupes, je cours ; à peine ai-je fait cent pas sur le flanc de la hauteur, que je vois les entonnoirs de la garde Russe sur la tête ; c’étaient deux régiments des grenadiers de la garde Russe qui venaient au secours de leur cavalerie qui se trouvait tout à fait sur notre derrière ; je crie au commandant : feu, feu, c’est l’ennemi et je rejoignis mon poste au plus vite ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Fourriers du 4e de Ligne 1805
Fig. 3 Fourriers de Fusiliers 1805, d'après Rigo (Soldats Napoléoniens N°2 de 2003)

Le Chef de Bataillon fait alors déployer son carré. Cette manœuvre malheureuse, en portant le demi-bataillon de gauche hors des vignes et sur les crêtes, l'offre comme point de mire à la mitraille de trois bouches à feu. Chargé par la cavalerie russe, il est culbuté et sa déroute entraîne celle des pelotons de droite qui courent se replier derrière le 24e Léger. C'est dans cette débandade que le porte-drapeau, blessé mortellement, tombe avec son aigle. Un Sous-officier, voulant recueillir l'aigle, est tué à son tour. Un soldat le saisit des mains du Sous-officier ; mis lui-même hors de combat, il ne peut empêcher les cavaliers de Constantin d'enlever leur trophée. Côté russe, selon Rigo (Hors série N°2 de Soldats Napoléoniens - octobre 2003), "le Lieutenant russe Khmelev renverse le porte Aigle, dont le drapeau tombe à terre, le cuirassiers Gavrilov, saute à bas de son cheval, ramasse l'emblème tant convoité et le tend à son camarade Omeltchenko. Un instant, un des fourriers français le reprend mais il est bientôt tué lui aussi. Un troisième sous-officier, le sergent major Prevost Saint-Cyr réussit à s'en emparer mais, littéralement haché par les coups de sabres, il tombe à son tour. Finalement, les Russes Omeltchenko, Ouchakov et Lasounov sortent victorieux de cette atroce mêlée et rapportent l'Aigle du premier bataillon à leur chef le tsarévitch Constantin".

"Le Maréchal, apercevant sur la gauche une colonne russe qui débouchait de Kremenwitz, fit dire au général Vandamme d'envoyer un bataillon de sa division sur son flanc gauche pour l'observer. Le général Vandamme m'ordonna de me mettre à la tête de ce bataillon et d'aller reconnaître cette colonne. Il dit à son aide de camp Vincent de m'accompagner. J'étais à peu près à un quart de lieue de ma division lorsque le capitaine Vincent, qui précédait mes éclaireurs, découvrit sur les revers d'un coteau une masse de cavalerie considérable. Il vint à moi au galop en me faisant signe de faire tête de colonne à gauche. Je mis toute la célérité possible dans ce mouvement en continuant cependant à faire marcher en colonnes à distance des sections, afin d'être prêt, à tout événement, à former le carré. La direction une fois donnée à ce Bataillon que conduisait son chef Guy, je fus de ma personne avec le capitaine Vincent voir ce que c'était que cette colonne ennemie. A peine fûmes-nous sur le plateau qui dominait les deux revers du coteau que nous la vîmes avancer au grand trot à notre rencontre. Je retournai à bride abattue vers mon premier bataillon pour le faire mettre en carré. Cette colonne, composée de toute la cavalerie de la garde impériale russe et que commandait le grand-duc Constantin, se forma à une grande portée de fusil de mon bataillon. Elle démasqua six pièces d'artillerie légère qui, tirant à mitraille sur ce bataillon, parvinrent à mettre le désordre dans ses rangs.
Le général Vandamme, voyant ce bataillon fortement engagé, envoya à son secours le 24e régiment d'infanterie légère ; mais le grand-duc Constantin, voulant tirer partie de l'isolement de mon bataillon, le fit charger par deux régiments de sa colonne. Cette première charge ne pénétra pas dans le carré, parce qu'elle fut reçue à bout portant par une décharge de mousqueterie ; mais une seconde, que fit un troisième régiment russe pendant que les armes n'étaient plus chargées, traversa le carré en allant et en revenant et sabra plus de 200 hommes de ce régiment.
Ce fut dans cette mêlée qu'un officier russe s'empara de l'aigle de ce bataillon dans les mains d'un sergent-major nommé Saint-Cyr, qui avait reçu douze blessures sur la tête et sur les bras avant qu'on parvint à lui enlever cette aigle. Deux de ses camarades, qui l'avaient portée avant lui, furent tués, l'un par la mitraille des russes et l'autre d'un coup de pistolet. Le Chef de bataillon Guy et dix autres officiers furent également tués ou blessés dans cette action. Moi-même, je reçus plus de vingt-cinq coups de sabre sur la tête, sur les bras et sur les épaules sans en être marqué autrement que par des meurtrissures.
Le 24e régiment d'infanterie légère, qui commit la faute de se déployer en face de cette nombreuse cavalerie, fut également culbuté par elle. Par une méprise singulière, un des sous officiers de mon bataillon ayant ramassé sur le champ de bataille une des aigles du 24e, croyant que c'était celle de son bataillon, personne ne s'aperçut que la nôtre nous manquait
" (Major Bigarré).

Le Maréchal Bessières se trouve à ce moment derrière l'Empereur avec trois de ses Officiers et en avant des Chasseurs et des Grenadiers de la Garde. Il voit descendre précipitamment des fantassins dispersés et qui regardent souvent derrière eux. Il s'écrit : "Laville, nous allons avoir une affaire de cavalerie", et il court aux Escadrons de Chasseurs.

Le Maréchal Bessières relate dans son rapport : "L'Empereur me donna l'ordre de me porter en avant avec la cavalerie pour soutenir le 4e régiment de ligne et le 24e d'infanterie légère, fortement engagés avec l'ennemi. Je fis de suite avancer sur la gauche le colonel Morland avec deux escadrons, avec l'ordre de tomber sir l'infanterie ennemie lorsqu'elle sera ébranlée. Je m'aperçois que l'ennemi veut déborder notre droite; j'envoie aussitôt le général Ordener avec trois escadrons de grenadiers à cheval pour le contenir, et le prince Borghèse avec son escadron en échelons sur la division d'artillerie commandée par le chef d'escadron Doguereau. Le colonel Morland s'élance avec sa troupe sur l'infanterie et l'enfonce; la mêlée s'engage; les chasseurs à cheval, maltraités par la mitraille et la fusillade, sont un instant forcés de céder au nombre, mais ils se retirent en bon ordre" (Gloire et Empire N°27 - Austerlitz).

En conséquence, la confusion se lit à deux pas du Quartier général et les fuyards du 4e de Ligne se retrouvent juste à côté de l'Empereur. "Il (ce Bataillon du 4e) passa presque sur nous et sur Napoléon, se souvient Ségur, nos efforts pour l'arrêter furent inutiles; les malheureux étaient éperdus, ils n'écoutaient rien, ils ne répondirent à nos reproches d'abandonner le champ de bataille et leur Empereur que par le cri de Vive l'Empereur ! qu'ils poussaient machinalement en fuyant plus vite encore ! Napoléon sourit de pitié; puis avec un geste de dédain, il nous dit : "Laissez les aller," et, calme au milieu de cette échaffourée, il envoya Rapp à la cavalerie de sa Garde" (Gloire et Empire N°27 - Austerlitz).

"Le général Rap fut envoyé, par le maréchal Bessières, pour rallier un des plus beaux régiments du corps de Soult qui, dans une lutte contre la cavalerie de la garde russe, avait été rompu et avait perdu son aigle" (Lettre du Général Baron Des Michels).

"Le maréchal Bernadotte nous vengea bien de cet échec, car il tomba sur une colonne russe qu'il décomposa presque entièrement. La cavalerie de la garde impériale française fit aussi payer cher à la garde impériale russe le triomphe du moment dont elle était déjà enorgueillie. Le maréchal Bessières et le général Rapp, chargeant tous les deux à sa tête, la poursuivirent si impétueusement qu'ils la mirent en pleine déroute. Le prince Repnin et plusieurs officiers des gardes-nobles furent faits prisonniers dans cette action" (Major Bigarré).

Le 30e Bulletin de la Grande Armée, rédigé à Austerlitz le 3 décembre 1805 (12 frimaire an 14), résume : "... Un bataillon du 4e de ligne fut chargé par la garde impériale russe à cheval, et culbuté; mais l'Empereur n'était pas loin; il s'aperçut de ce mouvement, il ordonna au maréchal Bessières de se porter au secours de sa droite avec ses invincibles, et bientôt les deux gardes furent aux mains. Le succès ne pouvait être douteux : dans un moment la garde russe fut en déroute ..." (Correspondance de Napoléon, t.11, lettres 9541).

Le Bataillon du 4e se reforme sous les ordres du Capitaine Forot ; il s'élance pour venger son échec et s'empare de deux drapeaux ennemis (selon le Général Adolenko, il s'agirait de deux drapeaux autrichiens, et non, comme l'affirme Bigarré, ceux du Régiment russe Moscou). "Le commandant du 1er bataillon dont il faisait partie, ayant été mis hors de combat, il en prit le commandement et le dirigea avec habileté et valeur pendant l'action". Cette belle conduite lui vaudra le grade de Chef de Bataillon et la Croix de la Légion d'Honneur.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... le commandant aurait dû faire faire demi-tour au bataillon qui se trouvait en colonne d’attaque et dans les vignes afin de gagner la hauteur que nous venions de quitter, mais craignant par ce mouvement de se déshonorer aux yeux du bataillon qui était animé d’une ardeur sans égale et n’aurait jamais voulu tourner le dos à l’ennemi, fit le contraire en faisant déployer le bataillon pour faire face à l’ennemi qui marchait sur nous et ouvrir le feu de deux rangs ; j’arrivai à mon poste comme le mouvement commençait, l’ennemi marche sur nous. Nous attendions l’ennemi de pied ferme, c’étaient deux Bataillons de la garde Russe, bientôt nous en vînmes à croiser la bayonnette, aussitôt le feu s’engage de part et d’autre, notre bataillon soutient le feu avec le plus grand sang froid et j’ose même assurer que si nous n’avions eu à faire qu’à ces troupes, par la vivacité et le courage des nôtres, elles n’auraient rien fait sur nous et nous les aurions vaincues, mais hélas ! Au même moment, la cavalerie à laquelle nous devions couper la retraite débouche de la gorge et vient sur nous comme des furieux ; dans cette charge, notre commandant (Guy) est blessé d’une balle morte au petit doigt de la main droite et nous quitte. Pris par derrière et par devant, notre pauvre bataillon fut culbuté, sabré et foulé sous les pieds des chevaux ; au même instant arrive le 24ème léger, nous eûmes un moment d’espoir, mais il ne peut résister au nombre de cette cavalerie qui ne lui donne pas le temps de se déployer et il est terrassé comme nous ; notre position était affreuse. Castille, lieutenant nous voyant sans commandant vient me demander ce que nous devions faire : nous battre et mourir, lui répondis-je. Nous étions couchés par terre sous les pieds des chevaux, mais les Russes commirent une grande faute, ils descendirent de cheval pour nous tuer et prendre nos dépouilles, à l’instant nous sentons la terre trembler sous nous, c’étaient les chasseurs à cheval de la garde qui arrivaient, mais ils ne peuvent pénétrer jusqu’à nous, ils sont repoussés ; un nouveau bruit se fait entendre, ce sont les grenadiers à cheval et les Mameluks de la garde qui arrivent. Cette fois le choc fut terrible et le carnage devint effroyable ! Au même moment, quoique blessé et moulu, je me relève et crie : aux armes ! A ce cri mille fois répété, tous ceux qui peuvent se lever sautent sur leurs armes et secondent les grenadiers et les Mameluks, mais jamais on ne pourra se faire une idée de cette mêlée et de ce carnage ; les Russes furent écrasés et tout ce qui était là resta sur le champ de bataille qui n’était dans cet endroit qu’un monceau de morts et de mourants, nous ne fîmes que peu de prisonniers. Autant nous étions heureux de ce résultat, autant nos coeurs furent navrés en rencontrant parmi les blessés le brave St Cyr, qui n’ayant pas voulu se retirer du danger pour mettre le drapeau en sûreté, nous annonça qu’il lui avait été enlevé dans la charge du 24ème, mais qu’il avait été honorablement et vaillamment défendu ; il était couvert de plus de trente blessures sur les bras et sur la tête et la quantité de morts et de blessés dont il était entouré attestait que le drapeau n’avait été enlevé qu’après la plus vigoureuse résistance. Notre plus grande satisfaction c’est que chacun fit son devoir dans cette malheureuse rencontre et que si St Cyr n’eut pas été si brave il aurait pu prendre la fuite avant d’être cerné, mais il a voulu suivre le sort du bataillon. Dans toutes nos campagnes, nous n’avons jamais eu une plus brillante affaire, car c’est notre bataillon qui a coupé la ligne de l’ennemi et a donné l’occasion à l’Europe de faire voir la supériorité de la garde Française sur la garde Russe qui a été écrasée par une faible partie de la nôtre, car ils étaient au moins dix Russes contre un Français ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier - une partie de ce passage est citée dans Gloire et Empire N°27 - Austerlitz).

Dans sa lettre adressée au Maréchal Soult, Ministre et Président du Conseil, en 1839, Jean-Pierre Dupin écrit "... J’ai vu avec la plus grande douleur dans la « France militaire » des fautes des plus grossières et si mal rapportées ; par exemple je ne veux que vous citer ce passage : en parlant de la bataille d’Austerlitz elle dit : « un bataillon du 4ème de ligne y a perdu son drapeau » : comme qui dirait, « il a reçu une ration de sel », la conduite de ce brave bataillon dont je me glorifie d’avoir partagé les dangers que ce bataillon a surmontés. Ce devait être pour l’armée un des beaux faits d’armes. Un bataillon, fort de 9, tenu par Isola Laisné, tient tête à deux bataillons de la garde Russe, et une nombreuse cavalerie ; le 24ème régiment d’infanterie légère vient à notre secours, il est comme nous culbuté et pilé sous les pieds de chevaux ; les chasseurs à cheval de la garde arrivent à leur tour, ils ne peuvent parvenir jusqu’à nous. Enfin arrivent les grenadiers à cheval de la garde avec les Mamelouks, alors le carnage devint effroyable, le peu de nos hommes capables de combattre, se relèvent et à coups de baïonnettes renversent les Russes ; pas un ne se sauve de ceux qui se trouvaient sur ce terrain ; sans la bravoure de ce bataillon, les deux gardes ne se seraient pas trouvées à se mesurer, et la notre n’aurait pu montrer sa supériorité. Les auteurs de cet ouvrage font aussi un Suisse du brave Eberlé, ha ! S’il était encore de ce monde ! ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... La « France militaire », qui est lue de toute l’armée dit à l’article de la bataille d’Austerlitz : un bataillon du 4ème de ligne a perdu son aigle, comme qui dirait a reçu une ration de vinaigre. Voici le fait avec la vérité la plus religieuse : Le matin, le corps d’armée vint se rassembler sur l’emplacement de mon poste où je venais de descendre une garde des plus périlleuses. Au grand jour le signal de l’attaque est donné, la charge bat et le canon gronde sur toute la ligne à la fois ; nous repoussons l’ennemi et sur les dix heures, une forte résistance de part et d’autre a lieu sur notre droite ; dans ce moment, notre division étant déjà en avant de notre ligne, s’arrête, et à cet instant l’Empereur et le Maréchal Soult suivis d’une division de dragons arrivent sur notre gauche et ordonnent de suite aux 57ème, 46ème, 28ème de ligne de se porter dans le bois qui se trouvait sur notre droite, et où le feu se faisait entendre plus vivement, et aussi au 24ème léger et à notre 2ème bataillon de s’emparer d’une hauteur qui se trouvait sur notre gauche, et d’en chasser les Russes, qui faisaient un feu très vif sur nous, et continuaient leur route sur notre droite. Notre division de la sorte disloquée, notre bataillon restait seul à cette position recevant le feu de l’ennemi de toute part sans pouvoir y répondre ; nous perdîmes là quelques hommes et notre porte-drapeau, qui fut tué par une balle dans la tête ; nous étions dans cette position depuis environ une demi heure, quand nous arrive un capitaine d’Etat-major qui donne de vive voix à notre commandant l’ordre de descendre et d’aller avec le bataillon fermer la gorge, seule issue par où la cavalerie Russe pouvait se sauver étant en pleine déroute ; le bataillon qui entendit cet ordre, se mit à crier « en avant, vive l’Empereur » et aussitôt marcha, mais à peine fûmes nous à mi-côte, que de nos blessés se mirent à nous crier « halte, halte », et nous informent que deux Régiments Russes marchaient sur nos derrières par notre flanc gauche. Le commandant arrête le bataillon, on regarde, on voit des uniformes blancs, de suite un assentiment général dit « ce sont des bavarois » et crient « en avant, en avant », le bataillon se met en marche de nouveau et fait la conversion pour arriver sur la position indiquée à notre droite, mais les cris de « halte » se firent encore entendre et avec plus de force. Cette fois nous avions l’ennemi tout à fait sur nos derrières et nous distinguâmes les entonnoirs en cuivre sur les têtes des soldats qui étaient l’indice certain que c’était des Russes ; alors il ne nous restait qu’un parti à prendre, celui de combattre ; le commandant nous fit déployer et le feu de deux rangs commence des deux côtés, mais à l’instant, une cavalerie formidable débouche par la position que nous devions fermer et tombe sur nous ; dans cette charge notre commandant fut blessé et nous continuâmes le feu jusqu’à ce que la cavalerie marchant sur nous, nous pille sous les pieds de ses chevaux. Dans cet instant arrive le 24ème léger en battant la charge, mais il subit notre sort et se trouve culbuté. Un instant après arrivent les chasseurs à cheval de la garde, mais ils ne peuvent pénétrer jusqu’à nous ; comme nous avions fait des tentatives pour reprendre nos armes l’ennemi descendit de cheval et se mêle avec son infanterie pour nous piller et nous sabrer ; ici je reçu un coup de sabre, mais au même instant les grenadiers à cheval et les Mamelouks arrivent, la terre remuait sur nous, le carnage devint effrayant je crie « aux armes », ce qui restait du bataillon et du 24ème se lèvent et secondent les grenadiers, et tout ce qui reste de Russe autour de nous est passé au fil de l’épée et l’ennemi est mis en pleine déroute ; mais hélas, le calme un peu rétabli, nous voulons nous rallier sous notre drapeau, là nous apprîmes par mon sergent- major Provot Saint Cyr, que le second porte-drapeau avait été blessé mortellement, et que lui, à l’instant où il le recevait de ses mains, une nuée de cavaliers était tombé sur lui et l’avait sabré de manière qu’il reçût plus de cinquante blessures et qu’ayant perdu connaissance on lui avait enlevé son drapeau. Voilà la pure vérité. Cette circonstance a donné lieu à ce que les deux gardes se sont mesurés et que la nôtre a montré sa supériorité ; il y avait de belles choses à dire, mais il paraît qu’on a préféré ne rien dire ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"Je ramenai les débris de mon 1er bataillon à son rang de bataille dans la division Vandamme, qui, dans ce même instant, se portait du plateau de Pratzen sur le château de Sokolnitz. Lorsque cette division descendit de la chapelle Saint-Antoine sur le village d'Angerd (Augezd), je profitai de cette circonstance pour reprendre ma revanche sur les Russes en me précipitant sur eux avec mon régiment dans le moment où ils traversaient le village. Le régiment de Moscou, commandé par le colonel Solimath, fut fait prisonnier par mon 2e bataillon et le 1er s'empara d'une compagnie de grenadiers du même corps et de ces deux drapeaux.
La division Vandamme s'empara de nouveau du village de Telnitz et fit encore beaucoup de prisonniers. Nous vimes périr toute une colonne russe dans le lac de Dangerd (Augezd)...
II fut reconnu que celui (le corps) du maréchal Soult décida la bataille par la vigueur qu'il mit à s'emparer du plateau de Pratzen et par son audacieuse persévérance à le conserver.
Le soir de la bataille d'Austerlitz, je passai la nuit au village de Telnitz ayant dans ma chambre le colonel Solimath, qui était inconsolable de la perte de son drapeau. Je cherchais à la lui rendre moins pénible... lorsqu'entra dans ma chambre l'adjudant sous-officier de mon 1er bataillon qui vint me prévenir que l'aigle, qui se trouvait à un des faisceaux de ce bataillon, appartenait au 24e régiment d'infanterie légère et qu'un officier de ce régiment était venu la réclamer de la part de son colonel. Un coup de poignard au cœur ne m'aurait certainement pas fait plus de mal que ne m'en fit cette terrible nouvelle. Je fus de suite au camp de mon régiment pour vérifier le fait, et la je vis de mes propres yeux qu'on venait de me dire la vérité.
Rentré à mon logement, je fis seller un de mes chevaux et, accompagné de l'adjudant major de ce bataillon, je fus sur le plateau de Bazowitz (Blaziowitz) chercher, mais vainement, cette aigle dont je regrette encore aujourd'hui la perte. Je retournai à ma chaumière la mort dans l'âme. Le brave colonel Solimath m'embrassa en me revoyant, mais il devina bien que mon infortune ressemblait à la sienne.
Le lendemain, 3 décembre, arriva au cantonnement de mon régiment un sergent du 1er bataillon fait prisonnier la veille par la cavalerie de la garde impériale russe. Ce sous-officier fut mis en liberté par le grand-duc Constantin, qui le chargea de me dire qu'il avait en son pouvoir mon aigle et qu'il en ferait la tête de son lit lorsqu'il serait de retour à Petersbourg. Deux années après cette bataille d'Austerlitz, le colonel Marie, aide de camp comme moi du roi de Naples, fut envoyé par l'empereur en mission à Saint-Pétersbourg. Déjeunant chez le grand-duc Constantin, qui l'accueillit avec distinction, ce prince lui fit voir l'aigle du 1er bataillon du 4e de ligne, qui servait effectivement de support aux rideaux de son lit. Si ce brave 4e régiment de ligne existait encore... Mais hélas ! De ce beau et brave régiment, il ne reste plus que le souvenir de ses actions consigné dans les annales de la gloire française
" (Major Bigarré).

Gérard Gorokhoff (Hors série N°2 de Soldats Napoléoniens) donne le commentaire suivant quant aux souvenirs de Bigarré : "Il nous semble difficile de penser qu'aucun des témoins de la prise du drapeau, ne l'ait signalée, et surtout que le sous-officier l'ayant "ramassé" n'ait pas remarqué que les inscriptions correspondaient en fait à un autre régiment ? Il est difficile de confondre un 4 et un 24. Ne s'agit-il pas plutôt d'un pieux mensonge ? Quant au colonel Soulima commandant du régiment d'infanterie Moskowski, il devait être surtout affecté par sa capture. Son régiment, malgré des pertes sévères : 600 hommes dont 89 prisonniers, ne perdit aucun trophée, et couvrit la retraite des unités de Buxhoevden. L'enquête sévère effectuée après la bataille montra d'ailleurs qu'aucun des régiments de cette 1e colonne n'avait perdu d'emblèmes. Les deux drapeaux capturés par le 4e de ligne étaient en fait autrichiens".

Pour Adolenko : "Certes Moscou était commandé par le colonel Soulima (Solimath pour Bigarré) qui s'était particulièrement distingué à Durrenstein. En avril 1806, il est toujours présent à la tête de son régiment. Nous avons relevé dans sa biographie :
A Austerlitz, combattit à pied, un fusil à la main, comme simple soldat, a été blessé et fait prisonnier, mais a été rapidement échangé contre le colonel Auriol.
Le témoignage de Bigarré appelle quelques observations. Il cite tout le régiment prisonnier par son 2e bataillon, mais, dans la même phrase indique qu'une compagnie de grenadiers a été capturée par son 1er bataillon. La présence de 2 drapeaux dans une compagnie de grenadiers peut également surprendre.
Or, il s'avère que Moscou, engagé à Krems et à Austerlitz, n'a perdu que 600 hommes, dont 89 prisonniers seulement. Il a conservé un ordre relatif et a couvert la retraite des colonnes de Buxhoevden. Il ne peut donc pas être question de la capture du régiment.
Le "Messager Militaire" de 1905 (n°10, p. 189) a publié une lettre, adressée le 27 décembre-10 janvier 1806 par Buxhoevden à Lieven, dans laquelle le général réclame des sanctions contre les régiments qui ont perdu leurs drapeaux :
... j'estime que les régiments ayant perdu des drapeaux doivent en être privés, comme cela s'est fait dans le passé jusqu'au jour où ils prendront des drapeaux à l'ennemi ou se distingueront d'une manière particulière. Cette mesure devrait être portée à la connaissance de tous les régiments de l'armée russe par notes particulières et non pas par un Ordre Impérial, publié par la presse, afin que le public n'en soit pas informé...
Plus loin, il atteste que les régiments, placés sous ses ordres directs, n'ont pas perdu de drapeaux :
La 1er colonne que je commandais, tout en se trouvant très fortement engagée, pendant plus de 7 heures, n'a pas perdu un seul drapeau. Comment cela se fait-il que les autres colonnes, n'ayant pas autant combattu, ont perdu des drapeaux, alors que la 1re, les conserva tous ?
La 1re colonne était composée des régiments Ingrie-Jeune, Yaroslav, Wladimir, Briansk, Viatka, Moscou et grenadiers Kiev. Lorsque Buxhoevden écrit à un général de l'entourage immédiat du Tsar, il sait qu'Alexandre est déjà en possession de la liste de drapeaux perdus. Si Buxoevden aborde si directement cette question épineuse, c'est qu'il est, semble-t-il sûr, qu'aucun de ses régiments n'avait perdu de drapeaux.
Il est établi que le 4e de ligne a bien présenté à Napoléon 2 drapeaux conquis mais là intervient Fraser qui dit que ces drapeaux n'étaient pas russes, mais autrichiens. Voici ce qu'il écrit (p. 119) :
Le tableau représentant cet épisode se trouve actuellement à Versailles. Il montre le 1er bataillon du 4e de ligne, présentant à Napoléon, à la revue de Schoenbrunn, 2 drapeaux autrichiens, pris par lui à l'ennemi, et réclamant, en échange, pour lui, une nouvelle aigle.
Il y a un autre argument en faveur de la "version autrichienne". C'est le matin, sur le plateau de Pratzen, que le 4e de ligne a pris 2 drapeaux. Or dans le rapport de Berthier concernant cet épisode, nous relevons "le régiment Salzbourg et un régiment russe périssent en entier". En effet, le régiment autrichien Salzbourg a perdu à cette occasion 407 prisonniers
".

A noter que Rigo dans sa planche 78, donne un récit légèrement plus détaillé de la perte de l'aigle : "Le Sergent Porte-Aigle tué, un Sous officier prend sa relève et tombe à son tour; le Sergent major Prevost Saint-Cyr s'élance pour sauver le drapeau, réussit à le saisir quelques instants mais tombe lui aussi grièvement blessé de cinq coups de sabre à la tête et trois aux mains". Ce Gascon de 26 ans sera transporté le soir, à l'hôpital de Brünn et se relèvera de ses blessures.

Pour Gérard Gorokhoff (Hors série N°2 de Soldats Napoléoniens) : "La Garde russe, seule au village de Blasowitz, est à son tour attaquée. Constantin, resté sans ordres, décide de rejoindre Koutouzov, à environ 3 km, refoulant les Français qu'il rencontre. Les régiments Préobrajenski et Sémenovski chargent à la baïonnette, mais partent de trop loi, prenant leur course à plus de 300 pas des 13e léger et 4e de ligne. Fusillés par l'infanterie, chargés par la cavalerie, ils se trouvent alors en difficulté. Constantin donne alors l'ordre de charger au premier groupe d'escadrons des Gardes à cheval; le 1er escadron, de Sa Majesté, aux ordres du colonel comte Ojarovski I et le second, du colonel Olenine, se déploient rapidement et chargent dans le flanc de la cavalerie française. Ils dégagent l'infanterie, et poursuivant tombent sur deux bataillons de la brigade Schinner marchant au soutien de la cavalerie. Le premier bataillon de 4e de ligne voyant la cavalerie approcher sort en partie des vignes, sur une crète, et tente de se former en carré. Il subit dans un premier temps le feu de trois canons russes tirant à mitraille. Une décharge de mousqueterie n'arrête pas la charge des Gardes à cheval, le carré est rompu, les fantassins sabrés lâchent pied, jetant leurs armes les hommes fuient. Ils passent presque sur Napoléon et son état major, arrivés sur le plateau, les efforts des officiers pour les arrêter restent inutiles, les hommes poursuivent leur course éperdue en criant machinalement "Vive l'Empereur" comme le rapporte de Ségur. Continuant leur charge, les Gardes à cheval dont les autres escadrons ont rejoint, culbutent à son tour un bataillon du 24e léger. Ils terminent leur charge non loin du mamelon où se tient Napoléon.
L'Empereur, voyant ce désordre envoie Rapp demander à Bessières d'intervenir pour rétablir la situation avec la cavalerie de la Garde.
Deux escadrons des Chasseurs à cheval, emmenés par le colonel Morland, sont d'abord seuls engagés contre l'infanterie russe qui se replie de la cuvette de Krzenowitz. Le Sémenovski est durement malmené, mais non rompu. Cuirassiers et Hussards de la Garde se replient derrière une crête. Morland est blessé à mort d'une balle. Il est environ midi, voyant qu'il ne pourra percer jusqu'à Pratzen, Constantin décide le repli sur Austerlitz, mais il importe de dégager le Sémenovski qui se défend en carré avec l'énergie du désespoir.
C'est alors que l'autre régiment de cuirassiers de la Garde Russe chare à son tour, selon l'ordre de Constantin "pour sauver l'infanterie". Les Chevaliers-Gardes soutenus par les Cosaques de l'Empereur, ramènent en arrière les Chasseurs à cheval, qui viennent de perdre leur chef. Bessières engage alors les Grenadiers à cheval et les Mameluks, menés par Rapp tandis que la division Drouet arrive pour les soutenir. Que n'a t'on pas écrit sur cet affrontement ? Que tous les Chevaliers-Gardes étaient nobles, que Repnine les commandait, etc...
En fait dans ce régiment, comme pour tous ceux de la Garde, seuls les officiers sont nobles. Le prince Repnine, lui, ne commande que le 4e escadron. Les deux premiers escadrons chargent l'infanterie française sur les flancs et le troisième l'attaque de front. Les 4e et 5e escadrons chargent la cavalerie, qui ne se compose alors que des Chasseurs à cheval.
Cette intervention va permettre aux fantassins russes de sortir de la cuvette franchissant le ruisseau de Rausnitz, abandonnant trois canons mais aucun drapeau, et à l'ensemble de la Garde de marcher sur Krzenowitz et de poursuivre vers Austerlitz où les étendards des cuirassiers avaient été mis en sûreté avant le combat. Le régiment Izmaïlovski et les Leib Grenadiers assurent l'arrière-garde sous les ordres du général Malioutine.
La deuxième charge de la Garde française va coûter cher aux Chevaliers-Gardes, braves comme l'ensemble de la Garde russe, mais sans expérience du combat contrairement aux Français. L'affrontement qui ne dure guère qu'un quart d'heure se termine, malgré le soutien de deux escadrons des Gardes à cheval, par la déroute des Russes et la capture de plusieurs officiers tous plus ou moins blessés, dont le prince Repnine. Ce n'est qu'au soir, contrairement au célèbre tableau de Gérard, que Napoléon croisant une colonne de prisonniers, demande "qui est le plus ancien ?". On lui nomme alors le prince repnine. Suit alors ce dialogue "Votre nom monsieur ?" "Prince Repnine". "Vous commandiez la Garde de l'Empereur Alexandre ?" - "Je suis colonel et chef d'escadron dans le régiment des Chevaliers-Gardes". "Votre régiment a fait noblement son devoir" - "C'est une belle récompense que d'avoir l'approbation d'un grand homme" - "Je vous l'accorde avec plaisir ; quel est ce jouvenceau à côté de vous ?" - "C'est le fils du général Souchtelen, il sert comme lieuteant dans mon escadron" - "Il est venu bien jeune se frotter à nous" - "On n'a pas besoin d'être vieux pour être brave" répond fièrement l'intéressé. "Bien répondu jeune homme, vous ferez votre chemin. Qu'on ait soin de ces messieurs, qu'on les mène à mon bivouac et qu'on dise à Larrey de visiter leurs blessures. Au revoir Prince Repnine"...
".

Fourriers du 4e de Ligne 1805
Prise de l'aigle du 4e de Ligne à Austerlitz

 

Plaque de shako du 4e de Ligne 1815
Fig. 3bis Habit selon le réglement de 1806

Ce même auteur revient également sur les nom des hommes qui se sont emparés de l'Aigle du 4e de Ligne (Hors série N°2 de Soldats Napoléoniens ; dates selon le calendrier russe, en retard de 12 jours sur le calendrier Grégorien) : "L'historique des Gardes à cheval nous donne les précisions suivantes : "Au cours de la mêlée, les hommes du 3e peloton du 2e escadron, commandés par le lieutenant Khmelev en tête, renversent le porte-drapeau ennemi.
Le carabinier de droite de ce peloton, le soldat Gavrilov, ayant aperçu le drapeau par terre, saute de son cheval, saisit le drapeau et a à peine le temps de le passer au soldat Omeltchenko, qu'il tombe transpercé par les baïonnettes françaises. Les Français se précipitent avec rage sur le drapeau, mais les soldats Ouchakov et Lasounov foncent à l'aide de leur camarade Omeltencko. Après un combat acharné, le drapeau reste entre les mains d'Omeltchenko. Les autres escadrons du régiment chargent à leur tour et mettent la brigade française en déroute. Les soldats Omeltchencko, Ouchakov et Lasounov ont eu le bonheur de remettre le drapeau conquis au tsarévitch"...
Gavrilov, qui paya de sa vie son audace, s'appelait en fait Gavriliouk, avec pour prénom et nom patronymique : Gavrila Ivanovitch, ainsi qu'il est bien indiqué dans les états du régiment, mais suite à une erreur du scribe, lors de la rédaction de l'Historique par Annenkov en 1849, ce héros devait passer à la postérité sous ce nom de Gavrilov. Au physique, il avait le visage assez marqué par la petite vérole, pas très joli et le nez écrasé, de plus il zézayait, mais mesurait par contre 1,84 m. Agé de 31 ans, ce natif de la province de Kiev ne savait pas lire. Engagé volontaire le 20 mai 1795 aux Leib-cuirassiers de Sa Majesté, il passait le 22 décembre 1797, aux Gardes à cheval, d'abord à l'escadron de réserve, puis au 2e pour la campagne de 1805.
Avant de tomber sous les baïonnettes, Gavriliouk donc, passe son trophée à Ilya Fédorov, fils d'Omeltchenko, de la province de Tchernigoff, yeux gris dans un visage pâle, et cheveux châtain clair. D'origine cosaque, il est de relativement petite taille : 1,64 m. Il entre le 12 février 1798 au régiment de garnison de Kiev. Deux ans plus tard entre au même régiment Fédor Abramovitch Ouchakov, fils de soldat. Plus grand que Omeltchenko (1,68 m) il a un visage rond et net, les yeux gris et les cheveux châtain foncé. Le 18 juillet 1801 ils sont versés aux Gardes à cheval, et recevront le baptême du feu à Austerlitz.
Le 4e acteur s'appelle Zahkarie Fedorov, fils Lazounov. D'origine paysanne de la province de Podolsk, il mesure 1,78m, teint hâlé, et yeux noisette, il a la chevelure châtain foncé. Il est fourni comme recrue le 1 septembre 1795, âgé de 18 ans, et versé aux dragons de Taganrog. L'année suivante il fait la campagne de Perse et participe à la prise de Derbent. Le 2 octobre 1802 il passe aux Gardes à cheval.
De fait, selon les états en date du 1er janvier 1805, ce sont encore de jeunes hommes, Omeltchenko et Lazounov sont âgés de 27 ans, Ouchakov en a 24, leur aîné est Gavriliouk avec 31 ans. Tous les 4 sont célibataires et sauf Lazounov savent lire et écrire.
Les trois survivants seront promus sous-officiers, Ouchakov et Lazounov, le 9 avril 1806, Omeltchenko le 14 septembre. A la création de l'insigne de Distinction Militaire en 1807, qui correspond, pour la troupe, à l'ordre de Saint-Georges des officiers, ils seront parmi les premiers récipendiaires de la fameuse croix d'argent.
Si le sort ultérieur d'Omeltchenko reste inconnu, Lazounov décèdera assez rapidement, tandis qu'Ouchakov, affecté comme surveillant à l'hôpital des Gardes à Cheval, sera nommé aspirant, le 27 novembre 1816, au détachement d'Invalides de Saransk.
Comme récompense, le régiment reçoit le 28 septembre 1807, 5 étendards avec en lettres d'or sur banderole bleu ciel : "pour la prise d'un drapeau ennemi à Austerlitz, le 20 novembre 1805"...
".

Dans le 35e Bulletin de la Grande Armée, daté de Brünn, le 20 frimaire an 14 (11 décembre 1805), est indiqué que "... Guye, du 4e de ligne ..." a été blessé (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 3, p. 517 ; Correspondance de Napoléon, t.11, lettres 9559).

Selon Martinien, le Régiment a eu à Austerlitz 12 Officiers blessés (l'Historique du Régiment en mentionne 4) : le Chef de Bataillon Guye, les Capitaines Boucaud, Mercier, Montaudry, Laurent, Patou, Duthu; les Lieutenants Dupin, Jullié, Maury; Sous lieutenant Laforgue et Mousset. Le Régiment au total a perdu 318 hommes. Selon Rigo, le soir d'Austerlitz, le 4e de Ligne totalise 55 Officiers et 1649 hommes pour les deux Bataillons; ses pertes sont de 13 Officiers et 315 hommes (chiffres officiels).

Selon les travaux de D. et B. Quintin, le 4e a eu à Austerlitz, 15 Sous-officier et hommes de troupe tués, et 18 Sous-officiers et hommes de troupe mortellement blessés, soit au total 33 décédés dont 15 le jour même de la bataille.

Tableau des cas incertains de tués au 4e de Ligne d'après les travaux de D. et B. Quintin - Austerlitz

Morts de blessures après Austerlitz, ne figurant pas au contrôle de l'unité
Rayés des contrôles et présumés morts de leurs blessures à Austerlitz
Rayés des contrôles sans nouvelle après blessuree à Austerlitz
Morts des suites de blessures après le 02/12/1805 sans autres précisions
1
8
1

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Blessé au pied, je fus porté à l’ambulance où nous nous trouvâmes onze officiers du bataillon tous sabrés, porté ensuite à l’hôpital de Brinne ; j’y restai près d’un mois et à ma sortie je rejoignis le régiment à Vienne. Après avoir quitté le champ de bataille, le reste du bataillon marcha à la poursuite de l’ennemi fuyant jusque sur le lac qui engloutit le reste de la colonne et y prit deux drapeaux qui furent remis à l’empereur ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le soir de la bataille, l'Empereur rencontre quelques soldats du 1er Bataillon du 4e de Ligne et leur reproche d'avoir un instant cédé au nombre : "La cavalerie qui nous attaquait était si nombreuse qu'il nous a été impossible de résister – Vous deviez tous mourir, répondit l'empereur" (Relation de la bataille d'Austerlitz par le Maréchal Berthier). Le 30e Bulletin de la Grande Armée, rédigé à Austerlitz le 3 décembre 1805 (12 frimaire an 14), déclare : "... Cela n'étonnera pas les militaires, qui savent que ce n'est que dans la déroute qu'on perd des hommes, et nul autre corps que le bataillon du 4e n'a été rompu ..." (Correspondance de Napoléon, t.11, lettres 9541).

Le 3 décembre 1805 (12 frimaire an 14), l'Empereur, furieux après le 4e de Ligne, écrit, depuis Austerlitz, à Joseph : "... Toute l'armée s'est couverte de gloire hormis le 1er bataillon de votre régiment qui a lâché pied devant une charge de cavalerie. C'est la faute de ce mauvais chef de bataillon et du capitaine de grenadiers. Je prends des renseignements pour en faire un exemple éclatant ..." (Du Casse : « Supplément à la correspondance de Napoléon 1er » ; Paris, Dentu, 1887, p. 32; Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 11143 - ce passage ne figure pas dans la Correspondance de Napoléon, t.11, lettre 9538). Il semble que ce soit Bigarré qui est ici incriminé par l'Empereur.

Major Bigarré en 1806
Fig. 4 ; Major Bigarré d'après Bucquoy ; dessin de H. Boisselier

L'Empereur passe quelques jours après une revue à Maria-Hilf ; le Major Bigarré lui fait hommage de deux drapeaux russes pris par le 1er bataillon du 4e, Napoléon s'adresse alors au Régiment; voici comment l'Ordre du jour, rédigé au Quartier impérial, à Schoenbrunn, le 25 décembre 1805 (4 nivôse an 14) raconte cet évènement : "Arrivé au 1er bataillon du 4e régiment de ligne, qui avait été entamé à la bataille d'Austerlitz et y avait perdu son aigle, l'Empereur lui dit : " Soldats, qu'avez-vous fait de l'aigle que je vous avais donnée ? Vous aviez juré qu'elle vous servirait de point de ralliement et que vous la défendriez au péril de votre vie ; comment avez-vous tenu votre promesse ? " Le major a répondu que, le porte-drapeau ayant été tué dans une charge au moment de la plus forte mêlée, personne ne s'en était aperçu au milieu de la fumée ; que, cependant, la division avait fait un mouvement à droite ; que le bataillon avait appuyé ce mouvement, et que ce n'était que longtemps après que l'on s'était aperçu de la perte de son aigle ; que, la preuve qu'il avait été réuni et qu'il n'avait point été rompu, c'est qu'un moment après il avait culbuté deux bataillons russes et pris deux drapeaux dont il faisait hommage à l'Empereur, espérant que cela leur mériterait qu'il leur rendit une autre aigle.
L' Empereur a été un peu incertain, puis il a dit : " Officiers et soldats, jurez-vous qu'aucun de vous ne s'est aperçu de la perte de son aigle, et que, si vous vous en étiez aperçus, vous vous seriez précipités pour la reprendre, ou vous auriez péri sur le champ de bataille, car un soldat qui a perdu son drapeau a tout perdu ? ". Au même moment mille bras se sont élevés : " Nous le jurons, et nous jurons aussi de défendre l'aigle que vous nous donnerez avec la même intrépidité que nous avons mise à prendre les deux drapeaux que nous vous présentons ". "En ce cas, a dit en souriant l'Empereur, je vous rendrai donc votre aigle"
" (Correspondance de Napoléon, t.11, lettres 9610 ; cité dans Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 159).

"Soldats, qu'avez-vous fait de l'aigle que je vous avais donnée ? Vous aviez juré de la défendre au péril de votre vie ! Avez-vous tenu votre promesse ? Le porte-drapeau a été tué ; l'aigle a été perdue au fort de la mêlée. Si vous vous en fussiez aperçus, vous eussiez du vous précipiter reprendre ou périr sur le champ de bataille, car un soldat qui a perdu son drapeau, a tout perdu. Je vois les deux enseignes que vous avez enlevées aux Russes en les culbutant... Pouvez-vous jurer qu'aucun de vous ne s'est aperçu de la perte de son drapeau ? Je vous rendrai votre aigle ; jurez que vous la défendrez avec la même intrépidité que vous avez mise à prendre les enseignes ennemies. L'empereur, touché des regrets de ce brave Régiment, qui s'était fait une belle réputation en Italie, lui promit une autre aigle et ne la lui donna jamais" (Mémoires de Masséna).

"Napoléon au 4e réqiment d'infanterie. Schoenbrunn, décembre 1805.
Le 4e régiment d'infanterie a perdu son drapeau à Austerlitz, et, à une revue, Napoléon lui tient ce discours.
Où est-ce qu'est votre aigle ? Vous êtes le seul régiment de l'armée française à qui je peux faire cette question. J'aimerais mieux avoir perdu mon bras gauche que d'avoir perdu une aigle ! Elle va être portée en triomphe à Petersbourg, et, dans cent ans, les Russes la montreront avec orgueil ! Les quarante drapeaux que nous avons à eux ne valent pas votre aigle ! Avez-vous donc oublié de vous défendre contre la cavalerie ? Qui commandait ce régiment ? Quelles mesures a-t-il prises quand il s'est vu chargé par la cavalerie ? Où étaient vos officiers, vos grenadiers ? Ne deviez-vous pas tous mourir avant de perdre votre aigle ? Je viens de voir bien des régiments qui n'ont presque plus d'officiers et de soldats dans les rangs, mais ils ont conservé leur drapeau, leur honneur, et vous ? Je vois vos compagnies fortes et nombreuses et je ne puis retrouver mon aigle dans vos rangs ! Que ferez vous pour réparer cette honte ? Pour faire taire vos vieux camarades de l'armée qui diront, en vous voyant : voilà le régiment qui a perdu son aigle ! ... Il faut qu'à la première occasion votre régiment m'apporte quatre drapeaux ennemis, alors, je verrai si je dois lui rendre une aigle
" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 1799; rapporté par le Général de Saint Chamans; cité par Gérard Gorokhoff in Hors série N°2 de Soldats Napoléoniens).

"L'armée prit ses cantonnements en Moravie. Le corps du maréchal Soult, qui s'était particulièrement distingué, fut cantonné à Vienne et aux environs, la division Vandamme dans le faubourg de Léopoldstadt. Le 26 décembre, veille de la signature de la paix, l'empereur Napoléon, étant à son quartier général de Schönbrunn, vint passer en revue la division Vandamme sur un terrain peu éloigné du château. Arrivé au 4e régiment de ligne, il m'ordonna de faire former le carré et se mit au milieu avec tout son état-major, faisant face au centre du bataillon qui avait perdu son drapeau : Soldats, dit-il, qu'avez-vous fait de l'aigle que je vous avais confiée ? Vous aviez juré qu'elle servirait de point de ralliement et que vous la défendriez au péril de votre vie ; comment avez-vous tenu votre promesse ? Sire, lui répondis-je, le 4e de ligne a fait son devoir à la bataille d'Austerlitz comme il l'a rempli à celle d'Arcole sous les yeux de Votre Majesté et dans toutes les circonstances où il s'est battu pour la patrie et pour la gloire. Un évènement malheureux a privé son 1er bataillon de l'aigle que vous lui aviez confiée ; dans une mêlée contre trois régiments de cavalerie de la garde impériale russe et contre six bouches à feu qui le couvraient de mitraille, deux porte-drapeaux ont été tués, et c'est dans les mains du troisième, qui a reçu douze coups de sabre de l'ennemi, que cette aigle a été enlevée. Je puis vous jurer, sur ma parole d'honneur, sire, que qui que ce soit de ce bataillon ne s'est aperçu de la perte de cette aigle, et que le 3 décembre, nous en avions encore deux à nos faisceaux ...
Sire, lui dis-je encore, demandez aux généraux Vandamme et Candras si le 4e régiment de ligne ne s'est pas courageusement battu à Austerlitz ? Que votre Majesté daigne se rappeler qu'il a enlevé à la baïonnette une batterie ennemie sur le plateau de Pratzen, fait prisonnier un régiment russe avec son colonel, dont voici les deux drapeaux (un adjudant-major les avait à la main) que j'offre à Votre Majesté au nom du régiment de son frère.
En ce cas, dit l'empereur en souriant, je vous donnerai une autre aigle. Des cris de : Vive l'Empereur ! Cent fois répétés par tout le régiment, terminèrent cette scène qui se passa comme je viens de la décrire et non autrement.
Après la revue, l'empereur invita le général Vandamme, ses généraux de brigade et tous les colonels de sa division à diner avec lui à Schönbrunn... Le cœur encore froissé de la publicité que l'empereur avait donnée à la perte de l'aigle de mon 1er bataillon, je refusai obstinément de me rendre à l'invitation de l'empereur.
Je priai seulement le général Candras de m'excuser comme il le jugerait convenable.
Pendant tout le diner, on parla beaucoup de la porte de l'aigle du 4e régiment. Le maréchal Soult assura de nouveau l'empereur qu'elle avait été indépendante de la valeur de ce corps d'élite et les généraux Vandamme, Candras, Ferré et Schiner firent si bien mon éloge que l'empereur leur dit :
Je connais depuis longtemps Bigarré ; je voudrais pouvoir le faire colonel aujourd'hui, mais je ne le puis dans cette circonstance, parce que ma politique me le défend et que cela ferait un mauvais effet dans l'armée. Le lendemain 26, il me nomma officier de la Légion d'honneur.
Le 4e régiment de ligne était un de ces corps qui avaient fait la première guerre d'Italie sous l'empereur. Après la belle affaire d'Arcole, où ce régiment se distingua, le général Bonaparte lui permit de porter des chapeaux gansés, comme l'étaient ceux des guides ; cette espèce de décoration particulière blessait l'amour-propre des régiments de l'armée, de sorte que beaucoup de colonels et d'officiers supérieurs ne virent pas avec déplaisir le 4e régiment éprouver un évènement malheureux
" (Major Bigarré).

Situation du 4e Corps - 22 décembre 1805 (Nafziger - 805LXC)
Commandant : Soult
2ème Division Vandamme
4e de Ligne, 2 Bataillons

Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483

Situation en Janvier 1806 (côte SHDT : usuel-180601)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de l'an XIII
BIGARRE Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée - 3e corps de réserve

Situation en Mars 1806 (côte SHDT : usuel-180603)

Chef de corps : JOSEPH BONAPARTE Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de l'an XIII
BIGARRE Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales à Schiltigheim - Grande armée - 3e corps de réserve

Fig. 4bis Portrait de Louis Léger Boyeldieu - Colonel du 4e Régiment d'Infanterie, 1806 ; ce document nous a aimablement été communiqué par Mr Ken Richards, collectionneur australien, actuel propriétaire de ce portrait (http://www.frenchempirecollection.com). Nous rappelons au lecteur que ce document ne peut donc en aucun cas être utilisé sans l'autorisation préalable de son propriétaire légal.

Après la signature de la paix, la Division Vandamme prend des cantonnements en Bavière ; le 4e tient garnison à Pressing lorsque le Colonel Louis Léger Boyeldieu vient en prendre le commandement, le Prince Joseph venant d'être nommé roi de Naples. Le Major et le Chef du 1er Bataillon le suivront pour rester à son service. Bigarré sera nommé par Joseph Aide de Camp, Général, puis Commandant de la Garde Royale espagnole en 1809.

Précisons que le Colonel Boyeldieu (né le 13 août 1774 ; Colonel le 9 mars 1806 ; Commandant de la Légion d'Honneur le 11 juillet 1807 ; Baron de l'Empire le 20 juillet 1808 ; Général de Brigade le 21 juillet 1811 ; Général de Division le 7 septembre 1813 ; décédé le 17 août 1815 à la suite de ses blessures reçues à Waterloo) a fait l'objet d'une étude parue dans les Carnets de la Sabretache (1914-1919, page 457) dont nous n'avons gardé que les éléments relatifs au 4e de Ligne.

Pendant la durée de son commandement, le Colonel Boyeldieu a tenu ou fait tenir très exactement un journal des marches et opérations du 4e de ligne. Voici ce qu'en dit la Sabretache qui en a publié l'essentiel : "Ce journal est écrit sur un cahier cartonné in-8° d'une centaine de pages environ et comprend la période de septembre 1806 à novembre 1810. Il est intitulé : Itinéraire et Notes historiques du 4e régiment de ligne. Il est d'un puissant intérêt pour l'histoire de ce Corps. Comme il est resté inconnu des rédacteurs de l'Historique du 4e de ligne, nous croyons bien faire en le reproduisant ici à peu près intégralement. Nous nous sommes borné à rectifier dans la mesure du possible l'orthographe des noms propres et à résumer quelques énumérations par trop fastidieuses de gites d'étapes (Note de la Sabretache : L'itinéraire et les notes historiques du 4e de ligne, de même que la majeure partie des papiers provenant du général Boyeldieu qui nous ont permis de rédiger la présente notice, appartiennent à M. E. Boyeldieu, de la Neuville-sire-Bernard (Somme). Qu'il reçoive ici l'expression de notre bien vive gratitude pour l'obligeance avec laquelle il a mis tous ces documents à notre disposition. Nous remercions également madame Dragonne ainsi que MM. Magniez et Ad. Poulain qui nous ont communiqué quelques pièces intéressantes)".

Nommé donc le 9 mars 1806 Colonel du 4e Régiment d'infanterie de ligne "en remplacement de Son Altesse Impériale, le Prince Joseph", Boyeldieu en est informé le 22 mars par lettre du Ministre qui lui prescrit également de rejoindre son Corps sans délai (Papiers du Général Boyeldieu). Boyeldieu, qui a été promu Officier dans la Légion d'Honneur le 13 mars 1806, vient prendre le commandement du 4e au mois de mai suivant. Les Bataillons de guerre du Régiment se trouvent alors cantonnés en Bavière à Freising et environs; le 3e Bataillon est au Dépôt à Strasbourg. Le Colonel Boyeldieu rend compte de son arrivée au Ministre par la lettre suivante (Archives de la Guerre - Dossier Boyeldieu) :
"Freising le 15 mai 1806 ;
Le colonel du 4e régiment de ligne à Son Excellence
le Ministre de la Guerre,
J'ai l'honneur de vous informer que je suis arrivé aux bataillons de guerre du régiment que je commande, le 5 de ce mois et que j'ai été reconnu le jour suivant.
A mon passage à Strasbourg, je me suis assuré de l'état du 3e bataillon et c'est avec satisfaction que j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence que j'ai reconnu que le chef de bataillon et les officiers chargés des différentes parties de l'administration s'en acquittent avec beaucoup de zèle et de succès.
Je désirerais, Monseigneur, vous faire un rapport aussi satisfaisant sur la situation de l'habillement des bataillons de guerre, mais je l'ai trouvé dans un tel état de délabrement que le remplacement de l'an XIV ne suffira point pour mettre le régiment dans la tenue qu'il doit avoir.
L'armement exige aussi de grandes réparations et la buffeterie (sic) a besoin d'être presque entièrement renouvelée.
J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, Monseigneur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur, BOYELDIEU
".

Situation en Mai 1806 (côte SHDT : usuel-180605)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de l'an XIV
BIGARRE Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Landshutt - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Landshutt - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée - 3e corps de réserve

Le 4e de ligne, ainsi pourvu d'un Colonel, le Major Bigarré rejoint dans un premier temps le dépôt à Strasbourg. Cet Officier, très affecté des reproches de l'Empereur à la suite de l'affaire d'Austerlitz, a, nous l'avons dit plus haut, avec le Chef du 1er Bataillon, sollicité de prendre du service dans l'armée de Naples. "En attendant la réponse du roi Joseph, dit·il dans ses Mémoires, je m'occupai à Strasbourg des intérèts de mon régiment; un changement d'uniforme qui venait d'être prescrit ne laissa pas de donner beaucoup de besogne aux majors. L'Empereur, que ses goûts monarchiques ramenaient aux vieilles institutions, imagina de faire reprendre l'habit blanc à l'armée française. Le 4e régiment de ligne étant du nombre de ceux de l'armée qui, en 1806, devaient être habillés en drap de telle couleur, je fus le premier officier supérieur qui parut revétu de l'habit blanc, par la raison qu'ayant besoin de me faire habiller à neuf, je dus nécessairement adopter le nouvel uniforme". En vertu des décrets des 25 avril et 24 juillet 1806, l'habit blanc devait être porté à titre d'essai par vingt Régiments de ligne dont le 4e. Les Bataillons de guerre de ce Régiment, alors en Bavière, reçurent-ils la nouvelle tenue ? Il semble bien que Bigarré se préoccupa de leur envoyer les uniformes blancs et nous savons par la lettre de Boyeldieu reproduite plus haut, que le 4e de Ligne avait un pressant besoin de renouveller sa tenue; toutefois, les Notes historiques du 4e de ligne qui figurent parmi les papiers du Général Boyeldieu ne contiennent aucun renseignement à cet égard; mais on peut tenir pour certain que les Bataillons de guerre du 4e, comme ceux de tous les Régiments désignés, reçurent effectivement l'habit blanc.

Peu après son arrivée à Freising, le jeune Colonel - il avait 32 ans - fait faire son portrait par un artiste allemand (note de la Sabretache : Ce tableau, malheureusement assez mal conservé, appartient à M. Eug. Boyeldieu, de La Neuville-sire-Bernard (Somme), arrière petit fils du Général. Derrière la toile sont inscrits les mots, et la signature du peintre : Gemalhen zu Freising im May 1806. - Aloïs Frey . Une réplique de ce tableau appartient à M. Ch. Delagrave, l'éditeur parisien bien connu, arrière-petit-neveu du général - ce tableau est actuellement la propriété de Mr Ken Richards). Boyeldieu est peint en buste, revêtu de l'uniforme bleu, mais on ne saurait tirer argument de ceci, car le décret du 25 avril concernant l'habit blanc était encore trop récent pour avoir reçu son application.

A peu près à la même époque, le 4e de Ligne reçoit comme Sous-lieutenant le jeune Tascher de la Pagerie, cousin de l'Impératrice Joséphine. Celle-ci, à cette occasion, écrit au Colonel Boyeldieu une lettre de recommandation d'un ton charmant (Note de la Sabretache : papiers du général Boyeldieu. La lettre de Joséphine n'est pas inédite : elle a paru dans la biographie sommaire du général publiée par Th. Lamathière dans le Panthéon de la Légion d'Honneur (Paris, Dentu ) page 475. Cet ouvrage étant peu connu et la lettre de l'impératrice présentant un intérêt réel, nous avons cru bien faire en la reproduisant ici intégralement. Tascher de la Pagerie (Jean-Henri-Robert), fils de Robert, frère de Joséphine ; né le 1er avril 1787 à Fort-Royal (Martinique) ; appelé aux Tuileries en 1802 et plus tard envoyé à Fontainebleau ; prend part avec le 4e de ligne à la campagne de 1806 ; officier d'ordonnance de l'Empereur en 1807 ; colonel du 1er régiment provisoire de Chasseurs en 1808 ; comte de l'Empire le 9 mars 1810 ; général de brigade le 17 février 1814 ; sénateur du Second Empire le 31 décembre 1852 ; grand maitre des cérémonies de l'Impératrice Eugénie ; décédé le 3 mars 1861) :

"Monsieur Boyeldieu,
J'ai appris avec beaucoup de plaisir que M. Tascher, élève de l'Ecole militaire de Fontainebleau, est placé dans le 4e régiment de ligne que vous commandez. Je suis charmée pour lui qu'il doive servir sous vos ordres ; il est mon cousin germain et je vous le recommande avec d'autant plus d'intérêt que tous les rapports du général Bellavesne
(Commandant l'Ecole militaire de Fontainebleau) a faits de lui ont été très favorables. Je vous demande pour lui votre amitié et les soins d'un tuteur sans trop d'indulgence pour ses fautes. Son âge et son caractère ont besoin de surveillance. Je désire que vous le fassiez loger près de vous, et qu'il ne trouve aucune facilité pour contracter des dettes. Il aura par an, outre ses apppointements, une somme de mille écus; sa dépense ne doit pas aller au-delà. Soyez persuadé, Monsieur, de toute ma sensibilité aux soins que vous voudrez bien donner à M. Tascher; la reconnaissance qu'il garde à M. le général Bellavesne vous répond de toute celle qu'il gardera pour vous.
A Saint-Cloud, le 16 mai 1806.
JOSéPHINE
"

Officier en 1806-1807 d'après Bucquoy Officier en 1806
Fig. 5 ; à gauche, Lieutenant en 1806 d'après Bucquoy; au centre, Officier de Fusiliers en 1806-1807 d'après R. Forthoffer (Fiches documentaires, sources Knötel et Baldauf) ; à droite, plaque de shako d'Officier, modèle 1806 (collection privée)

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Je restai donc un mois à l’hôpital puis je vins rejoindre le régiment à Vienne, où je fus encore obligé de suivre un traitement pour me donner un peu de force à mes membres, car j’avais beaucoup de peine à me rétablir ; nous fûmes les derniers Français qui sortirent de la ville et nous en fîmes la remise aux Autrichiens ; on nous dirigea ensuite sur la Bavière et de là sur la Prusse qui voulut aussi se mesurer avec la France. Cette campagne fut bien glorieuse pour nous, mais elle nous coûta bien cher ! ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

- Campagne de Prusse

Le 22 juin 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, je vous envoie un travail sur l'emplacement que doit occuper la Grande Armée au moment de sa rentrée en France. Vous me proposerez une meilleure répartition, à peu près dans les mêmes divisions, si vous y entrevoyez quelque économie pour le service, soit pour les lits, soit pour le fourrage, soit pour le casernement.
... 4e corps du maréchal Soult
3e division militaire
... 4e de ligne Metz ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11352).

Situation en Juillet 1806 (côte SHDT : usuel-180607)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de l'an XIV
BIGARRE Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Freysing - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Guye à Aïcha - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée

Le 11 juillet 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de la Grande Armée : "Mon Cousin … La division du général Leval est composée de détachements des 10e et 26e d'infanterie légère, 3e, 40e, 58e, 4e et 34e de ligne, 17e et 24e d'infanterie légère (n'apparaissent pas dans la CGN), 18e, 64e, 57e et 88e de ligne : donnez ordre que cette division soit dissoute, et qu'elle se dirige, sans aucun séjour, par la route la plus courte, sur les bataillons de guerre …" (Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10478 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12461).

Situation de la Grande Armée - 18 juillet 1806 (Nafziger - 806GXC)
4e Corps : Soult
Division Leval
4e de Ligne, 1er et 2e Bataillons, 1863 hommes

Sources : Archives françaises, Carton C2 481, 482, 483

Le 1er août 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Général Rapp, commandant la 5e Division Militaire, à Strasbourg : "J'ai reçu votre lettre avec le livret, qui y était joint, des trois colonnes que vous avez fait partir pour la Grande Armée ...
J'ai confronté votre livret avec mes états de situation ; j'y vois ...
Que le 4e ligne devait avoir 500 hommes : il n'en est rien parti ...

Faites-moi connaître les raisons de ces différences" (Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10579 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12634).

Le 4 août 1806, le Roi de Naples décrète : "... Sont nommés dans le régiment des grenadiers de notre garde.
... Lieutenant, monsieur ... Roch, sergent au 4ème régiment d'infanterie ...
" (P. Quentin : "Français au service de Naples", t.1. - SHD cote XP1d).

Le 1er septembre 1806, le 4e de Ligne est au 4e Corps de Soult, 3e Division Legrand.

Le 17 septembre 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Rapp, commandant la Ve Division Militaire à Strasbourg : "… Je n'ai point, dans les situations que vous m'avez envoyées, celles des compagnies de grenadiers des 3es et 4e bataillons. Envoyez-moi cette situation, que je désire avoir.
Quelle serait, par exemple, la force d'un bataillon de six compagnies qui serait formé des compagnies des 3e, 4e, 18e, 57e et 88e régiments de ligne, qui sont à leurs 3es bataillons, et d'un autre bataillon qui serait formé avec les compagnies de carabiniers des 7e, 10e, 16e et 24e légers, qui se trouvent à leurs 3es bataillons au dépôt ? Faites-moi connaître aussi la situation des voltigeurs
" (Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10802 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12967).

Le 4e de Ligne part de Freising en Bavière le 27 septembre 1806 : "Traversé Mosburg et Landshut et couché dans plusieurs villages ... Le 29 à Ratisbonne sur le Danube" (Itinéraire et notes). Il est à Amberg le 1er octobre lorsque la guerre éclate à nouveau, cette fois ci contre la Prusse. Dès les premiers jours d'octobre, il rentre en campagne.

Situation en Octobre 1806 (côte SHDT : usuel-180610)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de 1806
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Reboul - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée

Au 1er octobre, il est à la 2e Division Leval du 4e Corps (Brigade Viviès). Effectif du 1er bataillon : 38 Officiers, 1122 hommes ; 10 chevaux d'Officiers ; 21 hommes aux hôpitaux. Effectif du 2e Bataillon : 29 Officiers, 1117 hommes ; 5 chevaux d'Officiers ; 23 hommes aux hôpitaux (d'après Foucart : "La campagne de Prusse 1806" - donné partiellement par Nafziger : 806IAL et 806JBI). Le 4e a l'un des effectifs les plus élevés des Régiments du 4e corps. Ce jour là, le Sergent major Saint Cyr reçoit la croix de la Légion d'Honneur des mains de l'Empereur qui le nomme sous Lieutenant.

Grenadier en 1806-1807 d'après Forthoffer

schako 4e de ligne

schako 4e de ligne

Fig. 6 ; Grenadier en 1806-1807 d'après R. Forthoffer (Fiches documentaires, sources Knötel et Baldauf)
Fig. 6bis ; shako (original ou reconstitution ?) modèle 1806 sans chevron (donc vers 1807) avec plaque modèle 1806

L'Armée française s'avance sur trois colonnes, le 4e Corps en tête de la colonne de droite, et vient menacer le flanc gauche de l'Armée prussienne concentrée entre Weimar et Iéna. Tandis que le Roi de Prusse rétrograde vers le nord et va se faire battre par Davout à Auerstaedt, le Prince de Hohenlohe prend position près d'Iéna.

"Le 2, à Sulzbach et environs; séjour. Le 4, couché dans dix-huit petites maisons; le 5, séjourné dans cet endroit. Le 6, marché toute la nuit ; traversé Baireuth le 7 à cinq heures du soir et venu bivouaquer sur la droite de cette ville" (Itinéraires et notes).

Ordres du Maréchal Soult pour la prise de position de Münchberg : "Le général Leval placera le 4e régiment en position sur le plateau en arrière de Münchberg et il mettra en avant de son centre deux pièces de 12. Le restant de la division prendra position sur la hauteur en arrière du 4e de ligne" (Foucart, la Campagne de Prusse. T. I. page 416).

"Le 8, bivouaqué à Munchberg. Le 9, bivouaqué à Gross-Zöbern, village qui fut totalement brulé dans la nuit. Le 10, bivouaqué à Plauen. Le 11, en arrière de Weyda. Le 12, en avant de Géra sur l'Elster : revue de l'Empereur" (Itinéraires et notes).

Le 13 à midi, Napoléon fait battre la générale et s'avance vers les positions des Prussiens sur les hauteurs à l'est d'Iéna. Le Corps de Soult doit former la droite de la ligne de bataille. En conséquence, le Régiment marche de Géra sur Iéna ; mais les routes sont tellement encombrées qu'il doit s'arrêter avec sa Division et la Division Legrand.

- Iéna (14 octobre 1806)

Le 14 au matin, la marche est reprise en toute hâte ; mais, malgré sa diligence, la division Leval (4e) ne peut arriver à temps et le Régiment ne prend aucune par à la bataille d'Iéna.

"Le 13, à deux heures de l'après-midi, parti de devant Géra, marché toute la nuit suivante et arrivé le 14 au point du jour devant Iéna. Une partie du corps du maréchal Soult s'y battit; mais notre division, commandée par le général Leval, resta en observation" (Itinéraires et notes). Seule du 4e Corps, la Division Saint-Hilaire a pris une part effective à la bataille d'Iéna. "Il fut envoyé ordre, aux divisions des généraux Legrand et Leva1 qui n'étaient pas encore arrivés à Iéna, de presser leur marche pour venir prendre part à la bataille; vers midi, elles joignirent, mais les mouvements de l'ennemi ne permirent pas de les engager de la journée" (Journal des opérations du 4e Corps).

"Le 15, léger mouvement en avant et bivouac devant le village de Rosbach. Le 16, parcouru l'immense plaine d'Iéna et bivouaqué devant Mühlhausen. Le 17, marche de nuit; bivouaqué devant Nordhausen; à minuit elle a été brûlée ... Le 19, bivouaqué aux portes d'Halberstadt..." (Itinéraires et notes).

Lancé avec son Corps d'armée à la poursuite des Prussiens, le 4e est à Magdebourg le 20 et fait partie des troupes chargées de protéger le blocus de cette ville (Historique régimentaire).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A la déclaration de guerre de la Prusse, nous quittâmes nos cantonnements et marchâmes sur la Prusse, nous étions toujours 4ème corps, commandé par le Maréchal Soult ; nous fûmes dirigés sur lena et prîmes part à cette bataille ; le même soir l’armée marcha et manoeuvra toute la nuit pour couper et prendre l’armée Prussienne qui était complètement en déroute ; nous prenions des bataillons et des régiments en entier, ils étaient si démoralisés qu’ils n’avaient plus d’ordre, chaque corps marchait pour son propre compte ; nous continuâmes ainsi jusqu’à Magdebourg que nous mîmes trois jours à investir après notre arrivée ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"Le 4e de Ligne bivouaque les jours suivants à Hemerzben, puis à Gross-Wanzleben. Le 22 et les jours suivants, il campe devant Magdebourg près du village de Hohen-Wansleben. Il se porte ensuite, le 25, sur Tangermünde, à la poursuite du corps du duc de Weimar. Le 28, il traverse l'Elbe à Tangermünde et se porte sur Rathenow par une marche de nuit; il bivouaque le 29 près de Rhinow; le 30, en avant de Wùsterhausen" (Itinéraires et notes).

Situation de la Grande Armée - novembre 1806 (Nafziger - 806KXA)
4e Corps : Soult
Division Leval
4e de Ligne, 1er et 2e Bataillons : 1863 hommes

Sources : Archives françaises, C2 470

Relevé par Ney, le 4e Corps se met de nouveau à la poursuite d'une colonne prussienne par la route de Ratzbourg sur Lubeck, ou Blücher s'enferme le 6 novembre. Les 1er et 4e Corps pénètrent dans la ville le même jour.

"Le 1er, marché jusqu'à onze heures du soir; halte de quatre heures près de Waren. Le 2, traversé un petit champ de bataille où nous vîmes peu de morts (il s'agit du combat de Crivitz livré le 2 au matin par Bernadotte au corps de Blücher qui battait en retraite); passé par Plau et bivouaqué dans une forêt à deux heures en avant de la ville. Le 3, en arrière de Crivitz ... Le 5, bivouac en arrière de Ratzeburg (sur un beau lac). Le 6, halte de trois heures dans Ratzeburg et venu prendre position devant Lübeck où, depuis le point du jour, on entendait une canonnade et fusillade des plus terribles ; mais, à ce combat, le régiment ne fit que des manœuvres d'observation et bivouaqua à l'entrée de la nuit en arrière de cette ville (la division Leval devait enlever la porte de Hertzberg; mais son intervention ne fut pas nécessaire (Soult à l'Empereur). Cf. Foucart, op. cit. T. II, page 741). Le 7, il y séjourna; il prit les armes et se forma en haie pour voir défiler le corps du général prussien Blücher, qui venait de se rendre au corps du prince de Ponte-Corvo. Le 8, traversé Lübeck et bivouaqué en avant d'un village appelé Grewesmühlen ..." (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A peine cette opération terminée, le Feld Maréchal Blucher marcha sur nous pour secourir la place ; notre division fut chargée de le recevoir ; à peine le feu fut-il engagé avec l’avant-garde, qu’il fut forcé de fuir devant nous ; nous le poursuivîmes la bayonnette dans les reins marchant nuit et jour jusqu’à Lubeck, où il crut n’avoir plus de salut pour lui et les siens qu’en s’enfermant dans cette place, mais ce fut inutile, car à peine fûmes nous arrivés sous les murs de cette ville, que malgré ses remparts garnis d’une nombreuse artillerie, en quatre heures la place fut emportée d’assaut et le fameux Blucher ainsi que son corps d’armée furent obligés de mettre bas les armes et furent amenés en France prisonniers de guerre ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

De Lübeck, l'Armée française continue sa marche triomphale sur Berlin. Du 9 au 15, le 4e de ligne cantonne dans diverses localités du Mecklembourg, aux environs de Warin. Le 10 novembre, le 4e présente la situation suivante (situation également donnée par Nafziger - 806KAM d'après Foucart : "La campagne de Prusse 1806") :

- 1er Bataillon : 37 Officiers, 1101 hommes ; 15 chevaux d'Officiers ; 40 hommes aux hôpitaux.
- Effectif du 2e Bataillon : 30 Officiers, 1105 hommes ; 4 chevaux d'Officiers ; 33 hommes aux hôpitaux.

Le 11 novembre 1806, le Maréchal Berthier, Prince de Neuchâtel et Valengin, Major général de la Grande Armée, écrit depuis Berlin, au Général Dejean : "J'ai l'honneur de prévenir Votre Excellence qu'indépendamment des détachements que j'ai ordonné à M, le maréchal Kellermann de faire partir dans la première quinzaine de novembre, ainsi que je vous en ai informé par ma lettre du 2, je viens de lui adresser l’ordre de former huit bataillons provisoires conformément à l'état de composition que je joins ici.
Chaque bataillon sera composé de compagnies fournies par les troisièmes bataillons des corps de la Grande Armée, à raison d'une par bataillon, et chaque compagnie sera complétée à 140 hommes.
Le maréchal Kellermann nommera un chef de bataillon et un adjudant-major pour chaque bataillon et un major pour commander deux bataillons. Il aura soin de ne pas prendre les majors dans les mêmes corps où il prendra les chefs de bataillon ou adjudants-majors.
Je donne l'ordre aux généraux commandant les 25e et 2e divisions militaires de faire diriger de suite sur Mayence les compagnies que doivent fournir les bataillons qui ne sont pas stationnés dans les 5e et 26e divisions.
Pour accélérer la formation et le départ de ces bataillons il ne sera pas nécessaire que les conscrits soient dressés ; il suffira qu'ils aient huit ou dix jours d'instruction, qu'ils soient armés, qu'ils aient la veste, la culotte., les guêtres, le chapeau d'uniforme et une capote. Il ne faudra pas attendre qu'ils aient l'habit.
Sa Majesté espère que ces troupes seront réunies à Mayence le 25 et en partiront le même jour pour se rendre le plus promptement possible, conformément aux ordres que je donne à M. le maréchal Kellermann : savoir les 5e et 6e bataillons à Cassel pour maintenir la tranquillité de cet électorat et les six autres à Magdeburg où ils achèveront leur instruction.
Je préviens le maréchal Kellermann qu'il ne doit pas perdre un moment pour former ces bataillons que, pourvu qu'ils soient armés, tout est bon ; qu'ils seront fournis à Magdeburg de tout ce qui leur sera nécessaire ; que Sa Majesté doit en tirer deux avantages, puisqu'ils ne coûteront rien en France et qu'ils garderont Magdeburg, ce qui rendra d’autres troupes disponibles ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 793). Le 1er Bataillon doit comprendre 1 Compagnie du 3e Régiment de ligne, 1 du 4e, 1 du 18e, 1 du 57e, 1 du 10e d'infanterie légère, 1 du 24e, 1 du 26e; total : 980 hommes.

Le 15, le 4e corps reçoit l'ordre de se rendre à Berlin et s'y porte par Plau, Alt-Ruppin, Neu-Ruppin et Fehrbellin. Le 20, le 4e de Ligne compte 63 Officiers et 2055 hommes.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Nous couchâmes une nuit à Lubeck et en partîmes le lendemain ; nous longeâmes la frontière Danoise et arrivâmes à Berlin ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

- Campagne de Pologne

Le 21, le 4e arrive à Berlin. Le 23 novembre, toujours à Berlin, au cours d'une revue, l'Empereur remet au 1er Bataillon une nouvelle aigle en remplacement de celle perdue à Austerlitz (Note de la Sabretache : Itinaire et Notes historiques du 4e de ligne ; papiers du général Boeyldieu).

"Le 21, entrée à Berlin, capitale de la Prusse (sur la Sprée) où le régiment fut logé chez l'habitant. Il y séjourna jusqu'au 23. Le 23, i1 prit les armes et fut passé en revue par S. M. l'Empereur qui fit beaucoup de promotions et donna une aigle au 1er bataillon (cette aigle fut remise en remplacement de celle enlevée au 4e de ligne par les Russes à Austerlitz. L'assertion de Masséna reproduite dans l'Historique du Régiment, selon laquelle l'Empereur ne donna jamais l'aigle promise après Austerlitz, est donc inexacte)" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... A notre arrivée, l’empereur nous passa en revue, après nous avoir fait un superbe discours il nous donna un aigle en nous redemandant deux drapeaux Prussiens, je fus promus au grade de capitaine (au choix) ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Il reste maintenant à combattre la Russie : une armée, sous les ordres de Murat, a déjà poussé jusqu'à la Vistule ; elle est bientôt suivie par une deuxième sous les ordres directs de Napoléon. Le 4e qui en fait partie doit exécuter une marche des plus pénibles par Francfort.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le lendemain matin, nous nous mîmes en route pour la Pologne pour aller à la rencontre de l’armée Russe qui venait au secours de l’armée Prussienne, mais ils arrivaient trop tard, l’armée Prussienne était tout à fait détruite ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"Le 24, il coucha dans plusieurs villages sur la route de Francfort-sur-Oder; le 25, à Francfort; le 26, il a traversé le fleuve ct couché dans de mauvais hameaux... Le 28, couché à Liebnow, première étape de Pologne..." (Itinéraires et notes).

De Francfort, le 4e de ligne continue sa route vers la Vistule par Posen, qu'il traverse le 3 décembre et Gnesen où il couche le 13.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Nous passâmes la Wistule à Posen (WARTA PUZNAN) ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 15 décembre 1806, Napoléon écrit depuis Posen au Général Lacuée : "… Ayez soin ... d'envoyer en Italie des conscrits du Languedoc ; donnez au 4e de ligne et au 32e des Gascons et des Languedociens ... parce qu'ils n'ont personne pour faire des sous-officiers ..." (Correspondance de Napoléon, t.14, lettres 11478 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 13870).

Situation du 4e Corps - 15 décembre 1806 (Nafziger - 806KAB et 806KBJ)
Commandant : Soult
Division Leval
Brigade Raymond-Vives
4e de Ligne
1er Bataillon : 36 Officier et 1035 hommes
2e Bataillon : 27 Officiers et 1020 hommes

Source : Foucart, P., "Campagne de Pologne (novembre-décembre 1806 - Janvier 1807 (Pultusk et Golymin) d'après les Archives de la Guerre", Librairie Militaire Berger-Levrault & Cie, Paris, 1882.

Composition du 4e Corps du Maréchal Soult au moment de l'ouverture de la campagne d'Hiver (un renfort de 848 hommes est arrivé vers le 20 décembre) :
1ère Division, Général Saint-Hilaire : 10e Léger, 36e, 43e, 55e de Ligne, 8 Bataillons, 14 pièces, 7077 hommes.
2e Division Leval : 24e Léger, 4e, 28e, 46e, 57e de Ligne, 10 Bataillons, 14 pièces, 9149 hommes. Note : Le 1er Bataillon du 57e (923 hommes), compris dans l’effectif, a été détaché à l’escorte des prisonniers.
3e Division Legrand : 26e Léger, 18e et 75e de Ligne, 6 Bataillons, 14 pièces, 7270 hommes.
Tirailleurs corses, Tirailleurs du Pô, 2 Bataillons
Cavalerie légère, Général Guyot : 8e Hussards, 16e et 22e Chasseurs, 9 Escadrons, 1443 hommes" (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 296).

Le 4e poursuit sa route par Thorn :

"Le 16, à Orlowa et Guikowa (?) où se réunit dans la nuit le corps d'armée. Le 17, au matin, traversé d'une immense forêt et couché à Thorn, ville située sur la Vistule. Le 18, repassé le fleuve et couché à Klunick et environs... Le 22, la division fut réunie en avant de Gostynin; elle en partit à dix heures du soir et, à travers une immense forêt, elle parut devant Plock, à deux heures du matin, le 23; elle y traversa la Vistule sur des barques et bivouaqua le même jour en avant de cette ville. Le 24, traversé la rivière de l'Ukra au village de Ztarozreby et couché dans plusieurs villages en avant …" (Itinéraires et notes).

Le 4e arrive le 26 décembre à Ciechanów, après des fatigues inouïes. Il est impossible de faire un pas sans tomber dans des embarras inextricables. Des hommes restent ensevelis dans la boue jusqu'à la ceinture et beaucoup y expirent faute d'être secourus à temps.

"Le 30, couché dans trois villages, le principal est Rostowa; le 31, séjour" (Itinéraires et notes).

Battus à Golymin et à Pulstuk, les Russes se retirent vers l'est et l'Armée française, arrêtée par la boue, la neige et le froid, prend ses quartiers d'hiver le 1er janvier 1807. A cette époque, les 1er et 2e Bataillons du 4e de Ligne comptent 65 Officiers et 2184 hommes (Nafziger 807AAA - source : Foucart P., "Campagne de Pologne (novembre-décembre 1806 - Janvier 1807 (Pultusk et Golymin) d'après les Archives de la Guerre, Librairie Militaire Berger-Levrault & Cie, Paris, 1882).

Situation en Janvier 1807 (côte SHDT : usuel-180701)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle de 1806
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Reboul - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cales - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée

Situation du 4e Corps - 5 janvier 1807 (Nafziger - 807AAF)
Commandant : Soult
Division Leval
Brigade Raymond-Vives
4e de Ligne, 2 Bataillons : 63 Officiers et 2007 hommes

Source : Foucart, P., "Campagne de Pologne (novembre-décembre 1806 - Janvier 1807 (Pultusk et Golymin) d'après les Archives de la Guerre", Librairie Militaire Berger-Levrault & Cie, Paris, 1882. Quintin - Eylau (Livrets de situations de la Grande Armée conservés au SHD, Département Terre, sous la cote C2-617)

Le 4e Corps s'établit entre la Narew et l'Ukra ; le 4e de Ligne, cantonné dans une région pauvre, dénuée de toutes ressources, doit disperser ses hommes dans une quinzaine de villages où ils restent jusqu'au 18 janvier.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... et fûmes forcés par l’extrême mauvais temps de nous arrêter quelques jours à Pratznitz ; ne pouvant aller plus loin, nous étions dans la plus grande pénurie, nous manquions de vivres, il n’existait pas de moulins dans ce pays, nous étions obligés d’écraser le grain avec des pierres pour faire des galettes, point de viande et les pommes de terre étaient sous la terre qui était gelée ; nous passâmes décembre et janvier 1807 dans ces malheureux cantonnements manquant absolument de tout ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 18 janvier 1807, les Russes reprennent l'offensive ; Napoléon concentre ses corps d'armée et manœuvre pour jeter l'armée ennemie dans la Baltique, mais elle se retire rapidement sur Landsberg et Eylau, poursuivie par nos troupes.

Situation du 4e Corps - 25 janvier 1807 (Nafziger - 807AAG)
Commandant : Soult
Division Leval
Brigade Raymond-Vives
4e de Ligne, 2 Bataillons : 65 Officiers et 2184 hommes

Source : Foucart, P., "Campagne de Pologne (novembre-décembre 1806 - Janvier 1807 (Pultusk et Golymin) d'après les Archives de la Guerre", Librairie Militaire Berger-Levrault & Cie, Paris, 1882.

Le 27 janvier 1807, l'Empereur écrit, depuis Varsovie, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général de la Grande Armée : "Il sera distribué le 30 janvier :
400 capotes au 36e de ligne
... 400 au 4e de ligne ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 903 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 14174).

"Le 1er, on séjourna dans les mêmes cantonnements que la veille (l'effectif du Régiment est alors de 63 Officiers et 2609 hommes). Le 2, pris des cantonnements aux environs de Prasznick, à Karvatz, Cartnicki, Slazi, etc., où on séjourna jusqu'au 28. Le 28, couché à Bogdaïn et environs. Le 29, le régiment se porta en avant de Villenberg où il coucha et se garda très militairement. Le 30, S. M. l'Empereur arriva à Villenberg et le régiment séjourna dans le village de la veille, ainsi que le 31. Le 1er (février), le régiment suivit le mouvement de l'ennemi et vint bivouaquer en avant de Passenheim. Le 2, S. M. l'Empereur arriva à Allenstein, ville en avant de laquelle le régiment bivouaqua" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le 1er février 1807, nous levâmes nos cantonnements pour marcher sur Eylau au-devant des Russes qui s’avançaient ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 3 février, Soult est dirigé sur la gauche ennemie établie dans une magnifique position, à Bergfried dont le pont est défendu par 8000 hommes, 15 canons et de la cavalerie. L'attaque est ordonnée immédiatement.

- Bergfried (3 février 1807)

Plaque de shako du 4e de Ligne
Fig. 7 Plaque de shako attribuée au 4e de ligne, et divers objets trouvés en Espagne

"Le général Leval donne ordre au 24e léger de se porter au pont et d'en repousser l'ennemi, tandis que le 4e de ligne, soutenu par un bataillon du 28e , sous le général Viviès, dut se diriger à la droite du village, chercher à passer la rivière à gué et se porter sur les hauteurs de la rive gauche pour tourner l'ennemi. Les 24e léger et 4e de ligne firent leurs mouvements avec beaucoup d'intrépidité et, malgré tous les obstacles, enlevèrent les abords du pont. Une contre-attaque tentée par l'ennemi fut vigoureusement repoussée et le pont resta en notre pouvoir avec deux pièces de canon. Le général Leval, se mettant alors à la tête des 4e et 28e , s'empressa de couronner les hauteurs de la rive gauche et, par un rapide changement de direction à gauche fait très à propos, vint prendre à revers la colonne russe, qui, n'ayant pas assez d'espace pour faire son évolution et ne pouvant se retirer que lentement, se trouva prise entre deux feux et souffrit considérablement.
Le combat de Bergfried fait le plus-grand honneur au général Leval. Les généraux Schiner et Viviès, le colonel Boyeldieu, les commandants Reboul et Calès s'y distinguèrent ; les hommes y ont montré la plus grande valeur
" (Rapport du Maréchal Soult, commandant le 4e Corps, sur la campagne de 1807).

L'ennemi "perdant beaucoup de monde voulut pour se dégager faire un effort sur le 1er bataillon du 24e régiment et sur le 4e de ligne, qui étaient à l'attaque du pont ; mais il fut vigoureusement repoussé et par suite de ce mouvement le pont fut enlevé ; 2 pièces y restèrent ..." (Journal opérations 4e corps in Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 188).

"Le 3, S. M. se trouva sur la route au sortir d'Allenslein et passa la division en revue avant que d'aller à l'ennemi. Ce même jour, on se dirigea sur Bergfried. Le 24e régiment d'infanterie légère tenait la tête de la colonne. Le 4e régiment commençait à déboucher d'un bois près de ce village, lorsque le colonel reçut l'ordre d'envoyer les deux compagnies de voltigeurs pour éclairer la droite de la route et de marcher en avant avec son 1er bataillon aussitôt qu'il serait formé. Le bataillon en colonne est aussitôt mis en mouvement et dirigé sur la droite de Bergfried. Il marche au pas de charge, traverse plusieurs grands fossés et un ruisseau. Rien ne peut arrêter l'ardeur du soldat qui avait de l'eau ou plutôt des glaçons jusqu'à la ceinture. Tout est franchi, malgré une fusillade très vive qui ne peut ébranler l' ordre de la colonne ; il continue de marcher jusqu'aux bords de l'Alle.
Le colonel, s'apercevant que cette rivière pouvait bien ne pas être guéable, demande un sous-officier ou soldat de bonne volonté pour la sonder. L'adjudant-major Castagnet, qui se trouvait à la tête du régiment, ne consultant que son courage ordinaire, s'élance et se trouve bientôt englouti sous les glaces ; il eût été sans doute victime de son dévouement sans les prompts secours qui lui furent portés par Jean Carbon, sergent de la 1re compagnie de grenadiers, lequel surmonta tous les obstacles pour conserver au régiment un officier qui s'y est toujours distingué.
Le colonel, sans perdre de temps, conduit le bataillon au village de Bergfried où le 24e d'infanterie légère était déjà engagé. Avant d'arriver à ce village, le bataillon fut obligé de passer dans un défilé très étroit. Il se remet en colonne et, malgré une fusillade très meurtrière, passe le pont, tombe sur l'ennemi la baïonnette aux reins, traverse leur ligne et se porte sur les hauteurs en ayant du village. Les Russes qui se cachaient derrière les maisons furent massacrés par le 2e bataillon qui suivait de près le 1er. Trois compagnies du 1er bataillon, commandées par le capitaine Sarrère, détachées sur la gauche, ne contribuèrent pas peu, par leurs bonnes dispositions, au succès de cette journée à laquelle participa le 24e léger et un bataillon du 28e de ligne.
La perte du régiment se porta à 19 sous-officiers et soldats et 153 sous-officiers et soldats blessés. Le colonel Boyeldieu, blessé dans le courant de l'affaire, continua de commander le régiment jusqu'à la nuit. Le chef de bataillon Reboul, le capitaine Mercier, les lieutenants Jullié et Castié, les sous-lieutenants Dupuy et Massy et l'adjudant Mézard furent blessés
" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... enfin, le 3 dans l’après-midi, nous les rencontrâmes à Berfried ; au moment où nous allions déboucher du bois, la tête de notre division reçut deux coups de canon qui partaient d’un moulin près d’un pont que les Russes avaient établi ; nous nous formâmes de suite en colonne et un détachement du 24ème fut envoyé en tirailleurs ; ayant trouvé de la résistance, le régiment reçu l’ordre de charger et de forcer le passage ainsi que le moulin qui était rempli de Russes ; il y avait une heure que cette position était attaquée sans pouvoir être enlevée, le 24ème avait filé sur la gauche ; je reçus l’ordre de prendre à droite du pont, de passer la rivière et de marcher sur le pont avec ma compagnie et les grenadiers ; je me mis à la tête du détachement, j’arrivai au bord de l’eau et passai la rivière malgré le grand froid, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture et étant obligé de rompre la glace pour nous frayer le passage ; malgré une forte fusillade je fis battre la charge et le pont fut enlevé ; je ne donne pas le temps de tirailler ; arrivé sur le flanc du moulin, je m’élance en avant des tirailleurs, le moulin fut forcé et les Russes mis en pleine déroute ; des deux détachements je me trouvais seul officier, je pousse vigoureusement les Russes, après être las d’en tuer je leur fis bon nombre de prisonniers et leur pris une des deux pièces qui avaient fait feu sur nous et que je fis conduire au quartier général du Maréchal Soult par le nommé Ferasse, Caporal de ma compagnie. Je poursuivis l’ennemi pendant plus d’une lieue au-delà du pont et je ne m’arrêtai qu’à l’arrivée d’un officier de dragon qui venait m’apporter l’ordre de rejoindre mon corps qui bivouaquait sur la hauteur en avant de Berfried. A mon arrivée, je reçus de mes chefs et de mes camarades les compliments les plus flatteurs sur ma conduite ; nous perdîmes dans ce combat quelques hommes, je passai une bien cruelle nuit au bivouac, dans la neige jusqu’à la ceinture, mes vêtements et mes bottes gelés sur moi, deux pieds de neige sur la terre, point de vivres et toutes les peines possibles pour nous procurer un peu de bois, car nous étions les deux armées en face l’une de l’autre ; on aura un jour peine à croire que des hommes aient pu endurer et résister à de pareilles souffrances ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans une lettre adressée au Maréchal Soult, Ministre et Président du Conseil, en 1839, Jean-Pierre Dupin a confirmé cet épisode "... le trois à Berfried, envoyé pour donner des renforts avec ma compagnie, à un détachement du 24èrae léger qui avait beaucoup souffert et qui ne pouvait enlever la tête du pont ; je force ce passage, je repousse l’ennemi une lieue plus loin, je prends la pièce qui avait fait feu sur nous, et je la fais conduire à votre parc par le nommé Férasse, caporal de ma compagnie ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"XVIIIe BULLETIN.
Arensdorf, le 5 février 1807.
... Combat de Bergfried.
L'Empereur se porta au village de Getkendorf, et plaça en bataille le corps du maréchal Ney sur la gauche, le corps du maréchal Augereau au centre, et le corps du maréchal Soult à la droite, la garde impériale en réserve. Il ordonna au maréchal Soult de se porter sur le chemin de Gustadt, et de s'emparer du pont de Bergfried, pour déboucher sur les derrières de l'ennemi avec tout son corps d'armée ; manoeuvre qui donnait à cette bataille un caractère décisif. Vaincu , l'ennemi était perdu sans ressource.
Le maréchal Soult envoya le général Guyot, avec sa cavalerie légère, s'emparer de Gustadt, où il prit une grande partie du bagage de l'ennemi, et fit successivement 1,600 prisonniers russes. Gustadt était son centre de dépôt. Mais au même moment le maréchal Soult se portait sur le pont de Bergfried avec les divisions Leval et Legrand. L'ennemi, qui sentait que cette position importante protégeait la retraite de son flanc gauche, défendait ce pont avec douze de ses meilleurs bataillons. A trois heures après midi, la canonnade s'engagea. Le 4e régiment de ligne et le 24e d'infanterie légère, eurent la gloire d'aborder les premiers l'ennemi. Ils soutinrent leur vieille réputation. Ces deux régimens seuls et un bataillon du 28e en réserve, suffirent pour débusquer l'ennemi, passèrent au pas de charge le pont, enfoncèrent les douze bataillons russes, prirent quatre pièces de canon et couvrirent le champ de bataille de morts et de blessés. Le 46e et le 55e, qui formaient la seconde brigade , étaient derrière, impatiens de se déployer; mais déjà l'ennemi en déroute abandonnait, épouvanté, toutes ses belles positions ; heureux présage pour la journée du lendemain !
Dans le même temps, le maréchal Ney s'emparait d'un bois où l'ennemi avait appuyé sa droite; la division Saint-Hilaire s'emparait du village du centre; et le grand-duc de Berg, avec une division de dragons placée par escadrons au centre , passait le bois et balayait la plaine, afin d'éclaircir le devant de notre position. Dans ces petites attaques partielles, l'ennemi fut repoussé et perdit une centaine de prisonniers. La nuit surprit ainsi les deux armées en présence.
Le temps est superbe pour la saison; il y a trois pieds de neige; le thermomètre est à deux ou trois degrés de froid ...
Notre perte a été peu considérable dans tous ces petits combats ... Le colonel du 4e régiment de ligne a été blessé.
" (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 164 ; Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 4 / par Adrien Pascal; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.2, p. 120 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 11780 : 56e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE).

Au cours de cette affaire, selon l'historique régimentaire, le 4e a eu 80 tués et 250 blessés, dont le Colonel Boyeldieu, le Chef de Bataillon Reboul, les Capitaines Lannes et Cailleau, les Lieutenants Castié et Jullié, le Sous-lieutenant Mézard. A noter que le Colonel Boyeldieu, blessé d'un coup de feu à la fesse gauche, à continué néamoins à commander son Régiment jusqu'à la nuit (Itinéraire et notes historiques du 4e de ligne. Cf. 56e Bulletin de la Grande Armée); le lendemain cependant, il est forcé d'en laisser la direction au Chef de Bataillon Calès et ne peut, quelques jours plus tard, assister à la bataille d'Eylau.

Le 4 février au matin, on se met à la poursuite de l'ennemi par Varlac, Opern et Frauendorf.

"Le 4 février, au point du jour, la division se réunit devant un petit village. L'ennemi était en présence. Les deux compagnies de voltigeurs furent envoyées dans un bois à droite de la position. Le régiment marcha en bataille; mais, arrivé près de l'ennemi, le chef de bataillon Calès qui le commandait en l'absence du colonel blessé, reçut ordre de fouiller dans le bois avec le 1er bataillon et de prendre sa direction à gauche, [pour] gagner la route par laquelle l'ennemi effectuait sa retraite. La résistance qu'il fit dans le bois, et plus encore la difficulté des chemins, retardèrent la marche du bataillon et donnèrent le temps à l'ennemi de se retirer. Malgré cela, quantité de chasseurs russes furent tués ou faits prisonniers et beaucoup de bagages furent abandonnés.
Le 2e bataillon qui poursuivit l'ennemi sur la route, rejoignit le 1er et prit la tête de la colonne.
Le régiment se remit en mouvement et deux compagnies de voltigeurs commandées par le capitaine Lanes éclairaient la marche à peu de distance de la sortie du bois; la cavalerie ennemie parut en forces sur une hauteur derrière un petit village. La 2e compagnie de grenadiers et la 1re de fusiliers du 2e bataillon furent envoyées en tirailleurs. Elles se joignent aux voltigeurs, attaquent l'ennemi et s'emparent du village. L'ennemi chassé de sa nouvelle position, la brigade se forma en deux colonnes et marcha dans le même ordre jusqu'à la nuit, un peu à droite et à très peu de distance de l'ennemi; les tirailleurs ne discontinuèrent pas de le harceler et repoussèrent plusieurs charges que la cavalerie tenta sur eux.
Le régiment eut dans cette journée 1 homme tué et 5 blessés
".

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le lendemain au point du jour, notre régiment reçut l’ordre de former l’avant-garde du corps d’armée ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans une lettre adressée au Maréchal Soult, Ministre et Président du Conseil, en 1839, Jean-Pierre Dupin a confirmé cet épisode "... Sur le soir, je reçus l’ordre de rejoindre le régiment, le lendemain nous nous mîmes en marche sur Eylau ; notre régiment formait l’avant-garde de la division ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 5 février, selon l'historique régimentaire, au combat de Deppen, le Colonel du 4e est blessé une seconde fois. Il semble que cette affirmation, sans doute basée sur le 18e Bulletin daté de Arensdorf le 5 février 1807 ("... Le colonel du 4e régiment de ligne a été blessé") est fausse. En effet, le Colonel, hors d'état de suivre en raison de la blessure reçue à Bergfried, n'était pas avec le Régiment. L'état de ses services ne fait d'ailleurs pas mention de cette blessure.

"Le 5 février, la division se mit en marche au point du jour. La brigade continua à marcher sur deux colonnes, poursuivant l'ennemi de très près, les voltigeurs faisant un feu continuel sur son arrière-garde. Vers une heure de l'après-midi, la division se rassembla et resta en position environ deux heures; le régiment, avec le 28e, entra dans un grand bois où la nuit les surprit : 80 russes y furent faits prisonniers. La brigade traversa le bois et joignit la division ainsi que les autres divisions du corps d'armée. Le 6 février, la division se mit en mouvement; la brigade marcha en colonne sur la droite de la route que tenait l'ennemi; elle bivouaqua sur les hauteurs de ... , où étaient rassemblées des troupes de toutes armes" (Itinéraires et notes).

- Combat d'Eylau (7 février 1807)

Le 7 février, les Russes prennent position sur les collines en arrière d'Eylau, occupant comme poste avancé la ville et le cimetière d'Eylau. Jean-Pierre Dupin raconte : "... pendant quatre jours nous poursuivîmes l’ennemi l’épée dans les reins, le 7, le régiment se laissa emporter par une ardeur sans exemple, poussant vigoureusement l’arrière garde Russe, formée en grande partie de cavalerie qui battait en retraite sur la grand route ; dans le fort de l’ardeur qui nous animait, notre commandant ne s’aperçut pas que nous étions au moins éloignés de deux lieues de notre division ; vers les trois heures nous arrivâmes en vue d’Eylau, nous sortions du bois, il n’y avait qu’une petite plaine qui nous séparait de la ville, notre commandant nous fit former en colonne et nous mit en marche ; dès que la cavalerie Russe vit notre mouvement, elle s’arrêta et prit ses dispositions pour nous charger ; nous formons de suite le carré et attendons de pied ferme l’arme au bras, ils arrivaient à vingt pas de nous en poussant des hourras horribles, voyant notre calme ils n’osent pousser leur charge à fond, s’arrêtent et se contentent de nous dire des sottises et à nous envoyer quelques coups de carabines par des tirailleurs, auxquels nous ne répondons pas plus qu’à leurs hurlements ; déconcertés, ils font demi tour et se retirent, font avancer deux pièces qui nous font trois décharges et se sauvèrent à toute vitesse, ces décharges tombèrent malheureusement sur nos tambours, en tua trois et en blessa deux gravement ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dès la pointe du jour, les troupes du 4e Corps, formées sur le plateau de Grünhofen, prennent leurs dispositions pour chasser les Russes du plateau de Ziegelhof. Le 4e est chargé, avec le 28e de Ligne et le 24e Léger, de l'attaque d'un bois situé à droite de Grünhofen ; ces trois Régiments doivent ensuite venir attaquer par sa gauche le plateau de Ziegelhof. L'autre Brigade (Ferey) de la Division Leval, est chargée, avec la cavalerie, de l'attaque de front. Les 4e, 28e et 24e Léger délogent l'ennemi du bois et paraissent sur le plateau juste au moment où le 18e (de la Brigade Ferey) vient d'être culbuté. L'ennemi lâche pied devant la vigueur de l'attaque et quitte le plateau après avoir perdu beaucoup de monde. Il est ramené par la cavalerie jusqu'à la ville d'Eylau, pendant que, sur la droite, les 4e et 28e attaquent la position du cimetière. Le 4e charge avec impétuosité : appuyé par le 28e , il entre dans le cimetière, y tue ou prend un grand nombre de Russes, mais une forte colonne ennemie se reporte en avant et reprend le cimetière. Alors commence entre la Brigade Viviès (4e et 28e ) et l'ennemi une canonnade et une fusillade des plus vives que les troupes supportent de part et d'autre avec le plus grand courage. Cependant, les Russes plient et au bout de deux heures, le 4e peut rentrer dans le cimetière, où il passe la nuit au milieu des morts et des mourants. II est 10 heures du soir.

"… Pendant ce temps, la brigade Viviès arrivait sur la droite d’Eylau et attaquait la position du cimetière … Sa première charge fut couronnée de succès, les 4e et 28e régiments entrèrent dans le cimetière, et un grand nombre de Russes furent tués ou pris ; mais une forte colonne ennemie étant venue au secours de la première, le général Viviès fut repoussé au dehors ; alors s’établit entre les deux partis une canonnade et une fusillade des plus vives, que de part et d’autre les troupes soutinrent avec un courage indicible ; cependant au bout de deux heures les Russes plièrent et la brigade rentra dans le cimetière, où elle passe la nuit au milieu des morts et des mourants" (Journal des opérations du 4e Corps - in Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 1, page 210).

"Le général Leval a donné l'exemple du courage le plus intrépide. On ne saurait trop faire l'éloge de la bravoure que les 24e léger, 4e et 28e de ligne, sous les ordres du général Viviès, montrèrent dans ce vigoureux engagement" (Rapport du Maréchal Soult sur la campagne de 1806-1807).

Grenadier en 1806-1807 d'après Forthoffer
Fig. 7bis ; "Sergent major plantant son Aigle sur une redoute enlevée de vive force" vers 1807 d'après Martinet. A ses côtés, des Fusiliers, qui constituent sans doute la garde du drapeau ?

A noter qu'au cours de cette journée, le 4e de ligne, qui joue décidément de malheur avec ses aigles, perd celle du 2e Bataillon qui est littéralement volatilisée par un boulet de canon : on ne retrouva sur la neige "qu'un peu de bâton et les ailes" (Itinéraire et notes historiques du 4e de ligne. Cf. 56e Bulletin de la Grande Armée).

"Le 7 février, la brigade se réunit à la division à gauche de Landsberg et fut dirigée par la droite de cette ville sur Eylau après avoir traversé le bois entre les deux villes. Elle marcha en colonne, chassant toujours la cavalerie qui se trouvait devant elle; plusieurs fois les cosaques s'approchèrent et voulurent l'entamer. Le carré se formait aussitôt par régiment, ce qui les déconcerta et les empêcha de rien entreprendre. Arrivée près d'Eylau, la brigade marcha encore quelque temps dans cet ordre; l'ennemi était si près qu'il fut ordonné au 1er bataillon du 4e de se déployer et d'exécuter les feux de peloton. L'ennemi paraissait toujours se retirer. Le feu cessa et les deux régiments qui composaient la brigade [4e et 28e], se mirent en mouvement dans le même ordre et arrivèrent contre la barrière du cimetière d'Eylau. Peu de temps après, il fut ordonné au 1er bataillon d'y prendre position, et au reste de la brigade de changer de direction à gauche pour entrer dans Eylau par une autre route.
La hauteur de la barrière du cimetière présentait des difficultés au 1er bataillon qui devait la franchir, ce qui le mit hors d'état de maintenir l'ordre dans ses rangs. Quelques hommes de ce bataillon parvinrent à y entrer : l'ennemi fit un grand feu de mousqueterie et une nuée de Russes y entra aussitôt. Le peu de monde qui se trouvait dans le cimetière fut forcé à la retraite. Le bataillon se rallia au 28e régiment qui avait été laissé en réserve et continua de se battre jusqu'à ce que les Russes furent forcés d'évacuer complètement Eylau.
Le 2e bataillon qui était entré dans la ville par une autre rue à gauche du cimetière, fut assailli par une grêle de boulets et de mitraille et investi par les ennemis qui recevaient toujours de nouvelles forces. Ce bataillon, après en avoir fait un horrible carnage, forcé de céder au nombre, se retira d'environ quarante pas en arrière de la position qu'il venait de quitter et continua de faire feu jusqu'à l'évacuation de la ville.
L'aigle de ce bataillon fut emportée d'un coup de canon qui tua celui qui la portait : on n'a retrouvé sur la neige qu'un peu de bâton et les ailes.
Le régiment rentra dans Eylau à environ neuf heures du soir.
Les pertes qu'il éprouva dans cette journée furent sensibles. Plusieurs officiers qui avaient vieilli dans les camps restèrent sur le champ d'honneur. De ce nombre faisaient partie le capitaine de la 1re compagnie de grenadiers, Boucaud, les capitaines Brissac, Dabesie et Richard et le lieutenant Saussier. Dans le nombre des blessés, se trouvèrent les capitaines Mercier, Juillet, Poujade et Lanes, le sous-lieutenant Marchand et l'adjudant sous-officier Crespy.
La perte totale en tués et blessés se porta à : officiers tués, 5 et 9 blessés; sous-officiers [et soldats] tués 24 et 309 blessés. A onze heures du soir, le régiment reçut l'ordre de passer à la 3e division. Il la joignit au côté opposé de la ville où il bivouaqua le reste de la nuit
" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Nous continuâmes notre route et nous étions près de la ville lorsque nous reçûmes l’ordre de nous en emparer ainsi que de la hauteur qui se trouve au-delà ; un régiment d’infanterie sortit de la ville, nous marchâmes sur lui et le feu s’engagea de part et d’autre ; il ne put résister au nôtre et fut forcé de plier, alors notre commandant ordonna à mon bataillon de longer le cimetière et d’aller prendre position sur la hauteur qui est au-delà et au second bataillon d’entrer et de forcer la ville ; la charge bat et nous nous mettons en marche, chaque bataillon prend sa direction ; à peine avons nous dépassé le cimetière que nous nous trouvons en présence de toute l’armée Russe, notre position était des plus périlleuses, l’ennemi envoyant contre nous des forces tellement supérieures qu’il nous était impossible de tenir à cause de la quantité d’hommes que nous perdions ; Boucaud, capitaine de grenadiers qui commandait le bataillon à la place du commandant Reboul blessé grièvement à Berfried, vint me consulter pour savoir si j’approuvai l’intention qu’il avait de nous faire retirer sur la division ou ce que nous pouvions faire pour nous tirer avec honneur de l’affreuse position où nous nous trouvions ; je lui observai que je n’étais pas du tout de son avis, qu’en battant en retraite, nous abandonnions notre second bataillon qui lui aussi se trouvait engagé dans la ville avec l’ennemi et que notre retraite serait sa perte, que mon avis était qu’au lieu de nous retirer, il fallait de suite nous emparer du cimetière qui nous procurait un retranchement, et là, soutenir jusqu’à ce qu’il nous arriverait du renfort ou l’apparition de notre second bataillon et qu’alors nous ferions ce mouvement ensemble ; heureusement qu’il adopta mon avis ! nous escaladâmes le cimetière, le feu commença et fût des plus meurtriers à cause du nombre d’ennemis qui ne cessaient d’arriver ; je jetai un coup d’oeil le long du bataillon et je m’aperçus que je me trouvais le seul capitaine debout ; voyant le danger qui augmentait à chaque instant, j’ordonnai à Lazard, sergent de ma compagnie, d’aller s’assurer de la position de notre second bataillon ; il revint un instant après, m’annoncer que ce bataillon avait chargé les Russes jusque sur la place, mais qu’arrivé là, l’artillerie et des forces considérables l’avaient reçu vigoureusement et que deux décharges à mitraille avaient enlevé le porte drapeau et vingt hommes de ce peloton, que des coups de fusil partis des maisons l’avaient forcé de précipiter la retraite (c’est dans cette bagarre que son drapeau lui fut enlevé du premier étage d’une petite maison et que Saunier et une vingtaine d’hommes voulant y monter pour le reprendre furent massacrés), qu’à l’instant il sortait de la ville et que l’église à laquelle nous étions adossés était remplie de Russes ; c’est alors que je me félicitai que mon conseil ait été suivi, car pas un homme du second bataillon n’y aurait échappé. Je recommande à la droite et à la gauche le plus grand calme et le plus grand ordre et j’ordonnai l’évacuation du cimetière par compagnies ; la mienne sortit la dernière avec les grenadiers et nous fûmes pour nous réunir sur la hauteur derrière la ville, mais ce mouvement ne s’opéra qu’après un combat terrible mais toujours avec ordre ; heureusement pour nous, le 28ème arriva avec des munitions et je profite de la joie que le bataillon éprouvait de voir arriver du renfort, pour le réunir au 28ème et je commande en avant au cimetière, ce commandement est écouté et exécuté, au même instant et à la course le cimetière est repris pour la 2ème fois et la nuit vint mettre fin au combat.
Là, nous trouvâmes les corps de nos braves camarades dont le nombre n’était que trop grand, on peut en juger par celui des capitaines : le commandant Reboul, blessé grièvement, à Berfried, Boucaut, capitaine de grenadiers, Richard, Brissac et Dubesis tués, Sarrère et Mercier blessés, Patoux, détaché, je restais seul capitaine au bataillon et j’avais reçu deux balles dans mon chapeau, une autre m’avait enlevé mon épaulette et enfin une quatrième m’avait coupé le fourreau de mon sabre et fait deux trous dans ma capote. Cette journée, qui fut la plus heureuse et la plus glorieuse de ma vie, n’a pas répondu à ce que j’aurais pu en attendre. Nous restâmes en position dans le cimetière jusque vers les neuf heures du soir, puis nous reçûmes l’ordre de nous porter au nord de la ville pour renforcer la division du général Legrand ; nous restâmes avec ce général jusqu’à la pointe du jour ; c’est là que le commandant Calés (du 2ème bataillon) nous annonça que son bataillon avait eu le malheur de perdre son aigle, ce qui nous fit à tous la plus grande peine ; nous reçûmes un nouvel ordre pour rejoindre notre division qui était en position sur la hauteur en avant du cimetière et nous conservâmes cette position toute la journée de la bataille, et nous fûmes employés comme tirailleurs ; cent hommes par bataillon se relevaient d’heure en heure. Vers trois heures le feu s’étant un peu ralenti, je considérais ce tableau d’horreur qui s’offrait à mes yeux et nous faisait faire de bien tristes réflexions, d’autant plus que nous étions morts de faim et de fatigue. J’étais avec le lieutenant Claveri, j’aperçois quelque chose qui brillait sur la neige, je le ramasse. C’était une aile d’aigle de drapeau, nous regardons un peu plus loin et je retrouve l’autre aile, Claveri retrouve un morceau du socle et deux morceaux de la hampe, aussitôt relevés de notre poste nous portâmes ces restes glorieux au commandant Calés qui les reçut avec une joie sans égale, car il était bien embarrassé ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans une lettre adressée au Maréchal Soult, Ministre et Président du Conseil, en 1839, Jean-Pierre Dupin a confirmé cet épisode, mais ne parle pas de l'Aigle "... enfin la veille de la bataille, nous arrivâmes en vue de la ville, et reçûmes l’ordre de l’attaquer, ce que nous fîmes, après avoir repoussé l’ennemi dans ses murs, ordre nous fut donné pour que le second bataillon entrât en ville, et le premier dont je faisais partie, marcha, en longeant le cimetière, pour s’emparer d’une hauteur qui est en avant. La charge bat, mais à peine avions nous débouché de là, que nous fûmes assaillis par des forces si supérieures aux nôtres, que nous nous trouvâmes dans une position des plus critiques. Le capitaine Boucaud qui commandait le bataillon à la place du commandant Reboul blessé à Berfried, vint me consulter sur ce que nous pourrions faire pour nous tirer avec honneur de l’embarras dans lequel nous nous trouvions. Battre en retraite était impossible, nous ne pouvions pas abandonner notre second bataillon, qui était aux prises avec l’ennemi dans la ville. Ce que je crus de plus expédiant, c’était de nous emparer du cimetière, et là attendre du renfort, ou que notre second bataillon vint nous rejoindre ; ce conseil fut suivi, l’ordre fut donné de monter à l’escalade ; aussitôt entrés, le feu de deux rangs commence. J’envoie un sous-officier pour s’informer de la position du second bataillon, il me rapporte qu’il était sorti de la ville, et que l’église était pleine de Russes qui allaient marcher sur nous. Alors, notre retraite coupée, il ne nous restait qu’à escalader une seconde fois le cimetière ; ce mouvement ne s’opéra qu’après un combat des plus terribles, et toujours avec le plus grand ordre. Le 28ème arriva au même instant et de nouveau nous rentrâmes dans le cimetière, où nous trouvâmes des braves morts sur le champ de bataille. Sur huit capitaines de mon bataillon, Boucaud - Richard - Brissac - et Dabesie, furent tués ; Sarrère et Mercier blessés ; Patoux se trouvait détaché, je restais seul, de capitaine ; j’avais reçu une balle dans mon chapeau, une autre m’avait enlevé mon épaulette et enfin une troisième avait traversé les pans de ma capote et coupé le fourreau de mon sabre ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée à "Monsieur Alexandre Dumas chargé de dresser l’historique des anciens corps de l’ancienne armée", Jean-Pierre Dupin écrit "... Depuis l’affaire du 3 à Berfried, la 4ème de ligne formait l’avant-garde de la 2ème division du 4ème corps, qui marchait sur Eylau par le bois, repoussant toujours devant lui l’ennemi ; le 9 il se laisse enlever par son ardeur, de manière à se trouver, sur les midi, à deux lieues à peu près de sa division, et en vue d’Eylau ; comme l’armée Russe se sauvait sur la grande route, nous sortîmes du bois et nous nous trouvâmes dans la plaine. Le commandant Cales qui commandait le Régiment, nous fit former en colonne et nous marchions parallèlement avec l’ennemi sur la ville, quand tout à coup une masse de cosaques se forme pour nous charger ; nous recevons deux coups de canon qui ne nous font d’autre mal que de nous mettre cinq landours hors de combat ; nous formons le carré et nous attendons la charge l’arme au bras, mais l’ennemi voyant notre sang froid et notre fermeté croit nous intimider par des sottises mêlées dans des hourras ; rien ne pu nous ébranler, alors il tourne bride et continue sa retraite sur Eylau. Nous recevons un ordre pour que nos deux bataillons poussent l’ennemi, que le second bataillon entre dans la ville et que le premier longe le cimetière et prenne position sur la hauteur en avant. Dans ce moment deux bataillons sortent de la ville pour nous en disputer l’entrée. Nous marchons sur eux ; après plusieurs décharges ils furent contraints de faire demi tour, alors ordre fut donné pour marcher en avant et la charge bat ; le second bataillon entre en ville, il pouvait être trois heures après-midi ; nous continuons notre marche pour nous rendre à notre position mais à peine avons nous dépassé le cimetière que nous nous trouvons en face de toute l’armée Russe rassemblée dans la plaine ; notre position était des plus critique ; le capitaine Boucaud qui commandait notre bataillon en l’absence du commandant Reboul blessé le 3 à Berfried avec notre colonel, vint me consulter sur ce qu’il nous restait à faire pour nous tirer de cette mauvaise position. Je lui répondis : « battre en retraite c’est impossible. Nous abandonnerions notre second bataillon qui se trouve aussi engagé dans la ville, mais voici le cimetière, qui peut nous servir admirablement de fortification et là attendre du renfort qui ne peut tarder d’arriver ou le retour de notre bataillon, ainsi emparons nous de suite du cimetière », ce que nous fîmes, et aussitôt notre entrée nous eûmes à répondre au feu que les forces considérables faisaient contre nous ; enfin au bout de quelques temps je m’aperçus que je me trouvais seul de capitaine au bataillon ; j’envoie un de mes sous officiers du côté de la ville pour m’instruire de la position de notre second bataillon ; il revint un instant après et m’assure que le bataillon sortait de la ville, et aussi que l’église où nous étions adossés était pleine de Russes ; alors me voyant cerné partout j’ordonne une seconde fois l’escalade du cimetière du côté où nous pouvions rejoindre notre second bataillon. Le mouvement ayant commencé à la baïonnette, à peine sommes nous dégagés que le 28ème arrive et nous rentrons dans le cimetière, où tous les Russes que nous rencontrâmes furent passés au fil de l’épée ; il pouvait être alors cinq heures du soir ; notre bivouac fut établi dans le cimetière ; dans ce terrible combat du cimetière, sur neuf capitaines dans le bataillon, Boucaud, Brissac, Renhard et Dabesi furent tués, Sarrère, Thomas et Mercier blessés, Patoux était détaché. Je restai seul au bataillon ayant reçu deux balles dans mon chapeau, une qui m’a enlevé mon épaulette et une quatrième qui m’a traversé ma capote et coupé mon fourreau de sabre en deux. Nous restâmes dans le cimetière jusqu’à neuf heures du soir que nous reçûmes l’ordre de nous porter au nord de la ville pour renforcer la division du général Legrand ; en arrivant à cette position nous trouvâmes ce brave général qui était couché sous des blindages de plancher dressés en dehors et le long des murs de la ville. Nous restâmes à cette position jusqu’au lendemain que commença l’attaque d’artillerie contre nous ; nous reçûmes alors l’ordre de rejoindre notre division qui se trouvait sur la hauteur en avant du cimetière ; nous conservâmes cette position toute la journée de la bataille et fûmes employés toute la journée en tirailleurs ; voilà, Monsieur, la plus sainte vérité. Je ne crains pas d’être contredit, de plus Monsieur le Maréchal Soult pourrait le certifier ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Si pour le Général Regnault (Les aigles impériales, 1804-1815), le détail des ailes retrouvées n'est pas un pieux mensonge pour justifier la perte de cette aigle, pour le Général Adolenko, les faits sont tout autres. Voici ce que dit Adolenko au sujet de "l'aigle du 2e Bataillon du 4e de Ligne, prise par le Régiment d'Infanterie Polotzk.
L'historique du 28e R.I. (p. 138) narre le combat au cours duquel le 4e a perdu une Aigle :
"Le 7, la brigade Schiner (24e léger) et celle du général Vivies (4e et 28e de ligne) de la division Leval, furent détachées pour s'emparer de l'extrémité du bois qui est à l'est du Grünoefchen. La colonne du centre (Levasseur) fut un instant compromise.
Elle avait moins de chemin à faire et n'attendit pas que les brigades Schiner et Vivies fussent à hauteur du plateau de Ziegelhoff. Ces deux brigades étaient retardées par des combats très vifs qu'elles étaient obligées de livrer dans le bois pour chasser l'ennemi... La brigade Vivies arrive au sud-est de la ville et attaque la position du cimetière... Tout à coup, une forte colonne ennemie accourt... Les 4e et 28e sont écrasés par le nombre et obligés de reculer".
Après le coup d'arrêt, donné par la cavalerie, Bagration continue la retraite et traverse Eylau. Au sortir de la ville, il reçoit l'ordre de Bennigsen de la reprendre. La 4e division est mise à cet effet à sa disposition.
Ayant mis pied à terre, Bagration se place à la tête de la 4e division et la mène dans la ville. L'assaut, soudé et rapide, de trois colonnes, culbute les Français. Le régiment de Polotzk, de la 4e division, s'empare d'une aigle, le deuxième trophée de cette bataille (Rattel. Bataille de Pr, Eylau. " Invalide Russe 1907 ", n- 21).
Eylau est réoccupée et la brigade Vivies fort malmenée.
Dans les Archives R. et J. Brunon, nous avons trouvé le témoignage du capitaine Loy, qui atteste la perte d'une aigle du 4e de ligne :
"La veille de cette affaire, lors de la prise du village et du cimetière d'Eylau, le 4e de ligne, qui jouait décidément de malheur avec ses aigles, perdit celle du 2e bataillon, qui fut littéralement volatilisée par un boulet de canon. On ne retrouva sur la neige qu'un peu de bâton et les ailes...".
Dans les papiers du général Boyeldieu, on trouve la confirmation de cette perte...
Sans suspecter automatiquement les témoignages similaires, signalons que nous connaissons plusieurs cas d'aigles, déclarées "emportées par un boulet de canon", entre autres celles des 8e, 15e et 39e de ligne. La première est à Londres, la seconde à Saint-Pétersbourg et la troisième à Vienne. Pieux mensonge, qu'aucun militaire n'osera blâmer. Les Français comme les Russes, ont toujours fait l'impossible pour cacher les pertes d'emblèmes.
Le 4e de ligne eut à Eylau, 9 officiers tués, dont le colonel Lemarois et 6 blessés.
C'est en consultant les textes des citations des Chevaliers de Saint-Georges, publiés par le "Messager Militaire", que nous avons découvert cette aigle, dont Bennigsen ne parle nulle part. Sa conquête donne lieu à une fort désagréable histoire. Le lieutenant Dimitri Kaftirev, du régiment Polotzk, présenta à ses chefs une aigle conquise par lui à Eylau. L'officier a été fait Chevalier de l'ordre de Saint-Georges. Or en 1808, nous le voyons non seulement privé de sa croix, mais cassé de son grade et remis soldat pour "s'être frauduleusement approprié un drapeau qui a été pris à l'ennemi". Un peu plus tard, nous assistons à la réparation accordée à un autre officier du même régiment, le capitaine en second Basile Demtchinsky. Voici sa citation qui reprend les termes de celle accordée précédemment à Kaftirev :
"Demtchinsky, basile. Capitaine en second au régiment mousquetaires polotzk. En récompense de parfaites fermeté et bravoure, dont il fit preuve au combat contre les troupes françaises les 26 et 27 janvier à Preussich-Eylau oùil a pris un drapeau à l'ennemi".
Le R.I. Polotzk n'a reçu aucune récompense et nous ignorons le sort de son trophée. peut être n'a t'il pas été enlevé de vive force mais trouvé mutilé, auprès du corps du porte-drapeau ? Ce n'est pas exclu. Mais le fait de la conquête d'une aigle du 4e de ligne par Polotzk, nous parait fort probable
".

tambour major du 4e de Ligne d'après Boeswilwadl 1810 Tambour major du 4e de Ligne d'après Bucquoy 1809-1810tambour major du 4e de Ligne d'après Rousselot
Fig. 8 De gauche à droite, Tambour major d'après Boeswilwald; d'après Job (Collection Winkhuizen, New York); d'après Bucquoy (source Collections Alsaciennes), Rousselot
tambour major du 4e de Ligne d'après Tohsche tambour major du 4e de Ligne d'après Forthoffer
Ci contre, Tambour major d'après le dessinateur allemand K. Tohsche; et R. Forthoffer (Fiches documentaires, source Boeswilwald)
Tambour major du 4e de Ligne d'après Rigo 1809-1810Habit de Tambour major du 4e de Ligne d'après Rigo tambour major du 4e de Ligne d'après E. Wagner
Tambour major et détail de sa tenue d'après Rigo (source indiquée : Boeswilwald) ; le galonnage est doré Tambour major d'après un dessin de notre ami E. Wagner (source Rousselot)

Bataille d'Eylau (8 février 1807)

sabre Tambour major 4e de Ligne 4e de ligne tambour major
Fig. 8a Sabre du Tambour major du 4e de ligne conservé au Musée de l'Empéri. (M.A.S.D.P. Musée de l'Empéri - Photo Jérôme Croyet
Autre vue de cet ensemble

Le lendemain 8 février, une violente canonnade se fait entendre dès le matin. Les Divisions Leval et Legrand ont subi de si grandes pertes la veille qu'elles sont chargées seulement de défendre la position d'Eylau, tandis que Davout, sur la droite, et Ney, sur la gauche, cherchent à envelopper les ailes de l'ennemi et qu'Augereau tente de percer son centre. L'insuccès de l'attaque d'Augereau et l'arrivée sur le champ de bataille du Général prussien Lestocq manque de compromettre les Divisions Leval et Legrand ; mais leurs Régiments soutiennent avec la plus rare intrépidité le feu terrible que l'ennemi dirige sur eux (Rapport du Maréchal Soult sur la campagne de 1806-1807). Enfin, l'arrivée du Maréchal Ney détermine la retraite de l'ennemi, et les troupes bivouaquent sur la position.

"Le 8 février, au point du jour, l'ennemi commença son attaque par une vive canonnade. M. le général de division Legrand (commandant la 3e division du 4e Corps) ordonna à 150 tirailleurs du régiment de marcher en avant.
Vers les huit heures du matin, le régiment eut ordre de rejoindre la 2e division, laissant ses tirailleurs à la 3e. Il fut placé en avant de la batterie de la Garde impériale qui était dans le cimetière. Il déboucha ensuite dans la plaine quand le 7e corps eut été chargé par la cavalerie ennemie et resta formé en carré, ainsi que le 28e, jusqu'à la fin de la bataille.
Il eut à regretter dans cette journée la perte de braves officiers : les capitaines Avieny et Descazeaux, les lieutenants Jouvenel et Alix furent tués, et le capitaine Mary fut blessé. La perte totale en tués et blessés est de 4 officiers tués et 1 blessé; en sous-officiers et soldats 7 tués et 26 blessés.
" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Vers le soir nous fûmes prendre position à une lieue en avant de la ville, nous établîmes notre bivouac à cheval sur la route de Kôenigsberg, le premier bataillon à droite et le second à gauche de la route ; pour toute nourriture nous ne trouvâmes que quelques légumes secs car le pays était entièrement ruiné, mais heureusement nous pûmes nous procurer du bois pour nous réchauffer et nous remettre un peu de nos fatigues cruelles. Le soir, le prince Murat opéra une charge de cavalerie des plus brillantes et repoussa l’armée Russe six lieues plus loin, ce qui nous laissa le champ de bataille tout à fait libre ; nous couchâmes sur ce théâtre de la guerre ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Selon Martinien, le Régiment a 8 Officiers tués : Colonel Lemarois, Capitaines Boucaud, Brisac, Avieny, Descazeaux, Richard, Lieutenants Dabesie, Saunier, Jouvenel. Et 9 Officiers blessés : Capitaines Mercier, Lannes et Poujade; Lieutenant Adjudant major Lauté; Lieutenants Fenasse, Candy, Massy; et Sous lieutenants Lanusse.

D. et B. Quintin notent au total pour le Régiment 8 Officiers tués, 59 Sous-officiers et soldats morts (30 tués, et 29 mortellement blessés), soit 67 morts; auxquels ils ajoutent 39 cas incertains, rayés des contrôles car sans nouvelle après blessure à Eylau.

"Le 9 février, le régiment bivouaqua sur le champ de bataille" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le lendemain nous marchâmes en avant ; après avoir fait à peu près une lieue, l’empereur vint visiter le champ de bataille, nous étions sur la route de Koenigsberg, on nous arrête et nous fait mettre en bataille, le 1er bataillon à droite de la route et le second à gauche ; l’empereur avec ses yeux d’aigle, s’apercevant que le second bataillon n’avait pas d’aigle, demande au commandant Calés qui commandait le régiment en l’absence du colonel et se trouvait près de lui où était l’aigle du second bataillon ; Calés lui répond gravement : dans ma poche, Sire, et à l’instant lui montre les morceaux ; l’empereur enchanté, lui dit : Calés, je vous nomme colonel du 96ème, ce fut la seule récompense qu’obtint le régiment.
Après la revue nous continuâmes notre route et fûmes bivouaquer à cinq lieues de là, au-delà , sur la route de Koenigsberg pour attendre de nouveaux ordres ; voilà comme se termina cette bataille qui coûta beaucoup de monde aux deux nations sans aucun résultat.
Le mauvais temps qui survint dans la matinée en fut cause, car le corps d’armée du maréchal Augereau sur lequel l’empereur comptait le plus, fut détruit en dix minutes, et voici comment : vers neuf heures du matin, il s’éleva un très fort vent du nord et il tomba en même temps une si grande quantité de neige, qu’à peine pouvait-on distinguer un objet à six pas ; le vent nous apportait la neige à la figure et l’ennemi l’avait au dos ; c’est dans ce moment, que ce beau corps d’armée, tout frais et bien disposé, reçut l’ordre de charger l’ennemi ; nous fûmes obligés d’ouvrir notre ligne pour leur livrer passage ; on dit, et il est presque certain, que les Russes recevant le vent et la neige au dos, purent voir ce mouvement, et de suite, firent un changement de front sur les deux ailes, de manière qu’ils prirent ces braves comme dans un tiroir entre deux feux ; enfin, d’une manière ou de l’autre, ce qu’il y a de certain, c’est qu’en moins de dix minutes, ce beau corps d’armée fut obligé de battre en retraite après avoir perdu beaucoup de monde et d’une manière bien pitoyable. Quel tableau représentait ce champ de bataille ! Surtout la place qu’occupaient le 14ème léger et le 44ème de ligne ! Ce n’étaient que deux monceaux de morts étendus les uns sur les autres ; il paraît qu’ils faisaient tête de colonne, les officiers de ces deux corps étaient tous réunis, plusieurs se tenaient à bras le corps, ce qui semblait dire : il nous faut mourir ensemble plutôt que de reculer ; une épitaphe fût mise sur ces deux monceaux de morts, formé de deux planches sur lesquelles on mit : à l’un : ci-gît les officiers du 14eme et sur l’autre ceux du 44ème. Ce beau corps fut dissout et le maréchal Augereau blessé au bras, partit de suite pour Paris. Il paraît cependant que cette charge avait fait aussi quelque impression sur l’ennemi, car au lieu d’avancer il rétrograda ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Ce même 9 février 1807, à 6 heures du soir, l'Empereur écrit à Joséphine, depuis Preussich-Eylau : "... Ton cousin Tascher se porte bien; je l'ai appelé près de moi avec le titre d'officier d'ordonnance ..." (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 11793 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14287). L'Empereur parle ici de Louis, dit Fanfan, alors Sous-lieutenant au 4e de Ligne.

"Le 10, il fut cantonné à Schluditten. Il resta dans ce cantonnement jusqu'au 16 inclus" (Itinéraires et notes).

Le 11 février 1807, à 3 heures du matin, l'Empereur écrit à Joséphine, depuis Preussich-Eylau : "... Le petit Tascher, du 4e de ligne, s'est bien comporté; il a eu une rude épreuve. Je l'ai appelé près de moi ; je l'ai fait officier d'ordonnance; ainsi, voilà ses peines finies. Ce jeune homme m'intéresse ..." (Lettres de Napoléon à Joséphine, pendant la première campagne d'Italie, le consulat et l'empire, et lettres de Joséphine à Napoléon et à sa fille, t.1, lettre 96; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 11798 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14289).

Ce même 11 février, le 4e, réduit à 1304 hommes, se trouve installé à Schloditen. L'armée a tellement souffert que Napoléon juge indispensable de lui donner un peu de repos et la ramène derrière la Passarge.

Le Colonel Boyeldieu reprend le commandement de son Régiment le 13.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Huit jours après, notre colonel vint nous rejoindre (c’était le colonel Boyeldieu, blessé à Berfried) ; à son arrivée le corps d’officiers fut le complimenter, et au moment de nous séparer, il nous invita, le commandant Claveri et moi, de rester. Lorsque nous fûmes seuls, il nous dit qu’en passant à Eylau, il avait vu le maréchal Soult qui lui avait dit que les restes du 44ème faisaient une enquête et réclamaient les morceaux de l’aigle que notre régiment possédait pour être ceux de leur aigle, et qu’il fallait nous rendre le lendemain tous trois pour aller certifier la vérité chez monsieur le maréchal Soult, et lui dire que ces restes glorieux étaient bien ceux de l’aigle de notre second bataillon, il ajouta : « monsieur Dupin, vous serez chef de bataillon en revenant de chez monsieur le maréchal, et vous, monsieur Claveri, capitaine », je lui répondis : « mon colonel, s’il ne s’agît que de dire un mensonge devant monsieur le maréchal, je suis prêt, mais si monsieur le maréchal me demande de le lui certifier sur l’honneur, cela me sera impossible, je ne transigerai jamais avec l’honneur ! » Il me dit : « réfléchissez bien, monsieur Dupin » ; « mon colonel, lui répondis-je, ni pour or ni pour dignités, je ne transigerai jamais avec l’honneur », « hé bien, monsieur Dupin, nous nous passerons de vous » ; après bien des observations et des réflexions, il décida qu’il irait seul avec Claveri ; à son retour de chez le maréchal, Claveri vint m’annoncer qu’il était nommé capitaine, en remplacement de monsieur Richard, je lui en fis mon compliment, mais certes j’étais loin de penser que ma conduite dans cette circonstance m’attirerait la haine du colonel et qu’il m’en garderait rancune au point de me porter préjudice pour mon avancement dans ma carrière militaire ; cependant il en fut ainsi, car dès le lendemain, je m’aperçut qu’il me parlait avec une froideur glaciale, et depuis, fallait-il une corvée, un mauvais cantonnement, un coup de feu à donner à l’ennemi, c’était pour ma compagnie ; il n’épargnait rien dans les occasions qui se présentaient pour me témoigner sa haine, quant à moi j’eus toujours pour lui les plus grands égards, au point que quelques années après, me trouvant à Metz, au moment où il revenait blessé et prisonnier de la bataille de Leipzig, la ville était tellement encombrée de malades et de prisonniers qu’il était impossible de trouver un logement ; je le pris chez moi et lui prodiguai ainsi que ma femme les plus grands soins ; un jour il dit à ma femme : « monsieur Dupin, votre mari est un bien brave et honnête homme, je n’ai qu’un regret, c’est de ne jamais pouvoir lui faire assez de bien pour compenser le mal que je lui ai fait et cherché à lui faire, c’est le plus digne homme que je connaisse ! ». Malheureusement ce remords a été un peu tardif car après l’amputation de sa jambe, il est mort un mois après ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier - Note : Le Colonel de Boyeldieu est mort des suites de ses nombreuses blessures à Monsures le 17 août 1815; Dupin se trompe t'il ou bien affabule t'il ?).

"Le 17, il se mit en marche pour se porter en arrière sur la Passarge et cantonna à Liebstadt et environs, le 1er bataillon au pont de Pittenen. (Le colonel rejoignit le régiment le 13 février)" (Itinéraires et notes).

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le dégel qui arriva, nous força de nous retirer sur la Passarge, nous évacuâmes donc nos positions du territoire d’Eylau, où nous étions dans une situation des plus misérables, dans un pays complètement ravagé à dix lieues à la ronde par les deux armées ; notre mouvement de retraite s’opéra avec des difficultés inouïes, manquant de tout pour secourir nos malheureux blessés ; quel affreux spectacle que cette retraite ! Ceux qui pouvaient marcher ne souffraient que de la faim, mais les pauvres blessés ! leurs camarades leur avaient dressé des manivelles à l’aides desquelles leurs amis les portaient tant que cela leur était possible, d’autres se faisaient traîner, mais nous avions trente lieues à faire ainsi, dans les chemins les plus affreux et que le dégel rendait impraticables ; aussi ces malheureux ne pouvant sortir des ornières, étaient pillés sous les pieds des chevaux de notre cavalerie ou écrasés par notre artillerie qui les enterrait tout vivants dans la boue ; une petite partie risquait de rester sur la route, mais ils étaient victimes de la rancune des paysans.
Enfin nous arrivâmes à Calstein sur-la rive droite de la Passarge, notre régiment reçut l’ordre de rester dans ce village jusqu’à ce que l’armée ait effectué son mouvement de retraite sur la rive gauche ; ce mouvement opéré, notre second bataillon se rendit à Liebstadt ; mon bataillon prit position sur la rive gauche et conserva la tête du pont de Calstein, ce pont était gardé par une grand-garde de 150 hommes, commandés par un capitaine. Comme nous n’étions plus que deux capitaines dans le bataillon, nous nous relevions régulièrement, Patoux et moi, toutes les nuits à deux heures du matin ; ce service était des plus pénibles et des plus aventureux ; séparés du bataillon qui ne pouvait nous donner qu’un faible secours, étant séparé de nous par cette rivière que nous passions sur une planche étroite, homme par homme pour nous relever ; une fatalité qui paraissait m’être réservée, c’est que chaque nuit que j’étais de grand-garde j’étais sûr d’être attaqué deux ou trois fois ; mais je prenais si bien mes précautions que toutes les attaques que les cosaques tentaient sur mon poste étaient vigoureusement repoussées ; le fait était prouvé le matin par le nombre de chevaux tués qui entouraient mon poste ; quant aux hommes, les Russes ont l’habitude d’enlever leurs morts.
Notre bataillon resta quinze jours dans cette position ; quant on vint nous relever nous étions dans un état déplorable et à faire pitié ; nous fûmes répartis dans de mauvais villages aux environs de Liebstadt où était notre quartier général et l’entrepôt de nos vivres ; nous avions la perspective de passer l’hiver dans cette petite ville, mais l’ennemi nous ôta même ce faible espoir en mettant le feu à la ville et en inondant nos magasins et nos hôpitaux ; le feu fût mis de telle manière qu’en moins de deux heures cette jolie petite ville ne fût qu’un monceau de cendres, il ne resta que le moulin qui se trouvait hors de la ville, nous fûmes forcés d’établir un camp entre les ruines de la ville et la Passarge ; les habitants furent réduits à la plus triste misère et venaient dans notre camp nous demander un peu de pain, dont nous nous privions souvent pour leur donner ; nous restâmes dans cette position jusqu’à la prise de Dantzig et nous eûmes à y soutenir plusieurs combats des plus glorieux ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dans sa lettre adressée au Maréchal Soult, Ministre et Président du Conseil, en 1839, Jean-Pierre Dupin écrit "... Le lendemain de cette bataille, vous me nommâtes capitaine, rapporteur du second conseil de guerre de notre division et huit jours après, nous partîmes pour nous rendre sur la Passarge ; où nous fîmes un service des plus pénibles, montant, Patoux et moi, tous les jours la grand- garde, et étant obligés de repousser toutes les nuits les attaques que nous faisaient les cosaques ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 3 mars, reconnaissance en avant de la Passarge "Le 3 mars, la division partit de Liebstadt et des cantonnements voisins, passa la Passarge à Pittenen, se porta sur Wogsdorf et alla bivouaquer à Wormditt. Le lendemain, le régiment en partit pour aller cantonner, six compagnies à Carben, quatre à Lomitten et le restant à Obersdorf, où il resta pendant quelques jours" (Itinéraires et notes).

Le 6 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, à Daru, Intendant général de la Grande Armée : "Monsieur Daru, faites une circulaire à tous les commissaires des guerres, pour leur faire connaître les points sur lesquels ils doivent diriger les hommes isolés des différents corps d’armée, ainsi que les bagages et effets desdits corps. Vous y joindrez l'état des corps qui composent chaque corps d'armée, conformément au tableau ci-joint ...
4e corps
... 4e de ligne ... Dépôts à Bromberg ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14497).

"Il (le 4e) retourna à Wogsdorf, où il bivouaqua pendant quelque temps et en repartit pour aller à Kalkestein. Pendant le séjour que fit la brigade dans ce village, les cosaques vinrent tous les jours et souvent plusieurs fois par jour attaquer les avant-postes : ils furent toujours repoussés, notamment le ... Le régiment reçut ordre de marcher avec la cavalerie légère sur le village de Wogsdorf, où l'ennemi avait établi ses postes : il en fut délogé avec pertes. Les deux compagnies de voltigeurs placées en avant des flancs du régiment le continrent malgré sa grande supériorité en cavalerie. Le régiment rentra le même soir dans son cantonnement de Kalkestein" (Itinéraires et notes).

Le 15 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "Je réponds à votre lettre du 7 février. J'y vois que vous avez encore 7342 hommes. Vous me demandez comment vous devez les employer. Il ne faut point donner les 7300 hommes que demande la marine et il faut employer cette réserve à réparer les pertes de la bataill d'Eylau. Voici les corps auxquels j'en voudrais donner : ... Pour la Grande Armée
4e de ligne 100 hommes
" (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14661)

"Le 17 mars, ce village (Kalkestein) fut évacué. La brigade repassa la Passarge au pont en arrière de ce village qui fut brûlé aussitôt ce passage effectué. Le régiment fut cantonné à Silberbach et environs jusqu'au 6 mai inclus" (Itinéraires et notes).

Le 18 mars 1807, l'Empereur, qui a reçu les Etats de situation du Maréchal Soult, écrit, depuis Osterode, à ce dernier : "Mon Cousin … Le 4e de ligne aurait l'effectif qui est porté dans votre état, s'il n'avait pas eu d'hommes tués … Je regarde donc cet état comme à refaire …" (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12074 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14730).

Le 20 mars 1807, Napoléon écrit, depuis Osterode, au Maréchal Kellermann, commandant un Corps de réserve de Gardes nationales : "Pourquoi le 3e et le 4e de ligne, les 24e et 26e légères n'ont-ils rien fourni au 9e régiment [provisoire] ? Il est convenable de réparer cette omission ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14774).

Le 31 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Maréchal Berthier : "Vous enverrez à chaque maréchal ce qui, dans les dispositions suivantes, concerne son corps d'armée, et sans que l'un connaisse ce qui regarde l'autre.
1° Il est accordé aux régiments dont l'état suit 18 aigles de la Légion d'honneur, dont 9 aux officiers et 9 aux sous-officiers et soldats qui se sont fait remarquer par leur courage et leur bonne conduite, depuis le commencement de la guerre de la quatrième coalition :
4e ... d'infanterie de ligne ...
… Du moment que les maréchaux auront reçu ma décision, ils ordonneront à chaque général de division de réunir chez lui les colonels et chefs de bataillon de chaque régiment, ainsi que les généraux, de brigade, et de dresser un procès-verbal qui constate les individus qui méritent le mieux la décoration. Ce procès-verbal sera envoyé au maréchal commandant le corps d'armée, qui le transmettra, avec ses observations, au major général. Tous ces procès-verbaux devront être arrivés avant le 6 avril. Le 7, le major général me les soumettra …
" (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12240 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 145013).

Situation en Avril 1807 (côte SHDT : usuel-180704)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Haute Garonne de 1807
BLANC Major - Infanterie ; CAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Reboul - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée

Emplacement des troupes de l'Empire français à l'époque du 1er avril 1807
Numéros des Régiments, et noms des Colonels
Majors, Chefs de Bataillon et Quartiers-maîtres
Numéro des Bataillons
Emplacement, et conscription de l'an 1807
Division Militaire
4e Boyeldieu

Blanc
Reboul

Coquereau
Coudonville

Major
1er
2e
3e
Quartier-maître


2e Division 4e Corps
2e Division 4e Corps
à Strasbourg
Conscrits de la Haute-Garonne




5e

 

Musicien d'après Carl 1809 Musicien d'après Boeswilwald 1810 Musicien d'après Bucquoy
Fig. 9 ; de gauche à droite, Musicien en 1809 d'après Carl; en 1810 d'après l'Album Schmidt (source Boeswilwald); en 1810 d'après Boeswilwald (Petits Soldats d'Alsace); en 1809 d'après Bucquoy (source : Collections Alsaciennes)
Musicien d'après un dessin de Rastatt
Dessin conservé à Rastatt Deux interprétations de P. A. Leroux (fac similés de dessins de la Collection Brown, Etats Unis)

Le 1er avril 1807, le 4e de Ligne est à la 2e Division Carra Saint Cyr du 4e Corps, Brigade Raymond Viviès : ses 2 Bataillons alignent 1820 hommes.

L'effectif au 13 avril est le suivant : 1er bataillon, 28 Officiers, 769 hommes; 2e bataillon, 20 Officiers, 842 hommes (Historique du 4e de ligne, page 106).

Le 14 avril 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général CLarke : "... Je suis fâché que vous ayez retranché la compagnie du 4e de ligne faisant partie du 5e régiment provisoire et qui n'avait pas d'habits ; pour battre l’ennemi, il ne faut pas d'habits, et il est urgent de battre les Suédois ..." (Correspondance de Napoléon, t.15, lettre 12376 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15251. Note : La CGN parle d'une Compagnie du 18e de Ligne).

Un décret du 14 avril, rendu au camp de Finkenstein, accorde au 4e dix-neuf croix de Chevalier de la Légion d'Honneur :

"Par décret rendu au camp impérial de Finckenstein, le 14 avril 1807, Sa Majesté a nommé membres de la Légion-d'Honneur, les militaires ci-après désignés :
4e régiment d'infanterie de ligne.
MM. Dauloup-Verdun, chef de bataillon; Bergeron, adjudant-major; Julliet, Desca, Allary, capitaines; Castie, Deperret, Lantré, lieutenans; Raynaud, sous-lieutenant; Busqué, Delmas, Moisset, sergens-majors; Ruty, Carbon, Parizot, Jullié, sergens; James, Mainbourg, caporaux
" (Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 4 / par Adrien Pascal).

Voici pour le 4e de Ligne, d'après les Archives de la Légion d'Honneur, les noms des soldats et Officiers désignés au 4e (d'après Carnet de la Sabretache 1907) :

"BERGERON (Jean), Adjudant-major. - S'est particulièrement fait remarquer aux affaires des 7 et 8 février à Ey1au.
JUILLET (Victor), Capitaine. - Blessé d'un coup de feu le 7 février à Eylau, où il se défendit avec intrépidité contre un parti russe, supérieure en noimbre, qui l'assaillait dans le cimetière.
ALARY (Jean-Julien), Capitaine. - Blessé d'un éclat d'obus le 8 février, à Eylau ; a donné des preuvcs du plus grand courage.
DEPERRET (Pierre), Lieutenant. - Blessé d'un coup de feu à Eylau, le 7 février ; s'est fait remarquer par son grand sang-froid.
LAUTRE (François), Lieutenant. - Blessé d'un coup de feu le 7 février, à Eylau, dit : "Cela ne suffit pas pour se retirer; il en faut un second". Il le reçut effectivement une demi-heure après.
RAYNAUD (Guillaume), Sous-licutenant.- A la bataille d'Eylau, a toujours tenu ses tirailleurs au milieu de ceux de l'ennemi.
BUSQUE (Bertrand), Sergent-major. - Blessé à Eylau ; s'est toujours fait remarquer par sa bravoure et sa bonnc conduite.
DELMAS (Jean). Sergent major.- Quoique blessé à Eylau, n'a pas voulu quitter les rangs.
MOISSET (Etienne), Sergent-major. - Cet homme, qui s'était acquis la réputation d'un brave, a reçu six coups de baïonnette à l'affaire du 7 à Eylau.
RUTY(François), Sergcnt.- A donné des preuves du plus grand courage dans les dernières affaires à Eylau.
CARBON (Jean-Baptiste), Sergent. - Blessé à Eylau le 7, n'a point cessé de suivre sa compagnie.
PARISOT(François), Sergent. - D'une valeur à toute épreuve; a été blessé le 7, à Eylau.
JAMES (André), Caporal de Grenadiers - A Eylau, montra beaucoup d'intrépidité.
MAINBOURG (Jean-Baptiste), Caporal de Grenadiers. - A montré dans l'affaire du 7 à Eylau, une bravoure rare. Il resta, quoique blessé, seul pendant l'action à un défilé du cimetière où plusieurs de ses camarades avaient été tués à ses côtés. Son fusil ayant été fracassé d'un coup de feu, il en prit un autre et continua de se battre
".

Le 21 avril 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Maréchal Kellermann, commandant un Corps de réserve de Gardes nationales : "Mon cousin, dans l'état de situation de votre armée de réserve au 15 avril, je trouve ...
Que le 44e avait 462 hommes ; pourquoi n'en enverriez-vous pas 300 hommes ...
Je suppose que si vous ne les avez pas fait partir, c'est qu'ils n'étaient pas habillés. Mais moyennant l'autorisation que je vous ai donnée de les envoyer non habillés dans les régiments provisoires et de garnison, je pense que vous les avez mis en route ...
Je vois, par le même état, que vous pourriez faire partir également de Strasbourg :
du 3e régiment de ligne 500 hommes
du 4e idem 100 ...
Je suppose donc que tout cela sera parti ; si ce ne l'était pas, faites-le parti sans délai ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15379).

Le 1er mai, les hostilités recommencent, et, le jour même, au combat de Riedan, trois Compagnies de Voltigeurs du 4e poursuivent l'ennemi jusqu'à Neumarkt et contribuent à lui tuer 50 hommes et à faire 500 prisonniers.

"Le 7, il (le 4e) en partit (de Silberbach) et vint camper le 8 en avant de Liebstadt" (Itinéraires et notes).

Le 21 mai 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "J’ai reçu les états de situation que je vous avais demandés. Les 20000 hommes de la réserve doivent être distribués de la manière suivante :
12000 hommes à l'infanterie de ligne et légère conformément au tableau ci-joint.
… Répartition de 12 000 hommes de la réserve de 1808 entre les corps ci-après de l'infanterie de ligne et de l'infanterie légère.
INFANTERIE DE LIGNE
CORPS NOMBRE DES CONSCRITS
... 4e 200 ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15681).

Le 27 mai 1807, à Finkenstein, "Le général CIarke rend compte qu’il a fait partir de Berlin le 9e régiment d'infanterie légère (?) pour Posen, d'où les compagnies de ce régiment provenant du 17e légère, des 34e, 40e, 88e, 100e et 163e ( ?) de ligne, se dirigeront sur Varsovie ; tandis que celles appartenant aux 10e légère, 3e, 4e, 18e, 57e et 59e de ligne se dirgeront sur Thorn. Il demande quelle sera la destination ultérieure de ces six dernières compagnies"; Napoléon répond : "Faire venir à Finkenstein la partie de ce régiment qui arrive à Thorn" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 1149).

Composition du 4e Corps du Maréchal Soult au 1er juin 1807 :
1ère Division, Général Saint-Hilaire : 10e Léger, 14e, 22e, 36e, 43e, 55e de Ligne, 12 Bataillons, 8763 hommes.
2e Division Carra Saint-Cyr : 24e Léger, 4e, 28e, 46e, 57e de Ligne, 10 Bataillons, 8219 hommes.
3e Division Legrand : 26e Léger, 18e, 75e et 105e de Ligne, Tirailleurs corses, Tirailleurs du Pô : 10 Bataillons, 7302 hommes.
Artillerie et Génie : 55 pièces, 842 hommes.
Cavalerie légère, Général Guyot : 8e Hussards, 16e et 22e Chasseurs, 9 Escadrons, 1235 hommes (Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 302).

- Combat de Lomitten (4 juin 1807)

Musicien, chef de musique et habit de musicien d'après Rigo
Chef de Musique (Fig. 9bis) et Musicien ainsi que détail de la tenue d'après Rigo (source indiquée : Boeswilwald) ; le galonnage est doré

Le 4 juin, les Russes, prenant l'offensive, dirigent une reconnaissance sur les ouvrages de la tête de pont de Bromberg, vers le centre des cantonnements du 4e Corps. Pendant quatorze heures, la 2e Division soutient le combat contre des forces cinq fois plus fortes. Le Général Viviès et sa Brigade (4e et 28e ) s'y distinguent tout particulièrement et les Russes doivent se retirer sur Guttstadt avec de grosses pertes. La 2e Division a eu 102 tués, dont 4 Officiers, et 1025 blessés, dont 54 Officiers.

"Le 5 juin, le 57e régiment fut attaqué à Lomitten à cinq heures du matin. Le colonel [du 4e régiment] reçut ordre d'envoyer le 1er bataillon en observation auprès de la Passarge. Il resta dans cette position jusqu'au lendemain. Le 2e bataillon, qui était resté au camp, envoya un détachement de 80 hommes pour enlever les blessés. Arrivé au champ de bataille, il prend part à l'action et eut 1 homme tué et 4 blessés : ce détachement était commandé par M. Mères, sous-lieutenant" (Itinéraires et notes).

Le 8 Juin, le 4e Corps franchit la Passarge sous la protection de sa cavalerie légère, dont le chef, le Général Guyot, est tué près de Kleinenfeld. L'armée française marche contre le camp retranché d'Heilsberg, où le Général russe Bennigsen a concentré toutes ses forces.

Jean-Pierre Dupin raconte : "... Le 7 juin, l’armée leva ses camps et marcha en avant, nous fûmes dirigés sur Goukelstadt ; ici je dois faire connaître un fait qui m’est personnel : en prenant le commandement de ma compagnie, je remplaçais le capitaine Desca, brave homme, mais faible et insouciant, laissant aller ses soldats sans ordre et encore moins de discipline, ce qui avait fait donner à sa compagnie le surnom de la compagnie de l’arme au bras ! Pendant les premières journées de marche que je fis à sa tête en partant de Berlin, les soldats sortaient des rangs en passant près des habitations qui se trouvaient le long de la route, brisaient les portes et les fenêtres pour voler, et insultaient et maltraitaient les habitants qu’ils rencontraient ; A la halte je rassemblai les officiers et les sous-officiers de la compagnie, je me plaignis à eux de la conduite infâme que tenaient plusieurs soldats et les engageai à me seconder afin de rétablir l’ordre, en les prévenant que je sévirais avec la plus grande rigueur contre les récalcitrants, que je voulais commander de braves soldats et non des brigands. Dans notre route, pour nous rendre sur les bords de la Vistule nous marchions souvent par compagnie afin d’aller passer la nuit à couvert dans de pauvres villages ; le matin, l’heure du départ était calculée de manière à ce que le régiment se trouva réuni à l’heure donnée. Je donne donc l’heure du départ pour le lendemain matin à cinq heures ; les hommes arrivent les uns après les autres, de manière qu’à près de six heures ma compagnie n’était pas encore réunie ; je me plaignis amèrement, en leur faisant voir combien cette conduite était répréhensible et même pouvait occasionner de grands malheurs, que j’espérais bien qu’à l’avenir pareil désagrément pour moi ne se renouvellerait plus.
Le lendemain, je fus forcé de mettre ma compagnie en route ; il me manquait encore une dizaine d’hommes ; je restai avec deux caporaux à les attendre ; après une bonne demi heure passée, ils m’arrivaient encore les uns après les autres ; je leur adressai une vive réprimande, deux voulurent me répondre assez maladroitement ; je tirai mon sabre et leur en allongeai deux ou trois coups de plat de sabre à chacun sur son sac et leur fis rejoindre la compagnie au pas de course après m’être emparé des provisions qu’ils avaient volées et que je distribuai à la compagnie ; je fis part en même temps à ma compagnie, qu’à l’avenir j’étais décidé à sévir de la sorte contre tous ceux qui n’obéiraient pas aux ordres du régiment, voulant éviter les malheurs que cette conduite pouvait nous faire subir, et enfin que je sévirais avec la plus grande rigueur contre tous les coupables, que plus nous serions unis et plus nous serions capables de résister à une attaque imprévue et que c’était la discipline seule qui faisait la force d’une armée. Presque toute ma compagnie apprécia ma conduite et les braves furent très satisfaits, mais cinq ou six mauvais garnements furent mécontents de ne plus pouvoir aller piller et saccager isolément ; cependant, je parvins malgré eux à rétablir l’ordre et la discipline au point qu’à ma grande satisfaction, ma compagnie était considérée comme la plus belle du régiment et la mieux tenue ; plusieurs fois j’eus le bonheur d’en recevoir l’assurance par des ordres du jour du régiment et de la division, et le colonel même, me citait toujours pour exemple pour son instruction ; malgré cela, je remarquais qu’un petit nombre d’entre eux regrettaient le pillage et m’en conservaient rancune. Le capitaine Patoux me confirma la chose ; en descendant la grand-garde (du pont de Calstein) que nous montions comme je l’ai dit plus haut alternativement, il faisait semblant de dormir et les hommes de garde s’entretenaient de l’intérieur de leur compagnie et passaient tous les officiers en revue ; j’avais dans ce poste un sergent et un caporal de ma compagnie ; arrive enfin mon tour, de suite un de mes hommes me dépeint comme un mauvais diable et un autre répond « il nous traite comme des nègres », mais en ajoutant qu’à la première affaire (en terme de soldat) on me donnerait mon compte ; d’autres soldats de mon ancienne compagnie eurent beau leur affirmer le contraire et plaider ma cause en leur disant que j’étais le meilleur enfant du monde et les assurant que depuis que je les avais quittés tout allait à la diable, que tout le monde voulait commander et qu’enfin cela allait très mal, un de ma nouvelle lui répond qu’ils auraient bien mieux fait de me garder ou de me f... à la mer à Boulogne, que j’étais un malin chien, qu’il n’y avait rien à faire avec moi ; alors il fût toujours arrêté qu’à la première affaire j’aurais mon décompte. Aussitôt la descente de la garde, Patoux vint me faire part de ces sentiments à mon égard, en m’invitant de me tenir sur mes gardes afin de ne pas être victime d’un guet-apens ; je le rassurai et le remerciai de ses bons avis, en lui faisant part du projet que je formais d’en informer ma compagnie à la première occasion, ce qui arriva la nuit suivante. Comme nous étions à l’avant garde, nous prenions les armes toutes les nuits à deux heures du matin ; je profitai de cette prise d’armes : j’arrive au centre de ma compagnie qui était en bataille, je fais sortir des rangs le sergent Gélis et le caporal Armentières, je leur demande s’ils étaient de garde la veille à l’avant poste avec monsieur le capitaine Patoux, ils me répondent que oui, alors je leur adresse les plus vifs reproches en leur assurant que si ce n’était par estime pour leurs anciens services, je les ferais traduire au conseil de guerre, mais que je leur recommandais qu’à l’avenir ils aient à remplir leurs devoirs de supérieurs avec plus d’énergie, sans quoi je n’aurais plus aucun ménagement pour eux ! Ensuite je m’adressai à ma compagnie, j’adressai les compliments les plus flatteurs à ceux qui se conduisaient bien, mais je m’exprimai énergiquement contre quelques mauvais sujets qui avaient tenu des propos contre moi ; je leur dis que je les connaîtrais car ce n’étaient que des lâches et que des lâches n’étaient pas à craindre, que d’ailleurs je ne tenais pas à la vie, que j’étais prêt à la donner pour le maintien de l’ordre et l’honneur de ma compagnie et du régiment ; de plus, que ces brigands qui avaient tenu des propos contre moi se tiennent bien sur leur garde, car à la première affaire, celui qui manquerait à ses devoirs aurait à faire à moi et que si un homme s’absentait sans ma permission je le ferais arrêter sur le champ ; au reste que celui qui m’en voulait pourrait se satisfaire, car mon seul désir était de mourir comme ma famille, au champ d’honneur pour la patrie.
L’occasion ne tarda pas à se présenter ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

- Heilsberg (10 juin 1807)

Le 10 juin, la 2e Division (Carra Saint Cyr, successeur de Leval) attaque l'avant-garde ennemie, qui occupe le défilé de Bervernicken. "Le passage n'était pas encore franchi que les 24e Léger, 4e et 28e de Ligne donnant avec la plus grande impétuosité sur la première ligne ennemie, la culbutent et dégagent le débouché pour le reste de la colonne. Puis, elles se jettent sur les 2e et 3e lignes, qu'elles enfoncent aussi. Une forte colonne russe, qui avait voulu tourner la droite de la division en se couvrant du rideau de hauteurs qui fait chute dans l'Alle, fut entièrement détruite par le 24e Léger et le 4e de ligne. La terre était jonchée de cadavres et le feu le plus vif et le plus meurtrier se soutenait. La division Saint-Hilaire, qui était en seconde ligne, eut ordre de passer par bataillons en colonne dans l'intervalle des bataillons déployés de la division Saint-Cyr. Ce beau mouvement s'exécuta, sous un feu de mitraille épouvantable, avec la même exactitude que dans un camp d'instruction" (Rapport du Maréchal Soult sur la campagne de 1806-1807).

La Division Saint-Cyr se trouve alors en deuxième ligne. Devant la force de la position, nos efforts restent infructueux et les Russes, grâce à une supériorité numérique écrasante, se maintiennent dans leur camp retranché. Le Colonel Boyeldieu est blessé pendant l'action ainsi que le Général Viviès. La Division a perdu 1100 tués et 6000 blessés. Au 4e , selon Martinien, 2 Officiers sont tués : Capitaine Maury et Sous lieutenant Alix; 9 blessés dont le Colonel Boyeldieu (d'un coup de biscaïen à l'épaule gauche), les Chefs de Bataillons Danloup-Verdun et Brenger, Capitaine Mercier, Lieutenants Rathelot, Saint Martin; Sous lieutenants Endel, Prévost Saint Cyr. L'Historique régimentaire rajoute le Capitaine Patou.

"Le 8 juin, à midi, le régiment quitta son camp de Liebstadt et passa la Passarge avec la division sur le pont de Pittenen : il prit position en avant de cette rivière. Le 9, il bivouaqua en avant d'un village près Guttstadt et, le 10, il se dirigea avec la division sur la rivière de l'Alle où il rencontra l'ennemi qui semblait vouloir l'attaquer. Il déploya ses masses, fit un feu soutenu et parvint en moins d'une heure, par quatre charges considérables qu'il fit à propos, à le mettre en déroute.
Il eut à regretter dans cette journée la perte de plusieurs braves et en particulier celle du capitaine Maury. Le colonel y fut blessé d'un coup de biscaïen à l'épaule gauche; le capitaine Paton, les lieutenants Saint-Martin, Rathelot et Vienne, les sous-lieutenants Saint Cyr (qui avait défendu l'aigle du 1er Bataillon à Austerlitz) et Eudel et les adjudants Tierce et Boyer y furent blessés. Les chefs de bataillon Branger et Verdun eurent leurs chevaux blessés, La perte totale du régiment se porte à 1 officier tué et 7 blessés; en sous-officiers et soldats, 19 tués et 242 blessés
" (Itinéraires et notes).

"Une forte batterie, que l'ennemi avait établie en avant de Bewernick, se démasqua et on vit en même temps plusieurs lignes d'infanterie, soutenues par une nombreuse cavalerie, s'étendre en arrière dans la plaine jusqu'à Heilsberg. S. M. l'Empereur ordonna alors que toute l'artillerie du 4e corps fût opposée à celle de l'ennemi et qu'aussitôt que son feu serait éteint on chargerait à la baïonnette ...
La division du général Carra Saint-Cyr, suivie par celle de Saint-Hilaire ... se porta par Bewernick à la rencontre de l'ennemi ; elle n'avait pas entièrement passé le défilé que ses deux premières brigades composées des 24e d'infanterie légère, 4e et 28e de ligne, donnent avec la plus grande impétuosité sur la première ligne ennemie, la culbutent et ainsi facilitent le reste de la colonne pour déboucher.
La réserve de cavalerie débouchait par le village de Langwiese ; elle était à peine formée qu'une charge s'engagea avec celle de l'ennemi ; la nôtre fut ramenée ; cependant elle rétablit le combat à son avantage
" (Journal des opérations du 4e Corps - In :Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 172).

"La division Carra-Saint-Cyr obtint un nouveau succès ; la 2e et la 3e lignes de l'ennemi étaient aussi enfoncées et une forte colonne russe qui avait voulu tourner sa droite ... venait d’être entièrement détruite par les 24e d’infanterie légère et 4e de ligne ; la terre était jonchée de cadavres ... la division, qui depuis une heure soutenait tout l'effort de ce choc terrible, était infiniment réduite par le nombre des blessés ... La division Saint-Hilaire qui était disposée eut ordre de faire un passage de ligne en avançant et de charger l’ennemi. Ce beau mouvement s'exécuta sous un feu de mitraille épouvantable avec la même exactitude que dans un champ d'instruction ; ... la ligne ennemie fut enfoncée et en partie détruite : le général Saint-Hilaire mena sa division sous l'impulsion de ce premier et redoutable choc jusqu'aux redoutes qui couvraient Heilsberg" (Journal des opérations du 4e Corps - In : Cazalas E. : « Mémoires du Général Bennigsen », tome 2, page 174).

"... le 10 juin nous marchions sur Helsberg ; notre régiment formait l’avant garde de la division ; en sortant du bois nous rencontrâmes l’ennemi dans la plaine, c’étaient deux régiments Russes qui marchaient sur nous en bataille par échelon sur deux lignes, ils s’arrêtent ; notre colonel, sans hésiter nous fait déployer et marcher à eux ; à cent pas il arrête ainsi que l’ennemi qui nous attendait de pied ferme et le feu s’engage ; la première ligne fut forcée de se replier, nous les poursuivîmes jusqu’à cent pas de la seconde, alors les feux de deux rangs s’engagent, au même instant il nous arrive un obusier et une pièce de huit ; celle-ci fut mise en batterie dans l’intervalle des deux bataillons, on me fait mettre ma compagnie en potence afin d’y placer l’obusier dans l’intervalle, mais comme quelques jours auparavant il avait beaucoup plu, l’artifice qui devait faire partir la pièce ayant été mouillé on y mit plusieurs fois le feu sans que l’explosion ait lieu ; ennuyé de ce contretemps, et m’apercevant que la gauche du régiment marchait en avant et que la droite où je me trouvais était déjà bien en arrière, craignant de faire manquer notre mouvement qui aurait pu porter le désordre dans la ligne, je n’hésite pas un instant, je place mon chapeau sur la pointe de mon sabre et m’élance à vingt cinq pas en avant de l’obusier, au moment où l’on faisait les plus grands efforts pour faire partir la pièce, en faisant à ma compagnie le commandement « d’en avant, c’est ici que je veux mourir, avec honneur pour la patrie, que celui qui m’en veut m’ajuste bien ! ». Au même instant toute ma compagnie, comme une volée de pigeons, se précipite autour de moi en criant : « mon capitaine, non, vous ne mourrez pas ! » « Hé bien, dis-je, en avant, en avant, à l’ennemi » ; ce cri est entendu par le colonel, le fait répéter partout. Ma compagnie et le bataillon, soulèvent le régiment, qui crie « à la bayonnette et vive l’empereur ! » La charge bat, la seconde ligne est enfoncée et mise en pleine déroute. Ce trait prouva à ma compagnie combien je tenais peu à la vie lorsque l’honneur du régiment était menacé et m’attacha l’affection et le dévouement de ma compagnie et l’estime de tout le régiment qui attribua la victoire que nous venions de remporter à l’élan subit que ma compagnie donna au régiment ...
La nuit mit fin au combat ; nous bivouaquâmes sur le champ de bataille couvert de morts, assis sur nos sacs, sans feu, en face de toute l’armée ennemie et les armes à la main ; nous essuyâmes cette nuit là un orage et une pluie affreuse ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Sapeur du 4e de Ligne d'après Carl 1809 Sapeur du 4e de Ligne d'après Boeswilwald 1810
Sapeur du 4e de Ligne d'après Bucquoy 1809-1810

Fig. 10 De gauche à droite, Sapeur d'après Carl (1809), l'Album Schmidt (source Boeswilwald) et Petits Soldats d'Alsace (1810)
En dessous, d'après Bucquoy (Source : Collections Alsaciennes)

- Prise de Koenigsberg (16 juin 1807)

"Le 11 juin, le régiment resta en position devant Heilsberg et perdit quelques hommes par le feu de l'artillerie ennemie et par l'explosion d'un de nos caissons qui sauta sur nos derrières. Le 12, la division quitta la position qu'elle occupait devant Heilsberg et se porta le même jour en arrière de Preuss-Eylau, où elle bivouaqua.
Le 13, elle bivouaqua près de Kreutzburg
" (Itinéraires et notes).

L'ennemi, menacé d'être coupé de Königsberg, bat en retraite sur Friedland, où il se fait écraser, le 14 juin, par une partie de l'armée, tandis que le 4e de Ligne, avec son Corps d'Armée, marche sur Königsberg. Sont blessés à Friedland 6 Officiers : Chef de Bataillon Coquereau; Capitaine Chatelain, Lieutenants Ribot, Camblon; Sous lieutenant Mazars (Mazois selon l'Historique régimentaire), Crépy.

"Le 14 elle se porta sur Kœnigsberg où l'ennemi fut obligé de s'enfermer vers le milieu de la journée. Une colonne de l'ennemi se présenta sur nos derrières : le régiment chargea avec la division et contribua à culbuter cette colonne qui se rendit prisonnière de guerre et laissa 4 pièces de canon. Il eut … hommes tués ou blessés.
Après cette affaire, le régiment prit position devant Kœnisberg ...
" (Itinéraires et notes).

"... le matin à la pointe du jour, nos armes étaient dans le plus mauvais état possible, ce qui fut cause, que nous vîmes défiler toute la cavalerie Russe devant nous, qui se dirigeait sur Friedland, sans pouvoir leur disputer le passage ; nous passâmes la matinée à arranger nos armes ; vers midi nous partîmes et marchâmes sur Koenigsberg. A peine arrivés sous les murs de cette place, qu’une colonne de quatre mille Prussiens avec de l’artillerie vint derrière nous pour nous couper la retraite ; de suite, ordre fut donné à notre régiment et à la division de cavalerie que commandait le prince Murat de marcher à l’ennemi ; nous courûmes dessus à l’arme blanche ; cette colonne fut enfoncée au premier choc, et artillerie, cavalerie, infanterie, bagages, tout fut pris, pas un homme n’en échappa ! Nous retournâmes rejoindre notre division, et en arrivant, le maréchal Soult ordonna de former un détachement de trois cent cinquante hommes, m’en donna le commandement et m’ordonna d’aller m’emparer et prendre la porte de France ; je me suis mis en marche et au moment de commander le feu, une ordonnance arriva en toute hâte et m’ordonna de retourner au camp, ce changement d’ordre venait de ce que le maréchal Soult venait de recevoir la nouvelle du gain de la bataille de Friedland. Prévoyant que la place ne pouvait tenir longtemps, il changea de dispositions et envoya un parlementaire au commandant de la ville avec une capitulation ; le commandant voulut parlementer, mais le maréchal l’avertit qu’il ait à ouvrir les portes de la ville pour le lendemain à huit heures du matin, parce qu’il voulait en prendre possession, que tel était son ordre, et que s’il trouvait de la résistance il saurait la surmonter ; telle fut sa réponse, et le lendemain à huit heures, le corps d’armée traversa la ville, les portes en étaient ouvertes ; la ville était encombrée de trente mille hommes blessés ou malades ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 16 juin, nos troupes trouvent la ville évacuée.

"... L'ennemi ayant évacué cette place, la division y entra le 16 et vint camper en avant de la route qui conduit à Memel.
Là se terminent les opérations des deux campagnes où s'est trouvé le 4e régiment de ligne
" (Itinéraires et notes).

"... nous allâmes camper à une lieue en avant de Koenigsherg, et le lendemain nous reçûmes la nouvelle des préliminaires de la paix avec la Russie et la Prusse. Cette campagne se termina à notre satisfaction, elle fût des plus sanglantes et des plus glorieuses pour notre régiment, dont les deux charges furent citées comme des plus belles, ayant été seul engagé, mais elle fut des plus funestes pour moi, je puis affirmer que la bataille d’Eylau arrêta mon avancement par la rancune que me porta le colonel ; je vais citer deux preuves seulement, qui prouveront le fait et combien il faut peu de motifs à un officier pour perdre sa carrière ; d’un autre côté, après ce qui m’était arrivé avec ma compagnie, j’eus la satisfaction de voir que dès ce jour elle me fut toute dévouée, je n’en reçus que des compliments, soit de la bouche de mes chefs ou par des ordres du jour comme étant la mieux tenue et celle qui servait le mieux du régiment ; quelque temps après, on nous forma à trois bataillons, je fus placé à la lère compagnie de Voltigeurs, toute ma compagnie voulut me suivre, j’ai vu pleurer plusieurs hommes de ne pouvoir venir avec moi ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

- Paix de Tilsitt (8 juillet 1807)

Situation en Juillet 1807 (côte SHDT : usuel-180707)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - de la Roer - de la Sesia de 1808
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Verdun - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Coquereau à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée

La paix de Tilsitt, conclue le 8 juillet, met fin aux opérations. Le Colonel Boyeldieu est promu commandant dans la Légion d'honneur le 11 juillet 1807. Vers la même époque, il reçoit la décoration de la Couronne de Fer.

Le 10 juillet 1807, Michel Defay adresse à son frère la lettre suivante : "Au Camp de Koenigsberg le 10 juillet 1807.
J'ai reçu depuis quelques jours, très cher Frère, ta lettre du 7 Juin, et c'est la seule que j'ai eu de toi depuis un an. Je ne sais quelle fatalité nous a empêché pendant si longtems de recevoir l'un et l'autre de nos nouvelles. La dernière lettre que j'avois reçue était celle qui m'annonçait la mort de ta première femme. Celle que je reçois maintenant m'apprends que tu es remarié depuis longtems puisque tu es déjà en famille. Il paroit que tu n'as pas perdu ton tems, et je ne m'attendois pas, je t'assure, à cette nouvelle. Mais je te félicite de ta diligence. Je pense que ta seconde épouse ne le cède en rien en mérites à la première, et j'espère que tu la conserveras plus longtems. Je souhaite que cette nouvelle union soit plus heureuse, au moins pour la durée. Mais revenons à nous.
Impatienté de ne pouvoir recevoir de toi aucune lettre, je pris le parti d'écrire à mon Oncle, et j'ai été heureux, puisque j'ai eu enfin de tes nouvelles, et que j'apprends que toute la famille se porte bien. Pour moi dans ce moment je puis dire que je jouis d'une bonne santé et que j'ai été assez heureux pour échapper aux nouveaux dangers que nous venons de courir.
Il est inutile, je pense, de t'annoncer que nous avons la paix avec la Russie. Tu as du apprendre, ou du moins, tu apprendras avant d'avoir ma lettre que les préliminaires en ont été signés le 21 Juin à Tilsit sur la Memel. Je vais te tracer, le plus brièvement possible, cette dernière campagne qui n'a pas été de longue durée, mais qui n'en sera que plus mémorable par les heureux résultats qu'elle a eu.
Depuis le sept Mai tous les corps d'armée qui tenoient les avants postes étoient campés. Notre Division et la 1ère se trouvaient placées en avant de la ville de Liebstadt, et à une lieue en arrière de la Passarge, rivière qui servoit de barrière à nos avants Postes et à ceux de l'ennemi.
Depuis longtems on se tenoit assez tranquille de part et d'autre. Nos gardes d'avant postes s'amusoient tous les jours à parler avec l'ennemi, comme si l'on eut été en tems de paix. Notre camp placé sur la crête d'une monticule et retranché d'un large fossé garni d'un bon parapet pour la fusillade étoit encore défendu à droite, à gauche et au centre par des redoutes garnies de canons; de sorte que l'on sembloit vouloir attendre l'ennemi sans désirer d'aller en avant. Le service se faisoit comme si l'on eut craint tous les jours d'être attaqués. Le siège de Dantzig qui se poussait dans le moment avec vigueur, faisait à la vérité présumer que l'ennemi feroit quelque mouvement pour le faire lever, ou du moins pour secourir la place. Cependant quoique l'Empereur Alexandre fut arrivé depuis longtems à la tête de son armée, la ville de Dantzig attendit vainement des secours, et se voyant à la veille d'être prise d'assaut, elle se rendit par capitulation le 26 Mai. Dès que nous apprîmes la prise de cette ville, nous nous attendions à faire quelques mouvemens en avant, mais au contraire, nous continuâmes à nous retrancher dans notre camp. Enfin le cinq juin, à cinq heures du matin, l'ennemi vint attaquer un poste que noue avions conservé de l'autre côté de la Passarge. Ce poste était gardé par un bataillon de notre Division et garni de retranchemens. L'ennemi vint avec des forces bien supérieures surtout en artillerie. Les grenadiers et voltigeurs qui reçurent le premier choc culbutèrent néanmoins dans les fossés des retranchemens les premiers pelotons ennemis qui voulurent y entrer; mais obligés de cèder au nombre ils se replièrent sur le Bataillon qui se battit pendant plusieurs heures avec la dernière intrépidité. Pendant ce tems là on y envoya du camp différens renforts, ce qui prolongea l'affaire jusqu'à la nuit que nous finimes par abandonner le poste à l'ennemi. Ce n'était là qu'une fausse attaque. Pendant que dix mille Russes attaquaient le poste de Laumitten, comme s'ils eussent voulu passer la rivière dans cet endroit, leur armée s'étoit jettée sur le 6° Corps, qui étoit campé à notre droite, mais en avant de la Passarge. Ce corps ne se trouvant pas à beaucoup près, capable de soutenir l'attaque, fit sa retraite, dans le meilleur ordre possible, quoique sans cesse harcelé par la Cavalerie, et arriva sans avoir fait grande perte à la rivière qu'il passa et qu'il empêcha de passer à l'ennemi. Cependant l'Empereur Napoléon qui avait su d'avance les mouvements de l'ennemi, avait déjà mis toute l'armée en mouvement. Le 7 Juin nous vîmes arriver la cavalerie qui venoit de derrière l'Armée où elle était cantonnée, et le 8 à deux heures de l'après midi, nous laissâmes là notre camp retranché, pour marcher en avant. Nous passâmes la Passarge et après quelques escarmouches d'avant garde, nous vînmes coucher à deux lieues de cette rivière. Le 9, après différens mouvemens, sans engager d'action, les trois divisions de notre corps d'armée passèrent la nuit réunies près de Gubstadt. Enfin le 10 nous marchâmes sur la ville d'Heilsberg où l'ennemi s'étoit retiré dans des positions retranchées. L'attaque commença à midi. Notre Brigade fut la première infanterie qui donna. Notre Régiment en bataille, soutenu du 28ème en colonne, marcha à l'ennemi au pas de charge et nous le repoussâmes ainsi plus de demi-lieue, malgré le feu de sa ligne et de son artillerie. La 1ère Division, qui nous suivait de loin, eut alors ordre d'avancer et de prendre la première ligne. Cette Division continua la charge sur l'ennemi en colonnes serrées et le chassa jusques dans ses retranchemens d'où il fut impossible de la tirer. L'action dura jusqu'à onze heures du soir, avec la plus grande opiniâtreté. Le lendemain, l'ennemi resta dans ses retranchemens et il n'y eut que quelque fusillade de tirailleurs, mais aux approches de la nuit, il commença à évacuer, et le 12 nous marchâmes à la poursuite. Notre Corps d'Armée prit sa direction à gauche pour se porter sur Koenigsberg où nous arrivâmes le 14 sans avoir trouvé l'ennemi qu'à un quart de lieue de la ville dans quelques redoutes qu'il abandonna à notre approche, ce qui n' empêcha pas que nous en prissions quelques centaines. A peine avions nous investi la ville de ce côté que deux mille hommes, Russes et Prussiens, arrivèrent derrière nous pour y entrer avec six pièces d'artillerie. Ils se battirent contre toute notre Division, qui venoit de faire volte-face pour leur répondre, pendant plus de demi-heure et finirent par se rendre.
La ville de Koenigsberg se trouvant dans un mauvais état de défense, l'ennemi avoit travaillé depuis plusieurs mois à la mettre à l'abri d'un coup de main, du moins de ce coté. Ils l'avoient garni de palissades, de quelques retranchemens et de plusieurs batteries. Quoique nous n'eussions pas encore passé la Pregel pour achever de cerner la ville, le maréchal Soult l'avoit fait sommer. Il vouloit que la garnison se rendit prisonnière, ou il la menaçoit de l'assaut. L'ennemi au nombre de dix mille hommes ne se sentant pas capable de résister, évacua la ville n'y laissant que deux cens hommes et se retira sur Pillau. Le 16 nous entrâmes dans Koenigsberg et nous vinmes camper à un demi quart de lieue en avant de cette ville. Voilà vingt cinq jours que nous sommes dans ce camp que nous avons embelli le plus que nous avons pu. Aussi est-il devenu la promenade favorite des habitans de Koenigsberg. Cependant le 16, avant d'entrer en ville, nous apprîmes que notre armée avait livré bataille aux Russes, le 14, à Friedland et que cette journée avait coûté à l'ennemi plus de cent pièces de canon et plus de vingt cinq mille hommes, enfin qu'elle avoit été plus terrible que celle d'Eylau. On poursuivoit l'ennemi qui se retira derrière la Memel. Voilà ce que nous apprîmes le 16, et voilà ce que nous avons su depuis. Arrivé à Tilsit l'empereur Alexandre fit demander à entrer en négociation, et les préliminaires de paix furent signés le 21 Juin. La paix a été signée définitivement le 8 juillet et l'échange des ratifications s'est fait hier, 9. Tout cela s'est fait dans la ville de Tilsit que les deux Empereurs habitaient ensemble. Leur première entrevue eut lieu sur la rivière au milieu de laquelle on avoit construit une baraque sur un radeau. Elle dura deux heures. Le lendemain ils se virent encore au même endroit, et le troisième jour, l'empereur Alexandre passa la rivière avec son état major et une partie de sa garde, et vint établir son quartier général dans la même ville que le nôtre. Les deux Monarques des deux plus grandes Nations se sont traités en amis pendant trois semaines qu'ils sont restés ensemble. Ils ne se sont quittés qu'hier après l' échange des ratifications. Napoléon vient d'arriver ce matin ici. Nous nous attendons qu'il nous passera en revue avant de partir pour la France, où l'on croit qu'il ne tardera pas d'arriver. Je ne puis rien te dire des articles de paix avec la Russie, car nous n'en connaissons aucun. Le Roi de Prusse doit faire la paix à part; je crois qu'elle n'est pas encore terminée. Nous nous attendons à partir d'ici au premier jour, sans connaître notre destination. Nous ne savons pas si nous rentrerons de suite en France, ou si nous resterons encore quelque tems en Allemagne. Il nous tarde bien de nous rapprocher de notre patrie dont nous sommes si éloignés. Mais je finirai là cette lettre déjà si longue, et j'espère que ma première t'apprendra que je me suis rapproché de toi.
Adieu, Cher Frère, crois moi pour toujours ton Affectionné
DEFAY
S. Lieutt

P.S. Bien des choses à ton épouse, embrasse la pour moi en attendant que je puisse le faire moi mme. Mes amitiés à mes Soeurs qu'il me tarde de pouvoir embrasser. Mes respects à mon Oncle et ma Tante. Enfin mes complimens à tous nos Parens et Amis et à tous ceux qui s'intéressent à moi.

La lettre porte la suscription :
A Monsieur
Monsieur DEFAY
rue Poisson
A ROANNE
Département de la Loire
En outre un tampon à l'encre noire
N° 23
GRANDE ARMEE
".

Königsberg est évacué, et le 4e revient sur la Passarge, où de nouvelles épreuves l'attendent. De terribles épidémies sévissent sur le 4e Corps d'armée, et le Régiment est encombré de malades pendant les mois d'août et de septembre.

"Le 24 (juillet), le régiment a quitté Kœnigsberg et est venu coucher le même jour à Kreutzburg et environs ...
Le 28, passé la Passarge à Spanden (bourg) et couché aux environs de Wuhœn.
Le 29, pris des cantonnements à Kritzburg, Lottensée, Tankwitz, etc., où il resta jusqu'au 19 novembre inclus
" (Itinéraires et notes).

"... Nous partîmes de Koenigsberg pour Marienbourg, afin de faciliter les logements, nous voyagions par compagnies, je me trouvais arrivé plus tard dans mon cantonnement où se trouvait aussi logé le colonel ; j’avais fait dix lieues de pays, il était nuit quand j’arrivai, le colonel se trouvait sur la place pour me recevoir, il me fit faire l’appel de ma compagnie ; il se trouva qu’il me manquait deux hommes ; le sergent-major et moi, nous eûmes beau lui assurer que ces hommes ne manquaient que depuis un moment, il ne voulut rien entendre et me donna une vigoureuse semonce ; à l’instant ces hommes rentrèrent, ce fut égal, il tint toujours pour bon ce qu’il m’avait dit, et pour combler la mesure de mon mécontentement, il dit à mon lieutenant et à mon sous-lieutenant : monsieur Deligny et monsieur Lecouteux, vous viendrez dîner dans une heure avec moi ; ces messieurs remercièrent, sous prétexte qu’ils étaient trop fatigués ; arrivé dans mon logement, c’était chez un ministre protestant, je ne pouvais trop incriminer la conduite du colonel ; mon hôte prenait aussi une vive part à ma position et me dit : « mon cher capitaine, je suis ici, paisible spectateur de ce qui se passe chez vous, mais je vous prédis que ce sont les nobles et les prêtres qui ont perdu la France, et c’est encore eux qui la perdront plus tard », ce qui mit le comble à mon mécontentement ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 15 septembre 1807, à Rambouillet, on soumet à l'Empereur la demande suivante "L'épouse du chef de bataillon Danloup-Verdun, du 4e régiment de ligne, demande avec instance qu'il soit accordé à cet officier un congé d'un mois avec appointements pour se rendre à Paris où sa présence est indispensable"; ce dernier répond : "Lui accorder un mois de congé" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 724).

Situation en Octobre 1807 (côte SHDT : usuel-180710)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - de la Roer - de la Sesia de 1808
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Verdun - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Pernet à Strasbourg - 5e division militaire - Grande armée

A la fin de novembre, le Régiment repasse sur la rive gauche de la Vistule.

"Novembre. - Le 19, couché à Riesenburg et environs. Le 20, le régiment prit les cantonnements sur la rive gauche de la Vistule, à Köselitz, Grupp, Munsterwald et environs, où il resta jusqu'au 10 décembre suivant. Pour aller les occuper, il fut obligé de passer ce fleuve à Marienwerder.
Décembre, - Le 10, le régiment a couché à Neuburg, sur la Vistule. Le 11, à Tukel et environs.
Le 15, à Neu-Stettin et environs. Le 16, à Tempelburg et environs.
Le 19, il prit ses cantonnements à Laber, Daber, Wanguerin, Regenwald, Schiebelheim et environs
" (Itinéraires et notes).

A noter qu'au cours de l'année, le Dépôt de Nancy a reçu 154 recrues de 1808 provenant du département de l'Ourthe (E. Fairon, H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°264).

En janvier 1808, le 4e vient cantonner aux environs de Stettin où il reste jusqu'au mois de juin.

"Janvier-mars. - Le régiment resta dans ces cantonnements jusqu'au 1er mars. Ce même jour, il se rendit à Stargard où M. le maréchal Soult le passa en revue. A son retour dans les cantonnements, il céda Laber à l'artillerie et obtint la ville de Plate en échange. C'est dans ce dernier endroit que resta l'état-major du régiment jusqu'au 29 mars inclus" (Itinéraires et notes).

Situation en Janvier 1808 (côte SHDT : usuel-180801)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
Conscrits des départements de la Moselle - de la Roer - de la Sesia de 1808
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Verdun - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan à Strasbourg 5e division militaire - 4C au 3e Régiment provisoire d'Infanterie - Grande armée - corps d'observation des Cotes de l'Océan

Le 22 février 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le Général Clarke, vous devez avoir reçu mon décret pour la nouvelle organisation de l'armée. Je me suis hâté de vous l'envoyer, ainsi que les différents tableaux, afin que vous puissiez donner tous les ordres préparatoires. Mon intention est cependant qu'aucun dépôt ne se mette en marche pour sa nouvelle destination, et qu'aucun embrigadement ne soit fait qu'en conséquence d'une instruction que vous donnerez aux généraux chargés de ce travail, et qui, avant d'être expédiée, sera mise sous mes yeux. Voici quelles sont mes vues ; je vous les fais connaître afin que cela vous serve pour la rédaction de cette instruction.
4e Corps dela Grande Armée. — Vous chargerez le maréchal Soult d'organiser le 4e corps et la division Molitor ... Les 4e, 16e et 18e de ligne, 37e, 57e, 79e et 105e, ayant un effectif de plus de 2,000 hommes, garderont leurs trois bataillons ...
" (Correspondance de Napoléon, t.16, lettre 13593 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 171260).

Le 4 mars 1808, l'Empereur examine un "Rapport du maréchal Berthier à l’Empereur.
1er mars 1808
Sire, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Majesté différentes demandes qui m'ont été faites par des officiers de la Grande Armée :
… 4° Un congé de trois mois demandé par M. le maréchal Soult en faveur du sous-lieutenant Guérin, du 4e régiment d'infanterie de ligne ... pour venir régler des affaires de famille importantes
"; il répond : "Accordé" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1674 - Note. Non datée ; l'expédition des décisions a eu lieu le 4 mars).

Le 17 mars 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée : "Voulant donner une preuve de notre satisfaction aux officiers et soldats de notre Grande Armée pour les services qu'ils nous ont rendus, nous avons accordé et accordons par la présente en gratification aux corps d'infanterie dont l'énumération suit la somme de 6 340 000 francs. Notre intention est que vous fassiez connaître aux conseils d'admnistration desdits corps que cette somme doit être distribuée entre les officiers et soldats qui se trouvaient aux batailles d'Ulm, d'Austerlitz, d'Iéna, d'Eylau et de Friedland entendant que ceux qui se sont trouvés à trois de ces batailles recevront deux jours de solde en gratification et que ceux qui ne se sont trouvés qu'à une ou deux de ces batailles ne reçoivent qu'un jour de solde ; ceux qui auraient été blessés, soit à trois, soit à une seule de ces batailles recevront trois jours de gratification au lieu de deux. Lorsque ce travail sera ainsi proposé par le conseil d'administration on donnera autant de jours et de mois qu'il sera possible avec la somme qui aura été assignée au corps. Les colonels ni les majors ne sont pas compris dans la distribution de ces gratifications qui s'arrêtera au grade de chef de bataillon ou d'escadron inclusivement ... ANNEXE :
... 4e corps
... 4e de ligne 100 000 ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17415).

Par décret du 17 mars 1808, le Colonel Boyeldieu est fait Baron de l'Empire et doté d'une rente annuelle de 4,000 francs sur les biens réservés en Westphalie. Les armoiries qui lui furent délivrées étaient ainsi décrites : "Ecartelé, le premier d'azur à la tour crénelée d'or, surmontée d'un coq d'argent; le deuxième des barons militaires; le troisième de gueules au pont de trois arches d'argent; le quatrième au chameau posé d'or (Notes de la Sabretache : Archives administratives de la Guerre. Papiers du général Boyeldieu. Dans les armoiries de Boyeldieu, le coq surmontant la tour était le symbole de la vigilance et de l'activité ; le pont était une allusion à l'affaire de Bergfried où le colonel avait été blessé; le chameau rappelait la campagne d'Egypte).

Situation en Avril 1808 (côte SHDT : usuel-180804)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - petit dépôt
Conscrits des départements de la Seine de 1809
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan à Nancy - 4e division militaire - Grande armée - corps d'observation des Cotes de l'Océan

"Le 30, le régiment coucha à Massow et environs.
Avril-Juin - Le 1er avril, le régiment fut caserné à Stettin et y fit le service de place de concert avec le 28e régiment de ligne et un bataillon du 10e d'infanterie légère
(c'est vers cette époque que le 4e de ligne se réorganisa à cinq bataillons, en exécution du décret du 18 février 1808. Les trois premiers bataillons étaient en Allemagne, le quatrième au dépôt dans la 13e division, à Nancy; le cinquième encore en formation)" (Itinéraires et notes).

"... Ce fut pendant la route de Marienbourg à Stettin; je reçus l’ordre de départ à sept heures du matin, nous partîmes à huit, je partis avec ma compagnie et nous en prîmes une seconde avec nous ; nous devions loger les deux compagnies ensemble dans le même village, nous arrivâmes vers deux heures. Dans cet endroit, quelle fut notre surprise en arrivant, c’est que déjà deux autres compagnies occupaient les logements et le capitaine me donna une nouvelle destination ; je m’informai où était situé le lieu qu’il me désignait et on me dit : à quatre ou cinq lieues de là ; je me trouvais dans une pénible position ; comme le cantonnement de notre colonel se trouvait tout près et que je n’allongeais pas mon chemin, je me dirigeai avec mon détachement persuadé qu’il trouverait bien moyen de nous loger cette nuit en voyant mes hommes fatigués, il n’en fut rien ; à mon arrivée je me rends chez le colonel, je le trouve se promenant dans sa chambre, je lui expose les motifs de ma visite, je comptais qu’il prendrait mes réclamations en considération, mais à tout ce que je pouvais lui dire il me répondait toujours d’un air moqueur : c’est impossible ! « enfin, colonel, lui dis-je, ayez la bonté de faire venir votre hospodar, il vous dira ce qu’on m’a dit, que j’avais encore cinq grandes lieues à faire pour aller à ce village » ; alors il fit venir son hôte qui lui assura que c’était l’exacte vérité, alors il me dit : « mais aussi arrivé là, vous aurez le meilleur cantonnement de la division, car vous aurez deux grands villages qui n’ont pas encore vu de Français, ainsi allez, vous arriverez encore de bonne heure » ; alors devant lui, je demande un guide à son hospodar, et le prie de bien lui expliquer afin qu’il nous conduise directement à mon cantonnement afin d’éviter comme font tous les guides de se faire relever à chaque village, ce qui fait faire beaucoup de chemin de trop ; il fut arrêté que j’aurais toujours le même guide. Je quittai le colonel et me mis en route ; ce ne fut sans peine et sans bien des plaintes même de la mutinerie de la part de mes hommes, car à une lieue soit disant de notre cantonnement, d’après ce que disait notre guide, nous nous trouvions dans un bois ; je fis faire halte à ma troupe une demi-heure, mais quand je fus pour repartir, peu de mes hommes voulurent se remettre en marche et voulaient tous bivouaquer là, je fus obligé de faire les plus grands efforts pour les décider à partir ; enfin nous arrivâmes à notre gîte vers les neuf heures du soir, mais quel fut mon désappointement, au lieu de trouver un lieu de délices comme le disait le colonel, je trouvai trois maisons, dont une de curé ; je logeai une compagnie dans chaque maison de ferme et les cinq officiers, nous logeâmes chez le pauvre curé ; comme j’avais mon guide sous la main qui était du village où était le colonel, je crus bon de le charger de lui remettre un billet, dans lequel je lui dépeignais ma position et celle de mes hommes ; le croirait-on, le lendemain matin je reçus pour toute réponse ces mots : « monsieur le capitaine Dupin gardera les arrêts pour ne s’être pas conformé aux ordres de la hiérarchie ! » Le surlendemain je reçus l’ordre de me rendre à un nouveau cantonnement ; comme il fallait pour m’y rendre passer dans le village où était le colonel, je remplis près de lui la politesse d’usage ; quand un inférieur a été puni, il doit une visite à son supérieur. Je me rendis donc chez le colonel ; il voulut encore me réprimander, alors je lui observai que je croyais m’apercevoir que j’avais beaucoup perdu dans ses bonnes grâces, mais ce qui me faisait le plus de peine, c’est que mes soldats qui ne méritaient pas d’en souffrir en étaient victimes comme moi ! « Monsieur, me dit-il en colère, je n’aime pas ces rodomontades là, je n’en veux à personne », « alors donc, mon colonel, lui répondis-je, c’est ma démission que vous voulez ? Sachez que je suis enfant de troupe, j’ai perdu mon père et mes frères sur le champ de bataille, ma famille et ma fortune par la Révolution, il ne me reste que mon épée que la Providence m’a conservée jusqu’aujourd’hui, parlez, je vais vous la donner, mais sachez que je vous brûlerai la cervelle ou que vous me la brûlerez ! » « Allons, allons, me dit-il, vous voyez comme vous vous emportez, voyez mes ordres du jour, voilà ma justification à votre égard » ; il me prit les mains en me priant de tout oublier, nous nous séparâmes réconciliés en apparence ; le lendemain il vint à Bomgarter, me trouver à mon cantonnement avec l’adjudant major me rendre ma visite et me prier de nouveau de tout oublier ; de mon côté c’était facile, mais pour lui, je m’aperçus qu’il y avait toujours un peu de froid entre nous ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 12 avril 1808, Michel Defay adresse depuis Stettin à son frère la lettre suivante : "Stettin, le 12 Avril 1808.
Que dois-je penser, mon très cher Frère, du silence que vous vous obstinez à garder depuis si longtems ? Dois-je encore prendre la plume pour essayer de réveiller votre indolence ? Comment depuis près d'un an je n'ai pas relu la moindre marque de votre souvenir ? Aurois-je du m'attendre à une pareille indifférence ? Qui m'auroit attiré votre inimitié ? Car je ne puis me persuader que si vous n'eussiez pas changé de sentimens, vous eussiez pu me laisser si longteme dans l'inquiètude où me jette l'ignorance où je suis de votre sort. Ne venez pas me donner pour excuse que vous n'avez pas reçu mes lettres et que vous ne saviez pas où m'adresser les vôtres.Vous n'ignorez pas qu'en les adressant à mon Régiment, quand même vous ne sauriez pas le pays qu'il occupe, elles me parviendroient toujours. Ainsi point d'excuse pour vous de ce côté. Cherchez en quelqu'autre, si vous voulez que je vous en puisse croire.
Nous venons de nous rapprocher encore de quelques journées de la France. Nous sommes depuis le premier de ce mois en garnison dans la ville de Stettin capitale de la Poméranie prussienne sur l'Oder. Nous comptons y rester trois mois, à moins que quelque nouvel ordre ne vienne changer ces dispositions. Deux Divisions de notre Corps d'Armée occupent cette ville et les environs, et la troisième est encore sur la Vistule à Marienbourg et environs. Nous ignorons absolument ce qui se fera ce printems, si nous resterons encore longtems en Prusse ou si nous marcherons de quelqu'autre côté. Qui sait si au moment ou nous croirons le plus être prêt de rentrer en France, nous ne nous verrons pas obligés de marcher d'un autre côté. Hâtez vous donc de me tirer de l'incertitude où je suis par une réponse satisfaisante. Je l'attends avec impatience pour savoir si je puis encore me dire
Votre Affectionné Frère
Defay
P.S. Comme il y a si longtems que je n'ai pas eu des nouvelles de me famille, que j'ignore entièrement les changemens qui peuvent s'y être faits, je vous prie de m'en donner tous les détails; ne craignez pas d'être trop long; il m'importe d'être au fait de tout cela.
Assurez de mes respects mon Oncle et ma Tante. Mes amitiés à mes Cousins et Cousines leurs enfans. Bien des choses à mes Soeurs que je vous prie d'embrasser pour moi. Mes complimens à tous nos Parens et Amis. Je n'oublie pas ma Soeur votre Epouse. Quoique je n'aye pas l'avantage de la connaître ni d'être connu d'elle, je vous prie de lui présenter mes devoirs et de l'assurer de l'attachement que lui voue un frère qui ne désire rien tant que d'être à même de le lui prouver.
Mon adresse est toujours :
A Monsieur DEFAY, officier au 4e Régiment
d'Infie de ligne, 2e Division, 4e Corps
A la Grande Armée
".

Le 20 mai 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois votre lettre du 13 mai relative aux anciens et nouveaux dépôts. Je conçois que les conscrits ont été dirigés sur les nouveaux dépôts. Le 4e de ligne avait son dépôt à Strasbourg ; on a dirigé les conscrits sur Nancy. Je pense qu’il serait convenable de diriger définitivement les magasins de ces régiments, qui sont à Strasbourg, sur Nancy ...
Aucun de ces mouvements n'est bien considérable et moyennant cette mesure les conseils d’admistration et les magasins seront établis à demeure. Les 4 compagnies qui formeront le dépôt recevront les conscrits de leur corps, et au fur et à mesure qu'ils auront 60 hommes armés, habillés, sachant tenir leurs fusils, prêts à partir, vous m'en rendrez compte dans des états particuliers pour que je les envoie à celui des 4 bataillons de guerre qui en a besoin ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1907; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18000).

Le 3 juin 1808, Michel Defay adresse depuis Stettin la lettre suivante à son frère :

"Stettin en Poméranie le 3 Juin 1808.
J'ai reçu avant hier ta lettre, très cher Frère, et elle m'a tiré de l'inquiètude où j'étais depuis si longtems sur ton sort et sur celui de toute la famille. Je vois avec plaisir que vous jouissez tous d'une bonne santé. Je souhaite que cette lettre ne trouve pas de changement. Quant à moi, je continue aussi à me bien porter, malgré la grande chaleur qu'il fait ici depuis un mois et qui a occasionné beaucoup de fièvres qui cependant ne sont pas dangereuses. Mais je reviens à ta lettre.
J'ai vu avec peine les difficultés qui s'élèvent entre vous au sujet du partage du patrimoine, et je désirerais de tout mon coeur que nos Soeurs fussent assez raisonnables pour terminer cela à l'amiable, sans avoir recours à des expédiens qui ne font qu'occasionner de l'embarras et souvent des désagréments. Si, comme tu me le dis, les fonds n'ont pas augmenté de valeur, je pense, comme toi, que douze mille francs peuvent payer tout ce que nous avons à partager. Peut être sur les deux mille huit cens francs que nos Soeurs veulent avoir, comprennent elles les intérêts depuis le tems que tu jouis des fonds. Je crois que voilà quatre années ce qui ferait déjà quatre cens francs ? Peut être réclament-elles même encore pour le tems écoulé avant que tu en eusses la jouissance. Je ne peux donc rien décider absolument là dessus. Il faudroit que je fusse plus au fait de tout cela. Je te prie donc de vouloir bien m'y mettre par ta première lettre. Tu me diras d'abord en quel état tu as trouvé les fonds, quand tu en as pris possession; depuis quelle époque tu en jouis et à quelle condition; et ce qu'est devenu leur produit depuis la mort de notre chère Mère, jusqu'à ton entrée en possession. Car je pense que tu es instruit de tout cela, et je ne me rappelle pas que tu m'en aies parlé. Je ne puis cependant pas sans cela être à même de juger des prétentions de nos Soeurs. Si d'ailleurs elles te pressent de terminer, tu dois savoir mieux que personne ce que tu peux faire. Je ne te conseille pas de te ruiner, pour faire leur dot. Il faut d'abord penser à toi. Je te le répète, je crois que deux mille francs devroient leur suffire, et encore tu ne feras pas un trop bon marché; car enfin si celui qui se charge de payer les autres n'a aucun avantage, à quoi bon se gêneroit-il pour cela.
Tu ne m'as pas tout à fait satisfait au sujet des détails que je te demandois sur la famille. Je sais seulement que ma Soeur Flandrin a cinq enfans vivans dont trois garçons, et toi deux, un garçon et une fille. Tu m'annonce le mariage prochain de ma cousine Augagneur, mais tu ne me dis pas combien elle a de frères et soeurs, et si ma filleule se porte bien. Enfin nous avons d'autres parens quoique plus éloignés, et tu ne m'en parles pas. J'ai appris avec peine la mort de ma Marraine, mais tu ne me dis rien de sa famille qui doit être nombreuse. Tu ne me dis pas même ce que font mes Soeurs cadettes. Tu répareras tout cela dans ta première. Je te donne bien de l'ouvrage tâche de t'en tirer comme il faut.
Je ne te dirai pas grand chose de notre Armée. Nous ne savons encore rien de ce que nous deviendrons cet été. Nous sommes toujours à Stettin en Poméranie prussienne, comme tu lu vois par la date de ma lettre. Nous venons de faire un amalgame le 1er de ce mois. Je ne sais si tu as appris qu'à présent chaque régiment d'infanterie doit être composé de cinq bataillons, et chaque bataillon de six compagnies, dont une de Grenadiers, quatre de fusiliers, et une de voltigeurs. Chacune de ces compagnies doit être forte de cent quarante hommes. Le cinquième bataillon qui sera le dépôt ne sera composé que de quatre compagnies de fusiliers. Ce qui fera, par Régiment, quatre compagnies de Grenadiers, quatre de Voltigeurs et vingt de fusiliers, en tout vingt huit. Des deux bataillons que nous étions ici, nous en avons formé trois. On a brisé la huitième compagnie de chaque bataillon, et on a organisé une compagnie de Grenadiers et une de Voltigeurs. Par cet amalgame, notre compagnie est devenue la 4em du 3em bataillon. Les capitaines ont pris leur rang d'ancienneté, mais les lieutenans et S/ lieutenans sont restés dans les Compagnies où ils étoient. Nous avons quelques compagnies en Espagne qui formeront notre 4eme bataillon, et ce qui reste au dépôt formera le cinquième. Notre dépôt est retourné depuis quelque temps de Strasbourg où il était, à Nancy. Tu vois que le Régiment est assez dispersé. Les trois premiers bataillons sont ici; le 4eme à Valladolid en Espagne, et le 56 à Nancy. Je crois que nous ne nous verrons pas de sitôt réunis. Mais il ne faut jurer de rien. Je finis en t'embrassant de tout mon coeur et de te priant de me croire pour toujours
Ton affectionné frère
Defay, s/ lt
P.S. Je te prie d'assurer de mes respects mon Oncle et ma Tante et de leur présenter mes complimens. Sur le mariage de ma Cousine à qui tu en feras également, ainsi qu'à ses frères et soeurs. Bien des choses à mes Soeurs et à la famille de ma soeur aînée. Je désirerois les voir pour les embrasser et leur inspirer mes sentimens au sujet de ce partage que je tremble qui vous désunisse. Mille choses à ton épouse, embrasse la pour moi, ainsi que ...
Mon adresse est toujours la même
.
La suscription est :
A Monsieur
Monsieur DEFAY
rue Poisson
A ROANNE
département de la Loire
Mention manuscrite : reçu le 24 Juin et fait réponse".

Le 23 juin 1808, l'Empereur rédige des "PROJETS ET NOTES RELATIFS A L'ORGANISATION DE L'INFANTERIE ET DE LA CAVALERIE"; il écrit :"3° NOTE ...
3e régiment de marche à Strasbourg : deux bataillons de dix-huit compagnies (à Mayence) 2240 ...
Réunir cette division à Magdeburg.
4° GRANDE ARMÉE.
PROJET DE FORMATION DE RÉGMENT DE MARCHE.
Infanterie.
1er régiment de marche. 1.860 ...
3e Id. 4.340 ...
PROJET DE DÉCRET.
Article premier. Il sera formé six régiments de marche de la Grande Armée ; ils seront organisés conformément au tableau ci-annexé.
Art. 2. Toutes les troupes qui doivent composer ces régiments seront bien habillées, bien armées, enfm mises en bon état et prêtes à partir de leur garnison le 1er août prochain.
Art. 3. Le 1er régiment de marche se réunira à Hanau ...
Le 3e – à "
Art. 4. Nos ministres de la guerre, de l'administration de la guerre et du Trésor public, sont chargés de l'exécution du présent décret ...
6° 3e RÉGIMENT DE MARCHE OU RÉGIMENT DE MARCHE DU 4e CORPS.
1er bataillon (7 compagnies).
Une compagnie, Nancy, de 140 hommes du 4e de ligne. 140
Trois compagnies, Wesel, de 140 hommes du 22e de ligne. 420
Trois compagnies, Saint-Omer, de 140 hommes du 28e de ligne. 420
980 ...
4. 1
18 1.
57 2
105 3
Strasbourg, 7 compagnies ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2037 - date présumée, en raison de la lettre adressée le même jour à Clarke).

Situation en Juillet 1808 (côte SHDT : usuel-180807)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Seine de 1809
BLANC Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan - Grande armée - 4e corps - 2e division
4e bataillon à Grenadiers et Voltigeurs sont à Dantzig - Grande armée - les Fusiliers au 3e Régiment provisoire de l'armée d'Espagne - Grande armée
5e bataillon à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

"Juillet. - Il resta dans cette ville jusqu'au 1er juillet (Effectif au 1er juillet : 1er bataillon, 700 hommes; 2e bataillon, 608; 3e bataillon, 600). Ce même jour, il passa par Damm et vint camper devant le village de Surow, à une lieue de Stargard, où il resta jusqu'au 14 août 1808" (Itinéraires et notes).

Fifre du 4e de Ligne d'après Carl 1809 Fifre du 4e de Ligne d'après Bucquoy 1809-1810 Fifre du 4e de Ligne d'après B. Coppens
Fig. 11 De gauche à droite, Fifre d'après Carl (1809), d'après Bucquoy (Source : Collections Alsaciennes) et d'après B. Coppens

Le 6 juillet 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, il sera formé trois brigades composées de régiments de marche, sous les ordres du maréchal Kellermann. La 1re brigade se réunira à Wesel, la 2e à Mayence et la 3e à Strasbourg ...
La 2e brigade qui se réunira à Mayence sera composée des 3e et 6e régiments de marche, composés chacun de détachements des 3e et 6e corps de la Grande Armée qui ont besoin d'être renforcés pour être portés au complet.
... La 3e brigade sera composée du 4e régiment de marche qui sera formé des détachements du 4e corps.
Le 4e régiment de marche sera composé de 2 bataillons :
1er bataillon : 1 compagnie de 140 du 4e de ligne, 1 compagnie du 18e, 2 compagnies du 57e et 3 compagnies du 105e ...
Cette brigade se réunira à Strasbourg. Les brigades de Wesel et de Mayence doivent être prêtes à se porter soit sur la Grande Armée pour être incorporées dans les régiments et les porter au complet, soit en Hollande et sur les côtes, si les Anglais tentaient quelque chose sur Flessingue ou Boulogne
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2077 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18486).

"Août-Octobre. - Le 14, le régiment repassa à Damm, retraversa l'Oder et fut logé chez l'habitant à Stettin.
Le 15, la division prit les armes et célébra la fête de l'Empereur.
Le 16, la division séjourna à Stettin. Le 17, elle fut occuper le camp de Krekow que venait de quitter la 1re division. Pendant son séjour dans ce camp, elle fournissait trois bataillons pour le service de la place de Stettin.
Le maréchal Soult quitta le corps d'armée, et la division passa sous les ordres du maréchal Davout
" (Itinéraires et notes).

Le 18 août 1808, "On soumet à l'approbation de Sa Majesté un état de démission des officiers d'infanterie Guérin, sous-lieutenant au 4e régiment ..."; "Approuvé", répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2195 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l'Empereur et Roi, du 17 août 1808 »).

Le 24 août 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, j'ai lu avec attention l'état de situation n° 3 des corps de la Grande Armée. Je vous le renvoie pour que vous y fassiez quelques changements : ...
Le 24e léger, le 4e de ligne, le 46e, le 57e manquent également de beaucoup de monde ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2211 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18751).

Le 27 août 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Dejean, Ministre de l'Administration de la Guerre : "Je vous renvoie votre rapport ; d'abord parce que je remarque qu'il n'est pas exact : le 4e de ligne ne fait pas partie du 1er corps; c'est le 24e de ligne ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18767).

Le 4 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "… Les 4es bataillons du 4e corps sont ceux des 10e, 26e et 24e légère, des 3e, 4e, 18e, 57e, 72e et 105e de ligne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2255; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18825).

- Division Oudinot - Armée des Côtes de l'océan

- Division Oudinot

En parallèle, selon Rigo, le 21 octobre 1806, Napoléon décide d'organiser à Berlin une Division de Grenadiers et Voltigeurs réunis (que la nomenclature générale du 1er mars 1807 appelle encore Grenadiers de la réserve) composée tout d'abord de sept puis huit Régiments formés avec les Compagnies d'élite des Bataillons de dépôt des Régiments affectés à la grande armée ; le 4e de Ligne est concerné par cette décision. Le 2 novembre, Napoléon par Décret ordonne la formation du Corps des Grenadiers et Voltigeurs de la réserve, confié à Oudinot. Le 3ème Régiment de ce Corps comprend un 6e Bataillon à 6 Compagnies constitué à partir des 3e Bataillons des 4e, 18e et 57e de Ligne.

Les Régiments de la Division Oudinot sont toujours à deux Bataillons et chaque Bataillon comprend toujours 6 Compagnies, les Grenadiers (ou carabiniers) et les Voltigeurs du même Régiment figurant dans le même Bataillon.

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 10 janvier 1807 (Nafziger - 807AXB)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot (19 Officiers, 519 hommes)
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 20 janvier 1807 (Nafziger - 807AXD)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot (20 Officiers, 493 hommes)
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 2 février 1807 (Nafziger - 807BXB)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot (19 Officiers, 490 hommes)
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 20 février 1807 (Nafziger - 807BXA)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot (20 Officiers, 470 hommes)
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 19 mars 1807 (Nafziger - 807CXB)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne : 3 Officiers, 65 hommes
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne : 3 Officiers, 73 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Le 22 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Maréchal Kellermann, commandant un Corps de réserve de Gardes nationales : "Mon cousin, mon intention est de compléter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs de la division Oudinot à un effectif de 150 hommes. Je désire en conséquence que vous fassiez réunir, conformément au tableau ci-joint, différents détachements d'hommes. De 5 pieds 4 pouces pour les grenadiers et de 4 pieds 11 pouces ou 5 pieds bien constitués pour les voltigeurs. Ces détachements peuvent partir sans sous-officiers, en désignant les meilleurs sujets pour en faire les fonctions pendant la route. Après en avoir passé la revue et avoir pourvu à ce que leur habillement et armement soient parfaitement en état, vous les ferez conduire par des officiers d'état-major, pour Thorn ...
4e de ligne 47
[Pour les grenadiers] 48 [Pour les voltigeurs] ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14811).

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 30 mars 1807 (Nafziger - 807CXC)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne : 3 Officiers, 66 hommes
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne : 3 Officiers, 74 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 15 avril 1807 (Nafziger - 807DXB)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne : 3 Officiers, 73 hommes
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne : 1 Officiers, 76 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 30 avril 1807 (Nafziger - 807DXC)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment :
6e Bataillon : Chef de Bataillon Franchot
3e Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne : 3 Officiers, 75 hommes
4e Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne : 1 Officiers, 76 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 15 mai 1807 (Nafziger - 807EXC)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
4e Régiment :
7e Bataillon : Chef de Bataillon Coquereau
1ère Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne : 3 Officiers, 73 hommes
8e Bataillon : Chef de Bataillon Monnet
1ère Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne : 0 Officiers, 52 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Situation de la Division de Réserve (Oudinot) le 1er juin 1807 (Nafziger - 807FXC)
Commandant : Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
4e Régiment :
7e Bataillon : Chef de Bataillon Coquereau
1ère Compagnie, Grenadiers 4e de Ligne : 3 Officiers, 81 hommes
8e Bataillon : Chef de Bataillon Monnet
1ère Compagnie, Voltigeurs 4e de Ligne : 1 Officiers, 58 hommes

Source : Archives françaises, Carton C2 481

Ordre de bataille français le 14 juin 1807 (Nafziger - 807FAE)
Centre gauche
Réserve de l'Armée : Lannes
Division Oudinot
2e Brigade : Général de Brigade Conroux
3e Régiment provisoire
6e Bataillon :
4e de Ligne

A partir de juillet 1807, les Grenadiers (ou Carabiniers) de 6 Régiments sont groupés au 1er Bataillon tandis que tous les Voltigeurs sont au second.

En janvier 1808, la Division Oudinot est de nouveau réorganisée, car en cas d'une nouvelle guerre, elle doit remplacer l'infanterie de la Garde Impériale qui vient de rentrer en France. De nouveau, c'est un bouleversement total.

Le 29 août 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je vois que dans sa situation actuelle le corps du général Oudinot n'a que 8794 hommes, tandis qu'il devrait être de 11200 hommes ; il lui manque donc 2500 hommes. Je désire que vous donniez les ordres suivants aux bataillons de guerre.
Nombre d’hommes à fournir
... Du 30e de ligne, de fournir audit corps 30 grenadiers, 15 voltigeurs
... Au 4e de ligne, 30 30
... Ces hommes seront fournis sur-le-champ, en les choisissant aux bataillons de guerre de la Grande Armée, ce qui complétera ces compagnies à 140 hommes chacune ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2222 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18779).

- Espagne fin 1807-1808

L’autre grande affaire pour l’Empereur après Tilsitt, c’est le Portugal et l’Espagne où il envoie des troupes, en général des Régiments provisoires, dans des Corps d’ Observation formés de divers détachements, pour contrôler discrètement les places fortes du Royaume bourbonien, alors notre allié, et lancer la conquête du Portugal.

Le Corps d’Observation des Côtes de l’Océan était sous les ordres de Moncey. Son 3e Régiment provisoire d'infanterie est formé de détachements des 4e, 18e, 51e, 57e de Ligne.

1er Corps d'Observation de la Gironde - 1er Novembre 1807 (Nafziger - 807KSAB)
Commandant : Général de Division Junot
2e Division : Général de Division Loison
1ère Brigade : Général de Brigade Charlot
1er Régiment provisoire d'Infanterie
4e de Ligne : 3e Bataillon, 14 Officiers, 703 hommes

Source : Grasset, A., La Guerre d'Espagne (1807-1813), Paris, 1914

1er Corps d'Observation de la Gironde - 1er janvier 1808 (Nafziger - 808ASBZ)
Commandant : Général de Division Junot
2e Division : Général de Division Loison
1ère Brigade : Général de Brigade Charlot
1er Régiment provisoire d'Infanterie
4e de Ligne : 3e Bataillon, 14 Officiers, 549 hommes

Source : Grasset, A., La Guerre d'Espagne (1807-1813), Paris, 1914

Le 1er janvier 1808, il y a à l'Armée des Côtes de l'océan, commandée par Moncey, Division Harispe, 2e Brigade Prince d'Isembourg, 3e Régiment provisoire (Blanc) 8 Officiers et 568 hommes du 4e de ligne, plus 9 hommes en arrière et 10 aux hôpitaux soit un total de 595 hommes (d'après Grasset, A., La Guerre d'Espagne (1807-1813), Paris, 1914 - donné par Nafziger 808ASCB.pdf). Ces hommes sont envoyés en Espagne (voir situation de juillet 1808).

Le 25 juin 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Maréchal Bessières, commandant de la Garde impériale et des Divisions d'observation des Pyrénées-Occidentales : "… Le 4e et le 15e de ligne arrivent ici ; ils viennent de Rennes en dix jours. Deux autres régiments arrivent de Paris. Cela fera une réserve de 8,000 hommes à la tête desquels le Roi entrera …" (Correspondance de Napoléon, t.17, lettre 14132 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18399).

Le même jour (25 juin 1808), Napoléon écrit, depuis Bayonne, à son Aide de camp, le Général Savary, à Madrid : "Monsieur le Général Savary … Le 4e et le 15e de ligne arrivent au moment même. Il n'y a que dix jours qu'ils sont partis de Rennes. Deux bataillons de la garde de Paris arrivent demain ; deux autres arrivent dans deux jours. Je vais former une belle division de réserve de vieilles troupes que je ferai rentrer avec le Roi …" (Correspondance de Napoléon, t.17, lettre 14133 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18411).

Martinien cite le Major Blanc blessé le 28 juin 1808 lors de l'attaque de Valence (mort le 1er juillet).

Armée d'Espagne 15 novembre 1808 (Nafziger - 808KSCI)
8e Corps : Général de Division Junot
2e Division : Général de Division Loison
1ère Brigade :
4e de Ligne : 1 Bataillon

Source : Oman, A History of the Peninsular War
Balagny, Campagne de l'Empereur Napoléon en Espagne (1808-1809), Paris, 1902
French Archives, Carton C8 397

Armée d'Espagne décembre 1808 (Nafziger - 808LSCZ)
8e Corps : Général de Division Junot
1ère Division : Général de Division Delaborde
2e Brigade : Général de Brigade Arnaud
4e de Ligne : 25 Officiers, 1179 hommes

Source : Balagny, Campagne de l'Empereur Napoléon en Espagne (1808-1809), Paris, 1902

Armée d'Espagne 15 décembre 1808 (Nafziger - 808LSCX)
2e Corps :
1ère Division : Général de Division Merle
1ère Brigade : Général de Brigade Reynaud
4e de Ligne : 61 Officiers, 1521 hommes
2e Division : Général de Division Mermet
2e Brigade : Général de Brigade Gaulois
4e de Ligne : 42 Officiers, 911 hommes

Source : Archives françaises, Carton C8 397
Balagny, Campagne de l'Empereur Napoléon en Espagne (1808-1809)

Note : cette situation est curieuse; pourquoi le 4e de Ligne, scindé entre deux Divisions ? Est ce un projet ? Une erreur de transcription ? Ou bien le Régiment a t'il vraiment renforcé ses effectifs en Espagne (pour un temps ?)

Tambour de fusiliers du 4e de Ligne d'après Boeswilwald 1810
Tambour de fusiliers du 4e de Ligne d'après Rigotambour 4e de ligne 1809
Fig. 12 En haut à gauche, Tambour de Fusiliers d'après l'Album Schmidt (source indiquée : communication de Théodore Carl à feu Millot; Bibliothèque de la Sabretache); à droite, Tambour de Fusiliers d'après Petits Soldats d'Alsace (source indiquée : Boeswilwald); en dessous, Tambour de Fusiliers et détail de sa tenue d'après Rigo (source indiquée : Boeswilwald ; le galonnage est de laine jaune) et Tambour (à droite) d'après un dessin de P. Eudeline

- Formation de la Division de Réserve à Orléans

Le 12 janvier 1808, l'ordre suivant est promulgué : "L'Empereur a ordonné la formation d'une division de réserve d'infanterie qui sera réunie à Orléans le 1er février 1808.
Cette division sera composée de trois brigades, chaque brigade de deux régiments provisoires et chaque régiment de trois bataillons. La 1re brigade sera composée des 13e et 14e régiments provisoires ...
... Les trois bataillons du 14e régiment provisoire doivent être composés de quatre compagnies chacun, tirées des 4e, 8e, 3e, 18e, 21e, 22e, 24e, 27e, 30e, 33e et 34e régiments de ligne ...
Le général de division Verdier commandera cette division de réserve, le général Schramm y sera employé
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1511).

Toujours le 12 janvier 1808, un deuxième ordre est promulgué, portant sur la composition de la Division de Réserve d'infanterie qui se réunit à Orléans : "Cette division sera composée de trois brigades, chaque brigade de deux régiments provisoires, chaque régiment de trois bataillons, chaque bataillon de quatre compagnies, chaque compagnie de 150 hommes, total 10.800 hommes.
La 1re brigade sera composée des 13e et 14e régiments provisoires, la 2e, des 15e et 16e, la 3e des 17e et 18e.
... Le 14e régiment sera composé, savoir :
1er bataillon ; d'une compagnie de 150 hommes du 4e régiment de ligne, d'une du 8e et de deux compagnies, de 150 hommes chacune, du 3e ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1514).

Le même 12 janvier 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le Général Clarke, vous donnerez les ordres pour la formation d'une division qui portera le titre de division de réserve, et qui se réunira à Orléans. Cette division sera composée conformément au tableau ci-joint ... Vous donnerez l'ordre qu'avant de faire partir les compagnies qui doivent former la division de réserve d'Orléans on complète tout ce que les corps doivent fournir aux douze régiments provisoires du corps d'observation des côtes de l'Océan. Le général de division Verdier commandera cette division de réserve. Le général Schramm y sera employé
P. S. Les ordres seront donnés sur-le-champ pour la formation de cette division, et elle se mettra en marche au 1er février. Vous aurez soin de lui faire fournir des capotes et de veiller à ce que les hommes soient bien habillés.
COMPOSITION DE LA RÉSERVE D'INFANTERIE QUI SE RÉUNIT À ORLÉANS
Cette division sera composée de trois brigades ; chaque brigade de deux régiments provisoires ; chaque régiment de trois bataillons ; chaque bataillon de quatre compagnies ; chaque compagnie de 150 hommes : total 10 800 hommes.
La 1re brigade sera composée du 13e et 14e régiment provisoire ...
Le 14e régiment provisoire sera composé :
une compagnie de 150 hommes du 4e régiment de ligne
une du 8e régiment de ligne
et de deux compagnies 150 hommes du 3e régiment de ligne ...
" (Correspondance de Napoléon, t.16, lettre 13448 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 16987).

- Retour en France (février 1809)

Le 18 octobre 1808, Michel Defay adresse depuis Stettin à son frère la lettre suivante :

"Stettin en Poméranie le 18 octobre 1808
Je ne puis rien comprendre, mon cher Frère, à votre négligence. Je ne sais pas même si ce nom peut convenir à la conduite que vous tenez envers moi. Depuis quatre mois j'attends inutilement une reponse à ma lettre du 3 Juin dernier, et je me vois forcé enfin à vous faire les reproches que mérite un pareil oubli. Je ne crois pas que vous puissiez trouver de prétexte assez spécieux pour couvrir une si grande indifférence pour un frère qui vous a toujours aimé si sincèrement. Les affaires dont Vous n' avez parlé dans votre dernière lettre, et sur les quelles vous mavez consulté doivent je pense, être terminées, et quand elles ne le seraient pas, ce ne serait pas une raison pour ne pas m'en dire quelque chose.
Je ne m'étendrai pas davantage là dessus, parce que je désire toujours vous trouver innocent. J'attendrai les raisons que vous allez m'alléguer, pour vous condamner tout à fait ou pour voue absoudre. Hâtez-vous donc si vous voulez me tirer de l'impatience où je suis.
Vous voyez par la date de ma lettre que nous sommes toujours à STETTIN en POMERANIE où peut être nous passerons l'hyvers. Nous sommes d'ailleurs dans la plus grande ignorance sur notre destination ultérieure. J'attend donc ici votre lettre. Vous ne devez pas ignorer que je la recevrai toujours, quand même nous aurions fait un mouvement, pourvu qu'elle soit bien adressée, à mon Régiment. Je finis en vous embrassant du meilleur de mon coeur et suis toujours
Votre affectionné Frère
P.S. Mes respects à mon Oncle et à ma Tante. Mes amitiés à mes cousins et cousines. Bien des choses à mes Soeurs et mon Beaufrère. Embrassez pour moi ma Soeur votre Epouse et mes petits neveux. Mes complimens à toute la famille et aux amis.

La lettre porte la suscription : A Monsieur
Monsieur DEFAY-
rue Poisson
A ROANNE
Départ de la Loire
En outre un tampon à l'encre rouge
N° 3
GRANDE ARMEE
Une mention d'écriture différente
Reçu le 4 novembre
et fait réponse le 14".

Situation en Octobre 1808 (côte SHDT : usuel-180810)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Seine de 1809
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Brun - Grande armée - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan - Grande armée - 4e corps - 2e division
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot à Grenadiers et Voltigeurs à la division Oudinot - Grande armée - les Fusiliers à Nancy - Grande armée - division Oudinot
5e bataillon à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

Au mois d'octobre, le 4e de Ligne à Stettin part pour Berlin, d'où il doit rentrer en France par Mayence et Oppenheim.

Le 21 octobre 1808, l'Empereur, depuis Saint-Cloud, écrit à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, vous ne m'envoyez jamais les états de mon armée italienne. Je vous ai dit bien des fois qu'il me faut ces états tous les dix jours. Envoyez-m'en un sans délai. Mon armée d’Italie doit être prête à entrer en campagne au mois de mars. Sa composition sera la suivante : ... 3e division
13e de ligne 4 bataillons
112e idem 3 bataillons
1re idem 4 bataillons
4e idem 1 bataillons ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 163 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19097).

Le même 21 octobre 1808, à Saint-Cloud,"S. M. le roi de Westphalie demande que les officiers ci-après passent à son service : le général Eblé, le colonel du 21e dragons Dumas, l’adjudant-major du 4e de ligne Bergeron, le lieutenant Laborde du même régiment, l'adjudant-major Ruelle du 57e, le lieutenant Frédéric Haindel, aide-de-camp du général Amey"; "Accordé", répond l'Empereur (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1497).

Le 22 octobre, Davout écrit, depuis Breslau, à l’Empereur : "… Présumant qu'il est dans l'intention et dans les intérêts de Votre Majesté de manifester le désir d'évacuer les provinces prussiennes, aussitôt que le gouvernement de ce pays aura rempli ses engagements, j'ai écrit au général Compans de donner tout de suite l'ordre (si toutefois M. Daru, plénipotentiaire de Votre Majesté, ne trouve pas d'inconvénients à cette mesure) au général Legrand, qui est sur la Vistule, de mettre sa division en marche sur Custrin, où il recevra de nouveaux ordres ...
Le 24e léger, le 4e de ligne et le 46e, qui sont à Stettin, ou au camp sous cette place, recevront également l'ordre de se mettre en marche sur Berlin, si le plénipotentiaire de Votre Majesté donne son assentiment à cette mesure ...
" (Mazade C. (de) : « Correspondance du Maréchal Davout, prince d'Eckmühl : ses commandements, son ministère, 1801-1815 », t. 2, p. 312, lettre 525).

Le 26 octobre, l'Adjudant sous officier Jean François Paillon se voit proposer au grade de Sous lieutenant par le Colonel de Boyeldieu.

 

Proposition au grade de Sous lieutenant faite par le Colonel Boyeldieu, pour l'Adjudant sous officier Jean François Paillon ; ce document nous a aimablement été communiqué par son propriétaire, Mr Ken Richards, collectionneur australien (http://www.frenchempirecollection.com). Nous rappelons au lecteur que ce document ne peut donc en aucun cas être utilisé sans l'autorisation de son propriétaire légal.

Cependant, en décembre 1808, l'Autriche étant de plus en plus menaçante, les Régiments de l'Armée du Rhin reçoivent l'ordre d'avoir leurs quatre Bataillons au complet. De ce fait, Oudinot se voit obligé de réduire ses effectifs. Pendant ce temps, les recrues arrivent au Dépôt de Nancy, la superbe capitale Lorraine, d'où émerveillé, le soldat Antoine Herennes, originaire de Charneux (Ourthe), incorporé dans le 4e Bataillon, 1ère Compagnie, et résigné à être un soldat dans un beau Régiment, écrit le 12 novembre 1808 : "Nous avons été 12 jours en route et nous avons fait deux fois séjour. Le voyage s'est fait assez bien. Samedi, nous sommes arrivés à Nancy, lieu de notre destination. Aussitôt on nous a réunis avec le 4e régiment de ligne, vu que le dépôt est à Nancy. Dimanche, nous avons passé la visite et le chirurgien m'a trouvé propre au service. Mais il ne faut pas vous chagriner pour cela, je me fais une raison de mon nouveau sort : puisque la loi nous appelle, il faut s'y conformer. Ce qui me donne bon espoir, c'est que nous sommes dans un beau régiment et une belle garnison, car la ville de Nancy est très amusante. Lundi, on nous a habillés et mardi, nous avons commencé à faire l'exercice et l'on en fait la continuation quatre heures par jour en deux fois" (E. Fairon, H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°112).

"Novembre. - Le 2, le régiment quitta Stettin et vint coucher le même jour à Gartz sur l'Oder et environs. Le 3, à Schwedt et environs … Le 7, à Berlin, sur la Sprée. Le 8, il y a séjourné et a été passé en revue par S. E. le duc d'Auerstaedt. Le 9, séjour. Le 10, il partit de Berlin et fut coucher à Postdam" (Itinéraires et notes).

Le 4e de ligne se porte par étapes aux environs de Würtzburg. Parmi ses cantonnements, il y a lieu de citer ceux de Wittemberg, Düben, Leipzick où il fait séjour, Weissenfeld, Nauenburg, Erfurt, Neustadt, Schweinfurt sur le Mein.

Le 23 novembre 1808, à Burgos, "On rend compte des mesures prises par le préfet de la Loire-Inférieure pour le transport en poste des 4e et 14e régiments de ligne, 15e d'infanterie légère, et on sollicite le remboursement des frais qui en sont résultés"; "Accordé", répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2490 - Extraite du « Travail du ministre directeur de l'administration de la guerre avec S. M. l'Empereur et Roi, daté du 9 novembre 1808 »).

Le 28 novembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Aranda, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "Du moment que j'ai reçu votre état, je l'ai lu avec le plus grand intérêt ; mais il est tellement fautif que je ne puis compter sur son exactitude. Il faut que vous le fassiez corriger et que vous me le renvoyiez, dans l'état où il est, il ne peut me servir ...
La colonne de l’armée du Rhin ne comprend que 17 corps qui auraient leurs compagnie de grenadiers et de voltigeurs au corps d'Oudinot ; c'est encore une erreur ; il y en a un plus grand nombre. Le 4e de ligne ; le 18e le 24e, le 26e légère ont leurs compagnies de grenadiers et de voltigeurs au corps d'Oudinot. Le 4e, le 88e, le 64e, le 16e léger, le 17e, le 21e, le 28e léger également. Vous commettez une double erreur en portant ces régiments pour 2800 hommes parce que vous y comprenez les compagnies de grenadiers et de voltigeurs et que vous ne les portez pas à l'armée du Rhin. Cet état demande donc à être retouché ; aux petits changements près, que j'ai notés ci-dessus, la forme m'en paraît très belle
" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19429).

"Le 27, il prit ses cantonnements aux environs de Würtzburg. L'état-major du régiment fut à Arnstein et le régiment disposé aux environs de cette ville. Il y resta jusqu'au 13 décembre inclus.
Décembre. - Le 14, le régiment coucha à Würtzburg, sur le Mein. Le 15, à Bischofsheim. Le 19, à Francfort sur le Mein.
Le 20, à Hocheim et environs. Le 21, arrivé devant Cassel, traversé ce bourg, embarqué et traversé le fleuve à deux heures après midi. Le régiment fut logé en entier dans Mayence.
Le 22, il cantonna à Oppenheim, où il resta jusqu'au 1er janvier 1809 inclusivement
(le 1er janvier 1809, l'effectif des bataillons de guerre du 4e de ligne est de : 63 officiers, 2119 hommes)" (Itinéraires et notes).

Le 5 décembre 1808, à Madrid, l'Empereur ordonne : "... 2° Le corps du général Oudinot sera composé de trente-six bataillons des régiments ci-après, savoir des 4e, 6e, 9e, 16e, 25e, 27e, 17e, 21e, 24e, 26e et 28e d'infanterie légère ; des 8e, 95e, 96e, 4e, 18e, 40e, 64e, 88e, 27e, 39e, 45e, 59e, 69e, 76e, 24e, 54e, 63e et 94e de ligne, et des 46e, 28e, 50e, 75e, 100e et 103e de ligne.
Les bataillons des tirailleurs corses et des tirailleurs du Pô y seront joints, ce qui en portera le nombre à 36.
Chaque bataillon sera réuni, enfin, à six compagnies et à 840 hommes.
Tous les hommes sortant des hôpitaux et appartenant aux régiments de marche formés en France resteront à la suite des compagnies de grenadiers et voltigeurs du corps d'Oudinot, et, lorsque les quatre compagnies de fusiliers seront arrivées, elles seront incorporées dans ces compagnies.
3° Aussitôt que deux compagnies de ces 4es bataillons seront complétées au dépôt à 140 hommes chacune, le ministre de la guerre nous en rendra compte, pour que nous donnions l'ordre de les faire rejoindre avec les chefs des bataillons et adjudants-majors.
Au 10 janvier, le ministre de la guerre nous fera connaître ceux de ces 4es bataillons qui peuvent fournir deux compagnies de 140. Les deux autres compagnies auront joint avant le 20 février, de manière qu'à cette époque chaque régiment de l'armée du Rhin ait ses quatre bataillons de six compagnies chacun et d'un effectif de 3.360 hommes, et que le corps présentera trente-six bataillons ou 30.000 hommes.
4° Ce corps sera partagé en trois divisions de douze bataillons chacune.
Les bataillons seront embrigadés sous le nom de demi-brigades d'infanterie, dont quatre d'infanterie légère et huit d'infanterie de ligne, commandées par les majors ...
La 1re demi-brigade d'infanterie de ligne sera composée des 4es bataillons des 8e, 24e et 25e ...
La 4e des bataillons des 4e, 18e et 46e. ...
La 2e division sera composée de la 2e demi-brigade d infanterie légère et des 4e, 5e et 6e d'infanterie de ligne ...
5° Aucun mouvement ne se fait par le ministre de la guerre, qu'il ne m'en ait présenté le projet et qu'il n'ait eu mon approbation
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2522).

Le même 5 décembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Chamartin, au Général Lacuée, Directeur des Revues et de la Conscription militaire, à Paris : "Mon intention est de renvoyer les compagnies de grenadiers et de voltigeurs des 4es bataillons des régiments qui font partie de l'armée du Rhin à leurs régiments, pour former le cadre des 4es bataillons, et d'augmenter insensiblement ces 4es bataillons des quatre autres compagnies, de manière que l'armée du Rhin, qui est composée de vingt et un régiments, le soit de quatre-vingt-quatre bataillons ; ce qui, avec les huit bataillons qui forment le corps des villes hanséatiques, fera quatrevingt-douze bataillons, ou un effectif de près de 78,000 hommes, et, avec la cavalerie et l'artillerie, près de 110,000 hommes. Le corps d'Oudinot ne serait plus alors composé que des compagnies de grenadiers et voltigeurs des régiments ci-après, savoir : 6e, 9e, 16e, 25e, 27e, 17e, 21e, 24e, 26e, 28e d'infanterie légère ; 8e, 95e, 96e, 4e, 18e, 40e. 64e, 88e, 27e, 39e, 45e, 59e, 69e, 76e, 24e, 54e, 63e, 94e d'infanterie de ligne. Mon intention serait que les compagnies restant des 4es bataillons de ces corps y fussent réunies ; ce qui compléterait vingt-huit bataillons. J'y joindrais les 4es bataillons des 46e, 28e, 50e, 75e, 100e et 103e ; ce qui porterait ce corps à trente-quatre bataillons, qui, à 840 hommes chacun, feraient près de 30,000 hommes. Pour compléter le nombre de 30,000 hommes, j'y réunirais les bataillons des tirailleurs du Pô et des tirailleurs corses ; j'en formerais trois divisions de douze bataillons chacune ; ce qui ferait un beau corps qui pourrait, si cela était nécessaire, renforcer l'armée du Rhin et la porter à 140,000 hommes, laissant les 4e, 46e, 18e de ligne, 24e et 26e légers, ce qui fait cinq régiments, pour la défense du port de Boulogne et de la Bretagne, et me laissant ainsi la faculté de diriger sur l'Allemagne les 4es bataillons des 48e, 13e, 108e, etc ..." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14535 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19446).

Situation en Janvier 1809 (côte SHDT : usuel-180901-46)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Seine de 1809
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - division Carra Saint-Cyr
2e bataillon - Grande armée - division Carra Saint-Cyr
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot - Grande armée - division Carra Saint-Cyr
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan à Grenadiers et Voltigeurs à Hanau - armée du Rhin - les Fusiliers à Nancy - armée du Rhin
5e bataillon à Nancy - 4e division militaire - Grande armée

A la fin de l'année 1808, alors que le 4e de Ligne se trouve aux environs de Mayence, le Colonel Boyeldieu, dont la santé laisse fort à désirer, se voit dans la nécessité de demander un congé de plusieurs mois. Le Général Carra Saint-Cyr, qui commande alors la Division, appuie cette demande auprès du Ministre dans une lettre où il trace de Boyeldieu le plus bel éloge (Archives administratives de la Guerre. Dossier Boyeldieu) :

"DIVISION CARRA SAINT-CYR
Mayence, le 2 janvier 1809.
Monseigneur,
M. Boyeldieu, Colonel du 4e régiment de ligne, à la suite de deux blessures reçues à Bergfried et à Heilsberg, a éprouvé plusieurs maladies graves dont il n'est pas encore entièrement rétabli; il aurait besoin de se reposer quelque temps dans sa famille pour y soigner sa santé ; je prie Votre Excellence de lui accorder un congé de trois mois avec appointements. Ce colonel sert avec le plus grand zèle et aime ses devoirs, et si, à l'époque où ce congé lui serait accordé, il croyait sa présence nécessaire au corps, je suis certain qu'il serait le premier à n'en pas vouloir faire usage; je sais en outre qu'il a des affaires essentielles qui l'appellent chez lui.
J'ai l'honneur d'être, avec respect, etc ...
Le général de division, baron de l'Empire, CARRA SAINT-CYR
".

Cette demande est soumise à Paris le 26 janvier 1809 à l'Empereur : "M. Boyeldieu, colonel du 4e régiment d'infanterie, non encore rétabli de ses blessures de Bergfried et à Heilsberg, demande un congé de convalescence de quatre mois"; "Accordé" répond l'Empereur (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1514).

Pendant ce temps, le 4e de Ligne poursuit sa marche et arrive à Nancy le 3 février 1809 où il est rejoint par son dépôt (Historique régimentaire). Le Régiment ayant reçu l'ordre de tenir garnison à Nancy, rallie cette ville en faisant étape à Spire, Landau, Wissemhourg, Haguenau, Saverne, Sarrebourg, Blamont et Lunéville.

"Janvier. - Le 2 janvier, il coucha à Worms, sur le Rhin.
Le 3, il cantonna à Oggersheim, Mutterstadt, Lampsheim et environs. Il resta dans ces cantonnements jusqu'au 20 janvier
" (Itinéraires et notes).

Le 26 janvier 1809, au palais impérial des Tuileries, "On soumet à Sa Majesté la demande d'un congé de convalescence de quatre mois, faite par M. Boyeldieu, colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne"; "Accordé", répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2716 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec l'Empereur, du 25 janvier 1809 »).

"Le 30 janvier, arrivée à Nancy" (Itinéraires et notes).

"... Nous reçûmes l’ordre de suivre le maréchal Soult en Espagne, nous partîmes, mais à notre arrivée à Mayence nous reçûmes contre ordre et restâmes 15 jours dans les environs de cette ville dans de biens mauvais cantonnements ; nous repartîmes pour Nancy où nous restâmes un mois. ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 11 février, le Ministre a accordé à Boyeldieu un congé de quatre mois "pour se rendre dans ses foyers à l'effet de rétablir sa santé"; mais ce n'est que vers le début de mars que le Colonel peut s'absenter de son corps, au moment où le 4e quitte Nancy. Le 4e a, en en effet, dans un premier temps, été dirigé sur l'Espagne avec sa Division, pour se porter au secours du Roi Joseph Bonaparte. Mais comme la cinquième coalition vient de se former contre la France, la Division Carra Saint-Cyr est arrêtée dans sa marche.

Le 23 février 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Comte D'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Le corps d'observation de l'armée du Rhin sera commandé par le duc de Rivoli.
L'état-major sera composé du général de division Beker, chef d'état-major, etc. Cet état-major sera réuni le 15 mars à Strasbourg.
Ce corps d'armée sera composé de quatre divisions d'infanterie et d une division de cavalerie légère ...
Annexe
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er. Il sera formé un corps d'armée sous le titre de Corps d'observation de l'armée du Rhin. Le quartier général de ce corps sera porté à Strasbourg le 15 mars.
Art. 2. Le corps d'observation de l'armée du Rhin sera commandé par le duc de Rivoli. L'état-major sera composé du général de division Beker, chef d'état-major, d'un général d'artillerie, d'un général du génie, d'un commissaire ordonnateur, d'un payeur, etc. Cet état-major sera réuni à Strasbourg le 15 mars.
Art. 3. Il y aura pour tout le corps d'armée quatre compagnies de sapeurs avec 6 000 outils attelés ; au moins une compagnie de pontonniers.
Art. 4. Ce corps sera composé de 4 divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie légère.
... La 2e division, commandée par le général Carra-Saint-Cyr, sera composée : 1° du 24e régiment d'infanterie légère ; du 4e régiment d'infanterie de ligne ; du 46e régiment d'infanterie de ligne ; de 12 pièces d'artillerie française ; 2° du contingent du grand-duc de Hesse-Darmstadt, de 8 pièces d'artillerie hessoise, 2 400 hommes ...
" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14806 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20115).

Le 26 février 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "J'ai lu avec attention l'état général de l'année que vous m'avez envoyé après la conscription de 1810. Je vois qu'il manquera encore beaucoup de monde au complet des corps ... 200 au 4e ... Il faudra me proposer des moyens pour remédier à cette grande irrégularité, et surtout pour les 3e et 4e bataillons qui sont à portée de fournir une réserve pour la défense de la côte ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20150).

Rappelée en toute hâte, la Division gagne Ulm par marches forcées et vient reprendre sa place au 4e Corps (Corps d'observation) sous les ordres de Masséna pour le renforcer ; le 4e de Ligne forme avec le 46e la Brigade Cosson.

Le 3 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, je vous envoie le projet de formation d’une réserve de régiments provisoires, sur lequel je désire que vous me fassiez un rapport. Faites-moi connaître si je n'ai rien oublié et s'il y a des changements qu'il soit convenable de faire pour épargner des marches aux troupes. Enfin présentez-moi des états qui m'apprennent si les 5es bataillons pourront fournir ces quatre, trois ou deux compagnies pour concourir à ladite formation. Les 10,000 hommes de réserve que forme ma Garde sont destinés à compléter les 5es bataillons et à les mettre à même de fournir les hommes nécessaires. Il faut donc qu'une colonne des états que vous ferez dresser indique le nombre d'hommes qui leur manquera, après avoir épuisé tout leur monde ; cette colonne sera la colonne de distribution des 10,000 hommes de la Garde. Il ne vous échappera pas que, par ce moyen, j'aurai 6,000 hommes à la Rochelle, 3,000 en Bretagne, 9,000 à Paris, 5,000 au camp de Boulogne, 2,500 pour la défense de l'Escaut, 2,500 pour garder Wesel, 5,000 à Strasbourg, 2,500 à Metz et 10,000 Français en Italie; total, 45,500 hommes.
NAPOLÉON
Annexe
PROJET DE FORMATION D'UN CORPS DE RÉSERVE
1
Il sera formé une réserve de seize régiments provisoires composée des compagnies des cinquièmes bataillons qui seront complétés avec les conscrits de 1810;
2
... Le 10e sera composé de 3 bataillons formés de 3 compagnies des 5es bataillons des 3e, 4e, 18e, 63e, 24e, 64e. Il se réunira à Strasbourg ...
" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14838 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20195).

Le 4 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke ... Donnez ordre que 50 hommes soient fournis par le dépôt du 4e de ligne pour renforcer les 3 bataillons de guerre ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2860 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20215).

Le 6 mars 1809, Michel Defay adresse depuis Nancy la lettre suivante à son frère :

"Nancy, le 6 Mars 1809.
Je viens de recevoir ta lettre, très cher Frère, et je m'empresse de répondre. J'ai vu avec plaisir ton contentement de me savoir à Nancy, mais je suie fâché de te dire que je ne puis répondre à ton invitation. Tu vois par la date de ma lettre que nous sommes encore à Nancy, mais nous n'y sommes pas pour longtemps. Car nous venons de recevoir l'ordre d'en partir. Oui, mon ami, nous nous mettons en route après demain, 8 du courant, pour retourner en Allemagne. Nous devons arriver le 12 à Strasbourg, et je pense que nous n'y ferons pas un long séjour. On dit que nous irons tout droit à Munich. Ainsi tu vois que ce n'est pas le moment d'aller au pays. Nous avons passé un mois ici, mais nous étions toujours sur le pied de guerre, car nous avons toujours reçu les vivres de campagne, ce qui nous faisait penser que nous n'y serions pas pour longtemps. Mais venons à ta lettre.
Tu me dis que j'ai voulu rire quand je t'ai dit que je n'étais pas content de vos altercations. Point du tout, j'ai vu réellement avec peine que cette affaire ne se terminait pas comme je l'aurais voulu, et tu as beau vouloir me donner le change, je ne m'y tromperai pas. Je souhaite que cela finisse à la satisfaction commune, mais je ne comprends pas le démembrement que tu prétends faire. Car enfin si tu prends trois parts dans tous les morceaux, que feront les deux autres avec chacun la leur ? Pour moi, je te prie de prendre la mienne de peur de faire un plus grand démembrement; et, je te le répète, j'aurais désiré qu'il ne s'en fit aucun; mais, puisque cela ne peut se faire, arrange toi, comme tu l'entendras, mais je ne veux avoir à faire qu'à toi. Je te répèterai encore ici de conserver toujours les notes de recettes et dépenses, afin que quand je pourrai aller te voir, ne fut-ce que dans dix ans, nous puissions terminer au plus vite.
Je t'avais demandé des nouvelles du mariage de ma Cousine Augagneur, et tu me réponds qu'elle vient d' accoucher, c'est répondre clairement. Tu ne me dis rien de mes autres Cousines, cependant, j'en ai d'autres qui doivent être en âge d'être mariées. Je te demanderai encore une fois une récapitulation de tous les membres qui composent notre famille, car dans ce moment je ne puis qu'être très ignorant sur cet article. Amuses toi un jour à me les nommer tous, en me disant ce que sont devenus ceux que je connais. J'attends cette lettre de ton amitié, et te prie de croire que je serai toujours
Ton affectionné frère et ami.
P.S. N'oublie pas de présenter mes respects à mon Oncle et à ma tante, et mes complimens à la nouvelle accouchée. Embrasse pour moi mes Soeurs. Je remercie ma Soeur, ton épouse, du désir qu'elle témoigne de me voir, je voudrais de bon coeur pouvoir jouir du plaisir de l'embrasser; assure la bien que je ne désire rien tant que de pouvoir lui témoigner combien elle m'est chère et passer quelque tems auprès de vous, mais ce tems là est encore reculé.
J'ai vu Sastres l'autre jour; je t'avais dit, je crois, qu'il était au dépôt, il se porte bien, il m'a demandé de tes nouvelles.
Mon adresse est toujours la même :
A Monsieur DEFAY, officier au 4e Régiment d'Infanterie de ligne, division Carra St Cyr
en Allemagne
Je te donne l'adresse pour ta première lettre que je recevrai je pense à Munich

Suscription de la lettre
A Monsieur
Monsieur DEFAY
rue Poisson
A ROANNE
départ. de la Loire
Tampon encre noire : Nancy".

Le 6 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je désire que vous donniez les ordres suivants, pour compléter les corps de l'armée du maréchal duc de Rivoli : ... Le 44e a 400 hommes disponibles ; qu'ils soient formés en compagnies de marche, et partent également pour Strasbourg ...
Faites partir tous ces hommes en compagnies de marche pour Strasbourg. Cela fera 2 000 hommes ...
Vous ordonnerez qu'ils soient incorporés de la manière suivante :
... Les 400 hommes du 44e dans ceux du 4e de ligne ...
Vous ordonnerez au colonel du 18e de ligne de laisser à Strasbourg 2 capitaines, 4 lieutenants, 4 sous-lieutenants, 4 sergents, 8 caporaux, 4 tambours, pour recevoir les 800 hommes du 14e de ligne. On dressera procès-verbal de cette incorporation, et immédiatement après les hommes seront dirigés sur les bataillons de guerre où ils seront incorporés. Ces 800 hommes seront effacés des contrôles du 14e, et les officiers et sous-officiers qui les auront amenés à Strasbourg retourneront à leur 5e bataillon
Vous donnerez le même ordre pour les détachements des autres régiments. En conséquence, le colonel du 4e de ligne laissera à Strasbourg 1 capitaine, 2 lieutenants, 2 sous-lieutenants, 2 sergents et 4 caporaux, pour recevoir les 400 hommes du 44e, qui immédiatement après le procès-verbal d'incorporation se mettront en marche pour rejoindre les bataillons de guerre du 4e.
... Par ce moyen, le corps du maréchal duc de Rivoli recevra un premier renfort de 2 000 hommes.
Vous prescrirez une méthode pour mettre en règle la comptabilité des corps, et prévenir la confusion qui pourrait résulter de ces encadrements.
Le procès-verbal d'incorporation sera dressé par un des commissaires des guerres ; il y sera fait mention de l'état de l'habillement.
Ayez soin que les corps ne se doutent point de cette mesure, et que les détachements ne trouvent des ordres pour leur incorporation qu'à Strasbourg, sans quoi chaque corps se dépêcherait de déshabiller les conscrits qu'il envoie et les ferait partir tous nus ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2873 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20255).

"Février-mars. - Depuis quarante jours, le régiment et le 24e d'infanterie légère étaient en garnison à Nancy; le 46e était resté à Lunéville.
Le 6 mars, la division reçut l'ordre de se mettre en marche pour se rendre à Strasbourg, le 24e et le 46e en partant le 7, le régiment en partant le 8.
Le régiment se dirigea sur Lunéville et passa par Blamont. Phalsbourg et Saverne, où il eut séjour pendant lequel le général de division passa une revue d'inspection ...
" (Itinéraires et notes).

Caporal de Grenadiers du 4e de Ligne d'après Carl 1809 Caporal de Grenadiers d'après Boeswilwald 1810 Grenadier du 4e de ligne en 1809 d'après Bucquoy
Fig. 13 De gauche à droite, Caporal de Grenadiers d'après Carl; d'après l'Album Schmidt (source : Boeswilwald); d'après les Petits Soldats d'Alsace (source : Boeswilwald); Grenadier d'après Bucquoy

Le 13 mars 1809 à minuit, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, je reçois votre travail du 12 mars sur la formation d'un corps de réserve, composé des 5es bataillons de l'armée. Je vous le renvoie pour que vous y fassiez faire quelques changements que je vais vous indiquer ...
Il faut faire ces changements sur votre état qui, d'ailleurs, me paraît bien conçu ...
Quant au 10e régiment, qui a été oublié, il faut en former un nouveau régiment qu'on réunira à Metz ...
Quant à la formation de cette réserve, rien ne presse. Il me paraît qu'il est d'abord nécessaire d'achever de compléter les bataillons de guerre qui sont en Allemagne et les 4es bataillons qui doivent les rejoindre ...
" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14891 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20343).

"... Le 14, il (le Régiment) passa le Rhin à Kehl ..." (Itinéraires et notes).

Le 15 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, j'ai donné différents ordres pour combler le déficit de 5000 hommes qu'éprouve le corps du duc de Rivoli.
Les 16e, 24e légère, 4e de ligne et 46e doivent fournir une force de 498 hommes ; je vous ai donné cet ordre le 4 mars. Faites-moi connaître quand ces détachements sont partis, leur force au moment du départ et quand ils arriveront à Strasbourg ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2935; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20373).

"... et, passant par Rastadt, Ettlingen, Durlach, Weihingen, Cannstatt, Göppingen et Geislingen, il (le Régiment) arriva le 22 dans les environs d'Ulm, où il prit des cantonnements faisant face au Danube, la droite sur Göppingen, la gauche à Gundelfingen ..." (Itinéraires et notes).

Le 23 mars 1809, l'Empereur écrit , depuis La Malmaison, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke ... Vous ordonnerez qu'il soit formé 4 bataillons de marche pour renforcer le Corps d'observation du Rhin, savoir : ... Le 2e bataillon portera le titre de bataillon de marche de la division Saint-Cyr, et sera composé de 200 hommes du 24e léger et de 200 hommes du 4e de ligne ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2994 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20515).

"... Le 27, Mgr le maréchal Masséna passa la revue de toute la division près le village de Stolzingen, occupé par le général Carra Saint-Cyr. La belle tenue du régiment et le souvenir de ses anciennes campagnes d'Italie lui méritèrent des éloges très flatteurs de la part de Mgr le maréchal (1). Le Soir, en revenant au cantonnement, on distribua les cartouches à raison de 60 par homme" (Itinéraires et notes).

Le 30 mars 1809, l'Empereur adresse, depuis Paris, à Berthier, Major général, ses instructions, pour la campagne à venir, suivies d'un Etat de la Composition des Divisions et Brigades des différents Corps de la Grande Armée. Le 4e de Ligne doit faire partie du 4e Corps d'Armée commandé par le Maréchal Duc de Rivoli; 2e Division Carra Saint-Cyr, 2e Brigade Dalesne (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14975 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20619).

- Campagne d'Autriche

Une situation du Corps d'observation du Rhin, entre le 5 et le 28 mars, indique que le 4e de Ligne a 1931 hommes présents à la 2e Division d'Infanterie Carra Saint Cyr, 2e Brigade Dalesme (situation également donnée dans la Collection Nafziger - 809CBS - sans indication du Général de Brigade ; source mentionnée : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902. Il est également prévu d'incorporer dans le 4e de Ligne, afin de le renforcer, un détachement issu du 3e Bataillon du 44e de ligne (400 hommes demandés ; donné également par Nafziger 809CBV - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).

Nafziger mentionne également 50 hommes du 4e de Ligne, faisant partie d'un Bataillon de marche de Paris (Nafziger 809CBV - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).

Fin mars, le Régiment fait partie intégrante du 4e Corps d'Armée commandé par le Duc de Rivoli.

Début avril, le 4e de Ligne a 3 Bataillons au 4e Corps (Masséna), 2e Division (Carra Saint Cyr), Brigade Dalesme (Nafziger 809DAE).

A partir de ce moment, le parcours du Régiment est double. D'un côté, le 4e de Ligne qui sert au sein du 4e Corps, et de l'autre, les éléments du Régiment intégrés au sein de la Division Oudinot.

Situation en Avril 1809 (côte SHDT : usuel-180904-146)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
2e bataillon - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Cassan à Grenadiers et Voltigeurs et 2 C de Fusiliers - armée d'Allemagne - 2C de Fusiliers à Nancy - armée d'Allemagne - 2e corps
5e bataillon à 3C à la 11e 1/2 brigade provisoire de réserve à Strasbourg - 1C au dépôt - 11e 1/2 brigade provisoire

Une situation de la Collection Nafziger datée du 9 avril 1809 indique que les 1er, 2e, 3e Bataillons du 4e de Ligne sont au Corps d'Observation du Rhin (Masséna), 2e Division Carra Saint Cyr, Brigade Dalesme (Nafziger 809DBP - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).

L'Autriche, prête la première, a rassemblé 150000 hommes sur l'Inn sous le commandement de l'Archiduc Charles. Cette armée va opérer contre les forces françaises partagées en deux masses principales séparées par un intervalle de 35 lieues, l'une, avec Davout, vers Ratisbonne, l'autre, dont fait partie le 4e Corps, vers Augsbourg. Napoléon, voyant le danger, donne l'ordre de concentrer l'armée sur son centre. L'archiduc Charles, battu à Abensberg et à Eckmühl, se retire sur Vienne.

"Avril. - Le 6 avril, le régiment, appuyant à gauche, vint occuper Dillingen, s'étendit jusqu'au delà d'Hœchstedt et porta sa droite à Gundelfingen, où était précédemment sa gauche.
Le 11, le régiment se concentra sur Dillingen et Gundelfingen. Le 12 au matin, il se mit en marche, passa le Danube sous Günzburg et vint occuper de nouveaux cantonnements dans les environs d'lchenhausen.
Le 13, le régiment reçut en incorporation un détachement de 300 hommes provenant du 44e régiment et, le 14, un autre détachement de 200 hommes et un officier venant du dépôt de Nancy.
Le 15, il se mit en route sur Zimmershausen et vint coucher le même jour dans les environs : savoir l'état-major à Steinkirch. Chaque compagnie était pourvue de pain pour six jours.
Le 18, il reçut ordre de partir de suite pour se rendre à Augsbourg, où le régiment, vu l'éloignement des compagnies, ne put être rendu que vers les sept heures du soir. Les autres régiments de la division avaient le même rendez-vous. On continua la route pendant la nuit en se dirigeant sur Aichach, où la division ne put arriver que vers les quatre heures du matin : elle bivouaqua près de la porte. Le 19, à six heures du matin, elle se remit de nouveau en marche, se dirigea par Schraubenhausen sur Phaffenhofen, où elle arriva à huit heures du soir, et établit des bivouacs à la lisière de la forêt, en arrière de la ville.
Le 20, à deux heures de l'après-midi, la division quitta son bivouac, descendit jusqu'à l'entrée de la ville, la traversa enfin à quatre heures, prit sa direction sur Freising où, à travers des routes défoncées, des chemins affreux, elle arriva à quatre heures du matin et bivouaqua en ligne par bataillon sous les murs de l'ancien couvent.
Combat de Landshut. - Le 21, à six heures du matin, la division traversa Freising, chargea les armes à une lieue de cette ville, suivit la grande route de Landshut, vint passer l'Isar sur le pont de Mosburg; après avoir fait sous les murs de cette ville une halte de deux heures, elle continua la route sur Landshut et vint établir ses bivouacs sur un rideau assez boisé, à droite de la route, à une demi-lieue de cette ville.
Bataille d'Eckmühl
(à Eckmühl comme à Landshut, la division Carra Saint-Cyr demeura en réserve et ne prit aucune part à l'action). - Le lendemain 22, à six heures du matin, la troupe, descendant de sa position, vint traverser Landshut et continua sa marche sur la route de Ratisbonne, vint traverser le Gross-Laber à Eckmühl, tourna cette ville, où S. M. avait établi son quartier impérial, et à deux heures du matin, se forma en colonne par division, dans une forêt de sapins, sur la gauche de la route, à environ une lieue d'Eglossbeim" (Itinéraires et notes).

A noter que le 22 avril, le 4e de Ligne a 3 Bataillons à la 2e Division (Carra Saint Cyr) du 4e Corps, Brigade Dalesme (Nafziger 809DAA - source : Buat, E., "Etude Critique d'Histoire Militaire, 1809, de Ratisbonne à Zanïm", Librairie Militaire R. Chapelot et Cie, Paris, 1909).

Le 4e descend ensuite la vallée du Danube.

"Le 23, à sept heures du matin, la division se mit en marche, laissa la route de Ratisbonne à gauche, vint, par des chemins vicinaux, à Smaich (?), joindre la route de Ratisbonne à Straubing, où elle arriva entre six et sept heures du soir et bivouaqua, sa droite appuyée à la ville, faisant front au Danube et se prolongeant sur la lisière de la forêt (Masséna, avec trois de ses divisions, avait reçu l'ordre de longer le Danube et de flanquer ainsi à gauche le mouvement de la Grande Armée).
Le 25, à sept heures du matin, la division se dirigea sur Passau, où elle arriva à trois heures de l'après-midi et établit ses bivouacs sur la hauteur, à droite de la route faisant face au Danube
" (Itinéraires et notes).

"... L’Autriche venait de nouveau de nous déclarer la guerre, Masséna prit le commandement de notre 4ème corps d’armée et nous marchâmes sur le Rhin ; nous fûmes dirigés sur Strasbourg, Allon, Méning, Augsbourg, Shaphenhaufen, Dacau, Munich, Treysing, Landshout et Ratisbonne ; nous arrivâmes à Passau le 24 avril 1809, sous les glacis de cette place que nous venions de reprendre aux Autrichiens. L’empereur nous passa en revue et nous adressa la proclamation suivante : « Soldats, l’ennemi troupé par un cabinet parjure, semblait ne plus conserver aucun souvenir de vous, son réveil a été prompt, vous lui êtes apparu plus terrible que jamais ; naguère il a passé l’Inn et envahi le territoire de nos alliés, naguère il se promettait de porter ses armes au sein de notre patrie ; aujourd’hui, défait, épouvanté, il fuit en désordre ; déjà mon avant-garde a passé l’Inn ; avant un mois nous serons à Vienne ! » ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"Le 25, à sept heures du matin, la division se dirigea sur Passau, où elle arriva à trois heures de l'après-midi et établit ses bivouacs sur la hauteur, à droite de la route faisant face au Danube.
Le 26 au matin, la division traversa l'Inn, se dirigea sur Scharding et vint dans l'après-midi établir ses bivouacs en ligne par régiment dans la plaine, à une demi-lieue de cette ville.
Le 30 dans l'après-midi, le régiment, en vertu d'un ordre particulier qui lui avait été transmis, quitta la division et vint, à cinq heures du soir, se réunir près le village de Teffenbach, à une avant-garde, sous les ordres de M. l'adjudant-commandant Trinquallé, composée d'un régiment de dragons badois et l'autre de chasseurs wurtembergeois avec deux pièces d'artillerie légère. Les trois compagnies de voltigeurs furent détachées et postées sur les hauteurs en avant du village
" (Itinéraires et notes).

"... Le 27 nous marchâmes sur Brunau, où nous restâmes deux jours au bivouac, le 30 au soir, je reçus l’ordre d’aller prendre le commandement de l’avant-garde composée des trois compagnies de voltigeurs du régiment soutenus par deux escadrons de dragons Badois, sous le commandement de l’adjudant général Tranqualze ; je pus prendre position sur la route de Raab, à deux bonnes lieues en avant de la division ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le Sous lieutenant Ferrasse est blessé le 1er mai à Neumarck.

"Mai. - Reconnaissance du 1er mai. Affaire de Riedau. - Le 1er mai, à quatre heures du matin, l'avant-garde se réunit, suivit la grande route de Lintz qu'elle quitta au village de ..... et passa par ceux de ..., vint traverser la rivière de Traun à Riedau et suivant la fausse route de Wels, se dirigea sur Neumarkt. Les trois compagnies de voltigeurs marchaient en tête, ensuite, la cavalerie et l'artillerie suivaient entre le ler et le 2e bataillons.
A peine la gauche du 3e bataillon avait-elle dépassé Riedau que les éclaireurs de la tête de la colonne se trouvèrent engagés avec les avant-postes autrichiens. Quelques coups de fusil les eurent bientôt délogés. Poursuivis de près par les voltigeurs, ces avant-postes formés en ligne de tirailleurs, protégeant la compagnie dont ils étaient détachés, suivirent, en tiraillant, la lisière du bois sur leur droite, et par conséquent sur notre gauche, à l'extrémité duquel ils rejoignirent un autre détachement. Pendant ce temps, le régiment formé en colonne par section, ayant laissé le chemin sur la droite, avançait avec toute la célérité possible. La cavalerie avait déjà repoussé et même dispersé deux escadrons de hussards autrichiens auxquels elle avait fait quelques prisonniers et avait jeté sur la droite des détachements qui, en explorant le pays avec autant d'intelligence que de bravoure, ne laissaient aucune inquiétude de ce côté.
Les voltigeurs, en continuant à poursuivre avec beaucoup d'ardeur et la compagnie à laquelle les premiers avant-postes s'étaient réunis et le détachement que cette compagnie avait trouvé à l'extrémité du bois, avaient rencontré à environ trois ou quatre cents pas le bataillon auquel une partie de ces troupes appartenaient, formé en colonne, et que les accidents du terrain leur avaient empêché, jusque là d'apercevoir. Sans surprise ni étonnement, ils eurent bientôt couvert le flanc de ce bataillon en étendant à droite la forte ligne de tirailleurs qu'ils avaient contre la compagnie et le détachement qui, négligeant de suivre une grande sinuosité rentrante de la forêt, continuaient à précipiter leur retraite sur un terrain découvert en se dirigeant sur Neumarkt.
Dans ces entrefaites, la plus grande partie de la cavalerie s'était formée en bataille et, apercevant d'assez près cette compagnie et le détachement en désordre, commença à les charger. De leur côté, les voltigeurs se mirent à courir dessus et, arrivant sur cette même troupe en même temps que les dragons badois, ne lui laissèrent d'autre ressource que de mettre bas les armes. Quelques-uns furent tués, un petit nombre se sauva.
Une partie des voltigeurs ne cessait de tirailler sur le bataillon en colonne lorsque tout à coup, les dragons voulant continuer de manœuvrer en avant aperçurent le bataillon qui déjà était près du village de ..... dans lequel il cherchait à se placer. La charge fut bientôt décidée et ce bataillon, formant un espèce de carré, fut bientôt atteint et culbuté. Une trentaine environ furent tués, 400 faits prisonniers, y compris quelques blessés, et on s'empara d'un drapeau. Une partie des chasseurs wurtembergeois ainsi que les voltigeurs coopérèrent à cette même charge qui fit d'ailleurs beaucoup d'honneur à cette cavalerie
(l'Historique du 4e régiment d'infanterie, page 114 , place par erreur ce fait d'armes le lendemain 2 mai, à l'affaire d'Efferding).
L'avant-garde continua de se porter en avant de ce village et vint enfin s'arrêter sur le sommet d'un rideau très étendu. La cavalerie se mit en bataille. Le régiment se mit en colonne. Les voltigeurs avaient pénétré dans les faubourgs de Neumarkt dont le régiment ne se trouvait éloigné que d'un quart de lieue. Les mouvements du camp ennemi étaient alors à découvert et le terrain que nous occupions nous permit de reconnaître huit forts bataillons et deux régiments de cavalerie.
Le but était rempli. Après avoir fait rappeler les voltigeurs, le régiment commença son mouvement de retraite, traversa la petite ville de Riedau, en avant et tout près de laquelle la cavalerie s'était portée, continua de suivre la route qu'il avait parcourue dans la matinée et vint à peu près à une lieue de son champ de bataille s'établir à la lisière de la forêt en avant de ... et où, presque en même temps, la division arriva.
Le régiment reçut l'ordre de retourner sur ses pas. Les 2e et 3e bataillons vinrent se former en bataille en arrière du village de ... , à un quart de lieue de la ville, et le 1er bataillon vint également se former en bataille en avant et sur la droite de Riedau.
A peine le 1er bataillon avait-il établi sur son front trois postes de 30 hommes chacun que, tout à coup, un corps d'infanterie ennemie attaqua brusquement un poste de cavalerie qu'il culbuta et arriva presque aussitôt sur le centre du poste du bataillon qui engagea de suite une vive fusillade. L'ennemi s'arrêta tout court et riposta par une forte ligne de tirailleurs. Le bataillon détacha de suite une centaine d'hommes pour aller porter secours à ces postes qui, déjà, vu la proximité et la force de l'ennemi, avaient été obligés de se retirer à cent pas du front du bataillon. La cavalerie avait eu le temps de monter à cheval. Le 3e bataillon était arrivé. L'ennemi, augmentant successivement sa ligne de tirailleurs, avait forcé le 1er bataillon à augmenter la sienne jusqu'à près de 400 hommes.
Les choses étaient en cet état quand on reçut l'ordre de retraite. Les tirailleurs furent rappelés, le régiment commença son mouvement rétrograde en traversant Riedau, prit en passant son 2e bataillon et, recevant l'ordre de rentrer à la division, la rejoignit au moment où elle se mettait en marche, vint traverser le village de …, et, marchant toute la nuit sans s'arrêter, ne put arriver que sur les trois ou quatre heures du matin. Le 2, au village de ... , où M. le Maréchal avait établi son quartier, et se plaça momentanément en colonne de l'autre côté sur la gauche de la route. La perte du régiment fut d'un voltigeur [tué] et 13 blessés
" (Itinéraires et notes).

"... Le 1er mai, à la pointe du jour, je reçus l’ordre d’attaquer l’ennemi ; je marchai sur les avant-postes que je culbute et les poursuis vigoureusement jusqu’au delà de Raydau ; là, placé dans une position avantageuse, il veut résister, il forme son carré qui pouvait être de trois mille hommes et marche sur nous je dispose mes voltigeurs de manière à les canarder (terme militaire) je vois arriver les braves Dragons Badois, alors je saisis ce moment pour charger à l’arme blanche ; en un instant le carré est rompu et l’ennemi mis en déroute ; cette charge eut le plus brillant résultat ; neuf cents prisonniers de pris, un drapeau et le champ de bataille couvert de morts et de blessés. Je pris seul cinq prisonniers dans cette journée ; je reçus de mes chefs et de mes camarades tous les éloges possibles sur ma belle conduite ; le maréchal Masséna descendit de cheval et me dit les choses les plus flatteuses, m’assurant qu’il allait solliciter pour moi près de l’empereur la croix d’officier de la légion d’honneur et qu’à la première revue je la recevrais, mais toutes ces belles promesses ne se réalisèrent pas ; les officiers Badois vinrent aussi joindre leur compliment à tous les autres et en présence de mes voltigeurs m’attribuèrent la gloire de cette belle journée, disant que nous ne la devions qu’à mon courage et à mon sang froid et à la manière dont j’avais disposé ma troupe ; et plus tard, chaque fois qu’ils rencontraient notre régiment, ils venaient à ma compagnie m’adresser les paroles les plus honorables. J’avais le plus grand besoin de repos, et au moment où nous nous disposions de passer la nuit au bivouac de Raydau, nous reçûmes l’ordre de partir de suite ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"Cinquième Bulletin de la Grande Armée.
Au quartier impérial d'Enns,le 4 mai 1809.
... Le 1er mai, le quartier-général du maréchal duc de Rivoli était à Scharding.
L'adjudant-commandant Trinqualye, commandant l'avant-garde de la division Saint-Cyr, a rencontré à Riedau, sur la route de Neumarck, l'avant-garde de l'ennemi; les chevaux-légers wurtembergeois, les dragons badois et trois compagnies de voltigeurs du 4e régiment de ligne français, aussitôt qu'ils aperçurent l'ennemi, l'attaquèrent et le poursuivirent jusqu'à Neumarck. Ils lui ont tué 50 hommes et fait 500 prisonniers ...
" (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 417; Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 5 / par Adrien Pascal).

"Le 2 mai, à six heures du matin, la division se remit en marche, se porta sur Efferding qui, se trouvant occupé par l'ennemi, fut enlevé par le 24e d'infanterie légère; et la colonne, traversant la ville, vint bivouaquer à deux lieues en avant du village de …" (Itinéraires et notes).

Le Régiment prend part aux opérations autour de Linz et contribue à la prise de 900 hommes et d'un drapeau (3 mai). Une situation de la Collection Nafziger indique la participation du 4e de Ligne à la bataille de Ebersberg (Nafziger 809EBA - source : R. W. Litschel, "Das Gefecht bei Ebelsberg am 3. Mai 1809").

"Le 3 mai, la division, continuant à suivre la route sur la rive droite et tout près du Danube, vint traverser la ville de Lintz et bivouaquer dans la plaine à côté du pont d'Ebersberg (la division Carra Saint-Cyr n'avait pris aucune part à la sanglante affaire d'Ebersberg (3 mai), au cours de laquelle Masséna avait délogé Hiller de ses positions. La division Carra Saint-Cyr était la 2e du 4e corps - Masséna).
Le 4 mai, la division a traversé le pont d'Ebersberg et s'est portée sur Enns près laquelle ville elle a établi ses bivouacs.
Le 6 mai, S. M, a passé la revue du régiment et y a fait différentes promotions.
Le 7 mai, la division partit de la position qu'elle occupait depuis le 4, passa la rivière d'Enns sur un pont de bateaux qu'on avait établi au pied de la ville et vint bivouaquer dans le bois à une lieue en avant
" (Itinéraires et notes).

"... nous marchâmes toute la nuit et arrivâmes de jour à Lintz, mais harassé de fatigue, car pendant toute la nuit nous avions eu un temps affreux ; à notre arrivée, nous reçûmes un morceau de pain et une ration d’eau de vie ; nous étions dans un triste état ; aussitôt ces rations distribuées, nous marchâmes sur Elsberg ; arrivés au pont que l’ennemi venait de brûler, ne pouvant passer l’eau, nous bivouaquâmes sur la prairie près de la rivière et attendîmes jusqu’au lendemain dans l’après-midi que le pont soit réparé et que le feu d’Elsberg soit éteint, car l’ennemi avait brûlé la ville. Avant de nous mettre en route, le maréchal Masséna nous passa en revue, il m’assura de nouveau qu’il avait fait pour moi la demande de la croix d’officier, mes camarades regardaient déjà la chose comme faite, mais moi je n’y comptais pas ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Dès l'ouverture des hostilités, Boyeldieu, répondant à la confiance des chefs, a quitté sa famille et son cher Monsures; le 8 mai, il rallie son corps à Mœlk, deux mois avant l'expiration de son congé (Itinéraire et Notes historiques du 4e de ligne).

"Le 8 mai, le colonel du régiment, absent par un congé de convalescence de quatre mois que lui avait accordé S. M., rejoignit ce jour, deux mois avant l'expiration dudit congé. La division continua à marcher sur la grande route et vint bivouaquer au village de ... , trois lieues en avant de Mölk.
Le 9, la division se mit en marche par Sanct-Polten, passa la rivière de la Traun et prit à sept heures du soir position à une lieue en avant sur la droite de la ville.
Le 10, le régiment quitta sa position à six heures du soir et vint, dans l'après-midi, établir ses bivouacs à gauche dans un bois à deux lieues de Schœnbrünn
" (Itinéraires et notes).

"... nous marchâmes toute la nuit et arrivâmes de jour à Lintz, mais harassé de fatigue, car pendant toute la nuit nous avions eu un temps affreux ; à notre arrivée, nous reçûmes un morceau de pain et une ration d’eau de vie ; nous étions dans un triste état ; aussitôt ces rations distribuées, nous marchâmes sur Elsberg ; arrivés au pont que l’ennemi venait de brûler, ne pouvant passer l’eau, nous bivouaquâmes sur la prairie près de la rivière et attendîmes jusqu’au lendemain dans l’après-midi que le pont soit réparé et que le feu d’Elsberg soit éteint, car l’ennemi avait brûlé la ville. Avant de nous mettre en route, le maréchal Masséna nous passa en revue, il m’assura de nouveau qu’il avait fait pour moi la demande de la croix d’officier, mes camarades regardaient déjà la chose comme faite, mais moi je n’y comptais pas ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 11, Masséna fait occuper les faubourgs de Vienne, qui capitule deux jours après, le 13 mai 1809. L'Archiduc se retire sur la rive gauche du Danube avec 100000 hommes.

"Le 11, à sept heures du matin, la division se mit en marche, vint traverser Schœnbrünn, passa au pied des fortifications de la ville de Vienne et vint se porter au village de Simmaringen, sa droite appuyant au canal.
Le 12, la division se dirigea sur l'un des bras du Danube et traversa sur un pont qu'on avait établi la veille, entra dans l'ile dite de Prater; elle se dirigea sur la pointe du faubourg de Leopoldstadt où elle établit ses bivouacs.
Le 14, elle entra en cantonnement dans ledit faubourg. Le lendemain, la ville de Vienne ouvrit ses portes à l'armée française.
Dans la nuit du 18 au 19, la division leva ses cantonnements à dix heures du soir, traversa la ville de Vienne et vint, à sept heures du matin, se porter en arrière d'Ebersdorf, position qu'elle quitta dans l'après-midi pour se porter sur les bords du Danube, près le point où on établissait le pont et y bivouaqua
" (Itinéraires et notes).

"... Après la revue nous partîmes et fûmes dirigés sur Ems, Moeltz, St Polten, et Vienne. Cette ville n’ayant pas voulu ouvrir ses portes, nous la cernâmes, nous fûmes prendre position en face du Prater, et moi je fus prendre position à l’avant-garde, à la tête du pont qui conduit à cette île avec ma compagnie de voltigeurs pour observer le mouvement de l’ennemi. Il vint attaquer mon poste dans la nuit, mais étant toute la nuit sous les armes et prêt à le recevoir, je le repoussai si vigoureusement qu’il ne revint pas deux fois. Le lendemain nous passâmes le pont et entrâmes dans le Prater qui fut enlevé à la bayonnette ; l’ennemi se retira dans le plus grand désordre sur la rive gauche du Danube ; par ce mouvement, Vienne se trouva complètement cernée. Nous approchâmes de la porte de la ville, là nous fûmes témoins de la lâcheté de cette nation, qui n’avait plus que de la jactance, car du haut des remparts de la ville, ils nous injuriaient et nous adressaient les plus infâmes propos. Enfin le 13 mai nous fîmes notre entrée dans la ville qui capitula et le 20 nous étions en face de l’île de Lobau, mais à chaque instant on nous détruisait notre pont ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 15 mai, le 4e de Ligne a 2287 hommes au sein de la 2e Division Carra Saint Cyr du 4e Corps de Masséna (Nafziger 809EBE - sources : Gachot, "1809, Napoleon en Allemagne" ; Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et Autriche").

- Aspern (21 mai 1809)

Napoléon tente de franchir le fleuve en sa présence, mais le Corps n'est pas encore passé en entier lorsque le pont est rompu par une crue subite et les Autrichiens, prenant l'offensive, cherchent à écraser Masséna. Le 4e de Ligne prend part à la bataille et remplace dans Aspern en flammes les troupes de la Division Legrand. Il lutte dans le village jusqu'à minuit et couche sur les positions (donné aussi par Nafziger 809EBI - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Aspern am 21. und 22. May 1809"; Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).

"Le 21 mai, vers quatre heures du soir, la division passa le Danube sur le pont qui avait été construit la veille et pendant la nuit, traversa l'île de Lobau et le pont établi sur le dernier bras de ce fleuve, vint se former en colonne en avant du bois et, après différentes manœuvres, se forma en bataille, la droite appuyée à un marais (les divisions Boudet et Molitor du 4e corps, ainsi que la cavalerie de Lassalle étaient passées sur la rive gauche dès le 20; mais, en raison de la rupture du grand pont, la division Legrand n'avait pu passer que le 21 au matin; quant à la division Carra Saint-Cyr, retardée par une deuxième rupture du pont, elle n'était passée que dans la soirée, précédent le corps de Lannes). Dans ces différents mouvements, le capitaine Thomas fut blessé à la hanche et M. le lieutenant Lecouteux à la tête. Quelques hommes et un tambour furent aussi blessés" (Itinéraires et notes).

"... enfin le 21 au soir, notre régiment le passa à la course, car d’un moment à l’autre l’ennemi envoyait tant de matériaux pour le casser que nous n’aurions peut-être pu passer ; enfin nous pûmes donc passer le Danube, nous arrivâmes la nuit de l’autre côté et nous pûmes porter secours à la division Molitor qui était aux prises, seule avec l’ennemi, et nous nous trouvâmes en face de toute l’armée Autrichienne qui était réunie avec une artillerie considérable ; nous prîmes position en avant du bois, sur la droite d’Esling ; à la nuit l’ennemi vint nous reconnaître, mais il fut repoussé par deux feux de régiment, il ne nous attaqua plus de la nuit, mais il nous envoyait des bordées d’artillerie ; nous fûmes obligés pour nous en garantir de nous coucher par terre et de passer ainsi la nuit sans feu ; nous perdîmes plusieurs braves dans cette terrible nuit ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

L'action recommence le 22, à 3 heures du matin (Nafziger 809EBI - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Aspern am 21. und 22. May 1809"; Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902). Pendant que le 4e Corps occupe Aspern et Essling, le Corps de Lannes, qui a passé le Danube, prend l'offensive ; mais les ponts se rompent de nouveau, et les troupes sans secours, presque sans munitions, doivent se replier sur Essling et Aspern. L'ennemi nous chasse d'Aspern que le 24e Léger reprend au pas de charge. "Mais parvenu au but, il va être accablé lorsque le 4e de Ligne, son fidèle compagnon de toutes les époques, arrive à son secours conduit par Boyeldieu" (Campagne du Général Pelet). Le village d'Aspern est pris et repris dix fois dans la journée ; il est démoli par les boulets et encombré de blessés.

Durant la bataille, le Sergent de Voltigeurs Couzine aperçoit à quelques pas de lui un groupe d'Officiers d'Etat-major autrichiens. Il fond sur eux à la baïonnette et fait prisonnier le Feld-maréchal Webel. Il est nommé Sous-lieutenant. Le Lieutenant Gourat se distingue également particulièrement, tout comme le Sergent Delorme qui est blessé d'un coup de feu à la main droite.

Enfin, on se décide à la retraite et, dans la nuit du 22 au 23, sans laisser ni un cheval, ni un blessé, ni un canon, le Régiment repasse le Danube et occupe avec le 4e Corps l'île Lobau. Le 4e a éprouvé à Essling des pertes énormes ; 2 Officiers tués : Lieutenant Berdoullet, Sous lieutenant Héricey; Capitaine Deperret, blessé et mort des suites de ses blessures le 4 juillet; 26 blessés : Chefs de Bataillons Cassan, Branger, Teullé; Capitaines Thomas, Poujade, Dupin, Clavarel, Ribot, Florençon, Massy; Lieutenants adjudants majors David, Saint Martin, Pauly; Lieutenants Lecouteux, Deligny, Mérès, Rouede; Sous lieutenants Freu, Du Rocheret, Roussel, Bordère, Borderie, De Partz de Courtray, De Poudeux, Le Bachellé, Ferrasse. L'Historique ajoute le Lieutenant Lanusse, le Sous lieutenant Barrère. Un obus qui éclata au-dessus du Colonel Boyeldieu occasionna chez ce dernier une surdité de l'oreille droite (Itinéraire et notes Historiques du 4e de Ligne).

Le 4e passe dans l'île Lobau toute la fin de mai et le mois de juin dans une position rendue souvent critique par la rupture des ponts et le manque de vivres qui en est la conséquence.

"Bataille d'Essling. - Le 22 mai, à la pointe du jour, le régiment marcha sur le village de Gross-Aspern. Le feu de l'ennemi était commencé et le 24e d'infanterie légère était engagé. Le régiment après avoir, ainsi que les autres corps de la division, fait un changement de direction par le flanc gauche, se déploya en bataille par bataillon; la gauche était en tête. Le régiment se forma de nouveau en colonne serrée par division et se porta en avant.
Les 2e et 3e bataillons traversèrent le village sous les ordres du colonel et se portèrent vers l'église. Ces deux bataillons, après avoir essuyé pendant près de deux heures un feu violent et éprouvé une perte considérable, furent chargés vigoureusement et reçurent en même temps ordre de se retirer et de se former en colonne en arrière d'un petit bois qui leur cachait le village d'Aspern.
Le 1er bataillon, resté sous les ordres de Mgr le Maréchal, était placé dans un verger joignant la droite du village; après être resté dans cette position environ une heure, il chargea en colonne, traversa la grande route ainsi que la partie droite du village, mais bientôt forcé de rétrograder par la supériorité de l'ennemi, il fut obligé de venir faire le tour d'une portion du village à gauche, pour venir prendre position au même point d'où il était parti. Forcé d'abandonner sa position, il r appela ses tirailleurs que l'ennemi avait déjà dépassés et se retira sur les hauteurs qui dominaient le bois où s'était retiré le corps d'armée. M. le général Legrand lui indiqua la position où se trouvaient les 2e et 3e bataillons, où, ayant rencontré le colonel, il se forma en colonne serrée par pelotons en arrière du 3 e bataillon.
Le régiment se trouvant réuni, le colonel envoya alternativement les compagnies tirailler sur différents points du village de Gross-Aspern, lequel fut conservé de concert avec le 24e régiment d'infanterie légère et le 18e de ligne qui faisait partie de la 1re division, jusqu'au moment de la retraite, laquelle s'effectua à une heure après minuit. Les grenadiers du 2e bataillon reçurent l'ordre de battre la route que devait tenir le corps d'armée et de protéger la retraite du régiment. Après une heure de marche, on prit position près d'un bois; le régiment se mit en bataille, la gauche appuyée au Danube et adossé au susdit bois.
Un moment avant le point du jour, le régiment se mit en marche par le flanc, passa dans cet endroit le défilé qui conduit au pont et se plaça à droite de la tête du pont. Il attendit dans cette position que la cavalerie et l'artillerie fussent passées pour entrer dans l'île Lobau, peu de temps après appelée l'île Napoléon. Il ne restait au delà du pont que le 18e de ligne et un détachement de tirailleurs-grenadiers de la Garde, qui garda cette position jusqu'au moment où le pont fut rompu.
Le régiment fut, avec toute la division, bivouaquer vers la partie ouest de l'île où il est resté pendant l'espace de quarante jours. Il s'y est rétabli en partie des pertes qu'il avait éprouvées le 22. Il fournit des corvées de 200 hommes pour travailler aux fortifications et s'occupa en même temps de son instruction.
Pertes du régiment dans cette journée : 58 sous-officiers et soldats y furent tués et 352 blessés.
M. le commandant Branger fut blessé dans la charge que fit le 1er bataillon. M. le capitaine Dupin fut blessé au bras droit étant en tirailleurs avec M. le lieutenant Lanusse, qui le fut à la jambe. Un obus éclata sur la tête du colonel et du commandant du 2e bataillon
(le chef de bataillon Teullé); son explosion est cause qu'ils éprouvent une sur dité. M. Paillon, sous-lieutenant, fut tué en faisant exécuter un ordre du colonel. M. le capitaine Desperret eut le bras droit emporté. MM. les capitaines Mary, Poujade et Massy furent blessés; les adjudants-majors David et Saint-Martin, les sous-lieutenants Chaufour, Poudinx, Frère et Bordère le furent également" (Itinéraires et notes).

"... le lendemain, 22, à la pointe du jour, l’attaque générale commença, nous n’étions pas vingt mille hommes et avec notre artillerie de régiment et en face de toute l’armée ennemie, pourvue de tout, et nous au contraire, nous n’avions ni provisions, ni vivres ; nous n’avions ni munitions que ce qui était dans la giberne des soldats et de pièces d’artillerie que celles qui étaient dans les coffrets de campagne. La cavalerie n’avait pas pu passer avec nous ; l’armée Autrichienne était évaluée à plus de cent mille hommes, de manière que forcément, nous étions sur la défensive. Sur les onze heures du matin, quatre bataillons Hessois placés sur notre gauche, furent vivement attaqués et repoussés ; le maréchal Masséna qui se trouvait près de nous en ce moment, ordonna de suite à mon bataillon d’aller reprendre cette position et de la garder, ce qui fut fait à l’instant, nous étions dans un verger, entourés par le feu des batteries ennemies, nous étions en colonnes par division, je me trouvais à la lere division, une décharge d’artillerie tirée sur nous à mitraille, m’enleva trois files de mon peloton de droite et deux files du mien qui était à ma gauche et Gavache, mon sergent de remplacement qui se trouvait derrière moi ; je restai seul debout au milieu de seize hommes tués autour de moi étendus à mes pieds ; nous fîmes un changement de front pour faire face à une colonne de grenadiers qui venaient pour s’emparer du pont et nous couper la retraite ; le commandant Béranger m’ordonna de marcher avec ma compagnie pour soutenir six pièces d’artillerie pour arrêter cette colonne ; notre première décharge eut le plus grand succès, elle fit halte, j’engageai le feu de mousqueterie ; vers midi, je fus frappé d’une balle qui me traversa le coude du bras droit ; les douleurs que cette blessure me fit éprouver furent telles, que je me vis à mon grand regret, obligé de quitter le champ de bataille, mais c’était la dernière charge qui se fit de la journée, on resta de part et d’autre en observation. Perdant beaucoup de sang et souffrant comme un malheureux, je passe près de notre second bataillon qui était resté sur nos derrières, le capitaine Castagnet vient à moi pour m’offrir deux grenadiers afin d’avoir soin de moi, je le remerciai et le priai seulement de m’ôter ma cravate et de me bander le bras avec, pour arrêter le sang qui coulait en abondance ; l’opération terminée, je m’acheminais lentement vers le bord du Danube, persuadé que j’y trouverais des chirurgiens ; arrivé là, je trouvai un spectacle bien plus désolant, quelques milliers de blessés, abandonnés à eux-mêmes sans secours ; les ambulances n’ayant pu passer, tous ces malheureux étaient encombrés les uns sur les autres (comme au parterre d’un théâtre bien rempli) au bord de l’eau, attendant le moment pour pouvoir passer. A mon arrivée, je vis un caisson qui devait passer pour aller chercher les munitions, je n’hésite pas, je grimpe dessus et m’y établis à cheval, non sans peine, ni sans recevoir de mauvaises raisons du caporal qui me menace de la vie si je ne descendais pas ; je lui répondis et il me laissa tranquille. Je n’y étais pas à mon aise, mais au moins j’étais à l’abri de la foule ; il y avait à peu près une heure que j’y étais à faire de tristes réflexions sur ce qui s’offrait à ma vue et sur moi, lorsque des cris de place-place, pour le maréchal Lannes et le général St-Hilaire se font entendre ; les uns criaient « f... les à l’eau, ils sont morts », d’autres « qu’ils fassent comme nous, qu’ils attendent » ; enfin ils arrivent près de mon caisson et s’arrêtent un moment afin d’arranger et consolider les corps et qu’ils puissent passer, enfin passe près de moi un domestique du maréchal conduisant les deux mulets garnis de leurs bats, comme il passait lentement, je ne perds pas un instant, je saute sur le premier et malgré mes souffrances je m’y établis ; lorsque le domestique s’en aperçut, il voulut à toute force me faire descendre, mais il eut beau faire, rien au monde ne m’aurait fait descendre, alors il me dit : « hé bien, capitaine, tenez, voilà la bride, il est aveugle, mais si vous guidez bien ce mulet, il vous tirera du plus grand péril » ; j’attendis près d’une heure, assis sur mes deux paniers comme un singe, pendant ce temps on parvint à terminer un pont avec deux planches réunies et je pus, non sans peine, passer ainsi le premier bras du Danube qui était le moins large mais le plus rapide. J’arrivai dans l’île de Lobau vers les trois heures, je pus un peu me reposer, mais rien pour me réconforter. Comme par miracle, je fus assez heureux d’y trouver de suite mon domestique, qui, prévoyant mon sort, avait avec lui mon cheval et mon porte manteau de campagne ; je me plaçai sous un arbre et je l’envoyai s’informer s’il pourrait rencontrer un chirurgien pour me panser ; il revint une heure après avec un de nos sous aides que nous nommions marchandise, sobriquet qu’on lui avait donné pour la conduite vagabonde qu’il menait depuis six mois qu’il était au régiment, espèce de brac, changeant de monture cinq ou six fois par jour et du reste n’ayant aucun talent ; aussitôt que je le vis, je le priai de me panser, car j’avais toujours ma cravate autour de mon bras, il vint à moi avec la meilleure volonté du monde, mais il m’observa qu’il n’avait absolument rien pour entreprendre mon pansement n’ayant ni charpie ni linge, je lui dis que j’avais une chemise dans mon porte manteau et j’ordonnai à mon domestique de la déchirer, il me répondit que ceci n’était qu’un accessoire, alors je le forçai de mettre la main à l’oeuvre, il m’observa qu’il fallait couper et dilater les plaies, je lui répondis qu’il fasse ce qu’il voudrait, mais qu’il mette de suite la main à l’oeuvre parce que je souffrais trop, je pensais qu’étant pansé je souffrirais moins. Ma chemise fut déchirée et il me dilata mes plaies qui étaient des plus graves, il me fit cette opération avec une espèce de canif (n’ayant pas ses instruments) si bien, que j’eus le bonheur de sauver mon bras ; quelque temps après, je montrais ma blessure au chirurgien major, qui la trouva si grave qu’il me dit que dans la position où je me trouvais, je lui aurais donné dix mille francs qu’il ne m’aurait point fait cette opération, car je pouvais rester sous son bistouri. Malgré la souffrance que j’endurais, je ne perdis pas courage, j’envoyai mon domestique à l’endroit où on raccommodait le pont, et lui ordonnai de venir me chercher aussitôt que l’on pourrait passer. A la tombée de la nuit il vint m’avertir que le passage allait être ouvert, je m’empresse de m’y rendre, comme j’arrivais, quelques hommes purent passer et je fus du nombre, mais mon cheval et mon domestique restèrent dans l’île ; j’arrivai donc dans la seconde île qui n’était couverte que de sable, nous nous trouvâmes dans cette malheureuse île, 7 à 800 blessés au moins, les uns sur les autres, sans feu ni sans abris ; dans la nuit nous eûmes un orage et une forte pluie, puis une fausse alerte ; nous passâmes une bien triste nuit, une des plus malheureuses de ma vie. Le lendemain matin je me trouvai près du 3ème et dernier pont que l’on construisait et que l’ennemi coupait à chaque instant ; au moment où j’arrivai, les pontonniers venaient de placer trois pontons qui ne se tenaient que par une poutre d’environ six pouces au carré, qui les liait ensemble ; il y avait foule, au moment où je m’aperçois que la poutre est arrêtée, je m’élance dessus, et malgré les plus grands dangers, tant de la part des pontonniers qui défendaient sabre en main à tout le monde d’approcher que la fragilité du chemin que j’avais à parcourir, et les cris et les jurements qu’on m’adressait, comme un éclair, j’arrive au bout de trois bateaux bien ancrés, le caporal des pontonniers me dit que jamais il n’avait vu un homme aussi hardi que moi, j’avais encore deux obstacles à franchir, mais il fallait attendre que le pont fut réparé, ma position n’était que celle où j’étais dans l’île de Lobau si ce n’est encore plus triste. Il y avait à peu près une demi heure que j’étais là, lorsqu’arrive de terre un officier dans un petit canot conduit par deux hommes, il apportait un ordre de l’empereur qu’il devait faire passer par un officier et s’en retourner ensuite à terre, après avoir remis ses dépêches à l’officier de pontonniers et comme il se disposait à retourner à terre, je saisis ce moment et je saute dans le canot que ma chute manque de faire chavirer, l’officier d’ordonnance voulut à toute force me faire remonter sur le pont mais me trouvant peu disposé à lui obéir et m’étant couché de suite au fond du canot, il fut donc forcé de me conduire à terre ; à ma descente du canot je me couchai sur le sable, mort de fatigue, de souffrances et de faim, car il y avait 72 heures qu’il n’était entré dans mon corps que de l’eau du Danube ; ma faiblesse était si grande que je me trouvai mal et que je restai là évanoui pendant quelques heures ; le soir à la nuit, nos musiciens qui n’avaient pu passer sur la rive gauche, venant voir s’ils pourraient passer, me trouvèrent là, les pieds enfouis dans un trou au bord du fleuve et le corps à moitié couvert de sable ; ils me relevèrent et m’emportèrent je ne sais comment à leur bivouac, où ils me donnèrent tous les soins qu’ils purent ; le lendemain ils firent des démarches pour me trouver une place dans une carriole avec trois autres officiers du régiment qu’il rencontrèrent et qui n’avaient pu passer avec nous, on nous chargea dans la petite voiture d’un de nos cantiniers et nous fûmes transportés à l’hôpital universel de Vienne avec Poujade, Déperet (capitaines) et David adjudant major de mon bataillon. En passant sous les murs de Vienne, la populace nous invectivait des plus grosses injures : « scélérats ! brigands de Français ! », etc etc. ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 25 juin 1809, Michel Defay écrit depuis Vienne à son frère : "Vienne, le 25 Juin 1809
Que dois-je penser, cher Frère, de ton amitié ? Depuis quatre mois, j'attends inutilement de tes nouvelles. J'aurois du recevoir, je le croyois au moins une reponse à ma lettre de Nancy; mais parce que sûrement tu auras appris notre départ de cette ville, tu as cru en être dispensé. Comme si tu ne pouvois pas m'écrire sans savoir précisément l'endroit où je suis. Je te l'ai dejà dit, et tu ne dois pas l'ignorer, en adressant la lettre au régiment, elle saura bien me trouver. Mais je ne crois pas me tromper, en t'accusant d'insouciance.Je t'aurois écrit moi même bien plutôt, si je n'avoir voulu te punir de l'oubli où tu sembles me mettre. Je ne puis cependant y tenir plus longtems, il faut que je vienne encore au devant de toi. Je suis autant en peine des nouvelles de ma famille qu'elle le peut l'être des miennes, et je ne veux pas que l'on puisse m'accuser de négligence sur ce point. J'attends que de ton côté tu voudras bien ne pas prolonger plus longtems ton silence, et que tu me donneras des marques de cette amitié que tu me jures dans chacune de tes lettres et que tu laisses assoupir, si je ne viens pas la réveiller. Je vais te dire quelque chose de l'armée.
A notre départ de Nancy, nous vînmes aux environs d'Ulm former un corps d'armée qui prit le nom de corps d'Observation. Il étoit composé de quatre divisions et commandé par le maréchal Masséna duc de Rivoli. Ce ne fut que le 18 Avril que nous nous mîmes en mouvement pour commencer la campagne. L'ennemi s'était avancé déjà jusques en avant de Munich, mais sa plus grande force était entre Landshut et Ratisbonne. Aussi fut ce sur ce point que nous marchâmes. Je ne m'amuserai pas à te raconter toutes les victoires que nous avons remporté en Bavière, tu as du les apprendre ainsi que notre marche rapide sur Vienne où nous sommes arrivée le 10 Mai. jusques là notre régiment et même notre Corps d'Armée, à l'exception de quelques régiments, n'avait pris part à aucune affaire importante. Après avoir séjourné quelque tems dans Vienne, dont les ponts sur le Danube avaient été brûlés par l'ennemi dans sa retraite, nous en partîmes pour venir deux lieues plus bas, où l'Empereur avait décidé de passer le fleuve. Là, le Danube se partage en trois bras et forme entre le second et le troisième une ile qui peut avoir trois lieues de tour. Le 19, on s'empara de cette île et le 20 au soir deux divisions passèrent le troisième bras. Le lendemain l'ennemi qui n'avait fait aucune résistance à ce passage et qui ne paraissait pas être en force s'avança sur midi et à deux heures s'engagea un combat qui ne finit qu'avec le jour. Pendant ce tems là, les quatre divisions de notre Corps d'Armée passèrent le fleuve mais ne prirent pas grand part à l'affaire. Le lendemain 22 au point du jour commença la fameuse bataille d'Esling où l'on vit trente mille Français se battre contre cent mille Autrichiens, sans compter les milices levées à la hâte, et où les Français étaient sur le point de culbuter cette masse énorme lorsque la crue subite du Danube fit rompre nos ponts. Cet évènement nous mettant dans l'impossibilité d'avancer, ne pouvant plus être soutenu par le reste de l'armée, nous nous repliâmes et soutînmes jusqu'à la nuit les efforts de l'ennemi. Nous repassâmes alors dans l'île sans être inquiétés dans notre passage. Depuis ce jour là nous sommes dans cette île appelée isle de Lobau et que les Français ont nommé isle Napoléon. On a construit des ponts sur pilotis outre les ponts de barques qui sont rétablis, de manière que nous avons maintenant double et même triple pont pour passer les deux bras de la rive droite et dans l'isle des matériaux pour jeter plusieurs ponts quand nous voudrons passer le troisième bras pour aller à l'ennemi. Partout nous avons fait des Batteries et des redoutes, et on s'attend à un nouveau passage au premier jour. Nous avons un corps d'armée qui, réuni à l'armée d'Italie qui nous a joint le 29 mai, s'est avancé jusqu'à Raab, ville de Hongrie, à trente lieues d'ici et dont nous sommes maitres depuis le 23 du courant.
Notre régiment n'a pas beaucoup souffert à l'affaire du 22 Mai, quoiqu'il se soit battu toute la journée. Nous n'avons eu qu'un officier tué et plusieurs blessés mais aucun dangereusement. Pour moi, j'ai eu le bonheur d'en revenir sain et sauf. Mais j'oubliais de te dire que j'ai été nommé lieutenant dans une revue que nous passâmes le 9 Mai à Ems et où l'Empereur fit plusieurs promotions dans chaque régiment. Je suie dans la 9ème Compagnie du 1er Bataillon. Je suis dans ce moment à Vienne où je suis déjà venu plusieurs fois depuis que ce régiment est dans l'isle Napoléon, parce que je fais les fonctions d'officier payeur en l'absence de M. Renard qui est resté à Augsbourg avec les équipages, mais qui doit arriver au premier jour. Je finirai là ma lettre en te renouvellant mes instances pour que tu ne me fasses pas attendre ta reponse et serai toute ma vie
Ton affectionné frère
DEFAY
P.S. Tu ne manqueras pas d'assurer de mes respects mon Oncle et ma Tante, et mes Cousins et Cousines de mon amitié. Bien des choses à mes Soeurs, embrasse les pour moi qui ne sait pas quand je pourrai le faire moi même. Mes compliments à tous Parens et amie. Mille choses à ma soeur ton Epouse.
Mon adresse est toujours
A Monsieur DEFAY, officier au 4e Régiment d'Infanterie de ligne, 2ème division, 4e Corps
Armée d'Allemagne.
Not. Belluze et Olivier se portent bien, mais Renaud a été blessé le 22 à la cuisse d'une balle; je ne puis te dire comment va sa blessure parce que je ne l'ai pas vu. Il n'y a que lui de blessé de ceux de notre pays. Je ne sais pas si tu sais qu'Olivier est sergent de voltigeurs.
La suscription de la lettre est :
Monsieur
Monsieur DEFAY Rue Poisson
A Roanne
Département de la Loire
Figure également un tampon à l'encre rouge N° 18
Arm. d'Allemagne
".

Le 10 juin 1809, l'Empereur, qui vient de décider d'une importante levée de Conscrits, sur la classe 1810, mais aussi sur les classes 1806 à 1809, afin de compenser les pertes du début de la campagne, et renforcer l'Armée, écrit depuis Schönbrunn au Général Clarke pour lui donner le détail de cette opération particulièrement complexe; lettre accompagnée de 3 Etats différents très détaillés. Concernant le 4e de Ligne, l'Empereur ordonne : "... Les 3 mille hommes qui étaient réservés pour le dépôt de Strasbourg seront distribués de la manière suivante :
700 hommes à la division Saint-Hilaire indépendamment de ceux accordés dans le travail de M. Lacuée,
1100 hommes à la division Friant, aussi indépendamment de ceux accordés dans le travail de M. Lacuée
et 1200 hommes au corps du duc de Rivoli,
total 3000 hommes, le tout conformément au tableau C ...
". L'Etat C qui suit cette lettre indique que 300 hommes doivent être dirigés sur le Dépôt du 4e de Ligne, et que 300 hommes doivent être envoyés par le Dépôt au Corps du Duc de Rivoli. Enfin, une annexe intitulée "Répartition des 40 000 conscrits de l'appel supplémentaire de 1810" donne la composition de la 11e Demi-brigade provisoire : 3e de ligne complété à la Division St-Hilaire; 4e id. qui reçoit 25 hommes; 18e id.; 63e id. qui reçoit 250; 24e id.; 64e id.; 57e id.; au total donc, 275 hommes. Il est par ailleurs précisé que l'on doit porter "les 18 compagnies à 2520 hommes" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3223 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21182).

Le 11 juin 1809, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, en conséquence de ma lettre d'hier et des tableaux qui y sont annexés, pour la répartition des 40 000 hommes, les dépôts des 13 régiments, ou les compagnies des demi-brigades provisoires, doivent fournir 3 000 hommes à 13 quatrièmes bataillons du corps d'Oudinot. Je désire que vous donniez des ordres aux dépôts et aux demi-brigades provisoires, dont ces régiments font partie, de diriger ces hommes sur Strasbourg, et qu'aussitôt que 3 détachements de ces corps, ou 600 hommes, seront réunis, on en forme des bataillons de marche, sous le titre de 1er, 2e, 3e, 4e et 5e bataillons de marche du corps d'Oudinot, et qu'ils partent ainsi de Strasbourg bien organisés ...
Le corps du duc de Rivoli doit recevoir en outre 1200 hommes des dépôts ou des demi-brigades provisoires dont ils font partie. Le 26e léger, le 18e de ligne, le 24e léger et le 4e de ligne fourniront 2 bataillons, qui porteront le nom de 5e et 6e bataillons de marche du corps du duc de Rivoli. Ainsi les 3 400 hommes que doit recevoir ce corps arriveront en 6 bataillons de marche.
... Occupez-vous à faire former ces bataillons. Ordonnez que les procès-verbaux soient en règle, et que les demi-brigades et les dépôts fournissent conformément à mes ordres. Ce qu'ils fourniront sera remplacé aux uns et aux autres sur la levée des 40 000 hommes
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3231 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21199).

Le 15 juin 1809, l'Empereur écrit, depuis Schoenbrunn, à Alexandre, Prince de Neuchâtel, Major général de l'Armée d'Allemagne, à Schoenbrunn : "Mon Cousin, faites connaître au général Oudinot que mon intention est que dans la journée de demain il fasse prendre les seize pièces de canon et les seize caissons que l'artillerie doit lui délivrer. Faites également connaître au duc de Rivoli qu'il doit faire prendre les seize pièces qui sont destinées à son corps d'armée. Le duc de Rivoli doit en avoir vingt-quatre, ce sera huit qu'il faudra lui fournir de nouveau. Le général Oudinot doit en avoir trente-quatre, à raison de deux par régiment. Ces seize pièces seront un acompte qu'il recevra et qui augmentera d'autant son artillerie. Les seize pièces du général Oudinot seront données aux régiments suivants : deux au 3e, deux au 67e, deux au 72e, deux au 105e. Les huit autres seront données : deux à la 1re demi-brigade de ligne, deux à la 3e demi-brigade, deux à la 5e demi-brigade, et deux à la 7e demi-brigade. Ce qui fera une augmentation de quatre pièces par division et de deux par brigade. Les seize pièces du duc de Rivoli seront données de préférence aux quatre régiments de la division Molitor et aux trois régiments de la division Boudet ; deux pièces seront données au 4e de ligne. Vous engagerez ces généraux à vous faire demain soir ou après-demain matin un rapport qui vous fasse connaître si ces pièces ont été remises aux différents corps et organisées" (Correspondance de Napoléon, t.19, lettre 15351 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21228).

Le 1er juillet, le 4e de Ligne a 3 Bataillons (1964 hommes) au sein du 4e Corps Masséna, 2e Division Carra Saint Cyr (Nafziger 809GCC).

Les 5 et 6 juillet, le 4e de Ligne a 4 Bataillons au sein de la Brigade Stabenrath, 2e Division Carra Saint Cyr, du 4e Corps Masséna (Nafziger 809GCE - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Deutsch-Wagram am 5. und 6. Juli 1809"; Litre, E. F., "Les Régiments d'artillerie à pied de la Garde", Paris, 1895; Buat, E., "Etude Critique d'Histoire Militaire, 1809, de Ratisbonne à Znaïm", Librairie Militaire R. Chapelot et Cie, Paris, 1909).

Situation en Juillet 1809 (côte SHDT : usuel-180907-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Zenowitz - armée d'Allemagne - 2e corps
5e bataillon à 3C à la 11e 1/2 brigade provisoire de réserve à Schelestatt - 1C au dépôt - 11e 1/2 brigade provisoire

Wagram, premère journée (5 juillet 1809)

Voltigeur du 4e de Ligne d'après Carl 1809
Voltigeur du 4e de Ligne d'après Boeswilwald 1810
Caporal de Voltigeurs du 4e de Ligne d'après Bucquoy
Fig. 14 De gauche à droite : Voltigeur d'après Carl; d'après l'Album Schmidt (source : Boeswilwald); d'après les Petits Soldats d'Alsace (source : Boeswilwald); Caporal de Voltigeurs d'après Bucquoy ; Voltigeur d'après R. Forthoffer (source : Carl)

L'Empereur donne l'ordre de passer les ponts dans la nuit du 4 au 5 juillet. L'armée française compte 150000 hommes ; vis-à-vis d'elle, 140000 Autrichiens sont en position sur la rive gauche. Le 5, à trois heures du matin, le 4e de Ligne passe avec sa Division et vient se former à la gauche de la ligne par Bataillons en masse, son artillerie (par décret du 9 juin 1809, l'Empereur a attaché à chaque Régiment d'Infanterie deux pièces d'artillerie de 3 ou de 4, mais selon Rigo, la Compagnie d'artillerie régimentaire du 4e n'a été créée que le 1er novembre 1809) entre les Bataillons, en arrière du village d'Enzersdorf, qui est enlevé par le 46e. Il marche ensuite sur Breitenlée, tandis qu'Oudinot, le Prince Eugène et Bernadotte échouent dans l'attaque de Baumersdorf, Wagram et Aderklaa.

"Juillet. - Bataille d'Enzersdorf. - Le régiment commença son mouvement le 4 juillet, à sept heures du soir, et fut passer une partie de la nuit vers la partie est de l'île. Le 5, à deux heures du matin, il se mit en marche pour passer un pont établi sur le dernier bras du Danube. Ce passage fut effectué à quatre ou cinq heures du matin. Le régiment se mit en colonne par bataillon à son rang de bataille dans la division. Les voltigeurs des 1er et 3e bataillons furent envoyés dans la ville d'Enzersdorf pour y soutenir le 46e régiment de ligne, qui se trouvait engagé. Ils se précipitèrent dans les retranchements ennemis et contribuèrent à s'emparer de cette ville, que le 46e enleva et prit.
La 2e compagnie et les voltigeurs du 2e bataillon furent détachés sur la gauche, Le gros du régiment marcha sur la ville. Le 3e bataillon fut détaché dans les fossés sur la droite. Les 1er et 2e bataillons entrèrent dans la ville. Le 1er fut placé à l'intérieur et le 2e dans la rue principale; les 1re et 4e compagnies de ce bataillon furent chargées de la défense de la porte, de concert avec le 46e régiment. On resta dans cette position jusqu'à quatre heures de l'après-midi.
Le régiment sortit de la ville d'Enzersdorf pour entrer dans la plaine en avant et à l'est de cette ville. Il se ploya en colonne serrée par division dans chaque bataillon. Le reste de cette journée se passa en manœuvres générales. Le régiment bivouaqua en colonne par division, la droite en tête, à environ un quart de lieue sur la gauche, avec la division de cavalerie légère commandée par le général Lassalle.
Pertes du régiment dans celle journée : 5 sous-officiers et soldats tués et 17 blessés
" (Itinéraires et notes).

- Wagram, deuxième journée (6 juillet 1809)

4e de ligne à Aderklaa
Prise du village d'Aderklaa par le 4e de Ligne. Le Régiment, qui fait partie de la Division Carra Saint Cyr, s'empare vers 7 heures d'Aderklaa d'où il devra se retirer sous la pression des masses autrichiennes (d'après Tranié et Carmignani; la Campagne de 1809).

Le 6 au matin, Masséna lance les Divisions Legrand, Saint-Cyr et Molitor à l'attaque d'Aderklaa. "Le village, entouré par un mur en terre et par les haies des jardins, offre un triple obstacle que Saint-Cyr hésite à aborder de front" (Général Pelet). Masséna arrive en calèche à la tête de la Division et ordonne d'aborder l'ennemi vigoureusement. "Aussitôt le 24e léger et le 4e de ligne se forment en colonne avec le 46e en réserve, marchent résolument sur les flancs du village, en chassent les Autrichiens .... La deuxième ligne se rompt, .... mais l'archiduc Charles arrive avec ses grenadiers; nos régiments attaqués de front et de flanc sont rejetés dans Aderklaa .... Le 46e entre alors en action et il s'en suit une mêlée sanglante dans laquelle le général Colson, les colonels Pourailly du 24e et Boyeldieu du 4e, blessés, tombent au pouvoir de l'ennemi. Les aigles des 4e et 24e furent perdues". "A la bataille de Wagram, comme si la fatalité se fut appesantie sur ce malheureux régiment, il perdit sa seconde aigle, et le 24e , qui n'avait pas voulu, à Austerlitz, le secourir sans ordres, laissa enlever ici les deux siennes" (Mémoires de Masséna). Il y a lieu de remarquer que si une aigle du 4e de Ligne a été prise, ce ne peut être que celle du ler Bataillon ou du 3e Bataillon, puisque celle du 2e, détruite par un boulet à Eylau, n'a pas été remplacée (le général Regnault parle quant à lui de l'Aigle du 3e Bataillon). D'autre part, les Notes historiques du 4e de Ligne, qui indiquent en détail les pertes subies par le Régiment à Wagram, ne font aucune allusion à la disparition d'une aigle.

Nos Régiments sont culbutés malgré leurs efforts héroïques. Les pertes sont considérables. La Division Molitor s'avance pour les dégager, reprend Aderklaa et s'y maintient, tandis que les débris de la division Saint-Cyr se reforment. Le 4e de Ligne et le 24e Légers sont réduits à quelques centaines d'hommes. Cependant Masséna reçoit l'ordre de se diriger sur Aspern pour déborder la droite ennemie. Ce mouvement s'exécute rapidement et avec le plus grand ordre, malgré le feu terrible de l'artillerie ennemie. Arrivé à Essling, le Corps d'armée se rabat sur Sussenbrünn et Léopoldau et décide l'ennemi à battre en retraite. Le 4e a eu 14 Officiers tués et 26 blessés :

Officiers tués
Officiers blessés
Chef de Bataillon Wiriot ; Capitaines Caucurte, Claverie; Lieutenant adjudant major Saint Martin; Sous lieutenants Gavarret, Linet
Colonel Boyeldieu (il a eu son cheval tué sous lui et a été blessé d'un coup de feu à la cuisse gauche; demeuré aux mains de l'ennemi); Chefs de Bataillons Zenowitz, Teullé; Capitaines Castagnet (mort le 11 août), Lafond (mort le 3 août), Villiers (mort le 19 juillet), Deligny, Thibault, Sarère, Patou, Thomas, Poujade, De Montjavoust, François, Florençon; Lieutenants Adjudants major David, Pauly; Lieutenants Alary (mort le 30), Marchand (mort le 11), Dussols (mort le 21), Astre, Lanusse, Garric, Rathelot ; Sous lieutenant Paillon (mort) , Chauffour (mort le 19 septembre), Vaches (mort le 8) , Du Rocheret, Soulairac, Blin de Bailleul, Alart (ou Alary) J., De Partz de Courtray, Poudeux, Prevel, Larrieu, Busque, Colom d'Arcine, Prévost Saint Cyr, Moissat

Rajoutons que 16 Officiers ont été faits prisonniers; 61 Sous-officiers et soldats ont été tués; 616 blessés; 326 prisonniers de guerre. A la fin de la journée, le Régiment, réduit à 5 Officiers et 300 hommes, est commandé par un simple Capitaine (Itinéraire et Notes historiques du 4e de Ligne).

"Le 6 juillet, à cinq heures du matin, on se mit en marche. Le régiment fit un changement de direction par le flanc droit. On marcha dans cet ordre. La division semblait observer et tenir en échec une forte colonne ennemie qui manœuvrait sur sa gauche; ce mouvement se prolongea environ une heure. L'ennemi semblait vouloir nous attaquer. On commanda un mouvement rétrograde; les voltigeurs de la division restèrent pour soutenir l'artillerie en avant du front. Après avoir marché environ cent cinquante pas par le troisième rang, on se remit face en tête. L'ennemi commençait à sortir de ses lignes. On marcha à sa rencontre, toujours en colonne serrée par division dans chaque bataillon. On battit la charge. La colonne marcha à l'ennemi dans l'ordre le plus imposant. Les Autrichiens avaient sur ce point leur réserve, composée de grenadiers hongrois et en nombre bien supérieur au nôtre. La charge fut si vive que tout ce qui se trouvait sur le front de la colonne française fut forcé de céder à son impétuosité. Le village d'Aderklaa fut enlevé par le 3e bataillon du régimcnt et le 46e régiment. Ce mouvement nous fit traverser la ligne ennemie de concert avec le 24e d'infanterie légère ("l'Empereur attachait une grande importance à l'occupation de ce village. Il a souvent dit à cette époque : Que n'ai-je été p endant quelques minutes maitre d'Aderklaa ! On a longtemps ignoré que ce poste avait été en notre pouvoir; les rapports n'en faisaient pas mention. L'Empereur or donna une enquête sur la conduite des troupes, et il les récompensa lorsqu'il sut comment elles avaient combattu" - Général Pelet. Mémoire sur la guerre de 1809 en Allemagne, T. IV. page 210 ; note).
L'ennemi, s'apercevant que nous n'étions pas soutenus, détacha des colonnes au pas de course de ses ailes, et parvint par ce mouvement rapide à nous ôter le moyen de déployer nos masses, de sorte que nous trouvant coupés et enveloppés, il fallut se frayer un passage. Le choc devint terrible et très meurtrier. On se battit corps à corps, et le peu qui parvint à s'échapper ne le fit qu'avec des efforts inouïs. Le colonel, cherchant à se frayer un chemin à coups de sabre pour sauver son régiment, eut son cheval tué sous lui, fut blessé à la cuisse gauche et resta en cet état au pouvoir de l'ennemi.
Pertes du régiment dans cette journée. - Sous-officiers et soldats : 61 tués, 616 blessés, 326 prisonniers de guerre.
Officiers blessés : Wiriot, chef de bataillon; Saint-Martin, adjudant-major; Cocurte, Claverie, capitaines; Linet, lieutenant; Gavaret, sous-lieutenant.
Officiers morts des suites de leurs blessures : Castagnet, Alary, Villiers, Lafond, capitaines; Marchand, Dussol, lieutenants; Vacher, Chaufour, sous-lieutenants.
Officiers blessés: Boyeldieu, colonel; Teullé, chef de bataillon; Deligny, David, adjudants-majors; Sarrère, Thomas, Thibault, Patou, Poujade, François, capitaines; Rathelot, Saint-Cyr, Lanusse, Garrie, Astre, Darcine, lieutenants; Soulairac, Alary, Busque (Bertrand), Durocheret, Decourtrai, Poudinx, sous-lieutenants.
Officiers prisonniers : Boyeldieu, colonel; Paton, Thomas, Poujade, Thibault, Viguier, capitaines; Izard, Rouède, Saint-Cyr, Busque (Claude), Garrie, lieutenants ; Terrasse, Busque (Bertrand), Decourdra, Durocheret, Tierce, sous-lieutenants.
Le peu d'officiers et de soldats qui échappèrent au feu de l'ennemi ayant rejoint la première division du 3e bataillon et les voltigeurs qui avaient été détachés formaient un bataillon d'environ 300 hommes dont M. le capitaine Lanes (comme plus ancien) prit le commandement. On manœuvra le reste de la journée en suivant l'ennemi qui était en pleine retraite. On vint bivouaquer le même soir presque en face du bourg de Stamersdorf. La division resta bien dans cette position jusqu'au 7 à deux heures de l'après-midi. Il ne restait que 5 officiers pour commander le bataillon formé des débris du régiment
" (Itinéraires et notes).

Masséna poursuit l'ennemi qui se retire derrière la Thaya, et nos troupes arrivent le 11 devant Znaïm. Le 4e s'est renforcé d'un certain nombre d'Officiers et d'hommes échappés des mains de l'ennemi. La Division Saint-Cyr (4e , 46e , 24e Léger) franchit la Thaya et vient dégager la Division Legrand. L'ennemi se retire, perdant 6000 hommes. Le 4e a eu 4 Officiers blessés dont le Capitaine Viguier.

"Le 7, en partant de la position, la division se dirigea sur la route de Vienne à Znaïm : elle se porta une heure avant la nuit sur une hauteur à droite de la route; elle reçut l'ordre de se porter à une lieue en arrière de Stockrau, mouvement qu'elle exécuta en colonne par pelotons.
Le 8, la division prit les armes à la pointe du jour, traversa la petite ville de Stockrau [et] fut s'établir à une demi-lieue en avant sur la droite de la route où elle prit position.
Le 9, la division quitta la position vers sept heures du matin, marcha par pelotons sur la droite de la route. La cavalerie d'avant-garde ayant rencontré l'ennemi, on manœuvra en colonne par division, la droite en tête; on déploya les masses et on envoya les voltigeurs des régiments de la division pour éclairer la marche. La journée se passa en manœuvres. Dans le même ordre, la division bivouaqua en avant d'Hollabrünn.
Le 10 au matin, elle se mit en marche, continua à manœuvrer pendant toute la journée et vint s'établir en avant du bourg de Zetzelsdorf (?). Dans cette journée MM. Viguier, capitaine, Busque et Garrie, lieutenants, qui avaient été faits prisonniers le 6, parvinrent à s'échapper et rentrèrent au régiment.
Combat de Znaïm - Le 11 juillet au matin, on partit dans le même ordre en forçant toujours l'ennemi à se retirer.
On rencontra un défilé qu'on passa par pelotons, le 24e régiment d'infanterie légère en tête. Sitôt le défilé passé, chaque régiment forma les divisions et marcha dans cet ordre jusqu'à la vue de la ville de Znaïm. La cavalerie composée de cuirassiers avait poussé l'ennemi jusqu'au delà du pont.
Le régiment, qui avait regagné quelques hommes qui s'étaient échappés des mains de l'ennemi, était fort d'à peu près 500 hommes. Il reçut l'ordre de passer le pont et de gagner les hauteurs à droite de Znaïm. Il ne tarda pas à rencontrer l'ennemi. Le capitaine commandant envoya les tirailleurs et resta en observation a vec le reste du régiment qui, comme il a été dit ci-dessus, ne formait plus qu'un bataillon. Les tirailleurs ayant rencontré des forces supérieures furent obligés de se retirer sur le gros de la troupe. Le capitaine Lanes ordonna la charge. Le régiment repoussa l'ennemi et s'empara d'une position qu'il conserva environ deux heures. Il fut repoussé environ 200 pas et se maintint dans cette position jusqu'à huit heures du soir, heure à laquelle le feu cessa des deux côtés pour la suspension d'armes. Malgré son peu de force, le régiment, dans cette journée, continua à montrer sa bravoure et son courage accoutumé, ayant eu à se battre pendant huit heures continuelles contre cinq bataillons ennemis. Il perdit dans cette journée 11 sous-officiers et soldats tués et 117 blessés. M. le capitaine Viguier reçut deux fortes contusions. La division se rassembla le même soir et bivouaqua sur le champ de bataille
" (Itinéraires et notes).

- Armistice de Znaïm (12 juillet 1809)

Lettre de libération de Boeyldieu
Reproduction de la lettre de décharge qui a été remise par les autorités militaires autrichiennes au Colonel Boyeldieu lors de sa libération (Carnet de la Sabretache).

L'armistice de Znaïm (12 juillet) arrête le 4e Corps qui prend ses cantonnements dans le cercle de Znaïm, passe dans le cercle de Krems et vient cantonner aux environs de Wurtzbourg en janvier 1810. Le Colonel Boyeldieu, qui a bénéficié d'un cartel d'échange, est libéré le 1er août 1809 (Rigo). Il rejoint son Régiment le 11.

"... Je restai un mois à l’hôpital, souffrant comme un malheureux. Après la bataille de Wagram où notre régiment avait beaucoup souffert, notre colonel avait été fait prisonnier avec une partie du régiment, le commandant Béranger qui avait aussi été blessé, vint me trouver et me fit part de la position où se trouvait le régiment, qu’une grande partie des officiers étant prisonniers, il ne se trouvait plus de chefs et me proposa de partir avec lui pour le rejoindre ; quoique ma blessure ne fut qu’à moitié guérie, j’acceptai sa proposition, nous partîmes ensemble et arrivâmes à Zenemmer ; comme on venait de recevoir la nouvelle de la suspension d’armes et des préliminaires de paix, nous fûmes cantonnés à Krauman. A notre arrivée au régiment, j’appris que le surlendemain de la bataille d’Esling, l’empereur en passant la revue du régiment, donna la croix d’officier à monsieur le capitaine Castagnet, croix qui m’avait été promise par le maréchal Massena, l’empereur la lui donna comme étant présent ; on lui observa que cette croix m’était promise, il demanda où j’étais, on lui dit à l’hôpital, « hé bien, dit-il, il l’aura à sa sortie, vous m’en ferez souvenir ».
Quelques jours après notre arrivée à Krauman, notre colonel fut rendu et vint rejoindre le régiment ; le corps d’officiers présent au régiment, fut lui rendre visite ; là il fut surpris de me voir, il me dit qu’il me croyait aux eaux et me demanda pourquoi je n’avais pas profité du beau temps pour y aller ; je lui répondis que je croyais ma présence utile au régiment et que je ne regarderais jamais à rien pour le bien du service ; il ajouta : « mais vous n’avez qu’un bras, et si nous venions à avoir encore la guerre que feriez-vous ? » Je lui répondis que je croyais qu’il savait qu’il ne me fallait pas deux bras pour me faire tuer et que tant que je serais à la tête de ma compagnie, jamais elle ne resterait en arrière ; il me fit encore beaucoup d’observations semblables et fit tout son possible pour me décider à aller prendre le commandement du dépôt du régiment qui se trouvait à Nancy ; je refusai de me rendre à ses sollicitations et voulus rester à mon poste. Les bruits de paix circulaient dans l’armée ; quelques jours après mon entrevue avec le colonel, je fus très surpris de ce qu’il m’envoya chercher ; en arrivant chez lui, il me fit part d’un ordre qu’il venait de recevoir pour relever de suite le capitaine de recrutement Roubeau, qui était à Metz et qui venait de se compromettre ; le colonel m’engagea vivement à accepter cette place ; notre chirurgien major qui se trouvait là, joignit ses instances à celles du colonel ; je refusai obstinément, prétextant surtout la position où je me trouverais au recrutement, ne pouvant écrire ; il redoubla ses instances qui étaient vraiment affectueuses, et fut jusqu’à me dire : « voyez, mon cher capitaine, je suis colonel, couvert de croix et de dignités, hé bien, si demain pareille occasion se présentait pour moi, je vous donne ma parole d’honneur que je partirais à l’instant ; de plus, je vous laisse aller tout au plus pour un an, temps qui vous est nécessaire pour vous remettre de votre blessure et de vos fatigues ; pendant ce temps je veillerai à vos intérêts, vous irez aux eaux et à votre retour je vous rappellerai près de moi avec le grade de chef de bataillon, peut-être même avant ». Ce ne fut pas sans les plus vifs regrets que j’acceptai et deux jours après je quittais mes braves voltigeurs auxquels je cachai le moment de mon départ pour ne pas avoir la douleur de recevoir les adieux de tous ces braves qui me portaient dans leur coeur. Je partis donc, j’eus envie plusieurs fois en route de revenir et de retourner à mon régiment dont le drapeau était mon clocher, qui me rappelait tant de beaux et glorieux souvenirs et dont les braves que j’avais tant de fois conduits à la victoire me témoignaient tant de regrets d’être obligés de se séparer de moi, mais enfin il fallut partir ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"Le 12 juillet, environ dix heures du matin, la division se rassembla, quitta sa position en colonnes par peloton, traversa la ville de Znaïm et fut se placer à une heure en avant et sur la gauche de la ville, où elle coucha en ordre de bataille" (Itinéraires et notes).

Le 13 juillet 1809, l'Empereur écrit, depuis le camp de Znaïm, au Mmaréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "Donnez ordre que les 4es bataillons, des 18e et 4e de ligne, du 26e léger et du 24e, qui font partie du corps du maréchal Oudinot partent demain à cinq heures du matin pour se rendre à Znaïm où ils joindront leurs régiments. Aussitôt que ces 4es bataillons seront arrivés, donnez ordre au duc de Rivoli de les incorporer et de diriger sur Vienne le corps des 4es bataillons, ayant soin de n'en garder aucun officier ni sous-officier, au contraire de compléter les cadres ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3301 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21484).

"Le 13, la division occupa la même position. Le régiment reçut en incorporation le même jour, quatre heures après-midi, les grenadiers et soldats de son 4e bataillon, lesquels furent répartis dans les compagnies respectives suivant leur force. Le cadre dudit bataillon reçut ordre de partir le 14 pour Vienne où il devait recevoir de nouveaux ordres.
L'armistice ayant été conclu le 13, la division se mit en marche pour venir camper à Kromau, Le 15 juillet, les capitaines Paton et Thomas, qui s'étaient échappés des mains de l'ennemi, rentrèrent au régiment

Le 15 juillet 1809, l'Empereur écrit, depuis Schoenbrunn, au Général Clarke; Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, vous recevrez un décret relatif au recrutement de l'armée, dans lequel vous verrez les mesures que j'ai prescrites pour dissoudre les 5e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 16e et 17e demi-brigades provisoires ...
Je préfère donc que les 5es bataillons se rendent en droite ligne aux bataillons de guerre. J'ai renvoyé aux dépôts, il y a un mois, les cadres des 4es bataillons de la division Saint-Hilaire. J'ai renvoyé, il y a peu de jours, les cadres des 4es bataillons du corps du duc d'Auerstaedt, ainsi que ceux des régiments qui avaient leurs 4es bataillons à l'armée, tels que les 4e, 18e, 24e de ligne et 26e léger ; de sorte qu'il n'y a plus à l'armée que des corps ayant trois bataillons, et ensuite les 4es bataillons qui sont au corps du maréchal Oudinot, et dont les trois premiers sont en Espagne
" (Correspondance de Napoléon, t.19, lettre 15529 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21514).

"Août-Septembre, - Le régiment reçut en incorporation, le 11 août, 282 hommes provenant des compagnies du 5e bataillon; ces compagnies furent fondues comme il en a été usé pour celles du 4e bataillon.
Le 13 août, le régiment revit son colonel qui venait d'être échangé .
Le 21 du même mois arriva un détachement de 200 sous-officiers et soldats, commandés par le capitaine Poujade, sortant des prisons. MM. Izard, Rouède et Garrie, lieutenants; Terrasse, Busque (Bertrand) et Tierce, sous-lieutenants, qui avaient subi le même sort, rentrèrent le même jour
(en ce qui concerne le lieutenant Garrie, il doit y avoir erreur, cet officier s'étant échappé et étant rentré dès le 10).
Là se terminent les opérations de la campagne de 1809 où s'est trouvé le 4e régiment d'infanterie de ligne. Il regrettera toujours les pertes qu'il a éprouvées en officiers, sous-officiers et soldats, tant morts au champ d'honneur que par suite d'honorables blessures, et particulièrement celles de M. le chef de bataillon Wiriot, ainsi que celles des capitaines Castagnet, Lafond, Villiers et Alary, des lieutenants Dussol et Marchand et des sous-lieutenants Chaufour et Paillon. Le colonel, voulant rendre hommage à la vérité, ne craint pas de dire que dans toutes les affaires où le régiment s'est trouvé pendant le courant de cette campagne, comme aussi de celles qu'il a faîtes en Prusse et en Pologne, il a eu toujours à se louer du zèle, de l'activité et de la valeur des officiers, ainsi que de la bravoure des sous-officiers et soldats
" (Itinéraires et notes).

Le 31 août 1809, Michel Defay écrit à son frère, depuis le camp près de Kronau en Moravie :

"Au camp près Kronau en Moravie le 31 août 1809.
Je viens donc enfin de recevoir une lettre de toi, mon cher Frère. J'étois décidé, je t'assure, à ne plus écrire que je n'eusse eu de tes nouvelles. Je pensais bien que tu serois en peine sur mon compte, en apprenant qu'il y avait eu une grande bataille depuis ma dernière lettre, mais je voulais au moins une réponse à celles que je t'avais écrites, avant d'en faire partir d'autres. Je ne doute pas de ton amitié, mais je ne voudrais pas qu'elle se contentat de penser à moi, je voudrais qu'au moins de tems en tems elle me donnât des preuves évidentes. Tâches donc à l'avenir de ne pas me mettre dans le cas de me plaindre d'un silence qui me paraît si contraire à l'amitié qui nous unit.
Ma dernière lettre t'a donné des détails sur les journées des 21 et 22 mai. Je t'ai dit que depuis cette affaire noue étions dans l'isle Napoléon, mais qu'on s'attendait au premier jour à passer le troisième bras du Danube pour aller à l'ennemi. En effet, le 4 juillet, au soir, l'armée se mit en mouvement, et passa dans le nuit sur la rive gauche de ce fleuve. Mais le passage s'effectua plus d'une demie lieue plus bas que l'autre fois. On avait seulement fait passer depuis quelques jours une Division, pour donner le change à l'ennemi. Aussi fut-il d'autant plus étonné de voir le 5 au matin, l'armée française en bataille à sa gauche, qu'elle débordait, que tous ses retranchemens avaient été placés pour nous recevoir si nous eussions passé à la morne place que l'autre fois. Par cette manoeuvre, l'empereur rendait inutiles tous les retranchemens ennemis. Les Autrichiens furent obligés de les abandonner pour venir à nous, et l'affaire s'engagea dans une plaine à plus de deux lieues de des retranchemens. Le succès ne pouvait pas être douteux. L'ennemi ne tint pas longtems et dans cette journée on le jetta au delà de la place qu'occupait sa droite la veille. Nous restâmes maîtres du champ de bataille, et par notre position nous lui fermions le route de Hongrie. Cependant il fallait encore livrer une bataille le lendemain. L'ennemi avait reculé, mais il n'était pas en déroute, et on s'attendait bien que le lendemain il voudroit avoir sa revanche. Il fallait donc s'y préparer. Dans la nuit, l'Empereur avait fait appuyer l'aile gauche à son centre, et avait pour ainsi dire dégarni les bords du Danube. L'ennemi par un mouvement contraire avait jette beaucoup de force à sa droite, et c'était cette aile qui devait faire la plus forte attaque.
Le 6, au matin, la bataille commença de bonne heure, et bientôt on s'apperçut que l'aile droite de l'ennemi voulait doubler notre gauche et arriver aux ponts que nous avions à l'isle Napoléon. Comme notre aile gauche se trouvait très affaiblie par le mouvement que j'ai dit qu'elle avait fait sur le centre de l'armée, elle fut obligée de plier et l'ennemi fit d'abord quelques progrès, mais c'est ce qui nous fit gagner la bataille. Le Prince Charles par cette manoeuvre faisait une faute dont l'Empereur ne tarda pas de profiter qu'autant de tems qu'il lui en fallut pour bien s'assurer de la réalité du dessein de l'ennemi. Alors plus de doute que la Victoire ne fut à nous. Le centre de notre armée, où était rassemblé notre plus grande force, marcha de suite à l'ennemi, en colonnes, et en moins d'une heure le centre des Autrichiens fut culbuté et jetté à plus d'une lieue. Leur aile droite qui s'appeçût bientôt de ce mouvement n'eut rien de mieux à faire qu'à faire sa retraite en toute hâte. Dès ce moment, commença la déroute. On les poursuivit quelques lieues sur les routes de Bohême et de Moravie.
Nous avons su depuis, par des officiers du Régiment qui avaient été fait prisonniers à cette affaire et qui virent le soir et surtout le lendemain le désordre qui régnait dans la retraite que faisait l'ennemi, que jamais déroute ne fut plus complette. Je ne puis pas te dire au juste ni le nombre des prisonniers ni celui des pièces de canon que l'ennemi perdit dans cette journée glorieuse pour les français. On fait monter, je crois, à plus de vingt mille hommes les prisonniers. Le 7, au soir, notre corps d'armée se trouvait à deux ou trois lieues de Vienne sur la route de Brunn. Car il faut te dire que ces deux batailles des 5 et 6 s'étaient données, pour ainsi dire, sous les murs de Vienne. On avait commencé à peu près à trois lieues de cette ville, et le 6 en chassant l'ennemi sur la Bohême, on l'avait fait passer à la vue de la capitale, dont les habitans ont pu être témoins oculaires des deux actions. Le 6 nos avants postes étaient déjà à 6 lieues de Vienne du côté de la Moravie et à deux ou trois lieues du côté de la Bohême. Le 8 l'armée s'avança sur Nikolbourg et notre corps d'armée avec quelques régiments de cuirassiers prit la route de Boheme, la même que nous prîmes en l'an 14 quand nous poursuivions les Russes et les débris de l'armée autrichienne. Nous couchâmes le 8 à Korn-Neubourg, le 9 nous passâmes à STOLHAU, le 10 à Hollabrug et le 11 au matin nous étions à la vue de Znaim. L'ennemi paroissait vouloir défendre cette ville. L'action s'engagea de bonne heure, on se battit une partie de la journée sans faire de grands progrès, mais, sur le soir, l'armée d'Italie qui venait du côté de Nikolsbourg parut sur les hauteurs à la gauche de l'ennemi qu'elle allait tourner, lorsque l'Empereur d'Autriche envoya au vice-roi d'Italie qui commandait ce corps d'armée, le prince de Lichtenstein pour demander qu'on fit cesser le feu parce qu'il voulait négocier un armistice. L'empereur à qui le Vice Roi fit part de ce message donna les ordres pour que le feu cessât. L'ennemi depuis quelques instans vouloit cesser de tirer et crioit aux tirailleurs avancés de ne plus tirer, qu'il y avoit suspension d'armes, mais on n'en voulait rien croire. On resta en présence jusqu'au lendemain qu'on nous annonça un armistice pour un mois. L'armée ennemie nous a cédé plusieurs lieues de terrain et se retire en Bohême et sur Olnuitz. Ainsi nous restons maîtres de presque toute la Moravie, d'une grande partie de la Hongrie, de toute l'Autriche et des pays méridionaux jusqu'à l'Italie. Notre corps d'armée occupe le ville de Znaim et les environs. Notre division est campée à sept lieues plus au nord près de le petite ville de Kronau. Nous ne savons rien ici de ce qui se passe au sujet de la paix ou de la guerre, tantôt on nous annonce l'une, tantôt l'autre. Cependant l'armistice qui devait finir le 27 Août en y comprenant les quinze jours d'avertissement, dure encore aujourd'hui 31, ce qui fait croire qu'elle a été prolongée, et que l'on négocie toujours.
A l'affaire du 6 nous eumes plusieurs officiers faits prisonniers dans une charge que fit le Régiment, avec la plus grande intrépidité, mais dans laquelle par trop de zèle il se jette au milieu de l'ennemi et où il fallut pour s'en retirer se battre avec la bayonnette. Le moindre des recrues s'est battu là comme un héros, et si nous avons eu plusieurs hommes prisonniers, c'est que nous fumes accablés par le nombre. Tous nos prisonniers viennent d'être échangés et sont rentrés au Régiment qui se trouve aussi fort maintenant en hommes qu'avant la campagne. Il est vrai que nous avons reçu deux détachements de renfort. Nous n'avons eu que très peu de monde mort sur le champ de bataille, mais assez de blessés, dont cependant beaucoup sont déjà rentrés. Nous avons perdu quelques officiers morts de leurs blessures. Il est inutile de te dire que je suis sorti sain et sauf, et que je jouis dans ce moment d'une santé aussi bonne que je puis la désirer et que je te la souhaite. L'air que nous respirons ici dans notre camp qui se trouve sur une hauteur nous donne un appétit admirable.
Je voudrais que tu me dirois dans ta réponse qui, j'espère, ne se fera pas tant attendre que les autres, si on travaille au pont de pierre ou s'il est fait, enfin dans quel état il est maintenant.
Adieu, cher Frère, porte toi bien et crois moi pour toujours
Ton affectionné
DEFAY.
P.S. Assure de mon respect mon Oncle et ma Tante. Mes amitiés à mes Cousins et Cousines. Mille choses à nos Soeurs, embrasse les pour moi. Mes complimens à notre Frère Flandrin, et mes amitiés à mes neveux. Embrasse pour moi notre Soeur ton Epouse que je ne puis avoir le plaisir de le faire moi même, et qu'il faut que je me contente de faire des voeux pour son bonheur. Mes complimens à tous nos Parents et amis.
Je ne puis te donner des nouvelles positives de Renaud, il a été blessé à la cuisse et depuis qu'il est à l'hopital, on n'a pas eu de ses nouvelles. Quant à Blanc, il a été aussi blessé le 6 juillet mais il est presque guéri et il doit revenir de l'hopital, au premier jour; sa blessure n'aura pas de suites fâcheuses. Le cousin Augagneur fut fait prisonnier le 6, et il est de retour des prisons avec les autres; il se porte bien.
Mon adresse est toujours la même.

La lettre porte la suscription : A Monsieur".

"Octobre. - Le 11 octobre, le régiment, ainsi que la division, leva le camp de Kromau et vint prendre des cantonnements à Teykowitz, Biechazowitz, Könitz et environs où il resta jusqu'au 15 inclus.
Le 14, la paix entre l'Autriche et la France fut signée entre le ministre des Relations extérieures, Champagny, et le prince de Lichtenstein.
Le 16, le régiment coucha au village de Lükau et environs.
Le 17, passé par Frein et Drosendorf et venu prendre des cantonnements à Waydhoffen, sur la Thaya, et environs où le régiment est resté jusqu'au 2 novembre inclus
" (Itinéraires et notes).

Situation en Octobre 1809 (côte SHDT : usuel-180910-42)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Zenowitz à Nancy - 4e division militaire
5e bataillon à dépôt - 11e 1/2 brigade provisoire

Le 26 octobre, le soldat Pierre Henrotte, originaire de Glons (Ourthe), incorporé dans le 1er Bataillon, 1ère Compagnie, et qui a participé à toutes les grandes batailles, écrit depuis Kromau : "Je n'ai pu vous récrire plus tôt, parce que nous avons toujours été en route. Je vous dirai que le sieur Jean Willem est mort, et Tilman Bovendael a été tué le 22 du mois de mai. Je suis resté seul et n'ai point reçu de blessure. Mais mon camarade de droite et celui de gauche ont été tués...". Revenu dans son village natal en 1810, Pierre Henrotte atteste, le 21 août 1810, en présence de quatre témoins et du maire de Glons, que son compatriote Bovendael a été tué à ses côtés à la bataille d'Essling du 22 mai 1809, d'un coup de boulet à la poitrine. Signalé comme disparu et non comme mort au champ d'honneur, Bovendael avait été porté sur la liste des déserteurs, ce qui avait procuré à ses parents beaucoup d'avanies, que fit cesser cette déclaration (E. Fairon, H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°112).

Selon Rigo, le 4e de Ligne se trouvait le 1er novembre 1809 à Waydhoffen, petit village de la Haute Autriche. Il fait toujours partie du 4e Corps de l'Armée d'Allemagne (Masséna), Division Dessaix, Brigade Dalesme. Ses trois Bataillons (1er, 2e et 3e) totalisent 2054 hommes, 60 Officiers et une Compagnie d'artillerie de 58 soldats commandés par 2 Officiers.

Notons qu'un ordre de l'Empereur, daté de paris le 21 novembre 1809, indique qu'une revue doit avoir lieu le 26 à Paris; cette lettre indique que "tous les hommes armés et habillés ... seront mis sur le premier rang; tous les éclopés; tous les ouvriers, enfin tous ceux qui ne sont pas habillés seron au deuxième rang"; parmi les Régiments qui doivent participer à la parade, figure le 4e de Ligne (quelle partie ? - Napoélon, correspondance inédite, T3, N°3759).

"Novembre. - Le 3, il a cantonné à Zwettel et environs. Il est resté dans ses cantonnements jusqu'au 18 décembre 1809 exclusivement.
Décembre - Le 18, le régiment a quitté Zwettel et est venu coucher à Kirchbach et environs. Le 19, il y a séjourné. Le 20, il coucha à Münchendorf et environs.
Le 21, il prit des cantonnements aux environs de Freistadt et occupa Guttau, Schonau, Weissembach, Kefermarkt et environs. Le 27, les trois bataillons changèrent de cantonnements, mais l'état-major du régiment resta à Guttau; ils occupèrent Guttau, Leonarht, Refermarkt, Rimbach, Lasberg et environs.
Le 30, il quitta ses cantonnements et vint se plotonner (sic) à Gallneunkirchen et environs où il coucha.
Le 31, il a couché à Lintz, Urfahr et environs
" (Itinéraires et notes).

Portrait présumé d'un Officier du 4e de Ligne Portrait présumé d'un Officier du 4e de Ligne Portrait présumé d'un Officier du 4e de Ligne Portrait présumé d'un Officier du 4e de Ligne
Portrait présumé d'un Officier du 4e de Ligne, Officier de Grenadiers, ou Officier de la Compagnie d'artillerie régimentaire. Communication de Mr Benoit Lorenzini, que nous remercions vivement, pour nous avoir aimablement autorisé à le publier dans l'historique du 4e de Ligne. Des plaques de shako quasi-similaires existent dans d'autres régiments (56e de Ligne, 123e de Ligne ...). Celle représentée sur ce portrait étonne toutefois par sa taille, relativement modeste.

Le 1er janvier 1810, Michel Defay adresse la lettre suivante à son frère :

"Division N° Empire Français
A Lintz le 1 janvier 1810
L'Officier payeur du 4em Régiment d'Infanterie de ligne
J'attendais, mon très cher Frère, une réponse à ma lettre du 31 Août dernier, mais avec toi il faut attendre longtems. Je ne laisserai donc pas échapper l'occasion du renouvellement de l'année pour t'exprimer les voeux que je fais pour que tu sois heureux, que tu voyes tes désirs s'accomplir; que cette nouvelle année soit suivie de plusieurs autres, enfin que ton bonheur soit inaltérable.
Je ne serai pas long aujourd'hui, parce que je suis pressé de partir. Tu ne sais pas que nous sommes en route et que nous quittons l'Autriche pour nous rapprocher de France ? Notre destination est Wurzbourg sur le Mein. Nous sommes partis avant hier de nos cantonnemens, nous rentrerons en Bavière par Scharding, nous continuerons notre route par Landshut, Ingolstadt et Ansbach et nous arriverons le 22 janvier à Vurzbourg. Nous devons prendre de nouveaux cantonnemens aux environs de cette ville.
Tu verras par la tête de ma lettre que je suie officier payeur. J'ai été nommé à cet emploi par décret du 25 septembre dernier, en remplacement de M. Renard qui est passé capitaine. J'ai entrepris là une grande affaire, oà j'aurai bien du tracas, mais je n'ai pas pu m'en défendre. Il s'agit maintenant de me tirer d'affaire. J'espère qu'avec du zèle et de l'activité je pourrai en venir à bout honorablement.
Je finis parce que j'ai six lieues à faire aujourd'hui. Une autre fois, je serai plus long. Adieu, cher frère, aimes toujours
Ton affectionné frère et ami
DEFAY
P.S.Je te prie de présenter mes voeux pour la nouvelle année à mon Oncle et à ma Tante et d'embrasser mes cousins et cousines. J'embrasse de tout mon coeur nos Soeurs à qui je souhaite pour ce nouvel an toute sorte de bonheur. Ne manques pas de dire pour moi bien des choses à notre beau frère Flandrin, à qui je recommande le soin du bonheur de notre Soeur ainée. Je n'oublierai pas ma Soeur ton Epouse. Depuis longtems, je désire faire sa connaissance, mais ce tems là est peut être encore bien reculé. Embrasses la pour moi en attendant l'heureux moment où je pourrai jouir de cette faveur. J'embrasse bien les enfans et surtout ton aînée à qui tu peux déjà parler de son Oncle. Mon adresse est :
A Monsieur
Defay Officier payeur du 4e Régiment d'infanterie de ligne, 2e Division, 4e Corps, Armée d'Allemagne
à Vurzbourg

La lettre porte la suscription :
A Monsieur
Monsieur DEFAY
rue Poisson à Roanne
Département de la Loire

En outre un cachet à l'encre noire
N° 32
DALLEM".

"... j’arrivai à Metz le 1er janvier 1810.
A peine installé dans mes fonctions de capitaine de recrutement de la Moselle, je me trouvai accablé d’ouvrage au point que je ne savais plus où donner de la tête, les levées se succédaient sans interruption et de plus, le ministre me demanda de suite l’état alphabétique des conscrits du département qui étaient partis depuis 1806. Ce travail eut été peu de choses si mon prédécesseur eut tenu sa comptabilité en ordre, mais je ne trouvai d’autres matériaux qu’un état récapitulatif en chiffre ; il me fallut faire de nouveaux contrôles et les adresser aux différents régiments, ce qui me donna beaucoup d’ouvrage et d’ennui, mais je terminai ce travail de manière à mériter les plus grands éloges du ministre ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

"1810
Janvier - Le 1er , tout le régiment a passé le Danube à Urfahr (faubourg de Lintz) et couché à Efferding et environs.
Le 2, à Bayerbach et environs.
Le 3, à Scharding et environs. Le 4, il y séjourna et eut une inspection de propreté.
Le 5, le régiment, en quittant l'Autriche, a passé l'Inn à la sortie de Scharding et est venu coucher à Pfarkirchen et environs (en Bavière).
[Le régiment continue sa route par Landshut, Neustadt, Ingolstadt, Weissemburg, Anspach, Oppenheim].
Le 21, [couché] à Ochsenfurt et environs. Ce même jour, les 1er et 2e bataillons passèrent le Main à Ochsenfurt.
Le 22, l'état-major et le 3e bataillon passèrent le Main et tout le régiment arriva à Würtzburg où il coucha après avoir été passé en revue par M. le général de division comte Dessaix
(remplaçant, à la tête de la division, le général Carra Saint-Cyr nommé gouverneur de Dresde).
Le 23, le régiment prit ses cantonnements à Arnstein, Gemünden, Carstadt, Olbach, Stetten, Werneck et environs, où il resta jusqu'au 1er février
" (Itinéraires et notes).

Situation en Janvier 1810 (côte SHDT : usuel-181001-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot - armée d'Allemagne - 4e corps - 2e division
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Zenowitz à Nancy - 4e division militaire
5e bataillon à dépôt

Le 13 janvier 1810, on informe l'Empereur que "Un sergent-major du 4e régiment d’infanterie de ligne sollicite l'autorisation de quitter ce corps pour passer au service du roi des Deux-Siciles"; ce dernier répond : "Approuvé" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3927 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l’Empereur et Roi, daté du 10 janvier 1810 »).

En février 1810, le 4e de Ligne tient garnison en Hollande : il caserne à Bois-le-Duc, Bommel, Heussden.

"Février. - Le régiment s'est plotonné (sic) à Arnstein et environs.
Le 2, il a couché à Würtzburg. Le 3, il a passé le Main à Würtzburg, la Tauber à Bischofsheim et a couché dans cette dernière ville et environs.
[Le 4e de ligne continue sa route par Obernburg, Seligenstadt, Francfort, Königstein, Nieder-Selders "village renommé par sa source d'eau minérale"), Dielz, Siegburg; "pour venir dans cette dernière ville, le régiment a passé la Sieg sur un pont volant"]
Le 14, le régiment a passé l'Ayger près de Cologne et est venu coucher à Mühlheim (sur le Rhin) et environs.
Le 15, il fut réuni à [Benrath] ( en blanc sur le manuscrit ), magnifique palais du grand-duc de Berg. Il continua sa marche sur Verhau, faubourg de Düsseldorf où, à son arrivée, il fut passé en revue par le sous-inspecteur Morin. Ce même jour il coucha à Düsseldorf.
Le 16, les 1er et 3e bataillons ont passé la Roër : le 1er à Ruhrort et le 3e à Mühlheim (sur la Roër) où ils ont couché; l'état-major et le 2e bataillon ont couché à Duisburg .....
Le 18, le régiment est arrivé à Wesel et a été passé en revue par le sous-inspecteur Allite
(cet inspecteur aux revues n'était autre que le fameux conventionnel qui, le 11 août 1792 avait fait décréter le renverserment des statues des rois et leur remplacement par celle de la Liberté. Il avait été nommé sous-inspecteur après le 18 brumaire ). Ce même jour les 1er et 2e bataillons ont passé le Rhin sur des barques et sont venus coucher le 1er à Rudrid et le 2e à Xanten. Ces deux villes sont situées sur la rive gauche du Rhin. L'artillerie ( il s'agit de l'artillerie régimentaire dont l'Empereur avait doté chaque corps par décret du 9 juin 1809 ) et le 3e bataillon ont couché à Wesel.
Le 19, le 3e bataillon et une partie de l'artillerie ont passé le Rhin et tout le régiment a couché à Clèves, département de la Roër.
Le 20, les 1er et 2e bataillons ont passé la Meuse à Grave en Hollande et ont couché le 1er à Berchem et le 2e à Grave. Le 3e est resté à Humen sur la rive droite de la Meuse.
Le 21, le régiment a pris ses cantonnements en Hollande. A cet effet, le 3e bataillon a passé la Meuse à Grave et tout le régiment a occupé Oss, Berchem, Geffen et Niuland.
Le 22, le 3e bataillon a évacué Geffen et Niuland, villages qui ont été occupés par la division Puthod; à dater de cette époque, l'état-major et le régiment ont été établis à Oss, Berchem, Haren, Macharen, Ogen, Magen, etc., villages situés sur la rive gauche de la Meuse, où il est resté jusqu'au 22 mars exclusivement
" (Itinéraires et notes).

Le 2 mars 1810, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clrake, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je veux profiter de la consolidation de la paix continentale pour porter la plus grande économie dans mes armées. Voici les diverses dispositions que je projette, et sur lesquelles je désire un rapport ...
Armées du Nord et du Brabant. — Les armées du Nord et du Brabant seraient dissoutes ... la 19e demi-brigade serait dissoute, et, à cet effet, le détachement du 4e de ligne irait rejoindre son corps en Hollande, celui du 72e rejoindrait son régiment à Boulogne, et ceux des 12e, 54e, 14e, 34e et 88e de ligne se rendraient à Versailles pour entrer dans la composition soit des régiments de marche, soit des bataillons auxiliaires ...
" (Correspondance de Napoléon, t.20, lettre 16303 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 23241 ; cité par Mazade C. (de) : « Correspondance du Maréchal Davout, prince d'Eckmühl : ses commandements, son ministère, 1801-1815 », t. 3, p. 172).

Le 15 mars 1810, l'Empereur ordonne, depuis Paris : "Notre ministre de la guerre donnera les ordres ci-après :
... Toutes les autres troupes françaises évacueront également de suite l'Allemagne, savoir :
III
ARMÉES DU NORD ET DE BRABANT.
Les états-majors, les administrations, et tout ce qui tient à l'organisation des armées du Nord et de Brabant sont dissous, à dater du 5 avril prochain, pas avant.
Une brigade, composée du 2e d'infanterie de ligne, du 3e de chasseurs et de 4 pièces de canon, se rendra à Emden, sous les ordres du général de brigade Bordessoulle, et fera également partie du commandement du duc de Reggio. Cette brigade ne fait plus partie de la division Molitor.
La division Puthod, à laquelle se joint le 26e régiment d'infanterie légère et le 4e de ligne, ce qui portera cette division à cinq régiments, restera dans le Brabant, et sera sous les ordres du duc de Reggio, jusqu'au 1er mai, époque de la réunion après laquelle ce pays, comme division militaire, passera sous les ordres du général de division ...
La 19e demi-brigade provisoire sera dissoute. En conséquence, le détachement du 4e régiment d'infanterie de ligne rejoindra son régiment à la division du général Puthod ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4105).

"Mars. - Le 23, le régiment a quitté ses cantonnements et est venu coucher à Bois-le-Duc.
Le 24, il s'est embarqué et est venu tenir garnison à savoir : les deux premiers bataillons à Bommel, dans l'ile de ce nom; le 3e à Heusden, Gorcum, etc. Il est resté dans ces différents endroits jusqu'au 24 avril inclus.
Avril. - Le 25, le 3e bataillon a quitté Heusden et environs pour se rendre à Boxtel. Il a été relevé par le 2e bataillon à Heusden.
Le 29, le 1er bataillon et l'état-major du régiment sont arrivés à Bois-le-Duc. Le 30, l'artillerie régimentaire, les grenadiers et voltigeurs du 2 e bataillon et tout le 3e bataillon sont arrivés à Bois-le-Duc et y ont caserné. L'artillerie seulement a cantonné dans un village non loin de la ville. Pendant ce temps, les quatre compagnies de fusiliers du 2e bataillon gardaient Bommel, l'île de ce nom et la rive gauche de la Meuse
" (Itinéraires et notes).

Situation en Avril 1810 (côte SHDT : usuel-181004-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger - Grande armée - division Puthod
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle - Grande armée - division Puthod
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot - Grande armée - division Puthod
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Zenowitz à Nancy - 4e division militaire - Grande armée
5e bataillon à dépôt

En mai 1810 (selon La Sabretache), le 4e reprend la route de France, et est envoyé au camp de Boulogne et tient garnison à Calais.

"Mai (à la date du 1er mai, le 4e de ligne passa à la division Puthod, ancienne Boudet, du 4e corps). - Le 5, le régiment a pris les armes pour se former en haie dans la ville de Bois-le-Duc et y attendre Leurs Majestés Impériales qui y sont arrivées à dix heures du soir, ainsi que Leurs Majestés le Roi et la Reine de Westphalie, les princes Vice-Roi d'Italie et de Neuchâtel et la duchesse de Montebello.
Le 6, au matin, le Prince de Neuchâtel a passé le régiment en revue et, à cet effet, les quatre compagnies de fusiliers qui étaient détachées ont rejoint. Le même jour, à trois heures après-midi, S. M. l'Empereur l'a encore passé en revue par un temps très pluvieux et a donné de l'avancement et six décorations.
Le 7 Leurs Majestés ont quitté Bois-le-Duc et, à cet effet, le régiment a pris les armes à six heures du matin.
Le 8, le 1er bataillon est parti pour Nimègue. Le 9, les quatre compagnies de fusiliers du 2e bataillon sont retournées prendre leurs postes le long de la Meuse. Le 10, le 3e bataillon s'est rendu à Grave et y a caserné
" (Itinéraire et notes).

Le 17 mai 1810, l'Empereur écrit, depuis Gand, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre aux trois bataillons du 3e régiment d'infanterie légère, qui sont à Bois-le-Duc, de se rendre à Dunkerque. Le major général a déjà provisoirement donné cet ordre.
Donnez ordre aux trois bataillons du 4e de ligne, qui sont également à Bois-le-Duc, de se rendre à Calais.
Donnez ordre aux trois bataillons du 93e de se rendre à Bois-le-Duc ; aux trois bataillons du 26e léger de se rendre à Anvers, ainsi qu'à deux bataillons du 56e : le troisième bataillon de ce dernier régiment restera à Berg-op-Zoom.
Par ce moyen, il n'y aura à Bois-le-Duc que le 93e. Il y aura à Anvers trois bataillons du 26e léger, et deux bataillons du 56e, ce qui fournira des travailleurs pour les fortifications.
Le 3e d'infanterie légère et le 4e de ligne, qui vont à Dunkerque et à Calais, feront partie du camp de Boulogne que commande le général Vandamme, mais resteront en garnison dans ces deux villes.
Il est nécessaire que les vivres de campagne soient données aux troupes qui sont en Hollande jusqu'au 1er juillet ; et d'ici à cette époque, on me proposera de régler la masse d'ordinaire pour ces troupes, de manière qu'elles puissent vivre ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4238 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 23631).

"Le 17, le 3e bataillon a quitté Grave et est venu à Bois-le-Duc pour y faire le service avec les grenadiers, 1re compagnie et voltigeurs du 2e bataillon. Il a été relevé à Grave par quatre compagnies du 1er. Les trois compagnies du 2e étaient détachées ainsi qu'il suit : la 2e compagnie au fort Löwenstein, la 3e à Heusden et la 4e à Gorcum.
Le 22, S. E. le ministre Dejean est arrivé à Bois-le-Duc et une visite de corps lui a été faite.
Le 26, le régiment qui, la veille, avait été réuni à Bois-le-Duc
(le 4e de ligne avait été désigné pour se rendre, avec ses trois bataillons de guerre, au camp de Boulogne. Le 4e bataillon se reformait au dépôt, à Nancy), a quitté cette ville et est venu coucher à Tilburg et environs. Le 27 à Thunhout. Le 28, à Anvers; le 29, séjour.
Le 30, au point du jour, le régiment a été embarqué et a traversé l'Escaut devant Anvers et est venu coucher à Saint-Nicolas et environs. Le 31, à Gand.
Juin-Août. - Le 1er à Ecloo et environs. Le 2, à Bruges. Le 3, le régiment a séjourné à Bruges et a eu une inspection de linge et chaussure.
Le 4, à Ostende. Le 5, à Nieuport.
Le 6, à Dunkerque où, à son passage, le corps d'officiers du 3e régiment d'infanterie légère, qui y était en garnison, a traité celui du 4e.
Le 7, à Gravelines et environs. Le 8, à Calais, sa destination. Le 12, au matin, le 3e bataillon s'est rendu aux camps de Wimereux et d'Ambleteuse où il avait reçu l'ordre d'aller camper. Depuis son arrivée à Calais, le régiment est passé sous les ordres du général de division Vandamme.
Le 16, tout le corps d'armée du général Vandamme a eu une fausse alerte et a pris les armes au point du jour
" (Itinéraire et notes).

Situation en Juillet 1810 (côte SHDT : usuel-181007-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger à Calais - camp de Boulogne - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle à Calais - camp de Boulogne - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Wiriot à Calais - camp de Boulogne - Grande armée
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Zenowitz à Nancy - 4e division militaire - Grande armée
5e bataillon au Dépôt

Le 27 juillet 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je reçois votre projet de recrutement du camp de Boulogne ...
Le 4e de ligne ayant son 4e bataillon à Nancy, il est impossible d'en rien ôter puisqu'il faut qu'il y reste une certaine quantité d'hommes à cause du nombre d'officiers ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4443 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24158).

Le 19 août 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je désire que vous formiez plusieurs bataillons de marche pour 1'Espagne et le Portugal.
... Le 3e bataillon du 50e régiment sera complété à 900 hommes de la manière suivante : 100 hommes du 50e, et par incorporation : 200 du 48e ; 200 du 108e ; 150 du 12e de ligne ; 150 du 4e de ligne ; 100 du 85e ; total 900 hommes. Tous ces détachements se réuniront à Tours où se formera ce bataillon ...
Ces 3 derniers bataillons seront connus sous leur nom dans la ligne ; savoir le 3e bataillon du 50e, le 4e bataillon du 43e, et le 3e bataillon du 25e léger ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24356).

"Septembre. - Le 2, le 1er bataillon s'est rendu à Dunkerque : il y a relevé le 3e régiment d'infanterie légère qui se rendait à une autre destination. A son passage à Calais, ce régiment a reçu le même accueil qu'il avait fait au 4e lors de son arrivée à Dunkerque.
Le 1er septembre, le régiment a reçu … congés de semestre et les a délivrés aux officiers, sous-officiers et soldats qui y avaient droit
" (Itinéraires et notes).

Le 1er octobre, nous retrouvons le 4e de Ligne à Boulogne, Dunkerque et Calais (Historique Régimentaire). En octobre, le 1er Bataillon est à Dunkerque, les 2e et 3e à Calais, et le 4e à Nancy. Calais où l'on appréhende une attaque, lit-on dans une lettre datée du 2 octobre 1810 de Jean Laurent Adam, natif de Stavelot et soldat au 2e Bataillon, 1ère Compagnie : "Il a été "parlance" que les Anglais viendraient le 1er octobre nous attaquer. Mais ils ne sont pas venus, Dieu merci. Nous sommes toujours en garnison à Calais, pas trop bien et il nous faut toujours acheter le vin et le pain bien cher, à 5 sols la livre" (E. Fairon, H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°264).

Le 6 octobre 1810, l'Empereur adresse, depuis Fontainebleau, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris, une Note sur l'organisation des armées; concernant l'Armée d'Allemagne, il écrit : "… Un autre corps serait composé de la manière suivante, savoir : le 10e régiment d'infanterie légère formant quatre bataillons ; le 23e, quatre ; le 24e, quatre ; le 26e, quatre ; le 3e de ligne, quatre ; le 4e, quatre ; le 18e, quatre ; le 72e, quatre ; le 123e, quatre ; le 124e, quatre ; le 125e, quatre ; le 126e, quatre ; le 135e, quatre ; le 2e, trois ; le 19e, trois ; le 37e, trois ; le 46e, trois; total, 17 régiments ou 64 bataillons formant 6 divisions, chacune de 16 bataillons ..." (Correspondance de Napoléon, t.21, lettre 17000 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24816).

Dans le même mois, le 4e est dirigé sur le Havre. L'Empereur écrit, en effet, depuis Fontainebleau, le 13 octobre 1810, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre au 4e régiment de ligne qui est au camp de Boulogne de se rendre au Havre où il tiendra garnison, en foumissant les postes nécessaires dans la ville de Dieppe" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.3, lettre 4328; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4705; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24918). Le 4e de Ligne y passera la majeure partie de l'année 1811.

"Octobre. - Le 19, les 2e et 3e bataillons furent réunis à Boulogne où ils couchèrent. Le 20, le 1er bataillon, qui était à Dunkerque, ayant reçu une feuille de route à part, voyagea isolément et fut dirigé sur Dieppe.
Le 20, les 2e et 3e bataillons couchèrent à Montreuil et environs. Le 21, à Rue et environs. Le 22, à Abbeville. Le 23, à la ville d'Eu et environs. Le 24, à Dieppe; le 25, séjour. Le 26, à Cany et environs. Le 27, à Goderville et environs
" (Itinéraires et notes).

"Le 28, au Havre. Ce même jour, le 1er bataillon est arrivé à Dieppe et a été, ainsi que les deux derniers bataillons, sous les ordres du général Magallon de la Morlière.
Novembre. - Le 10, un ouragan des plus terribles a inondé la ville du Havre et tous ses environs. Les dégâts qu'il a occasionnés sont incalculables et les casernes de la garnison ont été si endom magées que 700 hommes du régiment ont été forcés de loger chez l'habitant.
Le 12, à dix heures du soir, les deux frégates françaises, l'Elisa et l'Amazone, sont sorties du Port du Havre où elles étaient depuis dix-huit mois; elles avaient ordre de se rendre à Cherbourg
" (Itinéraires et notes).

Situation en Janvier 1811 (côte SHDT : usuel-181101-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Moselle - de Sambre et Meuse - de l'Escaut de 1810
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger à Havre - 15e division militaire - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle à Havre - 15e division militaire - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Chavannes à Dieppe - 15e division militaire - Grande armée
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Zenowitz à Nancy - 4e division militaire - Grande armée
5e bataillon à dépôt

Le 17 février 1811, on informe l'Empereur que "M. Zenowitz, chef du 4e bataillon du 4e régiment d'infanterie de ligne à Nancy, maintenant en convalescence à Paris, demande un nouveau congé de six mois pour se rendre en Russie, pour affaires urgentes de famille" ; "Accordé avec appointements", répond Napoléon (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5082 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l’Empereur et Roi, daté du 6 février 1811 »).

"... je fus nommé juge suppléant à la cour spéciale par Décret impérial du 3 mars 1811. Pendant la première année je pris patience, cependant dans toutes mes lettres, je rappelais à mon colonel la promesse qu’il m’avait faite de me rappeler au régiment, mais lui-même passa dans la garde impériale et je fus comme oublié, de plus le régiment s’éloignait toujours de France et les difficultés grandissaient ; je servais cependant toujours avec le même zèle, au point que deux fois ayant encore demandé avec instance que l’on me relevât de mon poste, le ministre me fit remettre une gratification de douze cents francs en me disant que je rendais de trop grands services pour qu’on accédât à ma demande ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 7 mars 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Donnez ordre que les dépôts des 23e, 21e, 18e, 17e, 13e, 12e, 11e, 9e, 5e, 4e, 3e et 1er de ligne versent ce qu'ils ont de disponible dans le 4e bataillon ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5136 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 26122).

Le 18 mars 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, voici les dispositions que je juge convenable de prendre pour les colonnes mobiles :
... RÉGIMENT DE BELLE-ILE.
... La troisième colonne mobile sera commandée par le duc Charles de Plaisance, mon aide de camp, et comprendra la 14e division militaire.
Elle sera composée de :
Deux compagnies du 5e léger (voltigeurs) ;
Trois compagnies du 4e de ligne (voltigeurs) ;
Deux compagnies du 4e de cuirassiers de 80 hommes chacune.
Et une compagnie de 40 gendarmes de départements.
Le duc de Plaisance partagera ces 700 hommes en quatre colonnes ; donnez-lui les mêmes instructions ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5206 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 26290)

En dehors de la correspondance de service, nous ne connaissons qu'un nombre infime de lettres émanant du Colonel Boyeldieu. En voici une écrite pendant son séjour au Havre, à l'un de ses cousins qui lui avait recommandé de jeunes compatriotes (Papiers du Général Boyeldieu ). Au ton aimable et familier de cette lettre, on reconnaîtra que Boyeldieu, malgré sa carrière rapide et brillante, est demeuré simple et sans morgue :

"A Monsieur Ménard à Monsures, canton de Conty, département de la Somme, par Amiens.
Au Havre, le 27 mars 1811.
Mon cher cousin,
En réponse à votre lettre du 21 de ce mois, je vous en adresse ci-joint une pour mon quartier maître que vous pourrez donner aux nommés Louis Dragonne et J.-Bte Derogy pour se rendre au dépôt de mon régiment à Nancy. Si d'après leur demande ils obtiennent d'y entrer, vous pourrez également leur donner qu'à votre recommandation et [à] la bonne opinion que vous me donnez d'eux, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour leur être utile. Vous me parlez de reconnaissance, mon cher cousin, pour ce que je pourrai faire en faveur de ces jeunes gens; vous ne m'en devez aucune; je vous prie de croire que je m'estimerai très heureux si j'ai pu saisir l'occasion de faire quelque chose qui puisse vous être agréable.
Quant au petit cousin Cauchy, de Croissy (
Village voisin de Monsures, dans le département de l'Oise), je lui adresse aussi une lettre de recommandation pour mon quartier-maître par l'intermédiaire de mon oncle l'abbé (L'abbé Ansiaume, frère de la mère de Boyeldieu).
Je vous remercie des bonnes nouvelles que vous me donnez de la santé de ma mère ainsi que nos autres parents. Oserai-je vous prier d'être mon interprète et de les embrasser pour moi, sans oublier l'aimable cousine Frosine qui a bien voulu se rappeler de moi et au souvenir de laquelle je suis très sensible.
Recevez, je vous prie, cher cousin, les nouvelles assurances de ma sincère amitié et veuillez toujours me croire votre dévoué parent et ami.
Baron BOYELDIEU
".

Le 10 mars, le Colonel Boyeldieu sollicite un congé de six semaines dans le but de se rendre à Paris pour affaires. Ce congé lui est accordé par l'Empereur le 19 avril sur la proposition du Ministre, "le 4e régiment d'infanterie de ligne, qui est au Havre faisant un service peu actif" (Archives administratives de la Guerre. Dossier Boyeldieu).

Le 30 mars 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "... Le camp de Boulogne sera formé des 19e, 72e, 46e, 4e et 123e, de deux bataillons du 44e, un bataillon du 51e, un bataillon du 55e et un bataillon du 36e, en tout vingt et un bataillons, qui seront réunis à la fin de mai. A mesure que les hommes seront habillés aux dépôts, ils se rendront à leur corps. Ces troupes seront exercées aux grandes manœuvres ..." (Correspondance de Napoléon, t.21, lettre 17532; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 26415).

Situation en Avril 1811 (côte SHDT : usuel-181104-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements du Cher - de la Côte d'Or - de l'Orne de 1811
JUMEL Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger à Havre - 15e division militaire - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle à Havre - 15e division militaire - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Chavannes à Dieppe - 15e division militaire - Grande armée
4e bataillon à Nancy - 4e division militaire - Grande armée
5e bataillon à dépôt

Le 19 avril 1811, l'Armée d'Allemagne est composée de trois Corps; le 1er est le Corps d'observation de l'Elbe, commandé par Davout. L'Empereur écrit en effet ce jour à au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, l'armée d'Allemagne sera composée de trois corps :
1° Le corps d'observation de l'Elbe ;
2° Le corps d'observation du Rhin ;
3° Le corps d'observation d'Italie.
... CORPS D'OBSERVATION DU RHIN.
Ce corps se réunira de Mayence à Wesel. Il sera composé de quatre divisions d'infanterie ...
4e DIVISION. — 1re brigade : deux bataillons d'élite du 3e de ligne ; deux du 4e ; deux du 105e ; 2e brigade : deux bataillons d'élite du 37e ; deux du 93e ; deux du 123e ; 3e brigade : deux bataillons d'élite du 18e de ligne ; deux du 19e ; trois bataillons portugais ; total, 19 bataillons ...
Mon intention est que vous donniez des ordres pour la formation des bataillons d'élite, afin que du 1er au 10 mai, ils puissent se mettre en marche pour les lieux de leur destination.
Je vous enverrai un travail préparatoire pour les corps d'observation du Rhin et d'Italie. Celui de l'Elbe marche tout seul. Les régiments d'élite seront composés de 2 bataillons. Le 1er bataillon sera de 4 compagnies de voltigeurs et le 2e de 4 compagnies de grenadiers. Chaque compagnie sera portée à 150 hommes et formée de vieux soldats. Vous ordonnerez aux colonels de désigner pour commander ces bataillons leurs meilleurs chefs de bataillon, et d'y placer les meilleurs officiers et sous-officiers et les plus propres à faire la guerre.
Les régiments qui n'ont pas leurs 4 compagnies d'élite devront aussitôt les former.
Le 4e régiment de ligne qui est au Havre, par exemple, devra former ses 4 compagnies sans les tirer du 4e bataillon. Il ne resterait alors au Havre que 3 bataillons de 4 compagnies chacun ou 12 compagnies ; mais comme on aura pris encore 2 compagnies pour remplacer celles du 4e bataillon, il n'y restera effectivement que 10 compagnies réduites à 7 ou 800 hommes. Mais le 4e bataillon enverra des cadres au Havre pour reformer les compagnies manquantes et les conscrits pourront être dirigés à mesure, et en suite des ordres que je donnerai, sur Le Havre, en sorte qu'il y aura au Havre 3 bataillons de 12 compagnies ayant sur pied 15 à 1 600 hommes et je serai libre, selon les circonstances, de retirer ces troupes ou de les laisser dans l'intérieur.
Ce que j'ai dit pour le 4e régiment s'appliquant à tous les autres ...
" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17630 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 26753).

Le même 19 avril 1811, à Paris, "On soumet à Sa Majesté la demande que fait M. Boyeldieu, colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne, au Havre, d'un congé de deux mois pour se rendre à Paris" ; "Accordé" répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5359 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l'Empereur et Roi, daté du 17 avril 1811 »).

Le 21 mai 1811, Michel Defay adresse depuis Le Havre la lettre suivante à son frère :

"EMPIRE FRANCAIS
Au Havre le 21 Mai 1811
L'Officier payeur
du 4e Régiment d'Infanterie de Ligne
J'ai donc enfin reçu une lettre de toi, Cher Frère, et je t'assure que j'avois promis de ne t'écrire que lorsque j'aurais eu de tes nouvelles. Comment tu as pu laisser écouler plus de six mois sans daigner répondre à ma dernière lettre. Depuis longtems ce silence m'inquiétait lorsqu'enfin j'ai reçu à un mois et demi de date, cette lettre où tu m'apprends que tu as été malheureux. A cette nouvelle, tout mon ressentiment cesse, et je m'empresse de t'offrir les consolations de l'amitié. Je prévoyais déjà tout ce que tu devais attendre de notre beau-frère Flandrin, et tu as du te mettre en garde contre ses avides prétentions. Tout est donc enfin terminé. J'attends le détail que tu me promets. J'espère au moins ne rien voir dans votre dernier arrangement qui ne soit selon la justice. Je sens bien que toutes ces traccasseries ont dû t'affecter beaucoup. Oui, tu n'as pas pu prendre le dessus, et tu as succombé à tant d'embarras. Il faut avoir plus de courage, Cher Frère, et ne pas se laisser abattre si facilement. J'espère que ta convalescence sera courte et que tu recouvreras cette santé dont tu as tant besoin. C'èst du moins là l'objet de tous mes voeux.
Nous formons, dans ce moment, dans le régiment, deux bataillons d'élite, voltigeurs et grenadiers, qui doivent partir au premier jour pour aller former une armée en Allemagne. Je ne crois pas être du nombre de ceux qui partiront. Je pense que l'on nommera un autre officier payeur pour ces deux bataillons, et que je resterai avec le reste du régiment, qui probablement est encore ici pour longtems.
Olivier n'a pu me remettre ta lettre, comme il s'en était chargé, parce qu'il a trouvé sa compagnie détachée à plus de 40 lieues d'ici, dans le département de l'Orne, où elle est en colonne mobile avec les deux autres compagnies de voltigeurs du régiment, pour faire rejoindre les conscrits réfractaires, mais il me l'a fait remettre par une occasion qu'il a trouvée.
Je finirai là en te répétant que j'attends une réponse prochaine et suis toujours ton frère et ami DEFAY.
P . S.
Je te charge de présenter mes respects à mon Oncle et ma Tante, mes amitiés à nos Soeurs et mes complimens à toute la famille. J'embrasse de coeur ma Soeur ton épouse et mes petits neveux.

Suscription :
A Monsieur
Monsieur DEFAY Rue Poisson
A ROANNE
Loire
".

Le 15 mai 1811, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Général Dumas, Directeur des Revues et de la Conscription : "Monsieur le général comte Dumas, j'ai reçu les 13 états que vous m'avez envoyés. Je désire que vous y fassiez les changements suivants :
... L'état n° 1 comprend l'armée d'Allemagne. Vous y portez que le 4e bataillon du 12e de ligne est à Magdebourg, il est à Mézières. Le 6es bataillon est revenu également à Mézières.
Avez-vous ôté des 3 bataillons de guerre les cadres des 6es bataillons qui a diminué d'autant leur effectif ? ...
Je garde vos états dont je suppose que vous avez les doubles. Rectifiez votre travail sur les observations que je vous ai faites. Vous pouvez le simplifier, en supprimant deux états. Après ces changements, on arrivera au résultat qu'avec la conscription de 1812, on aura beaucoup plus que le complet
" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27069).

Le 24 mai 1811, l'Empereur écrit, depuis Caen, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Je vous envoie cinq états pour vous servir de direction dans un rapport que vous me ferez au 15 juin, pour donner une nouvelle organisation, au 1er juillet, aux différents corps d'observation ...
CORPS D'OBSERVATION DU RHIN. — Au 1er juillet, ce corps prendra le titre de Corps d'observation des Cotes de l'Océan. Il sera formé, comme le porte l'état n° 2, par la réunion de tous les conscrits et de tous les bataillons ...
Je n'ai pas besoin de vous dire que vous ne devez donner aucun ordre, faire aucun mouvement en conséquence de ces états, mais que vous devez vous borner à me faire un rapport général au 15 juin, époque à laquelle vous me demanderez en même temps mes ordres ...
CORPS D'OBSERVATIONDU RHIN.
L'organisation des régiments d'élite existera jusqu'au 1er juillet. Les régiments d'élite qui font partie des corps d'observation du Rhin et d'Italie seront alors dissous.
Le corps d'observation du Rhin sera composé de quatre divisions, organisées de la manière suivante :
1re Division. — 1re brigade : quatre bataillons du 24e léger, quatre du 4e de ligne ; 2e brigade : quatre bataillons du 19e, quatre du 123e ; 3e brigade : deux bataillons de Portugais d'élite, deux du 4e régiment suisse. Chaque division ayant trois brigades, il y aura en tout douze brigades ; chaque division étant de vingt bataillons, le total du corps d'observation du Rhin sera de quatre-vingts bataillons.
Chaque régiment aura ses deux pièces d'artillerie, ce qui fera huit pièces par division, hormis que la 4e division n'en aura que six ; au total, trente pièces régimentaires ...
MODE D'EXÉCUTION. — Au 1er juillet tous les conscrits seront arrivés aux régiments.
La 1re division sera organisée au camp de Boulogne ; les quatre bataillons du 24e léger, des 4e, 19e et 123e de ligne s'y rendront. Les 4es bataillons de ces régiments et tous les conscrits des dépôts partiront, du 1er au 15 juillet, de Metz, Nancy, Douai et Berg-op-Zoom, pour aller compléter les régiments au camp de Boulogne. Aussitôt après leur arrivée le tiercement aura lieu, de sorte que les bataillons soient égaux en hommes anciens et aient la même consistance ... Ainsi, à cette époque, le corps d'observation du Rhin aura deux divisions au camp de Boulogne et deux en Hollande. Il changera alors de dénomination et prendra celle de Corps d'observation des cotes de l'Océan.
Les 4es compagnies de voltigeurs et de grenadiers des bataillons d'élite passeront dans les 4es bataillons, qui céderont deux de leurs compagnies aux bataillons d'où ces compagnies d'élite seront tirées, de sorte que tous les bataillons seront égaux, de six compagnies, dont une de grenadiers et une de voltigeurs ...
ma pensée secrète est que le corps d'observation des côtes de l'Océan puisse devenir un corps de l'armée d'Allemagne, et, en faisant volte-face sur Mayence ou Wesel, trouver son artillerie à Mayence, à Wesel ou à Maëstricht ...
La 1re division sera commandée par le général Legrand ...
" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17247 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27150).

Le 11 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Donnez ordre qu'au 1er juillet les 1er et 2e bataillons d'élite des 19e, 46e, 4e, 72e et 123e soient annulés. Les grenadiers et voltigeurs rentreront dans leurs bataillons. Ces compagnies seront maintenues à leur complet de 140 hommes comme les autres. Le surplus rentrera dans les basses compagnies. Vous ordonnerez, à cet effet, que les quatre compagnies des 6es bataillons du 19e et du 46e et que les compagnies des 4es bataillons du 72e, du 123e et du 4e, qui sont à leur dépôt, en partent au 1er juillet pour se rendre au camp de Boulogne, où elles rejoindront leur régiment.
Chaque bataillon reprendra ses grenadiers et voltigeurs ...
Le 4e régiment sera composé des 2,100 hommes existant à Boulogne et des 800 venant du dépôt ; ce qui fera 3,000 hommes ou 750 hommes par bataillon ...
Tous les bataillons seront tiercés (aux compagnies d’élite près), de manière que les anciens soldats soient mêlés également dans les bataillons ...
Il y aura donc au camp de Boulogne vingt-cinq bataillons, faisant 16 à 18,000 hommes, qui seront campés, exercés et mis dans le meilleur état ...
P. S. J'ai ordonné que les mouvements s'opéreraient au 1er juillet ; cependant, comme il est possible qu'il manque des habits et autres effets aux conscrits, vous donnerez en conséquence l'ordre aux dépôts de faire partir au 1er juillet ce qui serait bien arme, équipé et arrive au régiment depuis vingt jours, et au 15 juillet le reste. Les généraux commandant les divisions militaires qui passeront la revue de ces dépôts vous enverront à l'avance l'état de ce qui doit partir au 1er et au 15 juillet, de sorte qu'au 1er août les camps de Boulogne, d'Utrecht, tout soit conformément à ma lettre
" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17792 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27268).

Le 27 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Lacuée, Ministre de l'Administration de la Guerre : "Monsieur le comte de Cessac ... Vous pouvez par l'ordonnateur de Bayonne avoir l'état de tout ce qui est passé et si le chef de votre bureau de l'habillement est intelligent, il peut par la comparaison des moyens qu'on a donnés aux dépôts avec ce qu'ils ont envoyé reconnaître ce qui doit leur rester disponible et leur faire donner l'ordre de le faire partir. Vous avez à Paris les dépôts des 2e, 4e, 12e, 15e, 32e, 58e de ligne. Vous pouvez commencer par opérer sur ces régiments. Demandez-leur des coûts ; faites vérifier leurs livres et voyez ce qu'ils ont reçu, ce qu'ils ont envoyé en 1810 et 1811, ce qu'effectivement les corps ont reçu et ce qui s'est perdu en route ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5693 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27478).

Situation en Juillet 1811 (côte SHDT : usuel-181107-02)

Chef de corps : BOYELDIEU Colonel - Infanterie garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements du Cher - de la Côte d'Or - de l'Orne de 1811
BONY Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Branger à Dieppe - 15e division militaire - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle au Havre - 15e division militaire - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Chavannes au Havre - 15e division militaire - Grande armée
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Evers au Havre - 15e division militaire - Grande armée
5e bataillon au dépôt

Le 13 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Le 3e de ligne fournira les garnisons du Nestor, de La Pregel et de La Revanche ; ... 4e fournira les garnisons du Courageux, du Polonais et de L'Iphigénie" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5772 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27612).

Le 17 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre ... Donnez ordre que les 2es compagnies des 5es bataillons du 4e et du 46e de ligne se forment à Cherbourg. Ces 2 compagnies seront destinées à former la garnison des 2 vaisseaux qui sont dans cette rade ...
Vous donnerez ordre que toutes ces compagnies soient composées d'officiers, sous-officiers et soldats de l'ancienne France ; que tous les officiers, sergents, caporaux et fourriers aient au moins 4 ans de service, et que les soldats aient au moins un an de service et soient à l'école de bataillon. Vous recommanderez qu'on porte un soin particulier à la formation de ces compagnies, à les maintenir au complet ; qu'on y mette des officiers de choix, hommes d'ordre et d'honneur qui puissent être utiles à bord des vaisseaux
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5796 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27681).

Le 21 juillet 1811, depuis Trianon, l'Empereur décrète : "Il y aura quatre adjudants généraux attachés à notre garde. Ces adjudants généraux seront généraux de brigade et commanderont chacun une brigade de la jeune garde sous les ordres des colonels et colonels en second des chasseurs et grenadiers de notre vieille garde.
Sont nommés adjudants généraux de notre garde : ... Boyeldieu, colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne ...
" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 5618). Le Colonel Boyeldieu, désormais donc Adjudant général dans la Garde impériale avec rang de Général de Brigade, va toutefois demeurer quelques semaines encore à son Régiment.

Le 24 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre que le camp de Boulogne soit partagé en deux divisions, savoir : le 24e léger, le 4e et le 19e de ligne et le 123e formant la 1re division.
Le 24e léger restera à Paris.
Les 4e, 19e et 123e qui formeront le noyau de la 1re division seront sous les ordres d'un général de brigade et seront campés à la droite ou à la gauche du camp de Boulogne ....
Il y aura donc au 1er août à Boulogne 26 bataillons, savoir : 12 de la 1re division et 14 de la seconde, ce qui fera 16 à 17000 hommes. Ces régiments doivent avoir leurs 4 bataillons, leur compagnie d'artillerie, leurs caissons et tout ce qui est nécessaire ...
" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 5620 ; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5828 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27771).

Le 28 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre que trois bataillons du 4e de ligne se rendent à Boulogne. Un bataillon restera au Havre jusqu'à nouvel ordre" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.3, lettre 4678; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5859 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27845).

Le 3 août 1811, à Saint-Cloud, on informe l'Empereur que "Les compagnies du centre du 4e bataillon du 4e de ligne n'ayant pas encore pu rejoindre le bataillon, celui-ci ne pourra partir avec les trois premiers bataillons du régiment pour Boulogne et devra rester au Havre jusqu'à nouvel ordre"; celui-ci répond : "Il n'y a pas d'inconvénient à retarder le départ des trois bataillons du 4e jusqu'au 25 août. Aussi bien, la place sera préparée a Boulogne. Il est nécessaire que les compagnies de voltigeurs de ces bataillons rejoignent et qu'ils soient bien organisés. Ce qui est à bord de l'escadre de l'Escaut et ailleurs, doit rejoindre à Boulogne, puisque les vaisseaux doivent être montés par des compagnies spéciales que j'ai désignées" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.3, lettre 4692 ; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5895).

Le 9 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Rambouillet, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, faites partir le 4e bataillon du 113e pour le Havre, où il tiendra garnison à la place du 4e bataillon du 4e de ligne qui rejoindra son régiment à Boulogne ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.3, lettre 4697 ; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5952 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28060).

Le 22 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, donnez les ordres suivants pour la répartition des compagnies destinées à former les garnisons de vaisseaux ...
ESCADRE DE CHERBOURG
Les 4e, 46e, 59e, 69e et 50e compléteront et réuniront à Cherbourg la 2e compagnie de leurs 5es bataillons. Ces compagnies formeront la garnison des vaisseaux ci-après, savoir celle du 4e, la garnison du Courageux ; celle du 46e, du Polonais ; celle du 59e, des frégates l'Iphigénie, la Diane et l'Alcmène ; celle du 69e, du Zélandais ; celle du 50e, du Duguay-Trouin ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6042 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28292).

Le 4e prend la direction du camp de Boulogne vers la fin d'août. Le 4e arrive à Boulogne le 2 septembre.

Le 15 septembre, la situation du Camp de Boulogne, placé sous le commandement de Ney, est la suivante : 1ère Division Razout, 2ème Brigade, 4e de Ligne au camp de gauche.

Le même jour, le nouvel Adjudant-général Boyeldieu est présenté à l'Empereur, au palais de Compiègne, après la messe suivant l'usage, en même temps que deux autres Officiers généraux récemment promus, les barons Michel et Dériot (A. Janvier. - Le général de division baron Boyeldieu. Notice biographique lue à la séance de l'Académie d'Amiens, le 13 août 1880. - Amiens, Piteux, 1880, p. 16). Après quoi, Boyeldieu retourne prendre quelque repos auprès des siens, à Monsures. Il y a la surprise d'y trouver une lettre émanant du corps d'officiers du 4e de ligne et une épée d'honneur offerte par ces derniers (papiers du général Boyeldieu). Il est être profondément sensible à ce respectueux témoignage d'estime et d'affection, comme en témoigne la lettre suivante :

"Au camp de Boulogne, le 15 septembre 1811
Les officiers du 4e régiment de ligne à M. le baron Boreldieu, général de brigade, adjudant-général dans la Garde impériale.
Général,
Nous n'essaierons plus de renouveler l'expression des regrets pénibles que votre départ nous cause. Vous ne douterez jamais de leur sincérité si vous daignez vous rappeler ce que vous fûtes pour nous. C'est sous vos ordres que le régiment justifia tant de fois son ancienne et glorieuse réputation et c'est à vous qu'il doit aujourd'hui cette belle discipline qui le distingue et lui mérite partout des éloges si flatteurs.
Cette adresse a pour but de vous offrir un gage des sentiments d'amour et de reconnaissance dont nos cœurs sont remplis. Nous vous prions d'agréer une épée comme l'objet le plus digne de vous et le seul que nous puissions vous présenter. Que cette épée seconde dignement votre valeur et qu'elle vous serve à défendre une vie précieuse pour laquelle chacun de nous ferait volontiers le sacrifice de la sienne. Enfin, qu'elle vous rappelle dans toutes les circonstances ceux qui ont le bonheur de vous l'offrir, et devienne l'instrument de votre gloire, comme elle est le pur hommage de notre reconnaissance et de nos vœux les plus chers
(note de la Sabretache : l'épée offerte au général Boyeldieu est conservée au Musée de Picardie, à Amiens. Elle est placée dans une vitrine, sous un portrait en pied de Boyeldieu en tenue de général de division. Ce tableau, offert au Musée le 1er mai 1873 par MM. Boyeldieu, Dragonne et Magniez, neveux du général, a été peint vers 1872 par Ch. Crauk qui s'est vraisemblablement servi, pour la tête, du portrait peint à Freising en 1806. Le tableau du musée d'Amiens, pieux hommage familial, n'offre donc au point de vue documentaire qu'un intérêt secondaire )". (Suivent les signatures.)

A cette respectueuse adresse (Note de la Sabretache : "M. le baron Boyeldieu, colonel du 4e régiment de ligne, a été promu au grade d'adjudant-général dans la Garde Impériale. Ses rares qualités le font regretter du corps qu'il commandait. Les officiers de ce régiment viennent d'adresser une épée à leur digne chef comme un témoignage de leur estime, de leur reconnaissance et de leur affection et ils ont désiré que l'expression de leurs sentiments et de leurs regrets fût rendue publique par la voie de ce journal. Nous nous empressons de satisfaire à leur juste et honorable demande" - Journal de l'Empire du lundi 14 octobre 1811 ), le général répondit par la lettre suivante (une copie de cette lettre figure dans les papiers du général) :

"Monsures, le 20 septembre 1811.
A Messieurs les officiers du 4e régiment de ligne.
Messieurs,
Je ne saurais vous exprimer les sentiments que j'éprouve en recevant votre lettre du 15 de ce mois. J'ai donc été assez heureux en justifiant la confiance de notre auguste souverain, de mériter aussi la votre. J'en accepte le gage avec la plus vive reconnaissance, et cette épée dont vous me faites hommage ne fera qu'ajouter au souvenir d'avoir eu l'honneur de commander le brave 4e régiment de ligne; elle me rappellera aussi toujours que ce fut aidé de vous, Messieurs, que je parvins à mériter la nouvelle faveur de l'Empereur.
J'ai l'honneur de vous saluer avec la plus haute considération. Le général de brigade, adjudant-général de la Garde, Baron BOYELDIEU
".

Le 22 septembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Boulogne, au Général Lacuée, Comte de Cessac, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre, à Paris : "J'ai trouvé les 4e, 19e, 46e régiments, qui sont au camp de Boulogne, assez bien habillés. Les draps qui leur ont été fournis cette année sont supérieurs à ceux des autres années. Les corps se plaignent, en général, que l'administration de la guerre leur fournit tout, tels que shakos, gibernes, etc. ce qui a l'inconvénient qu'ils payent ces objets cher et qu'ils sont moins bons. J'ai vu des shakos qui sont trop étroits. Tous préfèrent que l'administration de la guerre ne leur fournisse que les draps, comme cela se faisait il y a deux ans, et leur passe le reste sur la masse d'habillement. Ils trouvent trop forte la réduction faite pour l'évaluation des habits. J'ai vu que des régiments avaient eu pour les anciens soldats plus d'habits qu'il ne leur en revenait.
Tous les militaires croient que l'administration de la guerre se charge de beaucoup trop de détails, et que cela est plus nuisible qu'utile ; que tout devrait se réduire à leur fournir le drap : cela paraît sage ...
" (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 18146; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28716).

Situation en Octobre 1811 (côte SHDT : usuel-181107-02)

Chef de corps : BUCQUET Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements du Cher - de la Côte d'Or - de l'Orne de 1811
BONY Major - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Vauchey à Dieppe - 15e division militaire - Grande armée
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Teulle à Havre - 15e division militaire - Grande armée
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Chavannes à Havre - 15e division militaire - Grande armée
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Evers à Havre - 15e division militaire - Grande armée
5e bataillon à dépôt

- Corps d'Oudinot en 1809

En parallèle des opérations du 4e Corps, il nous faut maintenant parler de la Division Oudinot. En février 1809, la guerre étant imminente, Napoléon décide de transformer la Division de grenadiers et voltigeurs réunis en un véritable corps d'armée fort de 39 Bataillons répartis en 13 Demi-brigades, chacune à trois Bataillons. Chaque Bataillon doit être composé de six Compagnies dont deux d'élite. Voici au 1er février 1809 la situation des éléments du 4e de Ligne concernés : ils font partie de la 1ère Division (Claparède), 3e Brigade et sont intégrés à la 4e Demi-brigade d'Infanterie de Ligne Comminet (situation également donnée par Nafziger - 809BBR en date du 7 février 1809; source citée : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902) :

Présents (grenadiers et voltigeurs)

Détachements tirés des conscrits de la Garde

Cies de fusiliers formant les 12 1ères cies de marche

Détachements formant le 13e Bat de marche

Totaux

Manque au complet de 560

179 (186 début mars)

95

263

539

21

Fusilier du 4e de Ligne d'après Carl 1809 Fusilier du 4e de Ligne d'après Boeswilwald 1810 Fusilier du 4e de Ligne d'après Bucquoy
Fig. 15 De gauche à droite : Fusilier d'après Carl; d'après l'Album Schmidt (source : Boeswilwald); d'après les Petits Soldats d'Alsace (source : Boeswilwald); d'après Bucquoy (Source : Collections Alsaciennes)
Fig. 15bis Sergent de Fusiliers portant le drapeau du 1er Bataillon de la 4e Demi-brigade de Ligne du Corps d'Oudinot (Rigo) ; en dessous, le drapeau conservé à Vienne (catalogue d'époque); à côté, photo du drapeau tel qu'existant aujourd'hui (communication de notre collègue et ami Dimitri Gorchkoff).

Le 13 février 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la guerre : "Monsieur le général Clarke, le corps du général Oudinot, au lieu d’être partagé en trois divisions, ne le sera qu’en deux. À cet effet, la 3e demi-brigade légère et la 4e demi-brigade de ligne feront partie de la 1re division ; la 5e et la 6e demi-brigade de ligne feront partie de la 2e division. Le général Claparède commandera une de ces deux divisions. Comme il paraît que chaque corps ne pourra fournir que deux compagnies de fusiliers au grand complet, jusqu’à ce que la conscription de 1810 ait complété les cadres, chaque bataillon ne sera que de 560 hommes, chaque demi-brigade de 1 680 hommes, chaque division de 10 000 hommes, et le corps entier de 20 000 hommes. Lorsque les 5e et 6e compagnies de fusiliers pourront être envoyées, je verrai si je dois former une 3e division, ou laisser seulement le corps à deux divisions.
... Le 6e bataillon de marche sera composé de deux compagnies du 4e de ligne, de deux du 18e de ligne, et de deux du 46e ...
Ces douze bataillons de marche seront réunis du 1er au 15 mars à Strasbourg.
Vous donnerez ordre que chacune de ces compagnies soient complétées à 140 hommes.
Donnez ordre que les dépôts fournissent à chaque homme une capote et 3 paires de souliers, dont deux dans le sac et une aux pieds.
Si les dépôts ne pouvaient compléter ces compagnies, ils en enverront toujours les cadres, avec tout ce qu’ils ont de disponible, et vous ferez connaître ce qui manquerait, afin que je le fasse tirer des conscrits de ma Garde.
Vous donnerez ordre que tous les détachements de ma Garde qui doivent partir de Paris, pour porter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs au grand complet, soient prêts à partir le 15 pour se rendre à Strasbourg. Ils seront formés en bataillons de marche. Vous prescrirez aux différents commandants de ma Garde d’en passer la revue, de n’envoyer que des hommes qui sachent faire l’exercice à feu, et de les faire habiller de l’uniforme d’infanterie légère, avec les boutons des régiments où ils doivent entrer ; on me les présentera à la parade du 16, et ils partiront le 17.
J’ai donné ordre au corps du général Oudinot de se réunir à Augsbourg.
Si le général Claparède est encore à Paris, donnez-lui l’ordre de se rendre à Strasbourg186 pour y attendre ces détachements, et exécuter les ordres qui lui seront donnés. Il sera chargé de mener cette colonne.
Par ce moyen, il y aura entre Strasbourg et Augsbourg de quoi compléter les 12 brigades du corps du général Oudinot, à 12 compagnies chacune, c’est-à-dire à 20 000 hommes. Comme il y aura 12 demi-brigades, il faudra 36 chefs de bataillon et adjudants-majors. Présentez-moi la nomination de ceux qui manquent, et vous les dirigerez sur Strasbourg, pour de là rejoindre le corps. Il faudra 12 majors, le corps en a huit ; c’est quatre à envoyer. Il faut 6 généraux de brigade ; faites-moi connaître ceux qu’il faudrait envoyer.
Il faut à chaque division 18 pièces de canon, c’est-à-dire 36 pour les 2 divisions. Le corps en a 18 ; faites-moi connaître la situation du parc de l’armée du Rhin, et s’il peut fournir les 18 autres pièces.
Ainsi, à la fin de mars, j’aurai au corps du général Oudinot 20 000 hommes, 36 pièces de canon avec caissons et double approvisionnement, un général de brigade d’artillerie, deux compagnies de sapeurs, une compagnie de pontonniers, un colonel du génie, trois officiers du génie, 6 000 outils attelés, 40 caissons d’infanterie, 20 par division, la division de cuirassiers Espagne, et la brigade de cavalerie légère composée de 3 régiments que j’ai attachés à ce corps. Ce qui fera un corps de près de 30 000 hommes.
Il faut qu’il y ait un commissaire des guerres par division, et deux adjoints, et les chefs de service nécessaires. L’armée du Rhin a en personnel de quoi organiser tout cela ...
" (E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2767 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20016).

En février, il est ordonné à toutes les Compagnies du centre formant le 4e Bataillon des Régiments dont les Compagnies d'élites sont affectées aux Grenadiers et Voltigeurs réunis, de les rejoindre à Augsbourg. Cela concerne donc les 4 Compagnies du 4e Bataillon du 4e de Ligne :

Etat des Bataillons de marche destinés à rejoindre le Corps du Général Oudinot et qui sont dirigés sur Strasbourg :

6e Bataillon de marche : 4e de Ligne, 1ère et 2e Compagnies de Fusiliers (280 hommes) ; départ 17 février de Nancy ; arrivée 12 mars à Strasbourg. Sur les 280 hommes demandés, 227 ont été mis en marche à partir du 5 mars depuis Strasbourg. Ils doivent être à Augsbourg le 22 (donné également par Nafziger 809CBV - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).

Une situation extraite de la Collection Nafziger donne également la situation de l'Armée française du Rhin du 5 au 28 mars : Corps de réserve sous le Général de division Oudinot, lère Division Claparède, 3e Brigade, 4e Demi-brigade : 186 hommes provenant des Grenadiers et Voltigeurs du 4e Bataillon, 95 hommes issus des Conscrits de la Garde, 280 hommes tirés des 1ère et 2e Compagnies de Fusiliers (Nafziger 809CBT - source : Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902).

Situation de la Division Oudinot au 9 mars 1809 (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20309) :

Divisions

Brigades

1/2 Brigades

Bataillons

Présents
Situation des grenadiers et voltigeurs réunis

Détachements tirés des conscrits de la Garde

Compagnies de fusiliers formant les 12 premières compagnies de marche

Détachement formant le 13e bataillon de marche

Totaux

Manque au complet de 560 par brigade

Excédent sur le complet

Par bataillon

Par 1/2 brigade

1ère division général Claparède

3e brigade le général

4e 1/2 brigade d'inf. de ligne Major Comminet

4e de ligne

18e de ligne

46e de ligne

179

236






95

41

265

287



539

564



1103

21





4

Début avril, les 5e et 6e Compagnies du 4e Bataillon (280 hommes demandés) sont également mises en marche pour rejoindre le Corps d'Oudinot ; elles quittent Nancy le 10 avril et arrivent à Strasbourg le 14. De là, elles doivent rejoindre les Compagnies d'élite concentrées à Augsbourg. A la date du 15, le 4e au Corps d'Oudinot présente la situation suivante :

1ère Division : Général de Division Tharreau (7145 hommes)

Brigade du Général Jarry : 4e Demi-brigade de Ligne, 4/4e de Ligne (14/477)

(Nafziger donne également cette situation, mais à la date du 15 avril 1809 - Nafziger 809DAE)

Le 22 avril, le 4e de Ligne a toujours son 4e Bataillon à la 2 Division Tharreau, Brigade Jarry (Nafziger 809DAA - source : Buat, E., "Etude Critique d'Histoire Militaire, 1809, de Ratisbonne à Zanïm", Librairie Militaire R. Chapelot et Cie, Paris, 1909).

Au 1er mai, la 4e Demi-brigade de Ligne, commandée par le Colonel en second Comminet, est organisée de la manière suivante :

- 1er Bataillon : 1 Compagnie de Grenadiers, 4 Compagnies de Fusiliers et une Compagnie de Voltigeurs formant le 4e Bataillon du 4e de Ligne, totalisant 16 Officiers et 272 hommes ; 393 hommes dans les hôpitaux.

- 2e Bataillon : 4e Bataillon du 18e de Ligne

- 3e Bataillon : non formé.

A cette date, la 4e Demi-brigade fait partie de la Brigade Razout. Le 3 mai, la Division Oudinot prend part à la bataille de Ebersberg (Nafziger 809EBA - source : R. W. Litschel, "Das Gefecht bei Ebelsberg am 3. Mai 1809") ; le 1er Bataillon de la 4e Demi-brigade y perd son drapeau de serge tricolore (voir uniformes).

Le Corps d'Oudinot est affecté au 2e Corps commandé par le Duc de Montebello (Lannes). Le 21 mai, le 4e Bataillon combat à Aspern et le lendemain, il est à la sanglante bataille d'Essling où le Maréchal Lannes, qui s'y couvre de gloire, est mortellement blessé (Nafziger 809EBI - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Aspern am 21. und 22. May 1809"; Saski, "Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche", Paris, 1902). Lannes est remplacé par Oudinot et c'est sous les ordres du Général Tharreau que les Demi-brigades continuent la campagne.

Le 28 mai, le 4e Régiment d'Elite compte 1230 hommes. Notre Bataillon se trouve toujours le 1er juillet à la 1ère Division Tharreau (Nafziger 809EBI).

Le 4e Bataillon du 4e de Ligne ne combat pas à Wagram (bien que donné dans l'ordre de Bataille par Nafziger 809GCE - sources : M. Rauschensteiner, "Die Schlacht bei Deutsch-Wagram am 5. und 6. Juli 1809"; Litre, E. F., "Les Régiments d'artillerie à pied de la Garde", Paris, 1895; Buat, E., "Etude Critique d'Histoire Militaire, 1809, de Ratisbonne à Znaïm", Librairie Militaire R. Chapelot et Cie, Paris, 1909).

Par contre, la Division Oudinot, en juillet, cantonne sur l'ancien champ de bataille, étant chargée de récupérer les milliers de fusils et de baïonnettes laissés par les morts et les blessés de l'horrible boucherie. Cependant, la guerre d'Espagne réclamant de plus en plus de soldats, les Bataillons, petit à petit, rejoignent leurs anciennes unités.

Le 23 août 1811, le 4e passe sous le commandement du Colonel Bucquet ; puis le 21 septembre 1811, sous celui du Colonel Charles-Baptiste-Bertrand Massy.

Bucquet (Baron)

Né le 4 juin 1776. Sous lieutenant le 12 février 1793; Capitaine le 14 vendémiaire an IV; Chef de Bataillon le 9 Thermidor an VIII; Colonel du 4e le 23 août 1811; Général de Brigade le 23 septembre 1812. Blessé à Heilsberg, à la Moskowa, à Bautzen.


Charles Baptiste Bertrand Massy

Né le 5 avril 1777 à Ségur (Corrèze); Sous lieutenant le 15 juillet 1792, à un Bataillon incorporé dans la 4e Demi-brigade; Lieutenant le 15 novembre 1793; Capitaine le 7 nivôse an II; Aide de camp du Général Augereau; Colonel du 4e le 21 septembre 1811. Tué à la Moskowa le 7 septembre 1812.

"Le troisième aide de camp du général Augereau était le chef d'escadron MASSY, un des plus beaux officiers de l'armée... Incorporé dans la célèbre 4e demi-brigade, il commandait comme capitaine, la compagnie de grenadiers qui marchait à l'attaque du pont d'Arcole guidée par les généraux Bonparte et Augereau en personne. Massy avait eu dans cette affaire le pied brisé par une balle... Il refusa de se laisser amputer malgré l'avis des médecins, et guérit parfaitement... Devenu aide de camp d'Augereau, il vint au quartier général le 22 novembre 1805 porter à l'empereur les étendards pris à Jellachich par Augereau et assista ainsi à la bataille d'Austerlitz. Le soir de la bataille d'Eylau, il prit le commandement du 7e corps d'armée, le général Augereau, ainsi que tous les généraux de division, de brigade et les colonels ayant été mis hors de combat dans cette triste affaire. Massy eut la joie de se voir nommé colonel de son ancien régiment, le 4e, dans lequel il avait laissé de glorieux souvenirs. Un boulet lui emporta la tête à la bataille de la Moskowa... La mort de ce brave officier fut une perte pour l'armée" (Mémoires du Général Marbot).

Précisons qu'une biographie de Massy a été publiée par les Carnets de la Sabretache en 1912 : première partie page 129 (avant sa nomination au 4e de Ligne); page 224 (après sa nomination)

Portrait du Colonel du 4e de Ligne Massy, extrait du Carnet de la Sabretache de 1912

Revenons sur la nomination de Massy. L'Empereur l'a nommé au grade de Colonel du 4e de Ligne le 21 septembre 1811 (Archives du Ministère de la Guerre), dont il lui fait prendre le commandement, en sa présence au camp de Boulogne, alors qu'un mois plus tôt, l'Empereur nommait à la tête du 4e le Colonel Bucquet. Il semble y avoir ici un imbroglio, qui justifie le fait que le 5 novembre 1811, le Duc de Feltre écrit depuis Paris à l'Empereur : "Sire, Votre Majesté, par décret du 23 août dernier, a nommé M. Buquet, colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne.
Cet officier était à Nancy, au dépôt de son régiment, où il prenait connaissance de l'administration de son corps, lorsqu'il apprit le départ de V. M. pour Boulogne.
Il prit aussitôt la poste pour se rendre à Boulogne, mais il apprit, à son arrivée, que pendant son absence, V. M. par décret du 21 septembre dernier avait disposé de son emploi en faveur de M. Massy, major du régiment, présent à la revue de V. M.
Depuis cette époque, un décret du 14 octobre a fait passer M. Buquet au commandement du 30e régiment d'infanterie de ligne.
J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de V. M. la lettre du colonel Buquet qui contient tous les détails de cette intrigue à laquelle le général Razout ne me paraît pas étranger
". L'Empereur répond depuis Compiègne, le 11 novembre 1811 : "Le ministre doit faire une enquête pour savoir si le chef de bataillon Evertz avait reçu ou non la lettre du ministre. — Si ce chef de bataillon l'avait reçue, il est très très coupable, et doit être sévèrement puni" (Brotonne (L. de) : « Dernières Lettres inédites de Napoléon 1er, collationnées sur les textes et publiées », Paris, 1903, t. 2, lettre 1645).

Le 4e Régiment d'Infanterie de Ligne va séjourner à Boulogne jusqu'au 1er février 1812, date à laquelle il part pour la Russie. Massy a écrit au cours de cette périodes des lettres, qui ont été publiées par la Sabretache.

Le 8 novembre 1811, Massy écrit à sa femme :

"EMPIRE FRANCAIS
Au camp de Gauche, le 8 novembre 1811
Le colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne.
à sa Julie bien-aimée
J'ai remporté, avant-hier, une victoire complète, ma chère Julie. Mes ennemis ont été obligés de capituler. Les conditions ont été signées chez M. le maréchal, après un bon diner qu'il nous a donné.
J'avais jugé d'avance la marche des régiments qui venaient m'attaquer. Il ne m'a pas été difficile de déjouer leurs projets, et de profiter, sur eux, de la connaissance du terrain. M. le maréchal a approuvé mes manœuvres, tous les généraux ont hautement loué mes dispositions. Ton Charles passe, ici, pour un bon tacticien. Ce n'est pas un petit avantage auprès de ces Messieurs.
Ta lettre du 1er novembre, que j'ai reçue avec tant de plaisir, ma chère amie, me rend mon existence aussi paisible que la tienne. Tu conçois, avec raison, l'impossibilité de pouvoir nons réunir avant la belle saison. Que de chagrin j'aurais si tu étais, ici, pr ès de moi, obligée de supporter toute la tristesse du camp et l'humidité de mon logement. Ta santé serait exposée, que deviendrais-je, si ma Julie était, ici, malade, éloignée de tout secours ! Patientons, mon amie, La mauvaise saison sera bientôt écoulée et le printemps, en ramenant les plus beaux jours, ramènera nos amours.
Je te laisse la seule et unique maitresse de gouverner notre Oscar. Si tu penses qu'il soit trop de bonne heure pour le sevrer, continue à lui donner sa nourriture ordinaire, pourvu, cependant. que cela ne puisse nuire à ta santé. Rien au monde ne m'est aussi cher que ma Julie.
Il fait, ici, un si mauvais temps, que je crains beaucoup pour mon camp. Le vent a déjà enlevé quelques couvertures de baraques et renversé des pignons. Nous sommes vraiment dans unc triste passe, et l'hiver ne nous promet rien de meilleur.
Je te prie de dire à papa, chère amie, que je suis en correspondance avec M. Dunand, et qu'aujourd'hui je lui fais passer toutes les pièces nécessaires pour toucher, à l'Administration générale, le dividende échu au 1er juillet dernier, qui est porté à 800 francs pour ma dotation (
Note : elle reposait sur des biens en Hanovre. Par suite du traité de 1825, elle fut convertie au profit de sa veuve et de ses descendants, en une pension de donataire dépossédé, de 500 francs. Le titre en fut détruit lors de l'incendie du ministère des Finances, pendant la Commune, en 1871). M. Dunand me prévient que, par aperçu des fonds qui sont déjà rentrés, pour les deuxièmes dividendes, je serai porté, au mois de janvier prochain, dans la répartition, pour la somme de 1.000 à 1.100 francs. M. Dunand sera chargé de toucher les fonds, jusqu'à concurrence du paiement de ce qui lui est dù. Il me sera facile, après, de te faire parvenir, sans frais, cette somme.
Dis-moi si tu as reçu la lettre dans laquelle je parlais, à papa, au sujet de Z ... ? Le ministre ne m'a pas encore répondu pour son frère.
Adieu, ma chère et bonne Mimi, fais-moi le plaisir de bien embrasser Oscar pour moi, et mon cher papa, Je t'aimerai et serai, pour ma vie, ton ami.
MASSY
Nous devons, d'après les ordres que je reçois dans le moment, nous rendre chez M. le maréchal pour affaires de service. Il fait, cependant, bien mauvais temps, Ton Charles qui t'aime
".

Le 12 novembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cîoud, au Comte Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d'Honneur, à Paris : "On m'assure que le chef de bataillon Everts, du 4e de ligne, a été nommé officier de la Légion d'honneur n'étant pas encore légionnaire. Vous deviez vérifier le fait, et, s'il était vrai, me renvoyer mon décret. Vous n'êtes pas excusable.
Vous savez que j'ai toujours pour principe de ne faire jamais officier dans la Légion d'honneur si l'on n'est pas déjà légionnaire, ainsi que pour tous les grades. Lorsqu'une erreur a lieu, c'est à vous à représenter le décret
" (Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18255; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29053). Le dossier du Chef de Bataillon Henri Pierre Everts porte qu'il a été nommé Chevalier le 7 septembre 1811. Rien ne semble établir qu'il ait été fautivement nommé Officier au préalable.

Deuxième lettre du Colonel Massy :

"Du camp de Gauche, le 14 novembre 1811, Le colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne à sa chère Mimi.
Tu te rappelleras, sans doute, ma bonne amie, que dans une de mes précédentes lettres, je te disais qu'un mois avant ma nomination de colonel du 4e régiment, l'Empereur avait nommé, sur la proposition du ministre de la Guerre, un colonel à ce corps. Mais les Ordres de service de M. Buqué (celui qui devait prendre, avant moi, le commandement de mon régiment), ne lui parvinrent que vingt jours après sa nomination. M. Buqué ne put donc se trouver à Boulogne à la revue de l'Empereur. Je fus nommé colonel en son absence. Trois jours après mon nouveau grade, M. Buqué arriva à Boulogne, pour prendre le commandement de son 4e régiment. Il fut tout étonné d'apprendre que l'Empereur avait nommé un autre colonel à ce corps, et qu'il se trouvait à la disposition du ministre de la Guerre. M. Buqué partit de suite pour Paris, pour réclamer son régiment. Le ministre, surpris autant que lui, écrivit à l'Empereur en faveur de M. Buqué. Deux maréchaux d'Empire prirent fortemcnt les intérêts de M. Buqué. Appuyé par ses protections, M. Buqué revenait à Boulogne, en attendant la décision de S. M. I., et se vantant que je serais bientôt dépossédé de mon commandement.
Ce qui était plaisant, c'est que toutes les fois que nous nous rendions chez M. le maréchal, on y trouvait toujours deux colonels du 4e régiment. Un qui commandait le régiment, et l'autre qui espérait le commander bientôt. Ce procès est demeuré en litige pendant un mois ! Enfin, la décision de l'Empereur est arrivée hier. Par un ordre daté de Dusseldorff, l'Empereur ordonne : que le colonel Massy, nommé le 22 septembre, et reconnu en sa présence, commandera le 4e régiment de ligne, et que M. Buqué partira de suite, pour se rendre à Stettin, en Prusse, où il prendra le commandement du 30e régiment de ligne.
Tu vois, mon amie, que c'est pour la troisième fois que je suis nommé colonel du 4e régiment ! Il faut que notre souverain m'ait jugé bien digne de sa bienveillance, pour avoir mis de côté toutes les réclamations qui lui ont été faites en faveur de M. Buqué. J'étais, toujours, sans inquiétudes. La brillante réception qui me fut faite, en prenant le commandement de mon régiment, devait être maintenue. Jc ne suis pas fâché des démarches qui ont été faites par mon antagoniste. Il n'a pu réussir; cela me donne la certitude que S. M. l. se rappelle, avec plaisir, de son dévoué colonel.
Je terminerai par te dire, ma Mimi, que tes charmantes lettres me font éprouver, en les lisant, un plaisir toujours nouveau. Notre cher et robuste Oscar sera, j'espère, digne, un jour, de son père. Il marche déjà, et bientôt il pourra monter à cheval. Je t'invite à lui en acheter un, bien petit. Je suis obligé de clore ma lettre pour aller à l'exercice, Je t'aime toujours à la folie. Ce sera toujours de même pendant toute ma vie. Je vous embrasse tous.
Ton bon Charles
".

Troisième lettre du Colonel Massy :

"Au camp de Gauche, le 6 décembre 1811.
J'ai reçu avec bien du plaisir, ma petite amie, ta lettre du 29 novembre. Tu voudras bien, je te prie, remarquer que je ne veux nullement m'occuper de toi, ni de tes projets. Je voudrais, je t'assure, qu'ils fussent réalisés. Nous nous trouverions beaucoup mieux tous deux. Si, cependant, nos désirs ne sont pas accomplis, dans l'acquisition projetée (
une propriété dont sa femme avait envie), que cela ne t'inquiète pas. Nous trouverons bien des occasions de placer nos fonds. Je ne néglige aucun moyen de parvenir à établir notre habitation. Tout réussira à mon gré; avec du travail et du temps, nous aurons notre Biftec (sic) assuré. Je sais bon gré à notre bonne maman d'avoir été rendre une petite visite à nos chers parents et à ma Julie. Tu me dis qu'elle trouve notre Oscar superbe. L'amitié et l'attachement que cette chère maman a pour nous, pourrait être cause de son indulgence pour Oscar. Je veux que tu me dises toi-même, et que cela soit ensuite certifié par la maman Bordas (sa belle mère), qu'Oscar a une petite figure passable. Après cela, je pourrai croire que notre cher amour mérite, à juste titre, ces éloges qu'on lui donne. Ses cheveux grandissent-ils ? C'est, sans doute, sa méchanceté qui les empêche de pousser, Je crois que s'il continue, il pourra, à l'âge de 25 ans, se faire respecter.
M. le maréchal est parti pour un petit voyage sur les côtes.
Plusieurs assurent qu'il se rendra à Paris dans peu de jours. Nous n'avons encore rien de nouveau pour notre déplacement. Je continue à faire bâtir, malgré le mauvais temps. Mais les gelées me forceront d'abandonner mon travail. Tu ne veux donc pas te débarrasser de ton maudit rhume ? Je te préviens que, si tu es, au printemps prochain, dans le même état, je me chargerai de te guérir.
Adieu, ma Julie, je t'embrasse du fin fond de mon cœur.
Ton bon Charles.
Un grand baiser à notre Oscar. Embrasse papa et nos mamans de ma part
".

Quatrième lettre du Colonel Massy :

"Au camp (de Boulogne), 9 décembre 1811, à sept heures du matin.
Je dois de suite réunir mon régiment, pour me rendre dans la plaine pour les grandes manœuvres. Je ne pourrai donc, ma chère Julie, disposer d'un instant dans la journée, pour te donner de mes nouvelles et t'accuser réception de ton aimable lettre. Je puis te protester qu'à chaque fois que j'en reçois, je suis enchanté, et je ne pourrai m'empêcher de te savoir mauvais gré, si tu négliges de m'écrire tous les jours fixés pour notre correspondance. Il y a de grandes choses nouvelles dans notre position. Tout ce qui se fait, ce qu'on me demande, ne me laisse point ignorer que nous devons, dans quelques mois, diriger nos pas vers le Nord. La certitude que j'ai de rester encore quelque temps tranquille, me fait prendre la détermination de te demander si tu ne serais pas désireuse de faire un petit voyage et venir visiter ton Charles ? La saison ne te fait-elle point peur ? Oscar pourrait-il supporter la route, en te faisant seconder par sa bonne ?
Pourrais-tu venir jusqu'à Paris, où j'irais te chercher ? Fais tes réflexions. Prends conseil de papa. Pour moi, je ne calcule que le désir que j'ai de voir ma Julie et mon Oscar. Je te préviens que tu ne seras pas magnifiquement logée, dans ce pays. Le bonheur de notre réunion tiendra lieu du reste.
Chère Mimi, mande-moi, sans retard, quelle sera ton intention et de quelle manière tu pourrais te rendre dans la capitale, où ton Charles irait te chercher. Mon amie, lorsqu'il dépend de nous d'être heureux, ne négligeons jamais de profiter des occasions qui pourront seconder nos désirs. La vie de ce monde est courte ! C'est un voyage bientôt fait ! Tâchons de l'embellir par les plaisirs de l'amour.
Je vais faire manœuvrer. Je ferai faire à mon régiment un changement de front, vers les lieux que tu habiteras, et je ferai exécuter, en ton honneur, des feux de bataillons.
Ton ami bien soucieux et fidèle,
CHARLES
Embrasse notre Oscar et nos chers parents. Ne perdons pas de temps, et dis-moi si tu peux te mettre en route, et quand ?
".

Le 23 décembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Lacuée, Ministre de l'Administration de la Guerre : "... Voici comment sera composée l'armée :
5 bataillons de chasseurs des régiments du corps d'observation de l'Elbe, hormis le 33e 1éger qui n'en aura que 4 ...
4 du 4e de ligne ...
Je désire que tous ces bataillons aient un caisson de transport ...
Il est nécessaire que chaque régiment ait sa forge de campagne et son caisson d’ambulance ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29440).

- Espagne, 1809-1811

Le 12 avril 1809, Joseph écrit, depuis Madrid, à Napoléon : "… Je prie Votre Majesté d'autoriser le passage à mon service de M. Guy, chef de bataillon du 4e de ligne, aujourd'hui aide de camp du général Bisson …" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 6, p. 153).

Concernant l'Espagne, l'Empereur écrit, le 7 janvier 1810, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, les quatre premiers bataillons auxiliaires qui sont à Versailles seront réduits à deux, composés de la manière suivante. Savoir :
1er bataillon (infanterie de ligne)
1re compagnie 2 officiers et 101 soldats du 4e régjment de ligne
40 [soldats] du 18e
1 [offiicer] 31 [soldats] du 30e
[Total] 3 officiers 172 hommes ... 2e batailllon (infanterie légère) ...
Le comte de Lobau dressera procès-verbal de la formation de ces deux bataillons avant le 10 janvier ; les compagnies seront égalisées, leur chef de bataillon sera nommé pour commander chaque bataillon. Il sera également nommé à toutes les places d'officiers et de sous-officiers.
Les sous-officiers et soldats seront effacés des contrôles de leurs corps et, à dater du 1er janvier 1810, l'existence de ces bataillons sera reconnue, et ils seront payés directement par te Trésor. Il y aura trois tambours par compagnie.
Au fur et à mesure que les bataillons auxiliaires viendront à se former, au lieu de 12, les cadres seront resserrés, de manière que chaque bataillon soit porté au complet de 840 hommes.
Un colonel en second sera nommé inspecteur de tous les bataillons auxiliaires. Il sera chargé de rendre compte au ministre de leur formation et de veiller à ce que les différents détachements partent des lieux où ils se rassemblent, bien organisés et complets en officiers, sous-officiers et soldats.
Le 5e bataillon auxiliaire qui se réunit à Lyon en partira avec la formation provisoire qu’il aura reçue dans cette ville, et se rendra à Bayonne où il sera définitivement formé.
Faites-moi connaître pourquoi les corps ont envoyé aux bataillons auxiliaires des détachements dont la force est si peu proportionnée aux demandes qui leur ont été faites ; je désire savoir quand ils pourront envoyer le reste.
Aussitôt qu’un bataillon auxiliaire sera formé, présentez-moi un projet de décret pour lui donner une éxistence régulière.
Faites mettre à la dispositionn du comte Lobau une trentaine de jeunes gens de Fontainebleau, pour être placés dans ces bataillons.
Surtout ayez soin de mettre à Versailles un colonel en second qui veille à l’instruction
P.S : Vous dirigerez sur le second bataillon deux compagnies d'infanterie légère, faisant 300 hommes, pour compléter ce bataillon
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3904 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22808).

Le 20 janvier 1810, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon cousin, cinq bataillons auxiliaires sont organisés à Versailles. Je désire qu'ils partent bientôt. Pressez le ministre de la Guerre pour pourvoir aux places vacantes. Vous en ferez passer la revue le 22 par un de vos aides de camp ; et sur le compte qu'il vous rendra, vous ferez fournir par le ministre de la Guerre tout ce qui serait nécessaire à ce bataillon. Vous en passerez vous-même la revue le 28, afin qu'il puisse partir le 1er février.
Vous me ferez connaître quand ces bataillons auxiliaires, les quatre régiments de marche et les vingt escadrons de gendarmerie pourront se mettre en mouvement pour se rendre à Bayonne
" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22911).

Le 22 janvier 1810, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon cousin, donnez ordre aux quatre régiments de marche de partir le 1er février pour se diriger sur Bayonne où se réunit la 3e division du 8e corps. Donnez ordre aux cinq bataillons auxiliaires qui sont organisés à Versailles de partir également le 1er février. Vous les ferez marcher à petite journée. Il sera donné à ces cinq bataillons auxiliaires et aux quatre régiments de marche deux paires de souliers par homme à Bavonne ou à Bordeaux, selon que les souliers seront dans l'une ou l'autre de ces villes" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22933).

Le 22 janvier 1810 encore, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... On me rend compte que cinq bataillons auxiliaires sont organisés à Versailles. Mon intention est qu'ils partent au 1er février" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22936).

Le soldat Boulanger écrit en 1811 : " ... je me suis attaché à une fille qui est bien riche cela peut faire mon bonheur ..." (in Pierre Charrié : "lettres de guerre, 1792-1815"). De son côté, Auguste Alexandre Goffart, Conscrit de 1808, Fourrier à la 3e Compagnie du 3e Bataillon du 4e de Ligne, capturé par les Anglais en 1811, écrit le 10 juin 1811 depuis Porchester pendant sa captivité : "Je profite d'une bonne occasion pour vous écrire une quatrième lettre depuis huit mois que je suis prisonnier en Angleterre. On vient de prévenir les prisonniers que tous ceux qui désireraient écrire pour la France que les lettres vont partir de suite. Si j'ai le bonheur que celle-ci vous parvienne, je me consolerai un peu, car je vous assure que je souffre beaucoup de ne recevoir plus souvent de vos chères nouvelles. Jusqu'alors, il ne m'est parvenu de vous, depuis que je suis entré en campagne, qu'une seule lettre que j'ai reçue en Espagne. Je vous apprends que j'ai eu le malheur d'être fait prisonnier à Coimbre en Portugal par les Portugais. Ils nous ont menés, sortant du dit endroit, à Oporto, port de mer où nous sommes embarqués pour Lisbonne, ville capitale du Portugal et de là nous mener à la voile en Angleterre. Nous fîmes environ huit cent lieues de trajet. Je vous assure que j'ai beaucoup souffert de cette traversée et que je souffre encore dans la prison de Porchester près de Porsmouth. Je n'ai aucun soulagement de personne. Je suis si malheureux que je suis obligé de me retrancher de ma petite ration pour acheter du papier" (E. Fairon, H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°346).

Le 20 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de l'Armée d'Espagne, à Paris "Mon Cousin, je trouve votre lettre au général Reille entortillée et mal rédigée. Mandez à ce général qu'au 20 juillet ... les 1er et 2e régiments provisoires d'infanterie seront dissous, et qu'il en sera formé les corps suivants, savoir : ... 2° un second bataillon de marche sous le nom de bataillon de marche de l'armée de Portugal, qui sera composé des compagnies des 4e, 2e et 36e lequel bataillon se rendra à Burgos, où il restera jusqu'au 1er août, terme auquel vous lui ferez parvenir des ordres ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17830 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27358).

Le 23 juin 1811, Napoléon écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, ... Vous donnerez ordre que dans le courant de juillet les 4es bataillons des 26e léger, 4e, 19e, 123e, 26e, 72e, 46e, 126e, 18e, 93e, 56e, 124e, 2e, 37e et 125e de ligne rejoignent leurs régiments. Vous laisserez le colonel et le général commandant la division choisir le jour de départ qui sera le plus commode pour le soldat, mais de manière que tous ces bataillons aient rejoint au 10 août. Vous donnerez ordre que tout ce qui est disponible dans les 5es bataillons soit employé à compléter ces 4es bataillons ..." (Correspondance de Napoléon, t.22, lettre 17846 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27413).

Le 27 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Vous donnerez l'ordre ... Que le bataillon du 4e de ligne fort de 700 hommes qui arrive le 12 à Toulouse y séjourne le 13 et le 14 et parte pour Pau le 15 ...
Tout cela doit faire partie du corps d'observation de réserve
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5850 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27818).

LES DEMI-BRIGADES PROVISOIRES DE JANVIER 1812

Dans la vaste réorganisation que Napoléon coordonne pour la Grande Armée qui va entrer en Russie, de nombreuses unités dites provisoires vont être levées, formées de détachements de divers Régiments : Bataillons de marche, Demi-brigades de marche, Bataillons de marche de tel ou tel Corps. Parfois versées dans leurs unités d’origine ou organisées en Divisions de Réserve.

Les Demi-brigades provisoires en 1812 sont formées à partir des 4ème Bataillons disponibles des Régiments d’infanterie. Elles vont peu à peu gagner l’Allemagne (ou l’Espagne ou l’Italie), remplacées sur leurs lieux de formation par les Cohortes de Gardes Nationales. Elles sont commandées par des Majors. On y réunit soit des Bataillons d’infanterie de Ligne, soit des Régiments d’infanterie légère entre eux, pour que les unités soient homogènes. Elles seront incorporées dans la seconde Ligne de l’Armée tandis que la force principale franchira le Niémen. Les 2e, 3e, 4e et 5e DB provisoires serviront sur la frontière espagnole et les 14e, 15e et 16e en Italie.

2eme DB provisoire : 4e bat des 4e, 64e et 100e de Ligne

- Campagne de Russie (1812)

- Le 4e de Ligne au 2e Corps

Collection particulière - S.E.H.R.I.

Ce n'est pas l'Espagne qui va accaparer le Régiment (bien qu'il semble que des éléments du 4e y ont combattu), mais la Russie. En effet, l'Empereur Alexandre ayant refusé d'appliquer plus longtemps dans ses Etats les clauses du blocus continental, la guerre ne devait pas tarder à éclater. Dès le commencement de 1812, Napoléon reforme la Grande Armée, forte de 600000 hommes, dont 420000 constituent l'armée d'opérations.

En janvier 1812, le 4e de Ligne est intégré dans la 2e Division du Corps d'Observation de l'Océan. En effet, le 2 janvier 1812, depuis Paris, Napoléon adresse ses hypothèses de travail, au Général Lacuée, à Paris : "Monsieur le Comte de Cessac, je vous envoie pour votre gouvernement l’organisation de la Grande Armée. Le corps de l’Elbe formera deux corps. Il est nécessaire d’envoyer un ordonnateur à chaque corps et tout le personnel d’administration qui est indispensable. Présentez-moi un objet d’organisation. Comme je n’ai pas encore organisé en deux corps le corps d’observation de l’Elbe, envoyez-y tout double.
NOTE SUR L’ORGANISATION DE LA GRANDE ARMÉE.
La Grande Armée sera partagée en quatre corps : le corps d’observation de l’Elbe en fera deux ; le corps d’observation de l’Océan en fera un ; le corps d’observation d’Italie en fera un autre.
La Grande Armée sera organisée, en 15 divisions d’infanterie.
CORPS D’OBSERVATION DE L’OCÉAN.
... 11e division (le lieu de réunion n’est pas encore fixé) : régiment illyrien, 4 bataillons ; 4e de ligne, 4 bataillons ; 18e de ligne, 4 bataillons ; 93e de ligne, 5 bataillons ; 2e régiment portugais, 2 bataillons ; total, 19 bataillons ...
" (Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18410 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29642).

Le 9 janvier 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, les neuf divisions du corps d'observation de l'Elbe seront toutes sur la droite du Rhin dans le courant de février.
Le corps d'observation d'Italie sera placé, en février, aux limites du royaume, dans le Tyrol.
Il ne reste plus d'ordres à donner que pour le corps d'observation de l'Océan ...
La 11e division (la seconde du corps d'observation de l'Océan), se réunira à Düsseldorf au 15 février.
Vous donnerez ordre au général Partouneaux d'être rendu à la même époque à Düsseldorf pour prendre le commandement de cette division.
Les quatre bataillons du régiment illyrien s'embarqueront à Strasbourg, pour être rendus le 15 février à Düsseldorf.
Le 4e de ligne partira le Ier février, du camp de Boulogne, pour se rendre à Düsseldorf, et y être le 15.
Le 18e et le 93e partiront de leurs garnisons respectives le plus tard possible, mais en calculant leur arrivée à Düsseldorf pour le 15 février.
Les deux bataillons portugais du 2e régiment régleront leur départ de manière à être arrivés le 15 février à Düsseldorf.
Deux généraux de brigade et un adjudant commandant seront employés dans cette division. Ils seront rendus à Düsseldorf pour la même époque. L'artillerie nécessaire à cette division se trouvera indifféremment à Mayence et à Düsseldorf ...
Au 1er mars, le corps d'observation de l'Océan aura deux divisions la 10e, composée de quinze bataillons, et la 11e, composée de dix-neuf bataillons ...
Je désirerais que tous les régiments français qui font partie des 6e, 8e, 9e, 10e et 11e divisions fussent au complet d'au moins 800 hommes par bataillon, présents sous les armes ...
Les 10e et 11e divisions sont composées du 24e léger (le compléter à quatre bataillons), du 46e (doit avoir cinq bataillons complets), du 72e (doit avoir quatre bataillons complets), du 4e de ligne (doit avoir quatre bataillons complets), du 18e (quatre bataillons) et du 93e (cinq bataillons, le 5e bataillon complété à Wesel). Le nombre d'hommes, pour arriver à ce résultat, ne doit pas être considérable et doit se trouver dans les dépôts de l'armée d'Espagne qui sont au Nord
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6618 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29705).

Cinquième lettre du Colonel Massy, écrite du camp de Boulogne, le 11 janvier 1812 : "Je fus hier dîner chez M. le général de division. Je n'ai rien appris relativement à notre départ du camp, de sorte que tout n'est que conjecture. Ce qu'il y a de positif, c'est que plusieurs régiments doivent partir le 15, et que les chevaux que je dois acheter pour le régiment doivent ètre rendus au corps à la fin du mois. De sorte que je ne sais quel parti prendre pour ton départ. Si nous partons, ce voyage serait bien pénible pour toi, et ensuite bien cruel. Si nous restons, ce sera du temps perdu, et bien agréable, que nous aurions passé ensemble.
Je te laisse à décider quelle doit être ta détermination. La saison et l'incommodité de notre Oscar seront aussi, peut-être, un obstacle à ton départ. Consulte, dans notre pénible situation, notre bon papa. S'il m'était possible de m'absenter, je t'aurais épargné bien de la peine. Je ne puis sortir de mon camp, et surtout actuellement, où je dois tout prévoir pour cette nouvelle organisation. Je suis embarrassé pour l'acquisition des chevaux qui me manquent. Je suis obligé d'envoyer en Normandie pour les faire chercher. Tu auras sans doute reçu ma petite boite et ton étrenne. Tu n'as point deviné, ma bonne Mimi, ce que je pouvais t'envoyer?
Connaissant, cependant, toute mon attention et le plaisir que j'ai de prévenir tes désirs, tu aurais dù croire, au moins, qu'était ce que tu as reçu. Sois sûre, ma chère Mimi, que tes désirs et ta satisfaction font tout mon bonheur.
L'indisposition de notre bon Oscar me donne du chagrin, Je voudrais, pour toutes ses brebis, son dada et ses taratatas, qu'il fût, maintenant, hors d'affaire.
Adieu, ma bonne Mimi, mon adorable Mimi, je t'embrasse mille et mille fois.
Ton fidèle, CHARLES.
Mes respects et mon amitié à tous nos parents. Tu vois que je suis bien pressé.
Tout à toi de cœur, ton ami
".

Le 16 janvier 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "Donner ordre que les 629 hommes portés dans l'état ci-joint, rejoignent leur régiment sans laisser aucun détachement en arrière. Par ce moyen, le 72e, le 2e de ligne, le 124e, le 125, le 4e, le 56e recevront des renforts dont ils ont besoin. Quant au détachement du 65e, donnez ordre également qu’il rejoigne" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1834 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 29770).

Le 1er février 1812, le colonel de Massy, à la tête de son régiment, quitte le camp de Boulogne, se dirigeant sur la Vistule, pour faire partie de la Grande Armée, qui va faire la campagne de Russie (Archives du Ministère de la Guerre).

A son entrée en campagne, le 4e de Ligne était ainsi composé (Archives de la Guerre) :

- 1er Bataillon Lannes : 18 Officiers, 557 hommes;
- 2e Bataillon Thomas : 17 Officiers, 551 hommes;
- 3e Bataillon Chavanne : 17 Officiers, 540 hommes;
- 4e Bataillon Everts : 16 Officiers, 546 hommes;
- Artillerie : 2 Officiers, 61 hommes;
Total : 70 Officiers et 2356 hommes.

Sous les ordres du Général de Brigade Compère.

Du 1er février au 1er avril 1812, l'itinéraire fut le suivant (Archives du Ministère de la Guerre) : Boulogne, Surques, Saint-Omer, Cassel, Bailleul, Lille, Tournai, Ath, Enghien, Bruxelles, Louvain, Saint-Tron, Tongres, Maëstrich, Aix-la-Chapelle, Juliers, Furth, Dusseldorf, Ernstein, Strasbourg, Barchères, Darstein, Dullman, Munster, Warendorf, Ruteberg. Paderborn, Kleisenberg, Cassel, Val, Cappel, Eisenach, Gotha, Erfurth, Buttelstadt, Noumbourg, Weissenfels, Leipzig.

Le 11 février 1812, Michel Defay écrit depuis Bruxelles à son frère :

"BRUXELLES le 11 Février 1812
Il y a longtems, mon cher Frère, que j'aurai du répondre à ta lettre du mois de juillet dernier. Tu ne pourras jamais admettre les excuses que je te ferai pour pallier ma faute. Quand je te dirai que mes occupations ont été si multipliées depuis plusieurs mois; que j'ai été tellement surchargé de travail que je n'ai pu trouver quelques heures pour m'entretenir avec toi; que j'ai continuellement travaillé jusqu'à minuit et souvent jusqu'à deux heures du matin, tout cela ne te satisfera pas. Eh bien je suis de ton avis. Malgré tout mon ouvrage, j'aurai du te répondre, je reconnois mes torts et veux les réparer.
Nous étions au havre quand je reçus ta lettre à lequelle je dois encore une réponse. Occupé alors à la formation de deux Bataillons d'élite qui devaient partir pour l'Allemagne, je remis cette réponse jusqu'à ce que je fusse débarrassé de ce travail; mais celui-là terminé, d'autres sont survenus. Les Bataillons d'élite ayant reçu contrordre, notre quatrième Bataillon est arrivé du dépôt et a été amalgamé avec les trois premiers, afin que les hommes de recrue dont il était composé fussent également répartis dans les quatre Bataillons. A peine avions nous terminé que nous reçuumes l'ordre de partir pour Boulogne où nous arrivâmes le 2 septembre, et où le régiment a travaillé pendant quatre mois a bâtir un nouveau camp. C'est là où j'aurai du t'écrire pour t'apprendre mon avancement. Tu as su sans doute que l'Empereur dans le voyage qu'il a fait dans le Nord de la France est venu voir le camp de Boulogne. Il nous passa en revue les 21 et 22 septembre et fit dans tous les régimene de nombreuses promotions. Enfin je fus nommé capitaine et membre de la légion d'honneur, et je ne t'ai pas encore appris cette nouvelle.
Ma nomination au grade de capitaine va me débarrasser des occupations d'officier payeur. Je suis remplacé depuis le 1 Janvier, et je me voyois à la veille d'être tout à fait déchargé de ma gestion, lorsque nous avons reçu l'ordre de partir de Boulogne pour Dusseldorf (Duché de Berg) où nous devions arriver le 20 février.
Je n'ai pas encore pris le commandement de ma compagnie qui est la 3 ème du 1er Bataillon; j'attends pour cela d'avoir achevé de rendre mes comptes. J'ai terminé les comptes généraux avec l'inspecteur aux recrues, il me reste encore à terminer les comptes particuliers avec le Conseil d'Administration, et il me faut un mois pour ce travail. Je serai content si je puis me débarrasser entièrement avant l'ouverture de la campagne pour laquelle nous allons en Allemagne.
Je t'écris à la hâte de Bruxelles. J'aurai peut être plus le tems de t'écrire de Dusseldorf. Adieu, cher Frère, crois moi pour la vie
Ton affectionné ami
DEFAY Capne
P.S. Bien des choses à ma Soeur ton Epouse, ainsi qu'à nos Soeurs, et toute la famille
".

Le même jour, 29 février 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "... Donnez l'ordre que 160 hommes du 32e et 160 du 58e partent de Paris. Ces 320 hommes se dirigeront sur Nancy. Ils seront incorporés dans deux compagnies du 5e bataillon du 4e de ligne. Les cadres des 32e et 58e rentreront à leur dépôt à Paris, aussitôt que le procès-verbal d'incorporation aura été signé, et les deux compagnies du 4e auxquelles il sera joint tout ce que le dépôt pourra y ajouter, bien équipées et bien armées, se mettront en marche de Nancy pour Mayence et de là pour Magdebourg, pour rejoindre le 4e de ligne, être incorporées dans les bataillons de guerre et les deux cadres bien complets du 5e bataillon revenir à Nancy ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 5773 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30086).

Sixième lettre du Colonel Massy, écrite de Munster à sa femme le 4 mars 1812 :

"Ma chère Julie,
J'arrive, et bien fatigué. Mon régiment a fait, aujourd'hui, neuf lieues et dans un pays affreux, et une route presque impraticable. J'avais six chevaux à ma voiture. J'ai dû rester pendant dix heures en route. Enfin, pour comble de malheur, le facteur me donne la mauvaise nouvelle que je n'ai de toi, aucune lettre à la poste ! Chère Mimi, la fatigue, la peine, quelque grande qu'elle puisse être, n'est rien en comparaison du chagrin que je ne puis vaincre, quand je suis privé de recevoir de tes nouvelles. Je suis persuadé qu'il n'y a point de ta faute, Je crois même qu'il y a en route plusieurs de tes lettres. Ton exactitude me l'assure. Mais j'accuse la lenteur des Postes, ou la difficulté de les faire voyager dans ce païs. Je vois que je supporterai bien longtemps cette privation, car plus nous avançons dans la Prusse, plus nous éprouverons des difficultés à recevoir des nouvelles. Je te dirai que mon régiment est destiné à former l'avant-garde du corps d'armée, ce qui me fait grand plaisir. J'aurai sous mes ordres : un escadron de cavalerie, et une compagnie d'artillerie volante. Me voilà faisant fonctions de général de brigade. Il faut que le maréchal soit bien sûr de moi, pour me donner une telle mission. Il ne sera pas trompé dans son attente. Je me sens capable de seconder tous ses désirs, sans oublier que j'appartiens à ma chère Julie, et que je dois me conserver pour toi et notre bon Oscard.
J'ai la douce satisfaction d'entendre dire partout où je passe que mon régiment est bien discipliné, tandis que on écrit au ministre de la Guerre contre les vexations que les régiments qui précèdent le mien commettent par toutes les villes où ils passent. Sois bien persuadée que ton Chares se fera toujours distinguer par sa conduite et sa manière de commader. Tous les officiers me secondent parfaitement. Je suis aussi heureux que je puis le désirer, éloigné de toi, ma chère Julie. Ta présence est pour moi le souverain bien. Bientôt j'espère, j'aurai le bonheur de te revoir, je n'en doute pas. Rien de nouveau que je puisse te mander ... Dis à papa que nous nous portons bien et que tout va bien.
Je t'embrasse, ainsi que mon Oscar, papa et maman, et tous nos amis.
Adieu, ma Mimi, je vais me reposer. Tout à toi, ton
CHARLES
".

Le 22 mars 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris au Duc de Feltre : "Je réponds à votre lettre du 19 février. Il y aurait beaucoup d'inconvénient à changer les majors qui sont aux dépôts pour les envoyer aux bataillons de guerre, Je pense qu'il faut rester dans le système où nous sommes. Il faudrait nommer des majors en second pour les régiments qui ont quatre bataillons. Le 26e, le 24e, le 11e et le 29e légers, le 16e, le 2e, le 37e, le 72e, le 19e, le 4e, le 18e de ligne et les six régiments d'Italie sont dans ce cas ; ce qui fait dix-sept ou dix-huit régiments. Ces majors en second sont nécessaires à nommer. Ceux des régiments du 1er corps le sont, je crois, déjà" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1922).

Situation en Avril 1812 (côte SHDT : usuel-181204-02)

Chef de corps : MASSY Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Meuse de 1812
BONY Major - Infanterie ; GAUDONVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Thomas ; a parti de Boulogne le 2 février - Grande armée - 3e corps - Ney - 11e division - Razour - 1e brigade - Dhenin ; observations : avril 1812 : sous les armes effectif 605 officiers et hommes
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Lanes ; a parti de Boulogne le 2 février - Grande armée - 3e corps - Ney - 11e division - Razour - 1e brigade - Dhenin ; observations : avril 1812 : sous les armes effectif 569 officiers et hommes
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Chavannes ; à parti de Boulogne le 2 février - Grande armée - 3e corps - Ney - 11e division - Razour - 1e brigade - Dhenin ; observations : avril 1812 : sous les armes effectif 530 officiers et hommes
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Evers ; à Dusseldorff - Grande armée - 3e corps - Ney - 11e division - Razour - 1e brigade - Dhenin ; observations : avril 1812 : sous les armes effectif 548 officiers et hommes
5e bataillon à 3C et dépôt - 1C sur le vaisseau "le Courageux" à Cherbourg ; observations : détachement débarqué à Anvers, suite le mouvement du régiment
Cie Régimentaire d'artillerie commandant : Lieutenant (non précisé) ; observations : avril 1812 : sous les armes effectif 64 officiers et hommes, 49 chevaux

Du 1er avril au 20 mai 1812 (Archives de la Guerre) : Dubin, Kemberg, Wittenberg, Trennlintzen, Trebbin, Mittenwald, Storkow, Furstenwald, Francfort-sur-Oder, Reppen, Sternberg, Luburau, Bratz, Rutschin, Gratz, Stensewo, Posen, Pobrisko, Guesen, Kwiezpeno, Snowraclaw, Quiwkow, Thorn.

Le 4e de ligne appartenait alors à la 2e Division, Général Razout (11e Division de la Grande Armée), et faisait partie du 3e Corps commandé par le Maréchal Ney.

Le 3 mai 1812, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, j'ai approuvé l'organisation des 4 demi-brigades de marche qui forment la 1re division de réserve.
J'ai approuvé l'organisation des 16 demi-brigades provisoires.
Je vous ai fait connaître par ma lettre d'hier ce qu'il fallait faire des conscrits des 5es bataillons dont les régiments sont à la Grande Armée, en en complétant d'anciens cadres de réfractaires ; ce travail règle la formation des dix bataillons de marche que vous avez proposée.
Il me reste à vous faire connaître mes intentions sur la formation des 20 bataillons de marche qui ont leurs bataillons en Espagne. Je les distingue en deux classes :
1° Bataillons de marche qui se formeront sur-le-champ, parce qu'ils ne doivent rien fournir aux demi-brigades de marche et provisoires de la conscription de 1813 ;
2° Bataillons qui ne seront formés que lorsque les 4es bataillons qui fournissent aux demi-brigades provisoires seront complètement organisés ;
Enfin cadres des bataillons qui avaient passé par Bayonne au 1er mai, et qui de ce moment doivent être considérés comme destinés à être complétés par la conscription de 1812.
Faites-moi faire un travail détaillé sur cet objet. Je n'ai point compris dans ce travail ce qui se trouve en Italie, aux Pyrénées, non plus que ce qui est en Bretagne et dans la 12e division militaire ...
ETAT N° 2.
Bataillons formés par les 5es bataillons, mais seulement lorsque les 4es bataillons qui font partie des demi-brigades seront complètement organisés, ce qui ne pourra avoir lieu qu’à la fin de mai.
Les 4es bataillons doivent être complétés avant tout.
5e bataillon. 1 compagnie du 2e, 1 compagnie du 4e, 1 compagnie du 16e, 1 compagnie du 21e, 1 compagnie du 27e, 1 compagnie du 28e : 900 hommes ...
Nota. – Les 5e, 6e, 7e, 8e et 9e bataillons ne seront que projetés. On prendra de nouveaux ordres, avant de les former, et sur le lieu de leur réunion. Ils seront destinés ou à recruter l'armée d'Espagne, ou à remplacer les demi-brigades provisoires dans l'intérieur, ou enfin à compléter des cadres ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7200 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30566).

Au 1er juin, le 4e compte dans ses rangs (4 Bataillons plus artillerie régimentaire) 94 Officiers et 2209 hommes, plus 29 chevaux d'Officiers et 42 chevaux de trait.

De leur côté, les Russes forment trois armées de 230000 hommes commandées par Barklay de Tolly, Bagration et Tormasoff. Au mois de juin, l'Armée française est réunie derrière la Vistule.

- Passage du Niémen (25 juin 1812)

Le 24, elle arrive sur le Niémen, et le 4e de Ligne franchit le fleuve, le 25, entre Kowno et Eketani.

Le 1er juillet, il est prévu par l'Empereur d'affecter à une 1ère Division de Réserve commandée par le Général Lagrange, 2 Compagnies du 5e Bataillon soit 4 Officiers et 296 hommes; ces derniers doivent faire partie du 1er Bataillon d'une 4e Demi-brigade de marche, sous le commandement du Major Dalvymare (Livret de l'Empereur en date du 1er juillet).

Détail important : une rigoureuse discipline ne cesse de régner au 4e de Ligne. Ainsi, le 30 juillet, à Liosna, le Caporal D ... , des Grenadiers du Régiment, accusé et convaincu d'avoir extorqué de l'argent, en usant de violence, envers un habitant, est condamné à mort par la Commission Prévôtale et exécuté dans les vingt-quatre heures (Archives de la guerre).

Depuis Liozna justement, le soldat Jean Henri Limaye, originaire de Huy (Ourthe), et servant au 2e Bataillon, écrit le 4 août : "Nous sommes arrivés dans la Russie. Nous sommes campés à Liozna pour quelques jours. Nous avons eu beaucoup de misère, car on ne trouvait pas de vivres là où on vouloit et on se faisoit quinze à vingt lieues par jour en poursuivant l'ennemi. Voilà six mois que nous sommes partis du pays. Nous avons toujours marché..." (E. Fairon, H. Heuse : "Lettres de grognards", 1936; lettre N°576).

Le 3e Corps se dirige sur Wilna à la poursuite de Barklay de Tolly. Napoléon entre successivement dans Wilna, Witepsk, sans rencontrer de résistance sérieuse, franchit le Dniepr dans la nuit du 13 au 14 août et arrive le 16 à quatre lieues de Smolensk, où Bagration et Barklay de Tolly ont opéré leur jonction. Au 3 août, il y a au 4e de Ligne, 1863 hommes présents, plus 164 détachés aux vivres. A Smolensk, le 15, l'effectif ne compte plus que (Archives de la Guerre) :

- 1er Bataillon : 17 Officiers et 505 hommes;
- 2e Bataillon : 16 Officiers et 474 hommes;
- 3e Bataillon : 17 Officiers et 461 hommes;
- 4e Bataillon : 18 Officiers et 452 hommes.

Le 16 août, le 3e Corps attaque sans succès les faubourgs de la ville, que les Russes abandonnent dans la nuit du 17 au 18, laissant aux Français une place brûlée et dévastée. Le Lieutenant Albert est blessé le 16. La poursuite recommence et la 2e Division atteint l'arrière-garde à une lieue de Smolensk. Le 18, devant Smolensk, 4 Officiers sont tués : le Capitaine Laureux (donné blessé par l'Historique régimentaire), les Lieutenants Crépin, Carivenne, et le Sous lieutenant Jacot; 10 sont blessés : les Chefs de Bataillons Thomas, Chavanne, les Capitaines Camblon (donné tué par l'Historique régimentaire), Gourray, Astre, Capuran et Eudel, le Lieutenant Adjudant major François, les Sous lieutenants Boyer et Robin.

Le Sergent Charles Bénard, qui servait à l'époque au sein du 4e de Ligne, nous a laissé un témoignage tout à fait intéressant sur cette épopée :

"J'avais dit-neuf ans. J'étais au 4e de ligne, alors campé à Boulogne sur Mer, lorsque le maréchal Nev, commandant le 3e corps auquel appartenait mon régiment, reçut l'ordre de rallier la grande armée à Vitepsk : une jolie course, comme vous voyez,et dont les étapes s'appelaient Bruxelles, Dantzig, Aix, Dusseldorf, Berlin, Leipsick, Varsovie, Vilna. Mais nous étions, sans trop nous vanter, de rudes marcheurs et de fiers hommes, au 4e, et bien résolus à ne point rester en arrière de notre drapeau. Le drapeau ! en vérité, ce fut à peu près la seule chose, qu'outre son renom de bravoure, que conserva le régiment à la fin de cette funeste campagne; car des deux mille quatre cents hommes qui, bouillants de jeunesse et d'enthousiasme, franchirent le Niémen à la suite de leur aigle, seize cents manquaient déjà à l'appel au sortir de Moscou, le 10 octobre 1812 ; et, deux mois plus tard, quand l'aigle rentra en France, elle n'était plus entourée, hélas, que de deux cents intrépides, les plus heureux et les plus robustes. Ceux-là pouvaient dire, du moins, eux aussi : "Tout est perdu, fors l'honneur", car l'honneur d'un régiment est inséparable de son drapeau.
Malgré notre jeunesse et notre vaillance, nous étions extrêmement fatigués lorsque après avoir traversé les Flandres, l'Allemagne et la Pologne, nous arrivâmes, toujours combattant depuis Vitepsk, sous les murs de Smolensk.
Cependant d'immenses magasins avaient été échelonnés sur notre route et ni les effets ni les vivres ne nous faisaient défaut; nous eussions même été dans l'abondance à cette époque où l'armée russe n'était pas en mesure d'intercepter nos convois, si les moyens de transport ne nous avaient manqué. Plus nous avancions, plus le nombre des chevaux diminuait, car il était très difficile de se procurer du fourrage, et souvent déjà, lorsque la cavaler arrivait le soir au bivouac, elle n'avait à donner à ses bêtes que le chaume des toitures.
Smolensk était alors entourée de hautes murailles en briques, flanquées de grosses tours ; elle était adossée au Dniéper, le long duquel elle formait un large demi-cercle. Nous reçûmes l'ordre de prendre position sur les hauteurs, au nord de la ville, non loin de la rive gauche du fleuve, en face d'une espèce de citadelle garnie d'hommes et de canons.
L'empereur espérait que l'armée russe lui présenterait la bataille ; elle se trouvait en effet concentrée tout entière à l'entrée de la ville, le prince Bagration ayant réussi quelques jours auparavant à faire sa jonction avec le général commandant en chef, Barclay de Tolly. Mais il n'entrait pas dans le plan de Barclay de donner à Napoléon le plaisir de le battre. Ce qu'il voulait, c'est affamer la grande armée, l'affaiblir par les privations et la fatigue, et, lui refusant toujours le combat. l'attirer ainsi au coeur d'un pays dévasté, dans une capitale incendiée, jusqu'à l'époque ou les rigueurs du climat viendraient la surprendre et la paralyser.
Barclay se borna à essayer de défendre Smolensk, et l'Empereur, après avoir vainement attendu une attaque, ordonna de chasser les troupes ennemies des faubourgs et de battre en brèche. Le 3e corps était chargé de prendre la citadelle. Pendant qu'on se bousculait du côté des faubourgs, où les Russes pris en enfilade dans un étroit passage par l'artillerie du général Sorbier, subissaient des pertes considérables, nous attendions, l'arme au pied, que les batteries de notre corps eussent fait à la forteresse une entaille suffisante pour y donner l'assaut.
Dès que les Russes nous avaient aperçus, ils avaient ouvert sur nous un feu terrible; leurs boulets labouraient littéralement la terre. Le maréchal jugeant la position intenable, et avisant un pli de terrain où nous devions être à peu près à l'abri de la mitraille ennemie, y fit poster notre division pendant que notre artillerie prenait ses positions pour s'établir derrière nous sur le sommet d'un terrain en pente.
En ce moment l'Empereur passa devant le front de la division. Nous nous rangeâmes à la hâte en faisant retentir l'air des cris d'enthousiasme que sa présence excitait toujours. La musique de notre régiment commença une fanfare. Je me souviens de l'air que le chef de musique, dans sa précipitation fit exécuter : c'était celui qui commence par ses mots dans la parodie de la Vestale : "On va leur percer le flanc !". Cet à propos burlesque à l'adresse des Russes nous fit beaucoup rire.
Moins d'une heure après, notre artillerie ouvrait à son tour le feu contre les batteries de la ville qui répondaient à toute volée. Nous nous trouvions entre les deux, mais le terrain creux où nous étions placés nous mettait par bonheur au-dessous de la ligne où les boulets se croisaient. En sorte qu'ils passaient bien au-dessus de nos têtes, et que nous nous sentions parfaitement en sureté sous ce tourbillon de fer.
L'heure de la soupe approchait. Wolf, un de mes camarades de régiment, vint à moi, et me montrant les boulets qui roulaient dans la campagne : - Les prunes ne manquent pas, dit-il, mais ce n'est bon qu'au dessert. Ne trouves-tu pas que des pommes de terre auraient meilleur goût dans la marmite? Je propose un tour de promenade aux environs, pour voir s'il n'y a pas moyen d'en dénicher quelques-unes.
Je déclarai l'idée excellente, et nous partîmes à la découverte. Il n'y avait d'ailleurs aucun risque à courir ; l'armée de Bagration était séparée de nous par le fleuve, et Barclay de Tolly se bornait à défendre la ville. La rive gauche du Dniéper, au-dessous de Smolensk, était donc tout entière en notre pouvoir.
Bien que l'oeuvre de dévastation que les Russes accomplissaient eût déjà commencé, nos recherches ne furent pas infructueuses; les paysans des environs n'avaient pas enlevé leurs récoltes, car ils avaient été tenus jusqu'alors dans une complète ignorance des événements ; nous en acquimes une preuve plus claire encore après la prise de la ville.
La nuit venue, au moment où nous rentrions au corps avec notre butin, nous eûmes un spectacle magnifique et sinistre. Les remparts furent illuminés à l'intérieur par une éclatante lueur rouge sur laquelle, avec une intensité diabolique, la muraille crénelée ressortait comme un diadème noir, L'incendie commençait ses ravages : c'était la première explosion de cette longue traînée de feu de village en village, le fusil
d'une main et de l'autre la torche, sur toute leur ligne de retraite.
Nous ne pouvions concevoir encore l'idée de cette politique de désespérés ; aussi crûmes-nous que le feu avait été allumé par nos projectiles, et qu'il serait bientôt éteint par la garnison de la ville ; mais les flammes durèrent toute la nuit, éclairant la marche de l'ennemi qui évacuait la place en y abandonnant ses blessés.
Le lendemain matin, la brèche fut reconnue praticable, et l'assaut venait d'étre résolu, lorsque le maréchal apprit que des Polonais, après avoir escaladé les murailles, avaient pénétré dans l'intérieur sans rencontrer de résistance; on comprit que Barclay avait renoncé à défendre la ville et continuait son mouvement de retraite. Néanmoins l'ordre fut donné d'attaquer sur toute la ligne ; mon régiment eut à gravir le rempart: nous en primes possession sans combat.
Vingt foyers d'incendie jetant au ciel leurs gerbes d'étincelles ; des ruines fumantes où gémissaient les blessés russes en proie à d'affreuses angoisses ; çà et là des cadavres, les uns carbonisés, les autres à demi-consumés, certains révélant par la contorsion de leurs membres les tortures du feu, auxquelles la mort seule les avait soustraits : tel était l'aspect de Smolensk, lorsque nous y entràmes.
Nous marchions dans les décombres et sur des corps étendus. A l'autre bout de la rue, l'extrême arrière-garde des Russes se retirait en échangeant avec nous des coups de fusil. Là je vis tomber un officier supérieur à cheval. C'était, nous dit-on, le gouverneur de Smolensk; il n'avait voulu quitter son poste que le dernier : il ne reculait que pas à pas, excitant ses soldats à nous faire face, et, par son sang-froid, était digne de leur servir d'exemple.
Sa chute hâta l'évacuation de la ville. Les Russes disparurent, et Barclav fit aussitôt détruire le seul pont qui existât encore entre la rive droite qu'il occupait sur la route de Moscou et la partie de Smolensk investie par nos troupes.
La rue où nous étions alors n'était pas éloignée de l'enceinte ; la plupart des maisons qui la bordaient avaient été épargnées par le feu, et leurs habitants s'y trouvaient encore.
Les plus cultivés ne partageaient pas la terreur que notre présence avait inspirée à la masse de la population. Quand les derniers coups de fusils eurent été tirés, plusieurs portes s'ouvrirent, et l'on vit paraître quelques individus dont le visage témoignait d'autant de curiosité que de frayeur. Je me trouvais précisément posté devant une de ces demeures, occupée par un prêtre de la religion grecque et son neveu, qui portait l'uniforme d'ingénieur.
L'habitation se composait, au rez-de-chaussée, d'une grande salle avec un escalier intérieur en bois par lequel on montait au premier étage. Le pope, qui s'exprimait facilement en français, entra en conversation avec nous. Il ne pouvait revenir de l'étonnement qu'avaient causé à toute la population la prise de la ville et la retraite des Russes.
Depuis notre entrée en campagne, la police avait publié une série de bulletins où l'on représentait notre armée comme battue dans toutes les rencontres, démoralisée et incapable d'avancer. Les habitants de Smolensk nous croyaient à cent lieues de leurs murs bien que l'affaire de la veille eût été si chaude dans les deux faubourgs de la rive gauche, que les Russes y avaient laissé quatre mille morts et huit mille blessés, on la leur avait présentée comme un simple engagement d'avant-garde. Et ces braves gens, accoutumés à ne penser qu'avec l'autorisation du gouvernement, avaient de bonne foi pris pour une escarmouche le choc de cinquante mille combattants et les détonations de deux cents bouches à feu; ils étaient convaincus de la victoire de leur armée, avec cette confiance imperturbable et cette habitude de voir tout plier devant la volonté d'un seul, qui les conduit à croire que le tzar peut commander aux événements et maîtriser les nations étrangères comme ses propres sujets.
Aussi n'étaient-ils nullement préparés à notre assaut. A Smolensk, comme plus tard à Moscou, nous primes la population par surprise. Les habitants de la première de ces villes étaient persuadés que nous avions essuyé une défaite à Vitepsk; ceux de la seconde auraient juré que nous avions été anéantis à la Moscowa.
J'eus la confirmation des faits que le pope venait de nous apprendre, quand j'allai visiter l'église principale en compagnie de Wolf, qui, chemin faisant, comptait bien récolter quelques comestibles. A l'intérieur, l'édifice était somptueusement illuminé ; l'autel était paré des plus riches ornements, et les cierges brûlaient devant les saintes images. Tout disait la fuite précipitée des officiants à notre arrivée et la sécurité avec laquelle les habitants avaient, le matin même, vaqué à leurs occupations ordinaires.
Dans le premier moment, un grand nombre d'entre eux, chassés de leurs demeures par l'incendie, étaient venus chercher un refuge dans le temple de leur culte; mais peu à peu le calme s'était rétabli dans leur âme à la nouvelle que l'armée victorieuse observait une stricte discipline et ne commettait ni pillage, ni violences. Nous n'étions pas encore aigris par les misères de cette guerre sauvage; nous avions cet entrain, ce caractère sociable qui fait du soldat français un hôte commode, gai et utile, et le rend sympathique même à ses ennemis. Le peuple de Smolensk se familiarisa bientôt avec nous, et quand j'entrai dans l'église avec mon camarade, elle était déjà presque déserte.
De la terrasse sur laquelle elle est située, on domine le Dniéper et une assez large étendue de pays. Nous nous arrêtâmes en cet endroit, séduits par la grandeur du spectacle.
En face de nous, de l'autre côté du fleuve, l'ennemi évacuait les faubourgs; par endroits, de légères colonnes de fumé annonçaient un commencement d'incendie, car, avant de quitter la place, les Russes la brûlèrent comme ils avaient brûlé l'intérieur de la ville. Plus loin, les longues lignes de leurs bataillons se déroulaient sur la rive du fleuve.
I1 paraît que de leur côté ils nous découvrirent sur notre observatoire, car tout à coup nous perçûmes, très près de nos oreilles, de légers sifflements suivis du bruit sec que font des éclats de pierre en se détachant ; et nous étant retournés, nous vîmes que sur la muraille à laquelle nous étions adossés, cinq ou six balles avaient formé une sorte d'auréole à quelques lignes au-dessus de nos têtes.
Peu soucieux d'une marque de sainteté dont nous ne nous estimions d'ailleurs pas digne, nous quittâmes cet endroit dangereux sans permettre aux Russes de rectifier leur tir.
En passant dans une rue étroite, nous entendons des gemissements : est-ce un blessé qui nous appelle ? un piège qu'on cherche à nous tendre ? Nous écoutons : la voix partait dune maison dont la moitié seulement avait été dévorée par les flammes : elle était comme éventrée, une portion des murs extérieurs s'étant écroulée sur la chaussée, et le premier étage, complètement incliné, n'était soutenu que par des poutres noircies et fumantes.
Le soleil allait disparaître ; nous ne distinguions dans la pénombre qu'une sorte de masse confuse. Nous en approchons le sabre à la main. Précaution superflue : il n'y avait là qu'un pauvre diable de soldat russe abandonné par les siens. Il gisait sur le sol dans une mare de sang ; la crainte du feu avait éloigné tous ceux qui eussent pu lui porter secours, et c'était miracle qu'il eût échappé à l'incendie, car les flammes s'étaient arrêtées, sans cause apparente, à quelques pas de lui. Je le soulève par les épaules, Wolf le prend par les jambes, et nous le portons à l'hôpital où nos chirurgiens secouraient les victimes sans distinction d'uniforme.
Notre Russe avait une plaie affreuse en pleine poitrine. Je doute qu'il ait survécu.
Cependant la nuit était venue et nous ressentions de violents tiraillements d'estomac. Tout à coup, Wolf s'arrêta devant une maison dont toutes les ouvertures étaient hermétiquement closes. S'il est vrai que ventre affamé n'a pas d'oreilles, il paraît du moins qu'il a de bons yeux, car, malgré l'obscurité, mon compagnon parvint à déchiffrer quelques mots de l'enseigne. - Attention, me dit-il, nous avons trouvé notre affaire. C'est un pâtissier.
Et il se mit à frapper à la porte. Rien ne bougea. Je l'imitai, mais en vain : la maison était vide, où ses hôtes étaient sourds. Cependant il ne fallait pas faire trop de bruit, sous peine d'être arrêtés et rigoureusement punis. Après avoir heurté et secoué la porte pendant près d'un quart d'heure, Wolf, qui commençait à rager, s'écria en allemand (il se servait toujours de cette langue, en sa qualité d'Alsacien, quand il était de mauvaise humeur) :
- Je vais flanquer le feu à la cassine ! Une de plus, une de moins, il n'y paraîtra pas et nous saurons comme cela si elle est habitée.
Il n'avait pas fini de parler qu'une voix se fit entendre à l'intérieur.
- Wer sind Sie ? Was wollen Sie ? (Qui êtes-vous ? Que voulez vous ?)
- Ouvrez, sapperment ! répondit Wolf, d'autant plus ravi de rencontrer un semblant de compatriote que ce compatriote était pâtissier. Et pour donner plus de poids à ses instances, il ajouta :
- Ouvrez, où nous enfonçons la porte.
La porte s'ouvrit enfin et nous vîmes paraître sur le seuil la forme grotesque et le visage effaré d'un juif allemand qui mit à notre disposition ses galettes et son schnaps. Il ne parut pas surpris de l'avidité avec laquelle nous fîmes disparaître ses provisions, mais son étonnement fut
sans bornes quand nous lui payâmes notre consommation.
Un pareil trait de délicatesse lui parut fabuleux ; il se confondit en remerciements, et nous nous séparâmes les meilleurs amis du monde.
Une heure après j'étais au milieu de mes camarades, mollement étendu sur une ample couche de paille ; mon sac me servait d'oreiller, et j'avais pour abri une saillie du rempart. Depuis longtemps, je n'avais ressenti semblable bien-être. Ce fut une vraie nuit de sybarite, comparée à celles de nos bivouacs en plein air
".

Depuis le départ de Boulogne, les nouvelles du Colonel de Massy sont par contre de plus en plus rares. Aux difficultés de la route, sont venus s'ajouter les combats quotidiens, laissant peu de loisirs; puis l'incertitude du service des Postes.

- Valoutina (19 août 1812)

Fig. 16 Shako de Voltigeur du 4e Régiment d'Infanterie de ligne, modèle 1810 - avec l'aimable autorisation de Mr Bertrand MALVAUX).
Plaque de shako attribuée au 4e de Ligne 1810 plaque shako voltigeurs 4e de Ligne 1810-1812 plaque shako voltigeurs 4e de Ligne 1810-1812 Plaque de shako du 4e de Ligne 1810
Fig. 16a Fragments de plaque de shako modèle 1810, attribués au 4e de Ligne, et trouvés en Espagne
Plaque de shako de Voltigeurs donnée dans Gloire et Empire N°29 (attribuée au 4e Léger)
Autre plaque communiquée par un de nos correspondants, provenant d'Italie
Plaque trouvée en Russie
Plaque de shako et boutons 4e de Ligne Plaque de shako de Voltigeurs 4e de Ligne Plaque de shako de Voltigeurs 4e de Ligne
Idem avec boutons
Plaque de shako de Voltigeurs, trouvée en Lituanie (communication d'un de nos correspondants)
Plaque de shako de Voltigeurs, trouvée en Lituanie (détail)

Le 19 août, à Valoutina, " Les 4e et 72e attaquèrent aussitôt ....; en un instant la position fut enlevée et le champ de bataille couvert de cadavres russes.... Barklay de Tolly se hâta d'envoyer des secours considérables ..... Le 3e corps fut arrêté par 36 à 38000 Russes. Vers 5 heures la 3e division (Gudin) du 1er corps appuyait le 3e corps. La défense des Russes fut courageuse et opiniâtre, mais l'attaque était terrible " (Archives du Ministère de la Guerre). Huit Officiers ont été blessés : Major en 2e Materre, Capitaines Defay, Venon, Lieutenants Albert, Ferluc, Salières, Dartigaux, Sous lieutenant Rollet.

Reconstitution possible des tenues du 4e de Ligne vers 1812 (avec l'aimable autorisation de l'auteur de ce dessin - "Vanderhoff 15 leger")

Extrait des Mémoires de Bénard, que nous avons laissé à Smolensk :

"Dés l'aube, on nous fit sortir de la ville et ranger le long du fleuve, en face des Russes qui, du reste, se retirèrent bientôt. Nous passâmes le Dniéper à notre tour sur des ponts que le génie avait établis, et nous nous mîmes en marche sur Waloutina où l'ennemi nous attendait.
Après le passage du Dniéper, le corps du maréchal Ney fit partie de l'avant-garde. Le maréchal chevauchait à notre tête, environné de ses aides de camp et des autres généraux.
Mon régiment venait ensuite; comme j'appartenais au premier bataillon. je me trouvais en bonne place pour voir l'ennemi et échanger avec lui, à coups de fusils, les politesses d'usage. Mais nous avancions avec confiance, car on ne s'attendait pas à rencontrer de sitôt les Russes. Le maréchal avait été trompé par de faux rapports : l'un des généraux lui ayant demandé s'il croyait que l'ennemi fût proche, il répondit que son arrière-garde devait être au moins à six lieues de nous. Ce propos, surpris au vol par les grenadiers du premier rang, fut par eux transmis au reste du bataillon, qui marcha ainsi sur la position de Waloutina sans se douter qu'il était sur le point de participer à l'un des plus sanglants épisodes de la campagne.
Après avoir cheminé pendant un certain temps, nous arrivâmes en vue d'un bouquet de bois traversé par la route que nous suivions. Nos éclaireurs se disposaient à le fouiller, lorsqu'un coup de feu, tiré par une main invisible sous le couvert des arbres, renversa mort un des aides de camp du maréchal. Ce fut le signal d'une attaque générale des tirailleurs russes qui, répandus dans le bois, couvraient leur arrière-garde fortement établie à Waloutina. Les balles tombaient dans nos rangs comme une grêle ; nous nous étions arrêtés, surpris par ce brusque accueil.
Le maréchal, avec ce calme profond qui ne se démentait jamais dans le péril, se borna à dire :
- Je ne croyais pas l'ennemi si près de nous. Allons, messieurs, allons, il faut le débusquer.
Nous fîmes feu à notre tour, et les Russes se replièrent devant ce corps d'armée qui s'avançait tout entier.
Quand nous eûmes traversé le bois sans interrompre la fusillade, nous vîmes à droite et à gauche s'étendre un terrain découvert borné, en face de nous, par des collines qu'occupait une partie de l'armée russe.
L'obligation de livrer bataille se révélait inopinément. Nous n'y étions pas préparés, et le nombre de nos troupes réunies sur le terrain n'égalait pas l'effectif de l'ennemi; de plus, notre cavalerie, vu la conformation des lieux, ne pouvait nous être d'aucun secours ; notre artillerie se trouvait également dans une situation désavantageuse ; néanmoins le maréchal prit toutes ses dispositions pour l'attaque.
On nous rangea le long d'un ruisseau qui coupait en deux la plaine; nous étions tous parfaitement rassurés, car l'Empereur, averti de ce qui se passait, était arrivé aussitôt; il avait examiné les positions, et nous lui avions vu faire plusieurs signes de tête approbatifs : c'en était assez pour nous donner la certitude de la victoire.
La charge battit, je m'avançai avec les autres ; l'ennemi, qui nous avait (les pages suivantes manquent)...
... Sans s'émouvoir le moins du monde, le rôdeur poursuivait ses efforts.
Je saisis mon fusil en prévenant le pillard que s'il ne lâchait pas prise immédiatement, j'allais lui faire sauter la cervelle. Il me répondit d'un ton bourru qu'il était lui-même sans chaussures, et en même temps il portait la main à son sabre.
- N'y a-t-il pas assez de morts sur le terrain ? répliquai-je. Cherchez des bottes parmi les morts, mais laissez cet homme tranquille, ou sinon...
Ce disant, j'armai mon fusil, et je déclare que j'aurais tiré impitoyablement sur cet oiseau de proie s'il n'eût jugé lui-même prudent de se retirer à la voix d'un vieux sergent qui, s'appuyant sur son coude, s'écria :
- Voulez-vous bien vous taire, vous autres ! Vous m'empêchez de dormir. Le premier qui me fera lever aura affaire à moi.
Le silence se rétablit aussitôt ; le blessé ne donna plus signe de vie, et je me rendormis, pensant en avoir assez fait pour l'humanité.
Le reste de cette nuit ne fut pas troublé.
A la pointe du jour, de grands roulements de tambour mirent tout le monde sur pied. On battait la générale ; il se faisait partout un mouvement extraordinaire, et nous vîmes passer dans le brouillard des officiers d'ordonnance qui parcouraient le terrain à toute bride en criant :
- " Debout, messieurs, debout, et en grande tenue. Revue de l'Empereur !". En hâte on plia les capotes humides et boueuses ; on tira des sacs l'habit de parade, et l'on partit.
A quelque distance, nous fîmes halte. Le dos tourné au champ de bataille de la veille, devant lequel nos régiments s'étendaient comme un mur, nous attendions l'Empereur.
Soudain le soleil perça les brumes matinales, faisant miroiter à perte de vue les aciers et les cuivres ; les plumets rouges de l'infanterie jetèrent des flammes ; les chevaux piaffèrent ; les officiers tirèrent leurs sabres ; toute l'armée sembla sortir d'une apothéose ; et l'Empereur parut.
Il passa devant nos rangs pressés, si vite que nous pûmes distinguer à peine son petit chapeau et son dos arrondi ; un nombreux état-major l'escortait, chamarré de dorures et monté sur des chevaux superbes.
Et la pensée se reportait devant ce spectacle aux fêtes militaires du Carrousel, alors qu'on voyait paraître au balcon des Tuileries l'Impératrice présentant au peuple et à l'armée Napoléon II, roi de Rome - avec cette différence qu'au lieu d'une foule vibrante et enthousiaste, c'étaient des milliers de cadavres, couchés derrière nous sur la terre, qui nous considéraient de leurs yeux immobiles
".

Le 22 août, Michel Defay adresse à son frère la lettre suivante :

"Au bivouac de ....................... le 22 Août 1812.
Je profite, cher Frère, du séjour que nous faisons ici pour te donner de mes nouvelles. Depuis ma lettre du 8 Août, j'ai bien du nouveau à t'apprendre. Nous avons à la fin trouvé l'ennemi. Les trois divisions formant notre Corps d'Armée partirent du camp de Liosna le 12 Août et vinrent passer le Boristhène le 14, à douze lieues au dessous de Smolensk. L'ennemi qui n'était pas en force pour nous disputer le passage fut pressé vigoureusement par notre première division jusques sous les murs de Smolensk où nous arrivâmes le 16 à midi. Dans la soirée les Russes furent chassés jusque dans la ville et le combat ne finit qu'à dix heures du soir. Le lendemain 17, 1'action s'engagea de très grand matin et le 1er Corps d'Armée étant arrivé, elle devint générale, la ville se trouvant presqu'entièrement cernée. L'ennemi tenta plusieurs sorties et fut toujours repoussé avec la plus grande perte. A quatre heures du soir nos batteries mirent le feu dans plusieurs endroits de la ville, et, pendant la nuit, les Russes ne voyant plus de moyen de le conserver, l'évacuèrent, et passant sur le rive droite de la rivière, ils en brûlèrent le pont.
Dans ces différentes affaires notre Division ayant toujours été en réserve, notre régiment n'a eu qu'une vingtaine d'hommes blessés par quelques boulets.
La ville de Smolensk située sur la rive gauche du Boristhène se trouve sur une éminence entourée d'autres plus élevées, de sorte que l'on ne peut voir la ville sans en être à demi portée de canon. Elle est entourée d'une bonne chaine crénellée, batie sur un ancien rempart encore en bon état. Ces deux murs l'un sur l'autre sont d'une hauteur de plus de soixante pieds, sans comprendre encore le pied de l'éminence sur laquelle ils se trouvent. C'est là la haute ville. La basse ville est de l'autre côté du Bobisthène dans une plaine resserrée, entre cette rivière et des coteaux fort élevés. Elle n'a ni murs ni fossés et ressemble plutôt à un grand village. L'ennemi pour soutenir sa retraite avait garni la basse ville de tirailleurs et pris position sur les coteaux qui l'entourent. Notre Brigade s'avança pour chasser les tirailleurs du bord de la rivière d'où ils inquiétaient les Français jusques dans la haute ville. Notre bataillon reçut ordre de passer au gué avec un autre bataillon d'infanterie légère. Nous nous jetâmes à l'eau sous le feu de l'ennemi qui nous céda bientôt l'autre bord et nous marchâmes en avant et traversâmes la basse ville presque à la course sans nous inquièter des tirailleurs ennemis, que nous laissions à droite et à gauche derrière nous. Nous grimpâmes même sur le coteau et ne nous arrêtâmes que lorsque prêts de tomber sur la colonne ennemie qui s'y trouvait en bataille, elle nous salua de plusieurs coups de canon à mitraille. Nous connûmes alors notre imprudence à nous engager aussi éloignés de tout secours; cependant il fallait payer de témérité. Nous voulûmes donc essayer de nous maintenir dans cette position; mais l'ennemi, qui s'était aperçu de notre petit nombre, s'avança sur nous de plusieurs côtés pour nous investir. Nous n'eûmes donc rien de mieux à faire qu'à nous retirer. Plusieurs fois nous voulûmes essayer de prendre position dans quelques rues, nous ne pumes jamais arrêter l'ennemi qui, enhardi par la supériorité du nombre, nous força de reculer jusques sur les bords de la rivière où nous nous trouvâmes enfin soutenu par quelques pièces de canon placées aux pieds des remparts de la haute ville, et un bataillon qui était venu nous joindre. Alors s'engagea une fusillade qui dura deux heures et où nous commençâmes à reprendre l'offensive mais que nous ne terminâmes qu'en mettant le feu aux maisons où se cachaient les tirailleurs ennemis. Le feu gagnant de maison en maison la basse ville devint bientôt la proie des flammes. Cependant on faisait construire plusieurs ponts sur la rivière et le lendemain matin 19 tout le corps d'armée passa le Boristhène.
Nous prîmes la route de Moscou et nous n'avions pas fait plue d'une lieue que nous trouvâmes l'ennemi. L'action s'engagea vivement et paraissait devoir être générale. Le corps d'armée était en bataille, la 1ère division à gauche, la 3ème au centre et nous qui sommes de la 2ème à droite appuyés à la rivière. L'ennemi ne tint pas, fit sa retraite et nous le suivîmes après l'avoir perdu de vue. Nous marchâmes quelques heures sans le rejoindre. Cependant arrivés sur une hauteur nous vîmes plusieurs cavaliers ennemis qui s'enfuirent à notre approche et allèrent rejoindre un gros de cavalerie qui partit au galop et que nous perdîmes bientôt de vue dans les détours que faisait la grande route, mais dont nous pouvions encore suivre les mouvements par la poussière qu'il faisait élever. Nous avancions toujours, mais lentement et avec prudence. Le pays était couvert de bois, lorsque tout à coup nous nous trouvons près de l'ennemi embusqué dans des broussailles. Nous l'eûmes bientôt chassé et nous le poussâmes vivement pendant plus d'une demie lieue. Arrivé à une hauteur au bas de laquelle était un ruisseau bourbeux et sur laquelle était un plateau à contenir plusieurs divisions, l'ennemi parut décidé à tenir cette position; il y plaça huit pièces de canon. Trois bataillons de notre Régiment étaient en tirailleurs, l'autre bataillon était resté en colonne. Nous essayâmes de passer le ruisseau dont le pont avait été détruit, mais nous trouvant trop faibles nous ne pouvions arriver jusqu'aux colonnes ennemies sur la hauteur et les Russes voyant notre indécision et notre petit nombre (nous nous trouvions alors à découvert) firent renforcer leurs tirailleurs et nous rejettèrent au delà du ruisseau. Cependant un bataillon du 93 régiment nous ayant renforcé, nous avançâmes de nouveau et fûmes encore obligés de revenir au ruisseau (il faut observer que nous n'avions là que notre Division, composée de trois régiments d'infanterie et deux bataillons d'Espagnols, et trois bataillons du 4ème se battaient avec un bataillon du 93ème. Les deux autres divisions du corps d'armée avaient continué leur marche à notre gauche et se trouvaient tout à fait séparées de nous.)
Enfin, au soleil couchant deux divisions du 1er Corps arrivèrent, et la position fut emportée et l'ennemi en déroute. Notre régiment a bien souffert ainsi qu'une division du 1er Corps, mais les Russes, sans exagération, ont une perte quatre fois plus grande. J'en ai jugé en voyant le lendemain le champ de bataille. J'ai été blessé aussi moi, mais légèrement et j'espère que sept à huit jours me rétabliront. La balle m'a frappé au milieu de la cuisse gauche, mais n'est pas entrée bien avant, ma cuisse est encore enflée mais je marche et j'espère suivre le régiment; je me trouve bien heureux d'en être quitte à si bon marché.
Le 20, le corps d'armée est venu prendre position ici, à une lieue en avant du champ de bataille. Nous allons, je pense, continuer la route de Moscou, l'ennemi n'est pas assez fort pour nous résister s'il ne reçoit pas de renforts. Mais je m'aperçois que je suis au bout de mon papier. Adieu, mon ami, je suis toujours ton affectionné. DEFAY capne.
P.S. Mes amitiés à mes soeurs. J'embrasse ton épouse et ses enfants. Mes respects à mon oncle et à ma Tante. Bien des choses aux amis.

La suscription est :
Monsieur
Monsieur DEFAY
Rue Poisson
A ROANNE Départt de la Loire
Tampon à l'encre noire
N° 36
Grande Armée
Au verso mention manuscrite :
du bivoic de le 22 Aoat 1812
reçue le 28 décembre 1812".

"14e BULLETIN.
Smolensk, 23 août, 1812.
... COMBAT DE VALOUTINA.
Le 19, à la pointe du jour, le pont étant achevé, le maréchal duc d'Elchingen déboucha sur la rive droite du Borysthène et suivit l'ennemi. A une lieue de la ville, il rencontra le dernier échelon de l'arrière-garde ennemie, c'était un échelon de 5 à 6,000 hommes placés sur de belles hauteurs. Il les fit attaquer à la baïonnette par le 4e, sous les ordres du colonel Fezensac, et le 72e régiment d'infanterie de ligne. La position fut enlevée, et nos baïonnettes couvrirent le champ de bataille de morts. Trois à quatre cents prisonniers tombèrent en notre pouvoir
" (Panckoucke : « Œuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 5, p. 45; Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 5 / par Adrien Pascal; Kermoysan « Napoléon, Recueil par ordre chronologique de ses lettres, proclamations, bulletins », Paris, 1853, t.2, p. 542; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7533).

Grâce à l'héroïsme de son arrière-garde, le gros de l'armée russe peut s'échapper par la route de Moscou. Le 29 août, Koutousov remplace Barklay de Tolly et s'arrête sur la position de Borodino, derrière la Kolocza.

Voltigeur 4e de ligne 1812
Fig. 16bis Reconstitution d'un Voltigeur en Russie, 1812 d'après A. Leonov

- La Moscowa (7 septembre 1812)

Le 2 septembre, cinq jours avant sa mort, le Colonel de Massy est fait Officier de la Légion d'honneur (Archives de la Guerre), en récompense de l'activité et du courage qu'il déploie chaque jour dans le périlleux service d'avant-garde du 3e Corps, dont il a été chargé.

Presque coup sur coup, trois jours après, il est nommé Général de Brigade et fait hiérarchiquemcnt Baron (il l'était déjà par droit de naissance, mais depuis la R volution, les titres et particules n'étaient plus usités). Le décret ne fut jamais rendu, par suite du décès presque simultané du titulaire deux jours après. On avait, à ce moment-là, trop à faire avec les vivants, pour s'occuper des morts !

Les deux armées vont enfin en venir aux mains. La droite ennemie s'appuie sur la Moskova ; son front couvert par la Kolocza est renforcé par les puissantes redoutes de Borodino. Napoléon a résolu d'attaquer les Russes sur leur centre et sur leur gauche. La 2e Division du 3e Corps (4e de Ligne) est chargée d'enlever la redoute qui couvre la gauche ennemie. Bien que par le fait de sa toute récente nomination verbale au grade de Général de Brigade, le Colonel de Massy n'était plus à la tête du 4e de ligne, il demanda la faveur de conduire une dernière fois au feu ce Régiment d'élite qu'il aimait tant. En montant à l'assaut, le Colonel Massy a la tête emportée par un boulet ; toutefois la redoute est emportée ; mais bientôt il faut l'évacuer. Le Roi de Naples se met à la tête de la Division l'épée à la main, reprend la redoute et s'y maintient.

Le 4e y reste toute la journée exposé à un feu terrible d'artillerie, résistant victorieusement à tous les retours offensifs de l'ennemi. A la nuit seulement, les Russes, en pleine déroute, se retirent sur Moscou, "nous laissant un champ de bataille horrible et littéralement couvert de morts ; on y voyait réunis tous les genres de blessures et toutes les souffrances" (Lieutenant-général De Fézensac). Le soir, le glorieux 4e, après avoir perdu son chef, ne compte plus que (Archives de la Guerre) :

- 1er Bataillon : 11 Officiers et 198 hommes;
- 2e Bataillon : 9 Officiers et 144 hommes;
- 3e Bataillon : 11 Officier et 189 hommes.
- 4e Bataillon : 12 Officiers et 195 hommes.

Selon Martinien, 9 Officiers sont morts, 24 blessés :

Officiers tués
Officiers blessés
Colonel Massy, Chefs de Bataillons Lannes, Florençon, Capitaine Camblon, Lieutenant Mercier, Sous lieutenants Gillot, Ducasse, Schreiner
Chefs de Bataillon Thomas, de Montjavoust, Capitaines De lachau, Astre, Mérès, Bordère, Massy, Lanusse, Tierce, Capuran, Barthélemy, Colomb d'Arcine, Ysard, Lieutenant Adjudant major Trémaux, Lieutenants Payssé (mort le 20), Amblard, Caillaud, Mouillard, Burtin, Sous lieutenants Sire, Costentin, Loritz, Adam, Ruscat, Sonnier

Le 12 septembre, non loin de Koubinskoïé, le Colonel Raymond Aimery Philippe-Joseph De Fézensac qui avait servi jusque là comme Aide de camp de Berthier, prend le commandement du 4e. Dans son "Journal de la campagne de Russie en 1812", il écrit : "L'avant-garde russe défendit quelques temps Mojaisk pour laisser le temps de l'incendier. Le quartier-général s'y établit le 10.
Ce fut alors que le prince de Neuchâtel me proposa de demander à l'empereur de me nommer colonel du 4e régiment de ligne, en remplacement du colonel Massy, tué à la bataille. Je reçus cette proposition avec reconnaissance, et ayant été nommé le lendemain, je partis de Mojaisk pour rejoindre mon nouveau régiment
".

Raymond Aimery Philippe-Joseph De Fézensac (de Montesquiou)

Né le 26 février 1784. Volontaire le 6 février 1804; Sous lieutenant le 25 mai 1805; Capitaine le 25 février 1809; Baron de l'Empire le 19 septembre 1809; Chef d'Escadron le 5 octobre 1809; Colonel du 4e le 11 septembre 1812; Général de Brigade le 4 mars 1813; Général de Division le 30 juillet 1823; décédé le 18 novembre 1867. Blessé à Aspern, prisonnier le 5 mars 1807, le 2 décembre 1813

Le Colonel de Fézensac écrit : "Je partis de Mojaisk le 12 au matin, et j'arrivai le soir même au quartier-général du maréchal Ney, dans un village près de Koubinskoé. Les régiments du 3e corps bivouaquaient autour du village. Le maréchal m'accueillit avec toute son ancienne bonté; j'avais servi auprès de lui quelques années auparavant, et je considérai comme une double faveur, en cette circonstance, l'emploi qui me replaçait sous ses ordres. Je fus reçu le lendemain matin à la tête de mon régiment par le général d'Hénin, commandant la brigade.
Voici la composition du 3e corps :
LE MARECHAL NEY, GENERAL EN CHEF.
LE GENERAL GOURE, CHEF D'ETAT-MAJOR.

GENERAUX DE DIVISION GENERAUX DE BRIGADE REGIMENTS COLONELS
1re DIVISION Ledru des Essarts.

Gengoult
Lenchantin
Bruni

24e léger
46e de ligne
72e id.

Debellier
Bru

2e DIVISION
Razout
Joubert
d'Hénin
4e de ligne
18e id
93e id
Fezensac
Pelleport
Baudouin
2 Brigades de cavalerie légère Beurmann
Valmabelle
Artillerie Fouchet

Une troisième division d'infanterie composée de Wurtembourgeois, sous les ordres du général Marchand, était réduite à 1,000 hommes. Le prince de Wurtemberg la commandait au commencement de la campagne. L'empereur lui fit des reproches très sévères sur les désordres que commettaient ses troupes, désordres fort exagérés par les Français. Le prince de Wurtemberg voulut établir une discipline plus rigoureuse; mais comme on ne pouvait vivre que de maraude, les soldats mourant de faim se dispersèrent. Le prince lui-même, malade et mécontent, quitta l'armée.
Le 4e de ligne, formé dès les premières années de la révolution, avait fait toutes les campagnes d'Allemagne et comptait Joseph Bonaparte au nombre de ses colonels. A l'époque où je pris le commandement du régiment, on pouvait partager les officiers en trois classes : la première, formée d'élèves nouvellement sortis de l'Ecole Militaire, ayant du zèle, de l'instruction, mais manquant d'expérience et dont la santé à peine formée ne pouvait déjà plus supporter les fatigues excessives de cette campagne; la seconde classe, au contraire, composée d'anciens sous-officiers, que leur manque total d'éducation aurait dû empêcher d'aller plus loin, mais qu'on avait nommés pour entretenir l'émulation et pour remplacer les pertes énormes que causaient des campagnes aussi meurtrières ; d'ailleurs excellents soldats, endurcis aux fatigues ct sachant tout ce que peut apprendre l'habitude de la guerre dans les grades inférieurs. La troisième classe tenait le milieu entre les deux premières; elle se composait d'officiers instruits, dans la force de l'âge, formés par l'expérience et ayant tous la noble ambition de se distinguer et de faire leur
chemin. Cette classe était malheureusement la moins nombreuse.
Le général Ledru avait été longtemps colonel, et connaissait parfaitement les détails du service en paix comme en guerre. Le général Razout, ancien militaire, avait la vue tellement basse, que, ne distinguant rien auprès de lui, il devait s'en rapporter à ceux qui l'entouraient; et ses dispositions sur le terrain se ressentaient nécessairement de l'incertitude perpétuelle à laquelle il était livré. Parmi les généraux de hrigade, je citerai le général Joubert, officier d'un mérite ordinaire, et le général d'Hénin, à qui une longue captivité en Angleterre avait fait un peu perdre l'usage de la guerre. Les colonels étaient pour la plupart d'excellents militaires. M. Pelleport, engagé volontaire au 18e, avait fait tout son avancement dans ce même régiment, qu'il commandait alors avec une rare distinction.
Mais le grand avantage du 3e corps était d'être commandé par le maréchal Ney, dont j'aurai occasion de faire remarquer souvent l'audace, la constance et l'admirable présence d'esprit.

Je fus frappé des le premier jour de l'épuisement des troupes et de leur faiblesse numérique. Au grand quartier général on ne jugeait que les résultats sans penser à ce qu'ils coûtaient, et l'on n'avait aucune idée de la situation de l'armée ; mais en prenant le commandement d'un régiment, il fallut entrer dans tous les détails que j'ignorais et connaître la profondeur du mal. Le 4e régiment était réduit à 900 hommes de 2,800 qui avaient passé le Rhin ; aussi les quatre bataillons n'en formaient plus que deux sur le terrain, et chaque compagnie avait un double cadre en officiers et sous-officiers. Toutes les parties de l'habillement et surtout la chaussure étaient en mauvais état; nous avions alors encore assez de farine et quelques troupeaux de boeufs et de moutons, mais ces ressources devaient bientôt s'épuiser; pour les renouveler, il fallait changer sans cesse de place, puisque nous ravagions en 24 heures les pays que nous traversions.
Ce que je dis ici de mon régiment s'applique à tous ceux du 5e corps et particulièrement à la division wurtembourgeoise, qui était presque détruite; ainsi l'on peut assurer qu'il ne restait pas 8,000 combattants dans un corps d'armée de 25,000 hommes. On remarquait l'absence de beaucoup d'officiers blessés aux dernières affaires, entre autres des colonels des 46e, 72e et 95e. Jamais nous n'avions éprouvé de pertes aussi considérables; jamais aussi le moral de l'armée n'avait été si fortement atteint. Je ne retrouvais plus l'ancienne gaieté des soldats; un morne silence succédait aux chansons et aux histoires plaisantes qui leur faisait oublier autrefois la fatigue des longues marches. Les officiers eux-mêmes paraissaient inquiets; ils ne servaient plus que par devoir et par honneur. Cet abattement, naturel dans une armée vaincue, était remarquable après une affaire décisive, après une victoire qui nous ouvrait les portes de Moscou.
La marche continua sur trois colonnes comme avant la bataille; le roi de Naples à l'avant-garde avec la cavalerie, puis les 1er et 3e corps, la garde impériale et le quartier général ; sur la droite le 5e corps; sur la gauche le 4e. On marchait avec beaucoup d'ordre, les généraux et les officiers toujours à la tête de leurs troupes. Le général Kutusow, ne croyant plus pouvoir défendre Moscou, repliait successivement son avant-garde et se retirait par les routes de Twer et de Wladimir, en découvrant la ville
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 15 septembre, le 3e Corps, dont fait partie le 4e de Ligne, arrive devant Moscou abandonné et, le jour même, l'incendie éclate dans toute la ville.

Le Colonel de Fézensac écrit :
"L'armée française bivouaqua le 15 à Perkouschkovo; le lendemain l'avant-garde entra dans Moscou. Une troupe d'habitants armés tenta un moment de défendre le Kremlin et fut bientôt dispersée ; l'avant-garde se porta en avant de la ville; l'empereur s'établit au Kremlin avec la garde; les 1er et 3e corps campèrent à un quart de lieue en arrière de Moscou, avec défense expresse d'y entrer. Ce ne fut donc que de loin que nous aperçûmes alors cette antique capitale que nous venions de conquérir. Cependant nous admirâmes son immense étendue, ses dômes de mille couleurs et l'incroyable variété qui distinguait ses nombreux édifices. Ce jour fut un des plus heureux pour nous, puisqu'il devait être le terme de nos travaux, puisque la victoire de la Moscowa et la prise de Moscou devaient amener la paix. Mais au moment même un événement sans exemple dans l'histoire du monde vint détruire ces flatteuses espérances, et montrer combien il fallait peu compter sur un accommodement avec les Russes. Moscou, qu'ils n'avaient pu défendre, fut brûlé de leurs propres mains. Depuis longtemps on s'occupait de préparer ce vaste incendie; le gouverneur Rostopchin avait réuni une immense quantité de matières combustibles et de fusées incendiaires, sous prétexte de travailler à la construction d'un ballon avec lequel on devait brûler l'armée francaise, tandis que ses proclamations, d'accord avec celles du général Kutusow, rassuraient le peuple de Moscou, en changeant en victoire les défaites de l'armée Russe. A Smolensk, les Français avaient été battus; à la Moscowa, ils avaient été détruits. Si l'armée russe se retirait, c'était pour prendre une meilleure position et marcher au devant de ses renforts. Cependant les nobles partaient de Moscou, ainsi que les archives et les trésors du Kremlin; et lorsque l'armée russe fut aux portes de la ville, il devint impossible de cacher la vérité. Beaucoup d'habitants prirent la fuite; d'autres restèrent chez eux, pleins de confiance dans l'intérêt que les Français devaient mettre à conserver Moscou. Le 14 au matin, le gouverneur rassembla 3 ou 4,000 hommes de la lie du peuple, parmi lesquels se trouvaient des criminels auxquels on donna la liberté ; on leur distribua des mèches et des fusées incendiaires, et les agents de police reçurent l'ordre de les conduire dans toute la ville. Les pompes furent brisées, et le départ des autorités civiles qui suivirent l'armée, devint le signal de l'incendie ; l'avant garde, en traversant la ville, la trouva presque déserte; les habitants, renfermés dans leurs maisons, attendaient ce que nous allions ordonner de leur sort ; mais à peine l'empereur s'établissait au Kremlin, que le Bazar, immense bâtiment qui contenait plus de 10,000 boutiques, était livré au flammes. Le lendemain et jours suivants, le feu fut mis à la fois dans tous les quartiers. Un vent violent favorisait les progrès de l'incendie, et il était impossible de les arrêter, puisqu'on avait eu la cruelle précaution de détruire les pompes. Les incendiaires surpris en flagrant délit étaient fusillés sur-le-champ. Ils déclaraient qu'ils avaient exécuté les ordres du gouverneur, et mouraient avec résignation. Les maisons furent livrées au pillage avec d'autant moins de scrupule que tout ce qu'on enlevait allait être consumé par les flammes ; mais ce pillage fut accompagné de tous les excès qu'il entraîne à sa suite. Ce déluge de feux, que nous apercevions de notre camp, nous causa de vives alarmes, et je me décidai à aller savoir des nouvelles au quartier-général. J'entrai seul dans la ville, et bientôt les flammes me fermèrent le chemin du Kremlin. Cependant ni ce danger ni celui de la chute des maisons, ne pouvait ralentir l'ardeur du pillage; les habitants, chassés de leurs maisons par nos soldats autant que par l'incendie, erraient dans les rues; les uns se livraient à un affreux désespoir, d'autres témoignaient une morne résignation. Je rentrai au camp vivement aflligé de ce spectacle, et décidé à donner tous mes soins à mon régiment en détournant la vue de malheurs que je ne pouvais soulager.
Trois jours se passèrent en détails d'inspections; tous les officiers me furent présentés individuellement; je pris des renseignements sur la conduite et l'instruction de chacun. J'examinai aussi, autant que la situation pouvait le permettre, ce qui était relatif à l'instruction et à l'administration du régiment. La lueur de l'incendie de Moscou éclairait ces opérations
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Napoléon de son côté s'installe au milieu des ruines et entame des négociations que les Russes font traîner en longueur. Le pillage de la ville pendant ce temps se poursuit, mais le 3e Corps, entré le dernier, souffre de cruelles privations.

Le Colonel de Fézensac écrit :
"On avait défendu d'entrer dans la ville; mais le pillage avait commencé, et comme c'était la seule ressource, il était clair que les derniers venus mourraient de faim. Je convins donc avec le colonel du 18e que nous permettrions tacitement à nos soldats d'aller en prendre leur part; au reste, ce n'était qu'avec beaucoup de peine qu'ils pouvaient se procurer quelque chose. Il fallait en revenant traverser le camp du 1er corps placé devant nous, et se battre avec leurs soldats ou avec ceux de la garde impériale qui voulaient tout enlever. Personne n'a moins profité que nous du pillage de cette ville. Au bout de six jours, le feu s'éteignit faute d'aliments ; les neuf dixièmes de la ville n'existaient plus; et l'empereur, qui s'était retiré au château de Pétrofski pendant l'incendie, revint au Kremlin attendre les propositions de paix sur lesquelles il comptait encore" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Extrait des Mémoires de Bénard après Waloutina :
"Je ne m'arrêterai pas aux journées de marche qui suivirent, les événements de ma vie militaire ne présentant rien de saillant jusqu'à l'époque de notre arrivée sous les murs de Moscou. Je me bornerai à dire qu'à la bataille de la Moscowa notre régiment perdit son colonel, M. Massy; un de ses chefs de bataillon fut tué et un blessé ; un capitaine tué, deux autres blessés, et le régiment se vit lui même réduit à huit cents hommes. Toutefois cette formidable bataille, où l'on déploya de part et d'autre un acharnement inimaginable, avait été ardemment désirée, comme le terme probable d'une guerre qui commençait à inquiéter les esprits.
Il régnait, en effet, parmi nous un certain sentiment de malaise, auquel l'éloignement de la mère-patrie n'était pas étranger, mais qui provenait surtout du caractère nouveau et inquiétant de la tactique de l'ennemi.
Après une victoire comme celle de la Moscowa, on se rassura ; l'on crut généralement à la paix. Au pis-aller, on se disait que l'armée prendraient ses quartiers d'hiver à Moscou, et qu'elle aurait le temps de s'y refaire pour recommencer au besoin la campagne au printemps.
Quant aux malheurs individuels au prix desquels était acheté ce résultat, j'avoue qu'on les envisageait avec une certaine indifférence, chacun de nous ayant d'avance fait le sacrifice de sa vie, et s'étant de longue date résigné au pire. La mort et les blessures étaient tenues pour une chance commune qui pouvait échoir à chacun de nous indifféremment. Le sentiment unanime de l'armée a été parfaitement caractérisé par un mot célèbre du maréchal Ney à qui un blessé demandait du secours. Le maréchal Ney passa en disant :
- Que veux-tu que j'y fasse? Tu es une victime de la guerre.
Il est vrai qu'on était alors au fort de cette retraite pendant laquelle le maréchal fit à chaque pas si bon marché de sa tête et où il sauva vingt fois l'armée avec une habileté et un ferme courage qui sont de lui le plus admirable héros de cette funeste campagne.
Le 3e corps ne fut pas d'abord admis dans Moscou. On le dirigea à quelque distance en arrière de cette ville, avec défense expresse d'y entrer. Le 4e de ligne fut cantonné dans un château impérial, environné d'un parc magnifique, ayant quelque rapport avec celui de Saint-Cloud.
Nous avions grand besoin de repos et de soins de propreté. La vermine n'était pas le pire de nos maux; la gale, faut-il le dire ? s'était propagée dans le régiment, et l'on manquait des médicaments nécessaires pour la guérir. Heureusement, il y avait parmi nous des vétérans des guerres d'Allemagne, qui connaissaient des remèdes aux fléaux de ce genre. Ils nous indiquèrent l'emploi d'une espèce de laurier qu'on trouva dans le parc ; on en fit bouillir les feuilles dans l'eau, et quelques lotions de cette infusion suffirent pour assainir nos malades.
Les vivres ne nous manquaient pas ; les légumes, du moins, étaient assez abondants, car là, comme aux environs de Smolensk, les récoltes étaient restées en terre. Mais déjà il devenait dangereux d'aller isolément à la cueillette. Le peuple de cette partie de la Russie nous était profondément hostile, et partout où les paysans se voyaient en force, ils commençaient à donner la chasse à l'uniforme français.
Un sergent et quelques hommes qui formaient un de nos postes avancés furent trouvés un matin gisants et criblés de coups. La disparition mystérieuse d'un certain nombre de nos camarades qui, chaque jour, manquaient à l'appel, répandit l'alarme dans la division et nous mit en alerte continuelle. C'est en de telles circonstances que je fis une rencontre singulière.
Nous devions quitter le château pour prendre nos quartiers dans un des faubourgs de Moscou. Avant d'abandonner, sans doute pour toujours cette belle habitation, je voulus visiter une dernière fois le parc. Il était fort étendu et après trois quarts d'heure de marche, je me trouvai dans une solitude complète.
A mes pieds coulait un large ruisseau, une sorte de rivière artificielle de l'autre côté de laquelle j'aperçus un chalet construit à l'imitation des fantaisies rustiques de la Cour de France, dans les jardins de Trianon. Une planche, jetée d'un bord à l'autre, donnait accès à ce pavillon dont la porte fermée. piqua ma curiosité. Je passai la rivière, j'ouvris la porte, et... je vis une douzaine de grenadiers de la garde impériale russe, armés de leurs fusils et en grande tenue.
Je dus faire une drôle de tête, car je me crus perdu; mais je crois que les Russes furent encore plus effrayés que moi. Le mot "Franzous !" sortit de toutes les bouches; un silence de mort s'ensuivit. Enfin, au bout d'un long moment passé à nous regarder d'un air stupide, les grenadiers s'écartèrent et me montrèrent un officier général étendu sur des manteaux, la tête entourée de linges sanglants. Je compris qu'après un des derniers engagements ils avaient transporté le blessé jusque-là, et qu'ensuite ils s'y étaient trouvés bloqués par les nôtres.
Ces pauvres gens m'auraient fait pitié s'ils ne m'avaient pas fait peur. Rien ne leur était plus facile que de me tuer pour s'assurer de ma discrétion. Ils n'y pensèrent pourtant pas, mais ils se mirent tous à fouiller leurs poches et me présentèrent une cinquantaine de roubles argent. Comme il n'y avait pas moyen de s'entendre, je craignis, si je refusais, qu'ils ne prissent mon désintéressement pour l'intention de révéler leur présence ; j'acceptai donc l'argent et m'empressai de sortir en fermant la porte. Je repassai le pont non sans tourner plusieurs fois la tête, et quand j'eus atteint l'autre bord, je retirai la planche pour enlever à mes Russes toute velléité de me poursuivre, au cas où ils eussent changé d'avis à mon sujet. Puis je regagnai le quartier d'autant plus vite que la nuit approchait et que nous étions payés pour ne pas vagabonder à la belle étoile.
Tant que nous demeurâmes au château, je gardai le secret; mais quelques jours après, quand nous en fûmes éloignés, je contai mon aventure, et l'argent fut partagé avec les camarades de la compagnie.
Je ne saurais décrire le spectacle grandiose et horrible à la fois que présentait Moscou en flammes. L'incendie qui avait déjà duré plusieurs jours continuait de plus belle et éclatait successivement dans tous les quartiers. Les incendiaires, munis de fusées armées à leur extrémité d'une pointe acérée, fichaient ces engins dans le mur des maisons construites en bois pour la plupart; ils y mettaient le feu et s'enfuyaient, mais pas toujours assez vite pour échapper à nos patrouilles. Aussitôt pris, ils étaient pendus, et chacun des arbres d'un boulevard voisin de notre cantonnement portait au moins un fruit de ce genre.
Le pillage était toléré et devenu légitime, puisque les objets qu'on enlevait allaient être consumés par les flammes. Mais jusqu'alors les corps cantonnés dans la ville avaient seuls joui de cette aubaine. Enfin, nos colonels, sachant combien les approvisionnements de notre corps d'armée étaient insuffisants, jugèrent convenable de ne pas nous priver de la part de butin qui pourrait assurer notre subsistance, et nous donnèrent, en conséquence, l'autorisation tacite d'entrer dans Moscou. Ce n'était pas chose aisée. Outre que les flammes et les décombres provenant des maisons écroulées en rendaient l'approche dangereuse, le premier corps et la garde impériale n'admettaient pas volontiers les autres au partage; il fallait lutter corps à corps pour pénétrer à l'intérieur de la ville. J'évitai toutefois les postes en traversant la rivière sur des trains de bois au risque de me noyer vingt fois. Dans la première rue où j'entrai régnait un tumulte extraordinaire; les soldats se hâlaient les uns les autres et se dirigeaient en grand nombre du même côté.
- A la Monnaie ! à la Monnaie ! criaient-ils; on y trouve des lingots d'argent !
Effectivement, je vis venir en sens inverse du courant général des soldats de la garde portant des morceaux d'un métal qui paraissait être de l'argent. Cela m'encouragea à suivre la foule. "Allons à la Monnaie, me dis-je à part moi, je ne trouverai pas deux fois en ma vie pareille occasion de m'enrichir".
Au moment où je débouchais sur un quai, trois artilleurs sortirent d'un des nombreux magasins de spiritueux abandonnés par leurs propriétaires, et où le vin et l'eau-de-vie coulaient en ruisseaux. Ils étaient complètement ivres et jetaient à pleines mains, dans leur enthousiasme bachique, des pièces d'or et d'argent pillées sans doute à quelque riche comptoir. Mais la foule dédaignait cette misère, dominée qu'elle était par la séduction des lingots. Quant à moi je considérai qu'"un bon tiens" valant mieux que "deux tu l'auras" et que, la Monnaie pouvant se trouver entièrement dévalisée quand j'y arriverais, je serais bien sot de bouder à cette manne qui me tombait du ciel ; et je n'eus qu'à emboîter le pas aux trois ivrognes pour remplir mes poches à loisir.
Bien m'en prit, car la somme que je recueillis ainsi contribua plus tard à me sauver la vie; et quant aux prétendus lingots d'argent, ce n'était qu'une composition de métaux sans valeur, de la nature de ceux qu'on emploie pour couvrir les coupoles des églises grecques.
En parcourant la ville je rencontrai plusieurs hommes de mon régiment, et je me joignis à eux. Nous nous mîmes à visiter les appartements déserts que les flammes étaient sur le point d'envahir.
Les habitants de Moscou, comme ceux de Smolensk, avaient été si bien surpris par l'entrée de nos troupes et l'incendié de leur ville, que nous trouvions quelquefois le couvert tout préparé sur la table.
Dans une de ces maisons, il y avait un moujik qui vraisemblablement pillait pour son propre compte, si même il ne nourrissait pas le projet plus criminel encore d'y mettre le feu. Mes camarades voulaient le fusiller sans procès ; je le sauvai en déclarant que je le prenais à mon service. On le chargea du sac renfermant le butin commun : argenterie, bijoux, effets, chocolat, confitures, sucre, eau-de-vie, et même du champagne. Les vivres qui nous eussent été vraiment utiles, c'est-à-dire la farine, le riz, nous manquaient absolument ; on leur préférait d'ailleurs les métaux précieux et les friandises, avec l'insouciance de l'avenir qui caractérise le soldat. Il saisit au passage l'occasion de se reposer, de vivre dans l'abondance et le gaspillage des choses de luxe, et tout en pressentant les misères prochaines, laisse aux chefs le soin de faire les préparatifs nécessaires pour les adoucir.
La permission que nous avions obtenue touchait à son terme, et quelques heures seulement nous séparaient du moment où nous devions être rendus au quartier. Nous étions accablés de fatigue ; quelques-uns d'entre nous avaient bu outre mesure; il fallut songer à revenir à notre faubourg. Nous nous disposions à en prendre le chemin lorsque mes compagnons insistèrent pour visiter une maison de belle apparence, dans une rue dont l'incendie éclairait les deux extrémités. Je les suivis. A l'intérieur étaient de vastes magasins de châles remplis des plus riches produits de la Perse et de l'Inde. En un clin d'aeil les tiroirs furent ouverts, les cachemires dépliés et étalés à terre ; les uns, roulés en forme de traversin, nous servirent d'oreillers, pendant que nos chaussures maculées de boue brouillaient les dessins de ces fines laines, dignes de couvrir les plus nobles épaules.
Nous fûmes bientôt plongés dans un lourd assoupissement. Le plus jeune de la bande, qui avait été chargé de veiller à la sécurité de tous, n'était pas par malheur le moins harassé ; et nous voyant tous dormir, il imita notre exemple.
Je ne sais combien de temps dura ce fâcheux sommeil. J'en fus tiré par une sorte de picotement dans les yeux et la gorge : une fumée blanche roulait en tourbillons dans l'appartement.
- Alerte ! m'écriai-je, debout, la maison flambe !
Par la fenêtre on n'apercevait plus que d'épais nuages de fumée. Pendant notre halte l'incendie avait fait des progrès rapides, développés peut-être par notre moujik qui avait profité de l'accablement général pour nous brûler - c'est le cas de le dire - la politesse. Le coquin emportait notre butin et, en particulier, une bonne somme d'argent à moi. Il me restait pour tout bien les pièces jetées par les artilleurs ivres.
Un de mes camarades me consola de ma perte par une réflexion philosophique.
- Voilà ce que c'est, dit-il, de se mettre en frais d'humanité. Si nous avions fusillé ce maudit russe, il ne nous aurait pas volés et nous ne serions pas exposés à être rôtis.
Il n'y avait pas un instant à perdre pour éviter cette fin sans grandeur. En arrivant au seuil de la maison, nous reculâmes, à demi suffoqués ; à droite, à gauche, en face, partout, une nuée opaque nous bloquait, coupée de langues de feu qui révélaient l'incendie dans toutes les directions. Nous étions au centre d'une fournaise, sans une moindre éclaircie pour nous indiquer une issue. L'un de nous se hasarda à traverser la rue nous le vîmes disparaître dans la fumée. Il devait nous appeler quand le moment serait venu de le suivre. Deux ou trois minutes se passèrent dans une anxiété croissante; on le croyait asphyxié. Enfin le cri sauveur se fit entendre à notre droite. Notre camarade avait découvert une petite rue transversale que nous nous hatâmes de gagner en suivant la direction de sa voix. J'avais placé mon mouchoir sur ma bouche et j'en fus quitte pour quelques brûlures ; mais ma capote fut toute roussie, et le lendemain l'étoffe en était si sèche que les doigts passaient à travers
".

Le 27 septembre, le Régiment reçoit des renforts. Le même jour, Michel Defay adresse depuis Moscou à son frère la lettre suivante :

"Moscou, le 27 Septembre 1812.
Tu vois, mon cher Frère, par la date de ma lettre que nous sommes dans Moscou. Oui, nous y sommes arrivés le 14 de ce mois.
Dans ma dernière lettre du 22 Août, je t'ai parlé du combat du 19. Le 23, l'armée se mit en mouvement pour continuer la route sur Moscou, dont nous étions encore à 92 lieues de poste. Le 1er Corps d'armée composé de cinq divisions marchait à l'avant garde. Notre Corps le suivait de près et nous étions suivis de la Garde Impériale. Les 4e, 5e et 8e Corps suivaient la Garde Impériale. Nous avons marché jusqu'au 5 septembre sans qu'il y ait eu que des affaires d'avant garde. L'ennemi, opérant toujours sa retraite et mettant le feu à tous les magasine et à tous les ponts de la route pour retarder notre marche. Noue arrivâmes le 5 à une petite rivière derrière laquelle les Russes, qui avaient brûlé le pont comme à l'ordinaire, paraissaient vouloir garder une position sur un coteau assez élevé, éloigné de quelques centaines de toises de la rivière. Mais, le pont ayant été rétabli, nos colonnes commencèrent à avancer, et, dans une heure de temps, ils furent chassée du coteau et on leur enleva une redoute à quatre faces où on leur prit six pièces de canon. Cela n'était que le prélude d'une affaire générale qui se préparait. L'ennemi qui avait reçu un grand renfort, avait pris position à un quart de lieue de la redoute dans une petite plaine couronnée d'un terrain plus élevé et couvert de broussailles. Son front était garni de plusieurs retranchements, faits à la hâte, derrière lesquels il pouvait placer des bataillons pour la fusillade. Le 6 fut employé à faire quelques dispositions pour livrer une bataille.
Le 7 septembre, au soleil levant, nos colonnes se mirent en mouvement. Notre Corps d'Armée destiné à commencer l'affaire s'avança sur le premier retranchement qui fut enlevé du premier choc.
Notre division marcha alors sur le second qui ne tint pas davantage, et de là sur le troisième qui nous couta un peu plus et qui néanmoins fut emporté. Nous n'y étions pas une demie heure que, l'ennemi revenant en force, nous fûmes obligés de l'abandonner. Mais une seconde charge nous en rendit maître pour la seconde fois et nous finimes par le garder.
Les Russes une fois ébranlés et chassés de ces retranchements ne firent plus que manoeuvrer pour couvrir leur retraite. Le combat dura néanmoins jusqu'à la nuit, l'ennemi ne cédant le terrain que pied à pied, et nous nous vîmes maîtres du champ de bataille, qui, par l'opiniâtre résistance des Russes, se trouvait couvert de morts. Figure toi une plaine d'une lieue quarrée à peu près et où les chevaux et les hommes sont gisants pêle et mêle; dans quelques endroits, comme auprès des retranchements, ou là où notre cavalerie avait enfoncé quelques bataillons, les Russes se trouvaient, pour ainsi dire, les uns sur les autres. Il n'y aurait pas d'exagération à dire qu'il n'y avait pas un français sur six russes; encore cette comparaison ne peut se faire que pour le commencement de la bataille, parce qu'une fois que l'ennemi a été en pleine retraite il a perdu plus de douze contre un. On croit que les Russes ont eu plus de trente mille blessés. Je n'oserai dire le nombre des morts, mais il est considérable. Nous n'avons comparativement que très peu de morts et de blessés, car notre régiment, qui doit être un de ceux qui a le plus perdu, ne compte pas plus de soixante dix morts dont six officiers et 580 blessés dont trente quatre officiers, et de ces 34, 4 ou 5 le sont gravement.
J'ai été assez heureux pour en revenir sans la moindre blessure, et je t'assure que je regarde cela comme une chose miraculeuse, quoique je ne sois pas le seul dans ce cas là. Cette bataille a eu lieu à deux lieues d'une ville appelée Mosaïsque , dont je pense elle prendra le nom.
Après un pareil échec, les Russes ne pouvaient plus nous empêcher d'aller à Moscou, dont nous n' êtions qu'à vingt quatre lieues de poste. Aussi après avoir ajourné le 8 et le 9 sur le champ de bataille, notre Corps d'Armée vint coucher le 10 à trois lieues en avant de Mosaïsque où il séjourna le 11, et le 14, au soleil couchant, nous arrivâmes sous les faubourgs de Moscou, toujours précédé du 1er Corps, qui chassait l'ennemi devant lui. A quelque distance de la ville, l'ennemi avait essayé de faire un retranchement, dont il n'a pas cru devoir se servir.
La ville de Moscou est d'une étendue plus grande que celle de Paris. Mais les maisons ne sont pas elevées (les plus hautes n'ont que trois étages), et dans plus de la moitié de la ville sont de grands jardins. Il n'y a que ce que l'on appelle la Cité où les maisons étaient serrées. Toute cette ville renfermait, dit on, 240.000 âmes. Elle se trouve placée sur une espèce d'amphithéatre derrière la rivière de Moscova, du moins, c'est là le coup d'oeil qu'elle présente en arrivant du coté de France.
Nous nous flattions, en regardant cette ville à notre arrivée, que les Russes l'avaient épargnée en l'évacuant, et que nous y trouverions des magasins considérables. Mais, nous nous étions trompés. Le lendemain matin, le feu commença à se manifester dans plusieurs endroits, et malgré les secours que l'on y porta, on ne put parvenir à l'éteindre. Bien plus, dans la journée, le feu parut dans plusieurs autres lieux bien éloignés des premiers, et on arrêta plusieurs soldats russes qui mettaient eux mêmes le feu aux maisons.
Je ne peux pas comprendre pourquoi l'ennemi avait évacué cette ville et y faisait mettre le feu, deux jours après, sinon que son but fut de faire croire que c'étaient les Français qui brûlaient Moscou.
Quoi qu'il en soit, le feu eut bientôt fait des ravages effrayants dans une ville dont plus de le moitié des maisons sont toutes de bois, et en trois jours ce ne fut plus que des monceaux de ruines.
Quand on vit l'impossibilité d'éteindre le feu, le pillage fut toléré et les soldats s'emparèrent de ce qu'ils purent d'entre les flammes. Plusieurs, je le pense, ont du payer cher leur témérité, mais à quoi ne s'expose-t-on pas pour l'argent.
Le 19, nous quittâmes notre position pour venir cantonner à deux lieues en avant de la ville, que nous ne traversâmes qu'en deux heures, et je suis sûr que nous ne trouvâmes pas sur notre chemin, vingt maisons que le feu eut épargné. Quel spectacle !
Nous ne sommes restés que six jours dans ce cantonnement et hier nous sommes venus prendre des logements dans la ville, dans un quartier où les maisons se trouvant éloignées les unes des autres, quelques unes ont échappé à l'incendie. Tu penses bien que les habitants n'étaient pas restés dans Moscou. Il peut y en avoir quelques Moscovites des plus misérables qui se logent maintenant dans des caves ou des églises que le feu a épargnées. Enfin, je crois que le nombre des maisons échappées au feu n'atteint pas le tiers de celles qui sont brûlées.
Nos avants postes sont seulement à quelques lieues d'ici, et tous les jours, en allant au fourrage, on y rencontre l'ennemi. Il fait encore beau temps ici pour la saison, mais je crains bien l'hyver qui est, dit-on, si rude.
Adieu, cher Frère, porte toi bien, et crois moi toujours ton affectionné.

Lettre portant la mention "ERFURT den 21 ? 1813 tampon bleu et HAUTE SAXE tampon noir
et a été reçue à ROANNE le 26 Février 1813".

Le Colonel de Fézensac écrit :
"Cependant, bien loin de se laisser décourager par la prise de Moscou, l'empereur Alexandre n'y vit qu'un motif de continuer la guerre avec plus d'ardeur.
Le général Kutusow, pensant avec raison qu'en partant de Moscou nous nous dirigerions vers les provinces du sud, quitta la route de Wladimir, et tournant autour de Moscou, se porta sur les routes de Kaluga et de Tula. Cette marche, éclairée par l'incendie de Moscou, porta au comble l'exaspération de l'armée russe. Kutusow se plaça derrière la Nara, à vingt-cinq lieues de Moscou, et fortifia de redoutes cette nouvelle position, couvrant ainsi les routes de Kaluga et de Tula. Pour pénétrer dans les provinces du sud, il fallait donc livrer une seconde bataille. En attendant, l'armée russe réparait ses pertes par de nouvelles levées, organisait son matériel et reprenait un nouveau courage avec de nouvelles forces. Au milieu de ces préparatifs on ne parlait que de paix aux avant-postes, et de feintes ouvertures de négociations entretenaient Napoléon dans l'espérance de la conclure. Le roi de Naples se porta sur Kaluga avec l'avant-garde, vis-à-vis le camp retranché des Russes, et le 3e corps fut chargé de le remplacer au nord sur les routes de Twer et Wladimir, où l'ennemi avait laissé un corps d'observation.
Je traversai pour la première fois les ruines de Moscou à la tête de mon régiment. C'était un spectacle à la fois bien horrible et bien bizarre. Quelques maisons paraissaient avoir été rasées ; d'autres conservaient quelques pans de murailles noircis par la fumée; des débris de toute espèce encombraient les rues; une affreuse odeur de brûlé s'exhalait de tous côtés. De temps en temps une chaumière, une église, un palais paraissaient debout au milieu de ce grand désastre. Les églises surtout, par leurs dômes de mille couleurs, par la richesse et la variété de leurs constructions, rappelaient l'ancienne opulence de Moscou. La plupart des habitants, chassés par nos soldats des maisons que le feu avait épargnées, s'y étaient réfugiés. Ces infortunés, errant comme des spectres au milieu des ruines et couverts de haillons, avaient recours aux plus tristes expédients pour prolonger leur misérable existence. Tantôt ils dévoraient au milieu des jardins quelques légumes qu'on y trouvait encore, tantôt ils arrachaient des lambeaux de la chair d'animaux morts au milieu des rues; on en vit même plonger dans la rivière et en retirer du blé que les Russes y avaient jeté et qui était en fermentation. Pendant notre marche, le bruit des tambours, le son de la musique militaire rendaient ce spectacle encore plus triste en rappelant l'idée d'un triomphe au milieu de l'image de la destruction, de la misère et de la mort. Après avoir traversé en totalité cette ville immense, nous cantonnâmes dans les villages sur la route de Jaroslawl et Wladimir. Je logeai au château de Kouskowa appartenant au comte de Cheremetew, homme d'une fortune prodigieuse. Cette charmante habitation avait été pillée comme tout le reste. Après avoir consommé le peu de ressources qu'offrait ce pays, nous rentrâmes dans Moscou, et nous logeâmes dans le faubourg Wladimir. Ce faubourg, situé au nord de Moscou, est traversé par la petite rivière de la Jaouza, qui se jette dans la Moscowa au milieu de la ville. La plupart des maisons sont séparées par des enclos cultivés ou par des jardins; quelques palais s'y font remarquer comme dans les autres quartiers; le reste est bâti en bois. Comme presque tout était brûlé, il fallait loger les compagnies à de grandes distances les unes des autres, malgré les inconvénients qui en résultaient pour le service, et surtout pour la police et la discipline. Je logeais au centre de mon régiment avec les officiers supérieurs, dans une grande maison en pierres assez bien conservée. Quarante habitants du voisinage s'étaient réfugiés dans une grande salle de cette maison. J'ordonnai qu'on les protégeât, et qu'on adoucît leur misère autant qu'il dépendait de nous ; mais que pouvions-nous faire pour eux ? nous étions près de manquer de tout nous-mêmes. C'était avec peine que l'on se procurait du pain noir et de la bière; la viande commençait à devenir très-rare; il fallait envoyer de forts détachements prendre des boeufs dans les bois où s'étaient refugiés les paysans, et souvent les détachements rentraient le soir sans rien ramener. Telle était la prétendue abondance que nous procurait le pillage de cette ville. On avait des liqueurs, du sucre, des confitures, et l'on manquait de viande et de pain. On se couvrait de fourrures, et l'on n'avait bientôt plus ni habits ni souliers. Enfin, avec des diamants, des pierreries et tous les objets de luxe imaginables on était à la veille de mourir de faim.
Un grand nombre de soldats russes erraient dans les rues de Moscou. J'en fis arrêter cinquante, que l'on conduisit à l'état-major. Un général, à qui j'en rendis compte, me dit que j'aurais pu les faire fusiller, et qu'il m'y autorisait parfaitement à l'avenir. Je n'ai point abusé de sa confiance.
On comprendra sans peine combien de malheurs et de désordres de tous genres signalèrent notre séjour à Moscou. Chaque officier, chaque soldat pourrait raconter à cet égard de singulières anecdotes. Une des plus frappantes est celle d'un Russe qu'un officier francais trouva caché dans les ruines d'une maison; il lui fit entendre par signes qu'il le protégerait, et l'emmena en effet avec lui. Bientôt, étant obligé de porter un ordre et voyant passer un autre officier à la tête d'un peloton, il lui remit ce particulier en lui disant vivement : Je vous recommande monsieur. Cet officier, se méprenant sur le sens de ce mot et sur le ton dont il était prononcé, prit ce malheureux pour un incendiaire et le fit fusiller.
Au commencement de l'incendie, un très-jeune homme, Allemand de nation et étudiant en médecine, vint se réfugier à mon bivouac; il était presque nu et paraissait avoir perdu la tête. Je l'accueillis, et le gardai dans mon logement pendant près de trois semaines ; il paraissait reconnaissant, mais rien ne pouvait le guérir de sa terreur. Je lui fis un jour la plaisanterie de lui proposer de s'enrôler dans mon régiment ; le même soir il disparut, et je ne le revis plus.
L'armée russe cependant se fortifiait tous les jours sur les bords de la Nara. Les corps de partisans répandus autour de Moscou devenaient plus entreprenants. La ville de Véréya fut surprise, la garnison massacrée. Les détachements et convois qui venaient joindre l'armée, les blessés et malades que l'on transportait en arrière étaient enlevés sur la route de Smolensk; les Cosaques attaquaient nos fourrageurs presque aux portes de Moscou ; les paysans massacraient les maraudeurs isolés. Le roi de Naples, dont la cavalerie était presque entièrement détruite et réduite depuis longtemps à manger du cheval, demandait tous les jours qu'on fit la paix ou qu'on se retirât. Mais l'empereur ne voulait rien voir ni rien entendre; en réponse à leurs réclamations, les généraux recevaient de l'état-major les ordres les plus extraordinaires. Tantôt il fallait rétablir l'ordre dans Moscou et protéger les paysans qui apporteraient des vivres au marché, tandis que tous les environs étaient ravagés et les paysans armés contre nous; tantôt il s'agissait d'acheter 10,000 chevaux, dans un pays où il n'y avait plus ni chevaux ni habitants; on annonçait ensuite le projet de passer l'hiver dans une ville ravagée, où nous mourions de faim au mois d'octobre; puis venait l'ordre de faire confectionner des souliers et des vêtements d'hiver dans chaque régiment; et quand les colonels disaient que nous manquions de draps et de cuirs, on répondait qu'il n'y avait qu'à chercher pour en trouver de reste. En même temps, et comme pour rendre cet ordre plus inexécutable encore, on défendit sévèrement le pillage, et la garde impériale fut consignée au Kremlin. On nomma un gouverneur, un intendant, des administrations. Un mois entier cependant s'écoula sans que notre situation fùt améliorée en rien
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

A la date du 1er octobre, le 4e de Ligne compte 70 Officiers et 1012 hommes.

Le Colonel de Fézensac écrit :
"Vers le 10 octobre, une division du 4e corps fit un mouvement sur Dmitrow, route de Twer. Le maréchal Ney, pendant ce temps, s'empara de Boghorodsk, à douze lieues de Moscou, sur la route de Wladimir. On passa quelques jours à construire autour de cette petite ville des baraques pour y passer l'hiver. Cette simagrée était bien inutile ; elle n'en imposa ni à l'ennemi ni à nos soldats. Je n'allai point à Boghorodsk. Je faisais alors partie d'une expédition commandée par le général Marchand, sur les bords de la Kliasma, entre la route de Wladimir et celle de Twer. Une partie de mon régiment m'accompagnait; le reste avait suivi le maréchal Ney. L'ennemi, fidèle à son système, se retirait à notre approche. Le général Marchand fit construire un blockhaus sur le bord de Kliasma, à un endroit où un poste avait été enlevé par un régiment de Cosaques. Le commandement de ce petit fort venait d'être donné à un officier fort intelligent, lorsque tout à coup le général Marchand reçut l'ordre de rentrer avec tout son détachement. II fut facile alors de juger que l'armée allait quitter Moscou, puisque l'on cessait d'en défendre les approches.
Pendant le cours de cette expédition je trouvai partout la même misère. Les généraux recueillirent quelques provisions ; mais les ressources étaient nulles pour l'armée. Les paysans cachaient leurs vivres, et n'osaient pas les apporter même quand on leur promettait de les payer. Un soldat de mon régiment, fils d'un cultivateur de la Côte-d'Or, mourut à côté de moi, près d'un feu de bivouac. Ce jeune homme languissait depuis longtemps; une fièvre lente causée par la fatigue et la mauvaise nourriture le consumait. Il mourut d'épuisement, et je le fis enterrer au pied d'un arbre, quand on se fut bien assuré de sa mort. Nous trouvâmes dans son sac des lettres de sa mère, fort touchantes par leur simplicité. Je donnai des regrets sincères à ce malheureux, condamné à mourir loin de sa patrie et d'une famille dont il aurait peut-être fait le bonheur. De semblables malheurs étaient communs parmi nous; et je ne rapporte ici cette mort dont je fus témoin, que parce que ce triste spectacle fut comme le présage de toutes les calamités qui allaient fondre sur nous. Le détachement rentra à Moscou le 15
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

- Retraite de Moscou

Situation en Octobre 1812 (côte SHDT : usuel-181210-02)

Chef de corps : FEZENSAC (de) Colonel - Infanterie
garnison - dépôt à : Nancy - 4e division militaire
Conscrits des départements de la Meuse de 1812
BONY Major - Infanterie ; MATERRE Major en 2e - Infanterie ; GAUDOUVILLE Quartier Maître Trésorier
1e bataillon commandant : Chef de Bataillon Chavannes - Grande armée - 3e corps - 11e division
2e bataillon commandant : Chef de Bataillon Lanes - Grande armée - 3e corps - 11e division
3e bataillon commandant : Chef de Bataillon Thomas - Grande armée - 3e corps - 11e division
4e bataillon commandant : Chef de Bataillon Caron avec la compagne d'artillerie régimentaire - Grande armée - 3e corps - 11e division
5e bataillon à 3C et dépôt - 1C sur le vaisseau "le Courageux" à Cherbourg

Kutusoff étant venu s'établir au sud de Moscou pour menacer nos communications, la retraite est désormais inévitable. Elle commence le 19 octobre, d'abord vers le sud, puis par la route de Smolensk, à travers des provinces déjà dévastées, sans autres ressources que les provisions emportées de Moscou.

Le Colonel de Fézensac raconte (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 19 octobre départ de Moscou, bivouac sur la route de Tschirkovo; 20 Tschirkovo) :
"Deux jours s'écoulèrent sans entendre parler de départ. Le 18, l'empereur passa la revue du 5e corps dans la cour du Kremlin. Cette revue fut aussi belle que les circonstances le permettaient. Les colonels rivalisèrent de zèle pour présenter leurs régiments en bon état. Personne, en les voyant, n'aurait pu s'imaginer combien les soldats avaient souffert et combien ils souffraient encore. Je suis persuadé que la belle tenue de notre armée au milieu des plus grandes misères a contribué à l'obstination de l'empereur, en lui persuadant qu'avec de pareils hommes rien n'était impossible. Tout le 5e corps présent ne s'élevait pas à 10,000 hommes. Pendant cette revue M. de Bérenger, aide-de camp du roi de Naples, apporta à l'empereur la nouvelle de l'affaire de Winkowo, où nos troupes avaient été surprises et vivement repoussées la veille. Cette affaire mettait fin à une espèce d'armistice qui existait aux avant-postes ; elle achevait de détruire toute espèce d'accommodement, et devait hâter notre départ. La préoccupation de l'empereur se peignait sur sa figure; il précipita la revue, et pourtant il nomma à tous les emplois vacants, et accorda beaucoup de décorations. Il avait plus que jamais besoin d'employer tous les moyens qu'il savait si bien mettre en usage pour obtenir de son armée des efforts surnaturels. Je profitai de ses bonnes dispositions pour récompenser ceux des officiers de mon régiment dont j'avais déjà éprouvé le zèle; beaucoup d'entre eux furent avancés (M. d'Arcine, adjudant-major, fut nommé chef de bataillon. Il a depuis fait partie de l'expédition d'Alger, en 1830, comme maréchal de camp). Le général qui commandait la division wurtembourgeoise, sous les ordres du général Marchand, reçut le titre de comte de l'empire, avec une dotation de 20,000 fr.: faible récompense pour les souffrances de 12,000 hommes, que les fatigues et les privations avaient réduits à 800.
La revue finissait à peine, lorsque les colonels reçurent l'ordre de partir le lendemain. Rentré dans mon logement, j'ordonnai les préparatifs, en chargeant sur des charrettes tout ce qui nous restait de vivres. Je laissai dans ma maison la farine que je ne pus emporter; on m'avait conseillé de la détruire; mais je ne pus me résoudre à en priver les malheureux habitants, et je la leur donnai de bon coeur, en dédommagement du mal que nous avions été forcés de leur faire. Je recus leurs bénédictions avec attendrissement et reconnaissance ; peut-être m'ont-elles porté bonheur.
L'empereur, ayant perdu tout espoir de paix, ne pouvait plus songer qu'à la retraite. Il fallait repasser la Dwina et le Dniéper, se remettre en communication sur la gauche avec les 2e et 6e corps, et sur la droite avec le 7e et les Autrichiens, qui défendaient le grand-duché de Varsovie. La route de Smolensk, entièrement ravagée, n'offrait plus aucune ressource; on résolut de prendre la direction de Kaluga, et de tourner, par la route de Bowrosk et Malojaroslavets, la position du camp retranché de l'ennemi. Ainsi l'imprudence de notre long séjour à Moscou pouvait se réparer. La victoire allait nous ouvrir la route des provinces du sud, ou du moins nous permettre de nous retirer sur Mohilow, par Roslawl, ou sur Smolensk, par Médyn et Elnïa, en traversant des pays que la guerre avait épargnés.
Déjà le 4e corps occupait Fominskoe, sur la vieille route de Kaluga: il faisait l'avant-garde et devait porter les premiers coups. Cependant, au moment de son départ, l'empereur voulut laisser à Moscou des traces de sa vengeance, en achevant de détruire ce qui avait échappé au désespoir des Russes. Le maréchal Mortier fut chargé d'y rester quelques jours avec la jeune garde, pour protéger la marche des autres corps d'armée contre les détachements ennemis placés sur la route du nord. Il devait, en même temps, faire sauter le Kremlin, et mettre le feu à tout ce qui existait encore. Ainsi acheva de s'anéantir cette malheureuse ville, incendiée par ses propres enfants, ravagée et détruite par ses vainqueurs. La manière avec laquelle le maréchal adoucit cet ordre rigoureux, les soins qu'il prit des blessés et des malades, au milieu de ces affreux ravages, honorent son coeur autant que son caractère.
Dans la nuit du 18 octobre, les équipages du 3e corps se rendirent au couvent de Simonov, lieu de rassemblement. Jamais nous n'avions traîné autant de voitures à notre suite. Chaque compagnie avait au moins une charrette ou un traîneau pour porter ses vivres; la nuit fut à peine suffisante pour les charger et les mettre en ordre. Une heure avant le lever du jour, ffisante pour les charger et les mettre en ordre. Une heure avant le lever du jour, toutes les compagnies se réunirent devant mon logement et nous partîmes. Cette marche avait quelque chose de lugubre; les ténèbres de la nuit, le silence de la marche, les ruines encore fumantes que nous foulions sous nos pieds , tout semblait se réunir pour frapper l'imagination de tristesse. Aussi, chacun de nous voyait avec inquiétude commencer cette mémorable retraite; les soldats eux-mêmes sentaient vivement l'embarras de notre situation; ils étaient doués de cette intelligence et de cet admirable instinct qui distingue les soldats français, et qui, en faisant mesurer toute l'étendue du danger, semble aussi redoubler le courage nécessaire pour le braver.
Le couvent de Seminof, situé près de la barrière de Kaluga, était en flammes quand nous y arrivâmes. On brûlait les vivres que l'on ne pouvait emporter ; et par une négligence bien digne de ce temps-là, les colonels n'avaient point été prévenus. Il restait de la place dans plusieurs fourgons, et nous vîmes brûler sous nos yeux des provisions qui nous auraient peut-être sauvé la vie.
Le 3e corps étant réuni se mit en marche par la nouvelle route de Kaluga, ainsi que le 1er corps et la garde impériale. Mon régiment était à cette époque de 1,100 hommes, et le 3e corps ne s'élevait pas à plus de 11,000. Je pense que l'on peut évaluer en tout à 100,000 hommes la force de l'armée sortie de Moscou.
Rien n'était plus curieux que la marche de cette armée, et les longues plaines que l'on trouve en quittant Moscou permettaient de l'observer dans tous ses détails. Nous traînions à notre suite tout ce qui avait échappé à l'incendie de la ville. Les voitures les plus élégantes et les plus magnifiques étaient pêle-mêle avec les fourgons, les drojkis et les charrettes qui portaient les vivres. Ces voitures, marchant sur plusieurs rangs dans les larges routes de la Russie, présentaient l'aspect d'une immense caravane. Parvenu au haut d'une colline, je contemplai longtemps ce spectacle qui rappelait les guerres des conquérants de l'Asie; la plaine était couverte de ces immenses bagages, et les clochers de Moscou, à l'horizon, terminaient le tableau. On nous fit faire halte en ce lieu, comme pour nous laisser contempler une demière fois les ruines de cette antique ville, qui bientôt acheva de disparaître à nos regards.
Le 3e corps arriva en deux jours de marche à Tschirkovo, et y prit position en gardant l'embranchement des routes de Podol et de Fominskoe, tandis que le 1er corps et la garde se portaient. successivement, par une marche de flanc, sur la vieille route de Kaluga, pour soutenir le 4e. Le 3e corps, destiné à suivre ce mouvement le dernier, resta trois jours en position à Tschirkovo, et en partit le 23 à minuit
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Extrait des Mémoires de Bénard après l'incendie de Moscou :
"Après la revue que passa l'Empereur, et où notre régiment, grâce aux soins de notre nouveau colonel, M. de Fezensac, présenta extérieurement un aspect satisfaisant que démentait l'état de délabrement où se trouvait chacun de nous en particulier, nous partîmes de Moscou par le faubourg de Kalouga.
A une journée de marche de cette dernière ville, notre attention fut attirée par l'arrivée précipitée de plusieurs officiers d'ordonnance. Ils parlèrent aux généraux, et l'on fit halte; passant dans nos rangs au grand trot
- Massez-vous, massez-vous, disaient-ils, il faut masquer les pièces.
Ces dispositions annonçaient l'approche de l'ennemi ; pourtant tout semblait calme autour de nous. Mais bientôt une immense clameur retentit à quelque distance. Nous disparaissons dans des tourbillons de poussière soulevée par le galop de plusieurs milliers de chevaux : c'est l'aile gauche de notre cavalerie qui vient d'être surprise avant l'expiration de la trêve, alors que les hommes étaient occupés au pansage, par une division tout entière de cavalerie russe.
La poussière se dissipe un peu, et nous sommes alors témoins du spectacle suivant : ceux des nôtres qui n'ont pas été sabrés avant de pouvoir sauter à cheval, fuyant dans un désordre inimaginable, tous les uniformes et toutes les nations qui servent dans les rangs de notre armée : chasseurs et cuirassiers, Wurtembergeois et Polonais, tous, pêle-mêle, courant à toute bride, ou plutôt sans bride, car la plupart n'ont eu que le temps d'enfourcher leur monture à poil et de la pousser sur la route, affolés, jetant des cris de détresse dans toutes les langues connues; et derrière eux les Russes de toute couleur, galopant sabre levé, pistolet au poing, avec des hourrahs de victoire.
Cette vue nous remplit de colère et nos fusils seraient partis tout seuls pour punir cette trahison, si nous n'eussions craint de tirer sur notre propre cavalerie. On nous fit ouvrir les rangs : les cavaliers y passèrent comme l'éclair pour aller se reformer à l'abri de nos colonnes.
Dès que le gros de nos chevaux se fût ainsi mis à couvert, et qu'il n'y eut plus que quelques malheureux retardataires entre nous et les Russes, notre ligne se referma. Les officiers, voulant laisser venir les Russes à petite portée, nous répétaient : "Ne tirez pas ! Ne tirez pas !" et il ne fallait rien moins que leurs recommandations pour contenir notre impatience. On voyait briller au milieu de la poussière les sabres des cavaliers ennemis, leurs casques et leurs cuirasses envoyaient jusqu'à nous leurs reflets. Ils arrivaient sur notre front le pistolet haut, la bride aux dents. Leur succès semblait les avoir grisés au point de leur faire croire qu'ils allaient poursuivre la cavalerie française jusque par delà nos baïonnettes. A ce moment, et comme je sentais mes doigts se crisper sur mon arme, nos colonnes s'écartèrent une seconde fois pour livrer passage à une volée de mitraille ; l'ennemi s'arrêta surpris ; alors au grondement du canon, qui tonnait sans relâche, se joignirent les décharges successives et régulières de tous nos bataillons. Les Russes, décimés par cette avalanche de fer et de plomb, commencèrent à tourbillonner; des ordres énergiques les ramenèrent par deux fois ; mais que pouvaient-ils faire ? Déjà entre eux et nous se dressait un infranchissable rempart d'hommes et de chevaux tués; définitivement ils tournèrent bride, et nous eumes la satisfaction de voir la queue de leurs montures sans avoir perdu un seul de nos camarades du régiment.
Ce fut notre dernier triomphe joyeux. Nous avons livré depuis plus d'un combat, remporté plus d'une victoire ; mais quand nous résistions aux Russes, quand nous les voyions disparaître à l'horizon, c'était avec le morne silence de la résignation ou du désespoir.
On sait comment l'armée, au moment de se heurter aux troupes du général Kutusoff, réunies sous Kalouga dans une forte position, reçut l'ordre de rétrograder et de reprendre la route qu'elle avait suivie en marchant sur Moscou.
Certes, il eût été préférable de passer sur le corps des Russes, - au risque de nous affaiblir dans une lutte formidable, - car la route de Kalouga nous conduisait dans les provinces méridionales de l'Empire, laissées intactes par la guerre, et où l'armée eût pu, en réparant ses forces épuisées par un trajet de huit cents lieues, attendre tranquillement le retour de la belle saison. Mais le conseil de guerre, tenu par l'Empereur aux portes de Kalouga, en jugea autrement.
L'incendie de Moscou, que le peuple russe a longtemps considéré comme notre oeuvre, avait excité dans l'armée ennemie une violente indignation; on l'avait tenue avec intention pendant plusieurs jours en vue des flammes, et tandis que la Cour de Saint-Pétersbourg leurrait l'Empereur d'un espoir de négociations, on avait profité de l'armistice pour la renforcer et la refaire dans de riches provinces
".

Le Colonel de Fézensac raconte (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 23 octobre départ de Tschirkovo à minuit; 24 bivouac sur la route de Bowrosk; 25 suite de la marche; 26 Bowrosk; 27 départ le soir; 28 le matin à Véreya, le soir à Ghorodock, Borisow; 29 abbaye de Kolotskoi, route de Moscou à Smolensk; 30 Gyat) :
"Cette marche de nuit fut affreuse, la pluie tombait par torrents, les chemins de traverse que nous suivions étaient entièrement défoncés. Nous n'arrivâmes à Bowrosk que le 26 au soir. Dans cette marche, nous fûmes sans cesse harcelés par les Cosaques, qui n'osaient cependant rien entreprendre de sérieux contre nous. Je mettais tous mes soins à maintenir dans mon régiment l'ordre, la discipline et l'exactitude du service; je n'eus que des éloges à donner aux officiers comme aux soldats. Un seul sergent, bon sujet d'ailleurs, ayant mis de la négligence dans le commandement d'un poste avancé qui lui était confié, j'ordonnai qu'il fùt cassé malgré les prières de son capitaine. Les généraux Girardin et Bemmann flanquaient notre marche avec la cavalerie légère. Ils avaient reçu l'ordre de mettre le feu à tous les villages.
Nous rejoignîmes le grand quartier-général à Bowrosk; ce fut là que nous apprîmes les derniers événements. Le général Kutusow, instruit de la marche de l'armée française par la vieille route de Kaluga, avait quitté son camp de Taroutino ; une marche de flanc parallèle à la nôtre le conduisit à Malojaroslavets, oü il rencontra et attaqua le 4e corps. Dans ce brillant combat, l'avantage demeura aux Français malgré l'infériorité du nombre ; mais Kutusow avait pris à six lieues en arrière une position défendue par des redoutes ; déjà une de ses divisions cherchait à déborder notre droite par la route de Medyn. Il fallait donc livrer bataille ou se retirer. La situation était grave, l'instant décisif. Le maréchal Bessières et d'autres généraux furent d'avis de la retraite; ce n'est point qu'ils doutassent de la victoire, mais ils redoutaient les pertes que causerait le combat, la désorganisation qui en serait la suite. Les chevaux de la cavalerie et de l'artillerie étaient affaiblis par la fatigue et la mauvaise nourriture. Comment remplacer ceux que nous allions perdre ? comment transporter l'artillerie, les munitions, les blessés ? Dans cette situation, une marche sur Kaluga était bien téméraire, et la prudence conseillait de se retirer sur Smolensk. Le comte de Lobau déclara, même à plusieurs reprises, qu'il n'y avait pas un instant à perdre pour regagner le Niémen. Napoléon hésita longtemps : il passa toute la journée du 25 à étudier le champ de bataille et à discuter avec les généraux. Enfin il se décida pour la retraite : et l'on doit ajouter, à son éloge, qu'un des motifs qui le déterminèrent fut la nécessité où l'on aurait été d'abandonner les blessés après la bataille. Toute l'armée reprit la route de Smolensk par Mojaisk, et le mouvement était commencé quand le 3e corps arriva à Bowrosk. Le 1er corps faisait l'arrière-garde. Les Cosaques continuaient à nous harceler avec leur activité ordinaire; ils attaquèrent les équipages du 4e corps, puis ceux du grand quartier-général, et enfin l'empereur lui-même, dont l'escorte les mit en fuite. Les chemins étaient encombrés de voitures de toute espèce qui nous arrêtaient à chaque pas; nous trouvions des ruisseaux débordés qu'il fallait passer tantôt sur une mauvaise planche, tantôt au milieu de l'eau. Le 28 au matin, le 3e corps occupait Véréya, le soir du même jour Ghorodock - Borisow; le 29, laissant à droite les ruines de Mojaisk, nous atteignîmes la grande route au-dessous de cette ville.
On peut aisément se figurer quelles souffrances attendaient notre armée dans des lieux que les Russes et les Français avaient ravagés à l'envi. Si quelques maisons subsistaient encore, elles étaient sans habitants. Nos premières ressources devaient être à Smolensk, distant de nous de 80 lieues. Jusque-là il ne fallait s'attendre à trouver dans aucun lieu ni farine, ni viande, ni fourrages. Nous étions réduits aux provisions que nous avions emportées de Moscou; mais ces provisions, peu considérables en elles-mêmes, avaient encore l'inconvénient d'être inégalement réparties, comme tous les produits du pillage. Un régiment avait conservé quelques boeufs et manquait de pain ; un autre avait de la farine et manquait de viande. Jusque dans le même régiment, cette inégalité se faisait remarquer. Quelques compagnies mouraient de faim, tandis que d'autres étaient dans l'abondance. Les chefs ordonnaient le partage, mais l'égoïsme employait tous les moyens pour tromper leur surveillance et se soustraire à leur autorité. D'ailleurs, pour conserver nos vivres, il fallait conserver les chevaux qui les traînaient, et le manque de nourriture en faisait mourir tous les jours un grand nombre. Les soldats qui s'écartaient de la route pour trouver à manger, tombaient entre les mains des Cosaques et des paysans armés. Le chemin était couvert de caissons que l'on faisait sauter, de canons et de voitures abandonnés, quand les chevaux n'avaient plus la force de les traîner. Dès les premiers jours enfin cette retraite ressemblait à une déroute. L'empereur continuait à exercer sa vengeance sur les maisons; le prince d'Eckmülh, commandant l'arrière-garde, était chargé de mettre partout le feu, et jamais ordre ne fut exécuté avec plus d'exactitude et même de scrupule. II envoyait à droite et à gauche de la route des détachements pour incendier les châteaux et les villages, à d'aussi grandes distances que le permettait la poursuite de l'ennemi. Le spectacle de cette destruction n'était pas le plus horrible de ceux que nous avions sous les yeux; une colonne de prisonniers russes marchait en avant de nous, conduite par des troupes de la confédération du Rhin. On leur distribuait à peine un peu de chair de cheval, et les soldats chargés de les conduire massacraient ceux qui ne pouvaient plus marcher. Nous rencontrions sur la route leurs cadavres qui tous avaient la tête fracassée. Je dois aux soldats de mon régiment la justice de dire qu'ils en furent indignés; ils sentaient d'ailleurs à quelles cruelles représailles le spectacle de cette barbarie exposerait ceux d'entre eux qui tomberaient entre les mains de l'ennemi.
En traversant le village de Borodino, plusieurs officiers allèrent visiter le champ de bataille de la Moscowa. On trouvait encore tous les débris épars sur le terrain, les morts des deux armées étendus sur la place où ils avaient été frappés. On a dit qu'on y avait vu des blessés vivant encore; je ne puis le croire, et l'on n'en a jamais donné la preuve. Nous étions le 29, au soir, à l'abbaye de Kolatskoe, transformée d'abord en un hôpital, et qui n'était plus alors qu'un grand cimetière. Un seul bâtiment conservé sur les ruines de la ville de Gyat, servait aussi d'hôpital à nos malades. Les colonels reçurent l'ordre d'aller y reconnaître les hommes de leur régiment.
On avait laissé les malades sans médicaments, sans vivres, sans aucun secours. Je pus à peine y pénétrer, au milieu des ordures de toute espèce qui encombraient les escaliers, les corridors et le milieu des salles. J'y trouvai trois hommes de mon régiment que je me fis un vrai plaisir de sauver
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Pendant ce temps, la famille du Colonel de Massy ne recevant plus aucune nouvelle de lui, et en présence des bruits fâcheux qui arrivaient de l'armée, s'inquiétait. Elle reçut bientôt la lettre suivante :

4e Division Militaire N° 623 EMPIRE FRANCAIS

A Nancy, le 30 octobre 1812 (Archives du Ministère de la Guerre).

"Le capitaine commandant le dépôt du 4e régiment de ligne, à Monsieur Bordas (ancien député de la Haute-Vienne, beau-père du Colonel de Massy), Saint-Yrieix (Haute-Vienne).
MONSIEUR,
L'incertitude dans laquelle vous devez vous trouver, sur la cause du silence de M. de Massy, doit être bien cruelle ! Pourquoi faut-il qu'au lieu de vous consoler, j'aie à vous faire part d'une bien triste nouvelle, qui vous est peut-être parvenue aussitôt qu'à moi, et qui doit vous causer de grands chagrins et faire verser bien des larmes à toute votre famille ! Oui, Monsieur, il n'est que trop vrai, nous pleurons notre bien-aimé colonel ! Il mourut couvert de gloire, le 7 septembre, sur le champ de bataille de la Moskowa. C'est le lendemain de cette journée qu'on me transmit le résultat de nos pertes. Nos regrets égalent l'attachement que nous portions tous à notre colonel. Sa bravoure et l'aménité de son caractère lui avaient conquis tous les cœurs, Il ne sera jamais oublié ! Daignez ètre auprès de sa veuve l'organe de nos sentiments respectueux, et la préparer à supporter avec résignation les chagrins d'une perte irréparable !
Les deux jeunes gens qui étaient porteurs de vos deux lettres sont arrivés le 26 du courant. Ils ont dû, d'après mes ordres, différer d'écrire à leurs parents. Je n'oublierai pas votre recommandation en leur faveur, et ferai usage de tout mon crédit pour leur ètre utile et les dédommager, autant que possible, de la perte de celui qui eùt été leur puissant protecteur.
J'ai l'honneur d'être, avec la plus parfaite considération, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.
Le capitaine commandant, CHARAVEL
".

Le Colonel de Fézensac raconte (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 1er novembre Viasma) :
"Le 1er novembre nous arrivâmes à Viasma. Quelques cabanes, situées dans le faubourg de Moscou (c'est-à-dire dans le faubourg de Viasma, situé sur la route de Moscou. J'indique une fois pour toutes cette manière de m'exprimer; ainsi à Smolensk les faubourgs de Moscou, de Pétersbourg, de Wilna, désigneront les routes sur lesquelles les trois faubourgs de Smolensk sont placés, et ainsi des autres villes), nous servirent de logements; cet abri, tout misérable qu'il était, nous parut bien doux après quinze jours de bivouacs.
Cependant aussitôt que le général Kutusow s'était aperçu du mouvement rétrograde de l'armée française, il avait détaché à sa poursuite le général Miloradowitsch avec un nombreux corps de troupes et tous les Cosaques de Platow, tandis que lui-même conduisait la grande armée russe par la route d'Elnïa pour arriver avant nous sur le Dniéper. Le général Miloradowitsch, dont l'avant-garde serrait de près le 1er corps, marchait parallèlement à la grande route, et faisait vivre ses troupes dans des pays moins ravagés que ceux que nous parcourions; les chemins de traverse que prenait ce corps d'armée avaient encore l'avantage d'être plus courts que la grande route et de donner à l'ennemi la possibilité de déborder notre arriere-garde et de nous prévenir à Viasma. Dans cette situtation l'on a reproché à l'empereur de n'avoir point marché assez vite, et pourtant les hommes et surtout les chevaux étaient épuisés de fatigue. Pour hâter notre marche, il eùt fallu sacrifier tous les bagages. Sans doute, ce parti eùt évité de grands malheurs; mais l'on ne pouvait encore se résoudre à une telle extrémité. Enfin, le 3 novembre, le général Miloradowitsch déboucha sur la grande route, à une lieue de Viasma, et attaqua vivement le 4e corps, qui marchait sur la ville. Par cette manoeuvre, le 4e corps et le 1er qui le suivait se trouvaient coupés et obligés de se faire jour à travers un ennemi supérieur en cavalerie et en artillerie. Une autre division russe cherchait en même temps à s'emparer de Viasma par la route de Medyn.
Heureusement, le maréchal Ney, qui occupait encore la ville, avait pris ses mesures pour faire échouer cette tentative. Les petites rivières de Vlitza et de Viasma forment comme un demi-cercle autour de la ville du côté de la route de Medyn, et en rendent la défense facile. La division Ledru prit position sur le plateau qui domine ces deux rivières, et rendit inutiles les efforts de l'ennemi pour en forcer le passage. La division Razout se porta en avant sur la route de Moscou pour secourir les 1er et 4e corps. Après un combat acharné et qui dura cinq heures, ces deux corps d'armée percèrent la ligne ennemie, et rouvrirent leurs communications avec nous.
Nous rentrâmes dans le faubourg, et j'appris que le 3e corps devait relever le premier à l'arrière-garde. Cette mission si importante et si difficile ne pouvait pas être confiée à un général plus capable de la remplir que le maréchal Ney, et je ne crains pas de dire qu'il était secondé de tout notre zèle. Les bonnes dispositions que mon régiment venait de montrer dans cette journée me remplissaient de confiance. Je fis connaître aux officiers la tâche pénible et glorieuse qui nous était imposée ; et tandis que les 1er et 4e corps traversaient Viasma et nous laissaient en présence de l'ennemi, nous nous préparâmes à les remplacer dignement, puisqu'il s'agissait de notre honneur, de la réputation de nos troupes et du salut de toute l'armée
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 4 novembre, le 3e Corps reçoit la pénible et périlleuse mission de remplacer le 1er Corps à l'arrière-garde. La bonne contenance des troupes empêche l'ennemi de passer la Viazma. Au défilé de Sembovo, le 4e, qui forme l'extrême arrière-garde, est attaqué par l'avant-garde russe et la contient à lui seul pendant que les autres Corps passent le défilé.

Le Colonel de Fézensac raconte (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 5 Senlévo; 6 Postuïa Dwor) :
"Jusqu'à ce moment, le 3e corps, éloigné de l'arrière-garde et à peine harcelé par les troupes légères de l'ennemi, n'avait eu à combattre que la fatigue et la faim ; maintenant on va le voir soutenir seul les efforts de l'armée russe, en luttant à la fois contre tous les genres de mort, et l'on pourra juger si jamais la patience et le courage avaient été mis à de pareilles épreuves.
Dans la journée du 4 novembre, le 5e corps sortit de Viasma pour prendre position le long d'une forêt qui borde la rivière de ce nom et que traverse la route de Smolensk. L'heureux choix de cette position et la bonne contenance des troupes empêchèrent l'ennemi de passer la Viasma; il dirigea ses attaques toute la journée sur notre droite par la route de Medyn ; le général Beurmann, détaché de ce côté, s'y maintint jusqu'au soir ; deux compagnies de mon régiment participèrent à l'honneur de cette belle défense. Cependant les 4e et 1er corps traversaient nos rangs dans le plus grand désordre; j'étais loin de croire qu'ils eussent autant souffert, et que leur désorganisation fùt aussi avancée. La garde royale italienne presque seule marchait encore en bon ordre; le reste paraissait découragé et accablé de fatigue. Une immense quantité d'hommes isolés marchaient à la débandade et la plupart sans armes; beaucoup d'entre eux passèrent la nuit au milieu de nous dans la forêt de Viasma. Je m'efforçai de leur persuader de partir sans attendre l'arrière-garde. Il était important pour eux de gagner quelques heures de marche; et d'ailleurs nous ne pouvions pas souffrir qu'ils se mêlassent dans nos rangs pour gêner nos mouvements; ainsi leur propre intérêt se trouvait d'accord avec le bien du service. Mais la fatigue ou la paresse les rendait sourds à nos conseils. Le jour paraissait à peine, quand le 3e corps prit les armes et se mit en marche. En ce moment tous les soldats isolés quittèrent leurs bivouacs et vinrent se joindre à nous. Ceux d'entre eux qui étaient malades ou blessés restaient auprès du feu en nous conjurant de ne les point abandonner à l'ennemi. Nous n'avions aucun moyen de transport, et il fallait faire semblant de ne pas entendre des plaintes que nous ne pouvions soulager. Quant à cette troupe de misérables qui avaient abandonné leurs drapeaux quoi qu'ils fussent encore en état de combattre, j'ordonnai qu'on les repoussât à coups de crosse, et je les prévins que si l'ennemi nous attaquait, je ferais tirer sur eux au moindre embarras qu'ils causeraient.
La 1re division marcha en tête, la 2e à l'arrière-garde, chaque division formée la gauche en tête. Ainsi, mon régiment faisait l'extrême arrière-garde. Des pelotons de cavalerie et d'infanterie couvraient nos flancs ; au sortir de la forêt, une vaste plaine leur permit de s'étendre et de marcher à notre hauteur ; les officiers et les généraux, tous présents à leur poste, dirigeaient les mouvements. L'ennemi, qui nous avait suivis toute la journée sans rien entreprendre, essaya le soir d'attaquer l'arrière-garde au défilé de Semlévo ; mon régiment contint seul l'avant-garde russe, soutenue de deux pièces de canon, et donna ainsi le temps aux autres corps de passer le défilé; nous le passâmes à notre tour en laissant en présence de l'ennemi deux compagnies de voltigeurs, qui ne rentrèrent qu'au milieu de la nuit, et le 3e corps bivouaqua sur les hauteurs opposées. A peine commencions nous à prendre quelque repos, que les Russes lancèrent des obus sur nos bivouacs; l'un deux atteignit un arbre au pied duquel je dormais. Personne ne fut blessé, et il y eut à peine un instant de désordre dans quelques compagnies du 18e. J'ai toujours remarqué que les coups tirés la nuit font peu de mal; mais ils frappent l'imagination en donnant aux soldats l'idée d'une prodigieuse activité de la part de l'ennemi.
La marche du lendemain fut à peine interrompue par la tentative inutile que firent les Cosaques contre nos équipages; au bout de trois lieues, le 3e corps prit position près de Postuïa Dwor. L'empereur voulait marcher lentement pour conserver les bagages ; en vain le maréchal Ney lui écrivait-il qu'il n'y avait pas de temps à perdre, que l'ennemi serrait de près l'arrière-garde, que l'armée russe marchait sur nos flancs à grandes journées et qu'on devait craindre qu'elle ne nous prévînt à Smolensk ou à Orcha. Au reste, cette journée nous reposa des fatigues de la veille ; nous campâmes sur la lisière d'un bois qui fournissait abondamment nos bivouacs. Le temps était beau et assez doux pour la saison, et nous espérions arriver heureusement à Smolensk, qui devait être le terme de nos fatigues
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 7 novembre, le temps, à peu près beau jusque là, devient très froid et le Régiment doit bivouaquer en avant de Dorogobouje, sans pouvoir allumer du feu à cause du vent.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 7 novembre : D'horogobuz) :
"Pendant la marche du lendemain le temps changea tout à coup et devint très-froid. Il était tard quand nous arrivâmes à D'horogobuz; La 1re division fut placée sur les hauteurs de la ville; la 2e s'arrêta à un quart de lieue pour en défendre les approches. La nuit fut la plus froide que nous eussions encore éprouvée; la neige tombait en abondance, et la violence du vent empêchait d'allumer du feu; d'ailleurs, les bruyères sur lesquelles nous étions campés nous offraient peu de ressources pour nos bivouacs" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 8, les Russes attaquent, et pour les arrêter, le Général Razout les fait charger par le 4e. Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 8 novembre : combat de D'horogobuz, bivouac à deux lieues en arrière; 9 bivouac) :
"Cependant le maréchal Ney forma le projet d'arrêter l'ennemi devant D'horogobuz pendant toute la journée suivante. Nous étions encore à vingt- une lieues de Smolensk, et à moitié chemin de cette ville il fallait passer le Dniéper ; il importait donc d'éviter l'encombrement sur ce point, et de donner à l'armée que nous protégions le temps d'emmener son artillerie et ses bagages.
Le 8, à la pointe du jour, le 4e et le 18e régiment, sous les ordres du général Joubert, quittèrent leurs bivouacs pour venir prendre position à D'horogobuz; les Cosaques, à la faveur d'un épais brouillard, nous harcelèrent jusqu'à notre entrée dans la ville.
D'horogobuz, placé sur une hauteur, est appuyé au Dniéper. La 2e division, chargée de le défendre, fut établie ainsi qu'il suit : deux pièces de canon en batterie à l'entrée de la rue basse, soutenues par un poste du 4e régiment; à gauche, une compagnie du 18e sur le pont du Dniéper; à droite sur la hauteur, en avant d'une église, 100 hommes du 4e, commandés par un chef de bataillon; le reste de la division dans la cour du château, sur la même hauteur; la 1re division en réserve derrière la ville. Bientôt l'infanterie ennemie arriva et commenca l'attaque; le pont du Dniéper fut pris, le poste de l'église repoussé. Le général Razout, renfermé dans la cour du château avec le reste de la division et livré à son indécision ordinaire, allait ètre cerné, quand il nous donna enfin l'ordre de marcher. Il n'y avait pas un moment à perdre; j'enlevai mon régiment an pas de charge, et nous nous précipitâmes sur les ennemis qui occupaient les hauteurs de la ville. L'affaire fut très-vive ; la nature du terrain, la neige, dans laquelle nous enfoncions jusqu'aux genoux, forçaient tout le régiment de se disperser en tirailleurs et de combattre corps à corps. Les progrès des Russes furent arrêtés; mais bientôt l'ennemi pénétra de nouveau dans la ville basse, et le général Razout, craignant d'être coupé, ordonna la retraite. Je me repliai lentement, en reformant les pelotons et en tenant toujours tête à l'ennemi ; le 18e, qui avait secondé nos efforts, suivit ce mouvement ; les deux régiments, laissant l'ennemi maître de la ville, vinrent se reformer derrière la 1re division.
Le maréchal Ney, mécontent du mauvais succès de son plan, s'en prit au général Razout, au général Joubert, à tout le monde; il prétendit que l'ennemi, n'était pas en forces suffisantes pour nous avoir ainsi chassés de D'horogobuz, et me demanda combien j'en avais vu ; je me permis de répondre que nous étions trop près d'eux pour pouvoir les compter. Avant de se décider à partir, il ordonna encore au général d'Hénin de rentrer avec le 95e dans la ville basse pour reprendre quelques caissons. A peine ce régiment se fut-il mis en mouvement, que l'artillerie russe porta le désordre dans ses rangs et le fit rétrograder. Le maréchal Ney, forcé de renoncer à toute autre tentative, reprit la route de Smolensk.
Cependant les privations auxquelles nous étions condamnés depuis le commencement de la retraite devenaient plus rigoureuses ; le peu de vivres que nous avions achevait de s'épuiser ; les chevaux qui les traînaient mouraient de faim et de fatigue, et étaient eux-mêmes dévorés par les soldats. Depuis que nous étions à l'arrière- garde, tous les hommes qui s'écartaient de la route pour chercher des vivres tombaient entre les mains de l'ennemi, dont la poursuite devenait de plus en plus active. La rigueur du froid vint augmenter nos embarras et nos souffrances ; beaucoup de soldats, épuisés de fatigue, jetaient leurs armes et quittaient leurs rangs pour marcher isolément. Ils s'arrêtaient partout où ils trouvaient un morceau de bois à brûler pour faire cuire un quartier de cheval ou un peu de farine, si toutefois leurs camarades ne venaient pas leur enlever cette dernière ressource ; car nos soldats, mourant de faim, s'emparaient de force des vivres de tous les hommes isolés qu'ils rencontraient, heureux encore s'ils ne leur arrachaient pas leurs vêtements. Après avoir ravagé tout le pays, nous étions réduits à nous entre-détruire, et cette extrémité était devenue nécessaire. Il fallait à tout prix conserver les soldats fidèles à leur drapeau et qui soutenaient seuls à l'arrière-garde l'effort de l'ennemi ; les soldats isolés, n'appartenant plus à aucun régiment et ne pouvant plus rendre aucun service, n'avaient droit à aucune pitié. Aussi la route que nous parcourions ressemblait-elle à un champ de bataille. Ceux qui avaient résisté au froid et à la fatigue succombaient au tourment de la faim; ceux qui avaient conservé quelques provisions se trouvaient trop faibles pour suivre la marche et restaient au pouvoir de l'ennemi : les uns avaient eu les membres gelés et mouraient étendus sur la neige; d'autres s'endormaient dans les villages et étaient consumés par les flammes que leurs compagnons avaient allumées. Je vis à D'horogobuz un soldat de mon régiment en qui le besoin avait produit les effets de l'ivresse; il était auprès de nous sans nous reconnaître; il nous demandait son régiment; il nommait les soldats de sa compagnie, et leur parlait comme à des étrangers; sa démarche était chancelante, son regard égaré. Il disparut au commencement de l'affaire, et je ne le revis plus. Quelques cantinières ou femmes de soldats appartenant aux régiments qui nous précédaient se trouvaient au milieu de nous. Plusieurs de ces malheureuses traînaient avec elles des enfants; et malgré l'égoïsme, si commun alors, chacun s'empressait de les secourir. Le tambour major porta longtemps un enfant sur les bras. Les officiers qui avaient conservé un cheval le partageaient avec ces pauvres gens. Je fis conduire aussi pendant quelques jours une femme et son enfant sur une charrette que j'avais encore; mais qu'était-ce que de si faibles secours contre tant de souffrances, et comment pouvions-nous adoucir des maux que nous partagions nous-mêmes ?
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Plaque de brassard pour cantinière ou vivandière du 4ème Régiment d'infanterie de ligne, premier Empire
Plaque de forme ovale (H 7,4 cm, largeur 5,8 cm), réalisée dans une fine plaque de laiton percée de chaque côté de deux trous, très probablement pour être cousue sur un brassard ; dans le bas, elle est découpée du chiffre "4 " (qui peut indiquer soit le numéro de régiment ou éventuellement un numéro de compagnie), et en son centre elle est estampée en relief de l'aigle impériale surmontée d'une couronne. Texte et photo, collection Bertrand Malvaux (http://www.bertrand-malvaux.fr)

Le 10 novembre, le Lieutenant Mouillard est blessé au cours d'un combat contre les Cosaques près de Smolensk. Le 11 au matin, le combat s'engage et l'attaque est si vive et si imprévue que les balles tombent dans les bivouacs avant que les hommes aient pris les armes. Les Voltigeurs postés sur le bord de la rivière ont à soutenir un combat inégal. Le 1er Bataillon trouve un point d'appui dans un bouquet de bois ; le 2e occupe un blockhaus palissadé où le Maréchal Ney passe toute la journée avec le Colonel, dirigeant le feu des soldats et faisant lui-même le coup de feu. Après une marche de sept lieues sur le verglas, par le froid le plus rigoureux, on atteint enfin Smolensk, où le Corps entre le dernier et trouve des magasins mis à sac. Sans aucune ressource, toujours à l'arrière-garde, il doit continuer la retraite ; il est réduit à environ 3000 hommes et est renforcé par deux Régiments.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 10-11 novembre : Slobpnévo, combat le 11; 12 bivouac sur la route de Smolensk) :
"De D'horogobuz nous arrivàmes en deux jours à Slobpnévo, sur le bord du Dniéper. Le chemin était tellement glissant que les chevaux mal ferrés pouvaient à peine se soutenir. La nuit nous bivouaquions dans les bois au milieu de la neige. Chaque régiment faisait à son tour l'extrême arrière-garde, que l'ennemi suivait et harcelait sans cesse. L'armée continuait à marcher si lentement que nous allions atteindre le 1er corps qui nous précédait immédiatement. L'encombrement sur le pont du Dniéper à Slobpnévo avait été extrême; la route à un quart de lieue en avant était encore couverte de voitures et de caissons abandonnés. Le 10 au matin, avant de passer le fleuve, on s'occupa de débarrasser le pont et de brûler toutes ces voitures. On y trouva quelques bouteilles de rhum qui furent d'un grand secours. J'étais d'arrière-garde, et mon régiment défendit toute la journée la route qui mène au pont. Le bois que traverse cette route était rempli de blessés qu'il fallait abandonner, et que les Cosaques massacraient presque au milieu de nous. M. Rouchat, sous-lieutenant, s'étant approché imprudemment d'un caisson que l'on faisait sauter, fut mis en pièces par l'explosion. Vers le soir les troupes passèrent le Dniéper; on détruisit le pont.
Il devenait important d'arrêter l'ennemi au passage du fleuve, nous n'étions plus qu'à onze lieues de Smolensk. Il fallait laisser aux troupes qui nous précédaient le temps d'arriver dans cette ville et de se remettre en état de défense. L'empereur n'attendait même le 3e corps à Smolensk que dans quatre ou cinq jours, tant il avait peu d'idée de la situation de l'armée et principalement de l'arrière-garde.
Le maréchal Ney fit ses dispositions pour défendre le passage. Le 4e régiment fut placé sur le bord de la rivière, le 18e en seconde ligne. Le maréchal établit son quartier général à la gauche du 4e, dans un blockhaus construit pour protéger le pont et fort bien palissadé. Il plaça le général d'Hénin avec le 93e au village de Pnévo, à un quart de lieue sur la gauche, et la 1re division le long du Dniéper, à l'extrême droite. Le soir il se promena longtemps devant le front de mon régiment avec le général Joubert et moi. II nous fit observer les malheureuses suites de la journée de D'horogobuz. L'ennemi gagnait un jour de marche; il précipitait notre retraite; il nous forçait d'abandonner nos caissons, nos bagages, nos blessés : tous ces malheurs pouvaient s'éviter si l'on eût défendu D'horogobuz pendant vingt-quatre heures. Le général Joubert parla de la faiblesse des troupes, de leur découragement. Le maréchal reprit vivement qu'il ne s'agissait que de se faire tuer, et qu'une mort glorieuse était trop belle pour qu'on en dût fuir l'occasion. Quant à moi, je me contentai de répondre que je n'avais quitté les hauteurs de D'horogobuz qu'après en avoir reçu deux fois l'ordre.
Le 11 au matin, l'infanterie ennemie s'approcha de la rive opposée et engagea le combat avec le 4e régiment. L'attaque fut si vive et si imprévue, que les balles tombaient au milieu de nos bivouacs avant que les soldats eussent eu le temps de prendre les armes. Les voltigeurs se portèrent sur le bord de la rivière pour répondre au feu de l'ennemi; mais la nature du terrain, couvert de broussailles du côté opposé et entièrement découvert du nôtre, rendait le combat trop inégal. Le second bataillon entra dans le blockhaus, le premier s'appuya à un bouquet de bois qui le mettait à l'abri; la fusillade continua entre l'infanterie russe et le bataillon placé dans le blockhaus. Le maréchal y passa toute la journée; il dirigea le feu des soldats et tira lui-même quelques coups de fusil; je m'y établis aussi, croyant de mon devoir de commander directement la portion de mon régiment la plus exposée. Vers le soir, les Russes passèrent le Dniéper auprès du village qu'occupait le 93e, et manoeuvrèrent pour l'envelopper. Le général d'Hénin quitta sa position et revint auprès du blockhaus, ce qui lui valut une forte réprimande du maréchal Ney. C'était bien de la sévérité. A la guerre un officier détaché doit savoir prendre un parti sans attendre des ordres qui souvent ne lui parviennent pas. On l'accuse de faiblesse s'il se retire; on l'accuserait de témérité s'il compromettait les troupes qui lui sont confiées. Supporter l'injustice est un des devoirs de l'état militaire, et assurément un des plus pénibles. Au reste, le souvenir que le général d'Hénin conserva de cette réprimande faillit un jour nous être bien funeste, ainsi que je le dirai plus tard.
Le lendemain 12, à cinq heures du matin, le 3e corps se remit en marche. Je continuai de défendre le blockhaus jusqu'à sept heures, et je rejoignis ensuite la colonne, après y avoir mis le feu selon l'ordre exprès que j'en reçus. La rage de tout brûler s'étendit jusqu'à cette palissade et nous porta malheur ; car l'ennemi, à qui l'incendie fit connaître notre départ, lança des obus qui atteignirent quelques hommes.
Il restait encore deux jours de marche pour arriver à Smolensk; ces deux journées furent pour le moins aussi pénibles que les précédentes. Les Cosaques ne cessèrent de nous harceler, et tentèrent même inutilement une attaque sérieuse contre le 18e régiment
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

A noter que certaines sources indiquent que ce n'est que le 13 que le Sous lieutenant Rouchat est tué en avant de Smolensk par l'explosion d'un caisson.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 13 novembre : bivouac aux approches de Smolensk) :
"Le 13, il fallut faire sept lieues sur le verglas et par le froid le plus rigoureux; la violence du vent était telle, que dans les haltes on ne pouvait rester en place; le repos n'était qu'une fatigue de plus. Nous arrivàmes enfin le soir à une demi-lieue de Smolensk, et nous prîmes position derrière les ravins qui en défendent les approches. La nuit mit le comble à nos souffrances, et termina dignement cette cruelle retraite. Plusieurs soldats moururent de froid au bivouac, d'autres eurent les membres gelés" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 14 novembre au matin, Ney distribue les postes de combat et confie au 4e la garde de la barrière de Moscou. Le froid est si violent dans la nuit qu'on a toutes les peines du monde à maintenir les soldats à leur poste.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 14 novembre : faubourg de Smolensk) :
"Au point du jour, nous découvrîmes avec joie les tours de Smolensk que nous regardions depuis longtemps comme le terme de nos misères, puisque l'armée devait s'y reposer et y trouver en abondance des vivres, dont elle était privée depuis si longtemps.
II s'en fallait bien pourtant que ces espérances dussent être réalisées; de tous cotés la fortune semblait favoriser les Russes. Sur la Dwina, le général Wittgenstein, après avoir enlevé Polotzk le 18 octobre, cherchait à rejeter les 2e et 6e corps sur la grande route de Smolensk. Le 9e partait de cette dernière ville pour leur porter secours. A l'autre extrémité du théâtre de la guerre, la paix conclue avec la Turquie avait permis à l'amiral Tchitchagoff, commandant l'armée de Moldavie, de se réunir au corps de Tormasow. Les Autrichiens s'étaient retirés derrière le Bug, et l'amiral s'avançait à grandes journées pour s'emparer de Minsk, où nous avions d'immenses magasins, et pour nous prévenir au passage de la Bérézina.
Pendant ce temps la grande armée russe manoeuvrait toujours sur nos flancs, interceptait les communications, enlevait les corps détachés, et ne nous permettait plus de nous écarter de la route. Sur la gauche, la brigade du général Augereau, cernée aux environs d'Elnïa, avait mis bas les armes. Sur la droite, le 4e corps, qui de D'horogobuz marchait sur Witepsk, venait d'éprouver les plus grands désastres par le froid, la difficulté des chemins et la poursuite de l'ennemi. Son artillerie presque entière avait été détruite au passage du Wop, et ce corps d'armée revenait en toute hâte à Smolensk, où il arriva le même jour que le 3e. Il devenait impossible de s'arrêter à Smolensk; il fallait se hâter de prévenir l'ennemi sur la Bérézina, en se réunissant aux 2e et 9e corps. L'ordre fut donné de continuer la marche, malgré la rigueur de la saison, malgré la déplorable situation des troupes. Le 3e corps, fidèle à remplir sa noble tâche, resta chargé de l'arrière-garde, et nous nous préparâmes à opposer de nouvelles forces à de nouvelles fatigues, et un nouveau courage à de nouveaux dangers.
Smolensk était, ainsi que Minsk, un des grands dépôts de l'armée; on comptait, pour pourvoir aux premiers besoins, sur les magasins qu'on y avait rassemblés, et en effet ils auraient bien dû suffire; mais lorsque la désorganisation s'est mise dans une armée aussi nombreuse, il devient impossible d'en arrêter les progrès. Les administrations, les employés de toute espèce qui sont chargés de maintenir la régularité du service, ne sont plus alors que des éléments de désordre, et le mal s'augmente de tous les efforts que l'on fait pour l'arrêter. Le passage de l'armée à Smolensk en offrit un triste exemple. Depuis la prise de cette ville, le général Charpentier, gouverneur, et M. de Villeblanche, intendant de la province, n'avaient rien négligé pour rendre quelque confiance aux habitants. Grâce à leurs soins, secondés par la bonne discipline du 9e corps, on commençait à rétablir les maisons et l'on faisait venir de tous côtés des vivres que l'on mettait en magasin, quand nos soldats arrivant en foule se précipitèrent aux portes, croyant trouver à Smolensk le repos et l'abondance. Napoléon, qui craignait le tumulte qu'allaient occasionner tous ces soldats isolés, et les régiments presque aussi indisciplinés qu'eux, s'était hâté d'arriver avec la garde impériale. Il défendit de laisser entrer personne, et ordonna aux régiments de se reformer dans les faubourgs. La garde reçut abondamment des distributions de toute espèce, et quand on voulut songer aux autres troupes, le désordre de l'administration, qui était égal à celui de l'armée, empêcha de rien faire d'utile. Les abus de tous genres s'exercèrent impunément; les magasins furent forcés et livrés au pillage, et comme il arrive toujours, on détruisit en vingt-quatre heures les ressources de plusieurs mois; on pilla et l'on mourut de faim.
Le 3e corps, arrivant le dernier sous les murs de Smolensk et tout occupé encore à en défendre les approches, fut oublié par ceux qu'il avait protégés. Pendant que nous tenions tête à l'ennemi, les autres corps d'armée achevaient de piller les magasins. Lorsque j'entrai à mon tour dans la ville, je n'y pus rien trouver ni pour mon régiment ni pour moi. Il fallut donc se résoudre à continuer notre retraite sans avoir reçu aucun secours. On ajouta seulement au 3e corps le 129e régiment et un régiment d'Illyriens, qui furent partagés entre les deux divisions. Ce renfort était bien nécessaire; car depuis Moscou les 11,000 hommes du 3e corps étaient réduits à moins de 3,000. La division wurtembourgeoise, ainsi que la cavalerie, n'existaient plus; l'artillerie conservait à peine quelques canons ; et c'était avec d'aussi faibles moyens qu'il fallait tenir tête à l'avant-garde russe. Déjà l'armée prenait la route d'Orcha, et le maréchal Ney, resté seul, se disposait à défendre la ville le plus longtemps possible pour retarder la poursuite de l'ennemi.
J'ai parlé de Smolensk au commencement de ce récit; j'ai dit que cette ville était située sur la rive gauche du Dniéper, et qu'un faubourg seul s'élevait en amphithéâtre sur la rive droite; les routes de Pétersbourg et de Moscou traversent ce faubourg. Il était, à l'époque où nous sommes, presque entièrement brûlé. Un pont jeté sur le Dniéper conduisait dans la ville, et une forte tête de pont construite sur la rive droite en défendait le passage.
Le 14 au matin, le 3e corps quitta les approches de Smolensk, et fut placé de la manière suivante : la 2e division dans le faubourg de la rive droite; la 1re, en réserve, dans la tête de pont ; le 4e régiment gardait la barrière de Moscou, et le régiment d'Illyrie celle de Pétersbourg; on occupa le petit nombre de maisons que l'incendie avait épargnées. Le froid était si violent, que, la nuit suivante, les soldats placés aux postes avancés menacèrent de les quitter et de rentrer dans les maisons. J'envoyai de bons officiers pour les rappeler à leurs devoirs, bien déeidé moi-même à les suivre si ma présence était nécessaire, et à m'établir au bivouac avec tous les officiers de mon régiment. Il y allait de notre honneur, puisque la défense de l'entrée du faubourg était confiée à mon régiment, et qu'une surprise aurait compromis la division tout entière. L'ordre fut bientôt rétabli. Les soldats ne pouvaient être insensibles à la voix de l'honneur, et ceux à qui la souffrance arracha quelques murmures indignes de leur courage, les expièrent bientôt par une mort glorieuse
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le lendemain 15, le 4e, averti trop tard du mouvement de retraite de la Division, doit gagner en toute hâte la tête du pont qu'il trouve obstrué par les traînards. Au moment le plus critique, le Maréchal Ney, toujours à l'arrière-garde, donne l'ordre au Régiment de marcher à l'ennemi pour dégager le passage. Le Colonel De Fézensac l'enlève au pas de charge. En peu de temps, le 4e est maitre des faubourgs ; il se reforme derrière la barrière de Saint-Pétersbourg où s'engage un combat très vif. Sur l'ordre formel de se retirer, le Régiment regagne en bon ordre la tête du pont. Le soir, le Maréchal Ney donne au 4e les témoignages les plus flatteurs de sa satisfaction. L'arrivée de 200 soldats venus du Dépôt porte l'effectif du 4e Régiment à 500 hommes.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 15-16 novembre : Smolensk, combat le 15) :
"Le lendemain 15 fut le jour d'une affaire où mon régiment se trouva seul engagé. La 2e division reçut dans la matinée l'ordre d'abandonner le faubourg de la rive droite, de traverser la ville et de s'établir sur la route de Wilna, laissant ainsi la 1re division en première ligne pour défendre la tête de pont. Le 4e régiment, qui occupait l'entrée du faubourg, se trouvait le plus éloigné du lieu de rassemblement ; le rappel des postes demanda du temps, et le général Razout, pressé d'exécuter l'ordre qu'il avait reçu, se mit en marche sans vouloir m'attendre. Je partis le plus tôt possible, pour rejoindre la division, lorsque l'ennemi, trouvant les postes extérieurs évacués, pénétra dans le faubourg ; les soldats isolés qu'il poursuivait vinrent se réfugier dans nos rangs. Je pressai la marche, et quand nous eûmes gagné la tête de pont, j'en trouvai le passage tellement obstrué par les voitures qui s'y précipitaient, qu'il était impossible d'y faire passer un seul homme. II fallut donc attendre; mais l'embarras croissait à chaque instant. Les Russes établirent deux pièces de canon sur les hauteurs et commencèrent à tirer sur les voitures et sur mon régiment. Alors le désordre fut porté au comble ; les conducteurs abandonnèrent les voitures fracassées par les boulets; l'infanterie russe et les Cosaques s'avancaient. Cette situation devenait très-critique; il fallait à tout prix repousser une attaque qui pouvait rendre l'ennemi maître de la tête de pont; mais, me trouvant seul dans le faubourg, je n'osais engager une alfaire quand j'avais l'ordre de me retirer. Heureusement le maréchal Ney, que le bruit du canon attirait toujours, parut sur le parapet et m'ordonna de marcher à l'ennemi pour le chasser entièrement du faubourg et donner le temps de débarrasser le passage. J'enlevai mon régiment au pas de charge au milieu de la neige et des décombres des maisons. Les soldats, fiers de combattre sous les yeux du maréchal et des régiments de la 1re division, qui les contemplaient du haut du rempart, s'élancèrent sur l'ennemi avec la plus grande ardeur; les Russes se retirèrent précipitamment en emmenant l'artillerie; leurs tirailleurs furent chassés des maisons ; en peu d'instants nous étions maîtres du faubourg entier; le maréchal Ney me fit dire alors de ne point trop m'avancer, recommandation bien rare de sa part. Je formai mon régiment derrière la barrière de Pétersbourg, et un combat très vif s'engagea sur ce point avec les Russes qui étaient placés dans le cimetière d'une église voisine, dont ils n'osèrent plus sortir. Ce combat se soutint longtemps, quoique les Russes eussent sur nous l'avantage de la position, du nombre et de l'artillerie. Ce ne fut qu'après avoir reçu l'ordre de rentrer que je commençai ma retraite. Elle se fit en bon ordre, et je ramenai mon régiment dans la tête de pont. Tous les officiers avaient rivalisé de zèle en cette occasion; aucun d'eux ne fut blessé, et je perdis peu de soldats. Le sergent que j'avais cassé en commençant la retraite, et à qui je venais de rendre son grade le matin même, fut frappé à côté de moi d'une balle qui m'était peut-être destinée; il tomba mort à mes pieds.
Pendant que la 1re division défendait la ville à son tour, la 2e employa la journée du 16 à nettoyer les armes et à prendre quelque repos. Un détachement de 200 hommes venant de France nous attendait à Smolensk; je le passai en revue, et l'incorporai dans mon régiment, qui, par ce renfort, se trouva porté à plus de 500 hommes. Je vis avec peine combien les jeunes gens qui composaient ce détachement avaient déjà souffert de la fatigue de la route et de la rigueur de la saison. Les équipages, qui avaient pris depuis longtemps les devants, nous attendaient aussi à Smolensk; je leur ordonnai de nous suivre; d'autres colonels envoyèrent les leurs en avant, et l'on en sauva quelques-uns.
Ce même soir je reçus les témoignages les plus flatteurs de la satisfaction du maréchal Ney pour notre affaire de la veille. J'en fis part aux officiers de mon régiment; je les exhortai à s'en rendre toujours dignes. Je pensais avec plaisir que leur tâche allait être bientôt remplie; car l'empereur saisirait certainement la première occasion de nous relever à l'arrière-garde par des troupes fraîches. Aucun officier n'avait été dangereusement blessé ; 500 soldats restaient encore, et combien ce petit nombre d'hommes était éprouvé ! Quel intérêt, quelle confiance ne devaient pas inspirer ces braves soldats, qui, au milieu de si rudes épreuves, étaient restés fidèles à leurs drapeaux, et dont le courage semblait s'accroître avec les dangers et les privations ! J'étais fier de la gloire qu'ils avaient acquise; je jouissais d'avance du repos dont j'espérais les voir bien tôt jouir. Cette illusion fut promptement détruite; mais j'aime encore à en conserver le souvenir, et c'est le dernier sentiment doux que j'aie éprouvé dans le cours de cette campagne.
Beaucoup d'officiers blessés et malades étaient renfermés dans l'hôpital de Smolensk. J'appris qu'il y avait parmi eux un officier de mon régiment qui avait eu une cuisse emportée; je l'envoyai chercher sur-le-champ pour l'emmener avec nous. Ses compagnons d'infortune restèrent exposés aux dangers de l'incendie, de la chute des remparts et de la vengeance des Russes; car c'était le lendemain que le 3e corps devait quitter cet affreux séjour, après avoir fait sauter les remparts ainsi qu'un grand nombre de caissons que l'armée ne pouvait emmener. Déjà cette ville n'offrait plus qu'un amas de décombres. Les portes et fenêtres des maisons qui restaient étaient brisées, les chambres remplies de cadavres; on voyait au milieu des rues les carcasses de chevaux dont toutes les chairs avaient été dévorées par les soldats et par quelques habitants confondus avec eux dans la même misère. Je n'oublierai jamais surtout l'impression de tristesse que j'éprouvai la nuit dans les rues désertes à la lueur de l'incendie qui se réfléchissait sur la neige et contrastait singulièrement avec la douce clarté de la lune. J'avais vu quelques années auparavant cette ville dans tout l'éclat de la richesse, et ce souvenir me rendait plus pénible encore le spectade de sa destruction
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Extrait des Mémoires de Bénard après Kalouga :

"L'idée d'une bataille ayant été écartée, on décida donc de regagner Smolensk, où nous possédions des magasins considérables. C'était une distance de plus de quatre-vingts lieues à franchir par un froid déjà vif et sous une neige perpétuelle. Chaque pied de ce terrain glacé était à conquérir après avoir été arrosé de sang. Encore si nous avions pu trouver le repos dans Smolensk ; mais deux armées devaient nous devancer au delà de cette ville, tandis qu'une troisième nous suivrait pas à pas, laissant à peine à nos troupes le temps de l'évacuer.
Après avoir dépassé le champ de bataille de la Moscowa, le corps du maréchal Ney fut chargé de l'arrière-garde. Presque chaque jour le 4e de ligne se trouva en contact avec l'ennemi.
Les malheurs de la campagne de Russie ont été cent fois décrits, et je n'ai pas la prétention de refaire un récit complet de ce désastre. Je me bornerai à suivre, à travers les traces sanglantes et glorieuses que l'armée française a laissées dans l'histoire à cette époque, l'imperceptible fil des événements qui me sont personnels. Du reste, l'épopée de 1812 n'est autre chose que la réunion de quatre cent mille infortunes semblables à la mienne. Obligé de me renfermer dans le cercle étroit des impressions et des souffrances qui me sont propres, je dois cependant cette justice à mes camarades de dire que leur héroïsme a été constamment à la hauteur de leur misère : c'est le plus grand éloge qu'il soit possible de leur adresser.
Voici quelle était notre vie quotidienne. Chaque régiment à tour de rôle était affecté au service de l'extrême arrière-garde. Celui-là était sûr de combattre toute la journée. Des nuées de Cosaques voltigeant sur nos flancs enlevaient les hommes isolés et achevaient les blessés à coups de lance. Le régiment faisait face à l'ennemi pour l'arrêter et le soir il était remplacé par un autre.
J'ai toujours vu le maréchal au milieu de nous; cet homme était l'intrépidité même; à l'occasion il prenait le fusil et faisait le coup de feu comme un simple soldat. Jamais plus magnifique exemple de sang-froid, d'abnégation et de bravoure n'a été donné de si haut à aucune armée du monde. De tels caractères sont pour une nation un éternel honneur.
Au bout de quelques jours de marche, nous avions perdu une partie de nos caissons. Lcs chevaux refusaient de traîner les pièces, et succombaient les uns après les autres à l'excès de la fatigue et de l'abstinence. Aussitôt à terre ils étaient achevés et dépecés à coups de sabre. Le soir venu, nous faisions cuire, au feu des bivouacs, cette viande enfilée dans les baïonnettes. On la mangeait à peine grillée, sans pain ni sel, car les distributions de vivres n'existaient plus que pour mémoire. Une gorgée de neige fondue complétait le repas ; puis, autour des feux, mal alimentés la plupart du temps avec du bois vert, on s'accroupissait et l'on dormait, la tête sur l'épaule du voisin.
La neige qui tombait toute la nuit s'amoncelait sur notre dos; mais grâce à la flamme que nous entretenions, elle ne pouvait se condenser dans le rayon du foyer, vers lequel étaient tournés nos visages. On se levait avant le jour, on se secouait, on reprenait sa marche dans la neige, encore dans la neige. Tantôt nous en avions jusqu'aux genoux, tantôt elle était moins épaisse, mais il y en avait partout et toujours.
La route que nous suivions traversaient fréquemment des bois de sapins noirs et touffus. Dans tous ces bois nous rencontrions des Cosaques ; ils s'y tenaient cachés, guettant notre passage comme une bande de vautours guettent l'agonie d'un lion. Leur présence nous était révélée par leurs sentinelles, au devant desquelles nous détachions quelques tirailleurs. Ils échangeaient des coups de feu qui ne manquaient jamais de faire sortir tous les oiseaux de leur nid. Quand il y en avait trop, nous formions notre petit carré de deux cents hommes sur chaque face; le reste de notre batterie nous aidait à balayer le terrain. En moins d'une heure nous étions sûrs de voir accourir le maréchal avec du renfort. Aussitôt les Cosaques tournaient le dos, et nous reprenions notre chemin.
On abandonnait les blessés : c'était une alternative cruelle, mais le moyen de les emporter ? Ils tombaient; on les débarrassait de leur sac, afin que les hommes valides profitassent des provisions qui pouvaient s'y trouver, et l'on passait. Un grand nombre d'entre nous, échappés aux coups de l'ennemi, n'avaient pas la force de résister aux privations et aux fatigues excessives. Ils s'appuyaient sur leur fusil en disant : "Camarades, à moi !" Puis ils tombaient sur les genoux. On prenait leur sac et l'on partait sans répondre. En de telles circonstances le soin de la préservation personnelle rend l'homme férocement égoïste. Les souffrances qu'on endure et auxquelles on est chaque jour exposé endurcissent le coeur. Par cela même qu'on est résigné à subir tous les maux, on devient indifférent à ceux des autres.
Certains ne pouvaient supporter la rigueur du froid. Un jour je faisais queue près d'un cheval qui venait de tomber mort, et qu'on dépeçait pour faire des grillades. Quand mon tour fut venu, il ne restait plus de viande que du côté de la croupe. En me baissant pour en couper une tranche, je vis un jeune homme musicien du régiment étendu à terre les bras enfoncés jusqu'au-dessus du coude dans les entrailles encore chaudes de l'animal, et la tête appuyée sur la carcasse à demi-dépouillée.
Ce jeune homme, dont je n'ai jamais pu savoir le nom, était universellement aimé et considéré ; il avait reçu une bonne éducation, et, pendant notre séjour en Pologne, il avait eu plusieurs fois l'occasion de faire preuve d'un véritable talent sur le piano.
- Que faites-vous là ? m'écriai-je.
- Vous le voyez, répondit-il d'un air égaré, je me réchauffe.
- Mais, malheureux, savez-vous que l'ennemi est à cinq cents pas ! Vous allez être pris et tué ! Levez-vous !
- Non, reprit-il, je suis bien, je me réchauffe. Si vous rentrez en France, faites savoir à ma famille, qui habite Le Havre, que vous m'avez vu là.
Sa tête retomba. Je coupai mon morceau de cheval et je m'éloignai en courant. Les Cosaques étaient déjà à mes trousses.
Enfin, nous arrivâmes à quelques lieues de Smolensk, véritable terre promise où nous comptions passer l'hiver et réparer nos forces. Je ne puis dire quelle était alors l'horreur de mon état : des vêtements en lambeaux, tellement sales qu'on n'en reconnaissait plus la couleur; les cheveux en désordre, la barbe longue et mêlée ; des lambeaux d'étoffes en guise de chaussures ; un sac vide, des dents longues, des yeux flamboyants, hagards, les yeux de la Faim et de la Fièvre. Jamais brigands de mélodrame ne présentèrent un aspect plus sauvage.
Pour comble de guignon, j'étais attaqué de la dysenterie. Il était temps que le régiment arrivât. Encore un jour d'une marche semblable et, malgré ma jeunesse et la vigueur de ma constitution, je restais étendu comme tant d'autres sur la route.
Qu'on juge de notre consternation lorsque l'ordre nous fut expédié de nous arrêter, avec défense expresse d'entrer dans la ville. Cet ordre était cependant sage et humain : il avait pour but d'empêcher le pillage des magasins qui formaient notre unique ressource. Mais dans l'excès de notre misère il ne fut pas compris. Nous avions supporté tous nos maux dans l'espoir que Smolensk en serait le terme. Notre état était si affreux qu'il fallait y apporter quelque adoucissement ou périr. Je pris le parti de pénétrer dans la ville à tout prix.
A l'approche de la nuit, je quittai les feux du bivouac avec une dizaine de mes camarades aussi exténués que moi. Une marche de cinq à six lieues sur le flanc de l'armée nous conduisit jusqu'au poste qui gardait l'entrée d'un faubourg. La sentinelle nous cria de passer au large.
- Faites feu, si vous voulez, dit l'un de nous. I1 faut que nous mourions ici ou que nous entrions.
- Retirez-vous, reprit la sentinelle, sinon je serai obligé de faire usage de mon arme. C'est la consigne.
-Tirez donc tout de suite, ce sera plus tôt fini. Et pourtant c'est dur d'être traités comme des Cosaques par des compatriotes que nous avons couverts de notre corps depuis Moscou.
L'officier qui commandait le poste entendit l'altercation. Il s'approcha de nous et ne put réprimer un mouvement de pitié en voyant nos figures hâves et nos vêtements en lambeaux.
Nous le suppliâmes, mais en vain, de nous livrer le passage. Il nous plaignait sincèrement, mais il avait des ordres positifs : la moindre tentative pour forcer la consigne devait être réprimée avec la plus grande rigueur.
- Vous pourrez, ajouta-t-il, trouver un abri et probablement des vivres à deux ou trois lieues d'ici, en remontant le Dniester. Il y a là un village où sont cantonnés quelques-uns des nôtres.
Cela dit, il nous tourna le dos comme un homme qui ne voulait pas attendre de réplique.
La nuit était obscure, le froid piquant, la neige épaisse. Aucun de nous n'avait pris d'aliment depuis la veille, et trois lieues nous restaient à faire en pays inconnu, sans certitude de trouver au but un gîte et des provisions. Je compris alors, en le ressentant moi-même, cet abattement profond qui portait un grand nombre de mes camarades à se coucher sur la route pour y attendre la mort. Heureusement pour moi, mes compagnons avaient conservé encore quelque énergie et prenaient la route indiquée. L'instinct de la conservation, l'horreur de la solitude me poussèrent à faire un violent effort pour les suivre. Bientôt, la marche aidant, la circulation de mon sang se rétablit et je repris pleine possession de ma volonté.
Ce fut une longue et pénible marche que celle qui nous amena enfin vers minuit jusqu'à l'emplacement des douze ou quinze huttes que l'officier avait honorées du nom de village. Il était temps d'arriver; nous étions vraiment à bout de forces et de courage.
Le village paraissait désert. Depuis longtemps sans doute ses habitants l'avaient abandonné. Toutes les portes étaient closes, mais par les interstices des planches, on voyait glisser, çà et là, de minces filets de lumière.
Nous frappons à la première porte.
- Qui est là? demande une voix à l'intérieur.
- Des compatriotes, des Français, mourants de faim et de fatigue.
- Passez votre chemin. Un général est logé ici.
Nous allons à la hutte voisine. Même réponse, qui se transmet de porte en porte jusqu'à la dernière maison du village. Il y avait des généraux partout.
- On nous trompe ! s'écrie l'un de nous.
- Camarades, dis-je à mon tour, notre der nière heure est venue si nous ne réussissons pas à trouver un abri et des vivres. Nous avons heurté inutilement à toutes les portes, sauf à celle-ci. Elle est notre extrême ressource : il faut nous la faire ouvrir de gré ou de force. Mort pour mort, autant recevoir une balle que crever, comme un chien, de faim et de froid dans la neige.
Mon avis est adopté. Nous frappons à la porte de la dernière maison; on nous adresse la réponse ordinaire. Sans nous y arrêter, nous commençons à battre les planches mal jointes avec la crosse de nos fusils. Il se fait alors un grand mouvement à l'intérieur, et une voix nous crie :
- Mais qui diable êtes-vous, et que voulez-vous?
Je réponds :
- Nous sommes affamés, épuisés, mourants. Nous voulons place au feu et à la table, s'il y en a une. Nous venons de Moscou et nous avons de l'argent pour payer.
La voix reprend :
- Nous sommes déjà bien nombreux ; mais, puisque vous venez de Moscou, nous allons vous ouvrir.
On nous fait entrer en effet dans une salle chauffée au moyen d'un de ces grands poêles comme on en rencontre partout en Russie, et pleine de lanciers polonais. En nous apercevant ils font des cris de commisération.
- Dans quel état, grand Dieu ! dit l'un d'eux ; l'armée a donc bien souffert dans la retraite ?
Mais nous ne trouvons que trois mots à répondre en nous frayant à grand'peine un chemin vers le poêle : Nous avons faim ! Nous avons faim !
Nos physionomies d'ailleurs eussent parlé pour nous ; il n'était pas possible de résister à l'évidence de leur témoignage. Nos hôtes, saisis de pitié - c'étaient des recrues toutes fraîches, qui n'avaient pas encore souffert - nous livrèrent en silence le reste de leur souper, consistant en un mou de mouton. Ils l'avaient dédaigné et jeté en dépeçant l'animal. Nous le fîmes cuire au four, il nous parut délicieux. Nous le payâmes quatre napoléons. C'était pour rien.
Nos Polonais faisaient partie de renforts réunis à Smolensk; ils ne nous accompagnèrent pas beaucoup plus loin ; la mitraille des Russes les balaya comme de la poussière à Krasnoê. Je vois encore leurs têtes pressées pour nous examiner avec une consternation bien naturelle.
Et je garde avec plaisir le souvenir de leur uniforme; il se lie à celui d'une sorte de résurrection. Le morceau d'exécrable viande et la bonne chaleur du poêle m'ont rappelé à la vie après treize jours passés dans la neige, sans autre nourriture que du cheval grillé à la fumée de bois vert.
Nous partîmes le lendemain matin pour venir de nouveau rôder autour de Smolensk. Il nous semblait que la fin de nos maux dût dépendre de notre entrée dans cette ville. Dieu sait pourtant quel aspect de désolation et de ruine offrait, à l'intérieur, cette terre promise. Nous nous adressâmes inutilement à plusieurs postes; partout nous fûmes repoussés. Enfin, l'un de nous reconnut un "pays" dans un artilleur placé en sentinelle près d'une embrasure. Ses sollicitations et le spectacle de notre détresse firent impression sur ce jeune soldat. L'endroit était désert. Il fut convenu qu'au moment où il poserait à terre la crosse de sa carabiue et s'appuierait sur l'extrémité du canon, nous pourrions passer sans crainte d'être découvert par un officier.
Le signal fut bientôt donné et nous pûmes franchir enfin cette muraille plus innaccessible que celle d'un palais enchanté. Une confusion inexprimable régnait dans la ville. Aucune régularité dans les fournitures ; on eût dit que les magasins étaient au pillage. On a accusé les agents chargés des distributions de vivres d'avoir fait commerce des provisions dont ils avaient la garde. Je ne sais ce qu'on doit en penser. Je croirais plutôt qu'ils ont été incapables de défendre ce dépôt contre l'envahissement d'une foule affamée. Quelques-uns, se voyant ainsi débordés, profitèrent-ils du désordre pour-tirer parti de la situation à leur profit ? Ce qui est certain, c'est que les magasins furent vides en quelques heures. Des soldats vendaient de la farine dans les rues. Mon premier soin fut d'acheter trois petits pains, appelés dans le pays colachüs, et une bouteille de schnaps. Chacune de ces choses me coûta un napoléon. Les pièces de vingt francs étaient la monnaie courante; tout objet de consommation valait vingt francs. I1 y eût plus d'un juif, à Smolensk, qui dut sa fortune au passage de l'armée française cela démontre une fois de plus que les calamités générales profitent toujours à quelques-uns.
Je m'assis sur une pierre, les jambes étendues, le dos appuyé à la muraille, dans la posture la plus commode pour jouir des délices du festin que je m'étais préparé. Puis je savourai lentement mes trois morceaux de pain blanc arrosés de tout le contenu de ma bouteille.
Après le plus copieux repas, un tel excès de boisson m'aurait rendu malade; mais à ce moment mon estomac avait tellement besoin d'un liquide qui fît contraste avec la neige fondue, que je n'éprouvai pas le moindre étourdissement. Je me sentis au contraire pénétré d'une bienfaisante chaleur qui me rendit une nouvelle énergie; il me sembla que je faisais un nouveau bail avec l'existence, et je résolus de défendre ma vie le plus longtemps et le plus obstinément qu'il me serait possible.
Les maisons étaient occupées militairement. Dans l'une d'elles on voyait une vingtaine d'individus occupés à faire cuire des galettes : excellente précaution pour continuer la retraite. Il y avait encore place auteur du poêle. J'entrai; on me vendit de la farine, et je pus me donner le plaisir de faire l'apprentissage du métier de pâtissier. Il ne me restait plus ensuite qu'à changer d'habits et à prendre à la hâte des soins de propreté indispensables. J'achetai un pantalon et une capote neufs, fraîchement sortis des magasins de l'Etat, après avoir jeté dans la rue, et pour cause, les guenilles qui me couvraient. Je taillai mes cheveux et ma barbe. Par une dernière prévision, je vidai mon sac; les objets qui le chargeaient inutilement furent remplacés par de la farine et du sucre; je glissai mystérieusement sous ma capote une bonne gourde d'eau-de-vie et, métamorphosé de la sorte, prêt, puisqu'il le fallait, à poursuivre notre marche désastreuse, je ne songeai plus qu'à rejoindre mes compagnons d'armes pour reprendre de conserve avec eux la traversée des steppes de neige qui nous séparaient de la frontière russe.
Le jour suivant, le 4e de ligne s'annonça de bonne heure par une vive fusillade. En entrant à son tour dans la ville, maintenant dévastée, mon brave régiment, ou plutôt ses débris, adressait à l'ennemi un dernier salut.
Je rejoignis le drapeau au moment où notre jeune colonel, duc de Fezensac. enlevait ses troupes et les lançait contre les Russes dans le faubourg où ceux-ci avaient osé pénétrer à notre suite ; il les rejeta bien loin par delà le pont qu'il fallait traverser pour entrer dans Smolensk. Ce fut un des plus brillants faits d'armes du 4e. Les remparts étaient bordés de soldats qui le regardaient combattre, et qui accueillirent son retour par des applaudissements enthousiastes.
Quant à notre colonel, il alliait la bravoure d'un vétéran à l'élégance des manières et à la séduction de la jeunesse. Le maréchal Ney, qui se connaissait en courage, a dit que celui de M. de Fezensac était véritablement chevaleresque. C'est aussi le jugement de tous ceux qui l'ont vu, comme moi, déployer dans notre retraite une intrépidité de tous les instants et une fermeté qui ne s'est jamais démentie.
Le régiment séjourna dans Smolensk une nuit et un jour. Il s'y ravitailla tant bien que mal, y reçut de faibles renforts, et apprit que l'Empereur lui continuait la tâche glorieuse de rester à l'arrière-garde et d'y périr pour le salut de l'armée. La ville devait être évacuée pendant la nuit; ordre était donné d'en faire sauter les fortifications après notre départ.
Dans la soirée les hommes valides de notre régiment se divisèrent en petits détachements qui reçurent pour mission de visiter les maisons et d'en faire sortir tous les traînards.
L'affaissement moral de la plupart de ces infortunés rendait très difficile l'exécution de notre consigne. Ils étaient entassés par centaines dans des salles où la moitié de leur nombre se fût trouvée à l'étroit. Tous les grades, tous les uniformes y étaient confondus : généraux, soldats, fantassins, cavaliers, Italiens, Wurtembergeois, Polonais et Français, c'étaient de véritables tours de Babel, mais dans lesquelles personne ne songeait à parler. Ils jouissaient en silence du bien-être relatif que leur communiquait la lourde chaleur des poêles, trop occupés de se chauffer pour s'en distraire, ne fut-ce qu'en répondant à nos abjurgations.
- On part, leur disions-nous, levez-vous, suivez-nous; les Cosaques sont aux portes, ils précèdent les troupes régulières : ils vont envahir la ville et vous massacrer sans pitié. Allons, debout, un peu de courage, un effort, et vous êtes sauvés !
Mais nous ne pouvions les tirer de leur abrutissement. Ils nous regardaient avec des yeux vagues ; on eût dit qu'ils entendaient le son de nos paroles sans en comprendre le sens. Quelques-uns finissaient par dire :
- Nous aimons mieux mourir ici, il y fait chaud.
Injures, menaces, coups même, rien ne venait à bout de cette apathie. Ils ne cherchaient pas à se soustraire à notre brutalité, calculée pour exciter au moins en eux quelque étincelle de colère ; ils restaient accroupis, ou adossés au mur, les mains tendues vers le poêle. Les moins abattus répétaient seulement :
Nous aimons mieux mourir ici.
Vers dix heures, par un temps humide et froid, tous les détachements rejoignirent le régiment sur cette terrasse d'église où j'avais servi de cible aux Russes pendant mon premier séjour. Puis le 4e de ligne sortit de la ville et se dirigea sur Krasnoë.
A quelque distance de Smolensk, nous nous arrêtâmes, fascinés par un merveilleux spectacle. Les fortifications de la ville sautaient l'une après l'autre. Des pans entiers d'énorme maçonnerie bondissaient à une hauteur prodigieuse au milieu de gerbes de feu dont les ombres profondes de la nuit décuplaient l'intensité.
Quand l'oeuvre de destruction fut accomplie, le régiment reprit sa marche. Les Russes ne nous poursuivirent pas cette nuit-là
".

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 17 novembre : Koritnya) :
"Le lendemain, au moment de notre départ, plusieurs fortes détonations nous apprirent que Smolensk avait cessé d'exister.
Nous marchâmes tranquillement sur la route d'Orcha. Le canon se fit seulement entendre dans le lointain, et l'on pensa que c'était le 9e corps qui se rapprochait de la grande route; car comment supposer que l'ennemi fût sur notre chemin, sans que les corps d'armée qui nous précédaient songeassent à nous en prévenir ? Il n'était cependant que trop certain que l'armée russe, à la faveur de sa marche de flanc, avait atteint Krasnoi, tandis que les Français occupaient encore Smolensk, et qu'elle se préparait à les arrêter au passage. L'empereur, avec la garde, le 4e et enfin le 1er corps furent attaqués successivement les 15, 16 et 17 à Krasnoi. Outre la supériorité du nombre, on peut juger quel avantage avaient les Russes sur des troupes épuisées et presque entièrement dépourvues de cavalerie et d'artillerie. Cependant la valeur triompha de tous les obstacles ; la garde impériale, ayant forcé le passage, resta près de Krasnoi pour secourir les 4e et 1er corps. Le vice-roi, ainsi que le maréchal Davoust rejetèrent avec indignation les propositions de capitulation qu'on osa leur faire. Ils percèrent à leur tour la ligne ennemie, mais en perdant presque toute leur artillerie, leurs bagages et un grand nombre de prisonniers.
L'empereur, n'ayant plus un moment à perdre pour arriver sur la Bérézina, se vit forcé d'abandonner le 3e corps, et précipita sa marche sur Orcha. Pendant trois jours que dura cette affaire, aucun avis ne fut donné au maréchal Ney du danger qui allait le menacer à son tour.
L'empereur a beaucoup reproché au maréchal Davoust de ne s'être pas arrêté un jour à Krasnoi pour attendre le 3e corps. Le maréchal assura qu'il ne l'avait pas pu; au moins eût-il dû prévenir le maréchal Ney. Peut-être aussi la communication était-elle interceptée. Quoi qu'il en soit, le général Miloradowitsch se contenta d'envoyer quelques troupes légères à la poursuite de l'empereur, et réunit toutes ses forces contre le 3e corps, qu'il comptait prendre en totalité
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

- Krasnoë (18 novembre 1812)

4e de ligne plaque de shako de voltigeurs 4e de ligne plaque de shako de voltigeurs Plaque de shako grenadiers 4e de Ligne 1812
Plaques de shako de Voltigeurs (à gauche et au centre) et de Grenadiers (à droite) modèle 1812
Ci-contre : plaque de shako modèle 1812 (de Sous-Officier ?), en laiton; hauteur 140 mm, largeur 117 mm
plaque 4e de ligne modèle 1812 plaque modèle 1812 4e de ligne
Plaques modèle 1812 pour la troupe
Curieux shako attribué au 4e de Ligne (Musée de l'Armée, Bruxelles)
shako 4e de ligne 1812-1815shako 4e de ligne 1812-1815
Ci-contre : shako attribué aux Grenadiers du 4e de Ligne, mis en vente récemment. Le descriptif indique : "Fut en feutre noir, (restauration à prévoir, manques, mites, renfort de carton à l'intérieur pour le rigidifier), calotte, bourdalou à boucle de serrage, cuir ciré noir, coiffe intérieure, basane et toile écru, plaque type 1812 au numero 4 (manque une grenade), jugulaires écailles laiton, rosaces à la grenade, pompon vert (?)"

Le 18, le 3e Corps marche sur Krasnoë, toujours harcelé par les Cosaques ; il rallie la Division Ricard en déroute et trouve la route barrée par l'armée russe ; il est coupé du reste de l'armée. Un parlementaire vient proposer au Maréchal Ney de se rendre ; pour toute réponse, on le fait prisonnier et le 3e Corps (6000 hommes environ) reçoit l'ordre d'attaquer 80000 Russes. La 2e Division marche droit à l'ennemi.

Enfin, on arrive si près de l'ennemi que la Division de tête du 4e de Ligne, écrasée par la mitraille, est renversée sur celle qui la suit et y porte le désordre. Chargée de front et de flanc, la 2e Division est bientôt en pleine déroute : elle n'existe plus. La 1ère Division arrête la poursuite. Le 4e est réduit à 200 hommes. On ne peut plus songer à se frayer un passage ; le Maréchal prend à gauche, à travers champs. Sa présence seule ranime les plus désespérés, et, après cinq heures de marche au hasard, le 3e Corps atteint Sirokowitz, où il franchit le Dniepr sur la glace, abandonnant les bagages, les munitions et les blessés hors d'état de marcher ; cependant deux Sapeurs du 4e parviennent à sauver M. de Briqueville, Aide de camp du Duc de Plaisance, dangereusement blessé la veille. Selon Martinien, le 4e a eu 2 Officiers morts et 20 blessés.

Officiers blessés
Chef de Bataillon Colomb d'Arcine; Capitaines Queyrol, De Lachau, Debye, Freu, Thévenin, Amblard, Delage; Lieutenants Béraud (mort), Burtin, Damiens, Loritz; Sous lieutenant lapeyrie Langlade (mort le 27 janvier 1813) , Joly, Bourgoin, Gassan, Vezu, Hervier, Castera, Costentin , Chaillon

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 18 novembre : arrivée devant Krasnoi, combat; passage du Dniéper) :
"Le 18 au matin nous partîmes de Koritnya et marchâmes sur Krasnoi; quelques escadrons de Cosaques harcelèrent, en approchant de cette ville, la 2e division qui marchait en tête. Cette apparition des Cosaques n'avait aucune importance; nous y étions accoutumés, et quelques coups de fusil suffisaient pour les écarter; mais bientôt l'avant-garde rencontra la division du général Ricard, appartenant au 1er corps, qui était restée en arrière et qui venait d'être mise en déroute. Le maréchal rallia les restes de cette division, et, à la faveur d'un brouillard qui favorisait notre marche en cachant notre petit nombre, il approcha de l'ennemi jusqu'à ce que le canon le forçât de s'arrêter. L'armée russe rangée en bataille fermait le passage de la route ; nous apprîmes seulement alors que nous étions abandonnés du reste de l'armée, et que nous n'avions de salut que dans notre désespoir.
L'affaire du 3e corps à Krasnoi est une des plus belles qui aient illustré cette campagne; jamais on ne vit de lutte plus inégale; jamais le talent du général et le dévouement des troupes ne parurent avec plus d'éclat. A peine le maréchal Ney avait-il mis son avant-garde à l'abri du feu de l'artillerie, qu'un parlementaire envoyé par le général Miloradowitsch vint le sommer de mettre bas les armes. Ceux qui l'ont connu comprendront avec quel dédain cette proposition dut être accueillie; mais le parlementaire l'assura que la haute estime dont le général russe faisait profession pour ses talents et pour son courage, l'empêcherait de lui rien proposer qui fût indigne de lui ; que cette capitulation était nécessaire; que les autres corps d'armée l'avaient abandonné; qu'il était en présence d'une armée de 80,000 hommes, et qu'il pouvait, s'il le désirait, envoyer un officier pour s'en convaincre. Le 3e corps avec les renforts reçus à Smolensk ne s'élevait pas à 6,000 combattants; l'artillerie était réduite à six pièces de canon, la cavalerie à un seul peloton d'escorte. Cependant le maréchal pour toute réponse fit le parlementaire prisonnier; quelques coups de canon tirés pendant cette espèce de négociation servirent de prétexte, et sans considérer les masses des ennemis et le petit nombre des siens, il ordonna l'attaque. La 2e division formée en colonnes par régiments, marcha droit à l'ennemi. Qu'il me soit permis de rendre hommage au dévouement de ces braves soldats et de me féliciter de l'honneur d'avoir marché à leur tête. Les Russes les virent avec admiration s'avancer vers eux dans le meilleur ordre et d'un pas tranquille. Chaque coup de canon enlevait des files entières; chaque pas rendait la mort plus inévitable, et la marche ne fut pas ralentie un seul instant. Enfin nous approchâmes tellement de la ligne ennemie que la 1re division de mon régiment écrasée tout entière par la mitraille, fut renversée sur celle qui la suivait et y porta le désordre. Alors l'infanterie russe nous chargea à son tour, et la cavalerie tombant sur nos flancs nous mit dans une déroute complète. Quelques tirailleurs avantageusement placés arrêtèrent un instant la poursuite de l'ennemi; la division Ledru fut mise en bataille, et 6 pièces de canon répondirent au feu de la nombreuse artillerie des Russes. Pendant ce temps je ralliai ce qui restait de mon régiment sur la grande route, où les boulets nous atteignaient encore. Notre attaque n'avait pas duré un quart d'heure, et la 2e division n'existait plus; mon régiment perdit plusieurs officiers et fut réduit à 200 hommes; le régiment d'Illyrie et le 18e, qui perdit son aigle, furent encore plus maltraités; le général Razout blessé; le général Lenchantin fait prisonnier.
Aussitôt le maréchal fit rétrograder sur Smolensk la 2e division; au bout d'une demi-lieue, il la dirigea à gauche à travers champs, perpendiculairement à la route. La 1re division, ayant longtemps épuisé ses forces à soutenir le choc de toute l'armée ennemie, suivit ce mouvement avec les canons et quelques bagages; tous les blessés qui pouvaient encore marcher, se traînèrent à leur suite. Les Russes se cantonnèrent dans les villages, en envoyant une colonne de cavalerie pour nous observer.
Le jour baissait ; le 3e corps marchait en silence ; aucun de nous ne pouvait comprendre ce que nous allions devenir. Mais la présence du maréchal Ney suffisait pour nous rassurer. Sans savoir ce qu'il voulait ni ce qu'il pourrait faire, nous savions qu'il ferait quelque chose. Sa confiance en lui-même égalait son courage. Plus le danger était grand, plus sa détermination était prompte; et quand il avait pris son parti, jamais il ne doutait du succès. Aussi, dans un pareil moment, sa figure n'exprimait ni indécision ni inquiétude; tous les regards se portaient sur lui, personne n'osait l'interroger. Enfin, voyant près de lui un officier de son état-major, il lui dit à demi-voix : Nous ne sommes pas bien. - Qu'allez-vous f'aire ? répondit l'officier. - Passer le Dniéper. - Où est le chemin ? - Nous le trouverons. - Et s'il n'est pas gelé ? - Il le sera. - A la bonne heure, dit l'officier. Ce singulier dialogue, que je rapporte textuellement, révéla le projet du maréchal de gagner Orcha par la rive droite du fleuve, et assez rapidement pour y trouver encore l'armée qui faisait son mouvement par la rive gauche. Le plan était hardi et habilement conçu; on va voir avec quelle vigueur il fut exécuté.
Nous marchions à travers champs sans guide, et l'inexactitude des cartes contribuait à nous égarer. Le maréchal Ney, doué de ce talent d'homme de guerre qui apprend à tirer parti des moindres circonstances, remarqua de la glace dans la direction que nous suivions et la fit casser, pensant que ce devait être un ruisseau qui nous conduirait au Dniéper. C'était réellement un ruisseau ; nous le suivîmes et nous arrivâmes à un village (Danikowa) où le maréchal fit mine de vouloir s'établir. On alluma de grands feux; on plaça des avant-postes. L'ennemi nous laissa tranquilles, comptant avoir bon marché de nous le lendemain. A la faveur de ce stratagème, le maréchal s'occupa de suivre son plan. Il fallait un guide, et le village était désert; les soldats finirent par trouver un paysan boiteux; on lui demanda où était le Dniéper et s'il était gelé. Il répondit qu'à une lieue de là se trouvait le village de Sirokowietz, et que le Dniéper devait être gelé en cet endroit. Nous partîmes conduits par ce paysan : bientôt nous arrivâmes au village. Le Dniéper, très-encaissé, était en effet assez gelé pour que l'on pût le traverser à pied. Pendant qu'on cherchait un passage, les maisons se remplissaient d'officiers et de soldats blessés le matin, qui s'étaient traînés jusque-là et auxquels les chirurgiens pouvaient à peine donner les premiers soins ; ceux qui n'étaient point blessés s'occupaient de chercher des vivres; le maréchal Ney seul, oubliant à la fois les dangers du jour et ceux du lendemain, dormait d'un profond sommeil.
Vers le milieu de la nuit, on prit les armes pour passer le Dniéper en abandonnant à l'ennemi l'artillerie, les bagages, les voitures de toute espèce et les blessés qui ne pouvaient marcher. M. de Briqueville (Aide-de-camp du duc de Plaisance), dangereusement blessé la veille, passa le Dniéper en se traînant sur ses genoux; je le confiai à deux sapeurs qui vinrent à bout de le sauver. La glace était si peu épaisse qu'un très-petit nombre de chevaux put passer; les troupes se reformèrent de l'autre côté du fleuve.
Déjà le succès venait de couronner le premier plan du maréchal; le Dniéper était passé; mais nous étions à plus de 15 lieues d'Orcha. Il fallait y arriver avant que l'armée française en fût partie; il fallait traverser des pays inconnus et résister aux attaques de l'ennemi avec une poignée de fantassins épuisés de fatigue, sans cavalerie ni artillerie. La marche commença sous d'heureux auspices. Nous trouvâmes des Cosaques endormis dans un village (Gusinoé); ils furent faits prisonniers
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Extrait des Mémoires de Bénard que nous avons laissé quittant Smolensk :

"Le lendemain, à l'heure de la soupe, comme nous étions réunis autour d'un chaudron où chacun à son tour avait déposé une poignée de farine et un peu de sel, l'écho d'une cannonade violente arriva jusqu'à notre bivouac.
Il n'y avait pas à s'y méprendre : à deux lieues en avant de nous, le corps d'armée qui nous précédait se trouvait engagé dans une terrible bataille. Nous nous étonnions de ne pas y prendre part; nos yeux ne quittaient pas le maréchal. Debout, entouré des faibles restes de son état-major, il dirigeait continuellement ses regards dans la direction du combat. Il était évident qu'il attendait des ordres; il n'en reçut pas. Sans doute ils furent interceptés par les Cosaques, dont le pays fourmillait littéralement.
Il fut décidé que la division n'avancerait pas plus loin. Peut-être le maréchal jugea-t-il notre présence nécessaire en cet endroit pour contenir au besoin l'ennemi qui nous suivait et empêcher l'armée d'être prise entre deux feux.
C'est ainsi que nous avons accompli jusqu'au bout les devoirs de notre position à l'arrière-garde. Ce fut d'ailleurs notre dernier sacrifice : le jour qui suivit marqua la dispersion du 3e corps, et presque son anéantissement, à ce point que ses débris eussent à peine suffi pour former un régiment.
On sait quelle lutte désespérée livrait en ce moment, à Krasnoë, l'Empereur, obligé de se frayer un chemin à travers l'armée ennemie. La vieille garde y fut engagée pour la première fois de la campagne et, malgré l'infériorité du nombre, malgré l'affaiblissement causé par les privations et les fatigues, elle culbuta, avec sa bravoure cent fois éprouvée, les régiments qui lui furent opposés. Elle passa, mais le serpent russe, coupé par le milieu, resouda ses tronçons derrière elle, et déroula de nouveau sur les hauteurs de Krasnoë les longs anneaux qui fermaient la marche à notre division.
Le bruit du canon ayant cessé pendant la nuit, et la matinée du lendemain s'étant écoulée sans incident particulier, le maréchal nous remit en marche.
Nous arrivions sur le champ de bataille de la veille, lorsque les premiers Cosaques se montrèrent. Je me rappelle jusqu'aux moindres circonstances des événements de ces deux journées, les dernières que je passai avec mes compagnons d'armes.
Inquiets, affaiblis, nous allions le corps penché en avant, le collet relevé sur les oreilles, quand notre général de division fît entendre une exclamation ponctuée d'un juron énergique ; puis, accourant sur le flanc de la colonne, il s'écria :
- Qu'est-ce que vous faites donc ?
Une voix s'éleva dans les rangs :
- Eh bien, il est encore bon là, le général ! Qu'est-ce que nous faisons ? Parbleu, nous jouons des jambes, quoique nous ne soyons pas à la noce.
- Ne voyez-vous pas les Cosaques ? reprit le général.
- Les Cosaques, voilà une belle vue ! poursuivit la voix; avec ça qu'elle est rare, surtout depuis le commencement de la retraite ! Le général ne se découragea pas.
- Allons, allons, fit-il, détachez-vous en tirailleurs. Eloignez ces mouches, il y en a des myriades.
Tirer, tirailler, quand on a l'estomac vide, les jambes rompues, les doigts raides, toutes ses facultés concentrées dans une seule idée, celle de ne pas tomber à terre, parce qu'on sent bien qu'on ne pourrait se relever !
N'importe, le sentiment du devoir l'emportait, joint à l'instinct de la préservation, et l'on se battait quand même ; mais Dieu sait qu'on n'y mettait pas beaucoup d'entrain.
Les Cosaques n'insistèrent pas. L'ennemi voulait nous laisser entrer au centre du demi-cercle formé par ses troupes, afin de nous envelopper plus sûrement.
La route que nous suivions était semée de morts et de blessés appartenant à la vieille et à la jeune garde. Beaucoup de blessés réclamaient du secours avec des plaintes et des supplications touchantes, mais qu'y faire? Tous les fourgons du régiment avaient été égarés, brisés ou brûlés, et nous étions suivis pour tout équipage d'une mauvaise charrette portant une vivandière et son enfant.
Encore ne fut-ce pas pour longtemps. Un peu plus loin, les Cosaques s'en emparèrent et éventrèrent à coups de lance sa propriétaire.
Nous passions donc sans écouter les cris, avec seulement cette pensée qui nous revenait sans cesse : "Bientôt, peut-être, je serai là, étendu comme eux".
Enfin, nous parvînmes au sommet d'un plateau au-dessous duquel un ravin s'enfonçait. Sur les rampes opposées l'armée russe était échelonnée.
Son effectif se montait à près de 80.000 combattants. De notre côté nous étions au plus 6.000, avec douze pièces de canon.
Que fit le maréchal ? Il commanda de battre la charge, et nous voilà descendant jusqu'au fond du ravin, et cherchant à remonter l'autre pente. C'était pitié de voir cette poignée d'hommes marcher contre ces masses profondes qui jouissaient du double avantage d'une position excellente et d'une écrasante artillerie. Stupéfaits eux-mêmes de notre attaque, les Russes tardèrent à ouvrir leur feu ; mais quand ils nous virent à mi-chemin de la hauteur où ils étaient postés, ils démasquèrent leurs batteries, et plus de cinquante pièces tonnèrent à la fois contre nos rangs clairsemés.
Comme un roquet qui aboie contre un dogue, nos douze canons répondirent. Il y eut de notre côté des prodiges d'héroïsme, mais nous dûmes bientôt reculer en couvrant de nos morts les pentes de la hauteur et le creux du ravin. Les boulets russes nous atteignaient jusque sur la route qui nous avait amenés en face de leurs positions. Cette route était bordée à droite et à gauche par un fossé assez profond. Nos officiers nous engagèrent à nous y jeter, pour éviter le feu de l'ennemi. Pour ma part, m'étant laissé glisser sur la neige le long du talus, je manquai d'être embroché par la baïonnette d'un de mes camarades qui s'était arrêté sottement au fond, le fusil en l'air.
Nous suivîmes le fossé jusqu'à l'endroit où nous avions campé la veille. Les Russes nous laissèrent faire, certains que nous ne pourrions leur échapper. La nuit était venue dans l'intervalle. Le maréchal nous ordonna d'étendre le plus possible les feux de nos bivouacs afin de tromper l'ennemi sur notre force. Le régiment se développa donc sur une longue ligne à l'extrémité de laquelle je me trouvai placé avec une quarantaine des nôtres, assis autour de la même gamelle.
La nuit se passa sans alerte. Mais quand, au petit jour, on nous rassembla sur la route, qu'elle fût notre surprise ! Nous étions réduits à un millier d'hommes. Le maréchal, ayant reconnu l'impossibilité de traverser l'armée russe pour rejoindre l'Empereur, avait rétrogradé avec le gros de la division dans l'intention de passer le Dniester sous Smolensk et de tourner l'aile gauche de l'ennemi : mouvement qu'il exécuta avec son bonheur habituel.
Quant à nous, il était clair que nous étions abandonnés à nos propres inspirations. Il se trouva là un général qui eut le courage de nous lancer contre l'ennemi. Son nom nous était inconnu, il ne portait pas même les insignes de son grade. Il avait un bonnet de peau de mouton et une capote en lambeaux Miracle de la discipline, personne ne refusa d'obéir. Derechef nous descendîmes les pentes du ravin qui nous séparait des Russes. Nous étions mille contre quatre-vingt mille.
A peine au bas du ravin nous fûmes foudroyés par l'artillerie. Un boulet emporta le crâne d'un grenadier qui marchait à mon côté et répandit sa cervelle sur mon épaule. Puis les Cosaques exécutèrent sur notre flanc une charge à fond qui acheva de nous culbuter. J'y reçus un coup de lance au genou, et j'eus grand peine à remonter jusque sur la route, où je bandai ma blessure tant bien que mal avec mon mouchoir.
Cependant les Russes cessèrent leur feu, et un parlementaire vint nous sommer de nous rendre. Il ne nous restait que ce parti à prendre. D'ailleurs notre tâche était terminée, le maréchal ayant échappé à l'ennemi, que nous avions tenu en respect jusqu'au dernier moment. Nos officiers décidèrent qu'il fallait se constituer prisonniers. L'amertume de cette résolution fut un peu adoucie par le désappointement que causa aux Russes le départ du maréchal.
Une heure après, je marchais dans les rangs de l'ennemi
".

Pendant ce temps, les rescapés du 4e poursuivent leur marche. On est encore à 16 lieues d'Orcha où se trouve le reste de l'armée. Le 19, ces glorieux débris du 3e Corps sont chargés par le Général Platov. Les 4e et 18e de Ligne, sous les ordres du Général d'Hénin, reçoivent l'ordre de s'emparer d'un bois occupé par les Cosaques. Le 4e s'engage à fond, tandis que le reste du 3e Corps s'éloigne, le laissant seul aux prises avec l'ennemi, égaré dans les bois, au milieu de la nuit.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 19-20 novembre : Marches sur la rive droite du Dniéper) :
"Le 19, aux premiers rayons du jour; nous suivîmes la route de Liubavitschi. A peine fûmes-nous arrêtés quelques instants par le passage d'un torrent, et par quelques postes de Cosaques qui se replièrent à notre approche : à midi nous avions atteint deux villages situés sur une hauteur, et dont les habitants eurent à peine le temps de se sauver en nous abandonnant leurs provisions. Les soldats se livraient à la joie que cause un moment d'abondance, lorsque l'on entendit crier aux annes; l'ennemi s'avançait et venait de replier nos avant- postes. Les troupes sortirent des villages, se formèrent en colonne et se remirent en marche en présence de l'ennemi; mais ce n'étaient plus quelques Cosaques comme ceux que nous avions rencontrés jusqu'à ce moment; c'étaient des escadrons entiers manoeuvrant en ordre et commandés par le général Platow lui même. Nos tirailleurs les continrent; les colonnes pressèrent le pas en faisant leurs dispositions contre la cavalerie. Quelque nombreuse que fùt cette cavalerie, nous ne la craignions guère, car jamais les Cosaques n'ont osé charger à fond un carré d'infanterie. Mais bientôt plusieurs pièces de canon en batterie ouvrirent leur feu sur nos colonnes. Cette artillerie suivait le mouvement de la cavalerie et se transportait sur des traîneaux partout où elle pouvait agir utilement. Jusqu'à la chute du jour, le maréchal Nev ne cessa de lutter contre tant d'obstacles, en profitant des moindres accidents du terrain. Au milieu des boulets qui tombaient dans nos rangs et malgré les cris et les démonstrations d'attaque des Cosaques, nous marchions du même pas. La nuit approchait ; l'ennemi redoubla d'efforts. Il fallut quitter la route et se jeter à gauche le long des bois qui bordent le Dniéper. Déjà les Cosaques s'étaient emparés de ces bois; le 4e et le 18e sous la conduite du général Hénin furent chargés de les en chasser. Pendant ce temps l'artillerie ennemie prit position sur le bord opposé d'un ravin que nous devions passer. C'était là que le général Platow comptait nous exterminer tous.
Je suivis mon régiment dans le bois. Les Cosaques s'éloignèrent; mais le bois était profond et assez épais; il fallait faire face dans toutes les directions pour se garantir des surprises. La nuit vint, nous n'entendions plus rien autour de nous; il était plus que probable que le maréchal Ney continuait de se porter en avant. Je conseillai au général d'Hénin de suivre son mouvement; il s'y refusa pour éviter les reproches du maréchal, s'il quittait, sans son ordre, le poste où il l'avait placé. Dans ce moment, de grand cris, qui annonçaient une charge, se firent entendre en avant de nous et déjà à quelque distance ; il devenait donc certain que notre colonne continuait sa marche, et que nous allions en être coupés. Je redoublai mes instances, en assurant le général d'Hénin que le maréchal, dont je connaissais bien la manière de servir, ne lui enverrait point d'ordre, parce qu'il s'en rapportait à chaque commandant de troupes pour agir selon les circonstances; que d'ailleurs il était trop éloigné pour pouvoir maintenant communiquer avec nous, et que le 18e était déjà sûrement parti depuis longtemps. Le général persista dans son refus : tout ce que je pus obtenir fut qu'il nous conduisît au point où devait être le 18e pour réunir les deux régiments. Le 18e était parti, et nous trouvâmes à sa place un escadron de Cosaques. Le général d'Hénin, convaincu trop tard de la justesse de mes observations, voulut enfin rejoindre la colonne. Mais nous avions parcouru le bois dans des directions si diverses que nous ne pouvions plus reconnaître notre chemin; les feux que l'on voyait allumés de différents côtés servaient encore à nous égarer. Les officiers de mon régiment furent consultés, et l'on suivit la direction que le plus grand nombre d'entre eux indiqua. Je n'entreprendrai point de peindre tout ce que nous eûmes à souffrir pendant cette nuit cruelle. Je n'avais pas plus de 100 hommes et nous nous trouvions à plus d'une lieue en arrière de notre colonne. Il fallait la rejoindre au milieu des ennemis qui nous entouraient. Il fallait marcher assez rapidement pour réparer le temps perdu, et assez en ordre pour résister aux attaques des Cosaques. L'obscurité de la nuit, l'incertitude de la direction que nous suivions, la difficulté de marcher à travers bois, tout augmentait notre embarras. Les Cosaques nous criaient de nous rendre et tiraient à bout portant au milieu de nous; ceux qui étaient frappés restaient abandonnés. Un sergent eut la jambe fracassée d'un coup de carabine. Il tombaà côté de moi, en disant froidement à ses camarades : Voila un homme perdu ; prenez mon sac, vous en profiterez. On prit son sac et nous l'abandonnâmes en silence. Deux officiers blessés eurent le même sort. J'observais cependant avec inquiétude l'impression que cette situation causait aux soldats et même aux officiers de mon régiment. Tel qui avait été un héros sur le champ de bataille, paraissait alors inquiet et troublé ; tant il est vrai que les circonstances du danger effraient souvent plus que le danger lui- même. Un très-petit nombre conservaient la présence d'esprit qui nous était si nécessaire. J'eus besoin de toute mon autorité pour maintenir l'ordre dans la marche, et pour empêcher chacun de quitter son rang. Un officier osa même faire entendre que nous serions peut-être forcés de nous rendre. Je le réprimandai à haute voix, et d'autant plus sévèrement que c'était un officier de mérite, ce qui rendait la leçon plus frappante. Enfin, après plus d'une heure, nous sortîmes du bois et nous trouvâmes le Dnièper à notre gauche. La direction était donc assurée, et cette découverte donna aux soldats un moment de joie dont je profitai pour les encourager et leur recommander le sang-froid qui seul pouvait nous sauver. Le général d'Hénin nous remit en marche le long du fleuve pour empêcher l'ennemi de nous tourner. Nous étions loin d'être hors d'affaire; étions loin d'être hors d'affaire ; nous n'avions plus de doutes sur notre direction, mais la plaine dans laquelle nous marchions permettait à l'ennemi de nous attaquer en masse et de se servir de son artillerie. Heureusement il faisait nuit, l'artillerie tirait un peu au hasard. De temps en temps les Cosaques s'approchaient avec de grands cris; nous nous arrêtions alors pour les repousser à coups de fusil, et nous repartions aussitôt. Cette marche dura deux lieues dans des terrains difficiles, en franchissant des ravins si escarpés qu'il fallait les plus grands efforts pour remonter le bord opposé, et en passant des ruisseaux à demi gelés où l'on avait de l'eau jusqu'aux genoux. Rien ne put ébranler la constance des soldats ; le plus grand ordre fut toujours observé, aucun homme ne quitta son rang. Le général d'Hénin, blessé d'un éclat de mitraille, n'en voulut rien dire pour ne pas décourager les soldats, et continua de s'occuper du commandement avec le même zèle. Sans doute on peut lui reprocher de s'être obstiné trop longtemps à défendre le bois du Dniéper ; mais, dans des moments si difficiles, l'erreur est pardonnable. Ce qu'on ne contestera pas du moins, c'est la bravoure et l'intelligence avec lesquelles il nous a guidés, tant qu'a duré cette marche périlleuse.La poursuite se ralentit enfin ; on découvrit quelques feux sur une hauteur en avant de nous. C'était l'arrière-garde du maréchal Ney, qui avait fait halte. en cet endroit et qui se remettait en marche; nous nous réunîmes à elle, et nous apprimes que le maréchal avait marché la veille sur l'artillerie ennemie et l'avait forcée de lui céder le passage.
Ce fut ainsi que le 4e régiment se tira d'une position presque désespérée. La marche continua encore une heure. Les soldats épuisés avaient besoin de repos; on fit halte dans un village où l'on trouva quelques provisions.
Nous étions encore à 8 lieues d'Orcha, et le général Platow allait sans doute redoubler d'efforts pour nous enlever. Les moments étaient précieux : à une heure du matin on battit la générale, et l'on partit. Le village était en flammes; l'obscurité de la nuit, éclairée seulement par la lueur de l'incendie, répandait autour de nous une teinte lugubre. Je regardai tristement ce spectacle. La fatigue de la journée précédente et l'eau qui remplissait mes bottes, m'avaient rendu toutes les souffrances que j'avais éprouvées précédemment. Pouvant à peine marcher, je m'appuyai sur le bras de M. Lalande, jeune officier de voltigeurs. Sa conduite avait mérité quelques reproches au commencement de la campagne, et on lui avait même refusé le grade de capitaine auquel son ancienneté de lieutenant lui donnait des droits. Je l'observais avec attention, et comme j'étais fort content de lui, je crus le moment venu de lui promettre un dédommagement. Je lui témoignai donc ma satisfaction et mes regrets sur le retard qu'avait éprouvé son avancement, en lui donnant ma parole qu'il serait le premier capilaine nommé dans mon régiment. Il me remercia avec la plus grande sensibilité et continua de redoubler de zèle, tant que ses forces répondirent à son courage. Ce malheureux jeune homme a fini par succomber; mais j'aime à penser que l'espérance que je lui avais donnée aura soutenu quelque temps son courage et peut-être adouci l'horreur de ses derniers moments.
Nous marchâmes jusqu'au jour sans être inquiétés. Au premiers rayons du soleil les Cosaques reparurent, et bientôt le chemin que nous suivions nous conduisit dans une plaine. Le général Platow, voulant profiter de cet avantage, fit avancer sur des traîneaux cette artillerie que nous ne pouvions ni éviter ni atteindre; et quand il crut avoir mis le désordre das nos rangs, il ordonna une charge à fond. Le maréchal Ney forma rapidement en carré chacune de ses deux divisions; la 2e, commandée par le général d'Hénin, se trouvant d'arrière-garde, était la première exposée. Nous fimes prendre rang de force à tous les hommes isolés qui avaient encore un fusil; il fallut employer les menaces les plus fortes pour en tirer parti. Les Cosaques, faiblement contenus par nos tirailleurs, et chassant devant eux une foule de traînards sans armes, s'efforçaient d'atteindre le carré. Les soldats précipitaient leur marche à l'approche de l'ennemi et sous le feu de son artillerie. Vingt fois je les vis sur le point de se débander et de fuir chacun de leur côté en se livrant avec nous à la merci des Cosaques. Mais la présence du maréchal Ney, la confiance qu'il inspirait, son attitude calme au moment d'un tel danger les retint dans le devoir. Nous atteignimes une hauteur : le maréchal ordonna au général d'Hénin de s'y maintenir, en ajoutant qu'il fallait savoir mourir là pour l'honneur de la France. Pendant ce temps le général Ledru marchait sur (ainsi nommé dans le rapport de Platow. Ce doit être Teolino) Jokubow, village adossé à un bois. Quand il y fut établi, nous allâmes l'y joindre; les deux divisions prirent position en se flanquant mutuellement. Il n'était pas encore midi, et le maréchal Ney déclara qu'il défendrait ce village jusqu'à 9 heures du soir. Le général Platow tenta vingt fois de nous enlever; ses attaques furent constamment repoussées, et fatigué de tant de résistance, il prit position lui-même vis-à-vis de nous.
l.e maréchal avait enyoyé dès le matin un officier polonais qui parvint à Orcha et y donna de nos nouvelles. L'empereur en était parti la veille; le vice-roi et le maréchal Davoust occupaient encore la ville.
A 9 heures du soir, nous prîmes les armes et nous nous mîmes en marche dans le plus grand silence. Les postes de Cosaques placés sur la route se replièrent à notre approche. La marche continua avec beaucoup d'ordre. A une lieue d'Orcha , l'avant-garde rencontra un poste avancé. On lui répondit en français. C'était une division du 4e corps qui venait à notre secours avec le vice-roi. Il faudrait avoir passé trois jours entre la vie et la mort pour juger de la joie que nous causa cette rencontre. Le vice-roi nous reçut avec une vive émotion. Il témoigna hautement au maréchal Ney l'admiration que lui causait sa conduite. Il félicita les généraux et les deux seuls colonels qui restaient (le colonel Pelleport, du 18e, et moi). Ses aides-de-camp nous entourèrent en nous accablant de questions sur les détails de ce grand drame et sur la part que chacun y avait prise. Mais le temps pressait; au bout de peu d'instants il fallut repartir pour Orcha. Le vice-roi voulut faire notre arrière-garde; à 5 heures du matin nous entrâmes dans la ville. Quelques maisons assez misérables du faubourg nous servirent d'asile. On promit des distributions pour Ie lendemain, et il nous fut enfin permis de prendre un peu de repos.
Ainsi se termina cette marche hardie, l'un des plus curieux épisodes de la campagne. Elle couvrit de gloire le maréchal Ney, et le 3e corps lui dut son salut, si l'on peut donner le nom de corps d'armée à 8 ou 900 hommes qui arrivèrent à Orcha, reste des 6,000 qui avaient combattu à Krasnoi
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 21, le 1er Corps remplace le 3e Corps à l'arrière-garde. Le 4e de Ligne était réduit à 80 hommes, exténués de fatigue et à peine vêtus, et cependant, c'est encore, de tous les Régiments du 3e Corps, celui qui est dans le meilleur état. Ce jour là, le Lieutenant Fouchet est blessé au cours d'un combat près de Borissow.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 21 novembre : le matin à Orcha, le soir à Kochanow; 22 Tolostchin; 23 Bobr) :
"Pendant que le 3e corps soutenait la terrible lutte que je viens de raconter, l'empereur avait marché rapidement sur Orcha, toujours poursuivi par les troupes légère des Russes. Le détail de ce mouvement n'offre d'intéressant que la mort funeste de 300 hommes du 1er corps, brûlés à Lyady dans une grange où ils avaient passé la nuit. Ces malheureux, en voulant se sauver, s'accrochèrent tellement les uns aux autres, qu'aucun d'eux ne put sortir. Tous périrent; un seul respirait encore, et l'on fut obligé pour l'achever de lui tirer deux coups de fusil.
J'ai dit, à la fin du troisième chapitre, dans quelle situation se trouvait l'armée, et combien il était nécessaire de prévenir les Russes au passage de la Bérézina ; aussi Napoléon, sans s'arrêter à Orcha, suivit la route de Borisow. Cette ville est située sur la Bérézina à 50 lieues d'Orcha; la division Dombrowski y était établie pour garder le pont.
Ici commence pour le 3e corps une époque nouvelle. On vient de voir ce corps d'armée chargé seul de l'arrière-garde depuis Viasma, c'est-à-dire, pendant un intervalle de 118 jours et une distance de 60 lieues. Réuni maintenant à la grande armée et marchant dans ses rangs, le 3e corps n'aura plus à partager que les fatigues et les privations communes.
A peine avions-nous pris 3 heures de repos à Orcha, qu'on voulut songer aux distributions; mais nous devions encore être privés de cette faible ressource. Les Russes, parvenus sur l'autre bord du Dniéper, commencèrent à incendier la ville avec des obus; les bâtiments où étaient les magasins se trouvaient fort en vue et servaient de points de mire. Il devint impossible de faire aucune distribution régulière; quelques soldats rapportèrent de l'eau-de-vie et de la farine au péril de leur vie; et le maréchal Davoust, maintenant chargé de l'arrière-garde, pressa notre départ. A 8 heures du matin, nous étions sur la route de Borisow.
Cette route est une des plus belles que l'on puisse voir, et sa largeur permettait de faire marcher de front plusieurs colonnes. Pour la première fois n'ayant point à songer à l'ennemi, j'observai la situation de mon régiment : à peine me restait-il 80 hommes, et comment espérer de conserver ce petit nombre de soldats, auxquels on ne pouvait donner un instant de repos ? Je remarquais avec douleur le mauvais état de leur habillement et de leur chaussure, leur maigreur et l'air d'abattement répandu sur leur visage. Les autres régiments du 3e corps étaient peut-être encore en plus mauvais état que le mien. Le manque de vivres seul aurait suffi pour détruire l'armée, quand toutes les autres calamités ne s'y seraient pas jointes. Depuis longtemps les provisions de Moscou étaient consommées; les charrettes qui les portaient, abandonnées; les chevaux, morts sur la route. On a vu jusqu'à présent quelle part nous avions eue aux distributions qui d'ailleurs n'eurent lieu qu'à Smolensk et à Orcha. Quant aux ressources du pays, on peut juger de ce qui restait dans les lieux que les troupes qui nous précédaient venaient de traverser. Aussi vivions-nous d'une manière miraculeuse, tantôt avec de la farine détrempée dans l'eau sans sel, tantôt avec un peu de miel ou quelques morceaux de chair de cheval et sans autre boisson que la neige fondue. En approchant de Wilna, nous trouvâmes une espèce de boisson faite avec des betteraves. La rigueur du froid était fort diminuée ; on se rappelle que nous avions trouvé le Dniéper à peine gelé, et pourtant ce changement de température ne nous fut d'aucun avantage, car le demi-dégel ne faisait que rendre le terrain glissant, ce qui usait la chaussure et augmentait la fatigue. Je rencontrai à quelque distance d'Orcha M. Lanusse, capitaine de mon régiment, qui avait perdu la vue par un coup de feu à la prise de Smolensk; une cantinière de sa compagnie le conduisait et en prenait le plus grand soin. Il me raconta qu'après avoir été pris et pillés par les Cosaques à Krasnoi, ils avaient trouvé moyen de s'échapper, et qu'ils allaient s'efforcer de nous suivre. Peu de temps après, on les trouva sur la route morts et dépouillés.
Les autres corps d'armée avec lesquels nous marchions avaient perdu moins d'hommes que nous; mais leur misère était aussi grande, et leur désorganisation aussi complète. A cet égard la jeune garde ne se distinguait pas du reste de l'armée. Depuis longtemps la cavalerie n'existait plus. Napoléon réunit les officiers qui avaient encore un cheval pour en former autour de lui des espèces de gardes du corps, dont les colonels étaient sous-officiers et les généraux officiers. Ce corps, auquel il a lui-même donné le nom d'escadron sacré, était sous les ordres immédiats du roi de Naples; mais les malheurs de la retraite empêchèrent d'en tirer parti; il fut dispersé aussitôt que réuni
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 24, c'est au tour du Lieutenant Quinsac d'être blessé sur la route de Borissow. Après le passage de la Bérézina, où l'héroïsme du Maréchal Ney sauve encore l'Armée, le Colonel De Fézensac organise deux pelotons avec les soldats qui restent. Il désigne les officiers qui doivent les commander et prescrit aux autres de prendre un fusil et de marcher toujours avec lui à la tête du Régiment. Le 28 novembre, deux autres Officiers sont blessés aux ponts de la Bérésina (Capitaines Soulairac et Eudel).

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 24 novembre : Natcha; 25 Némonitsa; 26 Vésélovo, passage de la Bérézina dans la nuit; 27-28 bivouac sur la rive droite du fleuve, combat de la Bérézina le 28) :
"En cinq jours de marche, l'armée atteignit les bords de la Bérézina. Nous retrouvâmes à Tolotschin le grand quartier-général. L'empereur félicita le maréchal Ney sur son expédition du Dniéper; il lui parla ensuite avec beaucoup de calme des dangers qui attendaient l'armée au passage de la Bérézina et dont il ne se dissimulait pas l'étendue. Nous passâmes deux nuits à couvert dans les petites villes de Bobr et de Natcha. Je n'en dirai pas autant de Némonitsa, village à une lieue en arrière de Borisow; le voisinage de la Bérézina y causait un grand encombrement, et les soldats de tous les corps d'armée s'entassaient pèle-mêle avec les blessés. Un général, dont j'ignore le nom, logeait dans une assez bonne maison. Le major de mon régiment imagina de lui demander l'hospitalité pour nous; il la refusa, ce qui était immanquable, et le major, très mécontent de ce refus, s'emporta au point de menacer de mettre le feu à la maison, tant l'indiscipline était poussée loin à cette époque ! Je réprimandai fortement mon major, et après avoir fait en son nom des excuses au général, je passai la nuit avec les officiers de mon régiment entre les quatre murs d'une chaumière, dont la toiture avait été enlevée.
Avant de raconter le passage de la Bérézina, il est nécessaire de dire un mot de la situation générale de l'armée et de celle de l'ennemi.
On a vu à la fin du troisième chapitre que le général Wittgenstein avait pris Polotzk le 18 octobre, et que le 2e corps, chassé de sa position sur le Dniéper, se rapprochait de la route que nous suivions. Aussitôt que le duc de Bellune fut arrivé avec le 9e et eut relevé le 2e, le duc de Reggio vint prendre position à Bobr. Le duc de Bellune, après une affaire indécise à Tchasniki le 14 novembre, contint le général Wittgenstein jusqu'au 22, et commença ensuite son mouvement rétrograde pour se rapprocher de la grande armée.
D'un autre côté l'amiral Tchitchagoff, venant de la Moldavie, surprit la ville de Minsk le 16 novembre et s'empara de tous les magasins qu'on y avait réunis. Son avant-garde enleva le pont de Borisow le 21, malgré la vive résistance du général Dombrowski, passa la Bérézina et se porta au-devant de l'empereur sur la route d'Orcha. Le duc de Reggio marcha à la rencontre des Russes, les repoussa jusqu'à Borisow et les rejeta de l'autre côté de la Bérézina, dont ils brûlèrent le pont. Enfin le général en chef Kutusow, qui nous suivait depuis Moscou avec la grande armée, continuait son mouvement sur notre flanc gauche, et combinait ses opérations avec celles des autres corps. Ainsi trois armées russes se préparaient à cerner l'armée française sur les bords de la Bérézina : l'armée de Moldavie, placée sur la rive opposée, en empêchant le passage; le corps du général Wittgenstein, en pressant l'arrière-garde par la droite et la repoussant sur le centre; la grande armée, en appuyant le même mouvement par la gauche. A des attaques aussi formidables, se joignaient l'impossibilité de faire vivre les troupes françaises réunies dans un très-petit espace, la nécessité de construire un pont sur la Bérézina en présence de l'ennemi, enfin la fatigue et l'épuisement de notre armée. Cependant la réunion des 2e et 9e corps, celui-ci presque intact, celui-là beaucoup mieux conservé que les nôtres, devait nous être d'un grand secours ; il nous restait encore 50,000 combattants, 5,000 cavaliers, une artillerie nombreuse, le génie de l'empereur et le courage que donne le désespoir. D'ailleurs la lenteur de la poursuite de la grande armée russe la mettait hors de ligne, puisque le général Kutusow passait seulement le Dniéper à Kopis le 26 novembre, tandis que dès le 25 toute l'armée francaise se trouvait réunie sur les bords de la Bérézina à trois jours de marche en avant de lui. Il s'agissait donc de forcer le passage de la rivière assez rapidement pour ne point être atteint par le général Kutusow, et n'avoir, par conséquent, à combattre que deux armées au lieu de trois. Le 2e corps, placé à Borisow, devait tenter le passage; le 9e, retarder la marche du général Wittgenstein sur la rive gauche; les autres corps, trop épuisés pour pouvoir rien entreprendre, reçurent l'ordre de marcher entre le 2e et le 9e ; la garde impériale était la dernière ressource.
Dès le 24, l'empereur s'occupait de chercher un passage. On ne pouvait le tenter à Borisow même, car il eùt fallu construire et traverser un pont sous le feu des batteries ennemies qui bordaient la rive opposée. Au-dessous de Borisow à Ucholoda, nous nous serions rapprochés du général Kutusow, qu'il était si important d'éviter. A trois lieues au-dessus de Borisow au contraire, au village de Vésélovo, le terrain nous favorisait; les hauteurs de notre côté dominaient la rive opposée, et le passage pouvait être tenté sur ce point, d'autant mieux qu'on trouvait de l'autre côté la route de Zembin, par laquelle on ramènerait l'armée à Wilna. Napoléon prit ce dernier parti : la journée du 25 fut employée à faire des démonstrations de passage à Ucholoda et surtout à Borisow. L'amiral Tchitchagoff, n'ayant en tout que 20,000 hommes d'infanterie, ne pouvait occuper en force tous les points du passage ; il porta sa principale attention sur Borisow et sur les points au-dessous de cette ville, par où le général Kutusow l'assurait que l'armée française devait se diriger. Cependant dans la nuit du 25 au 26, le 2e corps se porta à Vésélovo; l'empereur y arriva le 26 à la pointe du jour. Quelques cavaliers avec des voltigeurs en croupe passèrent à la nage et attaquèrent les avant-postes russes. Aussitôt, 50 pièces de canon furent établies sur les hauteurs qui dominaient la rive opposée pour empêcher l'ennemi de s'y établir. Sous la protection de cette artillerie, les pontonniers, enfoncés dans l'eau glacée, travaillèrent à la construction de deux ponts qu'ils terminèrent avant la nuit. Le 2e corps passa et repoussa les Russes sur la route de Borisow; les autres corps d'armée le suivirent. Le 3e corps arriva le soir à Vésélovo, et passa la Bérézina un peu avant le jour. Beaucoup d'hommes restèrent sur la rive gauche, croyant passer plus facilement le lendemain matin; les autres se dispersèrent sur les marais à demi gelés qui bordaient la rive droite, cherchant vainement un abri contre la rigueur du froid.
Au point du jour, le 3e corps se reforma et prit position derrière le 2e, dans un bois que traverse la route. La journée se passa tranquillement. Tchitchagoff, instruit du passage de notre armée, réunissait ses troupes pour nous attaquer, pendant que les 1er, 4e et 5e corps, l'empereur et la garde impériale, les parcs d'artillerie et les bagages passaient sans discontinuer sur les ponts qui se rompaient à chaque instant. Le passage s'effectua d'abord avec assez d'ordre; mais la foule grossissait sans cesse; et la confusion devint bientôt telle que les troupes se virent obligées d'employer la force pour se faire jour.
Le froid avait repris de nouveau; la neige tombait avec violence, et les feux que nous allumions pouvaient à peine nous réchauffer. Je n'en résolus pas moins d'employer utilement cette journée. Depuis Smolensk, je n'avais eu ni le temps ni le courage d'observer de près la destruction de mon régiment. Ce jour-là, je me décidai à entrer dans ces tristes détails. J'appelai près de moi les officiers et j'en fis l'appel avec la liste que j'avais apportée de Moscou; mais que de changements depuis cette époque ! De 70 officiers à peine en restait-il 40, et la plupart étaient malades ou épuisés de fatigue. Je m'entretins longtemps avec eux de notre situation présente; je donnai à plusieurs les éloges que méritait leur conduite vraiment héroïque; j'en réprimandai d'autres qui montraient plus de faiblesse, et je leur promis surtout de chercher toujours à les encourager par mon exemple. Presque tous les cadres de compagnies avaient été détruits à Krasnoi, ce qui rendait la discipline beaucoup plus difficile. Je formai deux pelotons des soldats qui restaient : le premier composé des grenadiers et voltigeurs, le second des compagnies du centre. Je désignai les officiers qui devaient les commander, et j'ordonnai aux autres de prendre chacun un fusil et de marcher toujours avec moi à la tête du régiment. J'étais moi-même au bout de mes dernières ressources; je n'avais plus qu'un cheval; mon dernier porte-manteau fut perdu au passage de la Bérézina, il ne me resta que ce que j'avais sur le corps, et nous étions encore à 50 lieues de Wilna, à 80 du Niémen; mais je comptais pour peu mes souffrances et mes privations personnelles au milieu de tant de malheurs. Le maréchal Ney avait tout perdu comme nous : ses aides-de-camp mourraient de faim, et je me souviens avec reconnaissance qu'ils eurent plus d'une fois la bonté de partager avec moi le peu de vivres qu'ils pouvaient se procurer.
Ce même soir, le 9e corps éprouva sur la rive droite un événement bien funeste. Le duc de Bellune était arrivé le 26 à Borisow, toujours suivi par le général Wittgenstein. Il vint prendre position le 27 sur les hauteurs de Vésélovo pour protéger le passage et l'effectuer lui-même. La division Partonneaux, qui faisait son arrière-garde, fut laissée à Borisow avec ordre de venir le joindre la nuit. Ce général, n'ayant point de guide et trompé, à ce qu'il paraît, par les feux de l'ennemi, prit une fausse route, tomba au milieu des troupes du général Wittgenstein et fut pris avec toute sa division, forte de 4,000 hommes. Wittgenstein, n'ayant plus rien qui l'arrêtât, marcha rapidement sur Vésélovo.
Le lendemain 28, le combat s'engagea vivement des deux côtés de la rivière. L'amiral Tchitchagoff sur la rive gauche, le général Wittgenstein sur la rive droite, réunirent leurs efforts pour repousser nos troupes et les précipiter dans la Bérézina. On ne pouvait opposer aux attaques de l'amiral que le 2e corps et une partie du 5e; trois faibles bataillons placés sur la grande route servaient de réserve; c'était ce qui restait des 1er, 3e et 8e corps. Le combat se soutint quelque temps ; mais le 2e corps, pressé par des forces supérieures, commençait à plier. Nos réserves, atteintes de plus près par les boulets, se portèrent en arrière. Ce mouvement fit fuir tous les isolés qui remplissaient le bois, et qui, dans leur frayeur, coururent jusqu'au pont. La jeune garde elle-même fut ébranlée. Bientôt il n'y avait plus de salut que dans la vieille garde; nous étions prêts à vaincre ou à mourir avec elle. En un instant tout changea de face, et les lieux qui devaient être le tombeau de la grande armée, furent les témoins de son dernier triomphe. Le duc de Reggio, après une héroïque résistance, venait d'être blessé ; le maréchal Ney le remplaça aussitôt. L'illustre guerrier qui avait sauvé le 3e corps à Krasnoi, sauva sur les bords de la Bérézina l'armée tout entière et l'empereur lui-même. Il rallia le 2e corps et reprit hardiment l'offensive. Son expérience guidait les généraux, comme son courage animait les soldats. Les cuirassiers de Doumerc enfoncèrent les carrés, enlevèrent des pièces de canon. L'infanterie française et polonaise seconda leurs efforts; 4,000 prisonniers et 5 pièces de canon furent le prix de la victoire. Nous accueillîmes avec transport les braves soldats qui conduisaient ces brillants trophées. Leur valeur décida de la journée. Tchitchagoff, qui ne s'attendait plus à trouver des ennemis si redoutables, ne renouvela pas ses attaques. La nuit vint; le 2e corps garda sa position; les autres corps rentrèrent dans le bois et reprirent leurs bivouacs. Cette nuit fut aussi pénible que les précédentes; mais ce n'était plus nous qu'il fallait plaindre; c'étaient les malheureux restés sur l'autre rive.
Le désordre avait été toujours en croissant pendant la journée et la nuit du 27. Le 28 au matin, le pont destiné aux voitures se rompit tout à fait; l'artillerie et les bagages se portèrent sur le pont destiné à l'infanterie et s'y ouvrirent de force un passage. Il ne restait de troupes sur cette rive que les deux divisions du 9e corps; mais une multitude innombrable de fourgons, de voitures de toute espèce, de soldats isolés et d'individus non combattants, parmi lesquels se trouvaient beaucoup de femmes et d'enfants. On avait ordonné expressément que le passage fût d'abord réservé aux troupes; les voitures ainsi que les blessés, les malades et autres individus que l'armée trainait après elle, devaient passer ensuite, protégés par le 9e corps qui fermait la marche. Mais le général Wittgenstein, ayant, comme on l'a dit, enlevé la division Partonneaux tout entière, attaqua le duc de Bellune le 28 au matin près de Vésélovo, et renouvela de ce côté les efforts que faisait l'amiral sur l'autre rive. Le duc de Bellune déploya dans sa résistance tout ce que peuvent inspirer le talent et la valeur; mais, pressé par des forces supérieures, il ne pouvait empêcher les progrès de l'ennemi. Vers le soir, l'artillerie russe, prenant une position avantageuse, fit feu sur cette masse confuse qui couvrait la plaine. Le désordre fut alors à son comble; les chevaux et les voitures passaient sur le corps des hommes qu'ils renversaient. Chacun ne pensant qu'à son propre salut, cherchait pour se frayer un passage à abattre son voisin à ses pieds ou à le jeter dans la rivière. Au milieu de cette confusion, les boulets de canon frappaient ceux qui se soutenaient encore et brisaient les voitures; un grand nombre d'hommes périt sur le pont; d'autres essayant de passer à la nage se noyèrent au milieu des glaçons. Il était nuit; le 9e corps se défendait encore. Bientôt, repliant successivement ses troupes, le duc de Bellune se fit jour jusque sur le pont, le passa précipitamment et y mit le feu; les morts et mourants qui le couvraient furent engloutis dans les flots, et tous ceux qui étaient sur l'autre bord tombèrent au pouvoir de l'ennemi, ainsi que les bagages, beaucoup d'artillerie, les voitures des particuliers, les trophées de Moscou, enfin tout ce qui avait échappé aux désastres précédents. Plus de 15,000 hommes périrent ou furent pris dans cette affreuse journée
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

A Kamen, le Maréchal Ney donne l'ordre de réunir tous les hommes du 3e Corps en état de combattre ; à peine s'en trouve-t-il 100. On en confie le commandement au Capitaine Delachau, du 4e de Ligne, et cette troupe est destinée à servir d'escorte au Maréchal.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 29 novembre : Zembin; 30 Kamen; 1er décembre bivouac dans la direction de Molodetschno; 2 Ilïa, départ la nuit; 3 Molodetschno; 4 Biénitza; 5 Smorghoni) :
"La Bérézina était passée et le projet des Russes avait échoué; mais la déplorable situation de l'armée rendait de plus en plus difficile de résister à de nouvelles attaques. Les 2e et 9e corps, qui s'étaient sacrifiés pour nous ouvrir le passage de la Bérézina, se trouvaient presqu'en aussi mauvais état que nous, et le salut de l'armée ne dépendait que de la rapidité de sa fuite. Aussi cette partie de la retraite, la plus désastreuse de toutes, n'offre-t-elle qu'une marche précipitée ou plutôt une longue déroute sans aucune opération militaire. On espérait rallier l'armée à Wilna, sous la protection de quelques troupes fraîches qui s'y trouvaient. Nous en étions encore à 54 lieues par le chemin de traverse de Zembin qui rejoint la grande route à Molodetschno ; l'on suivit cette direction.
Dès le 28, lorsque l'attaque de Tchitchagoff eut été repoussée, Napoléon quitta les bords de la Bérézina, et se porta à Zembin avec la garde et les 1er, 4e et 5e corps. Le 29, au matin, les 2e et 9e commencèrent leur retraite, suivis par le 3e. La route de Zembin est une chaussée élevée sur des marais et construite en bois, comme plusieurs autres de ce pays; quelques ponts très-longs traversent des courants d'eau qui se jettent dans la Bérézina. Cette disposition de terrain rendait la marche pénible et lente; car les marais n'étant qu'à demi gelés, il fallait que la colonne entière défilât sur cette chaussée souvent très-étroite; mais on se consolait de cet inconvénient en pensant que si l'ennemi, moins occupé de défendre la route de Minsk, eùt porté plus d'attention sur celle de Wilna, il lui aurait suffi de brûler un des ponts pour nous engloutir tous dans les marais. Après avoir passé un de ces défilés, le 3e corps s'arrêta quelque temps pour se rallier. Là je vis passer pêle-mêle des officiers de tous grades, des soldats, des domestiques, quelques cavaliers traînant avec peine leurs chevaux, des blessés et écloppés se soutenant mutuellement. Chacun racontait la manière miraculeuse dont il avait échappé au désatre de la Bérézina, et se félicitait d'avoir pu sauver sa vie en abandonnant tout ce qu'il possédait. Je remarquai un officier italien respirant à peine et porté par deux soldats que sa femme accompagnait. Vivement touché de la douleur de cette femme et des soins qu'elle rendait à son mari, je lui donnai ma place auprès d'un feu qu'on avait allumé. Il fallait toute l'illusion de sa tendresse pour ne pas s'apercevoir de l'inutilité de ses soins. Son mari avait cessé de vivre, et elle l'appelait encore jusqu'au moment où, ne pouvant plus douter de son malheur, elle tomba évanouie sur son corps. Tels étaient les tristes spectacles que nous avions journellement sous les yeux, quand nous nous arrêtions un instant, sans compter les querelles des soldats qui se battaient pour un morceau de cheval ou un peu de farine; car depuis longtemps le seul moyen de conserver sa vie était d'arracher de force les provisions à ceux qui les portaient ou de profiter d'un moment de sommeil pour les leur enlever. Ce même jour, j'appris la mort de M. Alfred de Noailles, aide-de-camp du prince de Neuchâtel, qui avait été tué la veille auprès du duc de Reggio. Jusqu'à ce moment je n'avais perdu aucun de mes amis, et j'en éprouvai une douleur bien vive.
Le maréchal Ney, à qui j'en parlai, me dit pour toute consolation que c'était apparemment son tour, et qu'enfin il valait mieux que nous le regrettions que s'il nous regrettait. Dans de pareilles occasions il témoignait toujours la même insensibilité; une autre fois je lui entendis répondre à un malheureux blessé qui lui demandait de le faire emporter : Que veux-tu que j'y fasse ? tu es une victime de la guerre; et il passa son chemin. Ce n'est pas assurément qu'il fût méchant ni cruel; mais l'habitude des malheurs de la guerre avait endurci son coeur. Pénétré de l'idée que tous les militaires devaient mourir sur le champ de bataille, il trouvait tout simple qu'ils remplissent leur destinée, et l'on a vu d'ailleurs dans ce récit qu'il ne faisait pas plus de cas de sa vie que de celle des autres.
Le 3e corps arriva le 29 à Zembin et le 30 à Kamen. A peine la marche était-elle commencée, que le duc de Bellune déclarait ne pouvoir plus faire l'arrière-garde. Il essaya même de passer en avant et de laisser le 3e corps exposé aux attaques de l'avant-garde russe, ce qui causa une discussion assez vive entre lui et le maréchal Ney. On eut recours à l'autorité de Napoléon, qui ordonna au duc de Bellune (le 2 décembre) de rester à l'arrière-garde et de protéger la retraite.
Mais ce qui venait de se passer donnait peu de confiance en l'appui du 9e corps; aussi le maréchal Ney voulut-il éloigner du danger les restes du 3e, c'est-à-dire, quelques officiers et les aigles des régiments. On réunit sous le commandement d'un capitaine (M. Delachau, capitaine au 4e régiment, depuis colonel du 29e) les soldats en état de combattre; à peine s'en trouva-t-il cent. Cette troupe fut destinée à servir d'escorte au maréchal. Tout le reste partit de Kamen à minuit sous les ordres du général Ledru, pour s'efforcer de rejoindre l'empereur, afin de marcher avec la garde impériale et sous sa protection. Il fallait d'autant plus se hâter que le quartier-général avait un jour d'avance sur nous et marchait à grandes journées. Aussi, pendant deux jours et trois nuits nous marchâmes presque sans nous arrêter, et quand l'excès de la fatigue nous forçait de prendre un instant de repos, nous nous réunissions tous dans une grange avec les aigles des régiments et quelques soldats encore armés qui veillaient à leur défense. Bientôt on donna l'ordre de briser les aigles et de les enterrer; je ne pus y consentir. Je fis brûler le bâton et mettre l'aigle dans le sac d'un des porte-aigles, à côté duquel je marchais constamment. On avait en même temps renouvelé l'ordre déjà donné aux officiers de s'armer de fusils. Cet ordre était inexécutable; les officiers, malades et exténués, n'avaient plus la force de se servir d'une arme. Plusieurs succombèrent pendant ce trajet ; l'un d'eux, qui venait de se marier en France, fut trouvé mort auprès d'un feu, tenant le portrait de sa femme fortement serré contre son coeur. Peu s'en fallut même que nous ne fussions tous enlevés par les Cosaques dans la petite ville d'llüa. Un bataillon de la vieille garde, qui heureusement était resté avec le comte de Lobau pour garder la position, nous aida à nous en débarrasser. Le 3, nous rejoignîmes le quartier général entre llüa et Molodetschno; mais ce quartier-général, si brillant au commencement de la guerre, était devenu méconnaissable. La garde marchait en désordre; on lisait sur la figure des soldats le mécontentement et la tristesse. L'empereur était en voiture avec le prince de Neuchâtel; un petit nombre d'équipages, de chevaux de main et de mulets échappés à tant de désastres suivaient la voiture. Les aides-de-camp de l'empereur, ainsi que ceux du prince de Neuchâtel, menaient par la bride leurs chevaux qui se soutenaient à peine. Quelquefois, pour prendre un peu de repos, ils s'asseyaient derrière la voiture. Au milieu de ce triste cortège, une foule d'écloppés de tous les régiments marchait sans aucun ordre, et la forêt de sapins que nous traversions, en répandant une couleur sombre sur tout ce tableau, semblait encore en augmenter l'horreur. Au sortir de la forêt, nous arrivâmes à Molodetschno, lieu de l'embranchement de la grande route de Minsk à Wilna.
Il était de la plus grande importance pour nous d'atteindre ce point avant que les Russes eussent pu s'en emparer et nous fermer le passage. La rapidité de notre marche prévint ce malheur; mais l'ennemi ne cessait de nous harceler dans toutes les directions. Depuis la Bérézina, leurs trois armées avaient continué de marcher sur trois routes différentes. Tchitchagoff, avec l'armée de Moldavie , faisait l'avant-garde et suivait la même route que nous; Kutusow marchait sur notre flanc gauche; Wittgenstein sur notre flanc droit.
Le 6e corps, commandé par le général de Wrède, s'était, après l'affaire de Polotzk, retiré successivement jusqu'à Doksistzy; il continua son mouvement par Véléika et Nememzin sur Wilna. Cette marche couvrait le flanc droit de l'armée; mais le 6e corps était tellement détruit que l'on n'en pouvait attendre qu'un faible secours. Les Cosaques, tombant à l'improviste au milieu de notre colonne, massacraient presque sans défense tout ce qui se trouvait sous leur main. A Plechtchnitsy, le duc de Reggio, blessé, fut attaqué dans une maison de bois où il était logé; un boulet de canon brisa le lit sur lequel il reposait et dont un des éclats lui fit une seconde blessure. Il ne dut son salut qu'à quelques officiers également blessés qui soutinrent un siège dans la maison jusqu'à l'arrivée des premières troupes françaises. A Chotaviski, à Molodetschno, le 9e corps, qui faisait l'arrière-garde, fut vivement attaqué et mis dans une déroute complète. Le duc de Bellune déclara même que ce serait là son dernier effort, et que dans l'état où étaient les troupes, il allait hâter sa marche, en évitant toute espèce d'engagement (on a peine à comprendre l'illusion de l'empereur. Les 3 et 4 décembre, il indiquait dans ses ordres l'intention de faire reposer l'armée à Molodetschno ou à Smorghoni. II parlait de distributions de vivres. Le 5, au moment de son départ, il ordonnait encore au roi de Naples de garder Wilna, ou du moins Kowno, comme tête de pont). Napoléon, ne pouvant plus rien entreprendre avec une armée tellement détruite, et craignant d'ailleurs l'effet qu'allait produire en Allemagne la nouvelle de ce désastre, se décida à quitter l'armée et à retourner en France, afin de demander de nouveaux secours pour continuer la guerre. Le moment était favorable; car l'occupation de Molodetschno venait de rouvrir la communication avec Wilna. Le 5 décembre il écrivit à Srnorghoni le fameux 29e bulletin, et partit le soir même en traîneau avec le grand-maréchal, le grand-écuyer et le comte de Lobau, son aide-de-camp, laissant au roi de Naples le commandement de l'armée. Ce départ fut jugé diversement : les uns crièrent à l'abandon; d'autres se consolèrent en pensant que l'empereur reviendrait bientôt à la tête d'une nouvelle armée pour nous venger. Le plus grand nombre le vit partir avec indifférence.
Dans la situation de l'armée cet événement était pour elle une nouvelle calamité. L'opinion que l'on avait du génie de l'empereur donnait de la confiance; la crainte qu'il inspirait retenait dans le devoir. Après son départ chacun fit à sa tête, et les ordres que donna le roi de Naples ne servirent qu'à compromettre son autorité
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 6 décembre, le Lieutenant Lalande est blessé et porté disparu sur la route de Wilna.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 6 décembre Oszmiana; 7 miédnirki) :
"Dans la situation de l'armée cet événement était pour elle une nouvelle calamité. L'opinion que l'on avait du génie de l'empereur donnait de la confiance; la crainte qu'il inspirait retenait dans le devoir. Après son départ chacun fit à sa tête, et les ordres que donna le roi de Naples ne servirent qu'à compromettre son autorité. J'ai raconté que les cadres du 3e corps avaient rejoint la garde impériale et marchaient sous sa protection. Dès le lendemain du départ de Napoléon, le roi de Naples voulut les envoyer à l'arrière-garde. Le général Ledru lui tint tête et continua sa marche malgré lui. La division Loison, forte de 10,000 hommes, ainsi que deux régiments napolitains, étaient venus de Wilna prendre position à Oszmiana pour protéger la retraite de l'armée. En deux jours de bivouac, sans un seul combat, le froid les réduisit presqu'au même point que nous; le mauvais exemple des autres régiments acheva de les désorganiser; ils furent entrainés dans la déroute générale, et tous les débris de l'armée vinrent se jeter pêle-mêle dans Wilna.
Il est inutile à cette époque de raconter en détail chaque journée de marche; ce ne serait que répéter le récit des mêmes malheurs. Le froid, qui semblait ne s'être adouci que pour rendre plus difficile le passage du Dniéper et de la Bérézina, avait repris avec plus de force que jamais. Le thermomètre baissa d'abord à 15 et 18, ensuite à 20 et 25, et la rigueur de la saison acheva d'accabler des hommes déjà à demi morts de faim et de fatigue. Je n'entreprendrai point de peindre les spectacles que nous avions sous les yeux. Qu'on se représente des plaines à perte de vue couvertes de neige, de longues forêts de pins, des villages à demi brûlés et déserts, et à travers ces tristes contrées une immense colonne de malheureux, presque tous sans armes, marchant pêle-mêle et tombant à chaque pas sur la glace auprès des carcasses des chevaux et des cadavres de leurs compagnons. Leurs figures portaient l'empreinte de l'accablement ou du désespoir; leurs yeux étaient éteints; leurs traits décomposés et entièrement noirs de crasse et de fumée. Des peaux de mouton, des morceaux de drap leur tenaient lieu de souliers; ils avaient la tête enveloppée de chiffons, les épaules revêtues de couvertures de chevaux, de jupons de femmes, de peaux à demi-brûlées. Aussi, dès que l'un d'eux tombait de fatigue, ses camarades le dépouillaient avant sa mort pour se revêtir de ses haillons. Chaque bivouac ressemblait le lendemain à un champ de bataille, et l'on trouvait morts à côté de soi ceux auprès desquels on s'était couché la veille. Un officier de l'avant-garde russe, témoin de ces scènes d'horreur que la rapidité de notre fuite nous empêchait de bien observer, en a fait un tableau après lequel il n'y a rien à ajouter : "La route que nous parcourions, dit-il, était couverte de prisonniers que nous ne surveillions plus et qui étaient livrés à des souffrances inconnues jusque alors; plusieurs se traînaient encore machinalement le long de la route avec leurs pieds nus et à demi gelés; les uns avaient perdu la parole; d'autres étaient tombés dans une sorte de stupidité sauvage et voulaient malgré nous faire rôtir des cadavres pour les dévorer. Ceux qui étaient trop faibles pour aller chercher du bois, s'arrêtaient auprès du premier feu qu'ils trouvaient; là, s'asseyant les uns sur les autres, ils se tenaient serrés autour de ce feu, dont la faible chaleur les soutenait encore, et le peu de vie qui leur restait s'éteignait en même temps que lui. Les maisons et les granges auxquelles ces malheureux avaient mis le feu, étaient entourées de cadavres; car ceux qui s'en approchaient n'avaient pas la force de fuir les flammes qui arrivaient jusqu'à eux; et bientôt on en voyait d'autres avec un rire convulsif se précipiter volontairement au milieu de l'incendie qui les consumait à leur tour".
On ne finirait pas si l'on voulait raconter toutes les anecdotes horribles, touchantes, et souvent incroyables qui signalèrent cette funeste époque.
Un général, épuisé de fatigue, était tombé sur la route. Un soldat, en passant, commença à lui ôter ses bottes; celui-ci, se soulevant avec peine, le pria d'attendre au moins qu'il fùt mort pour le dépouiller : Mon général, répondit le soldat, je ne demanderais pas mieux; mais un autre va les prendre; il vaut autant que ce soit moi; et il continua.
Un soldat était dépouillé par un autre ; il lui demanda de le laisser mourir en paix. Excusez, camarade, répondit l'autre, j'ai cru que vous étiez mort; et il passa son chemin.
Quelquefois même une affreuse ironie se joignait à l'égoïsme ou à la cruauté. Deux soldats entendirent un officier, malade et étendu par terre, qui les appelait à son secours, et qui se disait officier de génie. Comment ! c'est un officier de génie ? dirent-ils en s'arrêtant. Oui, mes amis, dit l'officier. Eh bien ! tire ton plan, reprit l'un des soldats ; et ils le laissèrent.
Cependant, pour la consolation de l'humanité, quelques traits sublimes de dévouement venaient contraster avec tant d'égoïsme et d'insensibilité. On a cité surtout celui d'un tambour du 7e régiment d'infanterie légère; sa femme, cantinière au régiment, tomba malade au commencement de la retraite; le tambour la conduisit tant qu'ils eurent une charrette et un cheval. A Smolensk, le cheval mourut; alors il s'attela lui-même à la charrette, et traîna sa femme jusqu'à Wilna. En arrivant dans cette ville, elle était trop malade pour aller plus loin, et son mari resta prisonnier avec elle.
Au milieu de si horribles calamités, la destruction de mon régiment me causait une douleur bien vive. C'était là ma véritable souffrance, ou pour mieux dire, la seule ; car je n'appelle pas de ce nom la faim, le froid et la fatigue. Quand la santé résiste aux souffrances physiques, le courage apprend bientôt à les mépriser, surtout quand il est soutenu par l'idée de Dieu, par l'espérance d'une autre vie;· mais j'avoue que le courage m'abandonnait en voyant succomber sous mes yeux des amis, des compagnons d'armes, qu'on appelle, à si juste titre, la famille du colonel, et qu'il semble n'avoir été appelé à commander que pour présider à leur destruetion. Rien n'attache autant que la communauté de malheurs; aussi ai je toujours retrouvé en eux le même attachement et le même intérêt qu'ils m'inspiraient. Jamais un officier ou un soldat n'eut un morceau de pain sans le venir partager avec moi. Cette réciprocité de soins n'était point particulière à mon régiment, on la retrouvait dans l'armée entière, dans cette armée où l'autorité était si paternelle, et où la subordination se fondait presque toujours sur l'attachement et la confiance. On a dit qu'à cette époque les supérieurs étaient méconnus et maltraités; cela ne doit s'entendre tout au plus que des étrangers; car dans l'intérieur d'un régiment, jamais un colonel n'a cessé d'être respecté autant qu'il avait droit de l'être. Le seul moyen d'adoucir tant de maux était de marcher réunis, de s'aider et de se secourir mutuellement. C'est ainsi que nous avancions vers Wilna, comptant chaque pas qui nous en rapprochait, logeant tous entassés dans de misérables cabanes près du quartier-général, arrivant la nuit, partant avant le jour. Un tambour du 24e régiment marchait à notre tête ; c'était tout ce qui restait des tambours et des musiciens des régiments du 3e corps
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

- Wilna (8 décembre 1812)

Tambour de fusiliers 4e de ligne 1812
Fig. 17 Tambour de Fusiliers en 1812 (1813) d'après H. Knötel

Le 8 décembre, après des souffrances inouïes, les débris du 4e arrivent à Wilna, où on fait une distribution d'effets d'habillement et de chaussure. Le 9, le Capitaine Queyrol est blessé en combattant devant Wilna; le Lieutenant Chenu est porté disparu.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 8-9 décembre Wilna; 10 bivouac route de Kowno; 11 Zismory; 12 Kowno) :
"Le 8 décembre, cinq jous après le départ de Napoléon, nous arrivâmes sous les murs de Wilna (par Biénitza et Smorghoni). J'avais pris ce jour-là les devants avec la permission du général Ledru, pour tâcher d'apprendre ce qu'on voulait faire de nous dans cette ville et quelles ressources elle offrirait. En arrivant à la porte, j'y trouvai un encombrement et une confusion comparables au passage de la Bérézina. Aucune précaution n'avait été prise pour mettre de l'ordre; et, pendant que l'on s'étouffait à la porte, il y avait à côté des passages ouverts que l'on ne connaissait point et que personne n'indiqua. Je vins à bout d'entrer en me débattant dans la foule. Parvenu au milieu de la ville, il me fut impossible d'apprendre où l'on allait établir le 3e corps. Tout était en confusion chez le gouverneur et à la municipalité. La nuit vint; j'ignorais où était mon régiment. Excédé de fatigue, j'entrai dans le logement du prince de Neuchâtel, dont tous les domestiques étaient dispersés ; et après avoir soupé avec un pot de confitures sans pain, je m'endormis sur une planche en remettant au lendemain mes recherches.
A la pointe du jour, je parcourus de nouveau la ville pour apprendre des nouvelles de mon régiment. Le coup d'oeil qu'offrait alors Wilna ne ressemblait à rien de ce que nous avions vu jusque alors. Tous les pays que nous venions de parcourir portaient l'empreinte de la destruction dont nous étions les auteurs et les victimes : les villes étaient brûlées, les habitants en fuite; le peu qu'il en restait partageait notre misère, et la malédiction divine semblait avoir frappé de mort autour de nous la nature entière. Mais à Wilna les maisons étaient conservées ; les habitants se livraient à leurs occupations ordinaires; tout offrait l'image d'une ville riche et peuplée; et au milieu de cette ville on voyait errer nos soldats déguenillés et mourants de faim. Les uns payaient au poids de l'or la plus chétive nourriture; d'autres imploraient un morceau de pain de la pitié des habitants. Ces derniers considéraient avec terreur les restes de cette armée jadis si formidable, et qui cinq mois auparavant excitait leur admiration. Les Polonais s'attendrissaient sur des malheurs qui ruinaient leurs espérances; les partisans de la Russie triomphaient; les Juifs ne voyaient que l'occasion de nous faire payer largement tout ce dont nous avions besoin. Les boutiques, les auberges et les cafés, ne pouvant suffire à la quantité d'acheteurs, furent fermés dès le premier jour, et les habitants, craignant que notre avidité n'amenât bientôt la famine, cachèrent leurs provisions. L'armée avait à Wilna des magasins de toute espèce; on fit quelques distributions à la garde; le reste de l'armée était trop en désordre pour y prendre part. Quant aux dispositions militaires il n'y en eut point. Que faire en effet ? chercher à défendre Wilna, c'était tenter l'impossible; se retirer, c'était agir contre l'intention de l'empereur. Dans cette extrémité, le roi de Naples ne fit aucuns préparatifs, soit pour la défense, soit pour l'évacuation de la ville, dont le général Loison occupait encore les approches.
A force de recherches, je trouvai le logement du maréchal Ney et j'appris de lui que l'on avait établi les 2e et 3e corps dans un couvent au faubourg de Smolensk; je m'y rendis aussitôt, c'est-à-dire aussi vite que l'encombrement toujours croissant des rues pouvait le permettre. L'ennemi, faiblement contenu par le général loison, s'approchait de la ville; le bruit du canon se faisait entendre, et la porte de Smolensk était encombrée de fuyards, plusieurs déjà percés de coups de lance et qui s'étouffaient pour trouver un passage. Il me fallut les plus grands efforts pour pénétrer dans le faubourg. Le 3e corps avait en effet occupé la veille le couvent que l'on m'avait indiqué ; mais tous les officiers, ainsi que les généraux, s'étaient dispersés; il ne restait qu'un sergent et dix hommes de mon régiment qui ne connaissaient le logement d'aucun officier. Croirait-on qu'en ce moment deux aides de camp du général Hogendorp, gouverneur de Wilna, vinrent transmettre l'ordre aux 2e et 3e corps de prendre les armes et de se porter sur la ligne pour soutenir le général Loison; ils trouvèrent quelques hommes désarmés, gelés et malades, sans officiers, sans généraux. Bien loin d'obéir à un ordre si étrange, je prescrivis au sergent de rentrer dans la ville, si l'ennemi arrivait jusqu'au faubourg. J'y rentrai moi-même aussitôt en risquant pour la troisième fois de me faire étouffer. Le bruit du canon qui s'approchait mettait tout en alarmes; on battait la générale; le maréchal Lefebvre et plusieurs généraux parcouraient les rues en criant : Aux armes ! Quelques pelotons réunis marchaient vers la porte de Smolensk; mais le plus grand nombre des soldats, couchés dans les rues et dans les maisons où on voulait les souffrir, déclaraient qu'ils ne pouvaient plus combattre et qu'ils resteraient là. Les habitants, craignant le pillage, se hâtaient de fermer leurs maisons et d'en barricader les portes. La vieille garde seule, encore en assez bon ordre, se réunissait sur la place d'armes, et je me joignis à elle. A l'entrée de la nuit le calme se rétablit, le canon cessa de se faire entendre, et la division Loison resta en position sur les hauteurs qui entourent la ville. Le roi de Naples, ne voulant pas courir une seconde fois le risque d'être enlevé de vive force, s'établit le soir même au faubourg de Kowno, pour en partir avant le jour. Je retournai alors chez le maréchal Ney, où je reçus l'ordre de départ. Le 3e corps partait le lendemain à 6 heures du matin, commandé par le général Marchand; le maréchal Ney, destiné jusqu'au dernier moment à sauver les restes de l'armée, reprenait le commandement de l'arrière- garde, composé des Bavarois (6e corps) et de la division Loison.
Un officier de mon régiment vint ensuite me chercher et me conduisit au logement du major, et je retrouvai mon régiment dont j'étais séparé d'une manière si bizarre depuis deux jours ; tant il est vrai qu'on se repent toujours à la guerre d'avoir quitté son poste, même avec l'autorisation de ses chefs, même avec l'intention de bien faire. Les officiers du 4e, semblables au reste de l'armée, avaient passé la journée assez tranquillement dans les maisons en s'inquiétant peu de la générale et de l'approche de l'ennemi. Un capitaine venait d'arriver de Nancy (dépôt du régiment) avec des effets d'habillement et de chaussure. On en distribua aux officiers et aux soldats présents; le reste allait être abandonné faute de moyens de transport. Je voulus les vendre à un Juif, et j'ordonnai à l'officier qui les avait conduits de rester jusqu'au départ de l'arrière-garde pour tâcher de conclure ce marché. Celui-ci, très-effrayé de la situation de Wilna, ne se souciait pas d'y prolonger son séjour, et, après plusieurs objections que je trouvai très-mauvaises, il ne craignit pas de me désobéir et partit même avant nous. Cet officier s'était perdu pour toujours dans mon esprit ; je dois à sa mémoire d'ajouter qu'il est mort depuis sur le champ de bataille.
Le roi de Naples partit à quatre heures du matin avec la vieille garde ; les débris des corps d'armée le suivirent successivement. On assure que le maréchal Mortier apprit par hasard le départ, et se mit en marche avec la jeune garde sans avoir recu d'ordre. Nous partîmes à six heures avec le général Marchand; quelques heures après, le maréchal Ney évacua la ville, qui fut sur-le-champ occupée par l'avant-garde russe. On y abandonna les magasins de vivres, d'armement et d'habillement. Plusieurs généraux, beaucoup d'officiers, plus de 20,000 hommes, presque tous malades, tombèrent au pouvoir de l'ennemi; ces malheureux avaient rassemblé toutes leurs forces pour arriver à Wilna, croyant y trouver le repos. Au moment du départ de l'arrière-garde, les Juifs massacrèrent et dépouillèrent tous ceux qui tombèrent sous leurs mains; le reste mourut de misère dans les hopitaux, ou fut traîné dans l'intérieur de la Russie. Ainsi fut perdue cette ville conquise si brillamment au commencement de la campagne.
Il restait 26 lieues à faire pour repasser le Niémen à Kowno, et il n'y avait pas un moment à perdre; car un jour passé à Wilna donnait aux Russes une grande avance. Cette journée n'avait été employée qu'à frapper aux portes des maisons pour demander un morceau de pain, et le peu de vivres qu'on avait trouvé ayant été consommé, nous n'avions rien à emporter, quand même les moyens de transport n'auraient pas manqué ; aussi les mêmes calamités dont j'ai fait précédemment le récit, continuèrent-elles à nous poursuivre, et nos forces épuisées ne permettaient pas d'espérer de les supporter longtemps.
A une lieue de Wilna se trouve une haute montagne dont la pente rapide était couverte de verglas; cette montagne fut aussi fatale à nos équipages que l'avait été le passage de la Bérézina. Les chevaux firent d'inutiles efforts pour la gravir, et l'on ne put sauver ni une voiture , ni une pièce de canon. Nous trouvâmes au pied de la côte toute l'artillerie de la garde, le reste des équipages de l'empereur et le trésor de l'armée. Les soldats, en passant, enfonçaient les voitures et se chargeaient de riches habits, de fourrures, de pièces d'or et d'argent. C'était un singulier spectacle que de voir des hommes couverts d'or et mourant de faim, et de trouver étendus sur les neiges de la Russie tous les objets que le luxe a fait inventer à Paris. Ce pillage continua jusqu'au moment où les Cosaques tombèrent sur les pillards et s'emparèrent de toutes ces richesses.
Mes compagnons s'étaient dispersés au milieu des voitures et des chevaux abandonnés pour gravir cette montagne; quand je fus parvenu au sommet, je n'en trouvai pas un seul autour de moi; plusieurs me rejoignirent pendant la marche. Un de mes chefs de bataillon, malade et porté sur un traîneau, disparut pour toujours. La 1re journée fut de 9 lieues; la 2e de 7, jusqu'à Zismory. J'avais perdu le général Marchand, et je conduisais seul mon régiment. Les officiers me demandèrent d'arrêter à une lieue en arrière ; mais il y avait 10 lieues de Zismory à Kowno, et le canon de l'arrière-garde, en se rapprochant, m'avertissait qu'il fallait atteindre Kowno dans la journée suivante. J'exigeai donc qu'on allât jusqu'à Zismory, où quelques huttes remplies de blessés nous servirent d'asile.
Le lendemain 12, il était à peine 5 heures du matin quand je me remis en marche; l'obscurité de la nuit, le verglas qui couvrait la route, rendaient cette marche bien pénible. Au point du jour, un officier vint me dire que le maréchal Ney avec l'arrière-garde avait traversé Zismory la nuit, qu'il était en avant de nous, et que rien ne nous séparait plus des ennemis. Ce moment fut peut-être pour moi le plus cruel de toute la campagne. Je jetai les yeux autour de moi : vingt officiers malades, un pareil nombre de soldats dont la moitié sans armes; voilà tout ce qui composait mon régiment, tout ce qui pouvait encore défendre notre liberté et notre vie. Nous touchions au Niémen, et nous allions peut-être perdre en un instant le fruit de deux mois de souffrances, de tant de dévouement, de si grands sacrifices. Cette idée faillit m'ôter tout mon courage. Je pressai la marche, sans consulter ni ma fatigue, ni celle de mes compagnons, sans songer au terrain glissant sur lequel nous tombions à chaque pas. J'avais fait plusieurs fois cette même route au mois de juin après le passage du Niémen. Alors, dans la plus belle saison de l'année, elle était couverte de troupes nombreuses et plus admirables encore par leur ardeur et leur enthousiasme que par leur magnifique tenue. Et maintenant dans les mêmes lieux, par une saison rigoureuse, une foule de fuyards déguenillés, sans force comme sans courage, succombaient à chaque pas à la fatigue, en cherchant à fuir un ennemi qu'ils ne pouvaient plus combattre. Cet affreux contraste me frappa vivement; et, quoique mes forces fussent bien épuisées, j'en retrouvai encore pour sentir tant de malheurs.
Nous étions à moitié chemin de Kowno, quand j'appris d'une manière positive que le maréchal Ney était encore derrière nous avec l'arrière-garde. Cette nouvelle, en calmant mes inquiétudes, me permit de donner à mon régiment quelques instants de repos sur les ruines du village de Rikonti, et nous nous efforçâmes ensuite d'atteindre Kowno, qui semblait fuir devant nous. Deux officiers, conduits sur un traîneau, voulurent m'emmener avec eux ; je les refusai, pour encourager jusqu'à la fin mes compagnons par mon exemple; mais j'avoue que j'eus quelque mérite à ne pas profiter de cette occasion; jamais je n'avais été si fatigué, et peu s'en fallut plus d'une fois que je ne restasse en chemin. Enfin, nous revîmes le Niémen et nous entrâmes dans Kowno. Pendant que les soldats allaient chercher du rhum et du biscuit, je tombai de lassitude an coin d'une borne. On ne pouvait trouver un logement; il fallut m'établir de force avec mes officiers dans une maison occupée par le 4e corps, où l'on refusait de nous recevoir, et où nous couchâmes tous sur le carreau.
Le maréchal Ney venait d'arriver après avoir laissé une partie de l'arrière garde en avant de la ville ; le général Marchand nous rejoignit aussi le soir même avec les autres régiments; il donna l'ordre de départ pour le lendemain à 5 heures. Nous allions passer le Niémen et quitter pour toujours cette terre de malheur. Mais, au moment du départ, le maréchal décida que nous resterions avec lui à l'arrière-garde : dernière épreuve de courage et de dévouement que nous étions appelés à subir, et qui ne fut pas la moins pénible. Depuis longtemps il était permis aux restes du 3e corps de croire leur tâche remplie ; ils avaient atteint le Niémen, et, quoiqu'ils ne fussent plus en état de combattre, on exigeait d'eux de rester dans Kowno pour tenter encore de le défendre ou plutôt pour s'ensevelir honorablement sous ses ruines. ll faut le dire pourtant à la louange des officiers et des soldats, tous obéirent sans murmures, aucun ne quitta son poste dans une situation si critique. Pour moi, qui voyais avec admiration la constance héroïque du maréchal Ney, je me félicitai d'être appelé à l'honneur de seconder ses derniers efforts ; nous rentrâmes dans nos logements, attendant de nouveaux ordres et prêts à tout événement
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Heureusement, le Régiment n'a pas à combattre, mais le 3e Corps trouve encore la route barrée par les Cosaques, et ne doit son salut qu'à un nouvel acte d'héroïsme du Maréchal Ney.

Le Colonel de Fézensac écrit :
"Kowno, de même que Wilna, était rempli de magasins, et l'on pense hien que les distributions ny furent pas plus régulières. Mais les soldats n'eurent pas la patience de mourir de faim au milieu de l'abondance. Les magasins, qne l'on avait respectés à Wilna, furent enfoncés à Kowno, et ce nouveau genre de désordre amena de nouveaux malheurs ; beaucoup d'hommes ayant bu du rhum sans modération furent engourdis de froid et moururent. Cette liqueur était pour eux d'autant plus dangereuse qu'ils en ignoraient les effets, et que, n'étant accoutumés qu'à la mauvaise eau-de-vie du pays, ils croyaient boire impunément du rhum en aussi grande quantité. On brisa les tonneaux, le rhum coulait dans les magasins et presque au milieu des rues; d'autres soldats enlevaient les biscuits ou partageaient entre eux les sacs de farine. Les portes des magasins d'habillement étaient ouvertes, les habits jetés pèle-mêle; chaque soldat prenait ceux qu'il trouvait sous la main et s'en revêtait au milieu de la rue; mais la plupart, traversant Kowno sans s'arrêter, ne songeaient qu'à fuir. Accoutumés à suivre machinalement ceux qui marchaient devant eux, on les voyait risquer de s'étouffer en se pressant sur le pont, sans songer qu'ils pouvaient facilement passer le Niémen sur la glace.
Cependant le maréchal Ney cherchait encore à défendre Kowno pour donner à tous ces malheureux le temps d'échapper à la poursuite de l'ennemi et pour protéger la retraite du roi de Naples, qui avait pris la veille la route de Koenigsberg par Gumbinen. Un ouvrage en terre construit à la hâte en avant de la porte de Wilna, lui parut une défense suffisante pour arrêter l'ennemi toute la journée. Dans la matinée, l'arrière-garde rentra dans la ville; deux pièces de canon soutenues par quelques pelotons d'infanterie bavaroise furent placées sur le rempart, et ce petit nombre de troupes se disposait à soutenir l'attaque qui déjà se préparait. Le maréchal Ney, ayant pris ces dispositions, avait été se reposer dans son logement; à peine était-il parti que l'affaire s'engagea. Les premiers coups de canon des Russes démontèrent une de nos pièces; l'infanterie prit la fuite, les canonniers allaient la suivre. Bientôt les Cosaques pouvaient pénétrer sans obstacle dans la ville, quand le maréchal parut sur le rempart. Son absence avait pensé nous perdre ; sa présence suffit pour tout réparer. Il prit lui-même un fusil, les troupes revinrent à leur poste, le combat se rétablit et se soutint jusqu'à l'entrée de la nuit que commença la retraite. Ainsi ce dernier succès fut dû à la bravoure personnelle du maréchal, qui défendit lui-même en soldat la position qu'il mettait tant de prix à conserver.
Je n'appris qu'ensuite le danger que nous venions de courir, et j'aurais regretté de n'avoir point combattu auprès du maeéchal, si mon premier devoir n'eût été de rester avec mon régiment; nous passâmes la journée, ainsi que le 18e, chez un Juif où nous trouvâmes quelques vivres et beaucoup d'eau-de-vie. Cette espèce d'abondance avait aussi son danger, car, après une aussi longue disette, le moindre excès pouvait être mortel. Malgré les recommandations du colonel Pelleport et les miennes, plusieurs hommes s'enivrèrent et furent hors d'état de nous suivre. Les officiers trouvèrent à Kowno leurs porte-manteaux; il n'y avait aucun moyen de les emporter; chacun prit dans le sien ce qui pouvait lui servir et abandonna le reste, trop heureux de sauver sa vie pour songer à rien regretter
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 13, le Capitaine Thévenin et le Lieutenant Sire sont blessés au combat de la montée de Kowno.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 13 décembre départ le soir, marche de nuit; 14 village dans la direction de Neustadt; 15 Neustadt; 16 Pillkahlen; 17 Rohr; 18 Saliau; 19 Tapiau) :
"Vers le soir l'ordre du départ arriva; le 3e corps devait ouvrir la marche, suivi des Bavarois et des restes de la division Loison. Nous traversâmes Kowno au milieu des morts et des mourants. On distinguait à la lueur des feux des bivouacs encore allumés dans les rues quelques soldats qui nous regardaient passer avec indifférence; et quand on leur disait qu'ils allaient tomber au pouvoir de l'ennemi, ils baissaient la tête et se serraient auprès du feu sans répondre. Les habitants, rangés sur notre passage, nous regardaient d'un air insolent. L'un d'eux s'était déjà armé d'un fusil, je le lui arrachai. Plusieurs soldats, qui s'étaient trainés jusqu'au Niémen, tombèrent morts sur le pont, au moment où ils touchaient au terme de leur misère. Nous passâmes le fleuve à notre tour; et, tournant nos regards vers l'affreux pays que nous quittions, nous nous félicitâmes du bonheur d'en être sortis, et surtout de l'honneur d'en être sortis les derniers.
De l'autre côté du Niémen, la route de Gumbinen traverse une haute montagne. A peine étions-nous au pied, que les soldats isolés qui nous précédaient revinrent précipitamment sur leurs pas et nous annoncèrent qu'ils avaient rencontré les Cosaques. A l'instant même un boulet de canon tomba dans nos rangs, et nous acquîmes la certitude que les Cosaques, ayant passé le Niémen sur la glace, s'étaient emparés du sommet de la hauteur avec leur artillerie et nous fermaient le chemin. Cette dernière attaque, la plus imprévue de toutes, fut aussi celle qui frappa le plus vivement l'esprit des soldats. Pendant la retraite, l'opinion que les Russes ne passeraient point le Niémen s'était fortement établie dans l'armée. Tous de l'autre côté du pont se croyaient en parfaite sécurité, comme si le Niémen eût été pour eux ce fleuve des anciens qui séparait l'enfer de la terre. On peut juger de quelle terreur ils dûrent être saisis, en se voyant poursuivis sur l'autre bord et surtout en trouvant la route occupée par l'artillerie ennemie. Les généraux Marchand et Ledru parvinrent à former une espèce de bataillon en réunissant au 3e corps tous les isolés qui se trouvaient là. On voulut en vain essayer de forcer le passage; les fusils des soldats ne portaient pas, et eux-mêmes n'osaient avancer. Il fallut renoncer à toute tentative et rester sous le feu de l'artillerie, sans oser faire un pas en arrière; car c'eût été nous exposer à une charge, et notre perte alors était certaine. Cette situation acheva de désespérer deux officiers qui avaient été l'exemple de mon régiment pendant toute la retraite, mais dont les forces épuisées depuis longtemps avaient fini par ébranler le courage. Ils vinrent me dire que, ne pouvant plus ni marcher ni combattre, ils allaient tomber entre les mains des Cosaques qui les massacreraient, et qu'ils étaient forcés de rentrer dans Kowno pour se rendre prisonniers. Je fis d'inutiles efforts pour les retenir; je leur rappelai les sentiments d'honneur dont ils étaient pénétrés, le courage dont ils avaient donné tant de preuves, leur attachement pour le régiment qu'ils voulaient abandonner; et, si leur mort était inévitable, je les conjurai du moins de mourir avec nous. Pour toute réponse ils m'embrassèrent en pleurant et rentrèrent dans Kowno. Deux autres officiers subirent le même sort; l'un s'était enivré avec du rhum et ne put nous suivre; l'autre, que j'aimais particulièrement, disparut peu après. Mon coeur était déchiré, j'attendais que la mort vint me rejoindre à mes malheureux compagnons, et je l'aurais peut-être désiré sans tous les liens qui à cette époque m'attachaient encore à la vie.
Le maréchal Ney parut alors et ne témoigna pas la moindre inquiétude d'une situation si désespérée. Sa détermination prompte nous sauva encore et pour la dernière fois. Il se décida à descendre le Niémen et à prendre la route de Tilsitt, espérant regagner Koenigsberg par des chemins de traverse. Il ne se dissimulait pas l'inconvénient de quitter la route de Gumbinen, et de laisser ainsi le reste de l'armée sans arrière-garde, inconvénient d'autant plus grave qu'il était impossible d'en prévenir le roi de Naples; mais il ne restait plus d'autre ressource, et la nécessité en faisait un devoir. L'obscurité de la nuit favorisa ce mouvement. A 2 lieues de Kowno, nous quittâmes les bords du Niémen pour prendre à gauche dans les bois un chemin qui devait nous mener dans la direction de Koenigsberg. On perdit beaucoup de soldats qui, n'étant pas prévenus et marchant isolément, suivirent le Niémen jusqu'à Tilsitt; Pendant la nuit et toute la journée suivante, on prit à peine quelques instants de repos. Un cheval blanc que nous montions à poil les uns après les autres nous fut d'un grand secours. Le 14 au soir, un assez bon village nous servit d'abri. Là je perdis encore deux officiers : l'un mourut la nuit dans la chambre que j'habitais, l'autre disparut le lendemain; Ce furent nos derniers malheurs, car à dater de cette journée notre situation changea de face. La rapidité de notre marche nous avait donné une grande avance; d'ailleurs les Cosaques s'occupaient à poursuivre les autres corps sur la grande route; depuis la montagne de Kowno nous cessâmes de les rencontrer. Les pays que nous traversions n'avaient point été ravagés; on y trouvait des vivres et des traîneaux. Le maréchal Ney se rendit alors directement à Koenigsberg (en passant par Neustadt, Pillkahlen et Saliau), où nous le rejoignîmes le 20, toujours conduits par le général Marchand
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

A Königsberg, le 20 décembre, le Régiment compte environ 100 hommes et quelques Officiers. Les débris de l'armée, sous les ordres du Colonel De Fézensac, sont dirigés sur Marienburg. A peine y arriva-t-il 30 hommes du 4e de Ligne.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 20 décembre Koenigsberg; 21 Braunsberg; 22 Heiligenbeil; 23 Neuenkirschen; 24 aux environs d'Elbing; 25 Marienbourg) :
"Il faut se rappeler ce que nous avions souffert pour juger combien ces premiers jours d'abondance nous rendirent heureux; car, en nous voyant, on nous eût trouvés plus dignes de pitié que d'envie. Le 3e corps se composait d'environ 100 soldats à pied conduits par quelques officiers, et d'un pareil nombre d'écloppés de tous les grades, portés sur des traîneaux. Le froid était excessif, et tout nous semblait bon pour nous en garantir. Aussi les habitants, et surtout les Juifs , nous vendaient au poids de l'or les vêtements les plus communs; ils nous croyaient chargés des trésors de Moscou. En traversant la Vieille-Prusse, il ne fut pas difficile de juger des dispositions des habitants à notre égard. C'était une curiosité maligne dans leurs questions, des plaintes ironiques sur ce que nous avions souffert, ou de fausses nouvelles sur la poursuite des Cosaques que nous ne voyions jamais et que l'on nous annonçait toujours. Si un soldat s'écartait de la route, il était désarmé par les paysans et renvoyé avec des menaces et des mauvais traitements. Un ministre protestant alla même jusqu'à me dire que nos malheurs étaient une juste punition de Dieu pour avoir pillé et ravagé à notre passage la Prusse dont nous étions les alliés. Je dois avouer que nous étions peu sensibles à ce mauvais accueil; le bonheur de trouver des vivres et de passer les nuits dans des chambres bien chaudes nous consolait de tout.
Le roi de Naples, croyant le maréchal Ney à son arrière-garde, s'était dirigé de Kowno sur Koenigsberg par la grande route de Gumbinen. Un officier, qu'il avait envoyé en mission auprès du maréchal, tomba entre les mains des Cosaques, et, s'en étant échappé par miracle, vint annoncer que l'arrière-garde était détruite, et que rien ne s'opposait à la marche de l'ennemi. Le roi de Naples hâta sa marche et arriva à Koenigsberg avant nous. Cette ville était déjà remplie de généraux, d'officiers, d'employés, de soldats isolés qui y arrivaient pêle-mêle, empressés de mettre à profit les ressources qu'elle leur offrait. Les auberges et les cafés ne pouvaient suffire à la quantité des consommateurs; on vit des officiers passer les nuits à table, et succomber à l'intempérance après avoir résisté à la disette; les boutiques étaient assiégées par les acheteurs. On s'empressa de vendre les pierreries et autres objets précieux que l'on avait rapportés de Moscou, et la valeur en était si considérable que tout l'or de la ville fut bientôt enlevé, quoique les habitants, dont l'insolence envers nous était extrême, profitassent de tous les moyens pour abuser de notre situation. Le premier soin du roi de Naples, en arrivant à Koenigsberg, fut de chercher à remettre un peu d'ordre dans une armée livrée à une telle confusion. La circonstance semblait favorable, car le maréchal Macdonald avec le 10e corps, ayant évacué la Courlande, avait pris position à Tilsitt sur le Niémen, et couvrait ainsi le reste de l'armée; il avait encore 50,000 hommes en comptant les Prussiens. Le roi de Naples dirigea donc les débris des corps d'armée sur la Vistule avec ordre de se reformer dans les cantonnements suivants : le 1er corps à Thorn, les 2e et 3e à Marienbourg, le 4e à Marienwerder, le 5e à Varsovie, le 6e à Plotzck, le 7e à Wengrod, le 9e à Dantzick et les Autrichiens à Ostrolenka, la cavalerie à Elbing, la garde et le quartier-général à Koenigsberg. Dès que ces cantonnements furent désignés, un ordre très-sévère fit partir de Koenigsberg en vingt-quatre heures les généraux et officiers qui s'y trouvaient sans autorisation, et dont plusieurs, par leur air découragé et leurs mauvais propos, contribuaient à attirer sur nous le mépris des habitants. Un second ordre fit considérer comme déserteur à l'ennemi tout militaire qui passerait la Vistule.
J'ai dit que le 3e corps arriva le 20 à Koenigsberg; il continua sa marche le lendemain. Le maréchal Ney demeura au quartier-général ; le général Marchand, auquel on destinait un autre commandement, ne nous suivit pas; et comme le peu de généraux et de colonels qui restaient encore avaient pris les devants, je conduisis seul le 3e corps en cinq jours à Marienbourg (par Heiligenbeil et Elbing). A peine 30 hommes de mon régiment et 120 du 3e corps arrivèrent-ils réunis à cette destination. Nous rejoignîmes à Marienbourg les généraux Ledru, Joubert et d'Hénin, ainsi que des officiers et soldats venus isolément. Plusieurs avaient encore l'air effrayé des dangers auxquels ils venaient d'échapper, quoiqu'ils nous eussent quittés depuis longtemps pour s'y soustraire plus vite
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Au bout de quelques jours, grâce à l'arrivée successive d'un grand nombre d'isolés, le Régiment compte 200 hommes, qui sont dirigés sur Custrin ; ils y arrivent le 20 janvier 1813.

Le Colonel de Fézensac écrit (itinéraire du 3e corps pendant la retraite : 26 décembre cantonnements dans l'ile de la Nogat) :
"On assigna des cantonnements dans les villages de l'île de la Nogat. Les régiments s'y rendirent dès le lendemain 26, et nous nous préparâmes à mettre à profit ce temps de repos pour rassembler les débris de ce grand naufrage et réparer autant que possible les maux qu'il avait causés.
L'île de la Nogat est une espèce de delta formé par les deux bras de la Vistule et par la mer; ce pays est rempli de bons villages, et nous y étions très convenablement placés pour travailler à la réorganisation des régiments. Les premiers jours de repos nous parurent bien doux après deux mois et demi de privations et de fatigues, et rien ne fut négligé pour mettre à profit des moments aussi précieux. On s'occupa sur-le-champ des réparations qu'exigeaient l'habillement et la chaussure. Chaque jour on voyait arriver des soldats isolés qu'on avait crus perdus ; mon chirurgien-major, que j'avais eu le bonheur de conserver, désigna ceux qui étaient incapables de continuer à servir; ils furent renvoyés sur les derrières ; quant aux autres , quelques jours de repos rétablirent leurs forces. En même temps je repris la correspondance, si longtemps interrompue, avec le major à Nancy. Le froid était toujours aussi violent, mais nous ne le craignions plus ; renfermés dans de bonnes chambres de paysans et partageant avec eux une nourriture grossière, nous croyions jouir de toutes les douceurs et de tous les agréments de la vie. Les longues soirées d'hiver se passaient à raconter les anecdotes de la campagne et à écrire à nos familles dont nous étions encore séparés de plus de 500 lieues, et à qui la lecture du 29e bulletin avait dû causer de si justes alarmes.
Pendant la durée de ces cantonnements, j'allai à Dantzick, distant seulement de douze lieues; on y trouva abondamment tout ce que nous n'avions pas eu le temps de nous procuree à Koenigsberg. Le général Rapp préparait sa défense dans le cas où l'armée continuerait sa retraite. En peu de temps la place fut approvisionnée et les remparts armés.
Quinze jours s'étaient passés dans les cantonnements, et les régiments commençaient à se reformer; le 4e avait réuni 200 hommes, lorsqu'un événement inattendu changea de nouveau la face des affaires. Le général Yorck, qui faisait avec un corps prussien l'arrière-garde du maréchal Macdonald devant Tilsitt , capitula le 30 décembre avec les Russes et garda la neutralité. Le maréchal Macdonald, perdant par cette défection plus de la moitié du 10e corps, fut obligé de se replier sur Koenigsberg où les Russes le poursuivirent. Il n'était plus possible de conserver la ligne de la Vistule que nous n'étions pas en état de défendre; déjà plusieurs partis de Cosaques avaient donné l'alarme à Marienbourg et à Marienwerder ; quelques-uns passèrent même la Vistule sur la glace et cherchèrent à inquiéter nos cantonnements. Le roi de Naples quitta Koenigsberg le 4 janvier et se rendit à Elbing. La retraite sur la ligne de l'Oder et de la Wartha fut décidée; le 10e corps fit partie de la garnison de Dantzick, qui se trouva ainsi portée à 50,000 hommes, et les autres corps d'armée commencèrent leur retraite en se dirigeant le 1er sur Stettin, les 2e et 3e sur Custrin, les 4e et 6e sur Posen. Dans la nuit du 10 janvier, le 3e corps se réunit à Dirschau et passa le bras occidental de la Vistule. Sur les 200 hommes qui composaient mon régiment à peine 40 étaient-ils armés, et l'officier qui avait été chercher des fusils à Dantzick ne devait arriver que le lendemain dans nos cantonnements. Heureusement il apprit notre mouvement, et vint nous rejoindre le 11 sur la route, après avoir habilement évité la rencontre des Cosaques.
Le premier jour de marche, le 3e corps réuni se montait à près de 1,000 hommes armés et dont l'habillement avait été remis en assez bon état. Le maréchal Ney reparut alors à notre tête et témoigna sa satisfaction des soins que nous nous étions donnés ; il nous quitta peu après pour rentrer en France. Le 3e corps arriva le 20 janvier à Custrin (par Stargard, Driessen et Landsberg), en longeant les frontières du grand-duché de Varsovie. Le général Ledru dirigeait la marche et commandait en chef, le général d'Hénin commandait la 2e division; il ne restait pas d'autres généraux. Les dispositions des habitants nous étaient partout défavorables; mais ils les témoignaient moins ouvertement, depuis que nous étions devenus un peu plus redoutables. Quelques-uns, pour nous faire leur cour, affectaient de blâmer hautement la défection du général Yorck; d'autres cherchaient à nous effrayer par les fausses nouvelles qu'ils nous débitaient sur la poursuite des Russes. Cet artifice réussit peu; nous savions que l'infanterie ennemie n'était point en mesure de nous atteindre; et quant aux Cosaques, nous avions cessé de les craindre en reprenant nos armes Une seule fois cependant, un général étant averti que les Cosaques se trouvaient en force près de lui, crut par prudence devoir quitter le village qu'il occupait avec un régiment. On assure que c'était un faux avis donné par le maître du château oü il logeait, et qui voulait se débarrasser de lui. Je me rappelle aussi qu'en approchant de Custrin, mon régiment logea dans un village avec un régiment illyrien et un régiment espagnol; singulier hasard qui réunissait dans le même lieu quelques hommes de trois nations si diverses et pour une cause si étrangère aux intérêts de leur patrie.
La retraite des autres corps s'effectua aussi tranquillement que la nôtre. En arrivant à Posen, le vice-roi prit le commandement de toute l'armée, devenu vacant par le départ du roi de Naples. L'aile droite composée des Autrichiens et du 7e corps défendait encore la Vistule près de Varsovie; mais déjà Je prince de Schwartzemberg faisait ses dispositions pour rentrer en Galicie, en gardant la neutralité; et le roi de Prusse n'attendait que l'entrée des Russes à Berlin pour se joindre à eux. Le vice-roi allait être bientôt forcé de se retirer derrière l'Oder et même derrière l'Elbe, jusqu'à l'arrivée des renforts qui venaient de France et d'Italie
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Le 17 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, il ne faut rien prendre de la conscription 1813 dans les 40 régiments dont l'état suit, savoir : ... 4e ... Total, 40 régiments.
Il faut au contraire leur donner, sur l'appel des 100 000 hommes, de quoi porter leur dépôt à 2500 hommes afin de compléter les 5e et 6e bataillons et ce qu'ils ont en France. Il suffira, pour les 5 derniers, de les porter à 2000 ...
Il faut donc, après que le corps d'observation de l'Elbe, le corps d'observation d'Italie et les 2 corps d'observation du Rhin seront partis, pouvoir former un corps de réserve avec ce qui existe dans les 40 dépôts ci-dessus désignés, avec ce qu'ils reçoivent de la conscription de 1813 et ce qu'ils vont recevoir sur la levée des 100 000 hommes.
Ce corps de réserve serait composé de 120 bataillons fournis par les 40 régiments ci-dessus. Il faut y ajouter un bataillon de marche des 8e et 18e légers ; un autre du 3e et du 105e ; d'autres bataillons de marche, formés de 2 compagnies tirées des 34 dépôts de la Grande Armée ; plus 5 bataillons de marche de la 32e division militaire. Cela ferait donc environ 150 bataillons ou une réserve de 120 000 hommes qui partirait avec les cadres des 5e et 6e bataillons et avec les cadres qui reviennent de la Grande Armée.
P.S. Je vous prie d'observer que cette lettre dérange quelque chose à l'approuvé que j'ai donné, dans mes lettres précédentes, aux dispositions faites par les bureaux pour compléter les régiments provisoires et différents corps.
Aussitôt que le chef de division aura terminé, il m'apportera ce travail
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32318).

100 hommes concourent bientôt à la formation d'un Bataillon chargé de défendre Spandau.

Le Colonel de Fézensac écrit :
"Cependant l'empereur s'occupait à Paris de la réorganisation des régiments; mais les ordres qu'il donna prouvaient qu'il ignorait combien ces régiments étaient détruits. Il voulut d'abord renvoyer en France les cadres des 4es bataillons et garder à l'armée ceux des trois autres; ensuite renvoyer les 3es et 4es en gardant les deux premiers. Les colonels observèrent que rien de tout cela n'était exécutable; et sur leurs représentations on se décida à envoyer tous les cadres dans les dépôts et à ne laisser à l'armée que les hommes encore en état de combattre. Chaque régiment forma des compagnies de cent hommes valides, commandées par trois officiers; ces compagnies devaient être réunies en bataillons provisoires pour défendre les forteresses de l'Oder, telles que Custrin, Stettin, Spandau. Le 3e corps fournit de cette manière un bataillon de 600 hommes, destiné à faire la garnison de Spandau. Il m'en coûta beaucoup de me séparer des 100 hommes de mon régiment qui en firent partie ..." ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Les hommes restant du 4e de Ligne rejoignent le Dépôt à Nancy.

Le 27 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Fontainebleau, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d’Italie, commandant en chef la Grande Armée, à Posen :"Mon Fils, le ministre de la guerre vous a écrit pour vous faire connaître que les détachements de conscrits de chacun des vingt-huit régiments de la Grande Armée qui doivent se rendre à Erfurt, où ils trouveront les cadres des 2e bataillons, ce qui complétera ces vingt-huit bataillons, partent de France ...
Celui du 24e léger, ceux des 26e léger, 4e de ligne et 72e, arriveront avant le 8 mars ; donnez ordre à un des généraux de brigade du 2e ou du 3e corps, qui désormais n'en doivent former qu'un, de partir avec ces quatre bataillons et de se rendre à Spandau ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.8, page 274 ; Correspondance de Napoléon, t. 24, 19523 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32518).

Le 30 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "Donnez des ordres pour que le régiment de marche de l'Escaut et le bataillon de marche du Texel qui sont à Cüstrin et Glogau, soient dissous. A cet effet, les compagnies de ces 5e bataillons qui appartiennent aux 1er, 2e et 3e corps d'armée joindront leurs corps d'armée. Ils seront incorporés dans les 1er bataillons, et les cadres rentreront en France, sans délai. La compagnie du 28e de ligne sera incorporée dans le 4e de ligne, celle du 55e dans le 18e de ligne, et les cadres rentreront en France, ces régiments n'ayant point de bataillons à la Grande Armée ...
Donnez des ordres pour que les compagnies des 4e et 46e forment un bataillon de marche qui partira sans délai pour être incorporé dans les régiments du 3e corps ...
" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 734 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32545).

Le Colonel de Fézensac écrit :
"... Il m'en coûta beaucoup de me séparer des 100 hommes de mon régiment qui en firent partie. Je leur promis en les quittant que si la paix ne les ramenait pas en France, ils nous verraient bientôt revenir les délivrer; prédiction que l'événement ne justifia guère. Le lendemain de cette opération, tout ce qui restait des régiments se remit en marche pour la France. 100 hommes du 4e, en y comprenant les ofliciers, sous-officiers et soldats malades, partirent de Custrin pour se rendre au dépôt du régiment à Nancy. Cette époque, qui est celle de la réorganisation des régiments, termine tout ce qui est relatif à la campagne de 1812. Je ne pensai plus alors qu'à me rapprocher de ma famille; et laissant au major en second le soin de conduire le régiment, je me rendis en poste à Mayence, en passant par Berlin et Magdebourg. Le maréchal Kellermann, qui commandait à Mayence, me donna la permission d'aller à Nancy visiter le dépôt de mon régiment.
Je n'essaierai pas de peindre mon bonheur en me retrouvant en France, en entendant autour de moi parler français; il faut pour le comprendre être revenu d'aussi loin.
Je reçus à Nancy l'accueil le plus touchant; les officiers du bataillon de dépôt me témoignèrent leur reconnaissance des soins que j'avais pris du régiment pendant cette fatale retraite; tous m'exprimèrent le regret qu'ils avaient éprouvé d'être séparés de leurs camarades, et de ne pouvoir partager leur gloire et leurs honorables revers. Je trouvai le bataillon fort instruit et dans la meilleure tenue; l'administration, confiée aux soins d'un excellent quartier-maître (M. Goudon ville), ne laissait rien à désirer; je n'eus en tout que des éloges à donner au major (M. Boni), officier très-distingué et à l'avancement duquel je me félicite d'avoir pu contribuer par la suite. Trois jours s'étaient passés dans ces occupations, lorsque je reçus l'autorisation de me rendre à Paris. On peut croire que je ne perdis pas de temps; mais, pour qu'il ne manquât rien à la fatalité qui poursuivait nos équipages, ma calèche cassa à quelques lieues de Paris, et j'arrivai seul, la nuit, sur une charrette de paille et couvert d'une peau de loup, dans la maison d'où j'étais parti neuf mois auparavant, au milieu de si immenses préparatifs et de tant d'espérances de succès et de gloire (février 1813).
Tous ceux qui en eurent comme moi la possibilité, vinrent se reposer quelque temps auprès de leurs familles; mais ils n'y retrouvèrent point le bonheur. D'horribles souvenirs troublaient leur mémoire ; l'image des victimes de cette campagne ne cessait de les poursuivre, et leur coeur était rempli d'une tristesse sombre que les soins de l'amitié furent longtemps à dissiper.
Ainsi finit cette entreprise gigantesque qui avait commencé sous de si heureux auspices : ses résultats furent la destruction totale d'une armée de 500,000 hommes, de toutes ses administrations et de son immense matériel. A peine 70,000 hommes repassèrent la Vistule; le nombre de prisonniers ne s'éleva qu'à 100,000, d'où il résulte que 330,000 périrent (j'ai dit que 500,000 hommes ont fait la campagne en tout ou en partie. En déduisant 80,000 hommes pour les trois corps qui formaient les deux ailes (7e et Autrichiens à l'aile droite; 10e à l'aile gauche), il reste donc 420,000 pour la grande armée. De ces 420,000 hommes, il y en eut tout au plus 10,000, presque tous malades ou écloppés, qui repassèrent la Vistule. On en perdit donc 410,000. Quant aux trois corps détachés, qui eurent moins à souffrir, leurs pertes ne peuvent pas s'élever à moins de 20,000 hommes; ce qui fait une perte totale de 430,000 hommes). Cet affrreux calcul s'accorde avec les rapports des autorités russes, qui, étant chargées de faire brûler les cadavres de notre armée, en ont compté plus de 300,000. L'artillerie entière, composée de 1,200 bouches à feu et de leurs caissons, fut prise ou abandonnée, ainsi que 3,000 fourgons, les équipages des officiers, les magasins de toute espèce. L'histoire n'offre pas d'exemple d'un semblable désastre, et ce journal n'en peut donner qu'une bien faible idée; mais j'en ai dit assez pour conserver au moins le souvenir des événements dont j'ai été le témoin et dont plusieurs sont encore peu connus. Je ne demande à ceux qui me liront que de partager les sentiments que j'éprouve en terminant ce récit; je leur demande de s'unir à moi pour admirer tant de courage et plaindre tant de malheurs.
NOTA. On me permettra de copier ici l'extrait d'une lettre du maréchal Ney au duc de Feltre, dont je conserve l'original; et l'on comprend le prix que j'attache à un pareil suffrage.
Berlin, le 23 janvier 1813.
Monsieur le duc, je profite du moment où la campagne est, sinon terminée, au moins suspendue, pour vous témoigner toute la satisfaction que m'a fait éprouver la manière de servir de M. de Fezensac. Ce jeune homme s'est trouvé dans des circonstances fort critiques, et s'y est toujours montré supérieur. Je vous le donne pour un véritable chevalier français, et vous pouvez désormais le regarder comme un vieux colonel.
Signé : Mal DUC D'ELCHINGEN
" ("Journal de la campagne de Russie en 1812").

Sur les 3000 hommes qui ont appartenu au 4e pendant cette lugubre et glorieuse campagne, 200 sont revenus avec le Colonel, 100 autres rentrèrent de captivité ; le Régiment a donc perdu 2700 hommes, c'est-à-dire les neuf dixièmes de son effectif. Sur les 109 officiers qui ont fait la campagne, 40 ont été tués ou sont morts ; 20, blessés, ont été faits prisonniers ; 35 ont été blessés, plusieurs à deux reprises ; 14 n'ont pas été blessés.

"2,150 hommes ont passé le Rhin; un détachement de 400 hommes rejoignit à Moscou; un autre de pareille force à Smolensk; enfin, un de 50 à Wilna; total, 3,000 hommes qui ont fait la campagne. Or, de ces 3,000 hommes, 200 seulement sont revenus avec moi sur la Vistule, et environ 100 sont rentrés de prison; il y a donc eu une perte de 2,700 hommes sur 3,000, c'est-à-dire des neuf dixièmes.
109 officiers de tous grades ont fait la campagne en tout ou en partie. 40 ont été tués, ou sont morts dans la retraite, ou dans les prisons de l'ennemi. 20 sont restés prisonniers, la plupart blessés : 35 ont été blessés, plusieurs à deux reprises. 14 n'ont pas été blessés. Ainsi, 49 officiers sont rentrés, dont 35 blessés ou l'ayant été dans le cours de la campagne
" (Colonel De Fézensac : "Journal de la campagne de Russie en 1812").

Extrait des Mémoires de Bénard que nous avons laissé prisonnier à Krasnoé :

"La litière de paille souillée qui nous servait de couche à l'hôpital de Koursk n'avait pas assez d'attraits pour me faire négliger l'occasion de me lever et d'aller respirer, ne fût-ce qu'un instant, l'air vif mais salubre de l'extérieur. Grâce à ma jeunesse et à la trempe de ma constitution, j'avais pu résister aux plus terribles épreuves, mais ma faiblesse était excessive ; je sentais néanmoins que le repos et des soins suffiraient pour me rétablir rapidement. Je sortais souvent ; l'exercice me fortifiait, et puis mes excursions dans la ville me procuraient les rafraîchissements qu'on ne nous donnait pas, et dont nous avions tous grand besoin. Il y avait dans notre hôpital des blessures ouvertes, des gangrènes, des fièvres, des maladies aiguës ; le gouvernement russe n'allouait chaque jour, pour les guérir, qu'une maigre ration de pain noir et de poisson salé. Je devins le pourvoyeur de mes camarades, je leur rapportais des légumes frais, c'est-à-dire conservés sous la glace, ou des fruits secs.
Le jour de ma première sortie, comme je mettais le pied dans la vaste cour de l'hôpital, je fus témoin d'un spectacle répugnant. Une cinquantaine de cadavres, dont les membres gelés avaient acquis la dureté du fer, avaient été disposés en piles, comme des planches dans un chantier ; des moujicks attisaient le feu sous ce bûcher d'un nouveau genre, d'où s'éleva bientôt une fumée grasse et fétide.
Je m'habituai par la suite à cette vue, que la mortalité de nos malades et l'impossibilité de creuser la terre à cette époque de l'année, rendaient malheureusement quotidienne.
Quelque temps après, j'étais dans une rue où se tenait le marché, lorsqu'un bruit d'équipages, arrivant au grand trot, me fit chercher, sous une porte, un refuge contre la brutalité ordinaire des cochers seigneuriaux. J'assistai de là au défilé de plusieurs traîneaux occupés par des voyageurs empaquetés dans d'épaisses fourrures. Le cortège s'arrêta devant une auberge. Je vis alors, non sans une certaine inquiétude, un des voyageurs sortir de son traîneau et s'avancer tout droit à ma rencontre. Cependant sa physionomie était douce, son air jeune, et il portait avec élégance l'uniforme d'officier russe qui, plusieurs fois, je dois le dire, avait été une sauvegarde pour mes camarades et moi.
- Vous êtes français? me dit-il.
- Oui, prisonnier.
- Je sors moi-même des prisons de Turquie, et je compatis à votre malheur. Je n'avais jamais vu de Français, mais j'aime votre nation bien que nous soyons en guerre. Voulez-vous venir avec moi dans mes domaines ? Vous y serez bien accueilli, et vous pourrez y attendre la paix.
Cette proposition n'était pas à dédaigner, dans le dénuement où je me trouvais ; mais avais-je le droit de quitter mes camarades ? Mes services ne leur étaient-ils pas nécessaires? Je devais au moins les consulter, et, s'ils paraissaient trop malheureux de mon départ, ma résolution était prise : je ne les abandonnerais pas.
Le jeune Russe s'aperçut de mon hésitation; peut-être en comprit-il la cause ? Il voulut bien me laisser le temps de la réflexion. Il fut donc convenu que, le lendemain matin, un de ses gens viendrait me.chercher à l'hôpital, et recevrait une réponse définitive.
A mon retour, je fis à mes compagnons de misère le récit de mon aventure. J'entendis aussitôt sortir de toutes les bouches une exclamation de regret. Les pauvres gens, incapables de sortir, n'avaient, en effet, de communication avec l'extérieur que par mon intermédiaire; mais en même temps ils se considéraient presque tous comme perdus - avec raison, hélas ! Il n'y en eut pas un seul qui, le premier moment de déception passé, voulut m'associer plus longtemps à son triste sort et me faire perdre une occasion peut-être unique de salut.
Un officier hollandais, à cheveux gris, qui m'avait pris en affection, et dont mes soins avaient plus d'une fois adouci les souffrances, se prononça énergiquement dans ce sens.
- C'est fait de nous, dit-il. Il serait injuste d'entraîner ce brave garçon dans notre perte; toutes les peines qu'il se donne ne nous empêcheront pas de mourir. Partez donc, mon cher, et tâchez de sortir au plus vite de cet affreux pays. Si vous pouvez retrouver nos familles, vous leur direz où vous nous avez vus.
- Oui, ajouta un lieutenant, vétéran des guerres de la République, croyez-moi, jeune homme, levez la tente au plus vite, décampez, et retenez bien l'adresse de notre bicoque, afin de n'y jamais revenir.
Le lendemain des événements que je viens de rapporter, j'entendis crier dans la cour de l'hôpital : Karlous ! Karlous !
Nous arrivâmes à la demeure de mon protecteur le lendemain de notre départ de Koursk. C'était un domaine seigneurial, meublé avec luxe, distribué avec beaucoup de goût et une entente consommée du confortable. L'aspect du pays, surtout en cette saison, la pauvreté des huttes environnantes, la misère et l'abrutissement de la population, faisaient encore ressortir l'opulence de cette superbe demeure. Mais le contraste était encore plus fort entre mes misères passées et l'abondance que je trouvai là.
Dès le matin du jour qui suivit celui de notre arrivée, mon hôte me fit dire de venir le rejoindre au bain qui avait été préparé spécialement pour nous, et dont j'avais pour ma part le plus pressant besoin.
Tout le monde connaît les bains russes ; ils se prennent généralement en commun, et sont considérés comme une occasion de distraction et d'amusement. Mon compagnon fut donc très surpris quand je manifestai l'intention de prendre un bain à part, et il me fit sentir qu'un semblable désir était, venant de moi, presque un affront fait à son hospitalité.
Je me trouvais bien embarrassé ; ce n'était certes pas un excès de réserve qui me poussait à agir ainsi : elle eût été déplacée dans la circonstance ; mais j'avais à soustraire aux regards des valets - et peut-être de leur maître, à qui cette vue pouvait déplaire - plusieurs milliers de roubles, une fortune pour un prisonnier séparé de son pays par des déserts. Cette somme, tout entière en papier, était cousue dans les doublures de ma capote et de mon pantalon : précieuses guenilles que je voyais au moment d'être livrées aux domestiques et jetées dédaigneusement au feu.
Après une vaine résistance à laquelle il m'était impossible de donner de prétexte sérieux, je pris le parti de céder ; je priai mon hôte d'éloigner son monde, et, quand nous fûmes seuls, je lui confiai mon secret. Je risquais à cette révélation la perte de son amitié, car l'origine de ma petite fortune pouvait paraître contestable à un Russe. Comment lui faire comprendre ce qui avait rendu en quelque sorte légitime le pillage de Moscou ? N'allait-il pas s'indigner et me traiter de voleur ?
Il parut fort surpris, en effet, mais la sympathie que je lui avais inspirée l'emporta. Il comprit que dans l'abandon où, comme tous mes compagnons, me tenait son gouvernement, la possession de ce maigre trésor était devenue pour moi une condition absolue d'existence et de salut.
Après une imperceptible hésitation, il me félicita sincèrement des chances que j'avais, même à son défaut, d'échapper à la mauvaise fortune, et il se mit en riant à découdre avec moi les doublures de mes vêtements. L'argent fut extrait de sa cachette ; on brûla les débris malpropres de ma misère et, quand le bain eut fait disparaître les derniers vestiges des bivouacs et de l'hôpital, je revêtis un uniforme d'officier russe. J'étais à peu près de la même taille que mon hôte; l'habit militaire m'allait assez bien ; il était d'ailleurs élégant par lui-même; aussi quand j'entrai dans le salon où ces dames nous attendaient pour le déjeuner, elles firent une exclamation de surprise
Avant de quitter la salle de bain, j'avais donné à mon nouvel ami la seule marque de reconnaissance qu'il me fût possible de lui offrir. Je possédais deux montres : une fort riche, qui venait de Moscou; l'autre très simple, mais que ma mère m'avait donnée. Je présentai celle-ci à mon hôte; il accepta, me serra la main pour me faire comprendre qu'il était sensible à mon procédé et, depuis, je l'ai toujours vu porter de préférence ce modeste bijou.
L'incident que je viens de rapporter est le seul qui se rattache à mon séjour dans cette demeure hospitalière; j'achevai d'y rétablir ma santé dans un calme parfait
".

Puis, le 5 février 1813, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je n'approuve pas la formation des cinquante demi-brigades provisoires, formant cent cinquante bataillons, pour la garde de l'intérieur ; voici de quelle manière ce travail doit être fait ...
FRONTIÈRES DU RHIN ET DE L'OCÉAN.
La défense de la France, depuis les 31e et 17e divisions militaires jusqu’à Besançon et jusqu’à Bordeaux, aura lieu de deux manières : par la formation de bataillons de garnison, composés de compagnies tirées des 5e bataillons et qui tiendront garnison dans nos places fortes, et par la formation de demi-brigades provisoires.
Les demi-brigades seront d’abord au nombre de vingt-quatre pour cette partie de la frontière qui s’étend depuis la 31e division jusqu’à la 11e.
Chaque demi-brigade sera composée de trois bataillons entiers, sans qu’il puisse y entrer, sous quelque prétexte que ce soit, une fraction de 5e bataillon. Ces vingt-quatre demi-brigades seront formées ainsi qu’il suit :
... la 12e demi-brigade, des 6es bataillons des 4e, 18e et 93e ...
Ces vingt-quatre demi-brigades formeront six divisions ; chaque division, quatre demi-brigades ou douze bataillons, savoir :
La lere division, à Mayence, composée des 1e, 10e, 11e et 12e demi-brigades ...
" (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19538 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32615).

Le 11 février 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je reçois votre rapport du 9 février. Je désirerais que les 28 régiments de la Grande Armée qui recevront chacun plus de 1 200 hommes des conscriptions des 4 années, et qui ne renverront pas d'après les nouvelles qu'on a du vice-roi, assez de cadres, de sergents pour les 4 bataillons, reçussent le double de ce que vous proposez dans votre projet de répartition des sous-officiers et soldats à tirer des compagnies de réserve. Ainsi, le 2e de ligne qui est à Besançon, le 4e qui est à Nancy, le 12e à Metz, le 17e à Lille, le 18e à Strasbourg, le 19e etc., je voudrais qu'ils reçussent au moins 10 sergents et 20 caporaux chacun, ce qui pour 28 régiments fera 280 sergents et 560 caporaux ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32711).

Le 27 février 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène, Vice-Roi d'Italie, commandant en chef de la Grande Armée : "Mon fils ... Le 26e léger arrivera à Erfurt le 1er mars, le 24e léger le 2, le 4e de ligne le 6, le 12e de ligne le 8, le 48e le 10, le 7e léger le 9, le 37e le 11, le 72e le 8, le 108e le 11, le 2e le 10, le 30e le 12 ...
Ainsi, lorsque vous recevrez cette lettre, les 28 bataillons hormis cinq, auront dépassé Erfurt et seront dirigés sur Wittenberg ou Spandau, c'est-à- dire suivant l'emplacement de leurs corps respectifs. Prescrivez des mesures pour qu'ils partent réunis suivant les circonstances.
Le prince d'Eckmühl pourrait les réunir à Dessau ou à Wittenberg.
Ces jeunes conscrits doivent être spécialement placés dans les forteresses
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32901).

Le même 27 février 1813, l'Empereur écrit également au Général Lauriston, commandant le Corps d'Observation de l'Elbe : "Vingt-huit deuxièmes bataillons du 1er et 2e corps de la Grande Armée se réunissent à Erfurt et Cassel, savoir :
... à Erfurt le 30e, 33e le 19 février ; 57e le 28, 61e le 23, 85e le 24, 18e le 28, 111e le 22 ; 26e de ligne le 1er mars, 24e le 2, 4e de ligne le 6, 12e le 8, 48e le 10, 7e de ligne le 9, le 37e le 11, le 72e le 8, le 108e le 11, le 2e le 10, le 33e le 12, le 13e le 17, le 19e le 16, le 46e le 15, le 15e le 15, le 93e le 13 ...
Les 6 bataillons d'Erfurt doivent se rendre à Dessau ou Wittenberg. Mettez-vous en correspondance avec le général commandant à Erfurt et avec le prince d'Eckmühl qui a été chargé par le vice-roi de réunir ces bataillons afin que, d'après les ordres du vice-roi, ils soient dirigés sur Berlin, Spandau et Stettin ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32905).

- Des Demi-brigades de marche d'Avril 1812 au 9e Corps de Victor

Le 2 avril 1812, Napoléon décide, pour renforcer sa Grande Armée, de former 4 Demi-brigades de marche à partir de détachements des 5ème bataillons (Dépôts) de Régiments déjà mobilisés. Chaque Demi-brigade à 3 Bataillons de 6 Compagnies chacun. Les Demi-brigades doivent se former le long du Rhin, avant d’être envoyées vers l’Est. Il écrit à Clarke ses instructions et la composition de ces nouvelles unités. "Monsieur le duc de Feltre, je vous ai fait connaitre la formation des 16 demi-brigades provisoires ; mais comme cette organisation n’emploiera pas plus de 40000 conscrits de l’année, il faut que vous me fassiez dresser un état exact du superplus [sic] avec un projet de formation de bataillons de marche supplémentaires à réunir dans le courant de mai pour recruter la Grande Armée. Vous composerez chaque bataillon de marche de 6 compagnies, c'est-à-dire de 900 hommes à peu près. On les dirigerait sur Mayence et Wesel ; de là sur Berlin où ils recevraient les ordres du major général pour leur incorporation définitive.
J’ai actuellement à vous faire connaitre mes intentions relativement à la formation de 4 demi-brigades de marche composées de compagnies tirées des 5es bataillons des régiments qui sont à la Grande Armée. Ces 4 demi-brigades fortes ensemble de 10000 hommes formeront une seconde division de réserve pour la défense de tout le pays entre l’Elbe et le Rhin, et pour le recrutement de la Grande Armée. Je ne leur donnerai pas le nom de demi-brigades provisoires mais bien celui de demi-brigades de marche. Elles seront composées de la manière suivante :
... 4e Demi-brigade de marche. 1er Bat : 2 Cies du 19e de Ligne à Douai, 2 Cies du 46e de Ligne à Arras, 2 Cies du 44e de Ligne à Valenciennes 2e Bat : 2 Cies du 55e de Ligne à Dunkerque, 2 Cies du 72e de Ligne à Bruxelles, 2 Cies du 56e de Ligne à Grave 3e Bat : 2 Cies du 18e de Ligne à Strasbourg, 2 Cies du 4e de Ligne à Nancy, 2 Compagnies du 51e de Ligne à Lille. Cette Demi-brigade se réunira à Aix la Chapelle : les détachements se mettront en marche du 15 au 25 avril, forts de 160 hommes par compagnie, bien habillés, bien armés et ayant 3 paires de souliers. ...
Vous nommerez un major en second pour commander chaque demi-brigade. Ces majors se mettront en marche avant le 8 avril pour parcourir les différents dépôts. Tous les dépôts qui sont sur le Rhin, comme le 7e léger, etc. embarqueront leurs détachements sur ce fleuve. Vous nommerez un général de brigade ou même un colonel pour être chargé, comme inspecteur, de la formation de ces quatre demi-brigades, qui se composeront ainsi de douze bataillons ou de 9.000 à 10.000 hommes. Le général commandant la 25e division répartira ces 10.000 hommes dans des cantonnements entre Cologne, Juliers, Aix-Ia-Chapelle et Clèves ...
Formation des demi-brigades de marche de la Grande Armée ...
Demi-brigades du 3e corps (à l’exception du 16e régiment qui est du 2e corps) ...
4e demi-brigade 1ère division de réserve de la Grande Armée 2400
1er bataillon :
2 compagnies du 5e bataillon du 19e de ligne (dépôt à Douai) : 561 conscrits des Deux-Sèvres ; total 561 ; 261 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation. Manque 1
2 compagnies du 5e bataillon du 46e de ligne (dépôt à Arras) : 197 conscrits de Rhin-et-Moselle, 356 de Seine-Inférieure ; total 553 ; 253 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2 compagnies du 5e bataillon du 44e de ligne (dépôt à Valencienne) : 410 conscrits de Vendée, 102 de la Somme ; total 512 ; 212 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2e bataillon :
2 compagnies du 5e bataillon du 55e de ligne (dépôt à Dunkerque) : 485 conscrits du Maine-et-Loire ; total 485 ; 185 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2 compagnies du 5e bataillon du 72e de ligne (dépôt à Bruxelles) : 468 conscrits de Loire-Inférieure, 100 de Mayenne ; total 568 ; 268 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2 compagnies du 5e bataillon du 56e de ligne (dépôt à Grave) : 231 conscrits de Seine-et-Oise, 275 de Rhin-et-Moselle ; total 506 ; 206 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
3e bataillon :
2 compagnies du 5e bataillon du 18e de ligne (dépôt à Strasbourg) : 506 conscrits du Maine-et-Loire, 204 de l’Aisne ; total 487 ; 187 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2 compagnies du 5e bataillon du 4e de ligne (dépôt à Nancy) : 533 conscrits de la Meuse ; total 533 ; 233 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2 compagnies du 5e bataillon du 51e de ligne (dépôt à Lille) : 550 conscrits de Somme ; total 550 ; 250 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7055 (extrait d’un ordre de l’Empereur daté de Saint-Cloud le 2 avril 1812) ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30371 - intégrale).

"... Les détachements se mettront en route du 15 au 25 avril, forts de 160 hommes par compagnie, tous habillés, bien armés et ayant trois paires de souliers.
Vous nommerez un major en second pour commander chaque demi brigade ...
".

Ces 4 Demi-brigades vont être regroupées dans une Division de Réserve, mise aux ordres du Général Lagrange. Saint-Cloud, 9 avril 1812 : "Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris.
Monsieur le Duc de Feltre, donnez ordre au général de division Lagrange, inspecteur général de gendarmerie, de partir le 15 pour aller prendre le commandement de la 1ere division de réserve de la Grande Armée, composée des quatre demi-brigades de marche qui se réunissent à Cologne. Ce général correspondra avec les majors en second que vous devez sans délai désigner pour commander ces quatre demi-brigades. Il se rendra d’abord dans la 16e division militaire, où sont la plus grande partie des dépôts de la Grande Armée, pour les inspecter et faire accélérer les départs.
Je suppose que vous avez donné des ordres pour que les compagnies des 5e bataillons qui doivent faire partie de la division de réserve se rendent à Cologne. Ceux qui sont sur le Rhin iront par eau. Ces demi-brigades pourront être réunies à Cologne, à Bonn, à Aix-la-Chapelle, et même à Düsseldorf.
Je désirerais que dans les quinze premiers jours de mai cette division pût passer le Rhin et se rendre à Magdeburg. Recommandez bien qu’aucun homme ne parte que bien armé, bien habillé et bien équipé et en bon état. Il vaut mieux tarder quelques jours de plus, si cela est nécessaire. Chaque compagnie doit être forte de 150 hommes, le cadre non compris. Aucun homme ne doit partir s’il n’est depuis au moins quinze jours au corps et s’il n’est habillé depuis huit jours. Occupez-vous de l’organisation de ces demi-brigades; il est nécessaire qu’elles aient de bons majors en second. Assurez-vous que les cadres des 5emes bataillons qui doivent former les seize demi-brigades provisoires sont complets. S’il y avait des places vacantes il faudrait y nommer sur-le-champ
".

Le 30 avril, Napoléon écrit à Clarke : "... Faites moi connaitre quand elle (la division) sera réunie à Cologne et quand elle pourra commencer son mouvement sur Magdebourg ...". Et le même jour, il commande à Berthier d’envoyer un de ses Aides de camp faire un rapport sur cette Division. Et que le 10 mai, elle commence son mouvement sur Berlin.

Le 8 mai, Napoléon envoie son propre Aide de camp : "Saint-Cloud, 8 mai 1812
Au général Lebrun, duc de Plaisance, aide de camp de l’empereur, à Paris
Monsieur le Duc de Plaisance, vous partirez dans la journée de demain. Rendez-vous à Aix-la-Chapelle, à Cologne et à Düsseldorf. Vous verrez la situation de la 1e division de la réserve, son habillement, l’instruction des hommes, le nombre d’officiers qui manque à chaque régiment. Faites-moi connaître si cette division a ordre de se mettre en marche sur Magdeburg
".

Quelques jours plus tard, il renforce cette Division de réserve : "Dresde, 18 mai 1812.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, je reçois le travail qui était joint à votre lettre du 11 mai. Voici quelles sont mes intentions définitives, donnez des ordres pour leur prompte exécution.
La 1e division de la réserve, commandée par le général Lagrange, qui se réunit à Coblentz, Düsseldorf et Aix-la-Chapelle, sera com­posée de la 1e demi-brigade de marche forte de trois bataillons, des 2e, 3e et 4e demi-brigades de marche fortes également de trois bataillons, et des 6e bataillons des 19e, 37e, 56e 93e, 46e, qui sont à Wesel et à Strasbourg; total, dix-sept bataillons. Vous donnerez l’ordre que ces dix-sept bataillons se portent sur Magdeburg. Vous me ferez connaître leur ordre de marche et le jour où chacun de ces bataillons arrivera à sa destination, afin que je donne les ordres ultérieurs. Ces dix-sept bataillons, formant près de 14,000 hommes, seront destinés à tenir provisoirement garnison à Magdeburg, Spandau et Berlin; ce qui me permettra de disposer du 9e corps. Je n’ai donc rien à changer à la formation proposée dans votre état n°1, qui me parait bien entendu
".

Le 19 mai, à Berthier, il réitère l’ordre que la Division se rende à Magdebourg et de lui donner 32 Sous-lieutenants tirés de Saint-Cyr.

Le 23 mai 1812, à Dresde, l'Empereur écrit au Duc de Feltre : "Les compagnies du 48e, du 108e, du 29e léger, du 44e, du 55e, du 4e, du 18e et du 51e de ligne n'étaient pas encore arrivées à l'époque du 15 mai à la division de réserve que commande le général Lagrange à Cologne. Faites-les rejoindre sans délai" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 2015 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30681).

La 1ère Division de Réserve sous Lagrange va être rattachée au 9e Corps du Maréchal Victor.

- Le 4e de Ligne durant la campagne de 1813

Fusilier du 4e de Ligne en 1813
Fig. 18 Fusilier du 4e de ligne en tenue de route d'après Job
Fig. 18b Fusilier du 4e de Ligne

Le 4 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : " Monsieur le duc de Feltre, j'ai nommé le colonel de Fezensac, du 4e de ligne, général de brigade. Employez-le au corps d'observation d'Italie ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32978).

Le Colonel de Fezensac, élevé au grade de Général de Brigade, écrit justement, le 4 mars 1813 :
"... Au milieu de ce grand mouvement militaire, mon régiment occupait toutes mes pensées. Mes journées étaient employées à solliciter des récompenses pour mes officiers, qui tant de fois les avaient méritées sous mes yeux, des retraites avantageuses à ceux qui ne pouvaient plus servir. Je faisais remplir les nombreuses vacances par des officiers qui m'étaient connus et sur lesquels je comptais, et je me préparais à retourner à mon dépôt à Nancy, pour présider à cette réorganisation.
Un jour, M. le comte de Narbonne, aide de camp de l'Empereur, dit au duc de Feltre qu'il fallait profiter de l'occasion pour me faire nommer général de brigade. Mon beau-père lui répondit qu'il n'y avait pas six mois que j'étais colonel et qu'il ne se permettrait jamais une demande aussi indiscrète. M. de Narbonne ne se tint pas pour battu; il alla droit à l'Empereur, et lui dit que, puisqu'il avait paru content de moi, il fallait m'essayer dans un poste plus élevé, en ajoutant gaiement : "qu'on ne risquait pas grand'chose, et qu'un mauvais général de brigade de plus ne perdrait pas l'armée. " Le maréchal Ney, qu'on appela en témoignage, voulut bien assurer qu'on ne courait pas même ce risque-là. Peu de jours après, mon beau-père m'apprit ma nomination, dont il était aussi surpris que moi-même. Ceux qui ont connu le désintéressement du duc de Feltre ne seront pas surpris de sa conduite. Il est rare de voir un ministre de la guerre laisser à d'autres le soin de l'avancement de son gendre. Je fus flatté de la noble récompense accordée à mon zèle, mais ce ne fut pas sans un vif regret que je renonçai sitôt à mon régiment et que je quittai un uniforme qui m'était bien cher.
Je fus employé au 5e corps, que le général Lauriston commandait à Magdebourg, et je partis aussitôt pour l'aller joindre.
Je m'arrêtai à Nancy, au dépôt du 4e régiment. Les cadres que j'avais laissés à Custrin venaient d'y arriver; les officiers me donnèrent un diner pour célébrer ma nomination et pour me faire leurs adieux.
Je quittai avec attendrissement ces nobles compagnons de gloire et d'infortune, car je ne prévoyais que trop que, pour beaucoup d'entre eux, cet adieu serait éternel.
Je laissai au 4e régiment 45,000 fr. d'économies. A cette époque, le grand nombre d'hommes qui passaient dans les régiments, la quantité d'achats et de confections dont les conseils d'administration étaient chargés, permettaient de faire des économies considérables sans nuire aux intérêts du soldat. Ces masses secrètes ont toujours été défendues, et jamais on n'a pu les détruire. Lorsqu'elles étaient administrées avec loyauté et intelligence, c'était une ressource immense. Je n'en ai disposé, pendant ma courte administration, que pour faire donner 100 fr. à chaque officier qui revenait de Russie, et 200 fr. à chaque officier supérieur.
Ces économies si précieuses ont été dilapidées en totalité par un de mes successeurs; je lui en garde en silence une rancune éternelle, pour me consoler de ne pas le nommer ici
" ("Souvenirs militaires de 1804 à 1814 par M. le Duc de Fezensac").

Le 4 mars 1813, le Maréchal Davout écrit, depuis Magdebourg, au Vice-Roi d’Italie : "En réponse à la demande que j'avais faite d'un congé pour me rendre à Paris, j'ai reçu l'ordre d'aller à Leipzig. Je partirai demain ou après. Les bataillons des 30e et 33e s'étaient déjà portés sur Wittenberg. J'écris au général Pouchelon de les faire rétrograder sur Leipzig.
Indépendamment des bataillons du 1er corps qui devaient s'organiser à Erfurt et se diriger sur Leipzig, il y en a des 2e et 3e corps, entre autres les 18e, 24e, 26e, 4e, 72e, 2e, 37e, 93e, 46e et 19e régiments. Ces bataillons devront-ils également être retenus à Leipzig ? ...
" (Mazade C. (de) : « Correspondance du Maréchal Davout, prince d'Eckmühl : ses commandements, son ministère, 1801-1815 », t. 3, p. 519, lettre 1211).

Selon Martinien, le Capitaine Durgueil est blessé au cours de la défense de Danzig le 5 mars 1813.

Le 5 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène, Vice-Roi d’Italie, commandant en chef la Grande Armée : "Mon fils, les deuxièmes bataillons du 17e de ligne, du 21e et du 25e doivent être arrivés à Cassel le 25 février ; celui du 56e a dû arriver le 20 ; ils peuvent, s'ils ne l'ont déjà fait., se mettre en marche sans délai pour se rendre à Wittenberg.
Les 30e et 33e doivent être à Erfurt, le 19 février ; le 57e, le 28 ; le 61e, le 25 ; le 85e, le 24 ; le 18e, le 28 ; le 111e, le 22. Ces 7 bataillons d'Erfurt avec les 4 premiers de Cassel font 11 bataillons qui peuvent être presque déjà réunis sur l'Elbe. Le 11e léger a dû arriver le 17 février à Cassel ; il doit être maintenant à Spandau.
Le 26e léger doit arriver à Erfurt, le 1er mars ; le 24e léger le 2 ; le 4e de ligne, le 6 ; le 12e de ligne, le 8 ; le 48e de ligne, le 10 ; le 7e léger, le 9 ; le 37e de ligne, le 11 ; le 72e de ligne, le 8 ; le 108e de ligne, le 9 ; le 2e de ligne, le 10 ; le 33e·de ligne, le 12. Quant au 13e léger, il ne pourra arriver à Erfurt que le 17 mars ; le 19e, le 16 ; le 46e, le 15 ; le 15e, le·15 ; le 93e, le 13.
Ainsi, lorsque vous recevrez cette lettre, les 28 bataillons, hormis 5, auront dépassé Erfurt et seront dirigés sur Willenberg ou Spandau, c'est-à-dire suivant l'emplacement de leurs corps respectifs.
Prescrivez les mesures pour qu'ils partent réunis suivant les circonstances. Le prince d'Eckmühl pourrait les réunir à Wittenberg ou à Dessau. Ces jeunes conscrits doivent être spécialement placés dans les forteresses
" (Mémoires du Prince Eugène, t. 8, page 394 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33016).

Le 6 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je vous renvoie la dépêche du duc de Padoue. Faites-lui connaître que les 16 bataillons du 1er corps se réunissent à Wittenberg, pour garder cette ville sous les ordres d'un général de division et de 2 généraux de brigade, et que les 12 bataillons du 2e corps se réunissent à Dessau pour y garder le pont, également sous les ordres d'un général de division et de 2 généraux de brigade, qu'il vous fasse connaître ce qui a été exécuté de ces différentes dispositions ...
Les 12 bataillons du 2e corps formeront 6 régiments de la manière suivante :
... 40e régiment provisoire : 56e de ligne, 2e bataillon, 4e de ligne, idem ...
Donnez ordre aux six majors de se rendre en poste à Dessau pour en prendre le commandement. Tous les colonels de ces régiments se rendront également à leurs dépôts. Comme en avril les 4es bataillons arriveront, on défera ces régiments provisoires qui, ayant alors deux bataillons, seront inscrits sous leur propre nom
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33041).

Le 15 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général CLarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre que les 3 officiers et 70 hommes du 4e de ligne et les 3 officiers et 50 hommes du 46e qui se rendaient à Custrin et qu’on a retenus à Magdebourg, soient incorporés dans les seconds bataillons de ces régiments, qui sont sur l’Elbe aux environs de Magdebourg.
Si les officiers et sous-officiers ne sont pas utiles, faites-les revenir à leurs corps
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33235).

Le 30 mars 1813, Michel Defay écrit depuis Nancy à son frère :

"Nancy le 30 Mars 1813.
Me voilà enfin en France, mon cher Frère, et comme tu le vois à Nancy depuis trois jours. Tu seras sans doute fâché que je ne t'aye pas écrit depuis notre rentrée de Russie en Allemagne, mais j'aurai le même reproche à te faire, moi qui n'ai pas eu de tes nouvelles depuis je ne sais quand. J'aurais du moins une excuse, puisque nous n'avions plus de bureaux de poste, et qu'il m'était impossible de faire passer en France la moindre chose. J'ai seulement essayé de répondre à une lettre de plus de trois mois de date que je reçus de nos jeunes Soeurs le 6 janvier, je ne sais comment, et comme à cette époque je n'étais pas en état d'écrire, ayant encore les doigts trop affectés du froid que j'avais enduré, je ne pus le faire qu'à notre passage à Berlin et ne pus même faire partir ma lettre que d'Erfurt en la mettant à la poste du pays. J'attendais pour t'écrire que je fusse certain de ma destination car on nous avait fait espérer d'abord que nous irions en France.
Notre régiment étant rentré de Russie, comme tant d'autres, réduit à une centaine d'hommes et une trentaine d'officiers, nous eûmes ordre à Custrin de nous rendre à Mayence, mais à notre passage à Erfurt, on nous y arrêta pour attendre 600 recrues qui étaient déjà parties de notre dépôt et qui arrivèrent enfin le 6 Mars. On a formé un bataillon où on a placé les officiers les plus valides et les autres au nombre de sept nous eumes l'ordre de nous rendre à notre dépôt pour y attendre l'organisation des autres bataillons. Tu penses bien que je partis avec plaisir. Je n'étais réellement pas encore bien remis des fatigues de notre malheureuse retraite, et j'espère qu'un séjour de quelques mois ici achèvera de retablir une santé qui a été furieusement attaquée dans cette campagne. Je me suis, pour la première fois, apperçu que je ne suis plus jeune.
Je t'ai parlé dans ma dernière lettre de l'état de mes affaires. Comme je n'eus tout au plus que le tems nécessaire pour la reddition de mes comptes avant l'ouverture de la campagne, il me fut impossible de te faire passer le somme que j'avais dessein de t'envoyer. Cette campagne n'a pas été heureuse pour moi; la plupart de mes débiteurs y ont péri et si je ne perds pas tout à fait les sommes qui m'étaient dues, j'aurai du moins bien de la peine à m'en faire payer. Oui, je donnerai bien toutes mes créances pour cinquante louis de pertes, car je prévois que j'en perdrai davantage, mais cela ne m'enpêchera pas d'effectuer ma promesse.
Je suie rentré en France avec quelque argent, et il m'est dû pour solde et autres accessoires environ 1200 f. 00 que je dois toucher au premier jour. J'espère aussi recevoir 450 f. de dettes, et ces sommes une fois recouvrées me mettront à même de te faire passer 1000 f. 00. Car pourvu qu'il me reste 600f.00 après avoir payé un habillement que je fais faire, c'est tout ce qu'il me faut. Je retournerai à l'armée peut-être au premier jour, et je ne veux pas m'enbarrasser d'argent pour m'exposer à le perdre.
Quand je te dis que je retournerai au premier jour à l'armée, ce n'est pas sur un simple soupçon que je dis cela. Quelques jours avant notre arrivée ici, on reçut ordre de former le quatrième bataillon avec tous les hommes qui se trouvaient disponibles au dépôt, et de le faire partir de suite pour Vesel. On ne peut trouver que quatre cents et quelques hommes prêts à marcher, desquels on forma quatre compagnies qui se mirent en route le 22 du mois, et on ne put mettre qu'un officier par compagnie, parce que ceux qui étaient allés conduire le détachement de 600 hommes à Erfurt et qui s'en revenaient avec nous n'étaient pas encore de retour. Depuis notre arrivée on parle d'envoyer quelques officiers à ces compagnies, et on vient de m'annoncer que l'on commençait à organiser les deux compagnies qui manquent à ce bataillon et que j'étais destiné à en commander une.
Le général de Division presse tant qu'il peut cette organisation, et à mesure qu'il arrive des recrues, on les habille et ils sont incorporés. Ainsi tu vois que je ne ferai pas ici un long séjour. J'ai voulu réclamer pour obtenir quelque sursis à mon départ, et n'étre employé que dans le 1e ou 3e Bataillon qui ne seront formés que de la conscription de l'An 1814, on m'a fait voir que de tous les capitaines qui se trouvent ici, je suie encore celui qui se porte le mieux. J'attends l'arrivée du colonel qui sera, dit-on, ici le 4 avril pour voir si je ne pourrai pas faire changer cet ordre de choses, au surplus il faudra bien me résigner.
Adieu, mon ami, je t'écrirai toujours avant mon départ, mais cela ne doit pas t'empêcher de répondre à cette lettre. Tu peux m'adresser la tienne ici, parce que je chargerai le facteur de me la faire passer, si je pars avant de l'avoir reçue. J'espère donc que tu ne feras pas attendre longtems ton affectionné frère
DEFAY.
P.S. Mes respects à mon oncle et à ma Tante. Mes amitiés à nos Soeurs. Rappelles moi au souvenir de ton Epouse et de mes neveux et nièces. Mes complimens à tous nos amis.
Mon adresse est :
A Monsieur
DEFAY capitaine au 4e régiment d'infanterie de ligne au Dépôt
A NANCY
Département de la Meurthe.

La lettre porte la suscription
A Monsieur
Monsieur DEFAY
rue Poisson
A ROANNE
Départt de la Loire
En outre un tampon à l'encre noire
NANCY
Elle porte encore d'une écriture différente la mention :
De Nancy le 30 Mars 1813 reçu le onze Avril".

Le 31 mars 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je reçois et je lis avec le plus grand intérêt le travail du 30 mars que vous m'avez remis sur l'armée ; ce travail me paraît fait avec autant d'intelligence que de soin ...
Quant à la formation des divisions définitives, il me semble inutile de s'en occuper aujourd'hui ; on les formera à l'armée, à mesure que cela sera possible, et que, les régiments se rapprochant, on pourra mettre les bataillons d'un même régiment ensemble ...
Je prends encore le 4e de ligne pour exemple : je vois qu'à ce régiment il ne restera que 5oo hommes ; il ne pourra donc pas fournir en entier son 1er bataillon, mais seulement trois compagnies, sauf à les compléter successivement avec ce qui lui rentrera de mieux exercé de la conscription de 1814 ...
" (Correspondance de Napoléon, t. 25, 19790 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33542).

Le 2 avril 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "… DEMI-BRIGADES PROVISOIRES ...
M'étant résolu à lever les gardes nationales du 6e arrondissement, je les chargerai de la défense de mes chantiers. Il me faudrait au moins seize bons bataillons pour former le camp d'Utrecht, puisque tout ce qui y est aujourd'hui ira renforcer les régiments et que les cadres retourneront aux dépôts ...
Pour la Bretagne, on complétera les 3es et 4es bataillons des 4e, 7e, 15e, 86e et 70e régiments ; ce qui fera 6,000 hommes ...
" (Correspondance de Napoléon, t. 25, 19795 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 33571).

Le 9 avril, depuis Nancy, Michel Defay adresse à son frère une nouvelle lettre :

"Nancy le 9 Avril 1813
Qui compte sans son hôte compte deux fois; tu connais ce proverbe, et moi je viens d'en éprouver la vérité. Je comptais toucher 1.200 f, pour solde et près de 500 f de dettes; eh bien, tout cela s'est réduit à presque rien. Le quartier maître a trouvé dans les comptes que je lui avais fait l'année dernière une erreur de 720 f 00 et M. Renard a rejetté du même compte plus de 300 f. Je n'ai de plus reçu de mes dettes que 300 f, de sorte que, mon Cher Frère, quand j'aurai payé au tailleur et autres, il ne me restera à peu près que l'argent nécessaire pour faire ma route. Car tu sauras que je pars d'ici le 12, c'est-à-dire dans trois jours, pour Vesel où je vois rejoindre les quatre compagnies du 4ème Bataillon qui doivent y être. Ainsi tu vois que mon séjour à Nancy que je croyais devoir être de peu de durée sera encore bien plus court que je ne l'avais cru d'abord. Le Général de Division a donné l'ordre de faire partir de suite deux capitaines et un sous lieutenant pour les compagnies qui doivent être à Vesel. Je me trouve désigné, et je devrais être parti depuis le 6; mais comme je prendrai la diligence, j'aurai encore le tems, en ne partant que le 12, d'arriver avant le jour fixé. Des deux compagnies avec les quelles je devais d'abord partir, l'une vient d'être complettée et partira aussi le 12. On attend pour l'autre les hommes nécessaires à son complètement. On commence aussi à organiser le 1e Bataillon, et on croit qu'il pourra être en état de partir vers la fin du mois.
Je suis, comme tu ne dois pas en douter, au désespoir de ne pouvoir pas te faire l'envoi que je te promettais dans ma dernière lettre. Mais il ne sera que différé. J'ai présenté au Conseil d'Administration l'état de ce que me doivent les officiers morts ou prisonniers de guerre, et j'espère que quand le Gouvernement aura payé ce qui leur revient, je serai remboursé de ces dettes. D'ailleurs il m'est dû encore environ 1000 f 00 par des officiers qui sont présens su 2e Bataillon, et dont j'ai laissé l'état à l'officier payeur en partant d'Erfurt et je pense que dans ce moment une partie de la somme est déjà retenue. Ainsi j'espère me trouver bientôt en état de remplir ma promesse, ou je serai bien malheureux.
Adieu, Cher Frère, je te donnerai de mes nouvelles dès que je serai arrivé à ma destination, mais que cela ne t'empêche pas de me donner des tiennes. Tu pourrais en attendant les adresser au 4e Bon du 4e régiment de ligne à Vesal département de la roër. Crois moi pour toujours
Ton affectionné frère et ami.
DEFAY.
P.S. J'embrasse de coeur ton Epouse et sa petite famille.

La lettre porte la suscription : A Monsieur".

Le 14 mai 1813, Michel Defay adresse à son frère, depuis son camp près de Harbourg, la lettre suivante :

"Au Camp dans l'isle de ...près de Harbourg le 14 mai 1813.
Je suis enfin arrivé à ma nouvelle destination le 8 de ce mois, mon Cher Frère. Notre 4e Bataillon que je croyais trouver à Vesel ou aux environs avait marché en avant avec les autres troupes qui forment trois divisions sous les ordres du Lieutenant Général Comte Vandame, et je n'ai pu le rejoindre que sur les bords de l'Elbe, campé près de la petite ville de Harbourg. Nous ne sommes plus qu'à deux lieues de Hambourg dont nous sommes séparés par plusieurs isles que forme ici le fleuve de l'Elbe.
Les Russes qui s'étaient avancée jusques près de Brémen se sont retirée dès que les Français se sont approchés et on est arrivé à Harbourg sans engagement sérieux. Je crois même qu'il n'y a plus de Russes par ici, car depuis la bataille de Lutzen près de Leipsig qui a eu lieu le 2 de ce mois, et où l'Empereur a battu les Russes et les Prussiens réunis, je ne pense pas qu'il pussent rester dans ce pays ci sans s'exposer à être coupés. Les Hambourgeois abandonnés à eux mêmes ne pourront tenir longtems. Ils ont, dit-on, formé plusieurs régimens de tous les Hommes qu'ils ont pu engager tant du pays qu'étrangers mais tout cela ne peut faire que de mauvaises troupes.
Le soir de mon arrivée, on a fait faire une attaque sur une des isles qui a six à sept lieues de tour. On y jetta quelques bataillons pendant la nuit, soutenus par une Batterie de six bouches à feu. On s'y battit toute la journée du 9, mais le soir on fit rentrer les troupes, après avoir encloué six pièces de canon qu'on avait enlevé à l'ennemi.
Enfin le 11 dans l'après-midi, on s'est approché de nouveau de la même isle, et l'ennemi ayant abandonné toute la partie du côté de Harbourg, on y fit débarquer le plus promptement possible toutes les troupes qui se trouvaient ici. Le 12, au matin on rencontra l'ennemi au bout de l'isle, et après un engagement de quelques heures, on parvint à l'en chasser entièrement.
On lui a pris cinq pièces de canon et fait deux ou trois cent prisonniers. Nous voilà donc maîtres de l'isle entière. Notre bataillon n'a pas donné dans l'affaire du 12. Nous fûmes placés, en entrant dans l'isle, à un retranchement que l'on élevait à la hâte pour soutenir notre retraite, en cas de besoin, et nous sommes encore au même poste. Les autres Bataillons sont placés sur différens points de l'isle; l'avant garde en face de Hambourg et à portée de canon, mais séparé par un bras de l'Elbe de plus de 200 toises de largeur. On va élever des batteries pour tirer sur la ville.
Il vient souvent des parlementaires auprès du général en chef; mais il parait qu'ils sont mal reçus. Il en est venu encore un hier; on dit que c'est un officier général danois qui a, dit-on, annoncé que le roi de Danemark se déclarait le protecteur de la ville de Hambourg. Ainsi les Danois nous déclareraient la guerre. Je ne sais pas trop ce qui en est, mais il est sûr qu'il y a quelque chose entre les Danois et les Français au sujet de Hambourg.
J'ai peine à croire que ce Roi qui a toujours été de notre parti, l'abandonne dans ce moment où nous commençons à chasser les Russes. Il faut attendre les évènemens.
Les trois Divisions qui composent le Corps d'Armée sous les ordres du Lieut. Général comte Vandame sont commandées : la 1ère, dite d'avant garde, par le Général Oustein; la 2ème, dant nous faisons partie, par le Général Dufour, et l'autre par le Général Dumonceaux.
Je m'attendais à recevoir de tes nouvelles à mon arrivée ici, et je t'avais donné les renseignemens suffisans pour me faire parvenir ta lettre. Je ne sais donc que penser de ce long silence. Pense donc que je n'ai pas eu de tes nouvelles depuis un an, et hâte toi de me tirer d'inquiètude. Adieu, cher Frère, n'oublie pas
Ton affectionné frère et ami
Defay
Mon adresse est :
A monsieur Defay capitaine au 4ème Bataillon du 4ème Régiment d'Infrie de ligne, faisant partie du 40ème Régiment provisoire bis, division du Général Dufour
à Harbourg
Département des Bouches de l'Elbe.
P.S. - Mes respects à mon Oncle et ma Tante. Mes amitiés à Mes cousins, cousines, soeurs, neveux et nièces. Bien des choses à mes Beaux Frères. Tu n'oublieras pas ton épouse que j'embrasse de coeur
.

La lettre porte la suscription : A Monsieur".

Dans ses Mémoires, le Maréchal Marmont raconte : "Je me rendis à Mayence, où j'arrivai le 24 mars, encore très-souffrant de ma blessure reçue en Espagne …
Les régiments d'artillerie de la marine, faisant le fond de mon corps d'armée, méritaient beaucoup d'éloges pour leur bravoure et leur bon esprit. Jamais soldats ne se sont exposés de meilleure grâce au canon de l'ennemi, et n'y sont restés avec plus de fermeté. Mais ces troupes avaient une grande maladresse et un manque complet d'expérience de la guerre de terre. Elles eurent en conséquence, pendant quelque temps, beaucoup de désavantage devant l’ennemi. Le personnel des officiers dut être remanié. Il fallut nommer à un grand nombre d'emplois. On exerça constamment aux manœuvres et les vieux et les jeunes soldats ; même pendant les marches, l'instruction fut continuée. On agit de la même manière dans les autres bataillons, entièrement composés de conscrits. Ceux dont les cadres étaient bons, quoique formés très-rapidement, purent être présentés à l'ennemi avec confiance, tant les paysans français, belliqueux par essence, sont faciles à dresser. Un bataillon du 4e régiment de ligne, dont le cadre était complet et admirable, m'en donna la preuve. Ce bataillon, après avoir reçu les recrues à la fin de janvier, était un corps modèle au mois de mai suivant ...
" (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 5, page 10).

Les débris du 4e, selon l'historique, fondus dans le 10e (? dans l'historique, le chiffre est peu lisible) provisoire sont dirigés sur Magdebourg. Le 29 mai, le Sous lieutenant Grenouillet est blessé au combat de Willemsbourg. Après l'armistice de Pleswitz, les Régiments provisoires sont dissous, et le 4e reconstitué sous les ordres du Colonel Jean-Baptiste-Martial Materre, le Colonel de Fézensac ayant été fait Général de brigade. Le 4e fait partie du 2e Corps d'armée (6e Division, 1ère Brigade).

Jean-Baptiste-Martial Materre

Né le 16 novembre (décembre ?) 1772; Sous lieutenant le 20 vendémiaire an III; fait Lieutenant sur le champ de bataille par Bonaparte le 27 floréal an VII; fait Capitaine sur le champ de bataille par Kléber le 14 nivôse an X; Officier de la Légion d'Honneur le 7 octobre 1807; rescapé de la campagne de Russie, il a eu la jambe gauche gelée et atteinte de gangrène durant la retraite après la Bérézina. Il avait été envoyé au dépôt de Mayence. Colonel le 25 février 1813; Colonel du 4e le 10 mars 1813, il ne prendra en fait son commandement que le 7 juillet. Général de Brigade le 25 février 1814; décédé le 2 février 1843.

Ci-contre : Portrait de Jean-Baptiste Martial Materre (communication de Mr M. Lint)

Le 7 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Bunzlau, au Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de la Grande Armée, à Dresde : "... Le 2e corps de l’armée, sous les ordres du duc de Bellune, sera composé de 3 divisions, les 4e, 5e, 6e.
Donnez ordre au duc de Bellune de se rendre à Crossen ; il y réunira son corps, le fera camper et prendra l'administration du cercle de Crossen, ayant soin de ne pas sortir de la ligne de démarcation. Le duc de Bellune composera ses divisions avec les bataillons des mêmes régiments, savoir :
... La 6e division : 3 bataillons du 11e léger, 3 bataillons du 4e de ligne, 3 bataillons du 2e de ligne, 3 bataillons du 18e de ligne.
Chaque division aura 2 batteries à pied, 2 batteries à cheval pour le corps, 2 batteries de 12 pour réserve du corps ; 76 bouches à feu.
Vous manderez au duc que les colonels, les aigles et la musique doivent rejoindre les régiments.
Les 3es bataillons manqueront à ces régiments, ils se réunissent à Wesel sous le titre de la 6e division (6e bis).
Quand j’aurai reçu l'état de situation de son corps, je me déciderai à réunir les 3es bataillons à son corps d'armée afin de former ses divisions à 16 bataillons chaque.
Envoyez copie de tout cela au ministre de la Guerre pour que les colonels, musiques et aigles rejoignent leurs régiments
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34510).

Le 19 juin 1813, l'Empereur écrit, depuis Dresde, au Maréchal Kellermann, commandant de la cavalerie du 3e Corps : "Mon cousin ... J'ai ordonné que le 2e corps fût réparti ainsi :
1re division ou 4e de l'armée 1er, 2e et 4e bataillons des 24e léger, 19e, 37e et 56e de ligne.
2e division ou 5e de l'armée 1er, 2e et 4e bataillons des 26e léger, 93e, 46e et 72e de ligne.
3e division ou 6e de l'armée 1er, 2e et 4e bataillons des 11e léger, 2e, 4e et 18e de ligne.
La 6e division bis, composée des 12 troisièmes bataillons des 12 régiments ci-dessus, se réunit à Wesel pour de là se rendre où les circonstances l'exigeront. Je vous envoie le décret que j'ai rendu pour l'organisation du corps d'observation de Mayence qui prendra le titre de corps d'observation de Bavière, et qui sera formé de 6 divisions. Faites-en part au duc de Castiglione. Ouvrez aux dépôts des 28 régiments des 1er et 2e corps pour savoir si leurs colonels, leurs musiques et leurs aigles sont partis. Ayez soin que tout ce qui appartient au 2e corps soit dirigé sur Wittenberg
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 34865).

- Bataille de Dresde (26 et 27 août 1813)

Fusilier du 4e de Ligne en 1813
Fig. 18a Pompon d'Officier du 4e de ligne ? Ou d'une 4e Compagnie ? Ou d'un 4e Bataillon ? Donné dans les "Tenues des troupes de France" de Job

officier attribué au 4e de ligneOfficier attribué au 4e de ligne
Fig. 19 Officier porte fanion du 4e de ligne ? Dessin tiré du manuscrit du camp de Dresde dit "de Sauerweid". A gauche, dessin en couleur paru dans Tradition N°59; à droite, fac-similé publié à une date qui nous est inconue. Sur ce dessin, l'on voit que le shako est recouvert d'une toile cirée sur laquelle l'on devine un 4; de toute manière, même si cet Officier n'appartient pas au 4e de Ligne, il nous permet d'avoir un aperçu de ce que fut la tenue portée en 1813, complétant ainsi le dessin de Job. Concernant le drapeau, il ne peut s'agir que d'un fanion, et non du drapeau réglementaire. La devise inscrite en lettres d'or est "Pour l'honneur et la patrie".

A la fin d'août, les opérations recommencent contre les armées coalisées et le 2e Corps, rappelé de Zittau sur Neustadt, puis sur Dresde, prend part à la bataille de Dresde (deuxième journée). Le 2e Corps forme l'aile droite, et la Division Vial (Brigade Bronikowski : 4e de Ligne) rétablit le combat dans un moment critique. Le Capitaine Perreau est blessé le 26 août.

Après les revers de Kulm, de la Katzbach, de Grossbeeren, de Dennewitz, Napoléon, forcé de rétrograder, concentre ses forces à Leipzig, et, le 16 octobre, le 2e Corps occupe Wachau, ayant devant lui l'armée de Bohème. En parallèle, selon Martinet, le Chirurgien Major Fauvel est blessé le 10 octobre à Danzig.

- Leipzig, 1ère journée (16 octobre 1813)

Le 16 au matin, l'ennemi attaque Wachau avec la plus grande vigueur ; six fois repoussé, il doit céder devant le 2e Corps, qui prend l'offensive, soutenu par deux Divisions de la Jeune Garde, et sur ce point le succès est décisif. Le Colonel Materre est blessé. Les pertes sont telles que les deux armées, épuisées, se reposent le 17.

- Leipzig, 2e journée (18 octobre)

Le 18, le cercle s'est rétréci autour de l'armée française, qui doit faire face au nord, à l'est et au sud. Les débris du 2e Corps occupent le village et les abords de Probstheyda ; pris et repris, le village reste définitivement entre nos mains, malgré les attaques furieuses des Prussiens et des Russes réunis, mais il est impossible d'en déboucher et les Régiments qui l'occupent (4e) sont écrasés par l'artillerie ennemie. Le Général Vial est tué ainsi qu'un grand nombre d'Officiers du Régiment. Il faut battre en retraite : le Régiment passe l'Elster le 19 avant le jour, échappant à l'effroyable désastre de notre arrière-garde. Du 16 au 19, le 4e a eu 12 Officiers tués ou morts des suites de leurs blessures, et 18 autres blessés.

Officiers tués
Officiers blessés
Capitaines Perreau (16), Tierce (18), Capdeviole (18), Dartigaux (18), Moutin ou Moulin (18), Soeutat ou Sirutat (18); Sous lieutenant Royanne (18)
Colonel Materre (16); Chef de Bataillon Colomb d'Arcine (16); Major Jardin ou Gardin (16); Capitaines Raynaud (16 et 18), Defay (16), Mérès (16), Paux (18), Piffaut (18), Grégoire (16); Lieutenants D'Houtau ou Doudetot (18, mort le 7 novembre), Fleurat (16, mort), Hignier (16, mort le 18), Delorme (16), Merlet (16), Focard (16), Dorsanne (16), Bajon (16), Sperna (16); Sous lieutenants Dasseige (16, mort), De Folin (19, mort) , Closse (16), Archen (16), Rabusson (16)

Hanau (30 octobre)

Les débris de l'armée se dirigent vers le Rhin par Freiburg et Erfurt ; mais, à hauteur de Hanau le 30 octobre, ils trouvent la route barrée par l'armée bavaroise. Une Brigade de 2000 hommes (dont font partie les restes du 4e) sous les ordres de Dubreton, attaque l'aile droite ennemie, donnant ainsi à Drouot le temps de mettre 50 pièces en batterie et d'ouvrir un passage à l'armée. Trois Officiers ont été blessés : les Sous lieutenants Braudels (mort le 14 novembre), Drouet et Emery. Le Capitaine Gaultier, à la tête des Tirailleurs, s'est précipité sur l'ennemi, a fait plusieurs prisonniers, a passé à gué à plusieurs reprises la Kintzig. Le 31 octobre, Victor écrit que l'état de son corps d'armée "le met hors d'état de rendre aucun service" (cité par Pierre Juhel, Hiver 1813 - Napoléon rejeté derrière le Rhin - Tradition Magazine, Hors Série n°18 - 2001).

Le 2 novembre, les débris du 2e Corps passent sur la rive gauche du Rhin. Le 4e, réduit à un Bataillon sous les ordres du commandant d'Arcine, fait partie du 5e provisoire, Division Dubreton.

Il semble par ailleurs que des éléments du 4e aient participé à des combats devant Magdebourg (Capitaine Mousset, blessé le 4 janvier 1814).

Extrait des Mémoires de Bénard que nous avons laissé prisonnier chez un noble seigneur russe :

"Cependant la campagne de 1813 venait de s'ouvrir. Le gouvernement russe leva de nouvelles armées pour soutenir la guerre, et mon ami fut appelé sous les drapeaux. Au moment de partir, il me proposa de l'accompagner. Tant que nous serions dans l'intérieur de la Russie, il se chargeait de me faire respecter en me présentant comme un parent; une fois à la frontière, il dépendrait de moi de gagner un territoire ami ou neutre, au moyen de l'argent que j'avais conservé.
Ce plan arrêté, je partis avec lui. Avant de rejoindre l'armée, il avait à passer par Smolensk, dont son père était gouverneur. Je revis en qualité de prisonnier de guerre cette ville que j'avais déjà traversée deux fois, l'une en vainqueur, l'autre en vaincu.
Le gouverneur de Smolensk me fit un accueil poli ; mais il y avait loin de cette civilité contrainte à la cordialité de son fils. Il était aisé de voir que ce noble Russe regardait la conduite généreuse de l'héritier de son nom comme un trait de jeunesse tout au plus excusable, mais qu'il fallait bien se garder d'approuver sans conteste.
Le vieux seigneur parut donc oublier, dès le premier jour, que j'étais dans sa maison. A table il ne m'adressait pas la parole. Peut-être craignait-il de se compromettre, et dans ce cas je devais au moins lui savoir gré de ne manquer à aucun des devoirs de l'hospitalité. Jamais il ne prononçait une parole qui fût de nature à me blesser dans mon amour et mon respect pour la France. En revanche, les nombreux officiers, qui s'asseyaient à sa table en se rendant sur le théâtre de la guerre, n'épargnaient à mon patriotisme aucun propos insultant. Cela me fit comprendre que ma place n'était pas sous le toit d'un fonctionnaire russe, et j'annonçai la résolution de me retirer à l'hôpital français ; résolution que j'accomplis le jour même, malgré l'insistance avec laquelle le fils du gouverneur s'efforça de m'en détourner.
Nous avions laissé là six mille blessés ; j'y trouvai cent vingt-neuf malades qui, seuls, avaient survécu. Après le départ de l'armée française, la populace s'était ruée sur ce lieu d'asile ordinairement sacré ; l'hôpital avait été saccagé, les blessés accablés de coups et d'outrages ; plusieurs avaient péri ; les autres étaient restés sans médicaments, sans feu et sans vivres.
Chaque jour il en mourait des centaines, et la police russe obligeait les fiévreux, les éclopés, les dysentériques, tous ceux enfin qui pouvaient à la rigueur se tenir debout, à traîner hors de la ville les cadavres de leurs camarades Les pauvres gens, au retour de ces lugubres expéditions, se voyaient assaillis d'invectives et de projectiles par la populace. Aussi le lendemain était-ce presque toujours leur tour d'être emportés par les rues et jetés hors des murs.
C'était miracle qu'un seul eût survécu à ce traitement. Parmi le petit nombre de ces derniers, était un sergent, blessé d'une balle à la jambe. La nature avait fait tous les frais de son imparfaite guérison. Il avait conservé sa jambe, dont la blessure s'était cicatrisée ; mais ce membre, incapable d'aucun mouvement, pendait, attaché par une corde au cou de son propriétaire. Il marchait à grand'peine à l'aide de béquilles, et je me faisais un devoir de l'aider à sortir de l'hôpital pour respirer l'air printanier - on était alors au mois de mai.
Un jour, nous cheminions lentement le long du rempart. De l'autre côté de la muraille, sur la crête du glacis, le soleil riait à l'herbe nouvelle : pauvre soleil, bien pâle encore, mais déjà bienfaisant. Mon compagnon conçut le désir d'aller s'asseoir sur ce gazon et de se chauffer aux rayons de ce soleil. Il me pria de le conduire au-delà de ce rempart, à cet endroit qui le tentait. C'était une imprudence; il était expressément défendu aux prisonniers de sortir de la ville. Je le savais, mais comment refuser à ce pauvre mutilé l'innocente satisfaction de s'étendre au soleil ? Il y avait justement près de là une embrasure dégradée et assez large pour nous donner passage. Nous nous glissâmes par cette brèche sur le bord du fossé. Nous y étions assis depuis quelque temps, parlant de la France et de notre espérance de la revoir - principal et presque unique sujet de conversation entre prisonniers, - lorsque soudain des cris furieux éclatèrent à vingt pas de nous. Un cosaque s'avançait vers nous le sabre haut, la menace à la bouche. Il était ivre et paraissait hors de lui. Nous n'étions pas debout que déjà il frappait mon camarade à coups de plat de sabre, en accompagnant cette lâcheté de toutes les injures de son répertoire. Indigné, je l'apostrophai sans réfléchir qu'il ne pouvait me comprendre.
- Vous êtes une brute et un misérable, m'écriai-je; il n'y a qu'un cosaque comme vous qui n'ait pas honte de maltraiter un invalide, alors que je suis là, en face de vous, et prêt à vous répondre.
La colère me suffoquait. Le sergent chercha à me calmer.
- Laisse-le cogner, disait-il, et allons-nous-en. Ne te fais pas une mauvaise affaire.
Les coups redoublaient; le cosaque frappait à tour de bras. Je me jetai sur lui et je n'eus pas grand'peine à lui arracher son sabre. Un instant, j'eus la tentation de le lui passer au travers du corps; mais heureusement je me contins et me bornai à faire voler l'arme de l'autre côté du fossé. Puis, pendant que l'ivrogne courait la ramasser, nous nous hâtames de rentrer dans la ville.
Cette équipée aurait eu pour nous des suites fâcheuses, car tôt ou tard nous n'eussions pas manqués d'être reconnus par notre cosaque, qui avait mille moyens de se venger. Par bonheur, dès le lendemain, l'ordre vint de nous conduire dans l'intérieur.
J'étais bien décidé à partager, dorénavant, le sort de mes compatriotes. La protection que m'accordait le fils du gouverneur lui avait été évidemment reprochée et rien n'aurait pu me déterminer à y recourir de nouveau. D'ailleurs, le moyen de salut qu'il me proposait était peu chanceux. Qui me disait qu'une fois engagé dans les lignes russes, je ne serais pas considéré comme espion et fusillé ?
J'allai faire mes adieux à mon jeune Russe et, malgré ses insistances, nous nous séparâmes.
Notre destination était Simbirsk, sur le Volga. A la suite de cette jolie étape, nous allions être promenés de ville en ville à travers la Russie et la Sibérie, jusque sur la frontière du pays habité par les Tartares indépendants petite satisfaction de vanité du gouvernement, qui voulut nous montrer ainsi dans toutes les parties de l'empire comme les trophées de la victoire remportée sur nos armes par le climat de son pays.
Notre détachement, composé de cent vingt prisonniers, semblait une réduction de la Grande Armée ; on y retrouvait des sujets de toutes les nations qui- avaient pris part à la lutte contre le tzar, à l'exception toutefois des Autrichiens et des Prussiens, qui avaient fait la paix et s'étaient tournés contre nous. Le voyage s'accomplissait sous la conduite d'un officier russe. Chacun avançait comme il pouvait, celui-ci portant son bras gauche avec sa main droite; celui-là sautillant sur une jambe tandis que l'autre étant remplacée par une canne. Le sergent avec qui je m'étais lié à Smolensk continuait à soutenir sa jambe brisée au moyen d'une corde passée autour de son cou. Il y avait en outre, dans notre troupe, des pieds, des mains, des visages gelés. Nous offrions, en raccourci, le tableau de toutes les infirmités humaines.
Le gouvernement nous avait alloué, en notre qualité d'officiers, une haute paie équivalant à cinquante centimes par jour. Du reste, il ne nous avait pas fait distribuer de vêtements. Notre solde nous suffisant à peine pour vivre, même dans ces contrées où les aliments sont généralement bon marché, il ne nous était pas possible de remonter notre garde robe. Aussi Dieu sait quelle diversité de trous, de franges et de pièces présentaient nos costumes, moitié français, moitié russes, et composant le mélange le plus hétéroclite de formes et de couleurs.
Nous nous arrêtâmes à quelque distance de Moscou. Pour donner un aspect plus imposant à notre entrée dans la cité sainte, le gouverneur avait fait préparer à notre intention une grande quantité de petites voitures du pays. Lorsqu'on nous fit monter chacun dans un de ces véhicules très modestes, pour ne pas dire très laids, ce fut parmi les Français de la troupe un feu roulant de plaisanteries.
- Un équipage pour moi tout seul ! Décidément les Russes font bien les choses.
- Cocher, touche à l'hôtel.
- On va nous donner un banquet à trois services.
- Et un bal.
- Soyez tranquilles, jeunes gens, interrompit une moustache grise, les Russes la danseront, et c'est l'Empereur qui paiera les violons.
Lorsque notre cortège pénétra dans la ville, toutes les cloches étaient en branle, et la population entière se pressait dans les rues sur notre passage. Nous défilâmes donc jusqu'au Kremlin entre deux haies de curieux. Je dois ici rendre cette justice aux habitants de Moscou qu'ils ne nous firent entendre aucun cri de haine, aucune menace; loin de là, j'obtins de leur part des marques non équivoques de sympathie, car ma petite voiture se trouva encombrée de provisions que des mains anonymes y avaient mystérieusement glissées.
Sur la place du Kremlin, le gouverneur nous passa en revue ; il nous demanda pour la forme si nous n'avions aucune réclamation à lui présenter, et ne prêta pas attention à la ferme réponse d'un officier supérieur Hollandais, compris dans notre détachement, qui se plaignit vivement d'être laissé sans moyens de se procurer des vêtements convenables. Le gouverneur eut l'air du prendre cette apostrophe pour un remerciement, et nous tourna le dos après nous avoir annoncé que nous serions logés dans un hôpital situé à une lieue de Moscou.
Notre installation provisoire y fut bientôt achevée. On nous laissa ensuite la liberté de nous promener dans la ville et ses environs. Mon premier soin fut d'aller faire visite à une honnête famille allemande qui m'avait hébergé pendant l'occupation de Moscou. Ces braves gens n'avaient pas fui, comme tant d'autres, à notre approche, et s'étaient bien gardés de laisser brûler leur maison; de notre côté nous les avions protégés; ils n'avaient subi aucune insulte.
Après le départ de l'armée française et l'incendie de Moscou, cette famille n'eût demandé qu'à continuer paisiblement son commerce ; mais on lui avait fait un crime de n'avoir pas livré sa demeure et ses marchandises à la torche des forçats de Rostopchine. Quand j'arrivai devant leur habitation, je la trouvai déserte; une partie du mobilier était brisé, le reste avait disparu ; tout y attestait la colère du maître de toutes les Russies et le passage de ses agents.
Cette destruction m'affligea beaucoup. J'interrogeai les voisins, et ils m'apprirent que les pauvres gens avaient été exilés en Sibérie comme coupables d'être demeurés dans la ville après l'entrée de la Grande Armée.
Je regagnai tristement notre hôpital. En traversant les principales rues, j'eus l'occasion de remarquer l'activité avec laquelle on relevait les maisons ruinées par l'incendie, dont les traces étaient d'ailleurs visibles de tous côtés. De nombreux ouvriers étaient occupés à réparer la partie du Kremlin que nous avions fait sauter en quittant Moscou. Je m'arrêtai longuement en face de cet édifice, tandis que les souvenirs qu'il évoquait en moi repassaient rapidement devant mes yeux. Ce palais dont les murailles se relevaient de leurs ruines, je l'avais vu l'année précédente, et dans quelles circonstances !
C'était le 15 septembre 1812. L'empereur, à la tête du 1er régiment de la garde, rangé en bataille dans la cour du Kremlin, venait de nous voir défiler devant lui. Tous les visages avaient un air de fête ; un frisson d'enthousiasme passait dans les lignes de l'armée. Remise de ses fatigues, fière de ses succès et confiante dans l'espoir d'une paix glorieuse, elle offrait une apparence de solidité et de puissance bien faite pour dissiper les inquiétudes.
C'est qu'elle venait d'assister à un imposant spectacle. Par ordre de l'Empereur, les aigles russes qui surmontaient le Kremlin avaient été enlevées et remplacées par l'aigle française. Cette substitution s'était opérée aux cris répétés de : Vive l'empereur! vive la France ! Puis les musiques de nos régiments avaient exécuté des symphonies guerrières. Le bruit du tambour s'était mêlé aux acclamations de la foule des soldats. C'était un délire général.
En rentrant au quartier mon régiment se croisa avec la garde royale de Jérôme, roi de Westphalie, et un peu plus loin avec celle du vice-roi d'Italie, commandée par le prince Eugène en personne. Les soldats des trois nations échangèrent au passage des hourrahs de joie et de triomphe.
Qui m'eût dit alors que toute cette belle armée allait être détruite et ensevelie sous les neiges ? Qui m'eût dit surtout que de ce jour allait dater une longue suite de revers terminés par l'envahissement de la France ? L'idée seule d'une pareille humiliation m'eût semblée, à moi comme à tous les soldats de la Grande Armée, impossible et monstrueuse hélas ?
L'hôpital où nous étions logés était un vaste bâtiment, de l'aspect le plus nu et le plus dégradé ; quelque ancienne fabrique, sans doute, dans laquelle on avait entassé sur de mauvaises couchettes un certain nombre de malades et de blessés russes. C'était pitié de voir ces malheureux attendre une mort que le manque de soins leur rendait inévitable; aussi ne restais-je que le temps nécessaire dans ce triste séjour rempli de plaintes, de souillures et d'odeurs nauséabondes.
Le lendemain du jour de ma visite au Kremlin je formais le projet de revoir le château et le parc princier où mon bataillon avait été cantonné durant l'occupation de Moscou. Je voulais retrouver aussi le pavillon où étaient cachés ces grenadiers russes auxquels j'avais causé une si grande frayeur en échange d'un des plus violents saisissements que j'ai éprouvés dans ma vie
Deux heures de promenade à travers ces allées majestueuses bordées de coquettes plates-bandes, dans une atmosphère calme et embaumée, au milieu de paysages bornés par les horizons de la campagne, suffirent à chasser de mon esprit les idées noires qui l'avaient envahi, et à retremper mon courage. Il devait être bientôt soumis à une rude épreuve.
je venais de sortir du parc, heureux de constater qu'il avait été préservé par nos soins, lorsque des paysans, des serfs de ce domaine, s'ameutèrent à ma suite avec des cris et des gestes menaçants. Guidés par leur instinct de brutes, ils avaient évidemment flairé en moi un prisonnier français, car, tandis qu'ils me montraient de la main, j'entendais sans cesse revenir le mot : Françous ! Cependant aucun détail de mon costume ne trahissait ma nationalité.
Fort de mon mépris, j'aurais poursuivi tranquillement ma route, en l'agrémentant de réflexions philosophiques sur la lâcheté et l'inhospitalité de la populace, si dans un des fréquents coups d'oeil que je jetais néanmoins en arrière, je n'eusse vu deux des plus acharnés se baisser comme pour ramasser des pierres.
J'allongeai le pas prudemment en songeant que si l'un des mougiks se hasardait à passer des paroles aux actes, je serais lapidé avant l'arrivée d'aucun secours. Je gagnai donc de l'avance, et j'allais être hors de la portée de leurs bras, lorsque le plus hardi me lança un caillou qui me déchira la joue. Comme je l'avais pressenti, tous les autres l'imitèrent à l'instant, et je me vis assailli d'une grêle de projectiles qui heureusement ne m'atteignirent pas ou ne me firent que de légères contusions.
L'hésitation n'était plus possible, les coquins m'auraient assommé sur place. Je pris mes jambes à mon cou. J'étais jeune, plein de vigueur, la crainte doubla mes forces ; je courus à perdre haleine en criant au secours.
Les paysans s'étaient remis à mes trousses ; ils vociféraient toutes les imprécations de la langue russe, et Dieu sait si elle en est riche Je ne puis concevoir, en vérité, comment je serais sorti de leurs griffes, si quelques soldats, conduits par un officier, ne se fussent approchés. Ils se mirent entre moi et mes agresseurs, qui s'arrêtèrent respectueusement à la vue des épaulettes.
Je rentrai à l'hôpital, fort essoufflé, nais sans mal sérieux. Dans la soirée, nous reçûmes l'ordre de nous tenir prêts à partir le lendemain. Le gouverneur de Moscou aurait dû nous donner des vêtements, ou tout au moins nous faire distribuer des capotes et des chaussures, car nos habits étaient en loques et plusieurs d'entre nous marchaient presque nu-pieds. Le cuir n'est pourtant pas cher dans le pays, et ce n'eut été qu'une faible dépense pour le gouvernement que de nous faire cadeau à chacun d'une paire de ces bottes que portent les soldats russes; mais les dix sous par jour qui nous étaient alloués avaient épuisé la générosité de nos ennemis, et malgré nos plaintes réitérées, malgré l'approche de l'hiver et la perspective d'un long voyage vers le nord, on resta parfaitement insensible à notre misère.
Je souffrais surtout pour mes compagnons, car grâce à l'ordre sévère qui avait présidé à mes dépenses, je me trouvais encore possesseur de quelques roubles, et j'avais pu me procurer des vêtements.
Au moment du départ, on nous dit qu'on allait nous conduire à Wladimir : c'était la route des possessions asiatiques de la Russie. Cette direction ne présageait rien de bon. J'adressai alors à Dieu une prière bien fervente. Ma pensée ne se concentrait pas sur moi seul, sur les dangers que j'allais courir; elle se reportait avec une douceur mêlée d'amertume sur ma famille, sur ma mère.
Je priai le Seigneur de nous donner à tous deux la force : à elle, pour supporter le chagrin de mon absence et la supposition de ma mort; à moi, polir souffrir courageusement les maux de l'exil.
On a raison de dire que les malheureux trouvent des consolations et des forces infinies dans la prière ; celle-ci me rendit toute mon énergie morale. En campagne, le découragement est la pire des maladies, et quand il s'empare des esprits, il fait plus de ravages que l'ennemi même.
A partir de Moscou, on nous fit voyager en voiture. Ce nous fut un mince soulagement, car les chariots du pays, sortes de cages en bois posées sur quatre roues fort basses, ne sont rien moins que suspendues, et c'est de cahot en cahot que nous avancions sur des chemins défoncés. Nous n'attribuâmes pas, du reste, à un excès de sollicitude cette mesure de l'administration moscovite; il était risible qu'elle voulait au moyen de ce cortège frapper l'esprit des campagnards en leur donnant une haute idée de la puissance du gouvernement. Quand les paysans voyaient passer sur la route une longue file de charrettes contenant des prisonniers français, comment auraient-ils mis en doute le succès des armes russes ?
Parmi nous se trouvait un jeune homme de haute naissance, un Montmorency, je crois; il était officier dans l'état-major. C'était un grand coeur, qui aimait la patrie par-dessus tout. A Smolensk, où je l'avais trouvé, le gouvernement russe lui avait fait offrir le commandement d'un régiment; mais il avait noblement refusé, préférant partager nos souffrances plutôt que de manger le pain de l'ennemi. Sa bourse, un peu mieux garnie que celle de la plupart de ses camarades, leur était toujours ouverte. Dans le trajet que nous fimes à travers les provinces de l'Empire, il conserva toujours cette sérénité dans le malheur, qui est la récompense du devoir accompli jusqu'au bout. Il supportait cependant avec peine, comme nous tous, la privation de nouvelles de France et ne négligeait aucune occasion d'en obtenir.
Après notre entrée à Wladimir, avec l'accompagnement habituel du carillon des cloches et des clameurs de la foule, ce jeune officier profita de la visite d'un aide de camp du gouverneur, chargé de recueillir nos réclamations, pour lui demander des nouvelles de l'armée française. Il lui fut répondu que Napoléon venait de perdre une grande bataille et que ses troupes avaient été mises en déroute.
Vrai bulletin russe ! Nous sümes plus tard que cette bataille était celle de Dresde, que l'Empereur avait livrée aux Autrichiens, aux Prussiens et aux Russes les 26 et 27 aoùt 1813, et qui s'était terminée en faveur des Français par la plus incontestable des victoires.
Nous étions en route pour Simbirsk , marchant directement vers le Volga, ce grand fleuve qui semble une première barrière naturelle entre l'Europe et l'Asie.
La saison s'avançait. L'hiver, qui se montre de bonne heure dans ces régions, s'annonçait par des rafales. A la seule pensée des souffrances qu'il nous avait causées dans la retraite de l'année précédente, tous les fronts s'assombrissaient. Les teintes grises de l'atmosphère, le voile de brouillard qui y flottait perpétuellement, étaient en harmonie avec l'état d'abattement dans lequel plusieurs de nous étaient tombés. On se lasse à la fin d'être traînés dans des charrettes, le long des routes, pendant des mois, comme ces bestiaux qu'on couche sur la paille pour les conduire à la boucherie. Nos blessés se plaignaient de l'humidité et de la fraicheur; leurs douleurs s'exaspéraient à ce traitement; la nostalgie, pire que les blessures, achevait de ruiner leur constitution.
A quelques lieues d'Ardatov, d'eux d'entre eux succombèrent; l'un avait perdu une jambe à Valoutina ; l'autre, à la prise de Smolensk, avait reçu une balle en pleine poitrine. Grâce aux soins qui leur avaient été donnés dans cette dernière ville pendant l'occupation française, leurs blessures étaient en voie de guérison quand l'irruption des Cosaques dans Smolensk après son évacuation par l'armée en retraite, avait interrompu cette double cure. Enfin nos deux compagnons n'avaient échappé par miracle aux fureurs de la populace juive que pour se voir promenés sans pitié de ville en ville comme des bêtes curieuses... La mort leur fut une délivrance.
Bien que nous fussions en pays schismatique, il nous semblait dur de les enterrer sans aucune cérémonie religieuse; nous résolûmes donc de requérir l'assistance d'un pope pour prononcer des prières sur leur tombe. Cette idée n'était pas orthodoxe, j'en conviens, mais nous étions des soldats peu versés dans l'étude des dissensions entre les diverses Eglises, et il nous suffisait que le prêtre grec fût chrétien pour avoir recours à son ministère dans une question de religion. Si nous nous trompâmes, ce fut avec une entière loyauté, dans un sentiment de foi sincère et naïve.
Le pope était une manière de curé de village très ignorant, très fanatique et très intempérant, comme tous ses pareils. Notre proposition lui parut un véritable scandale. Non seulement il nous refusa ses prières, mais il nous accabla de ses malédictions. Les autorités civiles se montrèrent plus intolérantes encore que ce membre du clergé : on eut le courage de nous faire attendre un jour entier l'autorisation nécessaire. Nous vîmes le moment où il nous faudrait abandonners sans sépulture les corps de nos infortunés compagnons. Nous étions tous dans une profonde indignation.
Enfin nous obtînmes la permission de creuser les deux fosses; nous y descendimes nos compatriotes, et après un dernier adieu, nous plantâmes sur chaque tombe une croix portant le nom du mort et l'indication de son grade.
Simbirsk est située à quelques centaines de pieds de hauteur au-dessus du Volga. C'est une ville fort triste, mais qui commande un admirable paysage.
En cet endroit le fleuve se divise en plusieurs branches pour courir dans des gorges très resserrées. La chaîne qu'il traverse borne l'horizon vers le sud ; dans toutes les autres directions, c'est la steppe qui s'étend à perte de vue. Quelques maisons de plaisance s'égrènent sur le flanc de la colline; de l'autre côté du fleuve, trois ou quatre gros villages complètent harmonieusement l'ensemble du tableau.
Notre halte dans cette ville calme et salubre dura quinze jours, et ce fut une de nos meilleures étapes. Nous reçûmes des habitants et même des fonctionnaires un accueil bienveillant dont il faut chercher la cause autant dans leur éloignement du théâtre de la guerre que dans le voisinage des provinces tartares. Au delà de Simbirsk, en effet, nous n'avions plus devant nous que les Tartares soumis, les Tartares indépendants et les populations indigènes de la Sibérie. Je ne me doutais guère de la cordialité qui m'attendait chez les Baskirs, Kalmoucks et autres peuplades tributaires à demi-nomades dont le renom est aussi mauvais que leurs moeurs sont hospitalières.
On m'a dit, pendant mon séjour en Tartarie, que les habitants de ces provinces n'attendaient en 1812 que l'approche d'une division de la Grande Armée pour se soulever en masse ; je n'ai pas eu de peine à le croire en voyant avec quelle impatience ils supportent la domination russe.
Au moment de nous conduire dans ce pays, le gouvernement jugea nécessaire de prendre quelques précautions. Un ordre de Pétersbourg enjoignit au gouverneur de Simbirsk de fractionner les prisonniers par troupes de vingt, pour éviter de fournir un noyau aux révoltes possibles et pour nous montrer en mème temps sur une plus grande étendue de territoire. Les listes furent dressées dans le cabinet du gouverneur; on se garda de nous consulter pour les former ; aussi, bien des liens d'amitié cimentés par une commune misère et des services mutuels se trouvèrent-ils violemment rompus; nous nous séparâmmes au milieu d'une consternation générale; le matin de notre départ, la grande rue de Simbirsk ressemblait à un marché d'esclaves.
Le sergent dont j'avais fait la connaissance à Smolensk vint m'embrasser en suffoquant. Sa jambe brisée pendillait toujours au bout d'une corde. Il ne faisait pas partie de mon détachement et nous n'espérions plus nous rencontrer. Il me fit promettre d'aller voir sa mère à Paris, à mon retour. Penser à Paris, alors que nous nous en éloignions de plus en plus !
Je perdais plusieurs amis ; je m'en fis bientôt de nouveaux dans la petite troupe de vingt hommes qui se trouvèrent réunis sous la conduite d'un Cosaque : le Cosaque lui-même et Wolff, mon ancien camarade, passé depuis fourrier dans la garde impériale. Autrefois on nous voyait souvent ensemble; le hasard et le malheur nous ayant rapprochés, nous devînmes inséparables. Nous nous aimions beaucoup, et nous étions prêts à nous défendre l'un l'autre jusqu'à la mort : ce qui n'empêchait pas que nous ne fussions jamais d'accord.
Quant à notre Cosaque, une bouteille d'eau-de-vie offerte avec grâce m'assura son affection en me plaçant très haut dans son estime. J'avais jugé adroit de nous ménager le bon vouloir d'un homme en situation de nous susciter chaque jour et à chaque heure des vexations et même des tourments de toute sorte.
A mesure qu'il buvait, les yeux insignifiants de notre gardien s'animaient, son visage se déridait, son geste plus fréquent prenait une certaine ampleur, tout son corps semblait se détendre de sa raideur automatique. Au sortir du cabaret, il était tout à fait tendre. Séance tenante il me chargea de tenir la comptabilité de notre détachement, dans la persuasion que chez un prisonnier qui trouvait moyen d'acheter une bouteille d'eau-devie avec les économies réalisées sur une paye de cinquante centimes par jour, il devait y avoir l'étoffe d'un excellent administrateur.
De Simbirsk on nous dirigea sur Kasan, l'antique cité, capitale de l'ancien empire des Tartares, et siège du gouvernement des successeurs de Gengis Khan.
Le premier symptôme du changement qui allait s'opérer dans nos rapports avec les habitants se manifesta dans une allocution que nous adressa notre Cosaque et que je transmis de sa part à mes camarades, car j'avais appris assez de russe pour soutenir une conversation dans cette langue.
- Voyez-vous, nous dit-il, vous pouvez maintenant vous passer toutes vos fantaisies boire, manger et dormir partout où l'envie vous en prendra, sans plus de cérémonies. Nous entrons en pays ennemi.
- Comment, nous ne sommes plus en Russie ? s'écria quelqu'un avec une joie non dissimulée.
- Si fait, répondit le Cosaque, mais, ajouta t-il d'un ton de mépris, nous sommes chez un peuple conquis.
Les Tchouvasses et les Tchérémisses furent les premiers paysans tartares avec qui nous fimes connaissance. Ce sont des tribus dont l'origine est incertaine, mais qui ont quelques-uns des traits distinctifs de la race mongole. Leur seul point de ressemblance avec les serfs russes est l'usage d'un poèle énorme contenant un four à cuire les aliments, et dont la plaque supérieure sert de lit à toute la famille. Ils ne comprenaient pas un mot de russe, et personne de nous n'avait la moindre notion de leur idiome.
Pendant les premiers jours de notre voyage parmi ces populations, nous n'eûmes donc aucun rapport verbal avec elles. Quand nous entrions dans un village, les habitants nous recevaient chez eux sans nous adresser la parole, et avec les marques d'un respect craintif. Nous nous mettions à table, et ils nous servaient des choux et du poisson assaisonné avec de l'huile rance.
Cet ordinaire nous surprit d'abord ; persuadés cependant que nous trouverions meilleure chère à la prochaine étape, nous attaquâmes avec courage les choux et l'huile. Le lendemain, même pitance. Nous commençâmes à murmurer. Mais le surlendemain, l'ordinaire ne se décidant pas à varier, nos estomacs se révoltèrent définitivement. Notre surprise était d'autant plus grande d'être ainsi traités, que des bandes de volatiles de toute espèce erraient autour de chaque habitation. On apercevait en outre des troupeaux de moutons paissant aux deux côtés de la route.
Le troisième soir, au lieu de dormir après le repas, suivant notre habitude, je tins conseil avec mon ami le fourrier. Le poisson à l'huile l'avait particulièrement exaspéré, et il annonçait hautement l'intention, par bonheur exprimée en français, d'appeler sur le terrain l'empereur Alexandre en personne, s'il n'y avait pas d'autre moyen d'obtenir un changement de régime ; toutefois, par concession, il se bornerait, disait-il, à assommer notre Cosaque, comme représentant de l'autorité qui mettait notre goût à une si rude épreuve.
Je pensai qu'il y aurait peut-être manière de tout arranger sans assommer personne, et me chargeai, en qualité d'ami du Cosaque et d'interprète de notre escouade, de lui demander la raison de l'abstinence à laquelle nous étions soumis depuis soixante-douze heures.
Notre guide était bien, à jeun, l'ours le plus mal léché qu'on pût imaginer. Je ne pouvais rien en tirer sans un grand verre d'eau de vie. Encore en fallait-il deux pour lui délier la langue en cette circonstance.
Il m'apprit que nous avions l'honneur d'être regardés par la population du pays comme des officiers russes disgraciés, en route pour la Sibérie. Or, l'église grecque observant en ce moment un carême rigoureux, les habitants de la province se fussent bien gardés de nous offrir de la viande.
Je me récriai, je protestai qu'il n'y avait pas dans notre escouade la moindre disposition à l'orthodoxie russe et à l'observance du carême grec. Je réclamai le bénéfice des excommunications et des malédictions du pope d'Ardatov. Enfin le Cosaque, ému par mes instances et surtout par l'absorption d'un troisième verre, consentit à nous faire reconnaitre pour des prisonniers français désireux de manger de la volaille et professant une antipathie marquée à l'égard des choux et du poisson à l'huile. En conséquence il daigna adresser la parole aux paysans réunis dans le cabaret où nous buvions, et il leur expliqua notre position et notre demande. Les paysans prêtèrent une oreille attentive à sa harangue; ils firent un salut respectueux en signe d'assentiment; puis ils se levèrent et sortirent. Je demeurai convaincu qu'ils n'avaient pas compris un mot du discours dont mon Cosaque les avait gratifiés.
Cependant le soir il régnait dans la maison de nos hôtes une séduisante odeur de rôti dont mon compagnon fut frappé comme moi. Nous nous regardâmes du coin de l'oeil en nous asseyant devant la table. Allions-nous donc enfin faire un peu connaissance avec les moutons du pays ? Sous quelle forme celui dont on allait nous servir se manifesterait-il ? Gigot ou côtelette ? Nos dents s'allongeaient rien que d'y penser.
Notre désappointement fut atroce en voyant apparaître le poisson persécuteur en compagnie de l'inévitable plat de choux. Wolff se leva brusquement, frappant du poing la table et jurant à faire trembler les murs.
Des moujicks fussent tombés à nos genoux, mais ces Tartares, malgré leurs habitudes de soumission, ne parurent pas disposés à se laisser battre ; ils tressaillirent et nous regardèrent d'un air résolu. De son côté mon ami proférait d'affreuses menaces et semblait résolu à tout briser.
Comme de tout cela il fût résulté une lutte, et sans doute une mauvaise affaire pour nous, je pris le parti d'intervenir en employant le langage des muets, et me livrai à une série de gestes que n'eût pas désavoués le plus inventif des funambules.
Devant ma télégraphie désespérée, nos hôtes commencèrent à soupçonner un malentendu entre eux et nous. Le maitre de la maison se leva et sortit après nous avoir invités d'un geste à attendre patiemment son retour.
Il reparut bientôt en compagnie d'un individu qui m'adressa la parole en russe. Nous étions sauvés; j'allais pouvoir enfin me faire comprendre et tirer mes compagnons de l'extrémité culinaire où ils étaient réduits.
J'exposai donc de mon mieux notre situation et déclinai notre qualité de Français.
Jamais je n'ai vu de révolution plus prompte, plus complète, que celle qui s'opéra à ce mot dans la physionomie et les manières de ces bons Tartares. Une joie éclatante, une sympathie réelle et vive se révélèrent sur leurs visages. L'interprète me tendit la main et me la secoua cordialement à la française; le maître du logis courut, les bras ouverts, à mon camarade stupéfait, et l'embrassa; ses enfants se mirent à danser autour de nous en poussant des exclamations joyeuses, et sa femme, avec le tact qui distingue les bonnes ménagères, s'empressa d'ouvrir le four du poêle. Elle en tira une appétissante queue de mouton cuite à point et baignant dans son jus, qu'elle déposa devant nous sur la table.
En un moment j'eus appris les mots du vocabulaire tartare qui pouvaient nous être utiles dans la suite de notre voyage français, amis, frères. Il n'en fallait pas davantage pour nous assurer à l'avenir la plus amicale réception.
Mon camarade fètait déjà la queue de mouton ; quand je me sers de ce mot, c'est à tort, car les moutons élevés en grand nombre dans les steppes qui bordent le Volga sont dépourvus entièrement de l'appendice en question. Ils ont en revanche une croupe énorme, dont l'aspect n'a rien de gracieux, mais qui, mérite plus sérieux, figure admirablement à la broche et ne contient pas moins de quinze à vingt livres de viande. Nous fîmes ample connaissance avec ce mets succulent, avec lequel l'ordinaire du carême russe ne pouvait soutenir aucune comparaison.
A dater de ce jour, notre voyage ne fut plus qu'une suite de réceptions amicales jusqu'à notre arrivée à Kasan.
Kasan ! C'était chose inouïe pour des Français, en 1813, que de pénétrer dans cette féerique ville d'Orient, qui a vu les splendeurs des souverains de la Horde d'Or, et dont le nom éveillait dans nos têtes le souvenir de toutes les merveilles des Mille et une nuits.
Nous passâmes la nuit qui précéda notre entrée à Kasan dans un village situé à une douzaine de lieues de cette capitale célèbre. Couché sur la plaque supérieure du poêle, dans la maison où l'on m'avait logé, je m'engourdissais à sa bienfaisante chaleur, lorsque j'entendis, au milieu de l'obscurité, la voix de mon Cosaque. Il m'appelait avec un accent attendri qui révélait des libations exceptionnelles : "Karlous, criait-il, où es-tu ? Voici un ami qui désire te voir et qui t'invite à souper".
Un ami ! Tombé du ciel, alors, à moins qu'il n'existât que dans une imagination d'ivrogne ? Je ne répondis pas. L'autre reprit : "Hé, Karlous ! ne m'entends-tu pas? Où diable es-tu ? Je te dis que le souper est servi. Ton ami est à table. Il y a du vin, du bon vin. Réponds donc !".
Il y avait du vin ! Mon Cosaque ne plaisantait pas sur ce chapitre; alors il devait y avoir autre chose. Je descendis de mon poêle, un peu anxieux, comme chaque fois qu'il survenait dans notre vie un incident inattendu et d'explication diflicile.
J'avais eu tort de m'alarmer. A la vérité le personnage qu'on m'avait annoncé m'était totalement inconnu, mais ce n'en était pas moins un ami. Il venait, non pas précisément du ciel, mais des frontières mêmes du Céleste Empire. C'était un Tartare, aux trois quarts chinois, qui,
avant de regagner ses pénates, situés au coeur de l'Asie, avait voulu voir un Français. Pour y parvenir, il avait employé l'argument auquel ne savait pas résister notre gardien : l'eau-de-vie.
Mon Cosaque m'introduisit eu titubant dans la salle où dinait le voyageur, puis il s'étendit sur un banc et se mit à ronfler comme un tambour.
Je me trouvai en tète à tête avec l'étranger qui, m'adressant la parole en russe, m'invita à prendre place à table; puis il m'offrit un verre de vin blanc qu'il avait apporté avec lui, boisson rare, venue d'Allemagne ou de Crimée, et qui me fit plaisir comme un souvenir du pays, malgré qu'il fût loin de valoir nos vins de France.
Quand j'eus acquis la certitude que cette invitation imprévue ne cachait aucun piège, je soupai de bon appétit, supportant sans sourciller l'attention imperturbable avec laquelle mon amphitryon m'examinait, comme si j'eusse été un animal d'une espèce extraordinaire. Comment m'offenser en effet de la fixité de ses regards, lorsqu'il m'exprimait avec chaleur son admiration pour Napoléon et pour l'armée française; lorsqu'il m'affirmait que toute la Tartarie nous avait attendus comme des libérateurs, et que la renommée de nos victoires, partout accueillie avec enthousiasme, était parvenue jusqu'aux murailles de l'empire chinois ?
Les discours du Tartare m'avaient ragaillardi au point de me faire oublier ma misère présente, lorsque, au moment de nous séparer, il me rappela au sentiment de ma situation environnée de tant de périls :
- Karlous, me dit-il à voix basse, un conseil avant de nous quitter. Nous ne sommes pas loin d'un endroit où les Russes ont fait égorger dix mille musulmans, prisonniers comme toi. Tiens-toi donc sur tes gardes, et, au premier signal d'alarme, fuis. Mes frères de Kasan te donneront les moyens de me rejoindre. Je suis riche; ma tribu est indépendante. Tu seras en sûreté parmi nous, et je te recevrai comme un fils.
J'eus à peine le temps de lui serrer la main. Il sortit en me faisant un geste amical. Ma stupéfaction était telle que je ne pus d'abord ni faire un mouvement, ni prononcer un mot. Enfin je me retirai de mon côté quand les serviteurs du Tartare entrèrent dans la salle et se mirent à emballer ses effets avec une célérité annonçant une grande habitude de ces sortes d'expéditions.
Je retournai sur mon poêle, et j'y étais à peine installé que j'entendis le bruit des traîneaux qui emportaient le voyageur et sa suite.
Dans le silence et l'obscurité ou je me trouvai replongé, il me sembla que je sortais d'un rêve. Cette apparition subite, ce prompt départ, la lumière et la chaleur d'un repas recherché, la gaieté de l'entretien de cet homme, la sympathie qu'il m'avait exprimée, l'activité de son nombreux entourage, tout cela dansait confusément dans ma tète, tandis que mon coeur se serrait au souvenir de l'avertissesement funèbre qu'il m'avait jeté en me quittant.
Ses paroles n'étaient que trop d'accord avec les inquiétudes qui me tenaient éveillé des nuits entières, pendant lesquelles je cherchais à pénétrer le secret du sort que le gouvernement nous avait définitivement réservé.
A la longue, quand les privations s'ajoutent les unes aux autres, la constitution s'affaiblit; l'énergie physique manque pour lutter contre les influences extérieures, et la seule approche de l'hiver, harcelé que j'étais par les souvenirs affreux de la retraite, me mettait au désespoir.
J'étais encore sous l'impression de cette rencontre, quand nous fimes notre entrée dans Kasan. Je dis : notre entrée, car les autorités russes s'étaient dérangées pour nous recevoir, et le gouverneur lui-même, en uniforme de général de division, nous attendait à la porte de la ville.
Notre Cosaque était dans un état de sobriété aussi rare qu'exemplaire; il ne se souciait nullement de sentir son dos en contact intime avec les lanières du knout; aussi m'avait-il annoncé la veille sa résolution de se mettre le lendemain "en grande tenue", ce qui entraînait l'obligation de s'abstenir de tout spiritueux. Il avait tenu parole jusqu'à l'inspection du gouverneur, mais il se dédommagea amplement dans l'après-midi, car je l'aperçus le soir courant des bordées dans la rue comme s'il avait perdu sa boussole.
Il avait eu toutefois auparavant l'occasion de me prouver sa bonne volonté à mon égard en me logeant chez un des habitants les plus connus de la ville.
On s'imagine avec quelle satisfaction je me trouvai transporté, comme par un coup de baguette magique, au sein d'un luxe vraiment asiatique, dans une maison opulente, richement meublée, ornée de tapis soyeux et toute pénétrée d'une bienfaisante chaleur. Lorsque, après m'avoir fait traverser une longue suite d'appartements, on m'introduisit dans la chambre qui m'était destinée, je ne pus retenir un cri de joie. Un lit ! il y avait un lit, un vrai lit, formé de deux matelas posés sur un sopha, et surmonté d'un baldaquin. Un lit comme en France, pour moi qui, depuis mon départ de Smolensk, n'avais connu d'autre couche que des banquettes. de bois ou le couvercle des poêles; et non seulement un lit, mais de moelleuses pantoufles, une douillette en soie ouatée, et tous les ustensiles nécessaires à la toilette, jusqu'à un pain de savon anglais !
Merveilleux effet des privations : ce fut avec une incomparable volupté que je plongeai mes mains dans la mousse du Windsor, que je chaussai les pantoufles et que je m'allongeai, bien enveloppé dans les plis de ma robe de chambre, sur les matelas dont l'élasticité me parut fabuleuse.
J'attendis dans cette agréable position le moment de me présenter au maître de céans. A l'heure du repas on vint me chercher de sa part, et je fus conduit dans la salle à manger où m'attendait mon hôte, un Tartare, entouré de ses cinq femmes légitimes. Elles étaient jeunes et jolies; ce qui me frappa le plus dans leur costume, ce furent leurs petites bottes en maroquin rouge ou vert, sur lesquelles retombait un large pantalon de soie agrémenté de broderies d'or et d'argent. Quant à leur seigneur et maître, il avait la tête rasée à la chinoise, à l'exception d'une touffe de cheveux sur le sommet du crâne. Une longue pelisse fourrée, un pantalon flottant et des bottes complétaient son ajustement.
Tous les six me firent l'accueil le plus prévenant. Le Tartare me donna une amicale poignée de main; ses femmes témoignèrent par de petits cris leur satisfaction, et l'on me fit signe de me mettre à table au milieu d'elles. Je dus, à l'imitation de mes hôtes, m'accroupir comme un tailleur sur un divan garni de coussins; et pendant tout le repas, mon attention fut en partie absorbée par le soin de retenir croisées - les genoux à la hauteur de mon menton - mes jambes qui tendaient toujours à glisser sous la table. C'était, au demeurant, acheter au prix d'un bien petit inconvénient le bien-être qui m'entourait.
La table était abondamment garnie. Le premier service, entièrement composé de farineux et de poisson, n'avait rien de nouveau pour un palais européen; mais au second service on présenta comme rôti un morceau de cheval. J'étais familiarisé depuis la retraite de Moscou avec cette sorte de viande; mais quelle différence entre les tranches coupées sur nos pauvres bêtes mortes d'inanition, et le plat succulent du menu tartare ! J'appris que la viande de cheval était un des mets favoris de la population de Kasan; et en effet, lorsque j'eus occasion de parcourir la ville, je vis étalés, au marché, des morceaux de cheval aussi appétissants et bien parés que les plus belles tranches de boeuf, de veau et de mouton, exposées à l'étal des bouchers parisiens.
Quand nous eûmes levé la séance, le maître de la maison, toujours accompagné de ses cinq femmes, m'introduisit dans un salon fort élégant où l'on servit le thé. Les domestiques apportèrent des pipes, et je fus le seul qui refusai de fumer; cela m'eût servi cependant de contenance, car je ne comprenais pas un mot de la conversation des femmes. Chacune d'elles me montra, avec une satisfaction enfantine, sa belle pipe filigranée d'or et d'argent. Quant au Tartare, il semblait absorbé dans la contemplation des spirales de fumée qu'il tirait du tuyau de sa pipe. Etait-ce indifférence ? Etait ce dédain pour la société des femmes ?
Celles-ci paraissaient les plus dévouées et les plus dociles des créatures. C'était merveille de voir leur union, leur réserve et leurs égards à la fois tendres et respectueux pour le maître commun. Point de bavardages, point de querelles, point d'autre ambition que celle de plaire à leur mari. Figurez-vous cinq Parisiennes appartenant au même époux et réunies sous le même toit !....
Les cinq petites Tartares, avec leurs bonnets pointus garnis de boules creuses remplies de parfums et leurs cheveux tombant en longues tresses noires semées de pièces d'argent et d'or, ressemblaient, avec la grâce en plus, à des idoles indoues, paisibles et inoffensives commes elles.
A dix heures du soir je tirai ma révérence à cette famille aussi aimable que singulière, et j'allai chercher dans mon lit un repos tel que je n'en avais pas goûté de pareil depuis le départ du 4e de ligne pour la Russie.
Le lendemain dans la matinée, mon hôte vint me proposer de me conduire près de l'Agou. Je lui demandai qui était ce personnage. Il me répondit que c'était le chef du clergé musulman dans la province de Kasan. J'acceptai par politesse son invitation, bien que je ne comprisse pas d'abord la portée de la démarche à laquelle il me conviait.
Nous voilà donc en marche dans les rues de la cité, moi avec la mine curieuse d'un voyageur qui veut tirer parti pour son instruction des circonstances où le sort l'a placé ; le Tartare avec la gravité d'un homme pénétré de l'importance de sa mission.
L'agou m'accueillit comme un ami ; il me serra la main, selon l'usage tartare, me fit asseoir à son côté et m'exprima le plaisir que lui causait la présence d'un Français. Il était trop circonspect pour en dire davantage, mais il m'adressa une proposition remarquable, venant d'un prêtre mahométan à un chrétien, et que j'acceptai avec empressement : c'était de l'accompagner à la mosquée.
L'assistance y était exclusivement composée d'hommes, l'entrée en étant interdite à l'autre sexe. Or, je ne tardais pas à m'apercevoir qu'ils étaient tous compris dans une vaste conspiration ayant pour but d'opérer un soulèvement à la première occasion favorable et d'expulser les Russes du pays. Mon hôte et l'agou, principaux meneurs du complot, avaient cru devoir profiter de ma présence pour raviver l'enthousiasme de leurs affidés, un peu refroidis par la retraite et les désastres de la Grande Armée.
La sensation que causa ma présence ne se manifesta pas avec éclat ; des regards bienveillants, quelques saluts, des serrements de main furent échangés. Il eût été imprudent de me donner de plus bruyants témoignages de sympathie dans une ville où la police avait l'oeil et l'oreille au guet, et où le moindre soupçon suffisait pour faire prononcer l'exil en Sibérie. L'attitude de cette réunion musulmane était silencieuse et recueillie ; la cérémonie s'accomplissait religieusement, avec un calme majestueux, et il n'est pas surprenant que la police russe se soit méprise sur son véritable caractère. Ce n'étaient là d'ailleurs que les préliminaires d'une manifestation beaucoup plus claire qui se fit le lendemain en ma présence et dont il était impossible de se dissimuler la portée.
Pour faire diversion à la scène de la mosquée, mon hôte, au sortir de ce lieu de prières et de complots, me fit assister au spectacle d'une course de chevaux. C'est un des spectacles préférés de la population de Kasan. Il faut voir la beauté et la rapidité des chevaux tartares. Une course n'est pas seulement un jeu de hasard où l'on apporte une ardeur extrême, c'est encore une lutte d'amour-propre, car le maître s'identifie réellement avec sa monture et ne se montre pas moins attristé de sa défaite que glorieux de son triomphe. Le cheval est le complément du Tartare, il le porte et le nourrit ; en retour, il est généralement fort bien traité par son maître, et reconnaît l'affection qu'on lui montre par une docilité et une ardeur à toute épreuve. Un simple encouragement de la voix suffit pour lui faire entreprendre des choses même au-dessus de ses forces. Sans qu'on ait besoin de le frapper, il courra avec une rapidité extrême jusqu'à ce qu'il tombe épuisé et hors d'haleine. Voilà bien la monture qu'il faudrait à un proscrit en rupture de ban. En regardant ces excellents animaux, si dévoués, si agiles et si sobres, je songeai pour la première fois à la possibilité d'une fuite, et le conseil du Tartare chinois, avec qui j'avais soupé l'avant veille, me revint à la pensée.
Quelques jours après, je crus le moment venu de le mettre en pratique. Notre Cosaque parut sur le seuil de ma chambre. Il m'apportait l'ordre de me rendre devant le gouverneur pour en recevoir une communication importante. Aussitôt l'inquiétude s'empara de mon esprit. Que pouvait me vouloir ce Russe ? Je cherchai à lire dans les yeux du Cosaque. Son maintien était encore plus raide qu'à l'ordinaire ; de plus il était à jeun et dans un état de sobriété tout à fait alarmant.
Je m'habillai le plus lentement possible ; j'aurais voulu pouvoir demander avis à mon hôte, mais le Cosaque ne quitta le seuil de la porte qu'au moment où je fus prêt à le suivre. En traversant le salon, j'y trouvai le maître de la maison et ses femmes. Pas un mot ne fut échangé, mais quand le soldat eut passé, mon hôte m'indiqua rapidement de la main un tableau dans lequel Russes et Tartares se battaient à qui mieux mieux.
Je pris ce geste pour une invitation à me tenir sur mes gardes et à compter sur l'assistance d'un homme qui ne détestait pas moins que moi notre commun ennemi.
Ce ne fut pas sans émotion que je me trouvai en présence du gouverneur. Ses manières aisées, son visage riant ne me rassuraient que médiocrement.
Il m'invita à m'asseoir et prit la parole d'un air tout à fait engageant.
- J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, dit-il. Il dépend de vous d'être libre et de commencer une brillante carrière. Notre gracieux empereur Alexandre a la générosité de se charger de votre avenir, à une condition.
Voyant qu'il hésitait, je le regardai dans le blanc des yeux. Il ajouta très vite : - C'est que vous preniez du service dans l'armée russe.
Le rouge de l'indignation me monta à la face. Je ne répondis pas.
Le gouverneur continua.
- Sa Majesté s'engage à ne jamais vous faire porter les armes contre la France. Vous serez employé contre les Turcs ou contre les Persans. Si vous acceptez, je vous fais partir de suite en poste pour Saint-Pétersbourg. Vous entrerez à l'école des Cadets, et dans deux ans, quand vous aurez reçu l'instruction nécessaire, vous serez nommé capitaine. C'est une belle perspective, je pense, ajouta-t-il, pour un sous-officier comme vous.
Je me levai vivement. .
- Général, lui dis-je, je ne suis que sous-officier, c'est vrai, mais je suis Français. J'ai fait partie de l'armée qui a conquis votre pays en trois mois, j'ai eu l'honneur de servir sous, les ordres de l'empereur Napoléon : cela vaut mieux à mes yeux que le grade de capitaine dans l'armée russe. Je ne puis accepter votre proposition.
- En ce cas, dit le gouverneur en se levant à son tour, et en donnant à sa voix une intonation menaçante dans le but évident de m'effrayer, il faut que vous sachiez que j'ai reçu l'ordre de vous envoyer en Sibérie. Faites donc votre choix.
- Il est fait, général. Je refuse.
- Mais, malheureux, s'écria-t-il avec une véhémence extraordinaire, vous ne savez pas ce que c'est que la Sibérie. La Sibérie sera votre tombeau !
Il prononça cette dernière phrase en français pour produire plus d'impression sur mon esprit, et j'avoue que cette espèce de sentence de mort me fit frémir intérieurement, mais, grâce à Dieu, elle ne me fit pas oublier la fidélité que je devais à mon pays. Vainement le gouverneur, renonçant a l'intimidation, eut recours aux caresses ; il m'embrassa, il s'attendrit sur le sort d'un soldat si jeune, il fit briller à mes yeux la plus séduisante perspective. Je demeurai inébranlable, si bien que reconnaissant enfin l'inutilité de ses tentatives, il me congédia avec ces mots - Préparez-vous à partir demain pour Perm.
En sortant de la maison, je vis un spectacle qui m'eût enlevé tout regret d'avoir refusé d'entrer dans l'armée russe, en supposant que j'eusse été moins fermement résolu à ne jamais marcher sous un autre drapeau que celui de la France.
Une longue procession d'hommes mal vêtus, fatigués, barbus, à l'air triste et farouche, suivait la rue sous la conduite de Cosaques armés de lances et de pistolets. Ces hommes étaient enchaînés deux à deux, et de plus, un des deux individus de chaque couple avait une jambe emprisonnée dans une lourde pièce de bois.
Ils traînaient péniblement cette jambe meurtrie, et je ne pus m'empêcher d'éprouver un vif sentiment de compassion à la vue de ces misérables, que je pris pour des criminels.
Ils passaient en silence, dans un accablement douloureux. Je me hâtai de regagner le domicile de mon hôte, à qui je demandai l'explication de ce que je venais de voir.
- Avez-vous donc aussi des bagnes dans ce pays ? lui dis-je.
- A Dieu ne plaise, s'écria-t'il, que vous confondiez ces pauvres gens avec des forçats !
- Qui sont-ils donc ?
- Nos concitoyens, nos amis, nos enfants, ce sont des recrues pour les armées du tzar, ce sont des soldats ! Le dévouement à la patrie, le sentiment de l'honneur militaire, l'amour de la gloire, voilà ce qui préside au recrutement des armées chez les peuples libres ; mais nous autres, qui sommes des vaincus, pourquoi serions nous dévoués à la patrie de nos vainqueurs ? Aussi est-ce par la contrainte qu'on nous force à servir. Dans les pays conquis, chaque recrue tartare est attachée à un paysan russe. Ce dernier est responsable de son compagnon, et s'il le laisse échapper il est condamné à recevoir cent coups de fouet; les risques de fuite sont diminués, du reste, par le carcan de bois qu'on attache aux pieds de chacun des nôtres.
Je n'aurais pas vu cette scène affligeante que je n'aurais pas pu y croire ; j'avais appris à connaître et à apprécier le courage du soldat russe sur le champ de bataille; mais j'avoue que sa bravoure me parut inexplicable d'après un tel système de recrutement.
Je rendis compte à mon hôte de la proposition du gouverneur, et j'ajoutai qu'après l'avoir repoussée j'avais été averti de me tenir prêt à partir pour la Sibérie.
- C'est une inhumanité gratuite, dit-il, car mes concitoyens et moi nous sommes heureux de vous avoir, et le gouvernement russe ne l'ignore pas. Un voyage dans le Nord, à cette époque de l'année, est un véritable supplice pour des prisonniers fatigués par les privations et à peine guéris de leurs blessures. Mais les paroles sont inutiles ; laissez-moi consulter mes amis et je vous communiquerai mes projets.
Je m'aperçus, le lendemain, qu'il se faisait de grands préparatifs dans la maison ; une vingtaine, des plus riches et des plus influents parmi les notables de la ville avaient été invités à dîner, et parmi eux le chef de la religion qui dès son arrivée, me serra la main de la manière la plus affectueuse.
Les présentations faites, on se mit à table; les femmes n'assistaient point au repas, qui fut silencieux. Comme la cérémonie de la veille, il n'était visiblement qu'un prétexte pour dissimuler le véritable motif de la réunion, car malgré la recherche des mets, on mangea peu et l'on but moins encore. A un signal donné par le maître de maison, les convives se levèrent de table avec un empressement marqué. On passa au salon; les serviteurs apportèrent café et les pipes, puis se retirèrent. Les portes furent fermées avec soin, les doubles fenêtres hermétiquement closes ne laissèrent filtrer au dehors aucun rayon lumineux.
Les assistants prirent alors une physionomie plus grave; ils se rangèrent dans un ordre maçonnique et l'Agou prononça debout, d'un ton solennel, une prière dont je ne compris pas les paroles, mais qui me parut devoir être une invocation contre les Russes. Cette prière fut suivie d'un discours qui produisit une vive impression sur les auditeurs, et auquel succéda une sorte de formule de serment, autant que j'en pus juger à l'attitude de l'assemblée. Enfin, l'Agou s'avança vers moi et m'embrassa; mon hôte en fit autant, et successivement chacun des conjurés vint me donner l'accolade. Je jouais indubitablement dans cette cérémonie le rôle de récipiendaire.
Qu'elle était l'idée de ces Tartares ? Quels avantages pouvaient-ils trouver a m'engager à mon insu, et sans mon aveu, dans leur conspiration ? Cette initiation était-elle nécessaire à leurs yeux pour me faire admettre comme un frère dans les autres provinces ? Sans avoir la clef de ce mystère, je dus néanmoins reconnaitre bientôt le côté pratique de cette cérémonie. L'Agou m'adressa la parole en russe :
- Frère, me dit-il, tu vas partir pour la Sibérie. épuisé comme tu l'es par tant de privations, tu ne pourras résister à l'excès du froid pendant un long séjour dans ce pays de glace. C'est comme si les Russes t'avaient condamner à périr. Nous voulons te sauver. Je vais te donner une lettre pour un Tartare des environs d'Oça, dans le gouvernement de Perm : tu te présenteras à lui et il te fournira des chevaux, un traîneau et un guide. Vous trouverez des relais sur votre route dans tous les villages de nos nationaux, et l'on te conduira au-delà de la frontière russe, sur le territoire d'un peuple indépendant qui te procurera, de son côté, les moyens de passer en Chine. Là, tu pourras attendre les évènements et le moment de rentrer en France.
Je remerciai vivement l'Agou de cette offre généreuse, mais je fis observer que la paix ne pouvait tarder beaucoup à se conclure, et qu'alors la Russie rendrait ses prisonniers. Ne valait-il pas mieux attendre encore un peu que de courir les risques d'une fuite ?
- Songe aux dix mille musulmans prisonniers que les Russes ont égorgés dans les environs, répondit mon hôte. Songe aux six mille Français prisonniers que les Russes ont laissé périr de froid et de faim dans la neige à Krasnoé. Crains qu'un sort pareil ne soit réservé aux débris de la grande armée qui sont encore entre les mains de nos ennemi.
Ces paroles firent impression sur moi, et je réfléchis qu'à tout hasard la lettre qu'on m'offrait pourrait me servir. Je l'acceptai donc, et l'Agou l'écrivit séance tenante. Il me la remit en me recommandant de la tenir soigneusement cachée, pour éviter d'en compromettre sans retour l'auteur, le destinataire et le porteur, la découverte de cette pièce devant nous conduire tous les trois infailliblement au fond des mines; aussi ne pris-je pas peu de soin à la dissimuler dans la doublure de mes vêtements.
Cette précaution prise, je reçus de l'Agou une nouvelle accolade; puis on fit disparaître toute trace de la scène précédente. Les portes s'ouvrirent, et bientôt les femmes de mon hôte, accompagnées des épouses d'autres Tartares présents, entrèrent dans le salon qu'elles égayèrent de leur jeunesse et de leur babil. Le théâtre de la conspiration devint en peu d'instants une salle de bal. Les femmes se mirent à danser en prenant des attitudes chastes et gracieuses; un des caractères principaux de leur danse consistait à se voiler la face, comme honteuses de se livrer à leur divertissement devant des étrangers. Les hommes ne s'y mèlèrent pas, mais ils contribuèrent à la fête en chantant avec beaucoup d'entrain des airs guerriers et des mélodies nationales.
Le jour fixé pour notre départ était arrivé. On entendait déjà monter de la rue un bruit de chevaux mèlé à un cliquetis d'armes. Mon hôte entra dans ma chambre les bras ouverts, suivi de la plus jeune de ses femmes. Il m'embrassa avec une affection sincère. De son côté la jeune femme me prit la main et la serra dans les siennes tandis qu'une larme roulait de ses yeux; puis elle m'offrit une ceinture faite à mon intention dans le gynécée du Tartare. Celui-ci avait songé au solide. Après un déjeuner confortable il me remit une pelisse fourrée et une paire de gants du pays, extrèmement précieuse dans le voyage que j'allais entreprendre.
Je n'oublierai jamais les soins délicats et touchants dont j'ai été l'objet dans cette maison.
Un son de trompettes interrompit nos adieux. Je descendis. Une centaine de Cosaques à cheval bordaient les deux côtés de la rue. Entre cette double haie, vingt traineaux, y compris celui de notre gardien, étaient rangés à la file et conduits chacun par un ignoble moujick en état d'ivresse. En tête du cortège quatre trompettes à cheval soufflaient à tout rompre dans leurs instruments. L'atmosphère était très froide, il y avait déjà deux pieds de neige dans les rues, je serrai ma pelisse autour de mon corps, après avoir abrité mes mains sous l'épaisse fourrure des gants de Kasan.
Tous mes camarades n'étaient pas aussi heureux que moi. Quelques-uns n'avaient sur eux que leurs minces habits d'uniforme, car depuis plus d'un an l'on ne nous avait pas fait une seule distribution de vêtements.
Cependant notre Cosaque, le même qui avait dirigé notre marche depuis Simbirsk, se tenait auprès d'un traineau vide en criant : "Allons, Karlous, en route !" Derrière ce traîneau, jevoyais s'agiter dans un autre véhicule un être informe, enseveli sous une montagne de peau de moutons, et qui n'était autre que mon ami Wolf. Il imitait tant bien que mal le jargon du Cosaque, et criait : "Allons, Karlous, en route" en écorchant les mots, car il ne savait pas une syllabe de la langue russe. Je me hâtai, et tout en prenant place dans mon traineau, je pensai, avec un sentiment de fierté pour mon pays, que tous mes compagnons de misère étaient présents. Pas un d'entre eux ne s'était laissé éblouir par les promesses du gouverneur, pas un n'avait voulu prendre du service dans l'armée russe. Ce fut avec un accent presque, joyeux que je répétais à mon tour "Allons, en route !"
Les fanfares allaient de plus belle; la populace, avide de spectacle, roulait déjà en vagues épaisses par les rues où nous devions passer; des têtes se montraient à toutes les fenêtres; une rumeur confuse, un bruit sourd et profond comme celui du flux qui monte se faisait entendre au loin. A notre approche, la foule éclata en hourras de triomphe, en imprécations, en menaces.
Et le bas peuple étant partout le même, nous vîmes Moujicks et Tartares, oublieux de leurs haines réciproques, s'unir dans un parfait accord pour crier : Mort aux Français !
Quelques heures après cette scène cruelle, nous étions emportés sur la route de Perm, par une température de 15° au-dessous de zéro, et au milieu de tourbillons de neige. Nos traîneaux étaient mal construits, les cochers ivres; par deux fois déjà leur maladresse m'avait fait rouler à terre. Wolf venait d'y être jeté à son tour. Nous avions l'un et l'autre reçu des contusions dont les marques n'étaient d'ailleurs guère perceptibles sur nos visages bleus de froid malgré les fourrures qui les couvraient, mais qui ne nous en semblaient pas moins douloureuses.
Mon camarade se mit à jurer, moi à me plaindre. Notre Cosaque s'approcha, il s'enquit du sujet de nos réclamations, et sans autre forme du procès, il appliqua à tour de bras une douzaine de coups du manche de son fouet sur les épaules des cochers fautifs. Cette exécution sommaire leur rendit comme par enchantement la lucidité et le sang-froid qu'exige la conduite des chevaux. Nous ne versâmes plus une seule fois en route, et les cochers ayant intégralement rendu à leurs bêtes les coups qu'ils avaient reçus du Cosaque, nous ne tardâmes pas à faire notre entrée dans un camp de Kalmoucks, où nous devions passer la nuit et la journée du lendemain.
Les Kalmoucks ont une réputation qui n'est pas à leur avantage. Je les ai trouvé aussi laids, aussi disgracieux que leur renommée; mais ils rachètent ces défauts physiques par des moeurs généralement douces et hospitalières, et je ne saurais me plaindre de la curiosité tout à fait inoffensive qu'ils nous témoignèrent pendant notre court séjour parmi eux. Comme troupes ils ne comptent pas et sont fort au-dessous des Cosaques irréguliers. On les emploie à surveiller les populations tartares. Comme ils sont de race mongole, le gouvernement se sert habilement de cette différence d'origine pour contenir l'un par l'autre des peuples également conquis. Mais que pourraient-ils avec leurs arcs et leurs flèches contre des hommes résolus et bien armés !
J'étais transis, j'avais besoin de repos et de sommeil. On me conduisit sous une tente en feutre, percée au sommet d'une grande ouverture par où s'échappait la fumée du foyer creusé en terre. Cet abri mal clos concentrait cependant la chaleur, et en dépit du souvenir si récent encore des délices de Kasan, je m'étendis sur le sol devant les tisons enflammés et ne tardai pas à m'endormir. La tente où l'on m'avait logé était celle d'un prêtre du Grand Lama; pour un païen et un barbare, cet homme était assez sociable. Avec sa touffe de cheveux au sommet de la tête, ses petits yeut bridés, son front bas, ses lèvres épaisses, il ressemblait à un Chinois plutôt qu'à un sujet du tzar. Il ne comprenait pas un mot de russe et j'étais dans une complète ignorance de son langage, mais nous trouvâmes un moyen agréable de nous entendre. Il me présenta un jeu de dames et m'expliqua, par gestes, qu'il jouait également aux échecs et même au trictrac.
La continuation de notre voyage fut plus pénible encore que le début. Le thermomètre s'était abaissé à 20°. Plus nous avancions vers le nord, plus le ciel s'assombrissait. Le désespoir commençait à se glisser dans nos coeurs. A chaque verste nouvelle que nous franchissions et qui nous éloignait davantage de la France, il nous semblait laisser une partie de notre âme. Le plus abattu de nous trois était le capitaine Thévenin, du 18e de ligne. Il tomba dangereusement malade et mourut dans son traîneau, à quelque distance de la petite ville d'Oça. Quelques soins, seulement même un peu de repos auraient suffi pour le sauver... Du repos, il n'en jouit même pas après sa mort : quand nous entrâmes dans la ville les chevaux ballotaient son cadavre depuis plusieurs lieues.
A Oça, ville de quatre à cinq cents habitants, nous éprouvâmes les mêmes difficultés qu'à Ardatow pour enterrer chrétiennement notre compagnon. Là aussi le misérable pope nous refusa ses prières. Le gouverneur ne voulut pas nous prêter son assistance pour avoir un terrain où placer les restes mortels du capitaine. Seul un ministre protestant, fit preuve de cette charité que Jésus-Christ recommanda aux hommes. Non seulement il présida aux obsèques, mais il convia à cette triste cérémonie toute sa petite congrégation, composée de quarante à cinquante Allemands, qui nous aidèrent à rendre au prisonnier défunt les derniers devoirs.
Nous devions séjourner quelque temps dans Oça. On nous avait logé, Wolf et moi, chez un paysan qui était une vraie brute et de qui nous avions vainement essayé de tirer le moindre parti. Il fallait donc faire nos provisions nous-mêmes, heureux que la femme de notre hôte exécutât passablement la mission de les préparer et de les faire cuire.
Or, le lendemain de notre arrivée était jour de marché. Un grand nombre d'habitants des environs étaient venus avec des charrettes remplies de légumes, de poisson et de gibier, le tout gelé et pareil à des morceaux de bois. Nous passions, incertains de notre choix, devant des traineaux chargés de victuailles, lorsque nous avisames dans l'un d'eux, une douzaine de lièvres à pelage blanc et gros comme des agneaux.
- Il y a longtemps que je n'ai pas mangé de lièvre, dit Wolf, toujours prompt à concevoir des idées gastronomiques.
- Y penses-tu ? lui répondis-je. Ces animaux doivent coûter très cher, et avec la haute paie que nous octroie sa gracieuse majesté le tzar...
- N'importe, informe-toi toujours du prix, toi qui prétends entendre et parler le russe.
- Je le veux bien, cela n'engage à rien.
Pendant ce colloque, le marchand qui paraissait avoir lu notre désir dans nos yeux, s'empressait de nous offrir et de nous vanter ses lièvres. Je me hasardai à les marchander.
- Pour vous, fit-il, ce sera quatre petaks (Par petack, Bénard entend probablement le pietatchek qui vaut 5 kopecks ou 11 centimes, la moindre des quatre pièces russes dites "de billon d'argent").
- Combien dites-vous ? repris je, croyant avoir mal entendu.
- Je dis quatre petaks, et ce n'est pas cher. Allons décidez-vous, l'occasion est bonne. Jamais vous n'aurez rien mangé de meilleur.
Wolf, que cette conversation impatientait, l'interrompit pour en demander l'explication. Je la lui donnai et il haussa les épaules.
- Voilà ce que c'est, dit-il, que d'avoir la prétention de parler une langue qu'on ne connaît pas : on s'expose à dire et à faire des sottises. Comment veux-tu qu'un gibier de cette taille ne coûte pas plus cher qu'un chat non encore métanmorphosé en civet ?
- Je suis sûr d'avoir bien compris ce marchand, répliquai-je. Au surplus, je vais l'interroger de nouveau.
Je réitérai ma question au paysan qui me fit la même réponse, mais cette fois avec un peu d'humeur, car il croyait que je moquais de lui. Cependant il ajouta :
- Quatre petacks, vous dis-je, et c'est pour rien, car vous pourrez vendre la peau cinq petacks aux Tartares.
Cette fois je crus avoir mal entendu. Que signifiait cela ! Pourquoi vendre quatre petaks un lièvre dont la peau seule en valait cinq ? Je traduisis les paroles du marchand à Wolf, qui se fâcha sérieusement contre moi.
- Trêve à cette mauvaise plaisanterie, dit-il. Si tu ne veux pas marchander ce lièvre dis-le, et que ça finisse.
- Mais je te rapporte les propres termes dont cet homme s'est servi, je te l'assure.
- Et moi je te dis que tu te fiches de moi et que tu veux me faire prendre des vessies pour des lanternes.
- Tu te trompes,. je t'en donne ma parole.
- Eh bien alors, dis tout de suite que tu ne comprends pas le russe, et allons nous en. J'espère que tu sauras au moins acheter des choux.
Pendant cette altercation, les marchands convaincus que nous faisions semblant de ne pas les comprendre et que notre intention était de les gouailler, s'étaient ameutés autour de nous avec des gestes furibonds en criant : Pacho, Françous ! (Hors d'ici, Français !)
Leur colère ne nous inquiétait guère; ces pauvres serfs n'oublient jamais longtemps leur soumission d'esclaves. Toutefois, ne me souciant pas d'attirer sur nous l'attention et les reproches du gouverneur, je tendis au marchand pour en finir - c'est par là que j'aurais du commencer, - les quatre petacks qu'il m'avait demandés. A mon grand étonnement il s'empressa de les prendre et me choisit en échange le plus gros et le plus gras de ses lièvres.
Nous revînmes à notre logement, enchantés de notre acquisition, surtout Wolff, qui avait mis dans sa tête de faire diversion à notre ordinaire, dont la base était le poisson sec et les légumes gelés. Précisément le maître de la maison s'y trouvait avec sa femme. Il y avait bon feu, le poêle ronflait et le four était chaud. J'entrai et j'exhibai mon lièvre d'un air engageant... Je n'étais pas au bout de mes surprises.
A la vue de mon gibier, le paysan et sa femme firent des gestes d'horreurs les yeux hors de la tête, ils se jetèrent à genoux devant les saintes images accrochées à la muraille, se prosternèrent jusqu'à terre, se signèrent à plusieurs reprises avec précipitation, se prosternèrent derechef, puis enfin, se relevant, nous invitèrent par des signes désespérés à sortir au plus vite.
Nous nous regardions, Wolff et moi, au comble de la stupéfaction. Je lui dis - Comprends-tu quelque chose à cela ?
- Il faut, répondit-il, que le diable ait conspiré contre notre diner. Mais je n'en aurai pas le démenti. Dussions-nous avoir affaire à Satan en personne, il ne sera pas dit que j'aurai renoncé à l'espoir d'un festin qui nous a donné déjà tant de peine. Parle à ces idiots et tâche de savoir ce qu'ils veulent.
Je questionnai nos hôtes, et ils finirent par me faire comprendre que le lièvre était un animal interdit par la religion et réservé aux familles nobles.
- Mais nous sommes nobles, nous autres ! m'écriai-je. Ne sommes-nous pas des officiers français ? Il n'y a rien de commun entre nous et les serfs que vous êtes !
Nous nous moquons bien de vos mômeries, appuya Wolff. Nous ne sommes ni de votre religion, ni de votre race, ni de votre classe, et nous mangerons notre lièvre.
Quand j'eus traduit la déclaration de mon ami :
- Allez donc le préparer ailleurs, reprit le paysan. Mais je vous avertis que vous ne trouverez pas dans toute la ville une seule maison où l'on vous permette de le faire cuire.
C'était un peu décourageant. Si nous avions été à l'époque des dîners sur l'herbe, nous aurions pu faire notre cuisine en plein air; mais il y avait en ce moment plus de 20° de froid et dix pieds de neige dans la campagne.
- Hélas, me dit mon camarade, si nous pouvions aller à Enghien, ou seulement à Romainville.
- Je ne sais si nous reverrons jamais Enghien, répondis je. En attendant, mon avis est qu'il faut nous adresser au gouverneur. Il nous tirera peut-être d'embarras.
Le gouverneur d'Oça était un vieux major russe qui avait les Français en horreur. Il écouta notre requête avec le désir de nous trouver en faute; mais notre demande était de telle nature qu'il eùt fallu être une triple brute pour refuser d'y donner droit. Pourtant le gouverneur nous dit d'un ton bourru que les paysans avaient eu raison, qu'il leur était expressément défendu de manger du lièvre, et que nous eussions été bien avisés de ne pas les provoquer à manquer à leur devoir.
- Au surplus, ajouta-t-il, je veux bien admettre que vous ignoriez nos usages, et je ne m'oppose pas à ce que vous fassiez cuire votre gibier. Je vais vous faire accompagner par un Cosaque qui intimera mes ordres à vos hôtes. Seulement je vous préviens qu'il faudra vous munir d'ustensiles neufs, car nos paysans se feraient un scrupule de manger dans des plats où l'on aurait servi de cette viande prohibée.
Nous voilà donc traversant de nouveau la ville avec notre animal, et sous l'escorte d'un agent de l'autorité. O l'aimable pays où l'intervention de la force armée est nécessaire pour manger un lièvre. Nous achetâmes la petite batterie de cuisine indiquée; le Cosaque notifia à nos hôtes les volontés du gouverneur, et la maîtresse du lieu consentit à préparer notre repas. Il est à croire que le fumet de notre ragoût eut pour effet de dissiper les scrupules religieux du ménage, car le lendemain mari et femme se régalèrent des restes du civet pendant que nous faisions le guet dans la rue pour les garantir de toute surprise.
Quelques jours après cet incident, nous étions à Perm. J'y fus logé chez un marchand de fourrures; il n'eût tenu qu'à moi d'oublier mes maux et de finir mes jours dans cette ville, car mon hôte avait une fille jeune et belle, des gardes du cures du Roi, et il me fit l'honneur de me la proposer en mariage, malgré la différence de nos religions, ajoutant qu'il se chargeait de venir à bout d'un pope de sa connaissance et de le déterminer à nous unir au juste prix de deux cents roubles.
Cela méritait réflexion. La demoiselle était sage et bien faite, le commerce du père paraissait en bonne voie; en outre, ce mariage pouvait seul me soustraire aux dangers d'un voyage dans le Nord.
Mon amour pour la France me fit tout refuser. Tant que j'étais éloigné de mon pays, il me semblait impossible de m'attacher à personne; en dehors de l'espoir d'y rentrer, il n'y avait ni joie ni repos pour moi. J'attribuai le sentiment que, fort innocemment, j'avais inspiré à la jeune Russe, au récit de nos victoires et de nos malheurs, que son père aimait à m'entendre évoquer chaque soir après diner; jugeant après mon refus ma position très fausse dans la maison, je saisis la première occasion de m'éloigner.
Précisément, la lettre que m'avait remise l'Agou de Kasan était adressée dans un village tartare situé à six lieues de Perm. Je proposai à Wolff d'y aller comme en promenade, et avec l'autorisation du gouverneur, nous partîmes en traîneau.
La réception qui me fut faite fut le pendant de celle de Kasan lors de la réunion maçonnique à laquelle j'avais assisté. Toutefois les Tartares ne se bornèrent pas à cette démonstration. Ils mirent à ma disposition un traîneau, un relai de chevaux, un guide et de l'argent pour me conduire au delà de la frontière russe. Comme j'hésitais à accepter leur offre, ils me firent entendre que le projet du gouvernement était de nous diriger vers les monts Ourals, et sans doute de nous enfouir au fond des mines. Malgré cette perspective, il me répugnait de renoncer volontairement à revoir la France, peut-être pendant de longues années. Cependant je crus devoir mettre mon compagnon en mesure de profiter de l'offre qui m'était faite. Sa réponse fut nette et positive.
- Non, dit-il, la paix peut se conclure d'un moment à l'autre. Ma femme, mon enfant, ma famille, toutes mes affections sont là-bas. Mieux vaut courir le risque de périr misérablement dans les mines que de manquer par ma faute l'occasion de revoir le pays.
Je lui serrai la main : sa résolution était trop conforme à mes propres sentiments pour que j'essayasse de la faire changer.
- Nous resterons donc ensemble, lui dis je. Nous avons été sauvés par miracle d'un désastre inouï, Dieu ne nous abandonnera pas.
Après neuf jours de résidence parmi les Tartares qui nous avaient accueillis comme des frères, nous rentrâmes à Perm.
Toute la ville était en habits de fête. On y célébrait la fin du carême russe. Ce jour-là les maisons sont ouvertes à tout venant; toutes les tables sont couvertes d'aliments, le vin et l'eau-de-vie coulent à flots. Les habitants dépensent en quelques heures l'épargne d'une année, acquise parfois au prix des plus dures privations. Cosaques, mougicks, hommes, femmes, marchands, autorités et clergé, tous ces Russes étaient ivres comme la Pologne, avec cette différence que le clergé et les fonctionnaires avaient eu la pudeur de se griser à huis clos, tandis que le vulgaire donnait à qui voulait le voir le répugnant spectacle de son ébriété.
Le calendrier de la religion grecque a plus d'une fête de ce genre. Entre autres il y a deux Saint-Nicolas : la Saint-Nicolas sèche et la Saint-Nicolas mouillée. La première devrait être honorée par le jeûne; mais des estomacs vides ne sont pas bien disposés à l'enthousiasme, aussi la Saint-Nicolas sèche n'est elle pas moins humide que la mouillée, et durant ces deux jours consacrés à la fête du souverain, le gouvernement a le droit de dire que la population entière est dans l'ivresse.
Comme il n'est pas de bonne fête sans lendemain, le gouverneur eut la bonne pensée de convier, le jour suivant, tous les habitants à une pêche sur le Volga, près de la ville. Le fleuve, à cette époque de l'année, était couvert d'une couche de glace de quatre pieds au moins d'épaisseur. Sur la rive se trouvaient réunies près de trois mille personnes, c'est-à-dire toute la ville. Un groupe de cent cinquante Cosaques, armés de lances crochues assez semblables à un harpon, attendait le signal de descendre sur le fleuve : le genre de pêche dont il s'agissait étant, comme tout en Russie, sous la direction du gouvernement.
Au signal donné, les Cosaques se divisèrent en escouades de douze pêcheurs et se mirent à pratiquer des trous dans la glace. Ces ouvertures sont destinées, en donnant passage à la lumière du jour, à attirer le poisson qui s'y précipite comme les papillons de nuit vers la flamme d'une bougie. Les harponneurs exercés guettent l'instant où les plus grosses espèces se présentent à la surface de l'eau; ils lancent alors leur croc d'une main ferme avec une grande rapidité; à peine a-t-il disparu qu'ils le retirent avec un poisson percé de part en part. En moins de deux heures, cette pèche miraculeuse fournit plus de deux mille livres de poisson. Les Cosaques qui s'adonnent à cet exercice et qui y font preuve d'une dextérité remarquable sont ceux de l'Oural, qu'il ne faut pas confondre avec ceux du Don.
Notre retour à la ville fut signalé par un incident d'heureux augure. On nous apprit que la Hollande venait de conclure la paix, et par suite, un officier de ce pays, qui se trouvait parmi nous, reçut l'orde de partir sans délai. C'était un capitaine de cuirassiers qui avait été attaché en qualité d'aide de camp au général Sébastiani. Nous le chargeâmes de nos lettres pour la France, et il les remit fidèlement. A mon retour à Paris, à la fin de 1814, j'appris qu'il était venu lui même voir mon frère, et qu'il lui avait donné de mes nouvelles. Nous fîmes la conduite à ce camarade fortuné jusqu'à une distance de quatre lieues, puis nous revînmes tristement pour nous entendre dire que notre propre départ était fixé au lendemain. Mais la direction que, nous allions prendre était en sens inverse de celle qu'avait suivie notre camarade.
Quand nous partimes, le froid était devenu des plus intenses. Nos traîneaux glissaient sur la neige glacée qui enveloppait tout l'horizon. Cà et là, rompant l'uniformité de cette nappe blanche, apparaissaient quelques arbres ou quelques huttes situées à de longues distances les unes des autres. Tous vestiges de routes avaient disparu. Nous étions tombés à l'état de masses engourdies auxquelles le moindre mouvement causait une vraie douleur, et qui étaient totalement incapables de se diriger elles-mêmes et de rien tenter pour leur salut.
L'instinct servait de boussole à notre Cosaque; il poussait vers l'Oural, et bientôt nous eûmes à traverser des gorges affreuses de sapins à demi enfouis sous la neige.
Comme nous passions par un des défilés les plus sombres, nous vîmes apparaitre une quantité d'oiseaux à l'énorme envergure, que notre venue avait fait sortir de leurs repaires et qui se mirent à tournoyer autour de nos traîneaux pour y chercher une proie. Leur long cou dépouillé, leur oeil jaunâtre, leur bec long et crochu, leurs formidables serres et le bruit sinistre des grandes ailes qu'ils agitaient au-dessus de nos têtes, étaient faits pour causer un dégoût mêlé d'effroi à des hommes malades et sans armes. Notre Cosaque lui-même regarda ces monstres comme assez redoutables pour les saluer d'une double décharge de ses pistolets, dont leur troupeau ne parut aucunement s'émouvoir.
J'éprouvai un soulagement sensible en sortant de cette forêt, et quoique le vent fût encore plus glacial sur les plateaux, j'y respirai à l'aise loin de notre hideux cortège emplumé.
Mais la nuit qui s'avançait nous réservait une nouvelle angoisse. Le traîneau du Cosaque cessa tout à coup d'avancer. Quand il fut remis en mouvement, ce fut avec une incertitude évidente. Bientôt il y eut un nouveau temps d'arrêt, puis une reprise de la marche; mais le cheval étant poussé tantôt à droite, tantôt à gauche, et parfois ramené sur ses pas, il apparut clairement que notre guide avait perdu son chemin. Nous voilà arrêtés en pleine campagne avec la perspective de passer la nuit sans feu et sans repas dans cette vallée déserte, c'est-à-dire avec la quasi certitude d'y périr de froid, sinon de faim.
Le Cosaque tint conseil avec les paysans qui dirigeaient les traîneaux, mais aucun d'eux ne connaissait le pays. Enfin, il se décida a continuer sa route au petit bonheur, en se fiant à l'instinct des chevaux. C'était le bon parti, car, une heure après, nous tombâmes sur un poste de Baskirs, qui nous remit dans notre vraie voie.
Je ne puis dire ce que nous souffrimes au cours de cette pénible étape.
Notre destination était une espèce de bourg comprenant une dizaine d'isbas ensevelies dans la neige. Ce chef-lieu avait le privilège de posséder une garnison de 25 Cosaques, chargés de la surveillance des habitants du district. Le pays était uniquement peuplé d'exilés, vaste prison mieux gardée par le climat que par la police, car aucun des détenus n'aurait pu tenter de fuir à travers l'océan de neige qui couvre le sol sans y encourir mille fois la mort.
L'officier commandant le poste avait reçu l'ordre de nous loger chacun séparément dans les cabanes des proscrits. Cette fois encore j'eus à me féliciter d'avoir acheté la protection de notre conducteur. Ce digne Cosaque ayant convoqué son collègue sédentaire à une conférence devant une cruche d'eau-de-vie, profila des épanchements naturels à deux ivrognes pour se faire indiquer et pour me réserver la meilleure des misérables habitations du pays.
A ma prière, Wolf fut envoyé à une demi-lieue seulement de ma demeure.
La hutte où l'on nous conduisit ne contenait qu'une salle assez vaste, dont le pourtour était garni d'un lit de camp de planches mal jointes et mal rabotées. Des séparations analogues aux stalles de chevaux à bord des navires de transport permettaient aux divers membres de la famille de reposer isolément. On établit deux nouvelles séparations pour moi ; mais, malgré cette précaution, la respiration de mes hôtes, leurs mouvements, troublèrent longtemps mon sommeil.
Au centre de la salle, un trou creusé dans le sol et entouré de pierres tenait lieu de foyer. Il était constamment alimenté par un feu de bois vert qui envoyait au plafond de la cabane, vers une ouverture pratiquée dans le toit, une épaisse colonne de fumée. Dans toutes les colonies pénitentiaires de la Sibérie, l'usage des cheminées est interdit aux exilés; aussi le vent glacial des steppes et les tourbillons de neige poussés par l'ouragan entrent-ils comme chez eux par la toiture béante.
Quand j'arrivai dans ce triste séjour, le maitre de la maison était absent. Sa femme, qui paraissait avoir connu des temps meilleurs, et dont les traits amaigris conservaient des traces de beauté et de distinction, me reçut avec affabilité. Quant à mon hôte, son premier soin, à son retour, fut de me demander si j'étais Français. Il m'apprit, de son côté, qu'il se nommait Yvan et qu'il exerçait autrefois les fonctions d'ingénieur.
Il ne me dit pas les causes de sa disgrâce, mais j'appris plus tard qu'on lui avait attribué certains propos défavorables aux armes russes à l'époque de l'invasion française. C'en était assez pour l'envoyer avec sa jeune femme et ses enfants dans la tombe anticipée où je le trouvai.
Nous fîmes nos arrangements, et il se chargea de pourvoir à ma nourriture au prix de 6 petacks par jour.
La première nuit se passa pour moi dans l'insomnie; des soupirs étouffés me prouvèrent que mon hôte ne dormait pas plus que moi; seulement j'avais pour me consoler l'espérance, et sa seule perspective, à lui, c'était la mort.
Le lendemain, il me fit visiter les dépendances de l'habitation. Elles consistaient en une écurie pour un petit cheval laineux, très intelligent et très vif, et pour deux vaches. Il y avait, en outre, un hangar où étaient amassées, avec le bois à bruler, les provisions pour l'hiver, poisson, légumes, racines, gelés et durs comme pierre.
Cette inspection terminée, il ne nous restait d'autre ressource qu'un jeu de cartes, et d'autre passe-temps que de regarder, à travers la peau huilée qui servait de vitrage, les rares traîneaux couverts de neige qui passaient de loin en loin sur la route.
Ce plaisir monotone nous fut même ravi lorsque, le froid étant devenu insupportable, nul ne se hasarda plus à sortir de chez soi. Une immobilité et un silence de tombe se firent autour de nous. Dans l'intérieur de la cabane habitait le chagrin; mais avec l'abaissement progressif de la température, la mélancolie habituelle de la famille se changea en une sorte de torpeur dont je me sentis moi-même atteint. Le jour ne durait pas plus de deux à trois heures, et pendant la nuit nous n'avions d'autre moyen d'éclairage que le feu du foyer, ou des lattes de sapin fichées dans le mur et brûlant avec une odeur nauséabonde.
Chaque matin, au moment où apparaissait la première lueur du jour, nous nous trouvions ensevelis sous la neige; il fallait commencer par déblayer la porte, puis creuser un terrier et en ouvrir l'issue à la surface, beaucoup plus élevée que la taille d'un homme. D'ailleurs, personne n'était tenté de rester longtemps dehors, car le thermomètre ayant baissé à - 33°, on eût été gelé infailliblement, malgré l'épaisseur des vêtements dont on se couvre dans ces régions. Ils consistent, sans parler des habits de dessous, en deux peaux de mouton garnies de leur laine et tournées, l'une en dedans, l'autre en dehors.
Les pieds sont emmaillotés de bandes de gros drap et chaussés de bottes fourrées. Enfin, un bonnet également revêtu de fourrures couvre les oreilles et peut au besoin servir de masque en se rabattant sur le visage. Ainsi accoutrés, nous ressemblions, dans notre hutte, bien plus à une famille d'ours qu'à des créatures humaines.
Malgré l'ouverture du toit, nous réussissions, à force de bois, à entretenir une chaleur suffisante, mais lourde et malsaine. L'ennui, l'insalubrité d e notre demeure et du climat contribuèrent à me rendre malade. La fièvre me cloua sur le lit de camp. Pour comble de tristesse, Wolf, qui jusqu'alors était venu me visiter presque chaque jour, cessa tout à coup de paraître. Qu'était-il devenu ? étais-je abandonné du seul ami qui me restait et qui, par sa gaieté courageuse, avait tant contribué à me faire supporter ma misère ? Cette pensée cruelle augmentait mon abattement.
Après quatre mortels jours d'attente, le bruit d'un traîneau se fit enfin entendre, et je vis entrer le joyeux fourrier de la garde, les mains pleines d'objets qu'il déposa près de moi. Avant toute explication nous nous embrassâmes; puis il m'apprit que, me voyant malade, il avait suggéré à son hôte l'idée d'aller à une foire qui se tenait aux environs. Le Russe s'était muni de fourrures, produit de sa chasse de l'hiver; Wolf avait vidé le fond de sa bourse, ils étaient partis, et mon brave ami avait recueilli des trésors qu'il m'exhiba triomphalement : un pot de miel, trois lièvres et deux bouteilles d'eau-de-vie. Quelle joie dans la pauvre cabane !
Cependant ma santé empirait. Je ressentais des maux de tête insupportables que rien ne pouvait calmer. Mes hôtes souffraient d'une indisposition analogue. Nous en découvrîmes enfin la cause; elle provenait de la sécheresse extrême de l'atmosphère dans la salle commune chauffée jour et nuit à blanc, pour ainsi dire, par un brasier toujours ardent. Heureusement je trouvai un remède à cet inconvénient qui aurait pu nous devenir fatal; j'avais vu chez des paysans tartares des espèces de caves qui leur servaient à prendre des bains de vapeur.
L'idée me vint de disposer chez nous une baignoire du même genre. Je communiquai mon projet à la famille, et nous nous mîmes à creuser en terre un caveau parfaitement clos.Un fond en pierre y fut établi, et quand il était suffisamment chauffé, nous jetions de l'eau sur les pierres rougies. Il s'en dégageait une vapeur tiède qui remplissait notre chambre souterraine et distendait nos nerfs contractés. Je compris alors toute l'utilité des bains russes, qui m'avaient paru jusqu'à cette époque l'invention la moins agréable du monde. Je finis même par goûter si bien la salutaire infuence de celle innovation, que je m'établis jour et nuit à demeure dans notre cave; j'y transférai les quatre planches de mon lit, et ma santé, sérieusement compromise, se rétablit peu à peu.
J'étais déjà plus alerte et plus fort quand, vers les premiers jours de mars 1814, la rigueur du froid diminua sensiblement, et que les hommes et les animaux recommencèrent à donner signe de vie autour de notre demeure.
De nouveau on vit passer quelques traîneaux et il se fit un peu de mouvement dans la maison. Nos Cosaques eux-mêmes sortirent de leur trou, au fond duquel ils étaient restés enfouis pendant les mois précédents, et un matin je vis paraître mon ancien conducteur et ami; il venait m'inviter à une grande chasse qu'il avait organisée avec ses camarades.
J'acceptai, et le lendemain au point du jour les chasseurs s'annoncèrent par un grand bruit de chevaux à la porte de la cabane. Ils n'avaient pas d'autres armes à feu que leurs pistolets; leur habitude est de tuer le gibier à coups de lance; mais d'abord ils lui préparent des pièges : ce sont des cordes de différentes grosseurs, solidement nouées à un tronc d'arbre, et dont une extrémité se termine par un noeud coulant ouvert devant un appat quelconque. Le gibier, pressé par la faim, se jette sur cet appât et s'embarrasse dans le noeud coulant que resserrent les efforts qu'il fait pour s'en dégager.
Je n'étais pas encore assez complètement rétabli pour prendre à la chasse une part active, et je n'y pouvais assister qu'en qualité de simple spectateur. On me fit placer dans un large traîneau destiné à contenir les produits de l'expédition et l'on partit. Notre chemin aboutissait à des gorges étroites et profondes, à des ravins au fond desquels était amassée la neige de cent hivers. C'est dans ces ouvertures, au pied d'arbres venus sur des rochers, que les Cosaques avaient tendu leurs pièges. Un hourrah m'apprit que leurs peines n'avaient pas été infructueuses. Un ours monstrueux s'était empétré dans l'une des cordes. Les chasseurs n'espéraient pas une telle capture; non seulement ils vendent avantageusement la peau et la graisse de cet animal, mais ils se régalent de sa chair.
L'énorme bête, à demi étranglée déjà par le noeud coulant, fut aisément mise à mort et emportée en triomphe. La chasse nous procura en outre quelques renards et une quantité d'écureuils magnifiques, que les Cosaques abattaient à coups de pistolet. J'obtins pour ma part une superbe tranche d'ours, et nous en mangeâmes tous avec beaucoup de plaisir.
Quinze jours après ce dernier épisode, nous reçûmes un nouvel ordre de départ. Le gouvernement, décidé à nous faire parader dans toutes les villes de l'empire, nous dirigea sur Orenbourg.
Ce fut là que nous arriva la nouvelle de la conclusion de la paix. Des mesures furent aussitôt prises pour nous renvoyer en France. Au retour, l'administration russe, honteuse du dénuement où elle nous avait laissés, remit quelque argent pour notre entretien à un officier de Cosaques chargé de nous reconduire à la frontière; mais cette libéralité tardive n'eut d'autre résultat que d'arrondir la bourse de notre conducteur. Ses vols effrontés furent constatés et on le dégrada, mais on ne remplaça pas les sommes qu'il s'était appropriées, et nous sortîmes de l'empire dans un état si misérable qu'on nous eût pris pour des mendiants bien plus que pour des soldats. Que nous importait, nous allions revoir la France !
".

- Campagne de 1814

Bouton du 4e de Ligne 1814
Bouton publié dans Tradition N°98; trouvé sur le champ de bataille de Brienne

L’ordre de formation et de réorganisation de l’armée arrêté par l’Empereur le 7 novembre 1813, indique : "ARTICLE PREMIER.
L'armée sera organisée de la manière suivante :
Le onzième corps, commandé par le duc de Tarente, sera composé de la trente et unième et de la trente-cinquième division …
ART. 2.
Tous ces corps seront successivement portés à quatre divisions ...
DEUXIÈME CORPS D'ARMÉE.
ART. 15.
Les trois divisions du deuxième corps formeront une seule division qui portera le n° 4.
ART. 16. La quatrième division sera composée des premiers bataillons des régiments ci-après désignés :
11e régiment léger ...
56e régiment de ligne ... 4e id. id. ...
ART. 17.
Il sera placé dans chacun de ces douze bataillons cent conscrits hollandais et cent conscrits réfractaires du dépôt de Strasbourg. Les cadres des autres bataillons que ceux désignés ci-dessus seront formés au dépôt où seront envoyés les officiers et sous-officiers inutiles aux premiers bataillons ...
" (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 6, page 105 et page 415).

Le 17 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général CLarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, il sera formé à Strasbourg un 2e corps bis de la Grande Armée.
Ce 2e corps bis sera composé des 2es et 3es bataillons des régiments ci-après, savoir : les 11e, 24e, 26e léger, 19e, 37e, 56e, 98e, 46e, 72e, 4e, 2e et 18e de ligne ; total, 24 bataillons. Cela formera provisoirement une division ; le général Dufour en prendra le commandement.
Ces vingt-quatre bataillons doivent se réorganiser aux dépôts.
Il faudra donc à chaque régiment 1,600 hommes ; vous ne leur en avez donné sur la conscription actuelle que 900, l'un portant l'autre ; c'est donc encore, vu les non-valeurs, à peu près 1,000 hommes à donner par régiment, ce qui fera 12,000 hommes.
Destinez à cela 8,000 hommes sur les 12,000 que vous avez désignés pour le dépôt de Metz, et faites-en la distribution entre les douze régiments ...
Donnez ordre au général Dufour de parcourir les différents bataillons pour compléter les cadres en officiers et sous-officiers ; et qu'aussitôt qu'un bataillon pourra partir avec 600 hommes habillés, armés et équipés, il le dirige sur Strasbourg.
Il est de ces bataillons qui sont à Strasbourg, il en est qui sont à Metz, il en est qui sont à Nancy ; ainsi, en très-peu de jours, si Ion a des armes et l'habillement, le général Dufour peut avoir a Strasbourg 7 à 8,000 hommes.
Vous ordonnerez qu'on organise d'abord les 2es bataillons, et immédiatement après les 3es. Je n'ai pas besoin de dire qu'aussitôt que cette division du 2e corps sera formée on la rapprochera des deux premières pour réunir les 2es bataillons avec les 1ers, et ensuite les 3es.
On en fera d'abord deux et ensuite trois divisions. Cela aura l'avantage que déjà le point important de Strasbourg sera gardé.
Le surplus des conscrits qui sont à ces régiments servira à compléter les 1ers bataillons à 840 hommes ; de sorte que ce 2e corps se trouvera composé de douze régiments de trois bataillons chacun, savoir : les 1ers, 2es et 3es bataillons, les 4es étant à Magdeburg ; ce qui fera trente-six bataillons et près de 30,000 hommes.
Ainsi, sans toucher à la levée des 300,000 hommes, j'aurai donc deux corps, l'un de trente bataillons à Utrecht, et l'autre de trente-six bataillons à Strasbourg et Spire
" (Correspondance de Napoléon, t. 26, 20905 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37090).

En décembre 1813, janvier 1814, il est prévu d'intégrer dans le 2e Corps du Duc de Bellune, 3e Division, le 1er Bataillon présent à Strasbourg, et les 2e et 4e Bataillons se formant à leur Dépôt à Nancy.

Le 16 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, les 88e, 75e, 79e, 45e, 60e, 81e et le 27e léger ont dirigé en tout 1800 hommes sur Strasbourg, lesquels arriveront depuis le 21 jusqu'au 30 décembre. Cette opération avait été faite dans l'espérance de l'arrivée du 14e corps, et pour en compléter les bataillons. Depuis, le 14e corps n'arrivant point, j'ai ordonné, il est vrai, la formation de 5es bataillons dans ces régiments ; mais ces 5es bataillons doivent se former au dépôt.
Mon intention est donc que le détachement du 27e léger, dirigé sur Strasbourg, soit incorporé dans le 1er bataillon du 11e léger ; que celui du 60e soit incorporé dans le 4e de ligne ...
Successivement, les autres détachements qui étaient destinés pour le 14e corps seront incorporés dans les 12 premiers bataillons du 2e corps qui, par ce moyen, se trouveront sur-le-champ au complet de 8 à 900 hommes.
Faites-moi connaître les autres détachements que les régiments qui étaient destinés pour le 14e corps ont dirigés sur Strasbourg, et proposez-moi leur incorporation dans ces 12 bataillons.
Tout cela sera d'autant plus à propos que les régiments du 2e corps n'ont pas reçu autant de conscrits qu'il faudrait pour avoir leurs troisièmes bataillons bien complets à l'armée, indépendamment de leurs 5es.
Donnez ordre que les cadres retournent sans délai à leurs dépôts
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37571).

Le 18 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, le 1er corps bis prendra le nom de 1er corps. Le 7e d'infanterie légère et le 57e n'en feront plus partie : ces deux régiments feront partie du 2e corps ...
Ces dispositions porteront le 1er corps à 52 bataillons, et 2e à 43 bataillons. Il est indispensable que vous expédiiez dans la journée, par estafettes extraordinaires, ces nouveaux ordres aux généraux commandant les divisions militaires, afin que les 16 régiments qui devaient envoyer des détachements pour reformer le 14e corps à Strasbourg ne les fassent pas partir. Ceux qui seraient partis seront incorporés, comme je l'ai précédemment ordonné, dans le 2e corps à Strasbourg, et les cadres retourneront à leurs bataillons
Il n'était encore parti que 7 détachements formant 1800 hommes des bataillons qui devaient former le 7e corps à Strasbourg ; ils arrivent en ce moment à Strasbourg. Ces 1800 hommes seront incorporés, comme je l'ai ordonné dans le 2e corps. Les cadres retourneront à leurs dépôts ...
Je me dépêche de vous envoyer ces décisions parce que l'expédition des ordres qu'elles exigent est urgente.
ANNEXE
... ÉTAT C
Formation du 2e corps
... 3e division
3 bataillons du 7e léger ; 3 bataillons du 11e léger ; 3 bataillons du 2e de ligne ; 3 bataillons du 4e de ligne ; 3 bataillons du 72e de ligne ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37606).

"ORDRES CONCERNANT LA COMPOSITION DES CORPS D’ARMÉE.
Paris, 21 décembre 1813.
Le général Maison est nommé commandant du 1er corps d’armée à Anvers ; le major général lui donnera l’ordre de partir demain pour se rendre dans cette place ; le général Roguet et le général Lefebvre-Desnoëttes seront sous ses ordres.
Le major général donnera l’ordre au général Grouchy de partir de suite pour se rendre à Strasbourg, où il prendra le commandement en chef de la cavalerie de l’armée.
Il ordonnera au duc de Bellune d’organiser le 2è corps d’armée en trois divisions de la manière suivante :
... 3è division : 7e léger, deux bataillons ; 11e, trois ; 2e de ligne, trois ; 4e, trois ; 72e, trois ; total, quatorze bataillons ; Le général Duhesme pourra commander cette division ...
Chaque division aura deux batteries d’artillerie à pied ; total, six batteries, quarante-huit pièces. Ce corps d’armée aura en outre deux batteries d’artillerie de réserve, seize pièces, et deux batteries d’artillerie à cheval
" (Correspondance de Napoléon, t. 26, 21024).

Le 26 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Écrivez aussi au duc de Valmy qu'il ne doit pas arrêter les secours qui sont envoyés au duc de Bellune. Ainsi les trois compagnies du 4e régiment de ligne qu'il a arrêtées à Phalsbourg doivent continuer leur route pour rejoindre ce maréchal" (Correspondance de Napoléon, t. 26, 21043 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37679).

Le 1er janvier 1814, une recrue, Voltigeur au 4e de Ligne, écrit depuis Strasbourg pour annoncer ses voeux et son départ : " ... je vous dirai que nous sommes partis de Nancy pour Strasbourg le 26 décembre et nous croyons être casernés, mais nous avons reçu des nouvelles pour partir et aller tout de suite tirer les moustaches des cosaques. Je vous dirai que nous sommes bien habillés ..." (in Pierre Charrié : "lettres de guerre, 1792-1815").

Le 2e Corps (8 à 9000 hommes), établi le long du Rhin en face des 180000 hommes de l'armée de Bohème, ne peut empêcher Schwarzemberg de franchir le fleuve, le 31 décembre. Victor le concentre alors à Baccarat, mais il doit bientôt le ramener derrière la Meuse où le 4e est reformé à deux Bataillons sous les ordres du Colonel Materre. Tous les Corps d'armée sont en retraite (non sans combattre puisque le Lieutenant Drouet et le Sous lieutenant Isoard sont blessés le 10 au combat de Saint Dié).

Le 21 janvier 1814, l'Empereur, depuis Paris, décrète : "1. Les régiments des dépôts ci-après désignés et ceux de leurs cadres qui n'ont pas de conscrits se rendront, savoir :
... Ceux de la 4e division : 4e et 139e de ligne, et 6e léger à Evreux ...
II. Le ministre de la guerre désignera un officier général ou supérieur ou un commissaire des guerres de ceux employés dans le département pour être spécialement chargé de ces dépôts qui seront placés dans les villes ci- dessus désignées ou aux environs ...
" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2736).

Le 25 janvier, Victor, Marmont et Ney sont concentrés à Vitry, tandis que Mortier, poussé par l'armée de Bohème, recule sur Troyes. A cette date, le 4e de Ligne fait partie du centre de l'Armée française, commandé par le Maréchal Victor, Duc de Bellune, 2e Corps d'Armée (idem), 3e Division Duhesme ; son effectif est de 1237 hommes répartis en trois Bataillons (in Gloire et Empire N°54; source SHD).

Le 27 janvier, il y a au 2e Corps (Victor) 6e Division Duhesme, Brigade grenier, 1052 hommes du 4e de Ligne.

Le 4e, écrasé à Brienne et à La Rothière le 1er février (15 Officiers blessés ou tués ce jour là : Capitaine François, Sous lieutenant Giot, tués; Colonel Materre, Chef de Bataillon Colomb d'Arcine, Capitaines Laplaigne (mort le 19), Grégoire, L'Habitant, Lieutenants Geneste, Adam, Drouet, Lefevre, Sperna, Sous lieutenants Blerzy (mort), Gaultier, Emery blessés), ne joue plus un rôle distinct dans la Division réduite à 2900 hommes. Pour suivre sa trace dans les phases de cette mémorable campagne, on ne peut qu'enregistrer le nom des batailles auxquelles il prend part, laissant à chaque pas de nouveaux morts et de nouveaux blessés, dont quelques noms seulement ont pu être recueillis. Nogent le 12 février (Lieutenants Bartolini et Rabusson blessés, Lieutenant Thomas blessé et mort le 24), Montereau le 18 (Capitaine Desclaux, tué; Capitaine Goudon ou Condom, blessé et mort le 28; Capitaines Caillaud, Sire, Lieutenants Paques, Rieux, Gobin, Sous lieutenant Boyé blessés), combats d'avant-postes le 18 (Chef de Bataillon de Lachau blessé), Bar-sur-Aube le 27 (Lieutenant Chalmel, Sous lieutenant Thévenet blessés), la Guillotière le 27 également (Lieutenant Gaultier blessé), Nogent les 8 (Lieutenant Adjudant major Rabusson blessé) et 15 mars (Sous lieutenant Mairesse, blessé).

Le 15 mars 1814, l'Empereur écrit, depuis Reims, au Général Clarke, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je suis instruit qu'il y a encore beaucoup de troupes disséminées. On m'assure qu'il y a 600 hommes de ligne à Moulins ; que font-ils là ? Il faut que le bureau du mouvement relève tous les détachements et les ramasse.
... Employez également tous les moyens pour monter tous les hommes à pied de la cavalerie. Le bureau du mouvement ne devrait pas avoir besoin d'être excité à ce travail ; c'est à lui à prendre tous les moyens possibles pour accroître nos forces. Le 4e de cuirassiers à Caen a 15o hommes à pied : il faut les monter sur-le-champ et les faire venir à l'armée. Le 4e de ligne, à Evreux, a 300 hommes, le 48e en a 200 à Abbeville, le 72e en a 250, etc. le 7e de cuirassiers a 200 hommes à Rouen : que font-ils là ? ... Faites réunir à Paris tous les détachements que les 5es bataillons pourront fournir.
80 hommes perdus ici, 80 hommes perdus là, dans un état militaire comme le nôtre où il y a deux cents dépôts, font bientôt 12,000 hommes de perdus dans l'inactivité.
On pourrait désigner les 5es bataillons pour recevoir la levée en masse dans les départements où ils se trouvent
" (Correspondance de Napoléon, t. 27, 21496 ; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 38552)

Aux avant-postes le 23 (Capitaine Durazzo blessé) et pour terminer Paris (Capitaine Dellas, blessé le 30; Lieutenant Michel, blessé le 30 et mort le 7 avril) ; tous ces combats rappellent le souvenir de luttes gigantesques dont le 4e doit partager la gloire comme il en partagea les dangers.

Précisons que le Capitaine Gaultier, qui s'était déjà distingué à Hanau, s'est également fait remarquer à Brienne et à Montereau par son sang froid et son habileté à lancer et à encourager les soldats au combat.

Le 6 avril, nous le retrouvons à Fontainebleau réduit à 196 hommes !

- 1ère Restauration

Envoyé à Cosne, puis à Nevers pendant la première Restauration, le 4e est réorganisé sous les ordres du Colonel Honoré Gélibert, et, tout en conservant le numéro 4, il prend le nom de Régiment de Monsieur. On a incorporé dans ses rangs le 33e léger, suivi en 1814 d'éléments des 113e et 127e de ligne.

Entré au service le 11 novembre 1791; Lieutenant le 8 avril 1792; Capitaine adjudant major le 16 juin 1793; prisonnier en 189; rentré des prisons le 1er décembre 1811; Chef de Bataillon le 8 février 1813; Colonel du 4e le 27 février 1814; Colonel du Régiment de Monsieur (4e de Ligne). Réformé le 19 avril 1815. Réemployé au commandement de la Légion des Vosges.

"... Je restai quatre ans au recrutement à Metz et je puis dire que j’y ai servi avec le même zèle et le même désintéressement qu’à l’armée. Je joins ici une lettre du préfet, monsieur de Vaublanc, qu’il m’adressa au moment de mon départ et lorsque je lui rendis les comptes de mon administration et que je cessai mes fonctions :
Metz, le 9 juin 1814
Monsieur,
Au moment peut-être prochain où vous allez quitter mon département pour retourner à votre régiment, je me fais un plaisir, de vous témoigner ma satisfaction du zèle soutenu que vous avez apporté dans l’exercice souvent pénible que vous avez rempli pendant le temps que vous avez été attaché au recrutement dans ce département ; je vous fais tous mes remerciements du dévouement constant dont vous avez donné des preuves, et des efforts que vous n’avez cessé de faire pour me seconder dans les très nombreuses levées qui ont eu lieu depuis votre entrée en fonctions et qui s’est terminée par celle des trois cent mille hommes, qui a été la plus difficile ; vous avez coopéré puissamment aux succès que j’ai obtenus dans ces sortes d’opérations. Ce qu’il y a de plus honorable pour vous, je dois le dire avec éloge, c’est que le désintéressement, la probité et l’intégrité la plus pure ont toujours été le mobile de votre conduite. Je me plais à vous rendre ce témoignage qui vous est dû. Je désire, monsieur le capitaine, qu’il vous soit agréable et qu’en rentrant à votre régiment, vous obteniez par un prompt avancement, la récompense de vos services, je serai très flatté de l’apprendre.
Je vous prie, etc etc.
Vaublanc Cette lettre fut pour moi la plus douce et la plus agréable récompense que mon coeur ait put désirer, car pauvre, je suis arrivé au recrutement, et pauvre, j’en suis parti, mais jouissant de l’estime et de la considération de tous ceux qui ont eu des relations avec moi. Monsieur de Vaublanc me dit en partant : « je me souviendrai toute ma vie, mon cher capitaine, que vous avez prévu les malheurs de la France », voici comment : je me trouvais un jour à dîner chez lui quelques jours après mon arrivée, et là il parlait de l’empereur et de la France qu’il voyait au plus haut degré de grandeur, il me demanda mon avis ; c’était en 1810 après la bataille de Wagram ; après cette belle bataille, les anciens militaires furent si bien récompensés que tous auraient désiré avoir le même sort que moi ; j’avais vu cette manifestation dans les hôpitaux et dans l’esprit des corps, ce qui m’avait si vivement affecté que je répondis à monsieur de Vaublanc : « c’est vrai, l’empereur vient de porter l’honneur de la France au sublime degré, mais lui dis-je, monsieur le Préfet, souvenez-vous que si la Pologne et la Saxe tiennent au parti de la France, l’ennemi n’y entrera pas avant dix ans, mais si une de ces puissances nous abandonne, vous y verrez l’ennemi». Malheureusement j’ai dit vrai ! En 1814 nous fûmes bloqués dans Metz, comme le général commandant la division me connaissait particulièrement, il m’appela près de lui et je lui rendis tous les services qui étaient en mon pouvoir, je ne le quittai qu’après la fin du blocus, pour rejoindre mon corps avec mon détachement.
Je reçus du général Durutte, gouverneur de Metz, l’ordre d’en partir avec mon détachement pour me rendre à Nancy, pour participer à l’organisation du régiment de Monsieur n°4. Cette organisation fut composée des restes du 4ème, un bataillon de la jeune garde, des 137ème et 139ème régiments et de beaucoup d’hommes isolés. Ce fut monsieur le général Molitor (qui plus tard fut un véritable ami pour moi) qui fut chargé de cette organisation. Par mon ancienneté je fus placé à la lère compagnie du 1er bataillon. De suite, le conseil d’administration demanda et réclama pour moi la croix d’officier qui m’avait été promise depuis longtemps et que je n’avais pas eu étant retenu à l’hôpital de Vienne par ma grave blessure, l’inspecteur appuya cette demande et peu de temps après, sa Majesté Louis XVIII m’envoya ce cadeau que j’avais si bien mérité sous l’Empire.
A la revue d’honneur, l’inspecteur voulut faire manoeuvrer le régiment ; dans le 1er mouvement qui fut commandé par le colonel, le commandant qui était hollandais fit un faux commandement et le bataillon ne pouvant faire son mouvement, fit manquer la manoeuvre, alors, un mouvement d’hilarité se produisit dans les rangs, l’inspecteur et le colonel voulurent lui adresser quelques reproches, aussitôt le commandant mit son sabre dans le fourreau et s’en fut faire sa démission qu’il adressa de suite au colonel ; je fus désigné pour le remplacer et prendre le commandement du bataillon que je gardai jusqu’en 1815. Je fus continué également juge suppléant par une ordonnance royale du 24 janvier 1815 ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

- Campagne de 1815

Plaque de shako du 4e de Ligne 1815
Fig. 20 Plaque de shako attribuée au 4e de ligne et trouvée à Waterloo
Fig. 20bis Fragment d'une plaque de shako, également trouvée à Waterloo (communication d'un de nos correspondants)

Le 4e de Ligne est à Nancy lorsque Napoléon rentre de l'île d'Elbe.

"... Le 8 mars de cette année, nous reçûmes l’ordre de former deux bataillons de guerre et de partir de suite, afin, disait-on, de former un camp sur la frontière suisse ; le colonel était en semestre, ce fut le major Darcine qui prit le commandement des deux bataillons ; je commandais le 1er et Rochard le 2nd. A Langres nous reçûmes contre-ordre et celui de marcher de suite et à grandes journées sur Paris, pour être directement en route sous les ordres de Monsieur, frère du roi. Nous rencontrâmes le 12ème d’infanterie légère et à Troye nous formâmes une brigade. C’est à notre arrivée à Langres que nous apprîmes le débarquement de l’Empereur. La plus stricte discipline régnait dans le régiment pendant la route, et à Langres, seulement, dans un café, Tuccart manqua de troubler la tranquillité en voulant dans ce café, forcer les habitants qui s’y trouvaient à crier « vive le roi » ; averti assez à temps, je me rendis sur les lieux, j’ordonnai de suite à cet officier de se rendre dans sa chambre et le calme fut rétabli.
Le lendemain, j’assemblai mon bataillon pour le mettre en marche ; il y eut un moment d’hésitation, les hommes donnaient pour prétexte qu’ils ne voulaient pas émigrer pour disaient-ils émigrer, je fus obligé de leur déclarer que jamais je ne leur ferais un commandement contraire à l’honneur tant du régiment que contre la France ; ces paroles suffirent, tout le monde se mit en rang et nous continuâmes notre marche sur Bry avec le 12ème léger dans le plus grand ordre, malgré les sollicitations des habitants qui venaient à notre rencontre. Là à notre arrivée, nous reçûmes l’ordre de nous arrêter jusqu’à nouvel ordre, de faire disparaître les insignes royaux et de prendre les insignes impériaux, ce mouvement se fit à l’instant et sans la moindre confusion et au contentement de tous ; on enleva la cocarde blanche, on prit celle tricolore et tout fut fini ; seulement monsieur Darcine se démit de son commandement de sa propre volonté et jusque-là tout le monde trouva qu’il agissait comme un brave militaire, parce qu’il avait montré des sentiments contraires à cet ordre de choses ; mais au lieu de se retirer il resta avec nous pendant les trois jours que nous restâmes à Bry, et toujours en continuant d’invectiver l’empereur ce qui lui fit perdre l’estime qu’on avait eu pour lui lorsqu’il avait donné sa démission ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 17 mars 1815, à 10 heures du soir, l'Empereur écrit, depuis Auxerre, à Ney : "Je reçois votre lettre du 6 à 8 heures du soir avec l'itinéraire de vos troupes ...
Qu'est devenu le 4e de ligne ? Quelle direction a-t-il prise ? Appartient-il au maréchal Oudinot ou au maréchal Suchet ? ...
" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 1397 ; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39033).

Le 23 mars, les habitants de Nancy prennent la cocarde tricolore. Le Major Guyon de Montlivault, commandant à Nancy du 3e Bataillon et du Dépôt du 4e Régiment d'infanterie, donne sa démission. Elle n'est pas acceptée.

Le 24 mars 1815, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Lobau : "Formez-moi une division, composée de quatre régiments, dont le 4e et le 12e feront partie. Cherchez-en deux autres qui soient aux environs de Paris, mais qui ne fassent pas partie des corps que j'ai amenés. Cette division appuierait le général Reille et formerait la 3e division" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 1408).

"Paris, le 25 mars.
S. M. a passé aujourd'hui en revue dans la cour des Tuileries dix régiments d'infanterie ; six régiments de cavalerie ; deux régiments d'artillerie et un régiment du génie. Une partie de ces troupes était venue à marches forcées par un mouvement spontané et brûlant du désir de revoir l'Empereur. Les unes portaient leurs anciens aigles qu'elles avaient dérobés à toutes les recherches ; les autres avaient des drapeaux aux trois couleurs sur lesquels les aigles étaient peints. Il ne manquait à tous ces corps ni un officier, ni un soldat, à la seule exception du colonel du 4e régiment d'infanterie qui avait été destitué pour sa mauvaise conduite ...
" (Pièces et actes officiels extraits du Moniteur, première partie 1815, p. 69).

"... Le 24 mars, nous reçûmes l’ordre de nous rendre le lendemain à Paris, pour y passer la revue de l’empereur ; comme je n’étais pas monté et d’après l’observation que me fit Darcine que la journée serait très forte, et que probablement nous ne coucherions pas dans Paris, il me conseilla ainsi qu’au chirurgien major et au capitaine de grenadiers de prendre une voiture qui nous conduirait jusqu’à la barrière de Paris. Nous suivîmes ce conseil, nous prîmes une voiture à quatre et nous partîmes deux heures avant le régiment que nous laissâmes parfaitement calme et tranquille ; cet état de chose dura jusqu’au lendemain matin, au moment du départ. La compagnie de grenadiers se rendit comme de coutume, au logement de Darcine pour y prendre le drapeau ; le porte-drapeau Montigny s’aperçut en saisissant le drapeau par sa légèreté qu’il n’était pas complet, il en ôte de suite l’étui et fut convaincu que le drapeau et la lance manquaient ; Montigny réclame vivement à monsieur Darcine qui était là ces objets sacrés pour le régiment, il eut beau lui représenter que l’honneur du régiment exigeait d’emporter son drapeau et qu’il ne pouvait partir sans l’avoir ; le commandant Rochard qui aurait du soutenir le porte-drapeau ne dit pas un mot, Darcine finit par dire qu’il avait fait partir le drapeau pour le dépôt à Nancy et qu’en faisant cela il était persuadé d’avoir rempli les intentions du colonel. Montigny, voyant qu’il ne pouvait rien obtenir, ordonna aux sapeurs d’arrêter monsieur Darcine, de le lier avec une corde et de le conduire ainsi à Paris pour être présenté à l’empereur, qu’il avait rendu l’aigle à Louis XVIII et qu’il voulait aussi rendre le drapeau du régiment à Napoléon ! Cet ordre fut exécuté, il marcha garrotté ainsi, une bonne lieue au centre de la compagnie de grenadiers. Enfin, voyant qu’on ne plaisantait pas, il pria de faire arrêter le régiment, voulant parler à monsieur Rochard, alors il le pria de retourner à Bry et de chercher dans sa paillasse, qu’il y trouverait le drapeau ; le régiment fit halte et une heure après Rochard revint rapportant notre drapeau ; alors Montigny délie Darcine, le prend par le bras, lui donna une poussée et le jette dans le fossé de la route en lui disant d’aller se faire pendre ailleurs ; alors le régiment continua tranquillement sa route jusqu’à Paris. Avant d’entrer dans le faubourg, Montigny et Rochard vinrent me faire part de ce qui s’était passé ; je ne pus m’empêcher de dire à Rochard que c’était lui qui avait manqué de caractère et qui était cause de tout ce scandale. Enfin nous nous rendîmes aux Tuileries où nous passâmes la revue de l’empereur ; en nous voyant, il nous dit : j’éprouve un bien grand plaisir à revoir mon brave 4ème ! Après la revue, il s’aperçut qu’il manquait un chef de bataillon, il me fit appeler, en me voyant il dit : « ah ! C’est le capitaine Dupin, un de mes anciens braves, je vous fais chef de bataillon », il m’adressa les paroles les plus flatteuses et bienveillantes ; tous les officiers qui étaient présents m’entourèrent pour me complimenter et m’embrasser le comte Lobau, aide de camp de l’empereur lui dit : « sire, il est beau de donner de l’avancement à un militaire qui paraît si bien le mériter ! » « J’en étais sûr, dit l’empereur, il y a longtemps que je le connais, c’est un de mes plus braves soldats ». Quand le comte Lobau me demanda mes nom et prénom, je les lui les lui dit en ajoutant : « mon général, écrivez bien Dupin, car il y a longtemps qu’on me promet ce grade » : « je le sais dit l’empereur, et vous serez colonel à la fin de la campagne ! » « Si j’en reviens, lui répondis-je ! » Aussitôt après, Montigny se présente à l’empereur et lui dit : sire, je vous demande la faveur de remplacer monsieur le commandant Dupin dans le grade de capitaine. L’empereur lui demanda alors ce qu’il avait fait pour l’obtenir ; sire, lui répond Montigny, ce matin j’ai sauvé l’honneur du régiment et il lui raconta ce qui s’était passé relativement au drapeau. « Hé bien, vous êtes capitaine », et se tournant vers le comte Lobau il lui dit : « avez-vous un bon major à donner à mon brave 4eme ? » « Oui, sire ! » « Hé bien alors, destituez-moi ce Darcine ! » Alors je m’avançai et me permis de représenter à l’empereur que Darcine avait pu s’oublier un instant, mais que c’était un brave jeune homme et un bon militaire qui était arrivé au régiment après la bataille d’Eylau, sortant des vélites de sa garde et qui avait toujours servi avec honneur depuis son arrivée au corps, « hé bien, dit l’empereur, qu’il reste à la suite, mais donnez-moi un autre bon major à mon 4ème » ; le croirait-on, le commandant Rochard qui n’avait encore rien dit, s’avança et eut la bassesse de se proposer pour succéder à Darcine ! L’empereur le regarda et lui dit, d’un air qui faisait voir qu’il n’était pas content : « vous êtes trop jeune ! » Quoique Rochard avait plus de cinquante ans ; « mais sire, lui répondit-il, je sors de votre garde » ; « c’est égal, Lobau, lui répondit-il une seconde fois, donnez un bon major à mon 4ème ! » Ensuite Dessoglio capitaine de grenadiers se présenta à l’empereur et lui dit : sire, je vous demande la croix d’officier ! Qu’avez-vous fait pour mériter cette faveur, lui répondit-il ? Sire, je suis Italien, j’ai toujours servi avec honneur et veux mourir sous vos aigles ; Lobau, dit-il, donnez-lui la croix ! Il fit encore d’autres promotions, nous adressa encore quelques paroles flatteuses ; comme il finissait notre revue, un aide de camp vint lui annoncer la reddition de la place de Lille ; après lui avoir fait le rapport, l’empereur lui pinça la joue et lui dit : « j’en étais sûr, partout où il y aura de mes braves, ils me resteront toujours fidèles » ; alors, l’aide de camp le pria de lui accorder une grâce, « laquelle » dit l’empereur ? « Sire, c’est de baiser votre main » ; alors l’empereur ouvre ses bras et lui dit : « venez sur mon coeur comme je voudrais tenir tous mes braves ! » Au même instant l’aide de camp se jette dans ses bras comme pour l’embrasser et tous ceux qui étaient présents à cette scène, officiers et soldats, se jettent sur l’empereur pour baiser ses vêtements ; il y en a qui se trouvaient fort heureux d’embrasser le bout de son épée ; cette scène dura plus de deux minutes et l’empereur ne cessait de crier : « ha ! mes enfants, ne m’étouffez pas ! » Cette crainte seule mit fin à ce moment d’enthousiasme ; il n’était escorté que par quatre officiers de la garde. La revue finie, nous défilâmes, puis nous reçûmes l’ordre de partir de suite pour Douai et de là au Quesnoy pour y tenir garnison ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 26 mars 1815, à Paris, il est décidé, dans des "Notes prises à la parade du matin par le lieutenant-général, aide de camp de service, baron Dejean, et transmises par lui à Davout.
M. Collomb d'Arcine, major au 4e de ligne, est destitué ...
" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.1, lettre 1412).

"EXTRAIT DU MONITEUR,
Du lundi 27 mars 1815.
... C'est M. le major, et non le colonel du 4e régiment d'infanterie de ligne qui a été destitué.
(Voyez le numéro d'hier , art. Paris.)
" (Pièces et actes officiels extraits du Moniteur, première partie 1815, p. 97).

Fin mars 1815, un "Projet de répartition des militaires l'appelés aux drapeaux en sept dépôts généraux où ils seraient armés, habillés et instruits. Fin mars 1815". Le 4e de Ligne à Nancy fait partie de la 4e Division militaire; il doit être fourni par le Département des Vosges, et son Dépôt doit être établi à Soissons (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2972).

Le 4 avril 1815, le Maréchal Davout écrit au Général Gérard : "Monsieur le général, M. le duc d'Otrante m'a communiqué une lettre et une copie qui lui ont été envoyées par le préfet de la Meurthe, concernant le mauvais esprit de quelques officiers du 4e régiment, et notamment du major de ce régiment, qui paraitrait, si les soupçons dont il est l'objet ont le moindre fondement, extrêmement dangereux. Ci-joint copie de cette lettre.
Je vous invite à vous entendre avec le préfet, auquel le ministre a écrit à cet égard, pour le concours que pourraient nécessiter, entre vous, les informations sur un sujet aussi important. Prenez tous les renseignements convenables sur le major dont il est question. Faites-le arrêter, s'il est encore sur les lieux, ainsi que les officiers qui seraient animés d'un mauvais esprit et d'une malveillance prononcée
" (Mazade C. (de) : « Correspondance du Maréchal Davout, prince d'Eckmühl : ses commandements, son ministère, 1801-1815 », t. 4, p. 410, lettre 1552).

Le 8 avril 1815, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, je vous envoie le tableau que j'ai rédigé pour la répartition des militaires rappelés. Vous y verrez que j'appelle dans la 1re division tous les hommes de 31 départements. Il y a aujourd'hui à Paris 8 régiments. Je fais venir 4 dépôts de la 8e et 4 de la seconde et de la 5e.
Il y aura donc 16 dépôts à Paris, auxquels 31 départements fourniront, ce qui fera près de 2 départements par dépôt ; mais la Jeune Garde ayant 12 régiments à compléter, tous ces hommes seront nécessaires. Pour tout le reste, j'envoie les hommes en droite ligne à un dépôt voisin. J'ai même pour principe de faire passer les hommes d'un département, dans un autre de la même division. Vous pourrez placer dans des villes voisines de Paris, les 8 dépôts qui doivent arriver. Il faut que ces régiments, avec leur dépôt, fassent partir les 3e, 4e, et 5e bataillons. On peut donc avoir de quoi compléter ici 2 bataillons par régiment ou 32 bataillons, ce qui fera une réserve.
Je fais venir ici tous les hommes de la Provence. Quelque inconvénient qu'il puisse y avoir, je pense que ce déplacement est nécessaire. Si nous venons à nous apercevoir qu'un département ne puisse pas fournir à 2 ou 3 régiments, comme il est porté au tableau, nous verrons à faire venir à Paris un de ces régiments.
II faut mettre un inspecteur à la tête des 16 dépôts de Paris. Donnez à chacun de ces régiments ce qui est nécessaire pour habiller 1 000 hommes et en outre, faire un marché pour avoir à Paris un magasin de 20 000 habillements complets ...
Annexe
Répartition des militaires rappelées aux drapeaux
Dépôt garnison ...
2e dépôt à Soissons ...
4e division militaire :
Vosges : 4e de ligne à Nancy ; 6e léger à Phalsbourg ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39235).

"... quinze jours après notre arrivée, je reçus l’ordre du ministre de la guerre d’aller à Nancy, organiser le 3ème bataillon. J’arrivai à Nancy comme le dépôt en était parti le matin pour Metz, je m’y rendis de suite, mais à mon arrivée, nous reçûmes l’ordre de nous rendre à la Ferté Sous Jouarre ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 24 avril 1815, à Paris, l'Empereur décrète : "Le major Montlivault, du 4e de ligne, est suspendu de ses fonctions. Il sera arrêté et le scellé sera mis sur ses papiers" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 6690).

Le même 24 avril 1815, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Davout : "Donnez ordre que le dépôt du 4e de ligne quitte Nancy et se rende à Metz ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 2906; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39401).

Le 16 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, je reçois votre rapport du 14 mai ...
Quant aux dépôts d’infanterie, voici mes observations :
... 7e division : la 7e division a un régiment à Paris. C'est le 4e léger. Il faut que le 4e bataillon parte le plus tôt possible pour l'armée.
Le 11e léger a son dépôt à Rennes. Il faut qu'il fasse partir sur-le-champ 300 hommes pour porter les deux bataillons de guerre à 200 hommes.
Le 12e est à Châlons-sur-Marne ; il doit recevoir les hommes des Ardennes. Il faut qu'il fasse partir sur-le-champ 300 hommes pour compléter à 1200 hommes les deux bataillons de guerre et qu'il prépare ensuite le plus tôt possible son 3e bataillon pour rejoindre la division.
Le 4e de ligne fera partir de Metz 300 hommes pour compléter les deux premiers bataillons de guerre. Le dépôt qui est à Metz se rendra à La Ferté-sous-Jouarre et tous les militaires des Vosges qui doivent le rejoindre prendront cette direction ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39651).

Le 29 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin ... Donnez l’ordre au 11e léger, qui est à Rennes de faire partir 200 hommes pour compléter ses deux premiers bataillons à 1200 hommes.
Donnez le même ordre au 12e qui est à Châlons-sur-Marne. Donnez le même ordre au 4e de ligne qui est à Metz et recommandez au major d’avoir le plus tôt possible le 3e bataillon à 500 hommes pour rejoindre le régiment ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39849).

Au commencement de la campagne de Belgique, nous trouvons le 4e de Ligne, sous les ordres du Colonel Jean François Antoine-Michel Faullain, à Requignies, derrière la forêt de Beaumont. II fait partie de la Division Girard.

- Ligny (16 juin 1815)

Le 16 juin, Napoléon attaque les Prussiens en position derrière le ruisseau de Ligny. La Division Girard forme l'extrême gauche de notre ligne de bataille, dans un poste "de la plus haute importance, mais aussi très périlleux" (Les derniers jours de la Grande Armée). A 3 H 1/2, elle reçoit l'ordre de marcher sur le village de la Haye, et de prendre d'écharpe l'extrême droite de l'armée prussienne. Dès l'entrée en ligne, les trois Officiers généraux de la Division sont mis hors de combat. Cependant, le village est enlevé, et c'est en vain que, par deux fois, les Prussiens tentent de le reprendre. De nouvelles forces arrivent à leur secours et ils renouvellent l'attaque. Par une fatalité inexplicable, le 4e, saisi de terreur panique, bat en retraite, entrainant le reste de la Division, et les Prussiens rentrent dans la Haye.

Ralliée par le Colonel Sébastiani, du 11e Léger, la Division revient à la charge et l'entrée en ligne d'une Division de la Jeune Garde nous maintient définitivement sur la position. Les Prussiens battent en retraite vers le nord. Au cours de la journée du 16, le Colonel Faullain est blessé, de même que le Capitaine De Later, de Bruges (devenu Colonel du 7e de Ligne en 1831). Au total, ce sont 25 Officiers qui ont été touchés, dont un tué.

Officiers tués
Officiers blessés
Capitaine Lafitte
Colonel Faullain, Chefs de Bataillons Rochard, Gimié, Capitaines Delater, Fayet, Desolio, Thévenin, Mérès, Bordère, Jullié, Lieutenants Bajon, Genetet, Giraud-Tixier de la Palce, Touzalin, Jouffret, Bajon, Annequin, Sous lieutenants Clerc, Guillaume, Krantz, Beau, Boyé, Collet, Sarra

Après la bataille de Waterloo, la Division, qui est restée à Fleurus le 18, bat en retraite sur Laon ; le 4e est réduit de 1132 à 630 hommes. Rappelé sur Senlis et de là sur Paris, il arrive le 1er juillet à la Chapelle, derrière le canal de l'Ourcq.

"... là nous apprîmes la malheureuse bataille de Waterloo ; nous reçûmes l’ordre de nous rendre sous les murs de Paris. Nous fûmes bivouaquer à la barrière des Gobelins ; après avoir établi un retranchement on nous envoya prendre position à la tête du pont de Chaillot, en face de l’école militaire ; nous étions campés avec les hussards rouges de la garde ..." (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Après l'entrée des alliés dans Paris, le 4e est dirigé sur la Loire.

"... nous restâmes là jusqu’après l’évacuation de nos troupes de la ville de Paris, mais avec chagrin, et comme nous avions le coeur navré d’être obligés d’abandonner notre capitale. Nous formions l’arrière-garde de l’armée pour nous rendre à Orléans, c’était le rendez-vous de toutes les troupes Françaises. Quel tableau s’offrait tous les jours à nos yeux ! Ma plume se refuse à le tracer ; désertion, abandon d’armes, de munitions, et même de chevaux, sous le prétexte de ne pas vouloir arborer le drapeau ni la cocarde blanche, l’armée n’avait plus rien de sacré, enfin le désordre était complet!
En sortant de Paris, j’arrêtai 400 hommes de la garde qui s’en allaient sans armes, ayant tout abandonné ; je les pérorai, ils parurent revenir à des sentiments d’honneur et me promirent qu’ils allaient retourner à leurs corps ; mais à peine eurent-ils fait cent pas, que je les vis prendre une autre route. Avant d’arriver à Orléans, nous vîmes sur une prairie quarante pièces d’artillerie abandonnées, sans hommes et sans chevaux, nous avons vu tous les chevaux d’un régiment de cuirassiers, conduits par des paysans, les sabres, les cuirasses et les casques attachés aux selles des chevaux ! ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Quelques jours après, par ordonnance royale, les vieux Régiments sont dissous, et, pour en détruire jusqu'à l'esprit, quelques mois plus tard, on en dissémine tous les éléments.

"... A notre arrivée à Orléans, toute l’armée se trouvait là, réunie, sans généraux ; tous ces messieurs étaient restés à Paris. Nous restâmes ainsi, trois jours, sans ordres et sans vivres, nous étions bivouaqués le long de la rive gauche de la Loire, cet abandon contribua beaucoup à démoraliser l’armée. Nous fûmes dirigés sur Tours, et de là sur Poitiers et Vivonne ; c’est là que le général Bonami vint nous licencier deux mois après. D’après l’ordonnance royale du 1er août 1815, les officiers qui avaient vingt ans et un jour de service, pourraient pour cette fois seulement demander leur retraite et avaient le maximum, et ceux qui avaient vingt cinq ans de services l’avaient de droit et jouissaient des mêmes avantages que ceux qui en avaient trente. Me trouvant avoir vingt neuf ans et huit mois, vingt deux campagnes des plus actives, je fus donc obligé à quarante trois ans d’âge, de prendre ma retraite et me retirer avec la retraite de capitaine (douze cents francs) ! Quand le général Bonami prononça ces mots : 4ème de ligne, de par le roi vous êtes dissous ! Les larmes lui coulaient des yeux. Tous, les larmes aux yeux, le coeur navré, nous nous embrassâmes et nous nous dîmes un éternel adieu ! Chacun prit de son côté avec calme et résignation, et voilà comment ce brave 4eme qui a eu tant de jaloux dans l’armée et qui, partout où il s’est trouvé a servi de modèle aux autres régiments a fini son existence.
Je rentrai à Nancy où j’ai vécu avec la retraite de capitaine jusqu’en 1832 époque à laquelle une ordonnance nous réintégra dans nos grades et nos décorations. J’eus 1800 francs de retraite et 250 francs de ma croix de chevalier de la légion d’honneur.
En 1830, je me présentai dans ma section pour faire partie de la garde nationale, je ne fis cette démarche que parce que je croyais à la guerre ; à l’organisation je fus nommé chef de bataillon ; j’acceptai avec d’autant plus de plaisir cette preuve de confiance de mes concitoyens, parce que je pensais encore pouvoir rendre quelques services à la patrie, qui fut toujours mon idole. Ce sentiment fut cause que je refusai deux places qui me furent offertes, la lère par le lieutenant général Vilatte, gouverneur de Metz, qui me fit proposer le commandement de la place de Marsal, la seconde par le maréchal de camp Guy, qui venait d’être nommé commandant de l’école de la Flèche, ayant servi près de vingt ans avec moi, il m’offrit de me placer chef de bataillon près de lui ; je remerciai ces deux messieurs sincèrement, en leur disant que je croirais manquer à la confiance dont m’avaient honoré mes concitoyens, si je les abandonnais au moment où peut-être je pourrais leur être utile ; que de plus, je connaissais bien mieux le chemin de la victoire que celui de la défense des places et encore plus que celui des écoles. Je servis quatre ans dans la garde nationale avec le même zèle et le même dévouement qu’à l’armée ...
" (Mémoires du Chef de Bataillon Jean-Pierre Dupin/Précis militaire de la famille Dupin - avec l'aimable autorisation de M. Jean-Marie Ravier).

Le 3 août 1815, l'organisation des Légions départementales donne le numéro 4 à la Légion des Basses-Alpes, qui a pour Colonel le Marquis De Crillon, et est licenciée le 23 octobre 1820.

Entre 1805 et 1815, le 4e de Ligne a eu 44 Officiers tués ; 24 Officiers morts de blessures, et 240 Officiers blessés.

II/ Uniformes

Nous avons extrait de la Giberne le hausse col reproduit en figure 1; bien qu'étant attribué à la 4e Demi-brigade de première formation, nous avons pensé qu'il serait intéressant de le présenter au lecteur.

En figure 1bis, voici un "chapeau d'Officier du règlement de 1786, à la corne de devant encore proéminente que l'on peut dater avec sa cocarde tricolore des alentours de 1795. Hauteur des ailes : devant 135 mm, derrière 195 mm" (Collection C. Blondieau - Tradition N°216 : "Le chapeau d'Austerlitz").

En figure 1ter, un Musicien en 1805, fac similé d'un dessin de H. Boisselier, extrait de l'Album de la Bibliothèque du Musée de l'Armée intitulé "Armée Française extraite de l'Album de P. Schmid". Le type est intéressant dans la mesure où il montre que les couleurs caractéristiques de la tête de colone du 4e, que l'on connait surtout pour la période 1809-1810, sont en fait antérieures à cette époque; on retrouve donc le vert des revers, et le rouge du collet, galonnés d'or, dès le début de l'Empire. Précisons cependant que dans l'immédiat, aucun autre document à notre connaissance ne confirme cette tenue à cette époque.

En figure 2, nous avons extrait de la planche 78 de Rigo (Le Plumet) le Sergent major porte aigle en 1805. Le détail de son habit laisse apparaître sur les retroussis des étoiles bleues; le chapeau est garni de passants aurore, caractéristique qui durera jusqu'en 1807. Cette distinction, mentionnée par Jean-Pierre Dupin dans ses Mémoires, a été accordée au Régiment par le Général Bonaparte en récompense de sa conduite lors de la bataille d'Arcole. Seuls les Guides du Général en Chef de l'Armée d'Italie, puis d'Egypte, avaient le droit de décorer ainsi leur coiffure. Le Sergent major porte drapeau est également donné dans l'ouvrage paru chez Osprey "Napoleons Line Infantry" (P. Haythornthwaite, B. Fosten ; MAA 141). A noter que le même type de chapeau est donné par G. Embleton dans une planche parue dans Gloire et Empire N°3.

Des années après avoir publié sa planche du Plumet, Rigo est revenu sur la question du Sergent major porte aigle, et a proposé dans la revue Soldats Napoléoniens (2/2003) une version un peu différente de celle proposée initialement. C'est celle qui figure à côté des deux autres que nous venons de mentionner. On remarquera notamment que la couleur du pompon du chapeau a changé; par ailleurs, les ornements de retroussis ont été modifiés. Enfin, Rigo attribue désormais à son Sergent-major porte aigle des épaulettes rouges à tournante dorée. Une autre version est également donnée par Rigo (figure 2bis) ; cette fois-ci, le chapeau est surmonté d'un pompon carotte rouge; les pattes de parements sont devenues bleues passepoilées de rouges. Trois versions donc données par le même auteur !

Toujours d'après Rigo et extrait de Soldats Napoléoniens (2/2003), voici en figure 3 les Fourriers qui accompagnent le Porte aigle en 1805. L'uniforme a les mêmes caractéristiques que celles notées ci-dessus. On notera tout particulièrement le pompon carotte rouge à sommet bleu.

A partir de 1806, le 4e de Ligne adopte semble t'il l'habit blanc à distinctive vert impérial, conformément au Décret du 25 avril 1806 qui le désigne comme faisant partie des Régiments devant porter l'habit blanc dès les remplacements de 1807. Une circulaire du Ministère de la Guerre datant de Paris le 12 mai 1806 confirme le fait. D'après les textes officiels, le 4e de Ligne appartient à la 4e série ; il doit donc porter les boutons jaunes, avoir les revers blancs, les parements, le collet et les liserés de la couleur distinctive et enfin les poches en travers. La couleur du passepoil de la patte de parement n'est pas spécifiée. Le schéma de l'ouvrage de Charmy (figure 3bis) nous permet d'avoir un aperçu de la tenue à cette époque. A noter que sur ce schéma, la patte de parement est passepoilée de blanc.

Habit
Veste
Drap blanc de 119/100
Dessus : 1.659 m
Revers : 0.12 m
Drap blanc de 119/100
1.19 m
Total de drap blanc
1 m 779
Drap de couleur de 119/100
Collet : 0.0205 m
Parements : 0.0305 m
Drap de couleur de 119/100
Parements : 0.05 m
Collet : 0.03 m
Liserés : 0.07 m
Total du drap de la couleur distinctive
0.051 m
Total du drap de la couleur distinctive
0.15 m
Cadis blanc de 50/100
2.97 m
Cadis blanc de 50/100 pour doublure
3.27 m

Concernant l'habit blanc, Lucien Rousselot écrivait : "D'après ses Mémoires, le major Bigarré du 4e de Ligne s'était fait confectionner un habit blanc, mais il ne dit pas si le régiment reçut le nouvel uniforme". P. Juhel (Soldats Napoléonien N°11 - Septembre 2006) mentionne l'inspection du dépôt du 4e de Ligne à Strasbourg faite par le Général Schauenburg le 1er novembre 1807 qui donne des indices "quant à la confection d'habits blancs pour la troupe. En effet, l'état des effets d'habillement et d'équipement existant en magasin indique l'emplois de 149 m 35 de drap vert, quantité certes faible mais qui, étant donné que la couleur distinctive, pour ce régiment, n'était qu'au collet et aux parements, aurait permis la confection de 743 habits et vestes (selon les quantités réglementaires rapportées ci-dessus dans le "Devis général des quantités de Drap, panne noire et cadis, qui seront allouées aux Corps d'Infanterie de ligne, pour la confection d'un habit, d'une veste et d'une redingote etc.", pour les régiments de la 4e série, celle du 4e). Le résumé du rapport d'inspection indique sous la rubrique "Habillement", qu'il est "en très bon état, bien façonné et entretenu".

Passons maintenant en revue les illustrations relatives à l'habit blanc au 4e de Ligne. En tout premier lieu, mentionnons l'ouvrage de Bucquoy consacré à l'Infanterie, dans lequel nous trouvons une représentation du Major Bigarré d'après ses mémoires, réalisée par H. Boisselier (figure 4). Cette représentation est assez conforme aux prescriptions officielles; on remarquera cependant que la patte de parement est verte à passepoil blanc; l'intérieur des basques est également vert. Le reste de la tenue ne nécessite pas de commentaires particuliers. Il est intéressant de noter que dans ses mémoires, Bigarré écrit, parlant de son arrivée à Naples, "... je me présentai dans les appartements du palais avec mon uniforme blanc du 4e de ligne" (Bigarré, page 193).

En parallèle de cette représentation du Major Bigarré, voici un portrait du Colonel Louis Léger de Boyeldieu (figure 4bis) peint par le peintre Alois Frey établi à Freising en Allemagne. Boyeldieu est alors âgé de 32 ans. On le voit représenté ici avec la Légion d'Honneur. Rappelons que ce portrait (dimensions 51 x 40 cm) appartient au Collectionneur Australien Ken Richards qui nous a aimablement autorisé à le reproduire. Merci donc de respecter la propriété de l'oeuvre.

Bucquoy donne également un Lieutenant de Fusiliers en tenue de campagne en 1806-1807 (figure 5) là aussi conforme aux textes; il manque cependant les passepoils blancs au collet, aux parement et à la patte de parement (qui encore une fois est verte). Les retroussis (tout comme l'intérieur des basques) sont blancs passepoilés de vert. Le shako est classique, surmonté d'un pompon doré. Sa plaque est en losange, estampée de l'Aigle. A signaler la plaque de ceinturon, argent à ornement doré (?). Cet Officier peut être mis en parallèle avec celui donné par R. Forthoffer qui mentionne comme sources Baldauf et Knötel H. (figure 5). Le type est là encore daté de la période 1806-1807. Les principales différences avec le type de Bucquoy se trouvent dans le shako dont le pompon est bleu et le pourtour supérieur noir; les passepoils blancs au collet, parements et pattes; les ornements de retroussis (N et couronne dorés) et les épaulettes dont le corps parait être rouge bordé d'or.

R. Forthoffer donne également la tenue des Grenadiers en 1806-1807 (figure 6; source Knötel/Baldauf). La tenue est analogue à celle du Lieutenant tiré de la même source. Les retroussis sont ornés de grenades rouges. Le shako a par contre des caractéristiques propres : pourtours supérieur et inférieur, chevron, cordons et raquettes, pompon et plumet rouge ; plaque à l'aigle sur le devant. Epaulettes et chevron d'ancienneté rouges.

Un shako, communiqué par un de nos correspondant, sans aucune indication (figure 6bis) nous donne une vision sensiblement différente des Grenadiers pour cette période. Compte tenu de l'état de cet objet (qui parait être une copie ou un shako reconstitué), et de l'absence de références quant à son origine, nous tenons à préciser que nous le donnons avant tout à titre indicatif. Pour le reste, si l'on retrouve bien le pourtour supérieur rouge, il n'y a par contre pas de pourtour inférieur ni de chevrons rouges. Pas de ganse de cocarde non plus, ni de cercle de visière. Sur le devant du shako, une plaque en losange du modèle 1806. La vue de côté nous permet de voir le détail de la jugulaire, sur laquelle est frappée une grenade. Pour terminer, sur ce shako est fiché un pompon lenticulaire rouge à centre blanc, frappé d'un 1 rouge, pompon dont l'état de conservation nous parait là encore douteux. Remarquons qu'il s'agit du pompon donné par Rigo (figure 15bis) mais pour 1809.

Si l'on se base sur Forthoffer, mais aussi sur les pièces qui nous sont parvenues et présentées sur cette page, deux types de plaques de shako se sont cotoyées à cette époque au sein du 4e de Ligne, l'une à l'aigle avec soubassement; l'autre en forme de losange. Une planche de Martinet (une des variantes de la 222) nous présente par ailleurs un Sergent major porte aigle (figure 7bis) dont le shako est doté de la plaque à l'aigle. Nous pensons que Martinet a pu servir en partie de base aux types des Collections Alsaciennes, en raison des similitudes que présentent les tenues des Fusiliers de ces deux sources. Il y a aussi des points particuliers à souligner sur la planche de Martinet. Commençons par le shako lui même. En dehors de la plaque, tous les shakos représentés sont surmontés d'un plumet dont la base est jaune (1/3) et le sommet bleu clair (2/3). Ces shakos n'ont pas de jugulaires, ni de cercle de visière. La caractéristique du plumet semble montrer que l'on ait voulu distinguer le Porte-aigle, et ce qui peut constituer sa "garde". Cela semble d'autant plus plausible que tous les personnages portent la buffleterie croisée, ce qui permet de supposer que tous sont armés du sabre briquet. Il ne peut donc s'agir de simples Fusiliers. La tenue elle est classique; l'habit, dont les pattes de parement sont bleues passepoilées de rouge, n'a par contre pas de passepoils blancs au collet et aux parements. Les guêtres du Sergent major sont blanches (tenue d'été). Celui-ci se distingue de ses camarades par le double galon or passepoilé de rouge sur le bras; et la dragonne dorée de son sabre. Passons maintenant à l'étoffe. S'agit t'il vraiment d'un drapeau ou d'un fanion ? Martinet a toujours établi des dessins préparatoires avant de réaliser ses planches. Il connait donc bien les sujets qu'ils représente, et ne peut ignorer en quoi consistent les étoffes des drapeaux remis en 1804 à chaque Régiment. Pourtant, nous voyons dans deux angles de ce "drapeau" des abeilles, alors que dans les autres, il y a un 4. Pourquoi alors cette erreur ? Peut être donc qu'il s'agit bien là d'un fanion, malgré le fait qu'il soit surmonté d'une Aigle dorée. La hampe d'ailleurs est marron, alors qu'elle devrait être bleue. Pour notre part, nous en concluons que le Décret du 18 février 1808 (voir aux drapeaux) qui instaure les grades de Porte-aigle (1er, 2e et 3e), réduit le nombre d'aigle à 1 par Régiment, et établit une enseigne dans chaque Bataillon de guerre, ne fait que valider une situation qui devait déjà exister antérieurement.

En tout cas, et pour en revenir à nos plaques de shakos, le modèle en forme de losange a bien été porté, et certainement sur une longue période, puisqu'une plaque de ce type a été trouvée en Espagne (figure 7) ; elle appartenait sans aucun doute à un des hommes issus des Compagnie de Fusiliers du 4e Bataillon parties en 1808 dans la péninsule. La question que l'on peut se poser, c'est s'ils ont emporté avec eux des habits blancs ou des habits bleus ? Après cette date en tout cas, le 4e de Ligne a été représenté dans les Collections Alsaciennes avec un habit bleu. Passons en revue les différents types proposés.

Commençons par le Tambour major (figure 8). Voici une série de représentations tirées de différents ouvrages ou travaux, mais qui donnent tous pour source les Collections Alsacienne. La première est tirée de l'ouvrage "Petits Soldats d'Alsace" qui indique comme origine la Collection Boeswilwald. Précisons que c'est la copie exacte du Tambour major qui se trouve dans l'Album de la Bibliothèque du Musée de l'Armée intitulé "Armée Française extraite de l'Album de P. Schmid" (même source indiquée). La datation donnée par ces deux sources est 1810. H. Rommel, le spécialiste bien connu des Petits Soldats d'Alsace, a laissé des notes sur ce Tambour major : "Chapeau noir galonné or. Cocarde Empire ganse or. Plumet blanc - plumes rouge, bleu et rouge, glands dorés dans les cornes. Habit bleu foncé à doublure verte. Collet rouge galonné or, revers verts galonnés or - parements verts galonnés or, patte bleu foncé à passepoils rouges - boutons cuivre doré - gilet et culottes blancs. Trèfles or sur les épaules - bottes noires, galons et glands or - porte sabre en cuir noir - porte baguette cuivre doré - sabre presque invisible - bout doré. Canne bois naturel assez foncé - pommeau blanc bout idem. Cordelette et glands dorés (dans l'Album Schmidt et les Petits soldats d'Alsace, la couleur est argent). Gants et crispins noirs". H. Rommel ajoute : "D'après Bucquoy qui le tenait du Cdt Boeswilwald, fils du collectionneur, le Tambour major aurait été un homme de bonne taille d'après la tradition verbale avant 1870". Effectivement, selon Rigo, en novembre 1809, le Tambour major du Régiment s'appelle Pierre Lefebvre ; c'est un Vosgien de 1,81 m, ancien boulanger à Neufchâteau, qui s'est engagé dans le Régiment en 1802. Toujours selon H. Rommel : "Il est possible que le collet du Tambour major ait été rouge. C'est de cette couleur que le donne F. J. Schmidt 1796-1871 - en 1810, il avait 14 ans et rien ne dit qu'il n'ait vu juste (témoin occulaire)".

A noter que ce Tambour major a été donné par notre ami et collègue G. Démoulin d'après rigo, dans la revue du Bivouac (N°1 de 1989 page 37).

Ce Tambour major est donné par Job (dessin de la Collection Winkhuizen; New York) : pour ce dernier, le bas des revers n'est pas visible et pourrait laisser supposer qu'ils sont en pointe; par ailleurs, le pommeau, les cordons et glands et la pointe de la canne sont dorés. Bucquoy le donne également (dessin de H. Boisselier ; date : 1809-1810; source indiquée : Boeswilwald) sans modification notable si ce n'est l'absence des glands dans les cornes du chapeau. Même remarque en ce qui concerne le Tambour major de L. Rousselot (galons de grade passepoilés de rouge). R. Forthoffer le donne également, mais avec le galon du collet passepoilé de rouge, une patte de parement bleue passepoilée or et les poches en long bordée d'or. Dans le dessin de K. Tohsche, les gants et crispins sont blancs, de même que le porte baguette de la banderole. Rigo (planche 150 du Plumet ; détail des basques et des poches d'après cette planche) donne les galons de grade et ceux des poches dorés passepoilés de rouge. Pour terminer, le dessin de notre ami E. Wagner est la copie du Tambour major de L. Rousselot.

Notre collègue et correspondant Jérôme Croyet nous a communiqué une photographie du sabre du Tambour major du 4e de Ligne (figure 8a) conservé au Musée de l'Empéri (M.A.S.D.P. Musée de l'Empéri - Photo Jérôme Croyet). On notera que le ceinturon ou baudrier est en marocain rouge galonné d'or; la poignée en cuivre doré; la dragonne rouge mêlée de fils d'or. Cet ensemble est peut être antérieur à la tenue donnée par les Collections Alsaciennes.

Les Musiciens (figure 9) sont donnés tout d'abord dans le Fichier Carl (datation 1809): Le shako est surmonté d'un pompon et d'un plumet blanc; cordons et raquette de même; ganse de cocarde, plaque à l'aigle, jugulaire et cercle de visière cuivre. L'habit est celui du Tambour major : Collet rouge, revers et parements verts, le tout galonné d'or; patte de parement bleu passepoilée de rouge. Remarquons l'absence du galon sous le collet (c'est une constante chez Carl) et la présence d'un bouton jaune sous le revers gauche (à droite pour le lecteur). Trèfles or. Bottes à revers fauve. Sabre briquet sans dragonne. Signalons avant de continuer, qu'à Compiègne se trouve un Fichier Carl original, das lequel nous trouvons un Musicien quasiment identique à celui représenté ici. Les différences sont les suivantes : passepoil rouge sous les revers qui descend le long des retroussis, retroussis qui sont rouges; dragonne or à l'épée.

Dans l'Album Schmidt (source Boeswilwald - datation 1810), le shako n'a plus de ganse et les galons sont jaune d'or; le sabre est doté d'une petite dragonne blanche à gland jaune. Dans les Petits Soldats d'Alsace (copie de l'Album Schmidt rappelons le), certaines modifications ont été apportées dans le texte descriptif des couleurs : pourtour supérieur du shako blanc, absence de jugulaires, galonnage de l'habit et trèfles, dragonne du sabre dorés. Le Musicien est également donné par Bucquoy (datation 1809-1810 - dessin de H. Boisselier) : c'est la copie du Musicien de l'Album Schmidt. Tout comme le dessin de la Collection Knötel à Rastatt (auteur anonyme) mais avec la dragonne dorée. Plus près de nous, Pierre Albert Leroux a donné deux représentations de Musiciens du 4e, conservées dans la Collection Brown, et que nous avons reproduites en fac-similés. Ces deux représentations ne sont pas sans contradictions entre elles. Sur la première, nous constatons que le shako est donné avec une ganse de cocarde blanche avec un bouton jaune; la caractéristique la plus évidente se trouve au niveau des parements et leur patte de couleur bleu, bordés d'un galon jaune. Pour la patte de parement, il y a également un passepoil rouge. Le Musicien est armé du sabre briquet. Sur la deuxième représentation, la ganse de cocarde est jaune; les revers, parements, pattes de parement et intérieur des basques sont de couleur vert clair, et non vert foncé; le parement et la patte de parement sont passepoilés de rouge et bordés d'un galon jaune; enfin, notre homme est armée cette fois ci de l'épée. Nous avons ici un exemple tout à fait caractéristique des erreurs que peuvent introduire les interprétations ou copies multiples au fil du temps, dès lors qu'on s'éloigne de la source primaire, erreurs d'autant plus problématiques que les sources utilisées dans ce genre d'illustrations ne sont que rarement mentionnées. Que dire alors des erreurs commises alors que les sources sont connues ? C'est là toute la difficulté de vouloir reconstituer au plus près l'aspect uniformologique des unités de l'époque, qui implique de comparer les documents entre eux et d'en relever toutes les divergences.

Signalons aussi que H. Rommel, dans ses notes et croquis consacrés au 4e de Ligne en 1810, d'après Boeswilwald, décrit le porte caisse et indique que le parement est rouge; il parle également de "porte caisse, cuissard et porte épée en bandouillière blancs, baguettes noires à viroles en cuivre; caisse appelée "roulante" que les tambourinaires ont encore de nos jours en outremer clair (entièrement), coulants en cuir blanchi; aigle et feuillage dorés". Le rouge du parement est de toute évidence une erreur puisque dans le reste de ses notes, H. Rommel indiique toujours pour la tête de colonne des parements verts. Pour le reste, c'est le Musicien de l'Album Schmidt?

Pour Rigo, les Musiciens (datés de 1809-1810 et indiqués comme provenant de Boeswilwald), le shako dont la visière n'est pas cerclée, est doté d'une ganse de cocarde et d'une plaque en losange dorés. L'auteur a également fait apparaître sur le devant de la taille le ceinturon porte sabre fermé à l'aide d'une boucle dont la plaque rectangulaire est également dorée. Remarquons également le détail des basques (broderie dorée aux boutons au dos de la taille ; poches en long passepoilées de rouge).

Rigo donne également le Chef de Musique (figure 9bis; il s'appelle en 1809 Pierre Vassal, et mesure 1,63 m. Il présente les même caractéristiques que le Musicien décrit ci-dessus, ne s'en distinguant que par le galon du pourtour supérieur du shako, les deux galons dorés passepoilés de rouge sur chaque bras, et semble t'il deux chevrons d'ancienneté dorés sur le haut du bras gauche. Nous n'avons pu vérifier l'origine de cette plaque en losange telle que donnée par l'auteur qui, encore une fois, indique comme source Boeswilwald, et maitient la datation de 1809-1810. Est ce en fait la tenue porté entre 1807-1808 (fin de l'habit blanc) et 1809 ? Ou une erreur de l'auteur ? Dans l'état actuel de nos connaissances, nous ne saurions trancher.

Rigo en tout cas explique que l'on a utilisé pour la tenue de la musique, le stock de drap vert restant dans le magasin du dépôt de Nancy, inutilisé depuis 1807 et l'abandon de l'habit blanc. Toujours selon lui, les Musiciens portent un sabre briquet au ceinturon ; "ce fait parfaitement exact est confirmé par un rapport d'inspection du Général Schauenbourg daté du 1er novembre 1807 et signalant que les 56 Musiciens et Tambours sont tous armés d'un sabre briquet".

Précisons que le Musicien est donné dans les notes de H. Rommel, sans indications de couleurs. Il n'y a pas de cercle de visière au shako. Son instrument est un tambour sur lequel apparait une aigle entourée de feuillage (ornement classique que l'on retrouve dans d'autres unités).

Passons au Sapeur (figure 10). Nous le trouvons tout d'abord dans le Fichier Carl (1809). Le Sapeur porte une tenue assez classique, constituée pour l'essentiel de l'unforme de la troupe, agrémentée du bonnet à poils sans plaque, avec cordons et raquettes blancs, et plumet rouge, et d'épaulettes également rouges. Sur les deux bras, Carl place des haches croisées surmontées de grenades, le tout aurore. Sous chaque revers apaprait un bouton, particularité analogue à celle du Musicien tiré de la même source. Notre Sapeur porte deux banderoles, l'une avec une boucle en cuivre, l'autre munie d'une grenade également en cuivre. A la taille, le ceinturon porte sabre (la poignée de ce dernier n'est pas visible) à plaque en cuivre frappée de deux haches croisées. La tenue est complétée par des gants chamois à crispins blancs, une hache à manche noir et un fusil. Capote grise. Signalons avant de continuer, qu'à Compiègne se trouve un Fichier Carl original, das lequel nous trouvons un Sapeur absolument identique (dans sa tenue) à celui représenté ici.

Dans l'Album Schmidt (source Boeswilwald), les haches croisées et leurs grenades sont rouges, la plaque de ceinturon n'a aucun ornement, et le manche de la hache est en bois naturel. Il n'y a ni boucle ni grenade sur les banderoles. Le reste est identique au type de Carl. Quant à l'ouvrage Petits Soldats d'Alsace, il reprend le type Schmidt , mais les gants sont entièrement blancs (erreur ?). Pour terminer, le Sapeur est donné Bucquoy (dessin de H. Boisselier ; source indiquée : Collections Alsaciennes - 1809-1810). C'est le Sapeur de l'Album Schmidt, mais avec une boucle sur une des deux banderoles; par ailleurs, la plaque de ceinturon est frappée de deux haches croisées. On remarquera que l'auteur a oublié de représenter la grenade rouge sur le bras gauche (elle est pourtant visible sur le droit). Précisons que le Sapeur est donné dans les notes de H. Rommel qui indique "collet rouge à passepoil blanc, revers et retroussisverts à passepoil non visibles... sabre de sapeur poignée de coq cuivre"; la plaque de ceinturon est frappée d'une simple grenade. Nous n'avons pas d'explication concernant le vert des revers et retroussis.

Carl donne également le Fifre de Fusiliers (figure 11) pour 1809. Pour commencer, il porte le même shako que le Musicien, mais surmonté d'un pompon jaune. Son habit est également identique. Sur les épaules, il y a des nids d'hirondelles verts bordés d'un galon doré, et par dessus, une patte d'épaule verte passepoilée de rouge. Notre Fifre est armé d'un fusil et du sabre briquet doté d'une dragonne blanche. Signalons avant de continuer, qu'à Compiègne se trouve un Fichier Carl original, das lequel nous trouvons un Fifre absolument identique à celui représenté ici.

Le fifre de Fusiliers est donné par Bucquoy (dessin de H. Boisselier; source indiquée : Collections Alsaciennes) : le galonnage est jaune; les pattes d'épaules paraissent être bleues passepoilées de rouge. Pas de dragonne visible au sabre. B. Coppens le donne également dans l'ouvrage "Les uniformes des guerres napoléoniennes"; pour ce dernier, la ganse de cocarde a disparu, la patte d'épaule est bleue passepoilée de rouge, et le long des retroussis se trouve un passepoil blanc (erreur ?).

A noter que dans ses notes, H. Rommel donne un Tambour de Grenadiers "instructeur de fifres" (sic) : "shako noir, galon supérieur rouge, cordons raquettes blancs, aigle et jugulaires cuivre cocarde empire, pompon et plumet rouges. Habit bleu foncé, collet rouge galonné jaune aurore, revers et retroussis verts galonnés jaune aurore; parements verts galonnés jaune aurore, pattes bleu foncé passepoilées de rouge, boutons cuivre. Epaulettes rouges de grenadiers; gilet et culotte blancs; guêtres noires, boutons jaunes; porte briquet blanc; dragonne du briquet rouge; fifre brun très foncé presque noir avec deux capuchons cuivre aux extrémités". A signaler que le shako n'a pas de cercle de visière; grenades aux retroussis.

Le Tambour de Fusiliers en 1810 (figure 12) d'après l'Album Schmid (il est indiqué en légende : communication Carl à feu Millot) diffère un peu du Fifre de Fusiliers de Carl. Tout d'abord par l'absence de ganse de cocarde et de cercle de visière au shako; ensuite par le galonnage aurore que l'on retrouve au collet, revers, parements, patte de parements, retroussis et enfin nids d'hirondelles. Sur ces derniers, la patte d'épaule est bleue passepoilée de rouge.

Le Tambour de Fusiliers est également donné dans les Petits Soldats d'Alsace ; la visière du shako est cerclée, le galonnage est devenue jaune, et la patte de parement est bordée d'un passepoil rouge. C'est sans aucun doute le Tambour de Fusiliers qui a été dessiné dans les notes de H. Rommel "shako noir, cordons raquettes blancs, aigle à soubassement cuivre, jugulaires cuivre, pompons de couleur variable jaune, rouge, etc. Habit bleu foncé, collet rouge ?? galonné jaune aurore, revers et retroussis verts galonnés jaune aurore, parements vrts galonnés jaune aurore, pattes bleu foncées à passepoils rouges. Boutons cuivre, nids d'hirondelles verts galonnés jaune aurore, pattes d'épaule bleu foncé à passepoils rouges. Gilet et culotte blancs guêtres noires. Porte caisse et porte briquet blancs; porte baguettes en cuivre, baguettes noires à viroles en cuivre. Caisse cuivre, cercles bleu outremer; cordes de serrage naturelles coulants à languette blanchis".

Rigo a également représenté le Tambour de Fusiliers en 1809-1810 mais avec des caractéristiques différentes (voir remarques faites pour le Musicien tiré de la même source). Pour commencer, le shako est surmonté d'un pompon rond orange à base et blanc au dessus; on retrouve la plaque en losange et l'absence de cercle de visière. Ganse de cocarde jaune. Le galonnage est jaune, la patte de parement bleue passepoilée de rouge. A la place des nids d'hirondelle, nous trouvons des épaulettes vertes à tournante rouge. Les poches en long sont passepoilées de rouge. Là encore, Rigo indique comme source Boeswilwald (?). Nous donnons à côté du Tambour de Rigo, celui dessiné par P. Eudeline (tiré d'un ouvrage connu et récent publié par LCV), visiblement basé sur celui de Rigo, mais qui comporte certaines erreurs telles que la plaque de shako, à l'aigle; les corps d'épaulettes, rouges au lieu de vert; et l'absence de passepoils aux pattes de parements. Ces erreurs nous paraissent regretables, et méritaient d'être signalées.

Passons maintenant à la troupe et en tout premier lieu aux Grenadiers. Le fichier Carl donne un Caporal de Grenadiers en 1809 (figure 13) dont le shako a le pourtour supérieur et les chevrons rouges. Le cordon est blanc. Ganse de cocarde, plaque à l'aigle, jugulaires et cercle de visière jaunes. Le reste de la tenue est classique (mis à part l'absence de passepoil sous le col); galons de grade aurore. Dragonne blanche à passant et gland rouges. Dans l'album Schmidt (source : Boeswilwald), nous trouvons un type sensiblement analogue. Cependant, il n'y a ni ganse de cocarde ni cerlce de visière au shako. Et surtout, on notera l'intérieur des retroussis, rouge. Rappelons que Rigo a démontré que cette caractéristique correspond aux Corps qui ont fait partie du Corps d'Oudinot, ce qui est valable pour une partie des Grenadiers du Régiment, ceux du 4e Bataillon. Dans l'ouvrage Petits Soldats d'Alsace (source : Boeswilwald), l'intérieur des retroussis est blanc, et la dragonne est devenue entièrement rouge. Enfin dans Bucquoy, se trouve un Grenadier en 1809-1810 d'après Carl (dessin de H. Boisselier) ; pour se dernier, le shako a une ganse de cocarde (blanche), mais aussi le pourtour inférieur rouge. Le reste semble conforme aux types précédents.

A noter que dans ses notes, H. Rommel donne également le Caporal de Grenadier d'après Boeswilwald, mais avec les différences suivantes : shako sans chevrons latéraux rouges ni cercle de visière; habit revers et retroussis blancs à passepoils rouges, grenades rouges aux retroussis; deux chevrons d'ancienneté rouge au bras gauche.

Toujours dans le Fichier Carl, nous trouvons également un Voltigeur en 1809 (figure 14). Son shako est tout d'abord surmonté d'un pompon vert, et d'un plumet vert (2/3) à sommet rouge (1/3). Pourtour supérieur, chevrons, ganse de cocarde, plaque à l'aigle, cercle de visière et jugulaires jaunes. Cordons et raquettes verts. Epaulettes vertes à tournante rouge (ce sont les épaulettes du Tambour de Fusiliers de Rigo !). Dragonne blanche à passant rouge et gland vert. Dans l'Album Schmidt, le Voltigeur en 1810 porte une tenue presque identique; cependant, il n'y a pas de ganse de cocarde au shako, la dragonne est verte à passant rouge, et surtout, les retroussis sont rouges (voir remarque faite plus haut concernant le Corps d'Oudinot). Dans l'ouvrage Petits Soldats d'Alsace, la description faite donne les épaulettes vertes à tournante jaune, les retroussis blancs, et la dragonne entièrement jaune. Le Voltigeur de Forthoffer est indiqué comme tiré de Carl - 1809 : on notera l'absence de ganse de cocarde au shako, et la présence de deux chevrons d'ancienneté rouges. Enfin, pour terminer, Bucquoy donne un Caporal de Voltigeurs en 1809 (dessin de H. Boisselier; source Carl). Il semble en effet correspondre globalement à cette source. Notons cependant la ganse de cocarde blanche, les passants d'épaulettes rouges, et l'absence de dragonne. Galons de grade aurore et chevrons d'ancienneté rouges.

A noter que dans ses notes, H. Rommel donne le Voltigeur du 4e de Ligne d'après Boeswilwald avec les différences suivantes : shako sans chevrons latéraux (il est cependant noté : "peut être un V jaune, mais ce n'est pas certain"), ni cercle de visière, plumet vert en bas et rouge en haut moitié-moitié. Epaulettes vertes à tournante rouge. Deux chevrons d'ancienneté rouge sur le bras gauche. Dragonne verte, gland vert à tête rouge.

Les Fusiliers maintenant (figure 15). Pour Carl, ils portent le shako surmonté d'un pompon jaune; ganse de cocarde, plaque à l'aigle, cercle de visière et jugulaires jaunes. Cordons et raquettes blanc. Le reste de la tenue est tout à fait classique. Le Fusilier en 1810 d'après l'Album Schmid n'a ps de ganse de cocarde au shako; ses retroussis sont rouges. Ce qui n'est pas le cas dans les Petits Soldats d'Alsace, dont la planche est pourtant basée sur cet Album. Quant au Fusilier en 1809 dessiné par H. Boisselier pour Bucquoy, c'est semble t'il celui de Carl, mais avec une ganse de cocarde blanche.

H. Rommel donne dans ses notes le Fusilier en 1810 d'après Boeswilwald; c'est celui des Petits Soldats d'Alsace, mais sans cercle de visière au shako.

En figure 15bis, nous donnons le Sergent porte fanion en 1809 du 4e Bataillon rattaché au Corps d'Oudinot d'après Rigo. Ce Sergent porte le drapeau du 1er Bataillon de la 4e Demi-brigade de Ligne du corps d'Oudinot en avril 1809. Ce drapeau, en serge tricolore de 1,27m X 0,78m, a été distribué en avril 1809. C'est en effet le 8 avril que Napoléon écrit à Berthier ... " que chaque bataillon du corps Oudinot fasse faire un petit drapeau de serge tricolore portant d'un côté le numéro de la demi-brigade et de l'autre le numéro du bataillon... ". Sur ce drapeau pris par les Autrichiens à Ebelsberg le 3 mai 1809 on s'aperçoit (tout au moins pour la 4e Demi-brigade) que les ordres de l'Empereur n'ont pas été suivis, puisque l'avers ne porte aucune inscription. En fait il faut dire que ce drapeau a été fabriqué avec la plus grande hâte, ce qui justifie le côté primitif des lettres découpées dans du drap écarlate cousues sur la bande blanche. La cordelière est tressée de fils bleu, blanc et rouge. Ce drapeau est conservé à Vienne. Concernant son uniforme, nous notons des différences notables par rapport aux types des Collections Alsaciennes. Le shako tout d'abord, sans cercle de visière, et simplement agrémenté d'une plaque en losange estampée de l'Aigle. Au dessus du shako, un pompon lenticulaire bleu à coeur blanc, avec au centre le chiffre 4. L'habit est classique, avec les retroussis blancs sans ornements. Rigo pour ce dessin n'a donc pas maintenu sa thèse des retroussis rouges. Les poches sont en long. Notre homme est en tenue de marche; il porte le pantalon de toile blanc et a protégé le mécanisme de son fusil à l'aide d'une toile ou d'un chiffon. Il s'est également muni d'une gourde portée en bandoulière. A côté, une photographie du fanion original, conservé au Musée Historique de la ville de Vienne.

Tous les autres types ou informations consacrés au 4e de Ligne sont postérieurs à 1810.

Commençons en figure 16 un shako de Voltigeur du 4e Régiment d'Infanterie de ligne, modèle 1810 - avec l'aimable autorisation de Mr Bertrand MALVAUX, que nous remercions vivement ici. Voici le texte de Mr Malvaux, concernant ce shako provenant de l'ancienne collection Hippolyte Marie-Joseph Boivin (Guermantes, 8 septembre 1857, Bouvresse 19 juin 1912), érudit de la fin du 19ème siècle. "Le corps du shako se compose d'un feutre de 21 cm de hauteur. Il est couvert par une calotte en cuir de vache cirée, très fort, d'un diamètre de 25 cm rabattu sur le feutre à une hauteur de 4,3 cm. Au bas du feutre, est cousu un bourdalou (ou bourdaloue) en cuir de vache uni, de 2,2 cm de largeur, ayant sur le derrière une boucle en cuivre, avec son ardillon aussi en cuivre, sous cette boucle sera un gousset en veau simple, pour faciliter le jeu du bourdalou. Une visière en cuir fort de vache verni sera attachée au devant du schako, elle mesure 5,5 cm en dessous et 5 cm en dessus, elle fait le demi-cercle et sa rondeur est de 31 cm.
Au dedans du shako est placée une basane de 6 cm de hauteur, et surmonté d'un bandeau en toile de 7 cm.
Plaque (ou écusson) apposée sur le devant, elle est en laiton estampé en relief de forme losangique, frappée d'un cor de chasse dont le centre est frappé en relief du chiffre 4, encadrée d'une double moulure saillante, hauteur 11,2 cm, largeur 9,7 cm.
Cocarde placée au-dessus de la plaque, en cuir peint assujettie sur le feutre au moyen d'un point de laiton de chaque côté. Cette cocarde est aux trois couleurs, elle mesure 7,1 cm de diamètre. Le cercle blanc est en dehors, puis le rouge et le bleu au centre.
Sous la cocarde un gousset destiné à la houppette, attaché par une couture sur le feutre.
Jugulaires. De chaque côté du shako est placée une jugulaire, composée d'une lanière en basane double, sur laquelle sont montées 16 écailles en laiton découpées alternativement en deux ou trois festons, plus une quinzième, de forme circulaire, à l'extrémité. La première écaille a 3,6 cm de large, la seconde un peu moins et ainsi en diminuant jusqu'à la dernière qui a 1,5 cm. Toutes ces écailles sont arrêtées chacune par un fil de fer plat. La jugulaire est assujettie par une rosace, nommée dans le règlement de 1812 "gros bouton" de même métal que la jugulaire, ayant 4 cm de diamètre. Au milieu de ce "bouton" est timbré d'une étoile à cinq branches et autour un seul filet estampé en relief. Au bout de chaque oreillon sera un cordon de fil, pour attacher la jugulaire sous le menton.
Pompon de laine orange de forme ronde de 6,4 cm de diamètre. Il est placé sur le shako au-dessus de la cocarde.
Très bon état de conservation, ce qui est rare pour une coiffure authentique du Premier Empire
".

Nous pouvons compléter ce shako par d'autres pièces (figure 16a) telles que des fragments d'une plaque de shako et des boutons trouvés en Espagne. La plaque est du très simple modèle 1810; en losange frappée du chiffre 4. Rappelons que ce sont des éléments du 4e Bataillon qui sont Espagne à cette époque, éléments pour lesquels nous n'avons d'ailleurs que des informations partielles. Une plaque complète et des boutons ont par ailleurs été retrouvés en Russie. Il semble donc bien que ce modèle de plaque a été mise en service plus ou moins largement au sein du 4e de Ligne. Certaines même ont été distribuées aux Compagnies de Voltigeurs, comme le prouvent la plaque donnée dans Gloire et Empire 29, et celle trouvée en Lituanie, mais aussi le shako ci-dessus.

Nous en profitons pour rappeler ici les grandes lignes du Réglement de 1810 : "la plaque de toute l'infanterie aura la forme d'un losange, toutes les plaques porteront le numéro du régiment. Le numéro sera pour l'infanterie de ligne dans le milieu de la plaque...; ces numéros peuvent être estampés ou évidés...". La plaque réglementaire sera "en forme de losange en cuivre jaune laminé du poids de 25 grammes, de 11 centimètres de hauteur et largeur, sans autre onrment que deux filets autour, celui de l'extérieur plus prononcé ayant dans le centre le numéro du régiment de 4 centimètres de haut". Pour les Voltigeurs : "plaque du réglement en cuivre jaune, numéro estampé ou découpé dans un cor de chasse".

A quoi pouvait ressembler le soldat du 4e de Ligne en Russie ? Si l'on se base sur le dessin de Alexandre Leonov (figure 16bis), il portait un shako assez proche de celui donné par les Collections alsaciennes, mais avec la plaque en losange frappée de l'aigle et du chiffre 4. Le plumet est remplacé par une houpette, mais la disposition des couleurs (vert et rouge) est conservée, de même que le cordon blanc. Notons cependant le pourtour inférieur, jaune. En ce qui concerne l'habit, c'est aussi celui de 1809, mais avec une patte de parement rouge. A noter le cor jaune sur les retroussis. Epaulettes vertes à tournantes rouges. Pour terminer, pantalons en toile bleue. Le reste est classique.

A partir de 1813, le 4e de Ligne est supposé adopter la nouvelle tenue issue de la réforme de Bardin, comme l'ensemble des Régiments de l'époque. Herbert Knötel a représenté un Tambour de Fusiliers (figure 17) daté de 1812 (en fait 1813), portant la nouvelle tenue. Ce Tambour est à la "Livrée Impériale". Shako sans ganse de cocarde ni cercle de visière, portant sur le devant une cocarde et une plaque à l'aigle du modèle 1812 en cuivre. Jugulaires également en cuivre. Habit veste, pattes de parements et pattes d'épaules vert. Collet, parements, passepoils des pattes de parement et d'épaules rouges; retroussis, culottes blancs. Collet et parements bordés du galon de livrée jaune à motifs verts. Sur chaque bras, sept chevrons constitués de ce même galon, liserés rouge. Sur le devant de l'habit, une rangée de boutons; et cinq larges boutonnières faites du même galon de livrée, et elles aussi bordées d'un liseré rouge. Pour terminer, guêtres courtes noires, sac et manteau classiques, sabre briquet sur le côté; caisse de cuivre cerclée de bleu; bufletteries blanches; porte baguette en cuivre.

Le Fusilier représenté en figure 18 et daté de la période 1812-1815 (en fait il s'agit plutôt de la période 1813-1815), est tiré des "Tenues des Troupes de France de JOB". Précision importante : cette illustration a pour source un dessin de Valmont, qui porte comme légende : "Infanterie de Ligne - Compagnie du centre (4e Régiment)". Ce dessin de Valmont, qui se trouve aujourd'hui dans la Collection Brown aux Etats Unis, a été donné par Yves Martin dans un article paru dans la Revue Tradition (N°249, page 45).

Job a globalement respecté le document source sauf sur deux points : l'original a un chevron rouge sur le bras gauche, qui n'apparait pas chez Job; le manteau est gris pour Valmont et il est marron pour Job. Voici ce que dit l'auteur au sujet de ce Fusilier : "Le pantalon a la Mameluck prit sont origine à la campagne d'Egype et fut très en faveur pendant les guerres d'Espagne. Ample, il ne gênait pas les mouvements du fantassin; attaché au dessus de la cheville par de légers cordons, il préservait de la poussière le bas de la jambe. Les soldats le portaient avec plaisir, et rentrés en France, ils le conservèrent pour les marches et les exercices pendant un temps assez long. Les élégants de Paris l'adoptèrent mais en drap et le portèrent, même à cheval, sous le nom de pantalon à la cosaque.
Notre fusilier a son shako recouvert d'une coiffe portée alors par tous les fantassins. L'habitude des coiffes pour les shakos ou les chapeaux vient des armées allemandes d'où elle se répandit dès la Révolution dans les armées françaises. On voit dans maintes estampes représentant nos soldats de pauvres diables mal vêtus, peu chaussés mais ayant tous l'enveloppe en toile cirée sur la coiffure.
L'existence du pantalon à la mameluck au 4e de ligne prouve que son usage en campagne ou en route n'était pas limité aux corps ayant servi en Espagne. En effet, le régiment commandé par Joseph bonaparte en 1804 et par Bigarré en 1805 ne mit jamais le pied dans la péninsule. Parti du camp de Boulogne avec la Grande Armé, il se battit consatamment en Allemagne de 1805 à 1809, en Russie en 1812, de nouveau en Allemagne en 1813, en France en 1814, à Ligny en 1815.
Le nouveau 4e de ligne par contre, alla en Espagne en 1823 et y prit part à un combat sous Carthagène
".

Toujours tiré des "Tenues des Troupes de France de JOB", voici en figure 18a un pompon d'Officier daté du 1er Empire et du commencement de la Restauration (sic). Celui ci porte en son centre le chiffre 4, chiffre qui peut tout aussi bien désigner le 4e Régiment, ou un 4e Bataillon, voire une 4e Compagnie. Nous le donnons donc à tout hasard.

Le Fusilier représenté en figure 18b est sans aucun doute inspiré de Job; il ne diffère du type précédent que par le shako (pompon lenticulaire bleu à centre blanc, avec chiffre 3; chiffre 4 sur le devant du couvre shako) et les galons aurores sur le côté du bras.

Nous avons également tiré du Manuscrit du camp de de Dresde un Officier (figure 19) présenté comme un porte drapeau, bien que le terme de drapeau nous paraisse inadapté ici. Peut être devrait t'on parler plutôt de fanion, tant l'étoffe représentée ici nous parait bien peu réglementaire. Cet Officier porte un shako recouvert d'une toile beige; sur son devant, on croit deviner un 4 nettement tracé (il peut aussi s'agir d'un plis, mais nous préférons le chiffre 4). Sur le dessus, un pompon blanc (argent ?), surmonté d'une houpette jaune. Cet Officier est entièrement vêtu du bleu; seul le collet de son habit est rouge. On notera également la banderole porte "drapeau", rouge et or; le manteau bleu foncé enroulé par dessus l'épaule, et la gourde marron, qui viennent compléter la tenue de notre personnage.

Pour ternimer, voici en figure 20 une plaque de shako attribuée au 4e de Ligne, qui a été retrouvée sur le champ de bataille de Waterloo. Cette plaque est en apparence assez semblable à celle retrouvée en Espagne (voir figure 7) mais sa forme est beaucoup plus évasée, le quatre est découpé différemment dans le métal; enfin, sa facture nous parait beaucoup plus fine. S'agit il d'une plaque récupérée et réutilisée en 1815 ? A côté (figure 20bis), le fragment d'une autre plaque, également trouvée à Waterloo. Elle est du modèle 1810. Là encore, la même question se pose : plaque réutilisée ?

II/ Drapeaux :

Drapeaux modèle 1794

A partir de 1794, chaque Demi-brigade reçoit trois drapeaux tricolores. Le drapeau du 2e Bataillon ou Bataillon du centre correspond à l'ancien drapeau colonel de l'ancienne Monarchie; ce drapeau est uniforme pour toutes les Demi-brigades de Bataille. Les drapeaux des 1er et 3e Bataillons sont identiques entre eux, mais d'un modèle différent pour chaque Demi-brigade (O. Hollander : "Les Drapeaux des demi-brigades d'infanterie de 1794 à 1806"). Pour la 4e de première formation, nous ne connaissons que le modèle réglementaire des 1er et 3e Bataillons.

Drapeau 1 de la 76e Demi-brigade Drapeau 2 de la 76e Demi-brigade
Avers du drapeau commun à toutes les Demi-brigades et arboré au second Bataillon ou Bataillon du centre (reproduction d'après Challiot)
Modèle réglementaire du drapeau des 1er et 3e Bataillons, 1794-1804 (reproduction d'après Challiot)

Drapeaux en usage lors du deuxième amalgame (Armée d'Italie)

La 4e est à l'Armée d'Italie lorsque Bonaparte en prend le commandement le 28 mars 1796 (8 germinal an IV). Comme on l'a vu dans l'historique, cette 4e Demi-brigade résulte de l'amalgame de différentes unités. L'Arrêté du 8 janvier 1796 (18 nivôse an IV) faisant suite à celui du 24 novembre 1795 (2 frimaire an IV) stipulait les conditions de cet amalgame. En exécution, le Général Gauthier, Chef d'Etat major de l'Armée d'Italie, avait dressé un Etat de nouvelle organisation de l'Armée d'Italie, dont il joignit un exemplaire à la copie de l'arrêté du 8 janvier envoyée à chaque Division. Dans cet Etat figurait les Demi-brigades nouvelles sous le numéro de la Demi-brigade ancienne de numéro inférieur à 100, qui allait former la nouvelle unité, en renforçant ses effectifs à l'aide de Demi-brigades de numéro plus élevé, de Bataillons provenant de Demi-brigades provisoires ou non encore embrigadés, groupés dans cette liste sous ce même numéro. Ces Demi-brigades nouvelles devaient ultérieurement, à la suite d'un tirage au sortn recevoir chacune l'un des numéros attribués à l'Armée dont elle faisaient partie (la Correspondance de Napoléon 1er précise que ces nouveaux numéros ont été pris à partir du 7 prairial an IV (26 mai 1796) et fait figurer dans les états l'ancien numéro à côté du nouveau). Ainsi, il résulte que la 39e Demi-brigade ancienne est devenue la 4e nouvelle. Pour la 4e, les unités prévues étaient donc les suivantes (d'après l'Etat du Général Gauthier) :

- 39e Demi-brigade : 860 hommes; 14e Demi-brigade provisoire : 736 hommes; 130e Demi-brigade : 624 hommes; 145e Demi-brigade : 450 hommes; 147e Demi-brigade : 439 hommes. Total : 3109 hommes.

Concernant les drapeaux, les Demi-brigades de Ligne formées en 1796 furent, en principe, dotées comme en 1794 d'un drapeau de 2e Batailon, et de deux drapeaux de 1er et 3e Bataillons. Ces drapeaux étaient conformes aux modèles de 1794, dessinés par l'ingénieur Challiot de Prusse, les drapeaux des 1er et 3e Bataillons ayant le dispositif tricolore caractéristique de la Demi-brigade. En réalité, si certaines Demi-brigades reçurent leurs drapeaux des modèles 1794-1796, d'autres, en particulier celles de l'Armée d'Italie et de l'Armée d'Egypte, ne les virent jamais flotter sur leurs rangs (O. Hollander).

Mais, en attendant que les nouveaux drapeaux soient confectionnés, il fallait donner provisoirement des drapeaux aux Demi-brigades de nouvelles formation. Sinon, chacun des Bataillons amalgamés aurait pu prétendre conserver son ancien drapeau et, au lieu de trois drapeaux, la Demi-brigade en aurait arboré six ou d'avantage, ou bien des conflits auraient pu surgir au sujet du choix des drapeaux à conserver. Ce choix importait pu pour le drapeau de 2e Bataillon, puisque tous les drapeaux de ce modèle étaient identiques dans toutes les Demi-brigades, et qu'il suffisait de coller sur le taffetas des écussons portant le nouveau numéro à la place de ceux portant l'ancien. Mais il n'en était pas de même, pour les drapeaux de 1er et 3e Bataillons. Chacun de ces Bataillons tenait à conserver le drapeau, dont le dispositif tricolore permettait de le reconnaître et qui lui rappelait un passé de gloire, de dangers et de souffrances. L'esprit de corps était très élevé dans les armées de la République et querelles et duels se produisirent nombreux entre Officiers et entre soldats de Demi-brigades diverses, tant en Italie en 1797 qu'à l'intérieur en 1798 et qu'en Suisse en 1799, provoqués par une orgueilleuse et farouche susceptibilité, exacerbation de cet esprit de corps.

Il était nécessaire d'éviter toute occasion de conflit ; le Directoire exécutif prit une décision très sage en prescrivant par l'Arrêté du 10 germinal an IV (30 mars 1796) : "Les généraux en chef feront choisir par la voie du sort parmi les drapeaux des bataillons amalgamés ensemble ceux qui devront être conservés. Les drapeaux non conservés par le sort et ceux qui, à cause de leur vétusté, n'auront pas été admis à cette opération, seront envoyés au ministère de la Guerre".

L'Armée d'Italie, qui nous intéresse tout particulièrement n'a pas reçu à temps l'Arrêté du 10 germinal (30 mars) et a de ce fait agi de façon toute différente dans le choix de ses drapeaux. Dès le 29 ventôse (19 mars), Schérer, Général en chef de cette armée, prescrit que les drapeaux à garder par les nouvelles Demi-brigades seront les drapeaux de la demi-brigade qui forme le cadre. Ceci est bien établi par la correspondance de Masséna et de Schérer (Fabry : Histoire de l'Armée d'Italie, 1796-1797, T. III, p. 325 et 386) :
"Masséna à Schérer, Savone, 24 ventôse (14 mars).
"... Quels sont les drapeaux qui doivent rester dans la nouvelle demi-brigade ? Moi, je pense que ce doit être ceux de la demi-brigade qui forme le cadre. Que fera-t-on des autres drapeaux ?".

"Schérer à Masséna, Nice 29 ventôse (19 mars).
"Vous avez raison, général, de penser que ce doit être les drapeaux de la demi-brigade qui forme le cadre qui doivent rester dans le nouveau corps et quant aux autres drapeaux, vous ordonnerez qu'ils soient transportés à Nice pour y être déposés à l'état-major jusqu'à ce que le ministre de la Guerre ait donné des ordres pour le lieu où ils doivent être définitivement transférés".

En admettant que l'Arrêté du 10 germinal (30 mars) soit parvenu à l'Armée d'Italie du 21 au 26 germinal (du 10 au 15 avril), l'embrigadement de neuf des douze brigades de ligne de cette armée était déjà fait à cette date, et même dès le 3 germinal (23 mars). Par suite les trois-quarts de ces demi-brigades s'étaient conformés aux ordres de Schérer. Il est plus que probable que l'on ne revint pas pour elles sur ce qui était déjà fait. Une autre façon d'agir aurait provoqué des récriminations. Déjà il s'en produisait, que Fabry a reproduites dans son Histoire de l'armée d'Italie, au sujet de la fusion des Demi-brigades anciennes et des Bataillons de volontaires, de la part de certaines de ces unités, fières, à juste titre, d'un beau passé et désespérées de perdre dans une formation nouvelle et par suite sans prestige, un nom ou un numéro glorieux. Le Général en chef y répondait en exprimant des regrets et en montrant son impuissance devant la loi et la règle commune. Ceci établi, que veut dire l'expression la demi-brigade qui forme le cadre, employée par Masséna et par Schérer ?

On ne saurait entendre par cette expression les cadres d'Officiers et de Sous-officiers d'une Demi-brigade. L'Arrété du 18 nivôse (10 janvier) (Titre II, Art. 2-3 et 4) spécifiait, en effet, que toutes les Demi-brigades anciennes devaient fournir les Officiers (excepté les Chefs de Brigade et de Bataillon, à la nomination du Directoire exécutif), et Sous-officiers de la Demi-brigade nouvelle, les plus anciens renplissant les emplois du nouveau corps. En réalité, la demi-brigade qui forme le cadre c'était la Demi-brigade de numéro le moins élevé - de 1 à 100 - dans laquelle venaient s'encadrer les autres Demi-brigades et les Bataillons; c'était la Demi-brigade ancienne qui dans l'état du Général Gauthier donnait son numéro à la nouvelle formation, provisoirement, en attendant que celle-ci reçut son nouveau numéro. Ceci ressort très nettement de l'Etat du Général Gauthier et aussi de la correspondance des Généraux de l'Armée d'Italie. Celle-ci emploie d'abord le numéro seul de la Demi-brigade ancienne, qui forme le cadre (Corresponance de Napoléon), puis côte à côte le numéro de cette Demi-brigade ancienne et celui de la demi-brigade nouvelle (Idem; pour notre Demi-brigade : 39e et (4e) côte à côte), pour adopter plus tard ce dernier seul. Jamais plus, à partir de leur embrigadement dans la Demi-brigade, qui forme le cadre, les autres Demi-brigades ne sont signalées.

Ceci ressort aussi des Rapports Historiques des Régiments de "l'Armée d'Italie pendant la Campagne de 1796-1797", établis à la fin de cette campagne par les Chefs de corps et publiés en 1905 par le Capitaine Fabry :
"La 4e demi-brigade de bataille ci-devant 39e..." "Ce fut dans cette dernière ville (Brescia qu'elle quitta le n°39 pour prendre le n°4 que le sort lui donna..." (Fabry).

... De tout cela ressort nettement que ces douze Demi-brigades anciennes de numéro inférieur à 100 "formaient le cadre" des Demi-brigades nouvelles, où vinrent s'encadrer les éléments provenant des autres Demi-brigades où Bataillons, dont les numéros ou noms disparurent des états et correspondance, dès l'amalgame fait. Seuls les numéros de ces Demi-brigades cadres survécurent jusqu'au jour où les numéros nouveaux, donnés en exécution de l'Arrêté du 18 nivôse an IV (8 janvier 1796), vinrent les remplacer. Etant donné, que ces douze Demi-brigades de bataille "formaient le cadre" des nouvelles Demi-brigades de ligne et qu'en exécution des prescriptions de Schérer, en date du 29 ventôse an IV (19 mars 1796), les Demi-brigades nouvelles devaient garder les drapeaux de la Demi-brigade "qui formait le cadre" à défaut de tout texte disant formellement quels furent les drapeaux de ces Demi-brigades de ligne, nous croyons devoir admettre que depuis l'amalgame, en 1796, jusqu'au 26 messidor an V (14 juillet 1797), ces drapeaux furent ceux du modèle de 1794, pour la 4e ceux de la ci-devant 39e...

Drapeaux de l'Armée d'Italie (1797)

A la fin de l'année 1796, un certain nombre de Demi-brigades composant l'armée d'Italie n'ont pas de drapeaux ou ceux qu'elles possédent sont en lambeaux. Le 14 décembre, Bonaparte décide de donner de nouveaux drapeaux à toutes les Demi-brigades de l'Armée d'Italie. Ainsi, il écrit le 24 frimaire de l'an V, depuis Milan, au Général Berthier, chef de l'Etat major général de l'Armée d'Italie : "Vous voudrez bien, citoyen général, faire faire, avec les emblèmes ordinaires, des drapeaux pour chacune des demi-brigades de l'armée; vous ferez écrire sur chacun d'eux le nom des affaires où les différents corps se sont trouvés, en distinguant par de plus gros caractères celles où ils ont contribué le plus".

Deux jours plus tard, Berthier confirme ces ordres à l'Adjudant Général Dufresne en rajoutant que Bonaparte "ordonne aux généraux de division d'envoyer avec le numéro des demi-brigades les légendes des principales affaires pour être inscrites sur les drapeaux de chaque demi-brigade. Les drapeaux sont presque finis on attends les états demandés, ils doivent être faits de manière à ce que chaque demi-brigade porte la légende qui lui est due". Cette demande sera renouvelée par Berthier le 20 décembre.

Toujours le 26 frimaire, Berthier écrit au Commissaire ordonnateur en chef Denniée de donner ses ordres pour faire confectionner ces drapeaux neufs et ajoute "je charge le chef de bataillon Léopold Berthier de surveiller la confection des drapeaux pour les attributions et pour les légendes... Il st nécessaire que dans vingt-quatre heures les drapeaux soient ordonnés; il en faut quatre-vingt-dix". Là dessus, Denniée écrit à l'inspecteur général du service de l'habillement Garros pour l'informer de toutes ces décisions et hâter la confection des drapeaux..

En ce qui concerne le modèle adopté pour ces drapeaux, il semble d'après une lettre datée du 10 janvier 1797 relative à la fourniture des nouveaux drapeaux que ce soit celui reproduisant le dispositif affecté en 1797 aux drapeaux de la 197e Demi-brigade, laquelle avait été supprimée par le décret du 10 germinal an IV ; la 197e avait été alors incorporée dans la 58e. Cette lettre est de Jean Jacques Boudet, négociant, qui s'engage à fournir et livrer dans un délais de un mois les drapeaux cvommandés "conformes au modèle qui m'a été remis portant le numéro de la Cent quatre vingt dix septième demi-brigade complet avec bâton à lance dorée, le bout de cuivre jaune ayant à l'extrémité un bout de fer étamé, cravates, et lequels drapeaux avec leurs attributs et jugés conformes au modèle me seront payés au prix de centre quatre vingt quinze livres numéraire de France en or ou en argent". Lettre signée pour accord par Garros et Denniée. Par ailleurs, Boudet écrit le 23 février 1797 au Général Berthier qu'il lui a été également commandé "de faire un sac de toile cirée pour chaque drapeau, doublé d'autre toile avec un bout de cuir et de laiton... Les drapeaux sont finis, mais ils ne peuvent être montés sur les bâtons qu'après qu'on y aura écrit les légendes à inscrire sur les revers". Boudet parle également des cravates destinées aux drapeaux, et notamment de la possibilité de les doter de franges d'or en graines d'épinard. Ces franges d'or furent effectivement adoptées pour les cravates par une décision du 8 avril 1797 (lettre de Berthier au Commissaire ordonnateur, qui précise que ces cravattes doivent être identiques à celles des 32e et 4e Demi-brigade et : "Vous voudrez bien donner vos ordres en conséquence pour que ces cravates soient confectionnées sans délai à Milan et ajoutées à chacun des nouveaux drapeaux. Dans le cas où partie de ces drapeaux sont déjà rendus à sa destination, on enverrait les cravates aux corps afin qu'elles y fussent ajoutées"). Quant aux étuis, ils ont bien été adoptés, mais la date de cette adoption n'est pas connue. Ils étaient en tout cas portés lors des célébrations du 14 juillet 1797.

Le 6 mars 1797, le Chef de Brigade Dupuy, de la 32e, écrit au Général Berthier depuis Milan : "Les drapeaux de la 32e sont finis aujourd'hui. Un chef de bataillon de la 4e prendra ceux de sa brigade aussi et nous partirons après-demain pour rejoindre nos corps".

Par ailleurs, pour récompenser les Demi-brigades qui se sont particulièrement distinguées pendant la glorieuse campagne de 1796-1797, les nouveaux drapeaux reçoivent, indépendemment des noms de batailles ou autres actions de guerre auxquelles elles ont participé, des légendes rappelant les témoignages d'admiration ou d'estime donnés par Bonaparte, soit verbalement, soit dans ses rapports. En ce qui concerne la 4e Demi-brigade, dans son rapport du 19 thermidor an V (6 août 1796) au Directoire sur la bataille de Castiglione, Bonaparte a écrit : "la 4e demi-brigade s'est comblée de gloire". Mais aucun document ne confirme que cette légende a figuré sur les drapeaux de ce corps. Pourtant, le Journal Historique de cette Demi-brigade indique : "La 4e demi-brigade de bataille, ci-devant 39e, a à s'applaudir d'avoir été une de celles qui ont le plus contribué à tant de succès et en jetant un coup d'oeil sur ses drapeaux, elle lira toujours avec orgueil le détail des actions nombreuses auxquelles elle a assisté".

Ce qui est certain, c'est que la 25e Demi-brigade a elle été autorisée à faire inscrire sur ses drapeaux "La 25e s'est couverte de Gloire"; mais curieusement, ni l'Historique manuscrit du 25e de Ligne conservé aux Archives historiques, ni le petit historique imprimé du Corps ne font mention de cette légende ni des circonstances de son attribution à la 25e Demi-brigade. Doit on en déduire qu'il y a eu une erreur d'attribution corrigée par la suite ?

Précisons que les drapeaux furent officiellement distribués lors d'une cérémonie officielle organisée le 14 juillet 1797 (lettre de Bonaparte à Berthier en date du 7 juin 1797 : la date initialement prévue était le 10 messidor ou 28 juin). Ainsi, les Corps ou Divisions ayant reçu ces drapeaux avant cette date devaient les faire garder par les Généraux de Division de l'Armée d'Italie jusqu'au moment de la fête. on doit donc supposer que la 4e Demi-brigade, qui avait réceptionné ses drapeaux bien avant cette date, les avait remis au Général Augereau, commandant de la 2e Division à vérone. Au cours de la cérémonie, les Demi-brigades échangent leurx vieux drapeaux contre les nouveaux.

Descriptif des drapeaux des Demi-brigades de l'Armée d'Italie (d'après O. Hollander) :

"Les drapeaux distribués le 14 juillet 1797 par ordre du général en chef Bonaparte, étaient d'un modèle uniforme pour toutes les demi-brigades de bataille composant l'armée d'Italie.
Les trois drapeaux de chaque demi-brigade ne différaient entre eux que par le numéro du bataillon et par la couleur distinctive du fourreau servant à fixer l'étoffe sur la hampe. Le fourreau était blanc pour le premier bataillon, rouge pour le second et bleu pour le troisième ; mais cette règle ne parait pas avoir toujours été observée.
La description qui suit n'a trait qu'à l'ensemble des ornements, inscriptions et des garnitures des drapeaux ...
L'étoffe est en taffetas de soie et mesure environ 1 m. 55 à 1 m. 62 dans les deux sens. Le drapeau porte dans son centre un carré blanc entouré sur chaque côté d'un trapèze divisé en trois bandes inégales aux couleurs nationales disposées obliquement. Dans chaque trapèze, la bande touchant le flottant est rouge ; celle du milieu, blanche, et celle attenant au carré, bleue. Sur la face du drapeau, le carré blanc est orné de deux branches de chêne vert entourant, dans sa partie inférieure, un faisceau de licteur coiffé d'un bonnet phrygien invariablement rouge écarlate.
Au-dessus du carré, sur la bordure tricolore, est disposée, sur une seule ligne, l'inscription : République Française, et, au-dessous du carré, celle de : Discipline et Soumission aux Loix mililaires.
Aux quatre angles de ce côté du drapeau, sont placés, par opposition, le numéro du bataillon, en lettres, et celui de la demi-brigade, en chiffres.
Sur le revers du drapeau, le carré blanc est orné d'une couronne civique de chêne vert; l'espace circonscrit par les deux branches était destiné à recevoir soit des légendes rappelant les témoignages donnés verbalement ou dans ses rapports par le général Bonaparte, soit la désignation du corps en toutes lettres. ou encore le numéro, de grande dimension, de la demi-brigade. Mais, sur la presque totalité de ceux de ces drapeaux qui existent encore, aucune de ces mentions ne figure.
Sur la bordure tricolore du même côté de ce drapeau, sont répartis, d'ordinaire horizontalement, les noms des batailles, combats ou autres actions de guerre auxquels assista chaque demi-brigade.
Les attributs représentés sur les deux faces de l'étoffe sont peints à l'huile, en couleurs naturelles. Les lettres et les chiffres des inscriptions sont peints en or avec traits d'ombre noirs.
L'étoffe est cousue à une large bande de la couleur distinctive du bataillon; cette bande enroulée plusieurs fois autour de la hampe, constitue un fourreau dont la couture de jonction est recouverte d'un galon en soie tricolore, quelquefois aussi d'un galon en soie bleue ou rouge; et. le tout est fixé à la hampe par une rangée de quatre-vingt-cinq clous en cuivre à tête bombée. A chaque extrémité du fourreau, le galon forme un pourtour maintenu par cinq clous.
Hampes peintes de couleurs diverses. Ces hampes ont environ 3 m. 05 de hauteur, y compris la pique (0 m. 18) et le talon (0 m. 10).
Aucun des drapeaux des demi-brigades de l'armée d'Italie que nous avons retrouvés, ne possède la cravate ni la cordelière à glands, qui furent ajoutées aux drapeaux en vertu d'une décision du 8 avril 1797
".

Pour en terminer avec les drapeaux de l'Armée d'Italie, il faut aussi rappeler que la décision de Bonaparte avait été prise ave une grande indépendance vis à vis du gouvernement à Paris. Hollander nous explique que Bonaparte avait sans doute eu l'assentiment du gouvernement pour procéder au changement, mais qu'il avait fait part d'une très extrême indépendance quant au choix du modèle, et surtout dans "l'innovation de faire figurer sur les drapeaux et guidons desinscriptions de batailles". Il en résultat d'une part une grande jalousie de la part des unités n'appartenant pas à l'Armée d'Italie, et d'autre part, la décision de la part du Directoire de rappeler les drapeaux distribués en Italie, et de les remplacer par de nouveaux (juillet 1798). Cependant, s'il était possible de procéder pour les Corps rentrés en France, il ne l'était guère pour ceux demeurés en Italie. Qu'en est il de la 4e ? Cette dernière est rentrée en France au début de l'année 1798. A t'elle été concernée par cette mesure ? Nous n'en savons absolument rien. Charrié pour sa part estime que les drapeaux distribués à l'Armée d'Italie ont été sans doute en service jusqu'en 1804.

Pas d'originaux conservés pour la période 1796-1804 (Charrié).

 

Drapeaux modèle 1804
Drapeau du 1er Bataillon du 4e de Ligne
Plaque de shako du 4e de Ligne 1815
Voir également le drapeau représenté dans le H. S. de Tradition N°22, en page 37. Dimensions du drapeau : 80 x 80 cm.
Aigle et hampe du 1er bataillon du 4e de Ligne, conservées dans les réserves du Musée de l'Hermitage, à Saint Petersbourg. Déposées à l'origine à la cathédrale de l'Annonciation à Saint Pétersbourg, où se trouvaient les anciens étendards de la Garde à cheval. Là, l'étoffe acheva de disparaître peu à peu et en 1929, lorsque les soviétiques décidèrent de raser la cathédrale, seules restaient la hampe et l'aigle, qui furent transférées à l'Hermitage.

Le 4e de Ligne en 1804 reçoit 3 aigles et drapeaux modèle Challiot. A Austerlitz, l'aigle et le drapeau du 1er Bataillon sont pris par la Garde à cheval russe. Le 21 novembre 1806, le 4e reçoit une nouvelle aigle en remplacement de celle perdue à Austerlitz par le 1er Bataillon (voir partie historique). A Eylau, l'aigle du 2e Bataillon est brisée par un boulet.

Le 18 février 1808, l'Empereur promulgue un Décret dont les dispositions sont les suivantes :

"Art 17
Chaque régiment aura une aigle qui sera portée par un porte-aigle ayant le grade de lieutenant ou de sous-lieutenant, et comptant au moins dix ans de service, ou ayant fait les quatre campagnes d' Ulm, d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland ; il jouira de la solde de lieutenant de première classe.
Deux braves pris parmi les anciens soldats non-lettrés, qui, par cette raison, n'auront pu obtenir d'avancement, ayant au moins dix ans de service, avec le titre, l'un de second porte-aigle, et l'autre de troisième porte-aigle , seront toujours placés à côté de l'aigle ; ils auront rang de sergent et la paie de sergent-major ; ils porteront quatre chevrons sur les deux bras.
L'aigle restera toujours là où il y aura le plus de bataillons réunis.
Les porte-aigles font partie de l'état-major du régiment ; ils sont nommés tous les trois par nous, et ne peuvent être destitués que par nous.

Art 18
Chaque bataillon de guerre aura une enseigne portée par un sous-officier choisi par le chef dans une des compagnies de ce bataillon.
Le bataillon de dépôt n'aura aucune enseigne.

Art 19
Les régiments de ligne ont seuls des aigles pour drapeaux ; les autres corps ont des enseignes.
Nous nous réservons de donner nous-même les nouvelles aigles et les enseignes aux nouveaux régiments
".

Le 8 avril 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "... j'approuve que tous les corps renverront leurs aigles en France hormis une qu'ils garderont. En attendant qu'ils aient des enseignes, vous les autoriserez à faire faire pour chaque bataillon des enseignes très-simples, sans devise et le tiers de celles qu'ils avaient autrefois. Ces enseignes sont pour leur servir de ralliement ; elles n'auront aucune décoration de bronze, elles porteront seulement le numéro du régiment et du bataillon. Quant au corps du général Oudinot, il faut que chaque bataillon fasse faire un petit drapeau d'un simple morceau de serge tricolore, portant d'un côté le numéro de la demi-brigade et de l'autre le numéro du bataillon, comme, par exemple, 4e bataillon du 6e d'infanterie légère d'un coté, et de l'autre 1re demi-brigade légère, etc. Il faut faire pour cela très-peu de dépense. J'en ferai faire de très-belles, que je donnerai moi-même aussitôt que possible" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 15030 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20750).

Le 28 juin 1809, depuis Schönbrunn, Napoléon ordonne : "Article 1er. Les 1er et 2e porte-aigles de chaque régiment seront armés d'un esponton formant une espèce de lance de cinq pieds, auquel sera attachée une banderole, qui sera rouge pour le premier porte-aigle, blanche pour le second. D'un côté sera le nom du régiment, de l'autre le nom de l'Empereur.
Art. 2. Ces espontons seront fournis par le ministre de la guerre mais, en attendant, les régiments seront autorisés à s'en procurer. Cet esponton sera une espèce de lance dont on se servira comme d'une baïonnette. Les banderoles blanche et rouge serviront à marquer le lieu où se trouve l'aigle.
Art. 3. Le premier et le second porte-aigles porteront, indépendamment de l'esponton, une paire de pistolets, qui seront dans un étui, sur la poitrine, à gauche, à la manière des Orientaux
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3281).

A Wagram, l'aigle du 3e bataillon est prise par le Régiment autrichien Guylai.

L'aigle du Régiment en Russie (1812)

Voici ce que l'on peut lire dans l'ouvrage de O. Hollander : "Nous extrayons des Souvenirs du duc de Fezensac, alors colonel du 4e de ligne, qui faisait partie du 3e corps, ce passage peignant la physionomie de la retraite vers le 2 décembre :
"Quand l'excès de la fatigue nous forçait de prendre un peu de repos, nous nous réunissions tous dans une grange avec les aigles des régiments et quelques soldats qui veillaient à leur défense. Bientôt on donna l'ordrc de briser les aigles et de les enterrer. Je ne pus y consentir. Je fis brûler le bâton ct mettre l'aigle dans le sac d'un des porte-aigles, à côté duquel je marchais constamment".

Cette aigle a-t-elle été rapportée en France ou est elle restée en Russie, c'est ce que la suite des Souvenirs précités ne dit pas. Quoi qu'il en soit, il existe en Russie une aigle sans hampe ni drapeau portant le n° 4, et nous ne pensons pas que cette aigle soit celle que le régiment perdit à Austerlitz, car, d'après les Mémoires du général Bigarré, cette aigle est demeurée en la possession du grand-duc Constantin".

Question : qu'est il advenu de cette aigle ? Appartient elle véritablement au 4e de ligne ? Voici la réponse apportée par le Général Adolenko, qui, tout en faisant l'analyse du travail de Hollander, apporte un certains nombre d'éléments qui prouvent que cette aigle n'appartient pas au 4e de Ligne :

"L'inventaire communiqué à Hollander, mentionnait "une Aigle, portant le numéro 4". Dans un article du général Heckel, paru dans "Razvedtichik ", 1901, p. 318, il est question de :
"Un drapeau français avec aigle dorée du 4e régiment d'infanterie de ligne".
Mais dans l'ouvrage du même auteur, paru en 1909, nous relevons :
"Aigle du 4e régiment d'infanterie de ligne. L'étoffe ne s'est pas conservée. L'aigle a été prise à Krasnoié".
La contradiction entre ces deux derniers passages est facile à expliquer. Ce qu'Heckel qualifie de "drapeau" dans son premier texte, est en réalité la banderole d'esponton du 17e de ligne qui a été clouée par les Russes sur la hampe.
Nous sommes arrivés à la conclusion que sur les deux affirmations d'Heckel : "4e de ligne" et "prise à Krasnoié", la première est manifestement erronée et, peut-être aussi la seconde.
Si cette Aigle a appartenu au 4e de ligne, et nous sommes convaincus du contraire, elle ne pouvait pas être perdue à Krasnoié. Le duc de Fezensac qui commandait le régiment en 1812, écrit (p. 286) :
"Notre attaque (à Krasnoié) n'avait pas duré un quart d'heure et la deuxième division n'existait plus. Mon régiment perdit plusieurs officiers et fut réduit à 200 hommes. Le régiment d'Illyrie et le 18e, qui perdit son aigle, furent encore plus maltraités, le général Razout, blessé, le général Lanchantin fait prisonnier (Commandant le 46e de ligne)".
Il y a des hommes, dont le témoignage ne peut être mis en doute, tel est le cas de Fezensac. Or, il mentionne la présence de l'Aigle bien après l'affaire de Krasnoié. Quelques jours après, il écrit :
"Nous nous réunissons tous dans une grange avec les aigles des régiments et quelques soldats, encore armés, qui veillaient à leur défense".
Enfin, après Berezina, il note (p. 314) :
"Bientôt, on donna l'ordre de briser les aigles et de les enterrer. Je ne pus y consentir. Je fis brûler le bâton et mettre l'aigle dans le sac d'un des porte-aigle, à côté duquel je marchais constamment".
Témoignage confirmé le 2 décembre 1812, par Castellane, qui note dans son journal : "Fezensac a quatre hommes avec son aigle".
Ainsi, l'Aigle du 4e de ligne n'a pas été perdue à Krasnoié et l'examen d'autres documents permet de conclure que cette Aigle a été sauvée.
Aux Archives de la Guerre, nous avons trouvé une indication précieuse. Le 24 février 1813, le colonel de Fezensac signale que le 1er porte-aigle du régiment, le sous-lieutenant Montigny, est toujours présent au corps. En effet, à cette date, nous avons trouvé une proposition du colonel :
"Pour Lieutenant : M. Montigny, sous-lieutenant porte-aigle".
Nous le retrouvons peu de temps après, promu, mais "conservant ses fonctions". Le 16 juin 1813, le régiment rend compte :
"Les 2e et 3e porte-aigle du 4e régiment d'infanterie de ligne ont été faits prisonniers dans la dernière campagne. Le Conseil d'Administration de ce corps présente comme candidats à ces deux emplois, les sieurs :
2e porte-aigle : Bourson, sergent, 41 ans, 21 ans de service, 17 campagnes, 4 blessures.
3e porte-aigle : Christani, sergent, 29 ans, 8 ans de service, 7 campagnes, 3 blessures".
Si ces propositions sont faites et Montigny maintenu dans ses fonctions, c'est que l'Aigle est toujours présente au corps. D'ailleurs, le 8 juin, un compte rendu chiffré parvenait à l'Empereur :
"Il résulte des réponses que j'ai reçues, que des 28 régiments des 1er et 2e corps, il n'y a que le 18e de ligne qui ait perdu son aigle au combat de Krasnoié".
Si le 4e de ligne avait perdu son Aigle en 1812, elle lui aurait été remplacée, or, dans les documents de l'époque, nous n'avons pas trouvé trace de son remplacement. Ainsi donc, le général Heckel a été induit en erreur. Le 4 de ligne n'a pas perdu son Aigle, ni à Krasnoié, ni ailleurs...
Pourquoi les Russes, ont-ils cru que cette Aigle appartenait au 4e de ligne ? L'hypothèse suivante peut être avancée. A Krasnoié les Uhlans de la Garde se sont emparés de 2 Aigles. L'une a été immédiatement identifiée, celle du 18e de ligne, si l'autre portait le n°4, il paraissait logique de l'attribuer au 4e de ligne, qui combattit aux côtés du 18e
".

Ajoutons une pièce au dossier : le Sergent Charles Bénard, qui servait à l'époque au sein du 4e de Ligne, et dont nous avons reproduit l'intégralité de ses Mémoires, dit clairement au sujet du retour de Russie de l'Aigle et de son drapeau : "Le drapeau ! en vérité, ce fut à peu près la seule chose ... que conserva le régiment à la fin de cette funeste campagne; car des deux mille quatre cents hommes qui ... franchirent le Niémen à la suite de leur aigle, seize cents manquaient déjà à l'appel au sortir de Moscou, le 10 octobre 1812 ; et, deux mois plus tard, quand l'aigle rentra en France, elle n'était plus entourée, hélas, que de deux cents intrépides".

Précisons que d'après un état datant de l'année 1810, devait figurer sur le drapeau du 4e de Ligne, modèle 1812, les batailles suivantes : Ulm, Austerlitz, Jéna, Eylau, Eckmühl, Essling, Wagram (O. Hollander). Pierre Charrié précise que l'Aigle est présente au Corps en décembre 1813.

Drapeaux modèle 1815

En 1815, le 4e de Ligne reçoit une Aigle et drapeau modèle 1815. D'après un état datant du 22 septembre 1815, le 4e de Ligne a déposé le 31 août 1815 dans les magasins d'artillerie de Bourges, 1 Aigle, 1 drapeau, 1 cravate et 1 gland (O. Hollander). Pierre Charrié indique que le tout a été détruit à Bourges.

III/ Sources :

Bibliographie

- Adolenko (Général) : "Aigles de Napoléon contre drapeaux du Tsar"; paris, 1969

- Album Schmidt

- Bucquoy : L'Infanterie.

- Documents de H. Rommel

- Ferron (Médecin Lieutenant colonel) : "Quels furent les drapeaux des douze premières Demi-brigades de ligne de l'Armée d'Italie"; Carnet de la Sabretache, 1931.

- Colonel De Fézensac : "Journal de la campagne de Russie en 1812".

- Fichier Carl

- Historique régimentaire.

- Hollander O. : "Les Drapeaux et Etendards de l'Armée d'Italie et de l'Armée d'Egypte, 1797-1801"; Carnet de la Sabretache, 1904.

- Hollander O. "Nos drapeaux et étendards de 1812 à 1815".

- Juhel P. : "L'habit blanc"; In Soldats Napoléoniens N°11 - septembre 2006.

- Martinien A. : "Tableaux par corps et par batailles des officiers tués et blessés pendant les guerres de l'empire (1805-1815)".

- Notes de l'auteur.

- Petits Soldats d'Alsace

- Regnault (Général Jean) : "Les Aigles Impériales, 1804-1815" ; Paris, 1967.

- Rigo : Le Plumet, planches 78, 150,166.

Ressources numériques en ligne

- Site de R. Darnault : http://darnault-mil.com/Militaires/regiments/infanterie_ligne.php

- Collection de situations Nafziger : http://usacac.army.mil/cac2/CGSC/CARL/nafziger

- Robert Ouvrard : Historique des régiments : Le 4e de ligne (http://www.histoire-empire.org/historiques_de_regiments/4e_ligne.htm)

- Histoire régimentaire et divisionnaire de l'armée d'Italie, commandée par le général Bonaparte : historiques des demi-brigades rédigés en vertu des ordres du général en chef Bonaparte par les chefs de corps ou les conseils d'administration ; recueillis par A.B. ; avec une carte, dressée spécialement pour l'intelligence du texte (http://www.simmonsgames.com/research/authors/SpectateurMilitaire/HistoireRegimentaireItalie/TOCFrench.html).

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