1ère Demi-brigade/1er Régiment d'Infanterie légère

1797-1815

Accès à la liste des Officiers, cadres d'Etat major, Sous officiers et hommes du 1er Léger

Accès à la liste des hommes du 1er Léger à partir de 1805

Avertissement : La base de cette étude est constituée de l'Historique du 1er Léger, que nous avons reproduit intégralement, complété par les différentes sources dont nous disposons actuellement.
Nous remercions vivement Monsieur Peter Harrington, Conservateur de la "Anne S. K. Brown Military Collection, Brown University Library", de nous avoir avoir autorisé à mettre en ligne une série de dessins de Pierre Albert Leroux consacrés au 1er Léger.
Un très grand merci aussi à Yves Martin pour les informations qu'il nous a communiquées, concernant les figurines Boersch du Musée de Compiègne; et pour nous avoir autorisé à utiliser des dessins de H. Boisselier. Merci également à Claude Achard de nous avoir permis d'utiliser des documents de sa collection familiale.
Nos remerciements s'adressent également à Monsieur Daniel Lemaire, pour ses recherches sur le Sergent François Noirot (souvent dénommé par erreur Jean Baptiste) et le sabre d'honneur qui lui fut accordé, recherches qu'il nous a fort aimablement autorisé à mettre en ligne (accès au dossier Noirot-Lemaire.pdf). Celles-ci, du plus grand intérêt, permettent ainsi de corriger une erreur diffusée dans de nombreux ouvrages, et de mieux connaître la vie du soldat Noirot. Un très grand merci donc à Monsieur Lemaire !

I/ Historique

A/ Organisation de la 1ère Demi-brigade de deuxième formation

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Cachets de la 1ère Demi-brigade ; collection privée

La 1ère Demi-brigade Légère a été formée le 9 ventôse an IV (28 février 1796) de la seule ancienne 14e Demi-brigade Légère de première formation, qui elle même avait été organisée le 1er floréal an III (20 avril 1795). L'Historique régimentaire pour sa part indique que "La nouvelle 1re demi-brigade légère n'est autre que la 14e demi-brigade légère de 1re formation, à laquelle échut le n° 1 dans le tirage au sort qui eut lieu le 9 floréal an IV (25 avril 1796), à Cochem, en exécution de l'arrêté du 10 germinal an IV (30 mars 1796) sur la réorganisation des demi-brigades". Cette 14e de 1ère formation avait été organisée par l'amalgame :

- du 14e Bataillon de Chasseurs (les Etats militaires de l'an X indiquent sans aucun doute par erreur le 4e Bataillon de Chasseurs) :

Formé le 5 août 1791 des Compagnies soldées de la Garde parisienne groupant beaucoup de Gardes Françaises, en exécution, nous dit l'historique régimentaire, "du Décret du 1er avril 1791 qui prescrivait : 1° que les 12 bataillons de Chasseurs existants ne seraient plus désignés désormais que par leur numéro ; 2e que deux nouveaux bataillons de Chasseurs seraient créés : le 13e et le 14e. La Garde nationale de Paris avait été créée elle même, le 7 septembre 1789 avec le régiment des gardes-françaises".

Le 14e Bataillon d'infanterie légère est commandé par les Lieutenants-colonels Queissat et Hacquin. Le 14e Bataillon de Chasseurs (14e Bataillon d'Infanterie légère) reçoit en incorporation le 24 janvier 1792 2 Compagnies des Chasseurs de Barrières, 1 Compagnie de Volontaires de la Bastille, la 1ère Compagnie Nantaise et la 4e Compagnie franche du Nord. Toutes ces Compagnies ont été levées en septembre 1789.

Le 14e Bataillon a fait les campagnes de 1792, 1793, et des ans II et III aux armées de Sambre-et-Meuse, du Nord et du Rhin. Il a pris part aux batailles, combats et sièges ci-après. En 1793 : Juliers, 1er mars; Nerwinde, 18 mars; Bois de Raismes près Valenciennes, 1er mai.

Le 14e combat à Hondschotte les 7 et 8 septembre 1793. La victoire de Houchard à Hondtschoote (6, 7 et 8 septembre) marque la défaite des Anglo-Hanovriens du duc d'York et de Wallmoden (Picard : "Au service de la Nation, lettres de Volontaires, 1792-1798". Sur la campagne de Hondtschoote et ses conséquences, cf. Chuquet, Les guerres de la Révolution, Hondtschoote; Capitaine V. Dupuis, La campagne de 1793 à l'armée du Nord et des Ardennes, t. 1; et Lieutenant-colonel Lévi, Les Français à Fumes (1792-1794), extrait du tome LIII des Mémoires de la Société Dunkerquoise)

Le 4 octobre 1793, le Caporal fourrier Demonchy, du 14e, écrit depuis Rousbrugge, localité de Flandre occidentale (Belgique), entre Ypres et Bergues :
"Au républicain Demonchy, contrôleur des charrois des armées, du dépôt de Péronne, rue et vis-à-vis l'église Saint-Jean, à Péronne.
De Rousbrugge, ce 4 octobre 1793,
l'an II de la République.
Mon très cher frère,
L'indifférence que vous me témoignez en ne me répondant point aux trois lettres que je vous ai écrites m'oblige de vous en écrire une quatrième. Je suis au désespoir de ne point recevoir de vos nouvelles. Je crois que vous m'abandonnez totalement. Oui, je vous le répète, vous me mettez au désespoir, mais j'espère qu'aussitôt la réception de la présente, vous voudrez bien me racheter la vie en me donnant de vos nouvelles et de celles de mes parents que j'attends avec impatience.
Je vous apprendrai pour nouvelles que nous avons fait des grandes conquêtes dans le pays que nous occupons actuellement. Vous avez sûrement entendu parler de la prise de Hondtschoote, où nous avons pris 158 pièces de canon à l'ennemi et un butin très considérable ; enfin la victoire a été complète et l'ennemi mis tout à fait en déroute.
Nous sommes présentement cantonnés sur le pays ennemi, trois lieues de Bergues, six de Dunkerque et cinq de Furnes. Le bourg que nous habitons est totalement ruiné. Par le pillage que l'on y a commis, la moitié en est réduit en cendres et les habitants sont tous à la fuite, de façon que nous y sommes les maîtres.
Nous faisons de fréquentes découvertes dans les alentours de notre cantonnement ; nous avons quelques petits assauts, mais très rarement. Dernièrement, nous avons fait une découverte en avant, à trois lieues du cantonnement, et cela par ordre du général; nous avons pris chevaux, poulains, vaches, moutons, cochons, enfin tous les bestiaux en général, et, d'après ces expéditions, l'on entre chez le paysan et, après avoir bien bouffé, bien bu son vin, l'on b... les particulières et l'on en emporte les couronnes et les esquellins. Voilà de la façon dont nous nous comportons chez messieurs les Impériaux ; ils font encore bien pire chez nous, ils agissent avec cruauté, au lieu que nous autres Français, toujours avec humanité.
Nous faisons ici des bombances éternelles : la viande y est en profusion et l'on y jette les gigots par la fenêtre ; le vin y coule, quoiqu'à trois livres la bouteille ; nous avons pris pour 2 700 livres de cuir, que nous avons vendu à Bergues au profit du bataillon.
Le bruit court que le Turc vient à grande force contre l'Empereur ; ainsi, si cela est, nous serons débarrassés de ce côté-là, vu que l'Empereur portera ses forces de l'autre côté. Je désire ardemment que cela soit et que cette paix, si longtemps désirée, arrive.
Je vous réitère encore une fois, mon cher frère, de me donner de vos nouvelles ; aussitôt la présente reçue, donnez-moi, s'il vous plaît, un détail exact de ce qui se passe au pays. L'on dit que l'ennemi est aux environs de Saint-Quentin; si cela était, ça serait bien malheureux pour notre famille.
Donnez-moi des nouvelles de mon père, ma soeur, mon frère Albert et toute la famille, que j'embrasse de tout mon coeur, principalement maman Catherine, que j'assure de mon respect; donnez-moi des nouvelles de votre femme, de vos enfants, de Louison et du petit que j'embrasse.
Et je finis en vous embrassant du plus profond de mon coeur, et j'ai l'honneur d'être, mon très cher frère,
Votre très affectionné frère,
A. Demonchy,
Caporal fourrier au 14e bataillon d'infanterie légère, compagnie Lachaud, avant garde de l'armée du Nord
" (Picard : "Au service de la Nation, lettres de Volontaires, 1792-1798". L'auteur précise en notes que le nom du Capitaine commandant la Compagnie du Caporal-fourrier Demonchy doit s'écrire Lachaux en citant comme source L. Hennet, Etat militaire de la France pour l'année 1793, p. 194. La lettre de Demonchy provient des Archives départementales du Nord, liasse 2.144; sa copie avait été communiquée à Picard par le Lieutenant-colonel Lévi).

L'avant-garde de l'armée du Nord comprend à cette date "1.500 chevaux, 4.500 hommes de troupes légères et 3.000 chasseurs du Mont-Cassel, aux ordres du colonel Vandamme" (Picard, d'après Foucart et Finot, La défense nationale dans le Nord de 1792 à 1802, t. II, p. 92).

Le 14e combat également à Poperingue, le 16 novembre 1793.

En 1794 : Grugeon, 10 mai

Le 17 mai, le Général Moreau écrit au Général Vandamme : "Le général de brigade Vandamme est prévenu que toutes les troupes à droite de la Lys attaquent demain matin l'ennemi du côté de Turcoing. Il sera chargé avec sa brigade de défendre le passage de la Lys depuis Courtrai jusqu'à Vervike, Commines et Warneton. L'ennemi est actuellement maître de Gheluwe et de Vervicke-nord. Outre le bataillon de l'Égalité, j'y ai envoyé le 14e bataillon de chasseurs, 400 hommes et deux pièces de 4 ; j'ai donné l'ordre d'envoyer à Warneton 100 hommes et une pièce …" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 144).

Turcoing, 18 mai; Commines, 17 juin; Ostende, 3 juillet.

Dans une lettre datée du 29 juillet 1794, le Général Vandamme écrit, depuis Yzendyck, au Général Moreau pour lui signaler que "... le capitaine des carabiniers du 14e s'est aussi distingué, ainsi que beaucoup d'autres dont j'ignore les noms. J'ai tort de t'en nommer quelques-uns, parce que j'ai eu beaucoup de peine à retenir tous les soldats de ma brigade ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 179 - Note : voir plus bas au Bataillon de Chasseurs du Mont-Cassel).

Le 28 octobre 1794, le Général Laurent écrit au Général Vandamme : "Je t'avais mandé de faire partir le 14e de chasseurs à pied avec des chasseurs à cheval pour Languedone ; mais comme la garnison de Venloo ne passe pas par Queldres, donne-leur ordre de s'arrêter à Stralen, où ils joindront la division à son passage ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 184).

Au commencement de novembre 1794, le 14e Bataillon d'infanterie légère, fort de neuf cents hommes, fait partie de la Brigade Vandamme (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 193).

Le 4 novembre, le 14e Bataillon d'infanterie légère, passé à la Brigade Laurent, s'établit entre Calcar et Clèves (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 194).

Le 9 novembre 1794, on juge nécessaire d'enlever un pont que l'ennemi conserve devant Wesel, près du village de Buderich. Il est défendu par une tête fortifiée et par de l'artillerie placée sur la rive gauche. Le Général Lefebvre, commandant la Division de gauche de l'armée de Sambre-et-Meuse, est prié de participer à l'opération, en envoyant, le 10, quelques troupes légères sur Buderich. Vandamme rassemble sa Brigade et celle du Général Laurent , près de Xanten, dans la nuit du 9 au 10 novembre. Il fait bivouaquer ses troupes et les met en marche à 3 heures du matin, dans le plus grand silence. Le 23e de Chasseurs à cheval, rappelé de Nimègue pour cette expédition, éclaire la marche.

Vers cinq heures, la tête de colonne arrive à l'entrée de la plaine de Buderich. Vandamme ayant formé sa ligne, dirige l'attaque de façon à déborder la tête de pont par les deux ailes avec ses troupes légères, tandis que toutes les Compagnies de Grenadiers des deux Brigades réunies constituant un Bataillon d'élite , abordent de front le village, soutenues par deux Bataillons de ligne et par un Escadron de Chasseurs.

L'ennemi, vigoureusement poussé, se replie derrière les retranchements de la tête de pont. Le 23e de Chasseurs à cheval le charge jusqu'au pied des ouvrages, mais ne trouvant pas de passage, il est obligé de rétrograder. Le 14e Bataillon et le 2e du 22e de Ligne de la Brigade Laurent reçoivent l'ordre de monter à l'assaut à la baïonnette. La résistance est vive, mais l'attaque tellement impétueuse, que les Autrichiens culbutés se jettent en désordre sur le pont. On les y joint. Beaucoup sont hachés et tués à l'arme blanche. Il se passe alors un fait assez singulier. L'ennemi parvient à couper le pont avec une telle promptitude que deux bateaux s'en détachent brusquement et suivent le cours du Rhin. Ils sont remplis d'Autrichiens et de Français et l'on ne peut les faire aborder sur la rive gauche qu'à un quart de lieue plus bas.

Ce pont n'est pas précisément sur le Rhin, mais bien sur le canal de Buderich, sorte de saignée faite au fleuve pour détourner son cours qui menace parfois Wesel d'inondation. Entre ce canal et le Rhin existe une petite île que l'ennemi a très-habilement retranchée et qui communique à la ville par un pont volant pouvant transporter cinq cents hommes à la fois.

Aussitôt qu'on est maître de la tête de pont commandée par toutes les batteries de la place et de la citadelle, les batteries ennemies font un feu qui terrible, mais les troupes sont abritées derrière la digue. Vandamme fait aussitôt construire une sorte de chemin couvert sur le bord du Rhin. Un Officier du 14e Bataillon se jette à la nage et va mettre le feu au pont volant qui brûle tout entier.

Après ce beau combat, l'ennemi étant rejeté sur la rive droite du fleuve, les deux Brigades aux ordres de Vandamme campent à Buderich et en arrière du village. Les troupes de Sambre-et-Meuse arrivées au milieu de l'affaire et restées en réserve rejoignent leurs cantonnements (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 195).

Le Général de Brigade Vandamme écrit, de Ginderick, le 9 novembre 1794, au Général Moreau : "Je te rends compte, général, que, d'après tes ordres, je partis hier de Clèves, avec la 48e demi-brigade, le 1er et le 2e de la 43e, et le 2e de la 44e, les deux bataillons d'infanterie légère et les deux régiments de cavalerie, pour aller bivouaquer à Xanten. Le 23e est venu m'y joindre le soir. J'ai fait former un bataillon de grenadiers, commandé par Habert, capitaine au 5e de Saône-et-Loire. Ce matin je me suis mis en marche à quatre heures pour attaquer Buderich. Le 14e et le 21e de chasseurs fut chargé de foncer sur la droite du village ; les chasseurs du Mont-de-Cassel et le 23e sur la gauche, tandis que nous l'attaquerions de front. Après une assez vive résistance, nous sommes entrés sur trois points dans le village ; nous avons poursuivi l'ennemi avec vigueur, il s'est défendu de même, et enfin, nous avons enlevé à la baïonnette la tête de pont qu'il avait construit sur le bord du canal de Buderich, et nous l'avons culbuté sur le pont avec une très-grande perte. Nous avons fait une trentaine de prisonniers. L'ennemi eut encore le temps de couper ce pont, en détachant deux bateaux qui suivirent le courant, de manière que nous ne pûmes le poursuivre dans l'espèce de fort situé entre le canal et le Rhin. Cependant, il fut bientôt obligé de se retirer entièrement sur l'autre rive du Rhin. Un officier du 14e se jeta à la nage, et mit le feu au pont de bateaux, qui brûle dans ce moment ...
La troupe a montré, dans cette expédition, le plus grand courage ; j'ai surtout à me louer du 14e et du 2e de la 44e demi-brigade. Je te prie de m'envoyer de nouveaux ordres le plus tôt possible, la troupe étant très-fatiguée
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 203).

- du 5e Bataillon de Tirailleurs (Dupont)

Du Casse l'appelle 5e bataillon de Tirailleurs (ancien Bataillon Paoli). Selon Bernard Coppens, il est organisé par décret du 10 novembre 1793 (exécuté le 23 janvier 1794) en fusionnant les éléments suivants :
1° 1er Bataillon de Chasseurs de Jemmapes (créé à Jemmapes le 5 novembre 1792, la veille de la mémorable bataille dans laquelle le Duc de Chartres s'immortalisa en se jetant avec le jeune Bataillon de Jemmapes au milieu des troupes éparses qu'il entraîna à la victoire), 2e Bataillon de Chasseurs de Jemmapes (créé à Mons le 22 février 1793). Ces deux Bataillons prirent part au blocus du Quesnoy et de Maubeuge en août et octobre 1793. En l'an II, ils étaient : le 1er, à l'armée de l'Ouest, puis à l'armée du Nord; le second, à l'armée du Nord.
2° : 2e Bataillon Belge (levé le 11 novembre 1792 à Bruxelles avec des volontaires sous le nom de Chasseurs de Paoli). Ce Bataillon fit les campagnes de 1793 à l'armée du Nord.
3e : Chasseurs de Pauly, selon Bernard Coppens ; sont-ce les Chasseurs de Paoli donnés par d'autres sources ?

Le 5e Bataillon de Tirailleurs a pris part en 1794 aux affaires suivantes : Grugeon, 10 mai; Tournai, 18 mai; Empleuse, 21 mai; Commines, 17 juin; blocus de Maubeuge, juin et juillet; blocus d'Huningue, août; passage de Wahal, 11 et 12 décembre.

- du Bataillon des Chasseurs du Mont Cassel (Nord) :

Organisé à Cassel le 5 septembre 1793 (le 14 septembre 1793 selon B. Coppens, qui s'appuie sans doute sur le Général Susane). Le Récit abrégé des campagnes des IIe et IIIe années républicaines, ouvrage écrit par Vandamme lui-même et publié après sa mort, commence en ces termes : "Capitaine d'une compagnie franche de mon nom, je fus reçu, le 5 septembre 1793, à Godewarsvelde, chef du bataillon du Mont-Cassel". Le Bataillon est formé avec les éléments suivants (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 11) :

- Compagnie de Chasseurs francs de Vandamme dite Chasseurs du Mont-de-Cassel.

A. du Casse nous dit qu'à la fin d'août 1792, Dominique René Vandamme est parvenu à lever une belle Compagnie de Chasseurs francs appelés d'abord Chasseurs du Mont-de-Cassel.

L'ordre en vertu duquel le jeune Capitaine est appelé à organiser cette Compagnie est le suivant : "AU NOM DE LA NATION FRANÇOISE.
Monsieur Vandamme, fusilier au 24e régiment d'infanterie, est autorisé à former de suite une compagnie franche de cent hommes, dont il sera commandant. Le lieutenant et le sous-lieutenant de ladite compagnie seront à sa nomination. La compagnie nommera au scrutin et à la pluralité des suffrages, un sergent-major, quatre sergents, et huit caporaux.
Monsieur Vandamme partira de suite pour se rendre à Cassel, où il établira le dépôt de sa compagnie, et fera sans délai le travail relatif à son traitement.
Au quartier général à Valenciennes, le 24 août 1792, l'an IV de la Liberté. Par ordre du général d'armée,
Le lieutenant général, chef de l'état-major de l'armée du Nord,
Signé J.-M. MORETON.
Vu, au directoire du district d'Hazebrouck, après que M. Vandamme a prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant. Fait en séance, ce 27 août 1792, l'an IV de la Liberté et le premier de l'Égalité (Suivent les signatures).
Vu à la municipalité de Cassel, le vingt-neuf août, 17 c. quatre-vingt-douze
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 13 - Note : Ce document fait partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II).

Jean Milot, dans un article intitulé "La compagnie franche de Vandamme", publié en 1989 (In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806), démontre que Vandamme a profité d'un certain nombre d'irrégularités : ainsi, entre autres, si le 24 août, il est autorisé à lever une Compagnie à son nom, ce n'est que le 25 août qu'il reçoit son congé absolu du 24e de Ligne (24e Régiment d'infanterie. Congé militaire donné à Vendame, dit Vendame. Fait à Lille, le 25 août 1792. Certifié par les officiers composant le conseil d'administration dudit régiment, 4 signatures (dont celles de Ferrand et d'Abboville). Approuvé par le colonel du 56e régiment d'infanterie commandant à Lille, signé : Ruault. Vu par le commissaire des guerres, signé : Ollivier. - Au verso, mention du paiement de la «somme (laissée en blanc)...», Lille, le 25 août 1792, pas de signature. Note : Ce document, reproduit par Du Casse, sans les signatures et sans le verso, fait partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II). Par ailleurs, il est étonnant que Vandamme soit autorisé à nommer les Officiers, alors que seuls les Généraux commandants d'armée sont habilités à le faire. Enfin, le Dépôt aurait dû, selon les directives ministérielles, être établi à Valenciennes; il n'en est rien dans ce document. Quoi qu'il en soit, le jour même, Vandamme part pour Cassel; départ précipité qui fait qu'on n'a pas eu le temps d'indiquer, au verso de son congé, le montant de « sa masse de linge, chaussures » qui lui est versé. La somme est restée en blanc et il n'y a pas de signature. Le 27 août, Vandamme fait enregistrer par le district d'Hazebrouck son autorisation de lever une Compagnie franche et prête, en séance, « le serment de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant ». Deux jours plus tard, il signale sa présence à la municipalité de Cassel (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

Selon Bernard Coppens, cette Compagnie est formée le 5 septembre 1792, date que valide Jean Milot dans son article qui précise que c'est bien à Cassel, et non à Valencienne, qu'elle est organisée. Cette Compagnie est toute formée d'habitants des départements du Nord et de la Somme. Elle se compose, selon le 1er contrôle que du Casse a eu sous les yeux, de 78 individus, dont plusieurs ont pris des noms de guerre. Plus tard elle atteint le chiffre de 140 hommes (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 12 - Note : Tableau nominatif de la Compagnie franche des Chasseurs de Vandamme, feuille double, 2 pages remplies, la 3e portant 11 noms ajoutés par Vandamme. Ce document, non exploité par Du Casse, fait partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II).

Dans son article, Jean Milot décrit le Recrutement de la Compagnie france. Il écrit : "Le décret du 28 mai 1792, article 7, précisait que « pour parvenir à [la] levée [des hommes pour les compagnies franches], il [serait] ouvert une inscription volontaire dans toutes les municipalités des 83 départements (...), où tous les hommes, depuis l'âge de 18 ans, valides, de la taille de 5 pieds au moins et bien constitués, [seraient] admis, pour servir dans lesdites légions et compagnies franches, pendant l'espace de trois années...».
Il semblerait que cette inscription volontaire n'ait pas eu, dans le Nord du moins, le succès escompté, surtout parce que les directives ministérielles tardèrent à être rédigées, qu'il faudra attendre le 22 juin pour qu'elles paraissent et, au plus tôt, le 7 juillet pour qu'elles parviennent aux municipalités 24. Les volontaires n'étant pas nombreux, le directoire du département se décida, le 27 juillet, à envoyer dans les municipalités un recruteur particulier accompagné d'un tambour : il tenait ainsi compte d'un avis du district de Lille, en date du 21, suivant lequel « il n'y [avait] pas de meilleur moyen que d'envoyer des recruteurs particuliers »
" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

Concernant le 1er contrôle, que mentionne Du Casse, Jean Millot indique qu'il a été établi après le 10 octobre 1792; ce "Tableau nominatif de la compagnie franche des chasseurs de Vandamme" "se présente sur quatre colonnes détaillant les noms et prénoms (éventuellement surnoms) des chasseurs, leur grade, la date de leur engagement, le nom de celui qui les a recrutés, et leur provenance. On trouve ainsi rassemblés de nombreux renseignements grâce auxquels peuvent être reconstituées les étapes de la mise sur pied de l'unité. Malheureusement les noms des officiers n'y figurent pas".

"Durant la première quinzaine d'octobre 1792, la compagnie, outre le capitaine, comprenait un lieutenant, un sous-lieutenant, trois sergents, un caporal et 64 chasseurs, soit en tout 71 hommes, ce qui était loin des 100 fixés par le commandement ou des 78 personnels non-officiers décomptés par Du Casse. Des mentions marginales indiquent que 11 chasseurs ont déjà déserté et que 3 ont été chassés. Le teneur de plume faisant fonction de sergent-major a porté la mention de « déserteur » pour 4 d'entre eux, disparus avant le 10 octobre ; les autres mentions (« chassé », « déserté »), ont été portées ultérieurement par Vandamme. Cependant, à la suite du tableau, le même Vandamme a noté, sans autre précision, les noms de 11 chasseurs venus combler les vides laissés par les déserteurs et les chassés. On ne trouvera la compagnie à un effectif de 92, dont 77 chasseurs, que dans une situation certifiée par Vandamme le 4 novembre 1792.
L'examen de ce tableau montre que le recrutement a été le fait de « recruteurs particuliers », d'où la nécessité de les désigner nommément pour qu'ils puissent percevoir les indemnités prévues à cet effet sur les fonds mis en place dans les municipalités. Pour sa part, Vandamme ne ménagea ni son temps ni sa peine : 39 engagements, au minimum, sont à porter à son actif, contre 8 au lieutenant et 6 au sous-lieutenant. On ne peut d'ailleurs pas écarter l'hypothèse que Vandamme ait parfois recouru aux procédés des racoleurs de naguère, comme tendrait à le laisser supposer le fait que 7 des déserteurs, dont 4 engagés le même jour (17 septembre), aient été recrutés par ses soins.
Le calendrier des engagements s’établit comme suit. Dès le 25 août, à peine rentré au pays, Vandamme recrute Louis Naëls, de Cassel, qu’il connaît bien et qu’il nomme sergent. Le 27, à son retour d’Hazebrouck, il recrute Alexandre Thirion, de Cassel également, qu’il nomme sergent, et Jean-Baptiste Hubert, qu'il avait contacté à Lille, dont il fait un caporal. Il allait de soi qu'avant d'organiser l'unité, il fallait en régler l'encadrement ; c'est donc contrairement aux ordres du commandement mais à juste titre qu'il nomme deux sergents et un caporal. D'ailleurs comment eût-il pu les faire élire par une troupe qui n'était pas encore recrutée ? En revanche, Lot Couturier, engagé le 5 septembre, semble avoir été élu dans les formes prévues ; il était originaire de Langres, en Haute-Marne, ainsi que Pierre Guerniat, engagé le même jour. La campagne de recrutement s'étale du 2 au 27 septembre, avec quatre jours creux (les 8, 11, 21 et 25), et reprend du 5 au 10 octobre, avec deux jours creux (les 7 et 9). Le document étudié ne permet évidemment pas de connaître comment le recrutement se poursuivit après le 10 octobre. Ce qui est assuré, c'est qu'à partir du 20 septembre, Vandamme ne fait plus de recrutement. Qu'en est-il de lui ? Est-il alors absent de Cassel, et, ainsi que l'affirment Mullié et Six, rejoignit-il volontairement Lille assiégée du 29 septembre au 8 octobre ? On ne peut dire, mais, dans l'affirmative, il aurait agi à titre personnel et non en tant que commandant de compagnie. De [796] toute façon, nous verrons plus loin que, les 22 et 23 septembre, il était de service à Cassel.
L'activité de Vandamme s'est massivement manifestée le 4 septembre (4 engagements), le 9 (9 engagements), le 16 (3 engagements), le 17 (7 engagements), le 20 (3 engagements) ; le 7, il enregistre 2 engagements et 1 pour chacune des journées des 10, 12 et 13.
Le 2 septembre, le lieutenant engage 4 citoyens d'Abbeville, dans la Somme, le 5 deux citoyens de Langres, déjà nommés, le 6 un de Verdun, dans la Meuse, le 24, un de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. Au palmarès du sous-lieutenant inscrivons un citoyen de Quaëdypre, le 9 septembre, et 5 autres engagés, le 10 octobre.
Les sergents ne sont pas en reste : Thirion engagera 5 volontaires. Le 12 septembre, et non le 13 comme l'écrit Georges Six, Naëls fait une recrue promise à un bel avenir : Charles Gobrecht, de Cassel, qui, longtemps avant d'être promu général, sera, en avril 1794, aide de camp de Vandamme. Le sergent Couturier engage, le 5 octobre, un Audomarois, qui d'ailleurs déserte rapidement. Certains chasseurs eux-mêmes se mettent de la partie. Le 9 septembre, Louis Verhille, d'Herzeele, que, quatre jours plus tôt, le sergent Thirion avait recruté, recrute à son tour un de ses compatriotes, puis, le lendemain, un autre compatriote ainsi qu'une connaissance de West-Cappel. Le 16 septembre, Louis Olivier, dont le fils s'était engagé quelques jours après lui, recrute un cousin, Audomarois comme lui, et, le 8 octobre, un citoyen de Merville.
D'autres exemples seraient à citer : ils montreraient tous que le recrutement a été centré sur Cassel et sur Wormhoudt. Un engagé est même d'Ypres, ce qui répondait au dessein du législateur (articles 13 et 19 du décret du 28 mai), lequel visait à intégrer des volontaires étrangers aux français, sans devoir les regrouper obligatoirement dans la légion formée à Dunkerque à cet effet. Quant aux engagés venant de très loin (Abbeville, Verdun, Langres...), leur présence s'expliquerait par la raison que, volontaires pour l'armée du Nord, ils avaient rejoint le département comme fixé par le décret du 17 juillet ; à moins que certains n'aient été des militaires en congé définitif.
Il serait illusoire de rechercher les motivations de ces engagements. Tous avaient peut-être la fibre patriotique, mais tous l’avaient-ils militaire ? Certes trois des onze que Vandamme avait ajoutés au tableau de l’unité s’étaient engagés sous des noms de guerre pour « faire plus vrai » : Beau Jardin, Expert, La Liberté. Plus modestement, Joseph Olivier, recruté le 16 septembre par son parent, se faisait appeler « Saint-Omer » pour qu’on n’ignorât pas ses origines. Mais pourquoi Vandamme avait-il dû chasser trois volontaires de la compagnie ? Pourquoi onze autres avaient-ils déserté au début d’octobre ? Le serment qu’ils avaient prêté lors de leur engagement 24 était-il trop pesant ? En tous cas, certains, comme on dit, « en voulaient ». Nous avons evoqué le cas de Gobrecht qui, d’après Six, se serait, comme Vandamme, porté volontairement, et à titre individuel, à la défense de Lille assiégée. Louis Naëls, le premier que Vandamme engagea, était ulcéré de n’avoir pu, quoique « fils de citoyen actif », être maintenu dans la garde nationale de Cassel réorganisée la veille : on comprend son empressement à suivre Vandamme. Il persévérera dans la carrière des armes, comme en fait foi la mention portée, en 1849, sur son acte de décès : « ancien militaire ».
Quel était l'âge de ces volontaires ?
L'article 7 du décret du 28 mai 1792 fixait à 18 ans l'âge minimum pour l'engagement, mais un décret du 24 juillet avait autorisé « les municipalités à recevoir les engagements des jeunes gens de 16 ans reconnus assez forts pour supporter les fatigues de la guerre ». En tout cas, un décret du 17 juillet avait fixé à 50 ans l'âge maximal des engagements. Des sondages dans les registres paroissiaux des districts d'Hazebrouck et de Bergues tendraient à indiquer que les personnels de la compagnie Vandamme étaient, pour la plupart, âgés de 20 à 25 ans. Le caporal Jean-Baptiste Hubert, né dans la paroisse Sainte-Catherine à Lille, avait moins de 18 ans lorsqu'il s'engagea ; Louis Olivier le père, de Saint-Omer, pouvait approcher la cinquantaine.
L'important pour chaque volontaire, qui, par ailleurs, « attestait de son âge sur l'honneur », était que le chirurgien qui «l e [visitait] exactement (...) ne lui [trouvât] aucune infirmité ou autre cause qui l’[empêchât] de servir dans la compagnie franche»
" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

Jean Milot donne un tableau sur l' "Origine géographique des premiers engagés de la compagnie franche de Vandamme (août-octobre 1792)" :
- Département du Nord :
a) Canton de Cassel : Arneke, 1; Bavinchove, 1; Buysscheure, 1 (déserta); Cassel, 7 (dont Vandamme. 2 ont déserté); Hardifort, 1; Ochtezeele, 3; Zuytpeene 1 (déserta). Total 15.
b) Canton de Bailleul : Bailleul, 1; Fletre, 1; Strazeele, 1 (qui déserta). Total 3.
c) Canton de Blaringhem : Renescure, 1 (fut chassé).
d) Canton d'Hazebrouck : Hazebrouck, 1 (qui déserta).
e) Canton de Merville : Estaires, 1; Merville, 1. Total 2.
f) Canton de Steenvoorde : Steenvoorde : 2 (1 déserta); Watou (hameau de Steenvoorde, municipalité jusqu'en 1795), 2 (1 déserta). Total 4
2. District de Bergues
a) Canton de Bergues : Crochte, 1; Quaedypre, 1; West-Cappel, 1. Total 3.
b) Canton d'Esquelbecq : Esquelbecq, 1 (déserta); Herzeele, 7; Wormhoudt, 6; Zeggers-Cappel, 1 (déserta). Total 15.
c) Canton d'Hondschoote : Bambecque, 2; Hondschoote, 1. Total 3.
2. District de Lille : Lille, 1; Lomme (orthographié L'Homme), 1. Total 2.
Autres départements :
1. Pas-de-Calais : Arras (?), 1; Bapaume (?), 1; Fleurbaix, 1; Frevent, 1; Saint-Omer, 9 (1 déseta, 2 furent chassés). Total 13.
2. Somme : Abbeville, 3
3. Haute-Marne : Langres, 2.
4. Meuse : Verdun, 1.
Pays-Bas Autrichiens : Ypres, 1.
Nous n'avons aucune indication sur les communes d'origine du Lieutenant et du Sous-lieutenant (peut-être Cassel ?) ni sur celles des 11 Chasseurs ajoutés par Vandamme à la liste de sa Compagnie (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

"les compagnies franches étaient à la charge du gouvernement pour la solde, la subsistance, l'habillement, l'équipement et l'armement.
L'article 18 du décret du 28 mai 1792 avait spécifié : « II sera mis à la disposition du ministre de la Guerre les fonds nécessaires pour la levée, la solde et les masses des différents corps, sur l'aperçu que l'Assemblée Nationale charge ses comités de l'extraordinaire, des finances et militaires réunis, de lui présenter dans le plus court délai possible, et provisoirement la somme de 2 millions, dont le ministre rendra compte ». On avait dû renouveler plusieurs fois les avances aux armées et aux unités à mettre sur pied.
Nous ne savons pas ce qu'il en fut pour la compagnie Vandamme. De toute façon (article 15 du décret), la solde et la paie dans tous les grades étaient celles de l'infanterie légère, mais (article 14 du même décret) il était « payé à chaque homme, à titre d'engagement, 5 livres par jour pour le premier mois, et une livre 10 sous au même titre, à la fin de ceux qu'il servira ensuite, en sus de la paie du grade qui lui sera accordée par le général [commandant l'armée], soit comme sous-officier, soit comme caporal ». Cette prime d'engagement de 5 livres ne devait pas être sans effet sur les volontaires. Qui dit que certains des 11 déserteurs de l'unité ne sont pas partis dès qu'ils eurent touché leur première solde ?
" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

"L'uniforme (article 16 du décret) était « le même pour le fond que celui réglé pour l'infanterie légère », c'est-à-dire à dominante vert foncé. Mais l'état des stocks de drap vert était tel qu'un décret du 9 juillet avait décidé que l'uniforme des troupes légères serait de drap gris, comme pour l'infanterie de ligne . Les chasseurs de Vandamme étaient donc « de gris vêtus » ; il est cependant vraisemblable que, vu l'état des ressources, leurs paquetages avaient été allégés ... pour ne pas dire réduits au strict nécessaire, et encore !
Pour ce qui est de l’armement, la compagnie franche a connu des difficultés. D’une façon générale, les stocks des arsenaux ne permettaient pas de doter de fusils tous les effectifs, malgré les prélèvements opérés sur le garde nationale. Il avait été décrété que les sergents seraient simplement dotés d’un sabre, arme qui d’ailleurs ne servait plus au combat mais comme outil au cantonnement ! Force fut donc à Vandamme d’acheter de l’armement pour sa compagnie et de faire réparer les matériels en plus ou moins bon état qu’il avait perçus. Nous en avons la preuve par deux documents que Ducasse a connus mais n’a pas fait copier.
Le premier est une lettre que Vandamme, alors général, adressa, le 26 germinal an II (15 avril 1794), de son quartier général de Steenvoorde, au ministre de la guerre pour lui rappeler qu’un an plus tôt, il lui avait envoyé deux états de dépenses « l’un pour l’achat de plusieurs carabines et fusils, l’autre pour la réparation des armes » de sa compagnie franche. Il demandait le remboursement de ses avances car il avait besoin d’argent.
Le second document est la réponse de la Commission des armes et poudres de la République, en date du 10 floréal (29 avril) : les états avaient été égarés, il fallait en adresser des doubles.
Nous ne savons pas si Vandamme a jamais été remboursé. Dans la négative, connaissant les méthodes expéditives dont il usait en territoire ennemi, et même ami, nous sommes à peu près sûr qu’à plus ou moins long terme, il n’en fut pas de sa poche. Il n’empêche que l’achat des armes avait coûté 660 livres et les réparations 300. Par ailleurs, nous apprenons ainsi indirectement qu’à un moment donné, notre capitaine a armé de carabines certains tireurs d’élite
" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806 - Note : Ces documents, non signalés par Du Casse, font partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II).

"quelle est la dénomination de l'unité, car, suivant les textes, elle porte différentes appellations ? Comme l'indique le tableau nominatif examiné précédemment, on l'appelle « Compagnie franche des chasseurs de Vandamme », et, plus simplement, « Chasseurs de Vandamme ». Un ordre de mouvement signé de Ruault, chef d'état-major de l'armée du Nord, en date du 1er novembre 1792, l'appelle tout simplement « Compagnie franche de Vandamme », mais, dans une situation d'effectifs qu'il certifie trois jours plus tard, Vandamme se désigne comme capitaine « commandant les chasseurs francs de Dumouriez ». Peut-être voulait-il rappeler ainsi les conditions particulières dans lesquelles l'unité avait été constituée. Quand il prit l'initiative d'une telle dénomination, il ignorait évidemment les risques qu'il courrait après la trahison du général en chef : le 27 août 1793, il sera en effet dénoncé à Paris par H. De Clercq, « membre des assemblées primaires de Bailleul », comme « suppôt » de « l'infâme Dumouriez ». Par chance, cette dénonciation, une des premières d'une longue série, restera sans suite. De toute manière, la dénomination de « chasseurs de Dumouriez » prête à confusion et l'on se demande s'il s'agit ou non de la compagnie de Vandamme lorsqu'est évoquée l'organisation, en septembre, des « compagnies de chasseurs d'Avenet, de Dumouriez et de Ransonnette ». La compagnie de Vandamme sera également désignée sous les noms de « chasseurs du Mont-Cassel », « compagnie du Mont-Cassel » ou « du Mont de Cassel » et même « de Cassel »" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806 -Note : A ne pas confondre avec les « chasseurs francs de Cassel », formés à Mayence le 7 septembre 1793 (sic) (Susane, op. cit., p. 351) qui entreront dans la composition de la 24e Demi-brigade légère de 2e formation (Pascal, op. cit., t. 4, p. xvn), le 15 vendémiaire an V (6 octobre 1796)).

La première mission confiée à Vandamme par les magistrats de son propre pays, dès que la Compagnie franche est formée, ne laisse pas que de prouver la confiance que l'on a dans le jeune capitaine. Elle est cependant loin d'être exaltante, puisqu'on le charge de veiller à la préservation de meubles et d'effets, qu'à tort ou à raison, le district de Hazebrouck considère comme étant la propriété de la nation. Ceci résulte de l'acte suivant : "Extrait du registre aux arrêtés du conseil général du district d'Hazebrouck.
Sur ce qu'il a été représenté qu'on transportoit journellement des meubles et effets du couvent des ci-devant récollets de Cassel appartenants à la nation, le procureur syndic entendu,
Le conseil général du district d'Hazebrouck a arrêté de mettre des gardiens à la maison des ci-devant récollets à Cassel pour la conservation de ces meubles et effets, à quel effet le sieur Vandamme a été nommé pour y établir des gardiens à son choix.
Fait à Hazebrouck, en la séance du conseil général, ce vingt-deux septembre 17 c. quatre-vingt-douze, l'an IV de la Liberté, le premier de l'Égalité.
Pour copie conforme audit registre
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 14).

Quelques jours après que Vandamme se soit installé avec sa Compagnie franche pour veiller à ce que rien ne soit détourné du couvent dont il a la garde, il remet divers objets à la municipalité et en retire le récépissé suivant : "Le sieur Vandamme, capitaine commandant des chasseurs, a déposé ce soir, devant les commissaires municipaux de cette ville, le pied d'une croix d'argent, ainsi que deux autres pièces de la même croix, qu'il déclare avoir trouvé au couvent des ci-devant récollets cachés sous la paille, cette pièce lui servant de récépissé. A Cassel, ce vingt-trois septembre 1792" (Suivent les signatures - Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 14 - Note : Ces documents ont été reproduits par Du Casse; ils ont depuis disparu).

Le 1er novembre (et non décembre, comme indiqué par erreur dans l'ouvrage de Du Casse) 1792, la Compagnie Vandamme reçoit l'ordre du Chef d'état-major de l'Armée du Nord de se rendre à Armentières, partant de Cassel le 3 du même mois. Une situation signée de son Chef constate que l'effectif réel se compose alors d'un Capitaine, d'un Lieutenant, de quatre Sergents, de huit Caporaux et de 77 Chasseurs, total 92 hommes (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 15 - A noter que cette situation est signée le 4 par Vandamme et datée de Cassel - Notes : "II est ordonné à la compagnie franche de Vandam de partir de Cassel le 3 novembre pour se rendre à Armentières. Fait à Lille, le 1er novembre 1792. Signé : Ruault, maréchal de camp, chef de l'état-major de l'armée du Nord. - En-dessous : Je, soussigné, capitaine commandant les chasseurs francs de Dumouriez ... A Cassel, le 4 novembre 1792, signé : D. Vandamme". Ce document fait partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II).

Le 4 novembre, la Compagnie est à Bailleul, et le 5 à Armentières, entre Lille et Cassel, où elles attend de nouveaux ordres (Note : "Chemin que tiendra la compagnie franche de Vandam pour se rendre à Armentières ... Même date, même lieu, même signature". Ce document fait partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II). A la fin de l'année 1792, nous trouvons à la situation de l'Armée du Nord du 25 décembre, la Compagnie Vandamme, forte de 105 hommes, en garnison à Anvers.

L’article 1er du Décret du 28 mai 1792 avait fixé aux Compagnies franches de « suppléer les seconds bataillons d’infanterie légère détachés des légions ». Leur rôle est en particulier d’éclairer les troupes, de surveiller, de renseigner et, le cas échéant, d’effectuer des coups de main.

"Un billet du général La Marlière, adressé à Vandamme le 17 janvier 1793, montre assez que ces corps francs étaient directement dans la main du commandant de l'avant-garde qui leur donnait ses directives et précisait les autorités auxquelles ils auraient à apporter leur concours. Ce billet, non reproduit par Du Casse, fait apparaître également que des corps francs locaux étaient au service de la République : il est en effet adressé « Au citoyen français capitaine Vandame » (sic)" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806 - Note : Ce document fait partie d'un ensemble de Pièces relatives à la compagnie franche de Vandamme conservées dans les papiers du général (Fonds De Swarte Revel) à la Bibliothèque Municipale de Lille, Carton n° 1 - Ans I et II).

Au mois de février 1793, Dumouriez renforce son avant-garde de l'Armée du Nord, vers Ruremonde, à l'est d'Anvers. La Compagnie Vandamme, forte de 112 combattants, reçoit l'ordre de partir d'Anvers le 16 février pour se porter de ce côté. Le lendemain, la frontière est franchie, mais, dès le 1er mars, il faut rétrograder. Au cours des durs combats menés tant en Hollande que pendant les opérations de retraite, la compagnie perd une vingtaine d’hommes, tués ou blessés, en moins d’un mois. En mars, cette Compagnie, réduite à 92 hommes, est placée à la Brigade Berneron, avant-garde du Corps de Dumouriez, lequel Corps expéditionnaire est formé de trois Divisions et d'une colonne de renfort.

"Nous avons peu d’informations sur la suite de la campagne de l’unité sauf qu’à un certain moment son effectif fut porté à 140 : c’est à cette époque que Gobrecht fut nommé sous-lieutenant. L’armée effectua un repli général après la bataille de Neerwinden (18 mars) ; à partir du 28, quand nos forces se sont rétablies derrière l’Escaut, les activités de la compagnie Vandamme vont être essentiellement territoriales" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

Vandamme, avec ses Chasseurs, prend part à la courte et glorieuse campagne de Hollande, attaché à la Brigade Berneron.

Selon Ducasse, la Compagnie combat à Klundert, à Meerdick, à Willemstadt, et revient en avril 1793 à Cassel, en cantonnement avec sa Compagnie, sous les ordres du Général O'Maran, lorsque Dumouriez, rappelé par les échecs des troupes qu'il a laissées sur la Meuse, est contraint d'abandonner sa conquête (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 39).

En juin et juillet 1793, les Chasseurs de Vandamme restent près de Oost-Capel, au Corps chargé de fournir des garnisons aux places de Dunkerque, de Bergues, de Bailleul, et au camp de Cassel et de Ghyvelde. "Pour être plus complet, disons que des détachements de l’unité, comme il ressort de la dénonciation de H. De Clercq déjà citée, faire la chasse aux contre-révolutionnaires, souvent sans discernement mais avec beaucoup de passion partisane, sinon de mauvaise foi : on a réglé des comptes" (Milot J. "La compagnie franche de Vandamme". In : Revue du Nord, tome 71, n°282-283, juillet-décembre 1989. La Révolution française au pays de Carnot, Le Bon, Merlin de Douai, Robespierre … pp. 787-806).

Le 1er août 1793, le jeune Capitaine, dont les services ont été appréciés et le bouillant courage mis en relief pendant la campagne de Hollande, reçoit le commandement du Bataillon léger dit du Mont-de-Cassel, dans lequel ses Chasseurs sont versés et dont ils forment la 1ère Compagnie (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 40). Selon J. Milot, cette date ne peut être retenue, si l'on se base sur la dénonciation qui suit, qui parle d'un "homme nommé Vandamme, simple capitaine de chasseurs, ci-devant dits les chasseurs de Dumouriez".

Vers la fin du mois d'août en effet, Vandamme est dénoncé au Comité de Salut Public par un membre des assemblées primaires de Bailleul, nommé H. de Clercq, qui adresse à Paris la plainte suivante : "Sauveurs de la République, depuis longtemps je gardais le silence le plus absolu ; il suffisait que mon inflexible sévérité à maintenir les principes qui sont devenus la base de l'immortelle constitution que la Convention vient de donner à la France donnât ombrage aux administrations supérieures pour que je n'hésitasse point à me réduire à la plus complète nullité. Mais deux assemblées primaires m'ayant nommé pour porter leur acceptation unanime de la constitution à la Convention, et un décret chargeant les envoyés desdites assemblées de propager, en rentrant dans leurs foyers, les principes de l'unité et de l'indivisibilité de la République, de surveiller, etc., etc., je me croirais indigne de la mission dont vous nous avez investi, si je ne rompais le silence pour vous donner part de mes observations sur tout ce qui se passe en ce pays ; j'ai des craintes mortelles qu'il ne devienne une nouvelle Belgique. La constitution y avait généralement rallié tous les esprits, tous, et chacun jouissait déjà de l'espérance de la liberté. Mais les militaires s'arrogent ici tous les pouvoirs ; on ne peut leur parler sans voir pleuvoir sur sa tête une nuées d'injures et de menaces, qui souvent sont ensuivies par la prison. Citoyens, au nom de la patrie en péril, donnez-y toute votre attention, car si les mêmes exactions continuent, croyez et souvenez-vous de ce que vous dit ici un observateur philosophe : l'esprit public, qui était beaucoup monté depuis l'acceptation de la constitution, va se perdre et nous deviendra funeste dans cette partie de la République.
Je vais donc jeter un coup d'oeil rapide sur tout ce qui se passe dans nos environs ; vous serez à même de pouvoir l'apprécier : j'aurai rempli ma tâche, j'aurai satisfait au plus impérieux des devoirs.
J'observerai d'abord qu'il existe dans nos environs un homme nommé Vandamme, qui, simple capitaine de chasseurs, ci-devant dits les chasseurs de Dumouriez, enlève tout ce qui vient à sa tête à deux lieues à la ronde : si on a un ennemi, on va le lui dénoncer ; il l'arrête et l'enferme comme suspect. Il est la terreur du pays ; bientôt les campagnes seront désertes ; tout tremble devant ce dictateur audacieux, magistrats aussi bien que les simples particuliers, et c'est cependant ce même homme qui singe maintenant le patriote par excellence, qui, lors de la trahison de l'infâme Dumouriez, ne rougit pas de prêcher hautement qu'il n'y avait que Dumouriez qui pouvait nous sauver, que sans le roi la France était perdue, et que la Convention était un composé de ce qu'il y a de plus infâme. Il ne sera peut-être pas inutile de vous observer que le traître Dumouriez l'avait fait capitaine d'une compagnie de chasseurs de son nom, de simple soldat qu'il était dans le régiment de Brie. Ce fidèle suppôt de Dumouriez dépeuple nos campagnes; les cultivateurs délaissent leurs moissons, leurs propriétés, leurs maisons : déjà plusieurs fermes sont entièrement abandonnées, et ceux qui restent accourent lui porter des présents en foule, pour échapper à son inquisition. La désolation est ici sur tous les visages, dans tous les coeurs, et bientôt ce beau pays ne représentera plus qu'un désert. Envoyez ici un commissaire ; ne fût-il chargé que pour le moral, je me charge de le mener incognito dans les campagnes, dans les chaumières, dans les villes, et alors il sera à même de pouvoir vous faire un tableau exact de la situation de ce pays ; car, sans trahir moi-même ma patrie et mes concitoyens, je ne puis vous dissimuler que vos commissaires sont continuellement trompés par ceux qui les entourent, qu'on leur déguise la vérité, et par conséquent que leurs rapports sont pour la plupart très-inexacts ..... Je n'ai déjà que trop souvent vu que ceux qui obsèdent vos commissaires et les généraux le font, les uns pour exercer en leur nom quelques vengeances personnelles, et les autres par intrigue, pour obtenir, soit pour eux, soit pour leurs parents, quelque emploi au civil ou à l'armée. La vérification serait peu difficile.
J'observerai encore qu'on a enlevé en cette ville et aux environs un nombre de personnes suspectes, et cette mesure de rigueur a été peut-être trop tardive ; mais il n'est pas moins vrai qu'il s'en est trouvé dans le nombre qui étaient gens vraiment paisibles et auxquels on ne peut reprocher autre chose que de ne pas fréquenter les églises, tandis que nous voyons ici se promener orgueilleusement dans nos rues une trentaine de pères, mères, épouses, fils, filles et parents d'émigrés, qui y sont venus on ne sait d'où, et y restent malgré un arrêté du département, qui depuis trois mois les renvoie dans l'intérieur du pays, en sorte qu'il ne faut pas s'étonner si nos ennemis savent aussi vite que nous ce qui se passe sur nos frontières.
Bailleul, 27 août 1793
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 40).

En septembre 1793, la Compagnie constitue la 1ère Compagnie du Bataillon des Chasseurs du Mont-Cassel.

- Compagnie parisienne de l'Egalité

Formée le 4 septembre 1792, elle constitue la 2e Compagnie du Bataillon des Chasseurs du Mont-Cassel.

- Compagnie Franche de Saulti ou Saulty (ou Soulty)

Levée à Arras, le 5 septembre 1792. Elle constitue la 3e Compagnie du Bataillon des Chasseurs du Mont-Cassel.

- 2e Compagnie franche de l'Observatoire

Levée le 5 septembre 1792. Elle constitue la 4e Compagnie du Bataillon des Chasseurs du Mont-Cassel.

- Compagnie parisienne des Pyrénées

Levée le 1er janvier 1793, selon A. du Casse. B. Coppens donne des Chasseurs des Pyrénées levés dans la section des Tuileries en mai 1793. Selon J. Milot, il n'est pas absolument certain que cette dernière unité ait fait partie du Bbataillon du Mont-Cassel.

- Actions du Bataillon de Chasseurs du Mont-Cassel : Le Bataillon, commandé par Dominique René Vandamme (selon B. Coppens, son chef est Lauvray), a fait, nous dit l'Historique régimentaire, aux Armées du Nord les campagnes de 1792, 1793 et des ans II, III et IV. Il s'est distingué le 28 octobre 1792 à Pompon, près Lille; le 16 novembre 1793, à Louvain. Il y a visiblement des confusions dans ce descriptif. En 1794 : à Cassel, le 3 février; à Menin, le 23 avril; devant Ostende, en juillet; et à l'assaut du Mont Saint-Michel près Vento, en octobre. Certaines de ces affirmations, doivent sans aucun doute concerner la Compagnie de Chasseurs du Mont-Cassel.

Le Bataillon de Vandamme, nommé Bataillon du Mont-de-Cassel, est formé au départ, des 4 Compagnies franches de Saulty, de l'Égalité, de l'Observatoire et de Vandamme. Le 5 septembre 1793, le nouveau commandant reçoit l'ordre de se mettre à la tête d'un petit Corps ou sorte de Brigade de 4300 hommes, avec mission de contribuer aux opérations qui vont être faites pour tenter le déblocus de Dunkerque. Ce 5 septembre, Vandamme porte ses troupes à Godewaersvelde. Il est très-fier des nouvelles et relativement importantes fonctions dont il est investi par la confiance du Général en chef Houchard, fonctions à la hauteur desquelles il se croit malgré son jeune âge. En effet, ses talents militaires commencent à se développer et à égaler son indomptable énergie, son bouillant courage et sa fougue patriotique.

Le 6, une attaque générale doit avoir lieu sur le front de Cassel et de Bergues. On veut chasser l'ennemi et le contraindre à lever le siège de Dunkerque. La colonne chargée de l'opération est composée des 1er et 2e Bataillons des volontaires d'Ille-et-Vilaine, du 14e d'Infanterie légère, des Chasseurs du Mont-de-Cassel, des 8e et 9e Bataillons de fédérés, de trois Bataillons de ligne et du 2e de Hussards.

Le bivouac est d'abord établi dans les prairies de Godewaersvelde. A minuit, les troupes se mettent en marche pour gagner les villages de Westoutre et de Reningelts, occupés par l'ennemi. L'attaque commence dès qu'on est à portée ; les Anglais et les Hanovriens, qui se trouvent sur les deux points, sont repoussés, et la colonne, prolongeant son mouvement offensif, vient camper à Provern, village où elle passe la nuit du 6 au 7 septembre 1793.

Vandamme raconte : "Il est à remarquer que, d'après les instructions que j'avais reçues, une colonne de dix mille hommes devait partir de Steenvoorde la nuit du 5 au 6 pour aller attaquer Poperinghue, et qu'une autre colonne devait partir de Bailleul pour se porter entre Waemerlingue et Ypres, et y tenir en échec la garnison de cette dernière ville, composée de six à sept mille hommes, tandis que la colonne que je commandais attaquerait Westoutre et Reningelts, couperait la garnison de Poperinghue et ferait ensuite sa jonction ; celle de Bailleul ne marcha pas, en sorte que les troupes dont je dirigeais la marche furent très-exposées en passant entre Ypres et Poperinghue, en ce qu'elles auraient pu être prises à flanc et à dos par la garnison d'Ypres que rien n'empêchait de sortir.
Le 7, à cinq heures du matin , les troupes que je commandais se mirent en marche, passèrent par Boesbrugghe, d'où l'ennemi avait été chassé par la colonne de Steenvoorde, marchèrent ensuite sur Rexpoede, où je fis faire un instant halte afin de les rassembler ; je me remis alors en marche sur Westcappel, où l'on prit vingt-trois voitures de bagages à l'ennemi avec plusieurs prisonniers.
A quatre heures après- midi, je fis avancer les troupes en colonne sur Hondschoote, qui était occupé par quinze mille Anglais et Hanovriens ; elles se déployèrent hors de la portée du canon des redoutes que l'ennemi avait construites, s'approchèrent, et le feu commença de toute part ; on a peu d'exemples d'un feu d'artillerie et de mousqueterie aussi vif et aussi soutenu ; c'était une grêle continuelle de balles, de biscaïens et de boulets ; elle dura pendant trois heures. L'ennemi voulut sortir, nous repousser, mais ce fut en vain ; et si le jour ne fut pas tout à fait tombé, nous eussions pu entrer dans la ville malgré la supériorité des forces de l'ennemi, puisque déjà nos tirailleurs étaient dans la première rue. La nuit arrivée, les troupes se retirèrent en bon ordre à Killem, où elles se reposèrent pendant la nuit ; on fit cuire dans ce village le pain pour le soldat, qui en manquait, et on fit tuer des bestiaux.
Le lendemain 8, elles se remirent en marche à quatre heures du matin ; les différentes colonnes de l'armée qui avaient le 6 et le 7 attaqué l'ennemi à Wormhouet, Herzeele, Houdkerque, Bambeke, Westcappel, Rexpoede, Quaedypre, Warhem, Poperinghue, Roesbrugghe et Oostcappel, l'ayant chassé de tous ces villages, marchaient aussi sur Hondschoote ; là on fit réunion des colonnes et on attaqua de concert l'ennemi, qui était très- retranché. Le feu fut terrible de part et d'autre et il dura plus de six heures ; enfin nos soldats avancèrent avec tant de courage que l'ennemi fut forcé à la retraite. On entra dans les rues en battant la charge impétueusement, et il fut mis en pleine déroute.
La bataille d'Hondschoote est une des plus sanglantes qu'il y ait eu pendant cette guerre ; elle fut très-heureuse pour les Français, car leur perte fut peu considérable ; mais les Anglais et Hanovriens eurent plus de six cents morts et quinze cents blessés ; ils perdirent trois généraux, dont l'un d'eux, fait prisonnier, mourut de ses blessures à Hondschoote, et fut enterré avec les honneurs de la guerre. Le gain de cette bataille força l'ennemi, qui assiégeait Dunkerque, de se retirer précipitamment de devant cette place importante peur d'être coupé par l'armée victorieuse. Je marchai à leur poursuite avec trois régiments de cavalerie, traversant les Moëres, et ayant débusqué vers Adinckerque, une grande partie de leurs bagages furent enlevés et cent hommes à peu près furent pris. Pendant que l'armée française continuait sa marche, les troupes que je commandais restèrent ; elles occupèrent Hondschoote et les villages environnants
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 45).

Après la bataille de Hondschoote, Vandamme est investi des fonctions de chef des cantonnements et des camps de ce côté. Le 11 septembre 1793, Houchard lui expédie l'ordre suivant : "Il est ordonné au commandant Vandamme de brûler le plus tôt possible les villages de Rousbruge et Poperinghue, le château de Watoue et les bois de Saint-Six. - Hondschoote, 11 septembre 93, 2e de la République. - Le général en chef des armées du Nord et des Ardennes, - HOUCHARD" (note : Sur la gauche du papier, le cachet républicain en cire rouge - Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 49).

Obéissant à son Général en chef, Vandamme prescrit au commandant des troupes cantonnées à Oostcappel, à celui de Bevern et au commandant du 7e de cavalerie, d'envoyer des colonnes mobiles pour brûler les villages, les châteaux et les bois désignés dans l'ordre du 11 septembre. Mais ces expéditions donnent lieu à des exactions de toute nature. La nécessité où l'on se trouve, à la même époque, de faire enlever des vivres dans les villages situés sur la frontière est l'occasion de vexations inouïes commises au préjudice d'un grand nombre d'habitants. Vandamme en est informé. Il entre dans une violente colère, et pour arriver à une prompte répression, il écrit, le 13 septembre 1793 : "Le commandant des camps et cantonnements de Hondschoote a appris avec mécontentement que beaucoup de soldats se permettent, en allant chercher par ordre et pour la République les bestiaux nécessaires à la subsistance de nos armées, de frapper à coups de sabre les habitants des campagnes et de leur enlever, non-seulement leur argent, mais encore tout ce qu'ils possèdent dans leurs maisons, et de briser même ce qu'ils ne peuvent pas emporter. Le commandant Vandamme ordonne à tous les chefs et autres officiers d'empêcher de pareils désordres ; il leur enjoint de faire arrêter et conduire à Hondschoote ceux qui se rendraient coupables de la moindre violence envers les habitants, leur déclarant qu'il les punira très sévèrement s'ils ne font pas exécuter le présent ordre" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 50).

Le 15 septembre 1793, Vandamme écrit au Général Davesne : "Mon général, toutes les troupes sont évacuées de Furnes et des environs ; elles sont passées par Avecapel et Lampernesse, du côté de Dixmude ; d'autres sont parties de Nieuport sur Ostende où elles embarquent. Elles laissent en arrière tous leurs magasins de fourrages, ne savent de quel côté donner de la tête ; partout elles pillent et dévastent tout.
Un détachement du cantonnement d'Hoevaernetz est allé à près d'un quart de lieue de Furnes cette après dîner, et il n'a vu personne ; j'ai fait avancer à Bulscamp pour y cantonner les troupes qui étaient à Hoevaernetz et Houtern.
J'ai envoyé le surlendemain de notre arrivée ici un capitaine du 1er régiment d'infanterie avec un trompette au commandant des troupes anglaises et hanovriennes à Furnes, pour réclamer plusieurs curés constitutionnels qui avaient été enlevés dans le district de Bergues ; il n'est pas encore revenu, ni le trompette, et je n'en ai aucune nouvelle ; je vous prie de le communiquer au général en chef.
Je viens d'apprendre que plusieurs chasseurs de mon bataillon sont sans permission à Bailleul ; veuillez bien, général, y envoyer la gendarmerie pour les arrêter et les faire conduire ici de brigade en brigade
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 55).

Le 18 septembre 1793, Vandamme écrit au Général Leclerc, qui remplace Houchard, destitué : "Général, l'ennemi est déjà en force à Reningelts et à Poperinghue. Je viens de faire réduire en cendres le village de Roesbrugge. J'ai fait couper les deux ponts, et en tête du premier il y a une batterie de trois canons, un de quatre, une pièce de huit et un obusier. Ce poste est défendu par le 2e bataillon du 22e régiment, le 9e des fédérés, le bataillon des chasseurs du Mont-de-Cassel et cinquante-quatre cavaliers du 7e régiment. Il est appuyé à sa droite par le 3e bataillon franc, cantonné à Houtkerke, et sur sa gauche par deux bataillons cantonnés à Bergues, lesquels se défendront ensemble et formeront leur retraite sur Bergues, si une trop grande force les y forçait.
Je crois devoir vous observer qu'il est temps de fortifier Bailleul, le mont Noir, le mont des Chats, Godewaersvelde, Saint-Laurent, Drogeland, Houtkerke. Quant à ce qui est de mon côté, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour en répondre. L'ennemi s'assemble de toutes parts et pourrait vouloir attaquer Bailleul, Oostcappel ; vous pourrez en juger par les détails ci-joints. J'ai formé, par l'ordre du général Du Quesnoy, lorsque j'étais à Godewaersvelde, deux compagnies franches à Boeschepe, dont le citoyen d'Hericke est capitaine. Cette compagnie, si elle était organisée et habillée, vous servirait beaucoup parce qu'elle est composée de braconniers, bons soldats. Veuillez bien faire venir chez vous le capitaine et l'organiser définitivement.
Communiquez cette lettre au général en chef
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 59).

Vandamme écrit le même 18 Septembre 1793 aux Représentants du Peuple : "Citoyens, d'après les rapports qui me sont parvenus, il paraît que l'ennemi est en forces supérieures vers Dixmude. Il a à présent des forces à Poperinghue et à Reningelts. Il parait vouloir attaquer du côté de Bailleul. Le point par lequel il pourrait m'attaquer de ce côté est Oostcappel. Pour mieux défendre le passage, je viens de faire brûler le village de Roesbrugge et couper les deux ponts qui se trouvent sur l'Ysère.
Oostcappel est défendu par trois bataillons, trois pièces de quatre, une pièce de huit et un obusier. Sa droite est couverte par le 3e bataillon franc, cantonné à Houtkerke, et sa gauche par deux bataillons cantonnés à Beveren. Les cantonnements couvrent l'autre côté de Furnes, de manière à empêcher que l'ennemi n'attaque Furnes de ce côté.
Je vous prie de correspondre avec moi le plus souvent possible. Mon quartier général est à Hondschoote, point central de mes cantonnements.
Communiquez cette lettre au général commandant à Furnes qui pourra vous passer le tableau des troupes que je commande
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 59).

Le 19 septembre 1793, et en vertu des ordres qu'il vient de recevoir, Vandamme commence un mouvement offensif sur Nieuport, tout en écrivant aux Représentants du Peuple qui lui donné l’ordre de se porter sur cette ville : "Citoyens, je désirerais autant que vous que les troupes françaises soient à Nieuport et Ostende, mais elles n'y sont pas ; elles sont seulement à Furnes, et j'imagine qu'elles n'iront pas plus loin. Je n'ai aucune nouvelle à vous apprendre. Je vous souhaite le bonsoir et suis très fraternellement, etc.". C’est alors que Vandamme se voit enlever une partie des troupes qu'il commande. Le 2e de Hussards, le 7e de Cavalerie, trois Bataillons de Volontaires reçoivent une nouvelle destination. Il ne lui reste plus d'autres cavaliers qu'une trentaine de Hussards. Son petit corps occupe les cantonnements de Roesbrugge, Oostcappel, Steenvorde, l'Abeele, etc., lorsque, le 8 octobre, il reçoit, avec son brevet de Général de Brigade, l'ordre de prendre le commandement du camp retranché et de la place de Dunkerque. Il remet ses troupes à Moreau, Chef du 1er Bataillon d'Ille-et-Vilaine, et part le 9 pour sa nouvelle destination (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 61).

Le 26 octobre 1793, le Général de Brigade Vandamme écrit aux Représentants du Peuple : "Citoyens représentants, je vous ai rendu compte par ma dernière, que l'inondation m'avait obligé de me retirer de la route de Furnes à Nieuport et de porter mon attaque du côté d'Oost-Dunkerque, seul point qui ne pouvait être inondé (en laissant seulement au pont rompu, sur cette route, une demi- brigade). Je m'y suis établi le 25 octobre, j'ai fait aussitôt ouvrir la tranchée, sous le feu le plus violent des remparts de l'ennemi ; la tranchée est à présent finie, et les bombes, obus et boulets rouges pleuvent sur la ville ; elle ne doit pas tenir longtemps, ou sous peu elle sera entièrement brûlée.
L'ennemi est assez en force dans la ville, il y a vingt bouches à feu, le feu des batteries est fort vif. Le 25, mes braves soldats se sont emparés du petit fort de Viervoet, je voulais y établir des batteries et comme je les faisais commencer, une escadre anglaise, composée de trente vaisseaux, prit mon armée en flanc et lança des bordées terribles. La garnison fit en même temps une sortie, mais elle fut obligée de rentrer dans son repaire, et fut poursuivie jusque sous les remparts ; plus de cent esclaves ont mordu la poussière, je ne saurais assez vous louer le courage de tous les braves soldats de l'armée que je commande et l'adresse de mes braves canonniers, ils supportent le mauvais temps et les bivouacs avec un courage qui n'appartient qu'à des hommes qui se battent pour leur liberté.
Le ci-devant 22e régiment, le 4e bataillon de Seine-et-Oise et le bataillon des chasseurs du Mont-de-Cassel ont dans cette sortie combattu en héros, ils ont soutenu pendant deux heures le feu des remparts, de la mousqueterie et de l'escadre ; cette escadre nous envoyait des bordées de quarante pièces à la fois, de 27, 36, 40 et 49, mais les boulets passaient trente pieds sur nos têtes suivant leur louable habitude ; les dunes en sont remplies.
J'ai été obligé d'évacuer le petit fort de Viervoet, je n'ai perdu que douze hommes. Ma position actuelle est très-belle, l'ennemi ne nous tue personne et nous lui envoyons de la marchandise qui lui écrase et brûle toutes ses maisons, ça ira ; il évacuera la ville d'ici à demain, ou je la fais prendre d'assaut ; je puis le faire avec les vaillants républicains que je commande.
L'escadre a cessé son feu hier soir, elle l'a recommencé ce matin, mais dans la journée elle a fini, et la majeure partie a pris voile pour l'Angleterre ; il est resté seulement six bâtiments qui sont en observation. J'étais inquiet hier, parce que j'ignorais ses desseins, je suis à présent tranquille, elle ne peut faire une descente de canons entre Nieuport et Dunkerque, parce que les dunes sont impraticables, et que le citoyen Castagnier est d'ailleurs, avec plusieurs bâtiments, en observation le long des dunes.
J'ai envoyé le 4, sept bataillons à Schoorback, commandés par Gougelot ; ils se sont emparés de Dixmude et restent de ce côté en observation pour soutenir ma droite en arrière et empêcher que l'ennemi vienne m'attaquer de ce côté. L'ennemi s'est retiré au nombre de 3,000 hommes à Thourout ; il s'y fait aussi un rassemblement de paysans, mais vingt-cinq républicains en font fuir deux mille.
Les enlèvements que je fais faire sont considérables, chevaux, bœufs, vaches, fourrages, grains, chariots, bois, fer, cloches, plomb, cuivre, draps, toiles, argenterie des églises ; je fais tout refluer sur Dunkerque, je les adresse à la municipalité.
Les coquins de prêtres avaient fait cacher dans les églises presque tous les effets des villages, parce qu'on leur avait dit que les Français n'y entraient plus, mais comme ils se sont trompés ! j'ai fait fouiller toutes les églises, et dans toutes j'y ai trouvé de beaux effets ; les vases ci-devant sacrés étaient aussi cachés dans les cloches, mais je les ai trouvés ; à Dunkerque de suite ! Mes prises se montent bien à présent à six millions ; je ne compte pas celui que la ville de Furnes doit me donner en numéraire. Ha ! quand j'entrerai dans Nieuport, quel coup, que d'enlèvements ! les matins sont foutus, je ne veux laisser aux habitants que les yeux pour pleurer.
Je vous enverrai, citoyens représentants, et au ministre de la guerre, le procès-verbal de tous mes enlèvements quand ils seront finis ; je suis tellement surchargé d'ouvrage que je n'ai pas un seul moment à moi.
Je ne dois pas oublier de vous dire que les quatre bataillons de l'armée révolutionnaire que j'ai avec moi et que j'emploie aux travaux des tranchées travaillent avec le plus grand zèle et sans faire attention aux bombes qui pleuvent sur eux ; je ne puis vous nommer personne, tous les républicains de mon armée ont le même courage et tous se distinguent dans les fonctions qui leur sont attribuées.
Depuis deux mois, le citoyen Seron, capitaine au bataillon des chasseurs du Mont-de-Cassel, fait auprès de moi les fonctions d'adjudant général, chef de mon état-major ; je n'ai qu'à me louer de son zèle et de ses talents. Le général en chef me promet toujours de lui obtenir son brevet, mais il n'arrive pas ; veuillez bien, citoyens représentants, lui faire obtenir et me l'adresser, il est nécessaire qu'il l'ait promptement.
Le général de brigade Hoche, employé dans l'armée que je commande, est parti le 25 pour commander dans l'armée de la Moselle, en qualité de général de division. Le général Roulland est arrivé ce matin pour le remplacer.
Dans ce moment Nieuport est en feu. Je verrais presque assez clair pour écrire sur les dunes.
Salut et fraternité.
Le général commandant l'armée républicaine devant Nieuport,
D. VANDAMME.
P.-S. Je vous envoie plusieurs lettres qui m'arrivent à l'instant d'Ostende : j'en ai donné copie au général Davesne, commandant en chef la frontière depuis Lille jusqu'à la mer
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 78).

Vandamme doit toutefois renoncer devant Nieuport.

Le 11 novembre 1793, le Général de Brigade Vandamme se voit confier une Brigade au sein de la Division Ferrand, à l’Armée du Nord, sous les ordres de Jourdan. Cette Brigade occupe Poperinghue et les villages environnants. La position est trop en pointe et dangereuse, mais on cherche à la conserver momentanément pour avoir le temps de faire refluer sur la France plusieurs magasins. Vandamme commande le 14e Bataillon d'infanterie légère, les Bataillons de Chasseurs du Mont-de-Cassel, du Mont-des-Chats, 2 Bataillons d'infanterie de ligne et 3 de Volontaires. Chaque jour il dirige vers l'intérieur des approvisionnements considérables (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 92).

Si l'on en croit les Mémoires du Capitaine Duthilt (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 15), qui raconte que depuis le 27 septembre 1793, il est Capitaine au sein la 8e Compagnie du 1er Bataillon du District de Saint-Omer, ce Bataillon se serait rendu à Cassel le 1er novembre 1793 (Duthilt note que chaque Compagnie a une couleur particulière, deu fait de la pénurie en draps); le 22 décembre, selon lui, les hommes de ce Bataillon "virent arriver à Cassel le 22 décembre, 2 nivôse, le général Gigot (sans doute Gigaux), avec un détachement d'officiers et de sous-officiers du bataillon des chasseurs du Mont Cassel, un escadron des hussards de Chamboran, et deux pièces de canon qui furent aussitôt braquées sur la place; faisant aussi garder les avenues par ses hussards, le général Gigot fit en même temps battre la générale pour nous rassembler avec armes et bagages ; puis il nous donna connaissance de sa mission et nous fit partir immédiatement pour Steenworde, où nous fumes incorporés indistinctement comme chasseurs, chacune de nos compagnies dans celle correspondante du Mont Cassel. Beaucoup de nos jeunes gens se soumirent à cette mesure acerbe sans trop de répugnance, mais les récalcitrans ne tardèrent pas à rentrer chez eux, bien décidés à s'y cacher, et d'autres s'empressèrent de passer dans des corps de leur choix. En raison du numéro de la compagnie que je commandais dans le bataillon de réquisition, j'entrai dans la 8e du Mont Cassel, mes épaulettes dans ma poche, bien résolu à faire tout ce qui dépendrait de moi pour les récupérer". "On accueillera avec réserve tout ce que Duthilt rapporte sur l'origine du bataillon du Mont-Cassel et surtout sur la compagnie franche de Vandamme qui, d'après lui, aurait «été levée et formée à Cassel en juillet 1792, composée de presque tous anciens soldats de la ligne»" nous dit toutefois Jean Milot.

Effectivement, si l'on se réfère à Duthilt, "Le bataillon des chasseurs du Mont Cassel avait été organisé au bivouac du Mont des Chats (Mont des Cattes ou Mont des Cats) pres de Bailleul, peu après la bataille de Hondschoote, livrée le 8 septemhre 1793, bataille qui délivra Dunkerque et qui causa la décapitation du victorieux et bien infortuné Houchard, général commandant l'armée du Nord, pour ne s'être pas opposé à la fuite du duc d'York et de ses Anglais, en occupant à temps les routes de Flandre par lesquelles il se retira, car alors on ne disait pas : faites un pont d'or à l'ennemi qui fuit; il fallait le vaincre et le détruire pour n'avoir plus à le rencontrer une autre fois.
Le bataillon du Mont Cassel était un des plus beaux de l'armée; il avait été formé des compagnies franche; mises sous le commandement de Vandamme, promu expressement au grade de chef de bataillon, en raison de sa bravoure et de ses connaissances militaires.
1° De celle du Mont Cassel qui lui donna sa dénomination, ayant été levée et formée à Cassel en juillet 1792, composée de presque tous anciens soldats de la ligne; elle fut dite d'abord compagnie franche de Dumouriez, ayant été formée sous ses auspices; puis de Vandamme après la désertion de Dumouriez; et enfin du Mont Cassel par décision du gouvernement.
2° De deux autres compagnies formées à Paris, l'une de l'Oratoire, l'autre de l'Observatoire, du nom de leur première caserne.
3° De la compagnie franche de Desaulty formée à Anvers, du nom de son premier capitaine.
Pour porter au nombre de huit ces quatre compagnies primitives, on les dédoubla, puis elles fournirent chacune leurs meilleurs tireurs pour former celle des carabiniers" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 17). Tous n'est pas faux dans ce que raconte Duthilt; mais sa mémoire a pu lui faire défaut sur certains faits.

Le Bataillon de Chasseurs du Mont-Cassel est reformé après l'incorporation des Réquisitionnaires le 27 février 1794. A cette date est constituée la Compagnie de Carabiniers, composée presque entièrement de l'ancienne 2e de l'Observatoire.

Duthilt raconte : "Plus tard, ce bataillon fut complété par les débris des bataillons de réquisition de Saint-Omer et de Bergues, puis de quelques centaines de Bretons enlevés aux insurgés vendéens.
Après Vandamme, le commnndement de ce bataillon fut donné à Monsieur Detamacker qui le commandait encore lors de notre incorporation.
Le sous-lieutenant Gobrecht de Cassel faisant aussi partie de la compagnie Vandamme fut alors promu au grade de lieutenant et choisi par Vandamme pour être l'un de ses aides de camp, pour sa conduite distinguée pendant la campagne de Dumouriez dans la Belgique, et surtout à la bataille d'Hondschoote.
QUARTIERS D'HIVER DE 1793-1794
Pendant que nous occupions nos quartiers établis dans les bourgs et villages du Nord de la France, durant l'hiver de 1793-94, le général Vandamme, sous les ordres duquel nous nous trouvions, nous fit faire plusieurs reconnaissances tantôt sur un point, tantôt sur un autre, notamment sur l'Abeele et au-delà sur la route de Poperinghe, tant pour connaître les positions de l'ennemi que l'espèce et le nombre, et aussi pour nous préparer par de petits combats aux grandes actions qui devaient avoir lieu aussitôt que toutes les dispositions seraient faites pour l'ouverture de la campagne.
Ces reconnaissances se faisaient alternativement par brigade; celle qui avait été de service un certain temps sur la ligne qui exigeait une grande surveillance, allait ensuite se reposer à Hazebrouck, Saint Sylvestre Cappel, Flétre, Caestre et autres lieux voisins.
En février (pluviose) dans une de nos reconnaissances sur Poperinghe, notre bataillon, marchant en avant-garde, fût attaqué inopinément et traversé par un escadron de grosse cavalerie hollandaise, qui blessa de coups de sabre et enleva quelques-uns de nos chasseurs, mais ces cavaliers ne s'en retournèrent pas aussi nombreux qu'ils étaient venus : ils perdirent des hommes et des chevaux dans cette espèce d'échauffourée.
Le 3 mars 1794 (13 ventôse an II), à Hazebrouck, j'ai été promu au grade de caporal fourrier à la 8e compagnie, en remplacement du sieur Charpcntier passé sergent. Ainsi la durée de mon service comme chasseur n'a été que de deux mois et quelques jours, mais ce temps m'a paru bien long en raison des gardes fréquentes qu'il nous fallait monter, et de la surveillance incessante à exercer sur tous les points de la ligne, dans une saison rigoureuse, parcourant des routes défoncées où nous laissions notre chaussure, en présence d'un ennemi perfide qui sans cesse tentait d'égorger nos postes, guidé fidèlement par les habitans des communes limitrophes, la plupart fanatiques, dont chaque maison comptait, du côté de la France un émigré et de celui de la Flandre un volontaire servant dans le bataillon de Poperinghe, qui ne voyaient en nous que des perturbateurs, des rebelles et des réprouvés, leurs nobles et leurs prêtres, ennemis jurés de notre Révolution, nous ayant dépeints tels à leurs yeux
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

Le 12 avril 1794, la Brigade Vandamme a un engagement avec l'ennemi. Le Général, alors à Steenvorde, écrit à Moreau : "Je te rends compte, général, que ce matin, à six heures, la découverte de Steenvoorde rencontra à l'Abeele une forte patrouille de l'ennemi ; le feu s'engagea aussitôt de part et d'autre, l'ennemi fut repoussé, mais bientôt après il reçut un renfort de Poperinghue qui le portait à 800 hommes et 50 cavaliers ; j'envoyai aussi au secours de ma découverte le bataillon des chasseurs du Mont-Cassel, la compagnie des grenadiers du 16e et un détachement de ce régiment ; le commandant de Godwelde envoya à l'Abeele deux compagnies de grenadiers et 150 hommes, et le commandant de Boeschepe sa compagnie de carabiniers. Ces détachements arrivèrent au secours de ma découverte en même temps que l'ennemi recevait du renfort de Poperinghue. L'affaire s'engagea avec plus de force, le feu fut très-vif et continuel et dura jusqu'à deux heures ; l'ennemi fut repoussé jusqu'à Poperinghue, il fut deux fois pris en flanc et mis en déroute ; il perdit beaucoup de monde et eut une vingtaine de blessés. Nous leur avons fait trois prisonniers et pris plusieurs fusils, sabres et gibernes ; nous n'avons perdu qu'un brave sergent des chasseurs du Mont-Cassel, et nous eûmes quatre blessés. Tous nos soldats se sont distingués par leur courage ; je ne saurais te faire assez de louanges de la conduite qu'ont tenue tous nos braves frères de la réquisition, ils se sont comportés comme des héros et ont donné des preuves du plus grand courage . Quelle différence, général, entre des hommes libres et les esclaves ! On voyait les officiers et sous-officiers de ces derniers les battre pour les faire avancer, et les nôtres ne peuvent pas retenir nos braves défenseurs, qui, aussitôt qu'ils voient l'ennemi, se jettent dessus à corps perdu.
Je t'enverrai demain les prisonniers. Je suis allé ce soir à Godwelde et Boeschepe ; tout y est tranquille, les troupes sont entrées dans leurs cantonnements.
Nous avons entendu ce matin tirer le canon du côté de Warneton ou Lille.
Je t'embrasse
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 122).

Duthilt raconte : "DISPOSITIONS POUR LA CAMPAGNE DE 1794
Cet hiver de 1793-94 avait été employé à faire les préparatifs de la nouvelle campagne qui devait s'ouvrir dès les premiers jours du printemps ; tout en France était d'une activité extraordinaire.
La réquisition permanente allait produire tous ses effets; par elle, 800.000 hommes avaient été levés ; ils portèrent la force de nos armées, les garnisons comprises, à 250.000 hommes au Nord, à 40.000 dans les Ardennes, à 200.000 sur le Rhin et la Moselle, et à près de 3OO.000 hommes aux armées des Alpes, des Pyrénées et de la Vendée, indépendamment des dépôts et garnisons.
Pichegru était général en chef de l'armée du Nord, Jourdan de celle de la Moselle, et Michaud de celle du Rhin. Cobourg commandait toujours en chef les coalisés. L'Empereur d'Allemagne s'était rendu en personne dans les Pays-Bas pour exciter l'émulation de son armée. La campagne allait s'ouvrir sur le grand théâtre du Nord; là, 500.000 hommes allaient se heurter depuis les Vosges jusqu'à la mer. Les principales forces des Français étaient vers Lille, Guise et Maubeuge.
- OUVERTURE DE LA CAMPAGNE DE l794
Le bataillon du Mont Cassel, le 14e léger, le Mont des Chats et le 16e de ligne, sous les ordres de Vandamme, se portèrent le 24 avril 1794 (5 floréal an II) sur le village de Boeschepe, rendez-vous de la brigade, et en chassèrent l'ennemi.
Malheur en ce moment à tout habitant qui, se trouvant aux champs ou sur la route, fuyait à notre approche, nos éclaireurs le considérant comme espion ou mal intentionné à notre égard, tiraient sur lui sans pitié.
Le 25 (6 floréal) à 5 heures du matin, nous attaquames le Mont Noir, où les Autrichiens étaient retranchés; la fusillade fut vive et les mouvements impétueux ; en peu d'instans nous forçâmes l'ennemi à abndonner cette forte position et nous lui fîmes des prisonniers.
Les Autrichiens se retirèrent sur la route d'Ypres et nous les poursuivîmes jusqu'au village de Kemmel.
Le 26 (7 floréal), la division Moreau se rassembla dans la plaine de Comines, où l'ennemi s'était aussi porté dans l'intention de nous livrer bataille; l'attaquer et le repousser fut l'affaire d'un instant.
- REPRESSlON DU PILLAGE ET DU VIOL
La campagne était ouverte et notre début très heureux ; l'enthousiasme que les soldats montrèrent, dès le premier jour, allait toujours croissant.
Mais en même temps les mauvaises passions commencèrent à se développer, surtout parmi quelques anciens, effet du peu de discipline observé dans les corps vers la fin de la campagne de Dumouriez; la maraude, le meurtre et même le viol attestaient le passage de quelques misérables d'une nature perverse, et dont les crimes restaient impunis.
Les officiers inférieurs, sortis depuis peu des rangs des soldats, fermaient les yeux en gémissant sur la conduite répréhensible de ces forcenés, pour ne point s'exposer à leur vindicte.
Il était temps d'arrêter ce désordre et d'atteindre les coupables, qui semblaient ne faire la guerre que pour leur compte et pour assouvir leurs passions brutales. Moreau sévit enfin rigoureusement contre eux en les livrant â la Commission militaire qui leur infligea les peines les plus graves
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

Le Bataillon des Chasseurs du Mont-Cassel assiège Menin, défendu par la Légion de la Châtre. Cette dernière tente une sortie dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1794. L'avant-garde de la colonne d'attaque s'avance dans le plus grand silence sur le faubourg de Bruges, occupé par les Chasseurs du Mont-de-Cassel. Les émigrés attaquent à la baïonnette et forcent les postes des Chasseurs, sans tirer un coup de fusil. Un combat sanglant s'engage dans le faubourg même, au milieu de l'obscurité. Un Bataillon de Grenadiers et un du 24e de Ligne prennent les armes. Les émigrés crient de ne pas tirer, qu'ils sont Français, et jettent ainsi de l'incertitude dans la défense. Ils parviennent à se dégager, à se frayer un passage sanglant et à gagner Moorseele, entre la route de Courtrai et celle d'Ostende. Poursuivie de très-près, la garnison de Menin éprouve des pertes, et un certain nombre de prisonniers est fait par la Division Moreau. L'Adjudant général Lacour, chef d'Etat-major de cette Division, est pris, s'étant avancé imprudemment avec quelques Hussards. La place se rend aussitôt (Du Cass e (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 125).

Duthilt raconte : "- INVESTISSEMENT DE MENIN
Le 27 (8 floréal), nous reprîmes la route de Menin, passant par Werwick, où nous rencontrâmes un parti ennemi qui se retira promptement. La légion de Royal-Emigré et quelques chasseurs hanovriens de la garnison de Menin vinrent défendre les approches de cette ville; nous les forçames à rétrograder. Plusieurs colonnes arrivèrent en même temps sur Menin par diverses routes et resserrèrent la place très étroitement. Tout l'hiver avait été employé à la construction d'un grand nombre d'ouvrages qui la rendait susceptible d'une longue défense.
Dans la nuit du 27 au 28 (8 au 9 floréal), la brigade du général Vandamme tourna Menin; le bataillon du Mont Cassel se porta en tête de colonne, sur la route de Bruges; il se subdivisa pour parcourir deux chemins différens; le demi-bataillon de droite, en l'absence du chef de bataillon Detamacker resté malade à Steenvorde, fut conduit par le capitaine des carabiniers Lauvray, et celui de gauche par le capitaine Lange ; celui de droite arriva vers minuit dans un champ en arrière du faubourg de Bruges, près de la chaussée qu'il avait à sa gauche après gu'il eut fait face à la place; celui de gauche vint ensuite dans le même champ et prit position, mais au lieu de se placer derrière à quelque distance ainsi qu'il en avait coutume, trompé par son guide, il rabattit trop tôt, de manière qu'il se trouva placé en avant sur le même terrain; bientôt ils s'aperçurent et se prenant réciproquement pour ennemis, ils se tirèrent quelques coups de fusil ; l'obscurité ayant empêché de bien diriger les feux aucun homme ne fut atteint ; on se reconnut mais l'explosion des armes ayant pu se faire entendre des postes de la place, ne sachant pas d'ailleurs à quel péril on pouvait s'exposer, on nous fît prendre une position plus en arrière dans un champ de colzas, où nous restâmes silencieusement jusqu'au point du jour, afin de ne pas donner dans une embuscade.
La brigade du général Désenfant, placée dès son arrivée dans le faubourg d'Halluin, ayant eu le temps de préparer ses batteries d'obusiers pendant la nuit, fit feu dès le point du jour, et nous donna le signal de l'attaque.
La brigade Vandamme venait d'arriver sur la route de Bruges ; nous nous formâmes de suite en colonne d'attaque, notre bataillon en tête, et la brigade Daendels en observation; nous battîmes la charge marchant jusqu'aux glacis des premiers ouvrages, malgré une vive fusillade et le feu de toute l'artillerie du front de la place qui foudroyait tout ce qui était en vue; les troupes ennemies, qui étaient dehors, furent refoulées et forcées de se mettre en sûreté derrière les défenses. Le bataillon du Mont-Cassel prit ensuite position à la gauche du faubourg, face à la place, et celui du Mont des Chats se porta a la droite, l'un et l'autre bataillon séparés par la route. Nous perdîmes bientôt quelques hommes par l'effet des boulets et des obus lancés de la place; on détacha des chasseurs de chaque compagnie pour tirailler des talus des premiers ouvrages que nous avions emportés, afin d'occuper l'ennemi qui, en ce moment, était attaqué de toutes parts.
Le feu des batteries de la place devint tellement redoutable pour notre artillerie qu'en moins d'un quart d'heure nous eûmes beaucoup de pièces démontées : et comme nos artilleurs tiraient à découvert, beaucoup d'entre eux furent mis hors de combat, de sorte que pour continuer le service des pièces encore intactes, on fut obligé d'y envoyer les chasseurs de notre bataillon qui avaient fait partie de notre compagnie de canonniers réquisitionnaires; ces jeunes soldats luttèrent d'audace et d'adresse avec les canonniers de la ligne.
Dans cette journée, la canonnade fut générale sur Menin, tant du côté de Lille que du côté de Bruges ; sur le soir, on fit retirer de devant la place les corps qui étaient à découvert, ne laissant que de fortes et nombreuses gardes en observation fournies par le Mont Cassel et le Mont des Chats, le restant de ces bataillons fut se loger dans les maisons et les granges a l'entrée du faubourg vers la ville; et les brigades Vandamme et Daendels allèrent bivouaquer à la sortie du faubourg, à cheval sur la route de Bruges.
Le 29 avril (10 floréal) Clerfayt fut battu à Mouscron, où il était venu se poster dans le but d'opérer une diversion.
- SORTIE DES ÉMIGRÉS DE MENIN
Il n'y avait plus d'espoir pour les émigrés français renfermés dans la place de Menin : la résistance et la soumission leur présentaient également la mort (un décret de la Convention prescrivait de passer par les armes tout Français émigré, pris ou non les armes à la main). Dans une aussi triste position que ne tente t-on pas ?
Ils se décidcrent à faire une vigoureuse sortie. Dans la nuit du 28 au 29 avril (10 au 11 floréal), à minuit, ils incendièrent les moulins et les fermes hors de la place et à leur portée, de manière à éclairer leur marche.
En même temps, ils se portèrent entre la porte d'Ypres et celle de Courtrai, se preparant à faire une trouée à travers la colonne française sur la route de Bruges.
Instruits des noms et des numéros des bataillons qui les cernaient, leurs premiers pelotons se présentèrent â nos postes en répondant France ! tel corps ! au qui vive de nos sentinelles, sans arrêter leur marche d'un seul pas.
Ils passèrent avec tant d'ensemble et de rapidité qu'ils arrivèrent au faubourg avant que les troupes qui y logeaient fussent en état de se defendre.
Comme ils parlaient français, et qu'à la lueur des incendies ils paraissaient vêtus et coiffés comme nos chasseurs, ils répandirent tant de confusion que plusieurs des nôtres se mélèrent dans leurs rangs et firent feu avec eux sur leurs propres camarades qui les attaquèrent de flanc les prenant pour ennemis.
On se battit, de cette manière, tumultueusement le long du faubourg, pêle-mêle, corps-à-corps, l'un poursuivant, l'autre poursuivi, et de part et d'autre se tuant impitoyablement sans presque se reconnaître.
Cependant les émigrés, leur artillerie de campagne, leurs bagages et toute leur suite passèrent sans avoir été arrêtés, même par la division placée sur la route de Bruges, et prirent la route de Nieuport. Ils auraient pu se faire précéder par les chasseurs hanovriens, qui étaient de garnison avec eux et se ménager en totalité, mais ils étaient Français, et comme tels ils préférèrent courir la chance d'une mort glorieuse et laisser à la place les moyens de capituler; ils la préservèrent des horreurs qu'éprouve une ville emportée de vive force.
Ce n'était pas assez pour eux d'échapper au plus grand des dangers en se faisant jour à travers la colonne des assiégeans, ils emmenèrent encore les prisonniers qu'ils purent faire pendant l'action, tellement ils surent réunir le calme au courage.
Le nombre des tués et des blessés de notre côté fut considérable ; notre bataillon eut plus de 100 hommes hors de combat, dont une dizaine d'officiers, notamment M. Lauvray, capitaine de nos carabiniers et commandant du bataillon; Delahaye, mon capitaine; Leroi, dit Egalité, mon sous-lieutenant; beaucoup de nos morts et blessés étaient percés de dix à vingt coups de baïonnette, ainsi que le fourrier Leborel, de la commune d'Arques près de St-Omer, qui reçut au même instant dix-sept blessures dont il guérit heureusement en peu de mois.
Le désordre passé, et le soldat revenu de sa surprise, les corps se reformèrent et reprirent position en attendant le jour. Pendant ce temps la ville brûlait ; les batteries françaises du côté de Lille n'ayant point été inquiétées, contiuuèrent leurs feux et incendièrent des maisons, le beffroi et la caserne.
- REDDITION DE MENIN
Le 30 au matin, dès qu'il fut possible de discerner les objets, on envoya les carabiniers du Mont Cassel et du Mont des Chats sous les ouvrages les plus avancés pour reconnaître la contenance de l'ennemi; ils trouvèrent ces points degarnis de troupes, et virent sur un des bastions quelques hanovriens ayant la crosse de leur fusil en l'air, prévenant qu'en ce moment la ville capitulait. En effet, une heure après, un de nos aides de camp en sortit, et vint informer le général Vandamme des conditions de la capitulation. Le peu de garnison qui restait dans la place fut de suite emmenée à Lille.
Ainsi, cette place très fortifiée, ne se rendit que par suite de la déroute de Mouscron, qu'après la fuite de ses défenseurs, lorsque ses maisons, ses fortifications et ses principaux établissemens furent dégradés.
Ce premier fait d'armes, comme celui de Mouscron, exécuté comme le serait un coup de main, malgré les obstacles que nous présentaient les nombreuses défenses de cette place, l'habileté et le courage qui ne cessèrent d'animer ses défenseurs placés dans une position exceptionnelle et désespérée, fut un titre de gloire pour nos jeunes soldats, nonobstant le désastre éprouvé, et qui ne fut causé que par le manque d'expérience dans une surprise de nuit, et l'étonnement de se trouver pour la première fois en présence de Français qui représentaient une autre France.
- POURSUITE DES ÉMIGRÉS
Des vivres furent promptement donnés à la troupe, l'avant-garde fut ensuite envoyée à la poursuite des émigrés sur la route de Moorseele.
L'adjudant cnmmandant Lacour, qui conduisait la colonne, et qui en ce moment marchait à la hauteur des premiers éclaireurs pour leur donner quelques instructions, donna dans une embuscade et fut pris avec quelques hommes qui voulurent le défendre.
Si les bagages éparpillés sur la route eussent été insuffisants pour nous donner la certitude que les émigres avaiennt passé par là, les traces de sang que l'on voyait de distance en distance auraient seules pu nous guider ; il était évident qu'ils avaient eu le soin d'enlever leurs blessés à leur portée, malgré les dangers qu'ils couraient en ralentissant leur marche. Nous étions frappés d'admiration pour des gens aussi braves. Cependant nous ne les suivîmes que jusqu'au village de Moorseele où nous nous arrétâmes parce que nous n'étions pas en mesure d'aller plus loin, et qu'on avait la certitude de les rencontrer une autre fois.
- PILLAGE ET VIOL A MOORSEELE
Pendant notre courte station à Moorseele, quelques malheureux que n'avaient point encore corrigés les rigueurs déployées contre les infracteurs des règlemens militaires, se livrèrent au pillage sous les yeux des généraux, et bientôt entraînés par l'ivresse, ils se portèrent à des excès révoltans. Attiré par des cris panant d'une maison de belle apparence, près de laquelle je m'étais arrêté, j'y entrai et je fus on ne peut plus indigné en voyant dtux sergens de la ligne, dont l'un tenait une femme à la gorge et la serrait au point de l'étouffer, tandis que l'autre violentait une jeune fille de quinze à seize ans. Ne pouvant seul arrêter deux hommes armés de leur sabre et fortement exaspérés, j'armai aussitôt mon mousqueton et je couchai en joue celui qui s'était attaché à la mère, je l'obligeai à lâcher prise et, pour me défendre de lui et de son compagnon qui venait aussi d'abandonner sa proie, je me placai dans un angle de l'apppartement opposè à la porte, et de là je les menaçai l'un et l'autre, les contraignant à la fuite. Ainsi je rendis un signalé service à ces deux pauvres femmes et j'eus en même temps le plaisir d'épargner un crime à ces deux forcenés.
- ARRESTATION DES PILLARDS
Aussitôt que les généraux furent informés de ce qui se passait dans le village, ils firent battre le rappel et, la troupe sous les armes, ils inspectèrent les sacs des soldats, les voitures des cantiniers et firent arrêter ceux nantis d'effets qui n'avaient pas une apparence militaire, ainsi que les individus désignés par les habitans comme les ayant volés ou maltraités, ou ayant attenté à la pudeur des femmes, crime réputé le plus monstrueux chez toutes les nations par sa lâcheté, par l'outrage fait à la victime, et par les malheurs qu'il déverse sur l'excistence de cette infortunée qui, bien qu'innocente, n'en est pas moins repoussée par le préjugé comme souillée. Tous les individus prévenus et arrêtés furent incontinent livrés à la Commission militaire, et plusieurs de ces malheureux furent condamnés à mort et passés immédiatement par les armes. Châtiment terrible mais nécessaire pour le maintien de la discipline militaire en campagne.
- MARCHES AUTOUR DE MENIN, AFFAIRE DE SAINT MICHEL
Nous restâmes en observation à Morseele jusqu'au 2 mai (13 floréal), ensuite nous rétrogradâmes sur Menin ; nous traversâmes cette ville et nous fûmes bivouaquer sur la route d'Ypres.
Pendant notre séjour à Moorseele, la brigade du général Desenfant fut à la rencontre du corps autrichien qui, de son observation devant Ypres, s'était avancé jusqu'à Saint Michel pour nous inquiéter. On dit éprouver à ce corps une perte assez grande en hommes et en artillerie; mais des renforts lui étant arrivés, nos troupes durent rabattre momentanément sur Poperinghe.
Le 4 mai (15 floréal), nous fimes une grande découverte sur Ypres; notre bataillon était appuyé par un escadron de husssards.
Le 5 (16 floréal), nous retournâmes à Menin; nous y passâmes la Lys, et nous fûmes ensuite à Werwick; on détacha quelques compagnies en observation sur les routes par lesquelles l'ennemi pouvait venir et nous tinmes ces positions jusque dans la matinée du 10 mai (21 floréal); alors nous nous transrportâmes au dessus de Courtrai vers Cuerne.
- ARRESTATION ET MISE EN JUGEMENT DE QUELQUES OFFICIERS
Pendant notre séjour à Werwick, les épouses des cantiniers arrêtés à Moorseele et livrés à la commission militaire, se procurèrent des certificats attestant que les effets saisis dans les fourgons de leurs maris, provenaient des bagages abandonnés par les émigrés lors de leur fuite de Menin. Ces certificats, mal rédigés, furent inconsidérément signés par les capitaines Merle et Pecqueur, les lieutenans Delocty, Bétrémieux et Devienne, les sous lieutenans Maugras, Jean Baptiste Chouëller et le Hongre, et par un grand nombre de sous officiers, de caporaux et de chasseurs, car les cantiniers, en raison de leur utilité en campagne, qu'ils soient honnêtes ou non, ont toujours un grand nombre de partisans : munies de ces pièces, les cantinières se rendirent près de la commission, à Courtrai, et s'en servirent pour justifier leurs maris, contre lesquels, d'ailleurs, les preuves de culpabilité étaient difficiles à produire. Cette démarche leur fut salutaire, ils obtinrent leur mise en liberté, mais elle fut infiniment funeste aux officiers signataires, en ce que la commission, acquittant les cantiniers sur la déclaration faite eu leur faveur, voulut donner une leçon de prudence aux officiers, signataires bénévoles, elle les fit arréter, les accusant de faux dans leur déclaration, s'appuyant sur ce que, parmi les effets enlevés aux émigrés, il s'en trouvait quelques-uns d'une nature équivoque, qui ne pouvaient provenir que du pillage de Morseele.
Les signataires, indistinctement, furent appelés au quartier général, désarmés et remis à la gendarmerie pour être livrés à la commission militaire pour, par elle, être jugés sur le crime de faux en témoignage dont on les accusait. Les officiers furent effectivement condamnés à cinq ans de fers, et les sous officiers et chasseurs rendus à leur service, présumés n'avoir été entraînés à donner leur signature que par l'exemple de leurs officiers, attendu que les certificats commençant par ces mots : Nous officiers, etc., il était évident, disait la commission, que les premiers en grade étaient les rédacteurs et les premiers signataires de ces pièces, dont l'enonciation était de toute fausseté, et qu'ils avaient entrainé leurs inférieurs dans une démarche coupable.
Ce jugement inique affecta on ne peut plus tous les militaires indistinctement; les officiers condamnés d'une manière aussi révoltante possédaient l'estime de tous et la méritaient. Il était constant que la majeure partie des effets saisis dans les fourgons des cantiniers provenait réellement des prises faites sur les émigrés; que les rédacteurs des certificats, sans préciser l'origine des uns et des autres effets, avaient pris la partie pour le tout, et que nonobstant la formule de ces pièces, les officiers n'en étaient ni les rédacteurs, ni les premiers signataires, ainsi que l'ordre des signatures apposées le prouvait; que dans ce cas ils n'avaient exercé aucune influence sur qui que ce soit. Enfin, ce qui prouve l'illégalité de ce jugement, c'est qu'il fut révisé par ordre du gouvernement, après bien des instances de la part des condamnés, annulé, et les offtciers absous rendus à leurs fonctions et à leurs corps. Malheureusement ce jugement avait été mis de suite à exécution, et il s'était écoulé quelques mois avant que l'annulation n'en fut prononcée, et le lieutenant Delocty était mort dans les fers par suite de misère et des travaux avilissans auxquels on l'avait assujetti.
La condamnation de ces officiers ayant été considérée comme irrévocable, on ne tarda pas à les remplacer; et leur rentrée inopinée dans un moment où il n'existait plus aucune vacance dans les grades correspondans aux leurs, nécessita la rétrogradation à l'emploi inférieur par ceux promus en leur remplacement, et dès lors une sorte de destitution qui mécontenta ceux qu'elle atteignit, et qui étaient déjà accoutumés aux privilèges de leur grade.
- LE BATAILLON DU M0NT CASSEL RESTÉ SANS OFFICIERS
Pendant le temps que dura l'instruction de cette malheureuse affaire, c'est à dire du 12 au 18 mai (du 23 au 29 floréal) au matin, notre bataillon se trouva absolument dépourvu d'officiers, au point qu'il devait être commandé par un sergent major : le chef de bataillon Detamacker était encore absent pour cause de maladie, et tous les officiers indistinctement étaient éloignés, les uns cités au Conseil de guerre comme prevenus, les autres comme témoins à charge ou à décharge, y compris l'adjudant sous officier Canche; il ne restait plus que le quartier maitre Collet qui, n'ayant pas suivi le bataillon, n'avait pu être appelé. Cet officier prit donc, sans concurrence, le commandement et le conserva jusque dans la matinée du 18 mai (29 floréal), jour de la rentrée du commandant Dctamacker et des officiers non condamnés. On se demanda ce qu'aurait fait le bataillon commandé par un chef n'ayant pas l'habitude du commandement, et les compagnies commandées par un sous officier si, pendant ce laps de temps, il eût dû marcher à l'ennemi, ou défendre une position ?
- BATAILLE DE TOURCOING
Le 12 mai (21 floréal) au matin, nous fîmes une reconnaissance sur la route d'Ypres. Dans cette marche, nos éclaireurs virent venir à eux deux cavaliers autrichiens qui semblaient aller avec une parfaite sécurité; les éclaireurs s'arrêtèrent pour ne pas se faire voir ; un d'eux vint informee le commandant de l'avant garde de cette rencontre; cette avant garde était encore couverte par un taillis épais et par un léger coude de la route. L'avant garde et la colonne s'arrêtèrent silencieusement. Les cavaliers continuaient leur route et tombèrent bientôt dans l'embuscade qui leur était dressée.
On s'empara de leurs dépêches destinées à un général major qui tournait l'aile gauche de notre armée, et qui se dirigeait sur Tourcoing, où était notre grand parc.
Moreau prit aussitôt la résolution de faire rétrograder le parc, les vivres et les ambulances vers le château de Bondu.
- COMBAT A COURTRAI
Le combat qui eut lieu à Courtrai dans la journée du 18 mai (29 floréal) n'est qu'un épisode de la bataille de Tourcoing; la brigade Vandamme, chargée du soin de ralentir la marche de Clerfayt sur Tourcoing, était rentrée dans Courtrai; Clerfayt s'y était présenté ce même jour, 18, avec des forces imposantes; nous nous battîmes opiniâtrement jusqu'à trois heures sans succès; alors l'ennemi rassemblant ses masses fit un effort extraordinaire et nous contraiguit à repasser la Lys et à prendre la défensive sur l'autre rive; Vandamme ne perdit pas un instant; il rentra promptement dans Courtrai qu'il traversa de suite à la course, en sortit avec notre bataillon par la porte menant à Cuerne, où dëjà des tirailleurs ennemis étaient sur le point de sauter dans les retranchcmens; notre bataillon prit aussitôt les Autrichiens en flanc et les repoussa loin de la place; alors les autres bataillons de la brigade Vandamme qui étaient restés sur l'autre rive de la Lys, revinrent et attaquèrent vivement les masses ennemies qui se pressaient l'une l'autre et les culbutèrent.
Nous primes quelques pièces de canon, un drapeau et fîmes des prisonniers, notamment un superbe escadron de dragons anglais du régiment d'York, car dans cette affaire, la cavalerie anglaise était venue appuyer les corps autrichiens.
Notre bataillon reprit deux pièces françaises que l'ennemi avait enlevées au bataillon des volontaires de Paris, dit Egalité.
Pendant la nuit, les corps autrichiens se retirèrent sur Thielt et Ypres (Clerfayt) et sur Tournai (Cobourg).
- COMBAT A PONT A CHIN « Pichegru malheureusement livra ensuite inutilement à Pont à Chin un combat qui lui fit perdre une partie de l'ascendant que la bataille de Tourcoing lui avait valu».
Cependant nous pouvions nous considérer comme victorieux en Flandre; nous avions non seulement résisté à la coalition, mais triomphé d'elle en plusieurs rencontres ; nous avions remporté une grande victoire, et nous nous avancions sur deux ailes dans la Flandre et sur la Sambre. La perte de Landrecies n'était rien auprès de ces avantages.
- MARCHE SUR YPRES, SIÈGE
«Pichegru résolut de commencer le siège d'Ypres dans le double but de prendre la place et d'attirer Clerfayt».
Le 20 mai (1er prairial) le bataillon des chasseurs du Mont Cassel fut bivouaquer près du pont d'Euren.
Le 23, après la diane battue, il se porta entre Lille et Courtrai, bivouaquant avec le 14e bataillon d'infanterie légère jusqu'au 27 (8 prairial).
Le 28 (9 prairial), il alla à Outrevilliers puis à Courtrai : dans cette marche, il fut appuyé par un escadron de chasseurs.
Le 2 juin (14 prairial), il se rendit au village de Dickebusch ou il n'arriva que très avant dans la nuit.
Le 3 (15 prairial) toute la division Moreau était en vue d'Ypres sur la route de Warnelon.
Le 4 (16 prairial) nous donnâmes la chasse aux postes extérieurs et nous les fîmes rentrer dans les ouvrages.
La tranchée s'ouvrit le même soir sous le commandement de Moreau chargé du siège.
Le 5 (17 prairial) au matin, la garnison fit une vigoureuse sortie tendant à déloger nos travailleurs et à combler les tranchées; le combat fut très animé mais sans résultat pour l'enqemi qui, cependant, ne rentra dans la place que vers la nuit, avec perte de 5 à 600 hommes.
Je consigne ici un fait tout particulier passé sous mes yeux.
Au moment où nos tirailleurs poursuivaient les troupes de la garnison qui rentraient dans la place, sortant du faubourg Saint Jean, près de la porte dt la ville, un boulet parti d'une des pièces de campagne, braquée sur le quinconce vis à vis la route que nous tenions, vint abattre l'angle du mur d'un jardin et frapper en plein la tête d'un grenadier du 16e de ligne, mêlé avec nos chasseurs ; ce grenadier courait en avant pour dépasser l'angle qui nous cachait l'ennemi; bien que sa tête fut emportée du coup, il n'en resta pas moins debout, mais au lieu d'aller en avant il rétrograda aussitôt de cinq à six pas en arrière avant de tomber; j'étais près de lui, je fus couvert de son sang, de sa cervelle et des parcelles de son crâne.
Dans la nuit du 5 au 6 (17 au 18 prairial), nos batteries furent établies et l'artillerie montée. La brigade èu général Desenfant vint appuyer sa gauche à Vlamertingke; la division du général Macdonald se porta en observation sur la route de Thielt, où Clerfayt était campé; le Mont Cassel, le 14e bataillon d'infanterie légère et le 16e de ligne furent établis très près des premiers ouvrages de la place ayant derrière eux le faubourg Saint Jean, dans lequel était un escadron du beau régiment de carabiniers à cheval.
Vers le soir, après la rentrée du parlementaire envoyé pour sommer la place, toutes les batteries firent feu à la fois et conlinuèrent à tirer à courts intervalles jusqu'au 11 (23 prairial). Les 12 et 13 (24 et 25 prairial), on battit particulièrement en brèche et le 14 (26 prairial) , le général Moreau fit cesser le feu des batteries et celui des tirailleurs du Mont Cassel logés dans des trous de loup, le long du fossé de la place sur le front du faubourg Saint Jean, pour faire une seconde sommation; le général Salis, gouverneur d'Ypres, ayant encore refusé de se rendre, on recommença le feu avec plus de vivacité. Les édifices les plus apparens furent bientôt incendiés.
Pendant la nuit du 16 au 17 (28 au 29 prairial), le gouverneur, se voyant contraint à capituler, ne comptant plus sur le secours que devait lui porter le général Clerfayt, qui venait d'être battu, fit arborer un drapeau blanc et battre la chamade.
Une suspension d'armes fut arrêtée pendant laquelle on convint des articles de la capitulation.
Le soir du 17, un conseil de guerre fut tenu à Poperinghe, ville distante de trois lieues, pour la rédaction des articles qui, sans de grands débats, furent arrêtés et signés immédiatement par les autorités militaires des deux nations. Le représentant du peuple, Richard, commissaire de la Convention à l'armée du Nord, y assista également.
Le 18 juin (30 prairial) de grand matin, des compagnies de carabiniers et de grenadiers furent occuper dans la place les postes convenus, et à 10 heures, la garnison, forte de 6.000 hommes, sortit avec les honneurs de la guerre et vint déposer ses armes, son artillerie attelée, ses chevaux de cavalerie et de maîtres, ses drapeaux et ses étendards vis à vis les troupes françaises en bataille sur les glacis du côté de Lille. Chacun des corps français fournit ensuite un détachement pour escorter ces prisonniers jusqu'à Lille. Nous entrâmes dans Ypres par la porte de Poperinghe, et nous en sortîmes de suite par celle de Saint Jean, laissant dans la place une garnison suffisante pour sa défense.
Nous perdîmes peu de monde pendant la durée du siège, malgré que notre position nous mit souvent en contact avec l'ennemi; il nous fit quelques prisonniers, entre autres le sergent Debugny, de notre 8e compagnie ; nous les retrouvâmes dans la place.
- NOMINATION DANS LE BATAIUON AUX GRADES VACANS
Pendant le siège, on s'occupa du remplacement des officiers et sous officiers dans les grades vacans; la 8e compagnie eut pour capitaine monsieur Louis Chouëller, en remplacement de monsieur Delahai, decédé par suite des blessures qu'il reçut à Menin; elle eut, pour sous lieutenant, monsieur Baroux, en remplacement de Monsieur Leroi, dit Egalité, passé lieutenant à une autre compagnie.
- MORT DU CHEVALIER LORETAN
C'est dans cette ville que, le 7 juillet, fut passé par les armes monsieur le chevalier Loretan, ancien maire et ancien colonel de la garde nationale de Saint Orner, émigré réfugié à Ypres, où il fut arrêté et condamné à mort comme émigré et fougueux partisan de l'étranger, recrutant publiquement sur la frontière de France; il reçut la mort avec fermeté.
- BATAILLE d'HOOGLÈDE (13 juin - 25 PRAIRIAL)
Cette bataille dans laquelle la division Macdonald décida la défaite de Clerfayt, entraîna la reddition de la place d'Ypres.
Cobourg allait aussi se porter au secours de cette place et de Clerfayt, lorsqu'il apprit qu'il n'était plus temps. Les événements qui se passaient sur la Sambre, l'obligeaient alors à se diriger vers le côté opposé du théâtre de la guerre. Il laissa le duc d'York sur l'Escaut, Clerfayt à Thielt, et marcha avec toutes les troupes autrichiennes vers Charleroi.
- MARCHE SUR BRUGES
Le 20 juin (2 messidor) nous allâmes bivouaquer près de Condamir avec le 14e bataillon d'infanterie légère.
Le 21 juin (3 messidor), nous nous réunîmes à la division du général Cousin, près de Meulebeke, où nous séjournâmes le 22 (4 messidor).
Le 23 (5 messidor), nous fîmes une découverte sur le bourg de Templé, ayant avec nous de la cavalerie et de l'artillerie; là nous aperçûmes l'ennemi qui se retira à notre approche; ensuite nous rentrâmes à notre précédent bivouac.
Le 24 (6 messidor) avec le 14e léger et de la cavalerie, nous allâmes à Vogneux, passant par Thielt, où Clerfayt avait campé si longtemps.
Le 25 (7 messidor), conjointement avec le 2e régiment de hussards et le 21e de chasseurs à cheva1, nous fümes à Waerdamme près de Bruges.
Pendant la nuit du 25 au 26 (7 au 8 messidor), l'ennemi se rapprocha de nos possitions et sembla se disposer à nous a attaquer, cependant il s'eloigna au point du jour, et laissa nos patrouilles s'approcher de Bruges sans les inquiéter aucunement ; le mouvement que l'ennemi venait de faire avait sans doute pour but de couvrir une marche de retraite. Après la rentrée de nos découvertes, nous retournâmes au bivouac de Vogneux.
Le 27 (9 messidor), nous nous portâmes dans un bois sur la route de Gand, après avoir traversé Deynze Peteghem.
Le 28 (10 messidor), nous nous rapprochâmes de Gand, et nous primes position sur un point de cette route entre cette ville et Deynze.
Le 29 (11 messidor), nous fîmes une grande découverte sur la route d'Iems.
Le 30 (12 messidor), longeant la Lys, nous fûmes au village de Stenberg, où la division Moreau se rassembla.
Nos différentes marches répétées autour de Bruges, observant alternativement les émigrés, les Anglais et les Autrichiens refoulés à notre gauche vers le littoral de la mer, et concentrés vers Nieuport ou Ostende, avaient sans doute pour but de les empêcher de se joindre aux autres troupes coalisées agissant encore au centre sous le cornmandement de Cobourg, plutôt que de les empecher de gagner Anvers, pour se réunir soit aux Hollandais, soit aux Prussiens vers le Rhin; quoiqu'il en soit, le moment était venu où nous devions marcher directement sur Bruges.
- ENTRÉE DANS BRUGES
La grande chaleur que nous éprouvâmes le 1er juillet (13 messidor) jointe au manque de bonne eau dans la plaine que nous traversâmes en plein midi, fit un mal préjudiciable à notre division ; plusieurs soldats moururent en route, et d'autres contractèrent dès ce jour des fièvres d'un très mauvais caractère.
La chaleur était d'autant plus accablante gue l'atmosphère était chargée de nuages orageux, qu'on ne sentait pas le moindre souffle de vent, et que nous marchions sur une terre blanche qui reflétait les rayons solaires que les nuages laissaient échapper par intervalles, et que la poussière qui s'élevait autour de nous nous ôtait tout moyen de respiration; les chevaux et les hommes éprouvaient de l'abattement, un malaise inexprimable ; on n'avançait qu'en se traînant avec peine, chacun désirait que l'orage éclatât comme pouvant seul mettre un terme à nos souffrances.
Enfin le tonnerre gronda, de longs éclairs sillonnèrent les nues, et la pluie tomba par torrens; elle releva nos forces abattues et nous la reçûmes comme un bienfait. Dans cet état nous entrâmes dans Bruges qui n'était pas encore entièrement évacuée par l'ennemi; nous y trouvâmes les boutiques de marchands, les cantines et les auberges ouvertes; les hommes et les femmes semblaient se livrer à leurs occupations ordinaires comme si nous eussions été des troupes amies; nous avions besoin de repos et de rafraîchissemens, avec nos assignats nous nous procurâmes tout ce qui nous était indispensable, et on nous rendait en numéraire le surplus du coût de chaque chose.
Les corps français mis à la poursuite de l'ennemi vers Damme atteignirent encore l'arrière garde et firent quelques prisonniers.
Malgré les évacuations considérables que faisaient l'ennemi de chaque point qu'il était forcé d'abandonner, il nous laissait partout néanmoins beaucoup de denrées de toute espèce, et même de l'artillerie; Bruges nous en fournit encore passablement. Après deux heures de repos, on ne peut mieux employées, nous primes la route de Nieuport, ne laissant à Bruges que quelques bataillons et un régiment de cavalerie pour la garde du parc et du quartier général.
Pichegru laissa Moreau, avec sa division, faire le siège de Nieuport, et avec le restant de son armée il s'empara d'Ostende et de Gand.
- BATAILLE DE FLEURUS
En même temps nous apprîmes que l'armée de Sambre et Meuse avait, le 26 juin (8 messidor) remporté une victoire complète sur l'armée des coalisés, victoire qui nous ouvrait décidément toute la Belgique.
- PRISE D'OSTENDE, FUITE DES ANGLAIS
Dès notre sortie de Bruges le 1er juillet (13 messidor), le bataillon du Mont Cassel et le 14e léger, accompagnés d'un escadron de hussards du 8e régiment, marchent sous le commandement d'un officier supérieur de l'état major.
Ils furent dirigés vers les dunes à la poursuite du duc d'York qui se retirait sur Ostende, où une flotte anglaise l'attendait, tandis que le général Moreau, avec le restant de sa division, marchait aussi rapidement par une autre route pour s'interposer entre Ostende, la mer et les Anglais de manière à les mettre entre deux feux; mais les Anglais, ayant gagné de vitesse, nous échappèrent. Notre colonne atteignit seulement le bataillon des chasseurs de Poperinghe, formant l'arrière garde, bataillon qui nous avait fait tant de mal durant notre quartier d'hiver sur notre frontière du Nord ; notre cavalerie le tailla en pièces du premier homme au dernier.
Notre subite apparition devant Ostende déconcerta les Anglais et les contraignit à s'embarquer précipitamment, jetant leurs bagages à la mer, abandonnant leur artillerie, leurs munitions et leurs magasins; on en trouva plusieurs remplis de comestibles et de liquides en très bon état et de fort bonne qualité. La division y sejourna le 2 (14 messidor).
La ville d'Ostende est une des plus importantes du Brabant par son commerce maritime, ses richesses et la position avantageuse de son port vers les côtes septentrionales de l'Angleterre.
- INVESTISSEMENT DE NIEUPORT
Le 3 juillet (15 messidor), nous fûmes au village de Middelkerke près de la mer; là, nous eûmes le regret de voir ces fiers insulaires toujours chassés, battus et toujours arrogans, étaler leur flotte à nos yeux, faisant des démonstrations vers la côte et pourtant s'éloignant de la West Flandre pour n'y plus revenir.
Vers midi nous partîmes de Middelkerke et nous nous rendîmes à Rattevalle près de Nieuport. A notre arrivée, nous repoussâmes une reconnaissance ennemie et nous prîmes ensuite position.
Une seule route menant à Nieuport était libre, celle longeant le canal ; toutes les autres étaient recouvertes par l'inondation; le village de Lombarzyde à portée de la place, était néanmoins à sec; ce fut sur ce point que, de notre côté, nous élevâmes quelques batteries d'obusiers. Le 5 juillet (17 messidor), ces batteries furent montées et firent feu dès le point du jour.
Les carabiniers, 7e et 8e compagnie du Mont Cassel prirent leur logement dans l'auberge et autres maisons à l'écluse sur le canal, sous le commandement du capitaine Feget ; les autres compagnies du bataillon furent placées, quelques unes à Lombarzyde et les autres dans les fermes au milieu de l'inondation, que l'on pouvait parcourir en bateaux. Nous gardâmes ces positions toute la durée du siège, et nous fournîmes chaque jour des gardes de sûreté.
- TENTATIVE DES ÉMIGRÉS POUR S'ÉCHAPPER DE NIEUPORT
Dans la nuit du 6 au 7 juillet (18 au 19 messidor), l'ennemi fit feu de toutes pièces sur le village de Lombarzyde, autour duquel campaient les troupes de la division Moreau, s'éclairant fréquemment par des pots à feu, tandis que quelques canonnières, détachées de la flotte anglaise, profitant de la marée haute, entraient dans le canal coulant à la mer, et, joignant leur feu à celui de la place, rasèrent en un quarr d'heure nos batteries et le village ; en même temps, des émigrés de marque descendirent dans des barques ce même canal et furent rejoindre les canonnières, puis la flotte anglaise embossée à quelque distance.
Présumant que ces premières barques ne tarderaient pas à être suivies par d'autres, on fît occuper la rive par des tirailleurs, plaça du canon pour éloigner les canonnières et prit toutes les mesures propres à arrêter les barques qui se présenteraient encore. A la première marée, d'autres émigrés tentèrent encore ce passage, mais cetre fois il leur fut fermé. On tua un grand nombre de ces malheureux qui, pour se sauver, abordèrent l'une ou l'autre rive, et les autres furent noyés. Après cette sanglante et bien cruelle expédition, on retira les pièces et nos hommes trop exposés au feu de la flotte et de la place.
Dans la matinée du 7 juillet (19 messidor), les feux des batteries de la place et de la flotte recommencèrent vivement et durèrent tout le temps de la haute mer. Le 14e léger passa sur la rive gauche pour prendre position vis à vis le fort Saint Pierne, de concert avec les grenadiers du 16e régiment de ligne, pour s'opposer au débarquement que l'ennemi tenterait sur ce point. Ce même jour, une division vint, du côté de France, s'établir aux environs du fort Saint Pierne et cerner complètement la place; le 14e léger et les grenadiers revinrent alors sur notre rive.
Le 18 juillet (30 messidor) au matin, Moreau fit, pour la seconde fois, sommer la place, afin de la préserver des suites funestes d'un bombardement; l'aide de camp Gobrecht, attaché au général Vandamme, fut chargé de cette mission ; après les formalités usitées, il fut introduit dans la place sous une forte escorte hanovrienne afin de le préserver de la fureur des émigrés, tous exaspérés contre le général Vaodamme et contre tout ce qui lui était attaché. Le général hanovricn, comte Diepenbroick, gouverneur de la place, consentit à capituler, et chargea l'aide de camp de présenter à Moreau les articles de la capitulation qu'il avait rédigés ; ils furent acceptés par Moreau, moins ceux en faveur des émigrés, mis hors la loi, malgré que les Hanovriens pouvaient eux-memes encourir le meme sort, en les considérant comme sujets anglais. Un décret de la Convention ordonnait de passer par les armes tous les Anglais et Hanovriens pris en combattant. Mais dans cette circonstance, séparés des soldats de cette nation, on ne vit en eux que des Allemands et ils furent traités comme leurs compatriotes pris à Menin.
La ville ouvrit ses portes le 19 juillet (1er thermidor) ; la garnison forte de 1.800 hommes d'infanterie hanovrienne, de deux escadrons de cavalerie autrichienne, et de 100 artilleurs bavarois, se constitua prisonnière et fut emmenée à Dunkerque.
Les émigrés français, moins heureux qu'à Menin, se répandirent inutilement dans l'inondation, espérant pouvoir échapper aux recherches que l'on allait faire contre eux, et pour se soustraire au sort fatal qui les attendait ; on leur donna la chasse de toutes parts, quelques uns se noyèrent, quelques centaines furent ramenés à Nieuport, où une commission chargée de constater leur identité était établie; ils étaient immédiatement livrés à la troupe et fusillés; exécution horrible qui répugnait à nos soldats.
Quelques émigrés étaient néanmoins parvenus à s'échapper en endossant l'habit militaire hanovrien et confondus dans les rangs des prisonniers.
C'est ainsi que ces malheureux émigrés, qui croyaient toute l'Europe intéressée à leur sort, furent constamment les jouets des puissances coalisées, qui ne firent jamais scrupule de les abandonner et de les sacrifier inhumainement, en les enfermant dans des places de guerre qui devaient tomber aux mains des Français.
Un autre infortuné; Vidlaine, des environs de Cassel, passé à l'ennemi pendant notre séjour à Steenvorde, fut reconnu parmi les émigrés avec lesquels il servait, pour être déserteur de la 8e compagnie de Mont Cassel; au lieu d'être mis à mort à Nieuport, on l'envoya à l'écluse, où était sa compagnie, et de suite il fut exécuté.
- ENTRÉE DES FRANÇAIS A BRUXELLES; JONCTlON DES DEUX ARMEES DU NORD ET DE SAMBRE ET MEUSE
"Pendant que Moreau avec une partie de l'armée du Nord s'emparait d'Ostende et de Nieuport, Pichegru avec l'autre partie après avoir pris Gand et Jourdan avec l'armée de Sambre et Meuse après avoir livré quelques combats d'arrière-garde, entraient à Bruxelles".
Par suite du gain de la bataille de Fleurus, les places de Condé, de Valenciennes, de Le Quesnoy et de Landrecies, que les coalisés nous avaient prises à la fin de la campagne de l793 et au commencement de celle ci, 1794, étaient investies par les Français et allaient bientôt nous être rendues.
La Convention avait décrété que si les garnisons ennemies de ces places ne se rendaient pas de suite, elles seraient passées au fil de l'épée. On ne tint cependant aucun compte de ce décret.
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

Le 29 juillet 1794, le Général Vandamme écrit, depuis Yzendyck, au Général Moreau : "Je dois te faire part des actions vraiment héroïques qui se sont passées sous mes yeux lors du passage de la ligne. Au moment où je me décidai à ce passage, je voulus établir un pont. Le courage de mes soldats fut trop impatient pour en attendre la construction ; ils s'emparèrent des bateaux aussitôt qu'ils parurent ; d'autres firent plus, ils se déshabillèrent nus pour courir sur les batteries de l'ennemi. Le citoyen Bernard, caporal, Debengui, sergent, et Veutre, sergent-major au bataillon des chasseurs du Mont-de-Cassel, le capitaine des carabiniers du 14e s'est aussi distingué, ainsi que beaucoup d'autres dont j'ignore les noms. J'ai tort de t'en nommer quelques-uns, parce que j'ai eu beaucoup de peine à retenir tous les soldats de ma brigade ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 179).

Duthilt raconte : "- PASSAGE DU COXISCHE; PRISE DE L' ILE DE CASSANDRIA
Il restait encore hien des choses à exécuter par le corps d'armée sous les ordres de Moreau, agissant à l'extrême-gauche de l'armée du Nord, avant que nous puissions considérer la campagne d'été de 1794, comme terminée ; nous avions encore sur ce point à conquérir la Flandre hollandaise.
Le 22 juillet (4 thermidor), la division Moreau se porta à Deynze.
Les 23 et 24 (5 et 6 thermidor), elle bivouaqua près de Damme.
Le 25 (7 thermidor) elle fut à Roubecq près de Maldeghem et y séjourna le 26 (8 thermidor).
Le 27 (9 thermidor) elle se remit en marche et passa, une partie par Saint Laurent, l'autre par Riottenbourg, et vinrent aboutir à peu de distance d'Isendick, dans l'île de Cassandria, où Cadzand.
Le siège de la ville de l'Ecluse était résolu, la prise de l'ile de Cassandria était un des plus grands obstacles que présentait cette opération; mais en voie de conquêtes rien ne devait retarder notre marche, ni ralentir notre ardeur; aussi ce projet fut il aussitôt exécuté que conçu.
Quatorze pièces de canon défendaient une digue étroite et inondée de tous côtés, seul endroit par où l'on pouvait aborder au Coxische. De l'autre coté, entré Isendick (sic) était établi un camp de 7 ou 8.000 hommes; ce camp menaçait d'une forte résistance ou nous promettait une bonne capture; nous nous arrêtâmes à cette dernière conjecture. Entourés de canaux, les Hollandais croyaient leur camp inabordable, aussi y vivaient-ils dans la plus parfaite sécurité ; n'étant point attendus de sitôt, nous pûmes arriver sous la digue, au point du passage, et faire toutes les dispositions convenables avant que d'avoir été aperçus; nous ne le fûmes en effet qu'au moment où notre artillerie était déjà en position pour détruire les batteries ennemies établies sur l'autre rive. Le canal partout large, profond et rapide, nécessitait bien des précautions pour le passer, mais dans leur impatience les soldats ne purent attendre que les pontonniers missent les barques à l'eau, il les lancèrent eux mêmes; mais n'ayant encore ni rames ni conducteurs, ni même assez de cordages, soit pour amarrer les barques, soit pour les remorquer au moyen de nageurs, ils nouèrent leurs mouchoirs bout à bout et en firent de faibles cables à l'aide desquels les nageurs déjà à l'eau, les uns tirant en avant, les autres poussant, ils firent arriver les barques à l'autre rive, quoi qu'elles fussent lourdement chargées.
Les nommés Ventre, sergent major à la 7e compagnie du Mont Cassel, Debugny sergent et Bernard caporal de la 8e, passés des premiers, absolument nus, abordèrent heureusement la rive ennemie, sans avoir endommagé ni leurs carabines, ni leurs cartouches, tandis que les barques glissaient lentement et que notre artillerie précipitait son feu pour éteindre celui des Hollandais qui venaient de donner un signe de vie.
Ces braves gravirent la digue sous le canon, et, à leur apparition, les canonniers abandonnèrent leur batterie. Monter sur les affuts pour s'assurer des mouvemens des Hollandais et pour prendre connaissance des lieux, fut l'affaire d'un instant; cette précaution leur fit remarquer que des cavaliers cherchaient à réunir les fuyards pour les ramener à leurs pièces; nos trois intrépides soldats se mirent en devoir de les en empêcher. Les canons n'étaient pas encloués, et les munitions étaient en bon état, de suite ils tournèrent une des pièces contre ces cavaliers, la chargèrent et, à défaut de mêche, l'un d'eux appliqua le bassinet de sa carabine sur la lumière du canon, pointé au hasard, tandis qu'un autre y allumait un boute feu qu'il venait de ramasser; puis, tirant encore et rechargeant plusieurs fois, ces canonniers, d'une espèce nouvelle, déconcertèrent l'ennemi et le décidèrent à s'éloigner, croyant notre passage déjà effectué. Par ce trait des plus audacieux et des mieux combinés, ces braves donnèrent à nos troupes le temps d'arriver, et de se former parfaitement sur l'autre rive.
Plusieurs barques montées par des grenadicrs du 16e de ligne, s'étant déjointes dans la route par l'action du soleil, donnèrent entrée à l'eau et coulèrent ; Moreau, désespéré de voir périr ainsi ses braves grenadiers, se jette aussitôt à l'eau, son aide de camp le suit, ils vont et viennent de la rive au canal et du canal à la rive, et ils ont la gloire et l'inappréciable plaisir d'arracher de bons soldats à une mort certaine.
Cet exemple donné par un chef si haut placé fut aussitôt suivi par le capitaine Jacob Bouillet du 14e léger et par bien d'autres officiers et soldats. Les noms de ces militaires qui se sont le plus distingués dans cette circonstance, ont été honorablement consignés dans un décret ainsi conçu :
1S Thermidor an 2 (2 août 1794)
LA CONYENTION NATIONALE DECRETE :
Article 1er. - L'impression et l'envoi des lettres officielles de l'armée du Nord aux autres armées;
Article 2e. - il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la séance, de la conduite couraageuse des compagnies de grenadiers, de chasseurs, de carabiniers, infanterie et artillerie, qui se sont distinguées dans la prise de l'ile de Cassandria, ainsi que des actes de bravoure des citoyens Bernard caporal, Debugny sergent et Ventre sergent major au bataillon des chasseurs du Mont Cassel ; Lavis caporal des grenadiers du 16e régiment de ligne, Baudot aide de camp du général Moreau, Bouillet jacob capitaine des carabiniers du 14e bataillon d'infanterie légère, et du général Moreau.
Article 3e. - Il sera envoyé un extrait du présent décret et du procès-verbal aux militaires ci-dessus nommés.
Le reste de la journée fut employé à la poursuite des Hollandais complètement battus. Nous pénétrâmes dans leur camp; tout ce qu'il contenait fut abandonné à la troupe. Chaque soldat eut de quoi s'indemniser de la perte de son mouchoir, car on y trouva du drap, des habits, des capottes (sic), du linge, des souliers, des sacs de toile et de peau, des armes et les caisses des trésoriers des régimens. Mais les tentes, les armes et les trésors des corps furent revendiqués par l'ordonnateur, les uns pour le parc de l'armée, les autres pour la trésorerie ; quelques parties de ces derniers objets restèrent sans doute aux mains de ceux qui les touchèrent.
Dans ce combat, aux abords du camp, j'ai blessé d'un coup de feu un capitaine hollandais, je le fis prisonnier et je le remis moi même à l'état major du général Moreau, au dépôt des prisonniers de guerre; j'en tirai un reçu que j'égarai bientôt après comme chose inutile.
Ce fait, comme celui rapporté précédemment, méritait bien une mention honorable; mais alors la multitude en tout genre de ces actions isolées, n'était point recueillie par les corps qui n'avaient point d'archives à ce destinées, et leur nombre ne pouvait rester gravé dans la mémoire des hommes, car il se passait peu de jours où de simples soldats ne fissent des actions dignes de remarque et qui restèrent pour jamais dans l'oubli.
Les décrets par lesquels un corps ou un homme était signalé comme ayant bien mérité de la patrie perdaient de leur prix par leur stérilité, car l'éloge ne laissait rien après lui.
L'ordre de Saint Louis avait été aboli, rien ne le remplaçait ; on ne pouvait prévoir l'institution des armes d'honneur et nul n'aurait songé, à cette époque, à la création de la Légion d'Honneur, l'austérité républicaine s'en fût indignée ; on était brave, mais on ne tenait pas à le faire constater. Cependant, bientôt une exception eut lieu en Italie; le 16 fructidor an 5 (22 août 1797) au quartier généal à Udine, Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, voulant récompenser les militaires qui, sous son commandement, s'étaient particulièrement distingués dans cette campagne, et dans celles précédentes, mit à l'ordre de l'armée et au nom du Directoire exécutif, que le chef d'état major général fera faire 90 sabres d'infanterie et 10 de cavalerie, avec lame de damas et la monture dorée, travaillés par les meilleurs artistes d'italie, avec inscription sur chaque lame du nom, lieu de naissance, grade, corps et l'action honorable donnant droit au port de ces armes qu'il voulait délivrer aux militaires qui se seraient le plus distingués dans le cours de ces campagnes. Néanmoins rien ne prouve que cet ordre fut exécuté, on ne connaît aucune liste ni aucun des noms de ceux qui eurent part à cette faveur.
Enfin le soir de cette brillante journée, le bataillon du Mont Cassel fut bivouaquer à la vue d'lsendick, ville d'une assez grande étendue, bien bâtie, ayant de belles fabriques, de belles rues, tout ce qui rend une ville hollandaise agréable, pouvant figurer parmi les places de guerre d'une belle apparence, susceptible d'une défense prolongée.
Le lendemain nous nous portâmes sur la route de Groëde où nous bivouaquâmes jusqu'au 30 (12 thermidor).
Le lendemain 31 juillet (13 thermidor) nous entrâmes dans Groëde, conjointement avec le 14e bataillon d'infanterie légère. Des compagnies de ces deux bataillons furent aussitôt détachées et postées le long des dunes jusque près la nouvelle Ecluse; ils fournirent aussi un fort détachement à Bekem.
- SIÈGE DE L'ÉCLUSE
"Le général Moreau avait mis le siège devant l'Ecluse qui capitula le 22 juillet (6 thermidor) après 22 jours de siège".
L immense quantité d'eau répandue de toutes parts, sa stagnation sa fétidité qu'augmentait continuellement la grande chaleur qu'on éprouvait, dénaturèrent tellement l'air, du reste habituellement malsain dans ces contrées, que bientôt des fièvres pestilentielles firent des ravages affreux dans le corps d'armée; les bivouacs dans la boue, les cantonnements déplorables, et les routes étaient jonchés de soldats malades qui n'avaient plus la force de s'occuper de leur conservation; des ambulances, des voitures de toute espèce allaient et venaient sans cesse, ramassant et transportant aux hopitaux tous ceux atteints de cette funeste maladie; et bientôt les hopitaux de la Flandre furent si encombrés qu'il fallut évacuer les malades et les faire refluer sur les villes de France qui déjà en étaient remplies ; aussi prit on le parti de les envoyer chez leurs parens, à proximité, ou de les confier à la générosité des Français qui voulaient bien s'en charger.
Chaque bataillon n'avait déjà plus qu'un effectif de 2 à 300 hommes, et cependant toujours l'armée volait à de nouvelles conquêtes.
- CHUTE DE ROBESPIERRE
Pendant notre séjour à Groëde nous pûmes nous occuper quelque peu de la France, car les nombreuses affaires importantes que nous eûmes à soutenir depuis l'ouverture de la campagne ne nous permirent aucunement d'y penser, occupés de la guerre et excédés de fatigues, sans communication avec les habitans de la Flandre, retenus comme nous l'étions sans cesse dans nos bivouacs ou sous les armes, nous ignorions absolument ce qui se passait dans notre patrie.
Quand l'ordre de l'armée vint nous confirmer cette grande nouvelle, la joie fut universelle, non que l'armée se trouvait heureuse d'en être débarrassée, l'honneur seul guidait l'armée, toute opinion politique lui était étrangère, et les ordres sanguinaires relatifs aux prisonniers anglais ne furent jamais exécutés; les soldats disaient : nous ne sommes ni bourreaux, ni assassins, nous tuons en combattant, telle est la loi des nations; exposés à la même chance, nous nous trouvons dans le cas permis d'une juste défense; excepté les émigrés que nous considérions comme transfuges, traîtres et armés contre la patrie, sur lesquels, dès lors, nous avions droit de vie et de mort, aucun de nos ennemis quel qu'il fût, n'éprouva jamais le moindre mauvais traitement de notre part.
- RÉSUMÉ DE LA CAMPAGNE D'ÉTÉ DE 1794
Nous n'étions encore qu'à la fin de juillet, et déjà la campagne d'été de 1794, de l'armée du Nord, s'était terminée heureusement, malgré l'affaiblissement sensible de quelques uns de ses corps, occasionné cette fois, non par la désertion comme pendant la campagne de 1792-93, mais par des fièvres pestilentielles causées par les fatigues et par un air vicié; rien n'avait arrêté la marche de l'armée et n'avait pu s'opposer à l'accomplissement des grands desseins prémédités.
Agissant d'abord sur le centre ennemi amassé à Tournai, et le trouvant trop fort, l'armée du Nord l'avait, en quelque sorte, abandonné; puis, d'accord avec l'armée de Sambre et Meuse, ces deux armées s'étaient formées en deux ailes, et avaient marché séparément, l'une sur la Lys, l'autre sur la Sambre.
Pichegru avait d'abord battu Clerfayt à Mouscron, puis à Courtrai, puis après Cobourg et le duc d'York à Tourcoing, et encore Clerfayt à Hooglede; Jourdan, de son côté, après plusieurs tentatives infructueuses sur la Sambre, amené par une heureuse idée, la passa enfin et décida le succès de l'aile droite à Fleurus.
Dès cet instant, débordés sur les deux ailes, les coalisés furent coutraints d'abandonner les Pays Bas. Tel fut le résultat de la campagne; au Nord, les victoires de Mouscron, de Courtrai, de Tourcoing, d'Hooglède; l'occupation de Courtrai, de Menin, d'Ypres, d'Oudenarde, d'Ostende, de Nieuport, de Bruges, de Gand , d'lsendick et de l'Ecluse; sur la Sambre, la victoire de Fleurus, l'occupation de Charleroi et de Bruxelles par la jonction des deux armées, fait vanté comme un prodige. Enfin la reprise de toutes nos places du Nord, tombées précédemment au pouvoir de la coalition; mais une seconde campagne d'été devait ajouter encore de nouveaux prodiges à ceux de la première
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

Le 4 août 1794, Vandamme écrit, depuis Oost-Bourg, à Moreau : "D'après ton ordre du 14 de ce mois, j'ai fait attaquer le fort d'Isabelle qui, par les bonnes dispositions d'Aubrée , n'a pas tenu longtemps. Aubrée se loue beaucoup de l'intrépide conduite des grenadiers ; il est aussi content de cent hommes des chasseurs du Mont-Cassel qu'il a là …" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 180).

Duthilt raconte : "- MARCHE SUR VENLOO, PRISE DE CETTE PLACE
Entré à Groëde le 31 juillet (13 thermidor), après la reddition de la place de l'Ecluse, le bataillon des chasseurs du Mont Cassel y resta stationnaire jusqu'au 28 août (11 fructidor), s'y reposant de ses longues fatigues, tâchant de réparer un peu son armement et son pauvre habillement ; il en partit le 29 août (12 fructidor) pour se rendre à Cluisen, où il s'arrêta encore les 30 et 31 août (13 et 14 fructidor).
Le 1er septembre (15 fructidor), il alla à Saint Paul où il resta jusqu'au 11 (25 fructidor); les 12 et l3 (26 et 27 fructidor) à Gremberg; le 14 (28 fructidor) à Diekbusch près de Bruxelles; le 15 (29 fructidor) à Krupen près de Vilvorde; le 16 (30 fructidor) à Malines; le 17 septembre (1er jour complementaire) à Tiera; le 18 (2e jour complémentaire) à Hernate où il séjourna le 19 (3e jour complémentaire); le 20 près de Lommel (4e jour complémentaire); le 21 près d'Hamont (5e jour complémentaire), le 22 (1er vendémiaire an 1) près de Heeze; du 23 au 25 (2 au 4 vendémiaire) séjour près Helmont; le 26 (5 vendémiaire) près de Duxenne; le 27 (6 vendémiaire) près d'Hurtod, très grand et très beau village, et du 28 septembre au 3 octobre (7 au 12 vendémiaire} il bivouaqua sur le bord de la Meuse; le 4 (13 vendémiaire) il fut à Bitterwick où il resta jusqu'au 9 (18 vendémiaire), le 10 (19 vendémiaire) il bivouaqua près de Venloo et le 11 (20 vendémiaire) il prit position sous les murs de cette place.
On ouvrit la tranchée à une proximité de la place encore inusitée à la guerre, de sorte qu'en peu de temps, on fut en état de développer contre elle toutes les forces d'une puissante artillerie. Le 14 (23 vendémiaire) vers sept heures du soir, l'ennemi fit une vigoureuse sortie et parvint à jeter une centaine d'hommes dans un fort au bord de la Meuse; la nuit du 14 au 15 (23 au 24 vendémiaire) fut employée à ouvrir un chemin couvert se prolongeant de la circonvallation aux palissades. Des compagnies de grenadiers et de carabiniers furent rassemblées pour l'assaut, mais la place l'évita en se rendant immediatement au général Laurent
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

Le 19 octobre 1794, le Général Vandamme écrit, depuis Hezongen, au Général Moreau : "Depuis que je suis arrivé ici, cela va de mieux en mieux, je commence à reprendre des forces. Souviens-toi que tu m'avais promis d'envoyer ordre à la demi-brigade d'Aubrée de me rejoindre ; je n'ai ici au plus que trois mille hommes, tout compris. Je trouve ma brigade dans le plus grand désordre ; il paraît que la faiblesse d'Arnaud y a beaucoup contribué. Je suis allé voir le bataillon des chasseurs du Mont-Cassel le lendemain de ton départ, je n'y ai trouvé que cent cinquante hommes sous les armes ; les nominations illégales y avaient occasionné le désordre ; je fus obligé de les annuler et de sévir contre le conseil d'administration et d'autres officiers que je mis aux arrêts forcés, et d'autres dans les prisons de Ruremonde. Maintenant ce bataillon est tranquille ; tu sais combien il est faible, et il suffirait que tu puisses obtenir un arrêté des représentants du peuple qui sont auprès de toi pour recompléter ce bataillon. Voici le moyen : il y a une compagnie de chasseurs francs à Lille, bien habillés et bien armés, qui ont déjà témoigné leur désir d'être incorporés ; aussi c'est le vœu de la loi ..." (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 183).

Au commencement de novembre 1794, les Chasseurs du Mont-de-Cassel, formant un Bataillon de mille hommes, sont toujours à la Brigade Vandamme (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 193).

Le Bataillon combat à Buderich le 9 novembre 1794 (voir plus au 14e Bataillon de Chasseurs et la lettre de Vandamme à Moreau en date du 9 novembre 1794).

1870, t. 1, p. 180).

Duthilt raconte : "COMBAT DEVANT BURICH, PRISE DE CETTE PLACE Le 28 octobre (7 brumaire) le bataillon du Mont Cassel se porta à Walbeck; le 29 (8 brumaire) il fut à Viersen, territoire prussien; le 30 (9 brumaire) à Ludem; le 31 (10 brumaire) il passa à Asperden et Clèves et fut coucher à Rheinberg avec le 14e léger, le 21e de chasseurs et deux compagnies d'un régiment de ligne.
Le 2 novembre (12 brumaire) il alla loger à Xanten où il resta jusqu'au 8 (18 brumaire).
"S'il y avait une expédition délicate et difficile à exécuter, c'était le général Vandamme qui en était chargé ...".
Dans le duché de Clèves est la petite ville de Burich, l'ennemi se hâtait d'y terminer une tête de pont; cette entreprise fit ombrage à l'armée, à qui elle pouvait devenir nuisible. Le général Vandamme fut chargé d'emporter cet ouvrage; le 9 (19 brumaire) il vint à Xanten avec l'artillerie nécessaire pour une telle expédition; rassemblant aussitôt sa brigade, il la dirigea vers Burich. A quelque distance de cette ville, nous aperçûmes un corps prussien qui, à notre approche, se repliait sous le canon de la place. Persuadé de ne pouvoir forcer facilement l'ennemi dans la position où il allait s'abriter, le général manoeuvra adroitement pour l'attirer dans la plaine.
Une partie de ce corps se présenta pour nous combattre et fut de suite attaqué. Deux fois les Prussiens nous repoussèrent et après trois heures d'un combat opiniâtre nous y mîmes fin par une charge à la baïonnette avec tant d'ensemble et de promptitude que les Prussiens furent entièrement rompus et défaits, coupés de la place et forcés de mettre bas les armes.
Cent hommes, tant morts que blessés, restèrent sur le terrain.
Il y avait des bateaux et des ponts volants sur le Wesel, notre artillerie les détruisit promptement. Burich ouvrit ses portes, et nous y entrâmes. Une suspension d'armes fut demandée par la Prusse et fut aussitôt accordée, mais elle ne dura que quelques semaines.
Le 15 novembre (25 brumaire) nous fûmes remplacés dans Burich par le 13e régiment de ligne, de l'armée de Sambre et Meuse ; nous allâmes à Xanten avec le 14e léger et un escadron de chasseurs à cheval.
Prévenus que nous resterions quelque temps dans cette petite ville, il nous fut aussi recommandé de nous occuper de la réparation de nos pauvres effets.
- SITUATION DES FRANÇAIS EN BELGIQUE
Les armées françaises, maîtresses de toute la rive gauche du Rhin, menaçaient la Hollande et l'Allemagne; elles étaient prêtes à agir hostensiblement (sic) sur l'un et l'autre pays.
Mais malgré leurs triomphes et leur séjour dans la riche Belgique, elles n'en étaient pas moins dans le plus complet dénûment. Tout y contribuait; depuis trois mois le pays qu'elles occupaient, foulé par les armées belligérantes, était entièrement épuisé; la guerre y avait fait d'affreux ravages, d'énormes contributions avaient frappé toutes les classes; les assignats mis en circulation forcée, la loi du maximum établie sur toutes les denrées et marchandises, et des réquisitions incessantes de toute nature, avaient déterminé les fermiers et les marchands à cacher tout ce qu'ils possédaient encore.
Depuis un an, l'armée n'avait reçu de l'administration que de la poudre et des projectiles; depuis 1792 elle ne campait plus sous la toile, elle bivouaquait sous des branches d'arbre malgré toutes les intempéries; leurs officiers voyaient leurs appointemens d'un mois, payés en assignats, se réduire à la modique somme effective de 8 ou 10 francs; tous étaient soumis par le fait au régime du soldat, portant le sac sur le dos, mangeant le pain de munition, vivant du hasard de la guerre, et leur grade distingué, pour la plupart, par des épaulettes de laine d'une teinte orangée, manquant absolument de tout ce qui constitue l'uniforme.
Ces officiers et leurs soldats avaient enduré toute la campagne, l'humidité constante qu'ils trouvaient dans les marécages et dans la boue où ils marchaient, n'ayant plus ni habit, ni coiffure, ni bas, ni chaussure, ni linge, et étant pour la plupart dévorés par la gale. Ils étaient maîtres du sol qu'ils avaient conquis et on les voyait couverts de lambeaux. Au même instant où ces troupes s'emparaient d'une place, le linge, les draps, toutes les étoffes étaient frappées d'une cruelle réquisition par les fournisseurs et rien de cela n'était donné aux soldats; les généraux qui voyaient leurs maux y étaient sensibles. Ils demandaient quelque repos pour eux et surtout des vêtemens, mais les proconsuls qui suivaient les armées etaient sourds; sans connaître en rien l'art de la guerre ils décidaient des opérations militaires; la vie des braves était en leur pouvoir et ils en abusaient; leur voix, comme celle qui se faisait entendre au Juif errant, nous criait aussi : Marche ! marche! encore ! encore !
Il faut avoir fait partie de l'armée à ce moment pour se faire une idée exacte des souffrances que les soldats éprouvèrent dans cette glorieuse campagne, marchant et couchant le long des rivières et des canaux débordés, dans des marécages fangeux, des chemins défoncés, nu pieds, des lambeaux pour vêtemens, sans rien absolument qui pût les garantir des pluies et des nuits froides; et ces soldats si forts, si patiens, n'étaient que des jeunes gens qui, un an auparavant, goutaient encore paisiblement chez eux les douceurs que procurent les soins de la famille sous l'abri du toit paternel.
- ATTAQUE ET PRISE DE NIMEGUE
Le 8 novembre (18 brumaire), les Français entrèrent dans Nimègue et se trouvèrent maitres de cette place importante, grâce à leur témérité et à la terreur qu'inspiraient leurs armes.
- TENTATIVE DES FRANÇAIS SUR L'ILE DE BOMMEL
Le 10 décembre (20 frimaire), Vandamme, qui nous visitait très fréquemment, nous prévint que nous étions destinés à tenter, sous ses ordres, une entreprise des plus importantes et aussi des plus périlleuses si elle ne réussissait, mais que nous ayant tant de fois mis à l'épreuve, il avait la certitude d'atteindre le but que l'on se proposait, l'occupation de l'ile de Bommel.
Après cette courte allocution, il nous envoya près du village de Kelkerdam, sur la gauche de la Meuse, où nous bivouaquâmes en attendant ses ordres.
Le 11 (21 frimaire) à quatre heures du matin, tous les corps désignés pour l'expédition projetée étant réunis, on en forma trois colonnes; le bataillon du Mont Cassel prit rang dans celle commandée par le chef de demi brigade Pencé, dont faisait aussi partie le 14e bataillon léger, et six compagnies de grenadiers et de carabiniers réunis. Nous descendîmes silencieusement sur le bord du fleuve, où des bateaux venaient d'être mis à flot; nous y entrâmes et fûmes rapidement transportés, vis à vis, dans l'ile de Bommel; nous y abordâmes sans avoir été vus, et nous escaladâmes une redoute en terrasse avant que la garde et les canonniers, engourdis par le froid, pussent s'opposer à notre invasion; l'ennemi surpris se retira et fut se rallier à plusieurs corps campés non loin de là.
Les deux autres colonnes, parties en même temps que la nôtre, ne furent pas si heureuses ; les sentinelles plus alertes ou mieux placées, virent venir les embarcations, donnèrent l'alarme et ces colonnes furent contraintes de rétrograder.
Le camp ennemi prit les armes, et trop faibles pour lui résister, nous reçûmes à temps l'ordre de réembarquer, ce que nous fîmes heureusement sans confusion et sans accident. Cette tentative hasardée fut abandonnée sur le champ, de la part même de Daendels qui, de bonne foi, s'empressa d'en avouer l'impossibilité dès qu'il l'eut reconnue.
Rentrés sur la rive gauche, nous nous dirigeâmes sur Clèves où, étant arrivé, le général Vandamme s'empressa de donner aux corps de sa brigade les éloges qu'ils méritaient.
Le 12 décembre (22 frimaire) nous retournâmes à Xanten, et des compagnies de notre bataillon furent détachés à Wart et Vorlen.
Le 31 (11 nivôse) nous fûmes remplacés par le 22e de ligne et par le 4e bataillon de Saône et Oise (sic); nous nous rendîmes sous Nimègue, passant à la brigade du général Jourdan.
- CANTONNEMENT DE L'ARMÉE
Le moment d'entrer dans les cantonnemens était arrivé : la campagne qui s'était prolongée jusque dans les derniers jours d'automne était terminée, d'autant plus que nous étions maîtres de tous les points importants sur le Rhin.
"Conquérir la Hollande, tentative presque impossible en tous temps, devenait inexécutable dans la saison des pluies".
Dans cet état de choses on prit donc la résolution de donner à l'armée les quartiers dont elle avait besoin, et on établit une partie des cantonncmens autour de Breda pour en former le blocus. Celle place et celle de Grave ne s'étaient pas rendues, mais le défaut de communications pendant la durée de l'hiver devait les obliger à se rendre.
Quels que fussent les cantonnements donnés à la troupe pour se reposer, ils ne pouvaient être ni bien commodes, ni bien agréables, en raison de l'encombrement inévitable d'une telle masse resserrée dans chaque quartier, et parce que les choses de premier besoin furent bientôt anéantics par l'énorme consommation qu'on en fit en peu de temps, et par le gaspillage incessant, résultat de !imprévoyance, de l'insouciance ou de l'égoïsme du soldat pressé de jouir à l'instant, ne comptant pas sur l'existence du lendemain, ni pour lui, ni pour les autres. Aussi le repos que la cessation de la guerre lui procurait, n'apporta-t-il aucune amélioration dans sa tenue; et d'ailleurs, il était écrit que ce repos ne serait que d'une courte durée.
- CONGÉLATION DES fLEUVES, PASSAGE DE LA MEUSE SUR LA GLACE, PASSAGE DU WAHAL, VAISSEAlX CAPTURÉS PAR DES CAVALIERS
"Le général Walmoden successeur du duc d'York qui s'était embarqué pour l'Angleterre, replia son armée vers le Hanovre, le prince d'Orange, laissant son armée à Gorcum, s'embarqua à son tour pour l'Angleterre".
Dès ce moment, les Français n'avaient plus qu'à se répandre comme un torrent dans toute la Hollande; plus d'obstacles, car ses eaux ne purent plus les arrêter, l'hiver les avait fixées dans leur cours et leur surface durcie était aussi solide que la terre de leurs rives. Les Hollandais rendirent leurs places sans combattre; les Anglais se retiraient n'osant attendre en face des soldats qui bravaient !es froids les plus excessifs ; les Autrichiens, passés sous le commandement du général Alvinzi, n'opposèrent plus de résistance; et les Prussiens se concentrèrent sur la partie de leur territoire la plus menacée. Cédant aux circonstances, les députés des Etats vinrent dans Utrecht apporter au général Pichegru les clés de la ville d'Amsterdam. Les Français y firent leur entrée le 20 janvier (1er pluviôse). On ne laissa à la garde de cette grande ville que peu de troupes; le reste marcha vers la Nord-Hollande et la Zeelande ponr recevoir la soumission de ces provinces. Le 23 (4 pluviôse) Pichegru entrait dans La Haye.
"La conquête de la Hollande fût couronnée par une expédition merveilleuse : la prise par des escadrons français de la flotte de guerre hollandaise arrêtée par les glaces dans le Zuyderzee"
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

On joint au Bataillon, le 6 janvier 1795, la Compagnie parisienne des Pyrénées, et le 4 avril 1795, à la veille de l'embrigadement, la 2e Compagnie nantaise.

Duthilt raconte : "- MARCHE DE L'ARMÉE
Ainsi le quartier général de Pichegru et le centre de l'armée étaient déjà établis dans Amsterdam et dans La Haye, que les ailes étaient encore sur la frontière autour des places fortes, n'ayant plus à combattre aucun des corps de la coalition, car hors de ces places tout nous était soumis.
Les gouverneurs attendaient des ordres du gouvernement provisoire succédant au stathouderat, pour y laisser entrer les français, et ces ordres ne tarderent pas à leur être expédiés.
Le 15 janvier (26 nivôse), le Mont Cassel fut occuper un pont près d'un château sur la route d'Arnheim ; le 16 {27 nivôse) nos carabiniers furent envoyés, avant le jour, pour s'emparer d'un poste que l'on présumait occupé par une arrière garde anglaise, mais elle l'avait évacué. A la rentrée de cette compagnie, la brigade Vandamme se rassembla et marcha tout de suite sur Arnheim, ville forte et susceptible d'une longue défense.
Le 17 (28 pluviôse) la brigade Salm entra dans Utrecht, et la brigade Vandamme dans Arnheim, après avoir éprouvé un peu de résistance.
Le 20 (1er pluviôse), le 14e léger, le Mont Cassel, un escadron du 21e chasseurs et deux pièces de campagne, dirigés par un chef d'état major marchèrent sur Rozendaal. Nous y vîmes la même arrière que nous poursuivîmes le 16; mais, sans nous attendre de près, elle se mit encore en retraite. Notre colonne retourna immédiatement à Arnheim.
Le 22 (3 pluviôse) nous fûmes à Utrecht; là nous reçûmes la compagnie franche des chasseurs des Pyrénées, formée à Paris; elle fut de suite disséminée dans nos compagnies les plus faibles. Elle était commandée par le capitaine Brinisoltz, le plus bel homme de l'armée, de la taille de deux mètres et de formes athlétiques les mieux prononcées.
Le 10 février (22 pluviôse) nous partîmes d'Utrecht, nous passâmes à Amersfort et nous fûmes loger à Landeren village sur la route d'Appeldorn.
Le 11 (23 pluviôse) nous fûmes à une lieue de Deventer, province de l'Over Yssel.
Le 12 (24 pluviôse) nous traversâmes Deventer et nous allâmes loger à Goor.
Le 13 ( 25 pluviôse) à Delden, sur la route d'Enschédé, des Anglais et des émigrés français occupaient ce bourg, mais ils l'évacuèrent à notre vue; nous traversâmes Enschedé et allâmes loger à Ainsgloot, où nous restâmes jusqu'au 24 février (6 ventôse). Dans la matinée de ce jour, des cavaliers anglais vinrent encore parader autour de nous, formant une sorte de blocus et nous sommant de nous rendre; nous y répondîmes par une vive fusillade qui les contraignit à s'éloigner au galop.
Le 25 (7 ventôse) nous nous rendîmes à 0ldenzal.
Le 26 (8 ventôse) nous fûmes attaquer l'ennemi vers Dénékamp où il s'était encore arrêté; nous l'obligeâmes à se retirer, partie sur Denékamp et partie sur Bentheim, château fort sur la frontière de Hanovre.
Le 27 (9 ventôse) nous fûmes a Otmarsum, où le 5e bataillon de Paris vint loger avec nous.
Le 3 mars (13 ventôse) nous fîmes une découverte sur Dénékamp où les Anglais et les émigrés continuaient à se rendre; les ayant rencontrés nous leur donnâmes la chasse sans pouvoir les joindre, tellement ils se tenaient à distance. Nous laissâmes à Dénékamp une de nos compagnies de chasseurs pour empêcher ces maraudeurs de nuire dorénavant aux habitans de cette frontière.
Le 11 (21 ventôse), des émigrés sortis de Bentheim, désireux sans doute de se mesurer avec nous avant de quitter pour jamais le territoire hollandais, vinrent derechef à Dénékamp où étaient en ce moment nos carabiniers et les deux premières compagnies de notre bataillon; nous nous bornâmes d'abord à quelques coups de fusil, mais comme ils persistaient dans leur attaque, nous adressant des épithètes injurieuses, et que cette petite guerre dégénérait en duel, en quelque sorte, nous voulûmes cette fois leur faire perdre l'envie de revenir, nous les chargeâmes à la baïonnette et les contraignîmes à la fuite, laissant leurs blessés. Après que ceux-ci furent pansés, tout émigrés qu'ils étaient, nous les renvoyâmes au fort de Bentheim, sur des voitures que les bons Hollandais s'empressèrent de nous offrir à cet effet.
- ATTAQUE ET PRISE DU CHATEAU DE BENTHEIM
Le 13 mars (23 ventôse} la brigade Vandamme réunie se porta sur le château de Bentheim pour en faire le siège, s'il en méritait les honneurs ; on le somma, puis l'action de quelques obus le contraignit à capituler. Ce n'étaient plus des Anglais ni des émigrés qui l'occupaient; la garnison était toute prussienne ; elle eut les honneurs de la guerre.
On eut l'intention de d"truire le fort, et déjà on y appliquait la pioche et on allait le miner lorsqu'un officier prussien, envoyé au général Vandamme, l'informa qu'une suspension d'armes existait entre la Prusse et la République française, à l'effet de préparer un traité de paix. On suspendit les démolitions commencées et, en attendant de nouveaux ordres, on y mit une garnison. Les diiférens corps de la division retournèrent à leurs cantonnemens respectifs.
Le 15 mars (25 ventôse), le Mont Cassel se rendit à Almelo, le 16 (26) à Borculo, le 17 (27) à Lochem et le 18 (28) à Zulphen.
- SITUATION DES COALISÉS
Les efforts combinés des deux armées, du Nord et de Sambre et Meuse, pendant la longue et glorieuse campagne de 1794, eurent pour résultat de confondre la coalition, de renverser ses projets et de la battre sur tous les points où elle voulut nous nuire; puis de détacher de sa ligue deux grandes puissances susceptibles d'augmenter les forces de la République, la première par ses richesses, ses armes et sa marine en devenant son alliée, et la seconde par sa neutralité dans la guerre, et l'influence politique que son exemple et ses conseils pouvaient exercer sur l'Europe royaliste. Ainsi, la Hollande conquise, le Stathoudtrat aboli, remplacé par un gouvernement analogue au nôtre, désormais ami et allié; la Prusse apercevant les Français sur les bords du Rhin et de l'Ems, occupant une partie de son territoire et prêts à l'envahir, forcée de charger un commissaire de stipuler une trève et d'ouvrir immédiatement des négociations de paix terminées heureusement à Bâle, et signées en effet, dès le 5 avril (16 germinal)
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909, p. 18).

- Actions de la 14e Légère de 1ère formation : Selon l'Historique régimentaire, "Les 3 bataillons qui formèrent en 1795 la 14e Légère et qui prirent, l'année suivante, le numéro 1 des demi-brigades légères s'étaient vus à l'oeuvre depuis près de trois ans. Aguerris par de rudes campagnes dans les glaces du Nord, mal nourris, mal payés et mal vêtus, ils s'étaient formés à la grande école de la misère et du dévouement".

Voici ce que nous raconte le Capitaine Duthilt dans ses Mémoires, concernant la 14e Demi-brigade légère provisoire (il sert depuis 1793 au sein du Bataillon du Mont-Cassel, et a, à l'époque, le grade de Caporal fourrier), ce qui nous permet d'avoir un aperçu intéressant de cette dernière, avant qu'elle ne devienne 1ère Demi-brigade légère :
"Avec la conquête de la Hollande se terminent les opérations et l'existence du bataillon des chasseurs du Mont Cassel qui, dans plus d'une rencontre, avait obtenu le titre de brave, ayant dans toutes les circonstances reçu les éloges les plus flatteurs des généraux sous les ordres desquels il fut successivement employé; il était constamment convoité par tous comme propre à établir leur réputation naissante, par l'intrépidité qu'il mettait à décider du succès des entreprises les plus périlleuses; et cependant les deux tiers de ses hommes étaient des réquisitionnaires de nouvelle levée, qui ne comptaient encore qu'une seule année de service et toute une campagne, mais qui avaient été formés à l'école de Vandamme.
Les mêmes hommes qui composent ce bataillon du Mont Cassel vont ne plus faire qu'un seul corps avec le 14e bataillon d'infanterie légère dont ils étaient inséparables, combattant toujours côte à côte, et avec le 5e bataillon de tirailleurs belges qu'ils voyaient pour la première fois. Les corps de l'armée, presque tous jusque là composés de batailions isolés ou de compagnies dites franches, vont se former de trois bataillons réguliers, prenant ensemble la dénomination de demi-brigade, organisation plus forte, plus convenable, sous le rapport du commandement, de l'instruction, de la discipline et de la comptabilité.
Le 22 avril (3 floréal) les bataillons ci dessus indiqués se réunirent, dès le point du jour, dans la plaine de Zutphen, où le général Vandamme procéda à leur organisation en demi-brigade.
Monsieur Lepreux, officier supérieur d'état major fut reconnu chef de demi brigade; le 1er bataillon eut pour commandant monsieur Dupont sortant du 5e bataillon de tirailleurs belges; monsieur Lejeune, sortant du même corps fut nommé chef du 2e, et monsieur Gastelais, sortant du 14e bataillon d'infanterie légère, chef du 3e.
L'emploi de quartier maître trésorier fut donné à monsieur Frémont sortant du 5e; les deux quartiers maîtres, Collet du Mont Cassel et Garcin du 14e furent adjoins au 1er et au 2e bataillon; monsieur Copreaux adjoint au 5e, passa en cette même qualité au 3e bataillon.
Monsieur Frambourg capitaine fut nommé adjudant major au 1er bataillon, monsieur Thierry au 2e et monsieur Dénéchaux au 3e.
Les compagnies formées telles qu'elles l'étaient, celle des carabiniers du 14e passa au 1er bataillon, celle du Mont Cassel au 2e et celle du 5e au 3e.
Les compagnies de chasseurs de ces trois bataillons primitifs, furent réparties par nombre égal dans chacun des trois nouveaux, conservant toutes leur même numéro.
Nous eûmes pour tambour major le sieur Naels, de Cassel, ancien sergent de la compagnie franche de Vandamme (mort à Cassel en 1849).
Nous reçumes encore ce même jour une compagnie franche nantaise, dont les chasseurs et les officiers furent disséminés dans les compagnies les plus faibles.
Le chef de bataillon Detamacker, du Mont Cassel, malade et absent derechef, puis monsieur Lauvray, capitaine des carabiniers du même bataillon, grièvement blessé à Menin, était encore à l'hôpital de Lille retenu par ses blessures; ces deux officiers ne furent pas compris titulairement dans cette nouvelle organisation. Pendant son séjour à Lille, monsieur Lauvray renouvela ses prétentions au grade de chef de bataillon, comme lui revenant dès la promotion de Vandamme au grade de général de brigade, se trouvant plus ancien capitaine que monsieur Detamacker qui remplaça Vandamme; il fit tant de démarches, écrivit tant de fois au ministère qu'à la fin sa réclamation fut admise. Plus tard il vint remplacer monsieur Dupont démissionnaire, et monsieur Detamacker redevint capitaine.
J'ai indiqué plus haut la composition du bataillon des chasseurs du Mont Cassel. J'indiquerai maintenant celle des deux autre bataillons.
Le 14e léger avait été formé à Paris en 1792, des débris des chasseurs des barrières de Paris, dans lesquels étaient entrés des gardes françaises, des volontaires de Paris vainqueurs de la Bastille, et des petits suisses; aussi un grand nombre de sous officiers de ce bataillon portaient encore la médaille commémorative de la prise de la Bastille, et recevaient la gratification qui y était attachée.
Le 5e bataillon de tirailleurs belges provenait des bataillons volontaires belges levés à Bruxelles en 1792 par Dumouriez au nombre de 10, lesquels furent réduits à 5 en 1793, par suite d'une réorganisation qu'ils subirent à Amiens. Au moment de l'embrigadement de ce bataillon à Zutphen, chacune de ses compagnies avait deux capitaines, deux lieutenans, deux sous lieutenans, des sous officiers de tout grade proportionnellement, enfin plus d'hommes gradés que de soldats; les supplémentaires de ce bataillon, de même que ceux provenant des compagnies franches, successivement incorporées dans le Mont Cassel et dans le 14e léger, restèrent à la suite et s'emparèrent de toutes les vacances qui eurent lieu, et nuisirent aux sujets de la demi brigade dans tous les grades, en retardant considérablement l'époque de leur avancement.
L'embrigadement terminé, la demi brigade rentra dans Zutphen ayant provisoirement le n° 14, en attendant que le sort lui donna le n° 1er.

Premier cantonnements de la 14me Demi-brigade légère

Le 23 avril (4 floréal) les trois bataillons de la demi brigade se portèrent dans les cantonnemens ci après : l'état major de la demi brigade et le 1er bataillon à Grool, le 2e à Lochem et le 3e à Enschédé.
Le 11 mai (22 floréal) il se fit un mouvement dans les cantonnemens : le 1er bataillon s 'étendit de Grool à Enschédé, le 2e fut à Alten Lichtenvorden et Bredevorden et le 3e occupa Haaxbergen, Reykem, Eibergen et Neede.
La paix était faite avec la Hollande devenue l'alliée de la République; le traité fut signé le 6 mai (17 floréal), une armée française resta à la solde de la Hollande, notre demi brigade fit partie de cette armée qui, pendant un laps de temps, ne pouvait être qu'un corps d'occupation et d'observation n'ayant plus d'ennemis à combattre sur aucune de ses frontières, le littoral de la mer restant seul exposé aux attaques de la marine anglaise. Nous avions jusque là servi sans solde, en ce que nos assignats, vu leur dépréciation, nous étaient de toute nullité; logés deux à deux chez les habitans, nous leur remettions nos rations de vivres, et en remplacement ils nous admettaient à leur table.
Enfin par suite d'une convention avec le gouvernement batave, et dans l'intéret de ses administrés, nous passâmes à sa solde et nous fûmes payés en numéraire, d'après un tarif expressément arrêté.
Dès ce moment nos assignats furent démonétisés et nous dûmes les renvoyer en France ou les brûler, ce qui revenait au même. Les habitans continuant à nourrir les militaires logés chez eux, notre paie nous resta intégralement. On commença aussi à s'occuper sérieusement de notre habillement dans toutes ses parties, nos ateliers étaient formés et les travailleurs. en activité.

- Situation des armées belligérantes
Reddition de Luxembourg

"Une moitié de la belle saison s'était écoulée; il ne s'était passé aucun événement aux armées, Moreau avait le commandement de l'armée du Nord en Hollande, Jourdan celui de l'armée de Sambre et Meuse placée sur le Rhin vers Cologne, Pichegru celui de l'armée du Rhin cantonnée depuis Mayence jusqu'à Strasbourg.
La forteresse de Luxembourg bloquée pendant tout l'hiver et le printemps se rendit par famine le 24 juin. Mayence ne pouvait tomber que par un siège, mais force était d'attendre un moment plus opportun".

- Mouvemens dans la Demi Brigade
Constitution de l'an 3
Passage du Rhin par Jourdan et Pichegru

Le 14 juillet (26 messidor) notre 3e bataillon passa dans la Zélande.
Le 15 (27 messidor) le 2e fut occuper Grool, Eibergen, Reykem, Neede et Haaxbergen; le 1er bataillon s'étendit également dans les villages que le 3e venait de quitter; nous vécûmes dans ces cantonnemens, parfaitement accueillis et choyés par ces bons Hollandais comme si nous eussions été des membres importans de leur famille, n'ayant absolument rien à faire.
Mais bientôt nous fûmes tirés de cet état apathique par un événement politique qui nous donna l'occasion de nous occuper quelque peu des affaires intérieures de notre patrie.
"La Convention venait d'ériger une Constitution républicaine".
Cette constitution admettait :
1° un Conseil dit des Cinq Cents, chaque membre âgé de trente ans, ayant seul la proposition des lois, se renouvelant par tiers tous les ans;
2° un Conseil dit des Anciens, composé de deux cent cinquante membres âgés de quarante ans, tous mariés ou veufs, ayant la sanction des lois, se renouvelant aussi par tiers chaque année;
3° un Directoire exécutif, composé de cinq membres, délibérant à la majorité, comme les deux autres Conseils, se renouvelant tous les ans par cinquième, ayant des ministres responsables, promulgant les lois et les faisant exécuter, ayant la disposition des forces de terre et de mer, les relations extérieures, la faculté de repousser les premières hostilités, mais ne pouvant faire la guerre sans le consentement du corps législatif; négociant les traités et les soumettant à la ratification des corps législatifs, sauf les articles secrets qu'il avait la faculté de stipuler s'ils n'étaient pas destructifs des articles patents.
Cette Constitution devant être préalablement soumise à l'acceptation ou au refus du peuple français, elle fut envoyée aux assemblées primaires et aux armées pour subir cette épreuve.
En conséquence les deux premiers bataillons de la 14e demi brigade d'infanterie légère, le 3e bataillon étant dans la Zeelande, furent réunis à leur état major à Grool, le 9 septembre à l'effet de se prononcer sur l'acception ou le rejet de cette Constitution, conformément au décret de la Convention. Un contrôle faisant suite au procès-verbal de la réunion, indiquant les noms par compagnie de tous les militaires présens, le oui ou le non des votans en regard de leur signature; après lecture faite de l'acte constitutionnel, tous signèrent ou se firent inscrire, ne sachant pas, pour la plupart, ce qu'on exigeait d'eux; après quoi les compagnies retournèrent dans leurs cantonnemens respectifs, sans plus s'occuper de cette quatrième constitution qui, peu de temps après, devait éprouver le sort de ses précédentes. Elle fut déclarée loi de l'Etat le 23 septembre (1er vendémiaire an 4) et sa mise en vigueur à compter du 27 octobre (5 brumaire an 4).
"Après bien des attentes, les Français prirent l'initiative; Jourdan franchit le Rhin et s'avança vers la Lahn où il arriva le 20 septembre, le jour même où Mannheim se rendait à Pichegru".

- Paix avec l'Espagne
Affaire de Quiberon
Insurrection à Paris

Ainsi dans ce moment tout était succès pour la République; elle possédait entièrement les Pays Bas, du dernier village à la plus importante de ses villes; elle voyait ses armées au delà du Rhin; elle avait amené l'Espagne à signer un traité de paix et d'alliance maritime; elle avait détruit l'expédition faite par l'Angleterre sur les côtes de Bretagne, à Quiberon, où tant d'émigrés français et de Vendéens révoltés furent sacrifiés; elle avait enfin tous les avantages désirables pour commencer une nouvelle campagne en Allemagne.
La Convention triompha enfin de l'insurrection à Paris (4 octobre, 12 vendémiaire).

- échange de la Princesse fille de Louis XVI

Un des premiers actes du Directoire fut de convenir avec l'Autriche de lui rendre la fille de Louis XVI, seul reste de sa famille qui avait été renfermée au Temple, à condition que les députés et le général Beurnonville livrés par Dumouriez à l'armée autrichienne comme otages, seraient remis aux avant postes français. La princesse partit du Temple le 19 décembre (28 frimaire), le Ministre de l'Intérieure alla la chercher et la conduisit avec les plus grands égards à son hôtel, d'où elle partit accompagnée des personnes dont elle avait fait choix.

- Marche des armées françaises
Armistice sur le Rhin

"Jourdan s'était avancé sur la Sieg, mais Pichegru s'arrêta à Manheim; alors Jourdan menacé par Clerfayt se décida à regagner le bas Rhin".
Les opérations militaires furent continuées malgré la saison; nous étions en décembre, elles commençaient à promettre de meilleurs résultats. Le zèle avec lequel Jourdan s'était porté dans le Hundsruck à travers un pays épouvantable, et sans aucunes ressources matérielles qui auraient pu adoucir les souffrances de son armée, avait rétabli un peu nos affaires sur le Rhin. Les généraux autrichiens, dont les troupes étaient autant fatiguées que les nôtres, proposèrent un armistice, pendant lequel les deux armées conserveraient leurs positions respectives et actuelles. Il fut accepté à la condition de le dénoncer dix jours avant la reprise des hostilités. La ligne qui séparait les deux armées suivait le Rhin depuis Dusseldorf jusqu'au dessus de Neuwied, puis abandonnant le fleuve elle formait un demi cercle de Bingen à Mannheim, en passant par le pied des Vosges; elle rejoignait le Rhin au dessus de Mannheim et ne le quittait plus jusqu'à Bâle.

- Mouvement des troupes en Hollande

Les armées françaises, malgré le changement survenu dans l'administration du gouvernement, n'avaient encore pu obtenir un nouvel habillement; on s'était borné à ne vêtir que les soldats absolument nus et à ne fournir à tous que des effets de linge et chaussure, de sorte que le délabrement en habit était toujours à peu près le même. Mais l'armée en Hollande avait du moins la certitude d'être prochainement équipée à neuf, car depuis plus de trois mois la plus grande activité régnait dans tous les ateliers de chacune des demi brigades, encore quelques semaines et toutes les fournitures seraient remises aux soldats.
Depuis le mois de juillet, nos deux premiers bataillons occupaient de bons et nombreux cantonnemens sur la fontière de Hanovre.
Le 29 novembre 1795 (9 frimaire an 4) le 2e bataillon s'était porté à Deventer et avait été remplacé dans ses cantonnemens par le second bataillon de la 68e demi brigade de ligne.
Le 23 janvier 1796 (3 pluviôse an 4), le 2e bataillon, remplacé par le premier de la 68e de ligne, quitta Deventer et fut occuper les cantonnemens de Grool, Winterswick, Bredevorden, Alten, Borculo, Eibergen, Reykem et Neede.

- Marche dans la province de Groningue

Le 1er mars ( 11 ventôse) toutes les compagnies des deux premiers bataillons quittèrent à la fois leurs différens cantonnemens et se portèrent au point indiqué pour la réunion de la demi brigade qui avait l'ordre de se porter dans la province de Groningue, où quelques troubles venaient d'éclater. L'état major et les ateliers restèrent à Koevorden; le 1er bataillon se rendit à Oudeschans, et le 2e à Nieuweschans et Bourlange. Ce fut surtout à Nieuweschans que les troubles les plus sérieux éclatèrent; l'arbre de la liberté, élevé partout en Hollande à l'instar de la France, fut scié et abattu; nous eûmes pour mission d'assister à la cérémonie de son remplacement, qui se fit avec pompe. A cette occasion je fis le quatrain suivant, qui fut traduit en vers hollandais et suspendus l'un et l'autre sur l'arbre entre les drapeaux aux couleurs des deux nations :
Abattu par les mains du jaloux despotisme
Je me vois relevé par le patriotisme ;
S'il est des ennemis qui viennent m'attaquer,
Des amis à l'instant accourent me venger.
Pendant notre séjour à Nieuweschans, nous nous fîmes un plaisir de recevoir et de visiter les soldats prussiens, cantonnés sur la frontière de 1'évêché de Munster, et de fraterniser avec eux.
Le 3 juin (15 prairial) nous quittâmes le fort de Nieuweschans, pour rentrer dans I'Over Yssel. Ce même jour, le 2e bataillon fut loger à Veendam, superbe village longeant pendant deux lieues le canal conduisant à Groningue.
Le 5 (17 prairial) nous arrivâmes à Koevorden, où étaient nos ateliers et nos magasins ...
... A travers les landes que nous traversâmes, de Nieuweschans à Koeverden, sont établies des routes sinueuses, menant au but que le voyageur veut atteindre ; d'un coup d'oeil on les voit serpenter de toutes part, de manière à faire perdre patience à quiconque ne connaît le danger qu'il courrait en s'en écartant. Aucun obstacle autour de lui ne les lui fait perdre de vue; il est continuellement tenté de les quitter, de franchir les tournans qui sont devant lui, d'autant plus qu'ils ne sont séparés par aucun fossé et qu'il atteindrait plus vite le clocher du village où il doit se reposer ou loger, traversée qui n'équivaut qu'à une lieue en ligne droite, tandis qu'en suivant la route tracée il ne peut l'atteindre qu'en cinq ou six heures.
Le voyageur qui ne connaît pas le danger de ces plaines dégarnies de hautes futaies, même du plus petit arbrisseau, si belles d'ailleurs, si unies, dont le tapis semble si doux, indépendamment de la certitude qu'il a d'accourcir (sic) infiniment sa route en la suivant en ligne droite du point d'où il part jusqu'à celui qu'il veut atteindre et qui est là sous ses yeux, au bout d'une perspective peu éloignée, y est encore attiré par une quantité considérable de vanneaux qui s'y jouent, levant fièrement la tête, comme s'ils invitaient les passans à se donner le plaisir de les poursuivre et de rivaliser de vitesse avec eux, car leur marche, on ne peut plus rapide, montés comme ils le sont sur des pattes longues et minces, suppléent au défaut de leurs ailes, courtes et chargées de grosses plumes qui ne peuvent les soutenir dans l'air mais bien les aider dans leur course. On peut en rassembler un certain nombre, les chasser devant soi comme un troupeau de dindes sans qu'il soit possible de les atteindre autrement qu'en jetant à travers la bande un bâton qui en arrête quelques uns et qui accélère la marche de ceux qui n'ont pas été blessés.
Mais ces marais sont perfides; ils sont parsemés de nombreuses sources qui n'ont aucun jaillissement à fleur de terre, et qui minent le sol en filtrant par dessous. Une vase compacte, tapissée d'un jonc fin et court, qu'on pourrait prendre pour l'herbe d'un pré, les recouvre entièrement, à l'oeil inexpérimenté, en glaises mouvantes aussi dangereuses que certains sables des bords de la mer. Le pied s'y enfonce lentement, et le terrain semble capable de porter, pendant quelques instans, un corps solide.
Mais c'est un piège ; on y entre peu à peu jusqu'au genou, jusqu'à la ceinture, jusqu'aux épaules et chaque effort tenté pour se dégager vous y plonge plus avant. Enfin, sans de prompts secours on y périrait, non pas noyé mais étouffé par la vase.
C'est là le sort que j'ai failli subir en m'écartant de la route pour traverser une de ces plaines dans laquelle je m'étais risqué pour arriver plus vite au village que je voyais devant moi; grâce à mon mousqueton que je couchai sur le sol pour m'y appuyer, puis à mon fourniment et à mon sac qui me soutinrent devant et derrière et me préservèrent d'un si fâcheux accident, j'eus les moyens de sortir de ce gouffre qui allait m'engloutir.

- Rentrée dans l'Over Yssel

Le 8 juin (20 prairial) nous fûmes à Hardenberg; le 9 (21) à Hellendorn, le 10 (22) à Goor, et le 11 (23) chaque compagnie se dirigea isolément sur son ancien cantonnement dans I'Over Yssel, excepté les 7e et 8e compagnies du 2e bataillon qui allèrent ensemble à Borculo.
Le souvenir du temps heureux que j'ai passé dans ce pays ne s'effacera jamais de ma mémoire; et quoique bien des années se soient écoulées depuis, ce souvenir me sourit encore agréablement ; j'ai parcouru joyeusement de plus belles contrées, j'ai vécu dans des familles de grande fortune et de haut rang qui m'ont aussi témoigné de l'attachement et procuré d'agreables distractions, mais nulle part je n'ai été aussi heureux que je l'étais alors : de Borculo j'allais à Neede, villages distans l'un de l'autre d'une bonne lieue et pour y arriver je traversais une lande presque toujours inondée; à Neede, j'étais reçu à bras ouverts par les membres de la famille Hoffmann Oltar et à Borculo par ceux de
la famille Thielmann. Braves gens, votre souvenir me procure sans cesse un indicible plaisir ; j'ai toujours présens à ma mémoire vos bontés, vos soins généreux, et la sincère amitié avec laquelle vous ne cessiez de m'accueillir; à Neede, j'avais pour soeur Gertrude Oltar et à Borculo j'en avais deux : Gertrude et Jacoba Thielmann. Je réitère encore à l'une et à l'autre famille l'assurance de ma vive et bien sincère reconnaissance, exprimant le regret d'en être séparé à jamais.

1796. - A Mademoiselle G. THIELMANN, à Borculo.
Gage de mon amour, reste auprès de ma belle,
Et dis lui que mon coeur à jamais l'aimera;
Retrace les beaux jours que j'ai passés près d'elle,
Tous les feux que son sein dans le mien concentra.
Rien ne peut effacer son image chérie;
Un coeur tel que le mien est épris pour la vie.
Du destin désormais je puis braver les coups,
Etre aimé, le savoir est le sort le plus doux !
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909.

B/ Composition de la 1ère Demi-brigade après sa réorganisation
Garnisons occupées et mouvements effectués de 1796 à 1799

D'après la situation du 26 août 1796, au moment de la formation de la 1ère Demi-brigade, établie à partir des registres matricules et d'une situation nominative établie pour l'inspection générale qui a été passée à la demi-brigade le 22 thermidor an IV (9 août 1796), situation certifiée véritable à Cochem le 9 fructidor (26 août) par les membres du Conseil d'administration, la Demi-brigade est commandée par le Chef de brigade Antoine François Le preux ; le 1er Bataillon par Louis Laurent Gastelais ; le 2e par Pierre Lejeune ; le 3e par Henry Joseph Xavier Dupont ; il y a également un Chef de Bataillon adjoint à l'Etat major, Jean Baptiste Lauwray. A cette époque, la 1ère Demi-brigade comprenait 2675 hommes.

Tambours 1er Léger Boersch
Fig. 1ab Tambours de Chasseurs, originaux de Boersch (vente Drouot du 3 novembre 2011)
Fig. 1

Fig. 1aa Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I."; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1). A l'arrière plan, nous pouvons distinguer un Musicien (Fig. 3)

Tambours carabiniers 1er Léger Boersch
Fig. 1ac Tambours de Carabiniers, originaux de Boersch (vente Drouot du 3 novembre 2011) Fig. 1a

Antoine François Le Preux ou Lepreux

(19 octobre 1796 - 1er novembre 1797)

Services : Né à Paris le 26 mars 1760. Fils d'Antoine François Lepreux et de Denise Catherine Ballu.

Entré le 18 mai 1778 au Régiment de l'Isle de France, où il est resté jusqu'au 31 décembre 1780. Sert aux Indes en qualité de Sergent (1780) puis de Sous lieutenant (31 décembre 1780), Officier de détails dans une Compagnie de Cipayes en janvier 1781; passé en 1782 au Régiment de Royal Roussillon; attaché au service du Génie, le 1er mars 1782; continua à compter à Royal Roussillon jusqu'à la réforme de ce Corps en 1785.

Il reprend du service comme Capitaine Aide major dans le 8e Bataillon de la Garde Nationale parisienne soldée le 1er septembre 1789; Capitaine au 14e Bataillon d'Infanterie légère lors de sa formation (1792). Lieutenant colonel en chef dudit Bataillon le 12 avril 1793; suspendu le 15 Frimaire an II (5 décembre 1793) pour s'être absenté de son Corps; réintégré dans ses fonctions à l'armée du Nord le 9 Brumaire an III (30 octobre 1794).

Promu Chef de Brigade le 1er Floréal an III (22 avril 1795), Brevet expédié le 20 Germinal (18 avril); nommé au commandement de la 1ère Demi-brigade légère de 2e formation à l'organisation du 9 Floréal an IV (28 avril 1796); passé au commandement de la 1ère Demi-brigade de Ligne le 24 Frimaire an VI (14 décembre 1798); passé chef de la 6e Demi-brigade de Ligne le 4 Vendémiaire an VIII (26 septembre 1799); passé chef de la 96e le 16 Frimaire an VIII (30 novembre 1799).

Inscrit au tableau des Adjudants commandants le 12 Vendémiaire an XII (5 octobre 1803) avec rang du 22 avril 1795. Mort à Berlin le 26 avril 1807 à 6 h 30 du soir.

Campagnes : Dans l'Inde, a pris part à plusieurs affaires, et notamment au combat de Gondelour et à la prise de Trinquemaley; a fait les campagnes de la Révolution en Champagne (1792), à l'Armée du Nord (1793 et 1796-1797), en Batavie (1798), et en Italie (1799). A l'armée de réserve en Italie (1800). Au Corps d'Observation de la Gironde (1801). Employé au 4e Corps de la Grande Armée 1806; nommé Président de la Commission militaire siégeant à Berlin (1806-1807).

Actions d'éclat, citations et blessures : A été blessé d'un coup de feu à la jambe droite et a eu deux chevaux tués sous lui à l'affaire de Bois de Raismes, le 1er mai 1793; "a déployé au combat de Montebello, le 22 prairial an VIII (9 juin 1800), un courage, une intrépidité et des dispositions militaires qui le firent remarquer". Se distingue à Marengo (14 juin 1800).

N. B. : L'Adjudant commandant Le Preux ne faisait pas partie de la Légion d'Honneur.

Sources : Historique régimentaire et Quintin, Dictionnaire des Colonels de Napoléon

Situation du 26 août 1796

Etat-major

Chef de Brigade : Antoine-François Le Preux;
Quartier-maître trésorier : Mathieu Frémont;
Quartier-maître de bataillon : Charles-Antoine Garcin

1er Bataillon

Chef de bataillon : Louis-Laurent GASTELAIS, né en 1769, provenant du 14e bataillon d'Infanterie légère;
Adjudant-major : Louis-Antoine FRAMBOURG.

Carabiniers : Cap. : Jean-Baptiste-Joseph BAUVENS, né à Bruxelles;
Lieut. : Louis-Joseph LéONARD;
S.-lieut. : Isidore MANIE.

1re compagnie :
Cap. : François RATEL;
Lieut. : Jean-Ambroise MONTOSSE;
S.-lieut. : Daniel DURUSSEL.

3e compagnie :
Cap. : Martin EMMERECKS;
Lieut. : Jacob WIRIK;
S.-lieut. : Gilles ROBERT.

5e compagnie :
Cap. : Joseph DE MOLLIN;
Lieut. : Jean-Joseph DEWOYE;
S.-lieut. : Louis-Théodore CHALLOT.

7e compagnie :
Cap. : Louis LE VACHER;
Lieut. : Jean-Baptiste GABUT;
S.-lieut. :

2e compagnie :
Cap. : Jean-Louis CAPELLE;
Lieut. : Louis REYMAECKERS;
S.-lieut. : Guislain GuiSBIER.

4e compagnie :
Cap. : Antoine LANGE ;
Lieut. : Julien-François LE HONGRE, dit TAILLY;
S.-lieut. : Victor GAUTHIER.

6e compagnie :
Cap. : Jean-Joseph BARBO;
Lieut. : Barthélemy TISON;
S.-lieut. : Jean-Louis DUMARCHé.

8e compagnie :
Cap. : Louis-Joseph PECQUEUR;
Lieut. : Jean-Baptiste GRINNE;
S.-lieut. : Jean-Baptiste-Marie JOANNE.

2e Bataillon

Chef de bataillon : Pierre LEJEUNE, né à Visé-sur-Meuse en 1762, provenant du 5e bataillon de Tirailleurs;
Adjudant-major : Charles THIERRY.

Carabiniers : Cap. : Jacob BOUILLET;
Lieut. : Aimé THORIN;
S.-lieut. : François VILLIOT.

1re compagnie :
Cap. : Jean-Baptiste TURLOT;
Lieut. : Eugène DE LAUNAY;
S.-lieut. : Jean-Baptiste DELPOUILLE.

3e compagnie :
Cap. : Pierre WALCHIERS;
Lieut. : BAUDIN;
S.-lieut. : Jean-Henry BOUCHON.

5e compagnie :
Cap. : Josse VAN KEER;
Lieut. : Emmanuel MONTUIR;
S.-lieut. : François DéNéCHAUX, dit BERRY.

7e compagnie :
Cap. : Pierre VAN DAEL;
Lieut. : Jean MAES;
S.-lieut. : Jean-Baptiste ZIMMERMANN.

2e compagnie :
Cap. : Pierre-Philippe BERTIN;
Lieut. Marc STéCLIN;
S.-lieut. : François CANCHE.

4e compagnie :
Cap. : Jacob SEVER;
Lieut. : Antoine BOUILLET;
S.-lieut. : Jacob VITMER.

6e compagnie :
Cap. : Charles MARIN;
Lieut. : François HENRION;
S.-lieut. : Pierre MORICE.

8e compagnie :
Cap. : Louis-Marie CHOUELLER;
Lieut. : Guillaume DE GLAIN;
S.-lieut. : Nicolas BARROUX.

3e Bataillon

Chef de bataillon : Henry-Joseph-Xavier DUPONT, né à Namur en 1769, provenant du 5e Bataillon de Tirailleurs.
Adjudant-major : Maximilien DéNéCHAUX, dit BERRY.

Carabiniers : Cap. : Memmy L'HôTE;
Lieut. : Paul GUICHARD;
S.-lieut. : Pierre-Nicolas POULAIN.

1re compagnie :
Cap. : Jacob OSWALD;
Lieut. : Louis MOUTIN;
S.-lieut. : Georges BOUILLET.

3e compagnie :
Cap. : Aimable BAUMARD;
Lieut. :Joseph VAN CUTSSEN;
S.-lieut. : Joseph-Horix VALDAN.

5e compagnie :
Cap. : Nicolas GODEFROY;
Lieut. : Jacques-Marie ROBLIN;
S.-lieut. : Jacob YUNG.

7e compagnie :
Cap. : Daniel KOLVEMBACK;
Lieut. : Joseph SACRE;
S.-lieut. : BéTREMIEUX.

2e compagnie :
Cap. : Pierre-Cornil-Jacques DE TAMMOIECKER;
Lieut. : Laurent FEGEY;
S.-lieut. : André EXPERT.

4e compagnie :
Cap. : Louis BOUCHER;
Lieut. : Jean-Marie LAVRILLAT;
S.-lieut. : Nicolas REMY.

6e compagnie :
Cap. : Antoine MERLE;
Lieut. : Bernard DE VIENNE;
S.-lieut. : Jean-Baptiste-Marie CHOUELLER.

8e compagnie :
Cap. : Charles VAN DéRéCHéREN;
Lieut. : François MESMER;
S.-lieut :

Officiers adjoints et auxiliaires de l'Etat-major du Régiment

Chef de bataillon : Jean-Baptiste LAUWRAY;
Adjudant-major : VITAL-DUPEYRON;
Quartier-maître de bataillon (sous-lieutenant) : Jean-Louis COPREAUX.

Capitaines adjoints et auxiliaires.
Blaize AMARET; François-Joseph DAVID, capit. d'artillerie; Arnold MAES; Mathieu BURRY; Jean-Nicolas BRISMISSHOLTZ; Augustin LAGROY; Gilles-Joseph HOUBA.
Lieutenants adjoints et auxiliaires.
Jean CHOMé; Guillaume LE CAMUS; Antoine-Bonaventure SAUVAGE; Marie-François BOCQUET; Jacob-Joseph COLLET; Henri-Jean DUTAILLIS; Toussaint MOYSE
Sous-lieutenants adjoints et auxiliaires.
Charles STAUBBLAUERS, Alexis LE NORMAND, Jean NAUDE.
OFFICIERS ATTACHéS AUX éTATS-MAJORS
Capitaines adjoints.
JOUANNON; HULIN; Adrien-J .-B.-Aimable RAMON, dit DUTAILLIS; Antoine ROUSSEAU.
Lieutenant adjoint : Charles-Martin GOBRECK.
Sous-lieutenant adjoint : DURAND.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Première inspection générale. La Demi brigade prend le N° 1

Pendant notre séjour à Borculo, nous passâmes une première revue d'inspection générale, dont était chargé le général de division Antoine Chaumont, qui s'empressa de rendre justice à notre demi brigade, qui la méritait à tous égards; notre tenue et notre arrnement étaient on ne peut plus soignés; notre instruction théorique et pratique, si négligée partout à cette époque, ne laissait rien à désirer; la discipline était des rnieux observée, sans rigueurs inutiles pour la maintenir ; le mieux que le soldat éprouvait dans sa position contribuait à rendre ses manières plus affables, ses moeurs plus douces et plus épurées; sa santé était parfaite.
Peu avant cette revue, qui nous prouvait que le gouvernement, plus libre dans ses actions, commençait à s'occuper du bien être du soldat, notre chef, monsieur Lepreux, avait complété l'organisation de sa demi brigade en donnant deux fifres à chaque compagnie, pris parmi les chasseurs les plus petits et les moins aptes au port d 'armes; puis en formant une musique excellente dont le plus grand nombre des sujets provenait de la maîtrise de la cathédrale de Liège, qui venait d'être supprimée ; dès ce moment aussi, la demi brigade fut autorisée à prendre le n° 1er, d'infanterie légère, que le sort venait de 1ui donner
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Sapeur 1er Léger 1797 d'après Carl Sapeur 1er Léger 1797 d'après Boersch Sapeur 1er Léger 1797 d'après Boersch
fig. 2
fig. 2a Sapeur d'après Boersch (vente de 1971) fig. 2b Sapeur d'après Boersch (vente de 2011)

1/ A l'Armée du Nord

Après la réorganisation de 1796, la nouvelle 1ère Demi-brigade légère demeure attachée à l'Armée du Nord qui, depuis la paix avec la Hollande et la Prusse, n'est plus qu'un Corps d'observation sous le commandement du Général Moreau. Elle est tout d'abord cantonnée à Cochem, sur la basse Moselle. La 1ère Légère reste dans cette situation jusqu'à la fin de fructidor an V (septembre 1797).

Pendant cette période de repos relatif qui dure près d'un an et demi, nos bataillons changeant fréquemment de postes, tantôt séparés, tantôt réunis, ils appartiennent d'abord à la 1ère Division, Division de droite (Macdonald), jusqu'en messidor an V (juillet 1797). Le 2e Bataillon va occuper Mehrsheim; et le 3e, Schweinheim dans la Basse Alsace.

Par exception, le 1er Bataillon (954 hommes) est détaché de la Division de droite; il se rend à Neuwied, à l'avant-garde du centre (Division Desjardins), pendant la 2e quinzaine de vendémiaire an V (octobre 1796).

Le 1er nivôse an V (21 décembre 1796), la Demi-brigade est en entier à Dusseldorf. Elle y séjourne trois mois, puis descend sur l'Yssel et tient garnison :
les 1er et 2e Bataillons, à Zutphem; le 3e, à Deventer.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Camp de Gorseele
Tandis que nous vivions en plein repos dans de bons cantonnemens, un camp d'instruction était en même temps établi à Gorseele, entre Zutphen et Deventer, formé d'abord des troupes de la première division de l'armée en Hollande. lndépendamment de l'instruction, ce camp avait encore pour but de tenir réunis un certain nombre de corps, qui auraient été par trop disséminés, pour, au besoin, porter promptement une masse imposante sur les points qui réclameraient un secours important, soit pour arrêter une rébellion dans l'intérieur, soit pour s'opposer à une invasion des puissances ennemies. Bientôt deux divisions s'y rassemblèrent.

- Ouverture de la 5e campagne

"Jourdan conserva le commandement de son armée. Pichegru soupçonné de trahison mais non convaincu fut remplacé par Moreau; Beurnonville, venu récemment de captivité remplaça Moreau dans le commandement de l'armée du Nord en Hollande".
L'invasion fut concertée sur un plan vicieux, en ce que nos troupes placées le long du Rhin, au lieu de ne former qu'une armée sous le commandement d'un seul général, restèrent divisées en deux corps, ayant chacun leur chef particulier et indépendant, tandis que les corps autrichiens passèrent tous sous le commandement supérieur du prince Charles.
Cette organisation ou division des corps français occupant le cours du Rhin en deux armées distinctes, causa un tort préjudiciable à la gloire du général Jourdan, qui toujours sacrifia son ambition au bien du service ; cette particularité est amplement démontrée par le peu d'ensemble apporté dans les mouvemens.
Jourdan battu à Amberg dut se retirer vers le Rhin et Moreau de son côté dut repasser le fleuve.

- Levée du camp de Gorseele
marche sur Cologne

Dans cette fâcheuse conjoncture, l'armée du Nord en Hollande ne pouvait plus rester oisive; il était urgent qu'elle marchât promptement au secours de l'armée de Sambre et Meuse, la plus à sa portée, abandonnée sur une pointe très avancée en Allemagne, agissant pour ainsi dire isolément, et qui se trouvait dans la nécessité de continuer son mouvement rétrograde sur le Rhin, pressée par un ennemi qui lui était de beaucoup supérieur en forces.
Le camp de Gorseele fut levé et toutes les troupes qui le composaient prirent la route de Cologne.
Le 15 septembre (29 fructidor), les deux premiers bataillons de la 1re demi brigade d'infanterie légère, quittèrent aussi leurs cantonnemens et se réunirent à leur état major à Grool.
Le 16 (30 fructidor) ils se portèrent à Alten, ou était déjà arrivé leur 3e bataillon revenu de la Zeelande; ainsi réunie, la demi brigade fut loger le 17 (1er jour complémentaire) à Deutekom et Tilburg; le 19 (3e jour complémentaire) elle fut à Doesburg, ayant en tête un escadron du 5e régiment de chasseurs; puis, formée en colonne de route, sa marche ouverte par un escadron de hussards et fermée par un autre de chasseurs, le 20 (4e jour complémentaire) elle fut loger à Nimègue et, conservant chaque jour le même ordre dans la marche, cette colonne logea le 21 (5e jour complémentaire) à Clèves, le 22 (1er vendémiaire) à Rheinberg, le 23 (2 vendémiaire) à Reuppel et le 24 (3 vendémiaire) à Meurs. Arrivée là, la demi brigade reçut l'ordre de continuer sa marche isolément, jusqu'à Dusseldorf où elle arriva après minuit.

- Camps de Mulheim et de Merheim

Le 23 (4 vendémiaire) nous bivouaquâmes à Mulheim, sur la rive droite du Rhin, vis à vis Cologne ; les 4e, 15e, 16e et 18e demi brigades de ligne vinrent nous remplacer le 26 (5 vendémiaire) et campèrent sur le terrain que nous venions de quitter; les 1er, 3e, 5e, 6e et 8e régimens de hussards, ainsi que les 5e, 21e, et 23e régimens de chasseurs à cheval, furent répartis dans les villages
sur la rive droite du Rhin, contigus à ce fleuve ; une partie de l'artillerie de l'armée fut également établie sur le même point. Les deux premiers bataillons de notre demi brigade se portèrent en avant à Merheim, et le 3e fut s'établir dans la tête de pont à Neuwied.
Nous formâmes notre camp en baraques, creusées en terre et recouvertes de gazons imperméables. Nous leur donnâmes la forme de huttes, ayant chacune leur petite cheminée, un lit de camp en claie élevé au dessus du sol, un ratelier d'armes, un jour suffisant, et logeant commodément huit à dix hommes; toutes ces huttes, de même forme, alignées sur le front de bandière, face à l'ennemi, chaque compagnie séparée l'une de l'autre par de petites rues dans la profondeur du camp, avaient un aspect sauvage qui plaisait à l'oeil.
Le camp de Mulheim était commandé par le général Dazémar et celui de Merheim par le général Salm, formant ensemble la division du général Macdonald; deux autres divisions étaient à Cologne et dans les environs, sur la rive gauche du Rhin. Ce corps d'armée, détaché de l'armée du Nord, était sous les ordres du général en chef Beurnonville dont le quartier général était à Cologne, ville grande, riche, électorale, toute couverte d'églises, une des anciennes résidences impériales de Charlemagne, où ses restes mortels furent inhumés.
Le 27 (6 vendémiaire) le général Salm fit couvrir notre camp par des lignes de retranchemens et y mit du canon.
Le 1er octobre (10 vendémiaire) Beurnonville passa les camps en revue, et nous fit connaître par la voie de l'ordre, que l'armée de Sambre et Meuse était en pleine retraite; notre destination était de la soutenir et d'arrêter l'ennemi conjointement avec elle, en couvrant le Rhin.
Nous vîmes bientôt paraître un grand nombre de soldats de cette armée, la devançant de quelques jours, abandonnant leurs corps et cherchant à repasser le Rhin pour mettre en sûreté les richesses qu'ils s'étaient procurées par le pillage; ces soldats étaient presque nus et ils possédaient de l'or; on les surprenait dans les haltes qu'ils faisaient jouant dix à vingt pièces d'argent ou d'or sur une carte ou sur un coup de dés.
Nos postes et nos piquets furent étendus sur le fleuve à droite et à gauche, partout où il y avait un passage établi, ne laissant aller sur la rive gauche que les militaires porteurs d'autorisations spéciales. Enfin nous eûmes le plaisir de rendre à leur corps et à leurs compagnons d'armes restés fidèles à l'honneur ceux que l'embarras des richesses avait rendus pusillanimes ou qui, rebutés par les fatigues, cherchaient un mieux qu'ils ne pouvaient trouver que dans le déshonneur.
Réunis bientôt à la partie de l'armée de Sambre et Meuse qui effectua sa retraite sur notre point, nous contribuâmes à arrêter l'armée autrichienne qui s'avançait aussi vite que la retraite de Jourdan le lui permettait et qui, fière de ses succès de circonstance, semblait ne pouvoir être arrêtée qu'à Paris, but des efforts des coalisés, comme les nôtres étaient d'atteindre Vienne.
La campagne de 1796 s'était terminée malheureusement ; quelques succès dès le début avaient été promptement suivis de défaites, amenées par l'incurie du gouvernement, et par la lenteur, l'indifférence ou la jalousie d'un général sur lequel on comptait le plus. Dans cet etat de choses nos troupes souffraient et perdaient de leur énergie.
Nous étions à la fin de novembre, le froid devint bientôt excessif, et le manque de fourrage ne tarda pas à se faire sentir par la difficulté de communiquer avec la rive gauche du Rhin.
Au commencement de décembre, ce fleuve était déjà couvert d'épais glaçons amoncelés, qui n'avaient entre eux aucune adhérence, et qui interceptaient la navigation. Les vivres nous venaient de Cologne par le pont volant, il fallut renoncer à cette voie; restaient les ponts de Dusseldorf et de Neuwied, mais exposés à une rupture par le cumul des glaçons qui menaçaient d'entrainer les bateaux, il ne nous en arrivait plus qu'une petite quantité; les privations que l'on commençait à éprouver, les fatigues, les excursions d'un ennemi contrarié qu'il fallait contenir et repousser, et surtout la rigueur de la saison, auraient infailliblement ruiné notre belle cavalerie remontée avec tant de soins en Hollande si, par suite de conventions avec le prince Charles, dont les troupes étaient autant fatiguées que les notres, nous n'eussions pris des quartiers d'hiver.
Cependant, malgré le mauvais temps et la misère que nous eûmes à supporter durant les derniers mois des quatre que nous restâmes campés, jamais on n'avait vu de troupes aussi belles, autant soignées dans sa tenue et dans son armement; le temps le plus désastreux ne nous dispensait pas des inspections journalières, des parades, ni même des instructions pratiques en plein air. Ainsi le voulait le général Salm. L'armée du Nord était vraiment une armée modèle.
j'ai rempli plusieurs fois dans ce camp les pénibles fonctions de défenseur officieux près des conseils de guerre, en faveur de prévenus d'infraction à la discipline militaire, courant les risques de me voir aussi mis en jugement, lorsque dans l'intérêt de la défense, je mettais en doute la véracité d'un rapport fait par un supérieur que je supposais trompé; ou bien lorsque je suspectais l'exactitude de la déposition d'un témoin, ou que je niais l'intention que l'on prêtait à ma partie d'avoir voulu commettre le délit dont elle était prévenue; soit aussi en citant quelques propos outrageans tenus par un chef et qui auraient exaspéré le délinquant, tâchant autant que possible d'atténuer les torts du soldat mis en jugement; car le général Salm, à qui on accordait généralement de l'esprit et du courage, n'en était pas moins sur toutes choses, d'une susceptibilité extraordinaire et d'une sévérité révoltante ; tout devait plier devant sa volonté. Il fit arrêter arbitrairement et détenir dans les prisons de Cologne, des militaires défenseurs auxquels il n'avait à reprocher que des allégations vagues, lancées contre de certains chefs devenus la terreur du soldat, s'attribuant à lui même les citations qui n'étaient pas suivies d'un nom propre.
Présumant avoir tout à craindre, il portait constamment sous ses vêtemens une cotte de mailles qui contribuait particulièrement à le déformer. Après la levée des camps nous ne le revîmes plus; il passa à l'armée d'Italie où dans la campagne de 1798 (an 7) il fut blessé à la bataille de la Trébia, se trouvant encore sous le commandement de Macdonald.

- Levée des camps de Mulheim et de Merheim

Le 12 décembre 1796, (22 frimaire an 5) les camps de Mulheim et Merheim furent levés, et chaque corps se porta dans les cantonnemens qui lui furent assignés. Notre 3e bataillon fut occuper les villages en avant du camp, couvrant le Rhin et le pont de Neuwied ; le 2e alla à Walde, Hann et Mübrade; le ler se rendit dans la principauté de Solingen.
Le 1er février 1797 (13 pluviôse an 5) la demi brigade, remplacée dans ses cantonnemens, passa sur la rive gauche du Rhin et fut occuper Neuss, Urdingen, Linn et Crefeld; cette dernière ville toute française par le grand nombre de familles protestantes qui quittèrent la France et s'y réfugièrent lors de la révocation de l'édit de Nantes. La 8e compagnie à laquelle j'étais fourrier, occupa Linn. Je logeai chez les demoiselles Wichmann, dont l'amabilité et les soins généreux me firent oublier les misères du camp.
Le 21 mars (1er germinal) le 1er bataillon remplaça le 2e à Urdingen; celui-ci alla à Kempen et le 3e dans les environs de Venloo.
Le 24 mars (4 germinal) le 2e bataillon fut occuper les villages de Frimersheim, Bosberg et Kautsberg.
A Bosberg, le 31 mars (11 germinal) j'ai été promu au grade de sergent, et le lendemain 1er avril (12 germinal) à celui de sergent major, en remplacement du sieur Périn, condamné à la dégradation par un conseil de guerre pour fait d'indiscipline; je fus maintenu à la 8e compagnie du 2e bataillon.

- Ouverture de la campagne de 1797

Le 3 avril (14 germinal) toute la demi brigade se rassembla à Urdingen et elle prit immédiatement la route de Cologne pour se réunir à l'armée de Sambre et Meuse.
Le 6 avril (17 germinal) elle fut passée en revue par le général Hoche. Le temps devint affreux, la neige tomba abondamment, et cependant le général nous retint six grandes heures dans la plaine vis à vis Cologne; après la revue nans traversâmes cette ville et nous fûmes loger à Binsdorf.
Hoche avait remplacé Jourdan dans le commandement de l'armée de Sambre et Meuse; il était impatient de commencer les hostilités, et son armée demandait hautement qu'on la conduisit à l'ennemi, au delà du Rhin. De son côté, Moreau commandant toujours celle du Rhin était également prêt à entrer en campagne.
L'ordre étant donné de l'ouvrir, la 1re demi brigade d'infanterie legère dut se porter dans le Hundsrück pour y appuyer l'armée de Sambre et Meuse.
Le 8 avril (17 germinal) nous nous rendîmes à Kinderdorf, le 9 (18) à Linderbooch, le 10 (19) à Meinberg, le 11 (20) à Bröhl, le 12 (21) à Pitbruch, le 13 (22) à Bibrem, le 14 (23) nous bivouaquâmes auprès de Weinsham après avoir traversé Kreutznach; le 15 (24) à Sobernheim sur la Nahe (sic) où nous séjournâmes.
Le 18 (27) à Kircheimbolanden, passant par Alsenz; le 19 (28) à Fürfeld où nous primes position
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Du 25 germinal au 16 prairial an V (24 avril - 4 juin 1797), le 1er Bataillon est à Creutznac, toujours à la Division Desjardins.

Le Capitaine Duthilt écrit : ""L'armée de Sambre et Meuse se portait sur la Nidda et l'armée du Rhin vers la Forêt Noire lorsque l'une et l'autre furent arrêtées par le courrier de Leoben".
La 1re demi brigade d'infanterie légère était encore à Fürfeld lorsque l'annonce de la signature des préliminaires de paix lui parvint ; elle se préparait en ce moment à l'attaque de la forêt de Monbach, occupée par cinq mille Autrichiens ; on venait de délivrer à la brigade dont elle faisait partie une quantité de cartouches et des vivres pour plusieurs jours. En suite de la suspension d'armes, la demi brigade fut envoyée à Vendelsheim et Flonheim où elle séjourna.
Le 2 mai (11 floréal) elle fut à Defendal, Niderhausen et Kringsfeldt qu'elle occupa jusqu'au 21 (2 prairial).
Le 22 (3 prairial) elle alla loger à Winterborn, le 24 (5) à Munsterapel, Steinbochenheim et Murfeld jusqu'au 27 (8 prairial).

- Premier retour en Hollande

A Murfeld nous reçûmes l'ordre de retourner en Hollande, notre appui à l'armée de Sambre et Meuse ne lui étant plus nécessaire, nous regrettâmes aussi que les victoires obtenues par Bonaparte en Italie, tout avantageuses qu'elles étaient pour la France, nous forçassent à nous éloigner du théâtre où nous comptins bien obtenir aussi un peu de gloire.
Nous nous remîmes donc en route pour retourner à nos marais; le 28 mai (9 prairial) nous fûmes loger à Schwabenhausen, le 29 (10) à Nierscheid près de Simmern, le 30 (11) à Boppart sur le Rhin, le 31 (12) à Andernach, après avoir passé vis à vis Coblentz; le 1er juin (13) à Bonn, le 3 (15) à Cullen; le 4 (16) à Neüss, le 5 (17) à Urdingen, le 7 (19) à Xanten, le 8 (20) à Clèves, le 9 (21) à Bommel, le 10 (22) à Zulphen, le 11 (23) à Goor, le 12 (24) à Enschédé; le 14 (26) nous rétrogradâmes sur Goor pour prendre la route de Deventer où nous arrivâmes le 16 (28 prairial) pour y tenir garnison.

- Une rebellion à Deventer

Une désobéissance combinée eut lieu dans le 2e bataillon pendant son séjour à Deventer; la troupe était restée quelque temps sans recevoir sa solde, attendu que la Hollande refusait de payer des corps sortis de son territoire pour passer dans une autre armée, et qui probablement étaient déjà remplacés par d'autres qu'elle dut aussi habiller à neuf, car la Hollande était alors considérée comme une bonne vache que l'on pouvait traire sans la tarir ; les carabiniers du second bataillon parvinrent secrètement à déterminer les compagnies de chasseurs à refuser, sinon le service du moins l'exercice, ce qui se fit spontanément dans toutes les compagnies, quoiqu'elles fussent toutes logées séparément dans des maisons servant de casernes et situées dans des rues différentes.
L'appel battu, les chasseurs se présentèrent sans leur fourniment et sans armes; et telles significations et prières qu'on put leur faire, ils refusèrent de s'armer, restant muets et immobiles dans les rangs, sans s'inquiéter des menaces qu'on put leur faire. Le commandant Lejeune, informé de cette désobéissance, passa inutilement de l'une à l'autre compagnie, il fallut pour le moment se borner à rompre les rangs et à consigner les soldats dans leurs casernes; ils subirent ce châtiment sans se plaindre.
Le chef de brigade Lepreux ordonna alors le licenciement de la compagnie de carabiniers qui fut incorporée dans celles des chasseurs, du sergent major aux tambours et une nouvelle compagnie fut aussitôt formée; la troupe fut soldée et l'exercice reprit son cours ordinaire.

- Un bain dans l'Yssel

Dans une promenade que je fis certain jour sur le bord de I'Yssel, fleuve large, profond et rapide, une des branches du Rhin se jetant dans le Zuiderzée, excité par la chaleur, la fraicheur de l'eau, la pente douce d'une rive couverte d'un sable blanc et uni, et surtout par l'exemple que me donnèrent ceux avec qui je me promenais, dont plusieurs étaient d'excellens nageurs, je me décidai à entrer dans le fleuve pour m'y baigner, sans m'éloigner du bord, car je ne savais pas nager; provoqué malheureusement par 1e jeu de mes compagnons, je montai inconsidérement sur le dos d'un des nageurs, homme d'une grande taille et d'une grande force corporelle; je le laissai entrer dans l'eau jusqu'à mi corps cherchant alors à le quitter; mais lui, s'obstinant à me retenir, s'élança en travers du fleuve, et la secousse qu'il me donna me précipita par dessus sa tête; j'allai de suite au fond du fleuve, entraîné rapidement par le courant loin des nageurs, abandonné à mes propres moyens de conservation, courant de grands risques car je ne savais nager.
Conservant toute ma raison, je fermai aussitôt la bouche et je revins au dessus de l'eau; je revis la rive que je venais de quitter, je m'en approchai obliquement par des secousses que je donnai chaque fois que je touchai le fond perpendiculairement; je pus enfin prendre pied la tête hors de l'eau, lutter contre le courant qui m'entraînait; puis, suivi de près par l'auteur de mon immersion, je regagnai le bord, absolument épuisé.
J'ai raconté plus haut que, voulant me donner le divertissement d'une chasse d'oiseaux à la course, et parcourir en ligne droite une plaine qui, malheureusement, n'était qu'un grand marais déguisé, j'avais failli périr étouffé dans une vase où je m'étais engouffré; cette fois ci je fus exposé à me noyer dans un fleuve dont l'eau limpide, les rives d'une pente douce et unie, le sable blanc et compact offraient toute sécurité à qui voulait se donner le plaisir d'un bain agréable et salutaire. Ainsi, entouré d'une population amie, n'ayant rien à redouter des accidens communs à la guerre, je n'en fus pas moins par imprudence, exposé à perdre la vie.
Ces deux évènemens me reviennent à la mémoire toutes les fois que je pense à mon séjour en Hollande, et ce souvenir peu agréable me donnerait de l'aversion pour ce pays si, par compensation, je ne me souvenais en même temps que là aussi, à Neydens et à Borculo, j'ai éprouvé de bien douces sensations !
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 21 messidor (9 juillet 1797), les Bataillons passent à la 3e Division (ils y resteront jusqu'à leur départ pour l'armée d'Allemagne) et vont occuper sur la rive gauche du Rhin : le 1er, Bois-le-Duc; le 2e, Grave; le 3e, Nimègue.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Nous partîmes de Deventer le 19 juillet 1797 (1er thermidor an 5) logeant le même jour à Doesburg, le 20 (2) à Nimègue et le 21 (3) à Grave, notre nouvelle garnison.

- Affaires de l'intérieur, correspondance de Pichegru, Hoche remplace Moreau, Augereau succède à Hoche

"Dans l'intérieur, la faction royaliste obligea les membres du Gouvernement à sévir contre elle dans la journée du 4 septembre (18 fructidor). Moreau communiqua alors seulement au Directoire la correspondance de Pichegru saisie lors du passage du Rhin, dans les papiers du général Klinglin, mais suspect lui-même, il fut remplacé par le général Hoche qui réunit alors sous son commandement, l'armée de Sambre et Meuse qu'il commandait déjà et l'armée du Rhin, sous le nom d'armée d'Allemagne; mais miné par un mal mystérieux, il mourut le 18 septembre (1er jour complémentaire an 5)".
Augereau succéda au général Hoche dans le commandement de l'armée d'Allemagne.
L'armistice entre la France et l'Autriche, conclu par les préliminaires de paix signés à Leoben, existait encore, mais les difficultés que l'Autriche apportait à la conclusion du traité de paix qui devait suivre, obligeaient le Directoire à tenir ses armées prêtes à recommencer la guerre si les plénipotentiaires autrichiens ne s'empressaient de traiter de bonne foi, et s'ils ne se hâtaient de consentir aux articles qui leur étaient présentés par la France comme ultimatum. En conséquence, voulant donner plus de force à l'armée d'Allemagne, le Gouvernement retira encore de l'armée du Nord, en Hollande, un corps d 'armée destiné à passer sous les ordres du général Augereau, et la 1re demi-brigade d'infanterie légère en fit partie.

- Deuxième sortie de la Demi Brigade de Hollande.

Le 27 septembre 1797 (6 vendémiaire an 6), nous partîmes de Grave et nous passâmes la Meuse à Gennes au moyen du pont volant ; nous couchâmes ce même soir à Goch. On remarque sur la place de cette ville un arbre infiniment curieux par 1'étendue de ses branches et par sa forme; trois hommes peuvent à peine enlacer son tronc de leurs bras étendus : ses branches disposées circulairement, partant toutes de la même hauteur, formant deux étages, s'étendent d'abord horizontalement, puis elles remontent verticalement à hauteur d'appui pour former deux balcons; on pose sur les branches horizontales du premier et du second étage, comme sur des gîtes, autant de planches préparées qu'il en faut pour former le plancher de chaque galerie ; on arrive du sol à ces galeries par un petit escalier en spirale appuyé contre le tronc, et lorsqu'au mois de juin, ces galeries sont fortement ombragées par le feuillage, les personnes admises à y monter viennent s'y offrir en spectacle. Ce bel arbre est surmonté d'une couronne impériale taillée à jour, produisant un effet merveilleux.
Le 2 octobre (11 vendémiaire) nous fûmes coucher à Nieukerk; le 3 (12) à Crefeld où nous restâmes jusqu'au 8 (17)
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

2/ A l'Armée d'Allemagne

Les Bataillons sont mis en route le 18 vendémiaire an VI (9 octobre 1797) avec la Division gauche de l'armée du Nord pour aller à l'armée d'Allemagne (aile gauche). En quittant le Brabant, la 1re demi-brigade légère a 2268 hommes présents à son effectif.

Le traité de Campo-Formio signé le 17 octobre 1797 rend la paix à l'Europe. La 1re Légère arrive alors à Cologne. Elle en repart aussitôt pour retourner dans le territoire batave : le 1er Bataillon, à Zutphem; les 2e et 3e, à Deventer.

Les Compagnies auxiliaires (Dépôt), dont l'effectif total ne dépassa pas 94 hommes, avaient tenu garnison à Wagennengen jusqu'à la mise en marche de la demi-brigade sur Cologne. A ce moment, elles sont envoyées à Zutphem où elles sont rejointes fin octobre par le 1er Bataillon. Elles resteront dans cette place jusqu'à leur rentrée en France.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 9 (18) nous allâmes à Kaiserswerth où nous logeâmes jusqu'au 12 (21) ; le 13 (22) après avoir traversé Dusseldorf, nous nous rendîmes à Sturzelberg, l'état-major de la demi brigade fut loger à Dormagon; les 14 et 15 (23 et 24) nous restâmes à Bachman; le 16 (25) nous fûmes à Efdoren où nous restâmes jusqu'au 19 (28); le 20 à Buttenbroch jusqu'au 28 (7 brumaire).
Le 29 (8 brumaire) le corps d'armée se rassembla dans la plaine de Cologne où il fut passé en revue par le général en chef Augereau. Après cette revue, les différentes demi brigades composant ce corps retournèrent dans leurs logemens pour y attendre de nouveaux ordres. Le 31 (10 brumaire) toutes les demi brigades se remirent en route; la nôtre se porta à Kirdorf, Huskirch, Wochem et Putzfeldt; le 1er novembre (11 brumaire) elle alla à Altessahr et le 2 (12) à Groft, d'où elle retourta immédiatement à Putzfeldt, par suite d'un contre ordre, et continuant son mouvement rétrograde, elle logea le 4 (14) à Huskirch, le 6 (16) à Buttenbroch où elle s'arrêta jusqu'au 8 (18) ; le 9 (19) elle alla à Knechslein, le 10 (20) à Neuss et le 11 (21), passant devant le mausolée élevé à la mémoire du général Hoche, étant à cet effet en tenue de parade, elle lui rendit les honneurs funèbres, devoir imposé à tout corps ayant à passer devant ce monument. Ce même jour, la demi brigade fut loger à Geldern; le 12 (22) elle fut à Walbeck et le 13 (23) à Goch et Kranenburg
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 13 novembre, la 1ère Légère passe sous le commandement du Chef de Brigade Joseph Yves Manigault Gaulois (né le 14 avril 1770; Général de Brigade le 29 août 1803; Commandant de la Légion d'Honneur le 14 juin 1804; tué à la bataille de la Corogne le 16 janvier 1809).

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Paix de Campo Formio

Le traité de paix qui devait suivre les préliminaires de Leoben, après bien des négociations de la part de l'Autriche, condamnée à un énorme sacrifice, et qui n'osait traiter sans le concours de l'Angleterre, fut signé le 17 octobre 1797 (26 vendémiaire an 6) à Passeriano; on le data d'un petit village situe dans le Frioul, entre les deux armées, mais dans lequel on ne se rendit pas, parce qu'il n'y avait pas de local convenable pour recevoir les négociateurs. Ce village était Campo Formio, il donna son nom à ce traité célèbre, le premier conclu entre l'empereur d'Autriche et la République française. Et cette paix explique pourquoi le corps d'armée tiré de la Hollande, attaché momentanément à l'armée d'Allemagne, rentrait maintenant aux lieux d'où il était sorti.

- Deuxième rentrée de la Demi Brigade en Hollande

Notre seconde excursion hors de la Hollande était déjà terminée; l'armée d'Allemagne devant elle même évacuer successivement le territoire conquis au delà du Rhin, n'avait plus besoin de l'appui que venait de lui donner l'armée du Nord, aussi s'empressa-t-on de nous renvoyer derechef au mili eu des canaux et des marécages de la Hollande, jusqu'à ce qu'il plût à Dieu de nous en tirer définitivement.
En conséquence le 15 novembre (25 brumaire) nous revîmes le territoire de la République batave, et nous fûmes coucher à Arnheim ; le 16 (26) à Dieren, le 17 (27) à Zutphen et le 18 (28) à Deventer. Les deux premiers bataillons restèrent en cette ville et le 3e en sortit le 19 (29) pour aller occuper différens cantonnemens dans les villages de la Gueldre.
Les deux premiers bataillons partirent de Deventer le 28 (8 frimaire) pour aller à Zutphen; le 29 (9 frimaire) ils furent à Doesburg et le 30 (10) à Arnheim.
Le 1er décembre (11 frimaire), ils se portèrent à Nimègue, le 2 (12) à Escharen près de Grave et le 3 (13) ces trois bataillons réunis entrèrent à Bergopzom.
Le 7 (17) les deux premiers bataillons furent tenir garnison à Breda, le 3e se rendit à Bois le duc avec l'état major de la demi brigade.
C'est de cette ville que partit notre chef de demi brigade Lepreux pour passer dans une demi brigade de ligne employée hors de la Hollande ; son changement de corps était une sorte de disgrâce, et en même temps une satisfaction donnée au gouvernement batave qui poursuivait ce chef prévenu d'avoir maltraité un des employés de l'administration de l'habillement. Il fut remplacé par monsieur Manigault-Gaulois, ancien adjudant commandant chef d'état major général; il prit le commandement de notre demi brigade le 22 janvier 1798 (3 pluviôse an 6)

- Ennui des Français en Hollande

Déjà trois années s'étaient écoulées depuis que nous avions repoussé de la Hollande les derniers ennemis qui s'opposèrent à l'affermissement de nos armées dans cette riche contrée, dont l'occupation importait essentiellement au repos de la France ; depuis lors nous y étions en pleine paix, car la guerre avait été portée loin de là, aucun des ennemis qui restaient à la République ne touchait à la frontière hollandaise ; la Prusse avait depuis longtemps retiré ses troupes des armées coalisées et avait fait sa paix avec la France; nos armées avaient passé le Rhin et le couvraient de toutes parts; l'Angleterre n'était pas en ce moment en mesure d'inquiéter aucun des points maritimes des provinces que nous occupions; nous aurions oublié la guerre si par circonstance on ne nous eût mis deux fois en contact avec nos armées actives, mais nous n'y étions appelés que momentanément et comme auxiliaires et dès qu'elles pouvaient se passer de notre appui, on nous renvoyait en Hollande, où il semblait que nous devions toujours rentrer. Notre devoir sans doute était d'obéir sans murmurer mais comme Français et soldats, nous nous en affligions; il nous était pénible de n'avoir pu courir aussi les hasards de la guerre, de n'avoir pas vu le numéro de notre demi brigade cité honorablement dans les rapports militaires, ainsi que l'avaient été ceux des demi brigades employées aux autres armées; c'était là généralement les regrets exprimés par nos chasseurs et nos officiers, et dont il convenait de tenir compte pour faire cesser leur ennui et calmer leur mécontentement, car ils étaient tous on ne peut plus impatiens de sortir de l'inertie dans laquelle on les retenait depuis si longtemps" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 1er nivôse an VI (21 décembre 1797), la 1ère Légère occupe Bois-le-Duc, Bréda et Berg-op-Zoom.

Joseph Yves Manigault Gaulois

(13 novembre 1796 - 28 août 1803)

Services : Né à la Flèche (Sarthe) le 14 avril 1770. Entré au service comme Sergent au 1er Bataillon de la Sarthe. Sergent major le 11 août 1791. Sous lieutenant au 45e Régiment d'Infanterie (ci-devant Régiment de la Couronne), le 1er avril 1792. Lieutenant le 5 novembre 1792. Capitaine le 5 septembre 1793.

Adjudant général (Chef de Bataillon) provisoire, nommé par les représentants du peuple, le 9 Germinal an II (29 mars 1794); fut confirmé dans ce grade, le 9 brumaire an III (30 ocotbre 1794). Adjudant général chef de Brigade le 25 Prairial an III (13 juin 1795); fut attaché à la personne du Général Moreau "qui avait apprécié ses talents et sa bravoure"; reçut le commandement de la 1ère Demi-brigade légère le 23 brumaire an VI (13 novembre 1797).

Général de Brigade le 11 Fructidor an XI (28 août 1803); mis en disponibilité, puis employé dans la 19e division militaire, le 15 germinal an XII (4 avril 1804); fut embarqué à bord du vaisseau le Neptune, destiné à l'expédition projetée pour Saint Domingue; prit le commandement du département du Pô, le 29 Floréal an XIII (18 mai 1805); chef d'Etat major général de la 3e légion de réserve, le 4 mai 1807; employé à la division d'observation des Pyrénées Orientales le 23 février 1808; reçut le commandement de l'avant garde de l'expédition dirigée sur la Corogne. Mort au champ d'honneur le 16 janvier 1809 à la bataille d'Avisa, "emportant les regrets de l'armée".

Campagnes : 1792 - Fit partie de la colonne infernale à l'armée de la Moselle. 1793 et ans II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, 1808 et 1809. - Aux armées du Rhin, d'Allemagne, du Nord, d'Angleterre, de Sambre et Meuse, de la Moselle et d'Espagne.

Décorations et distinctions honorifiques : Commandant de la Légion d'Honneur le 19 Frimaire an XIII (9 décembre 1804). Par lettres du 4 août 1813, Napoléon, pour rendre hommage à sa mémoire, conféra à son fils, alors âgé de neuf ans, le titre de Baron en y joignant une dotation de 4000 francs sur les domaines du Hanovre. Le nom du Général Manigault-Gaulois devrait figurer sur l'arc de triomphe de l'étoile. Il a été oublié.

Anecdotes : En 1794, à Coblentz, il rencontra 3 émigrés, ses anciens camarades de collège. Non seulement il ne les dénonça pas (ce qui aurait passé alors pour une preuve de zèle), mais dans un élan de charité qui n'était pas sans danger, il leur procura des passeports pour s'évader et les sauva ainsi d'une mort presque certaine. L'année suivante, il préserva du pillage un couvent de moines dont l'histoire n'a pas retenu le nom. En témoignage de reconnaissance, le supérieur du couvent lui offrit "une voiture magnifique attelée de 4 chevaux du plus grand prix". Le Chef de Bataillon Manigault refusa d'abord, puis, sur de nouvelles instances, il accepta, mais vendit aussitôt voiture et chevaux et en distribua le prix à ses soldats. "Ils l'ont mérité, aussi bien que moi", dit-il simplement aux moines émerveillés d'un tel désintéressement. Vers la fin de 1808, Manigault commandait à Burgos des troupes de nouvelles levées que Napoléon passa en revue. L'Empereur, après l'avoir félicité sur la belle tenue et la discipline de ces conscrits, ajouta : "Général, je suis content de vous. Depuis longtemps, je n'ai que des éloges à donner à votre conduite. Vous recevrez sous peu les témoignages de ma satisfaction; pour l'instant que désirer vous ?". Modeste autant que généreux, Manigault ne demanda rien pour lui-même; mais il obtint des récompenses pour ses deux Aides de camp.

3/ A l'Armée d'Angleterre

L'Angleterre se montrant toujours intraitable, refuse la paix ; elle se trouve par ailleurs aux prises avec l'Irlande révoltée, les Irlandais par ailleurs ne cessent d'adresser à la France des appels pressants. Cette situation fait entrevoir la possibilité d'une descente sur les côtes de la Grande-Bretagne.

Le Directoire décide alors de réunir sur les côtes de la Manche une armée destinée à opérer un débarquement, et appelée Armée d'Angleterre. Les troupes de l'ancienne armée du Nord doivent naturellement fournir les premières leur contingent. C'est donc en vue de cette éventualité que la 1ère Légère est rapprochée de la France.

Le 12 janvier 1798 (23 nivôse an 6), un Arrêté du Directoire Exécutif à Paris, fixe la composition de l'Armée d'Angleterre :
"LE DIRECTOIRE EXECUTIF,
Considérant qu'il est instant de réunir sur les côtes toutes les forces qui doivent être employées à l'armée d'Angleterre,
ARRÊTE ce qui suit :
ARTICLE PREMIER
Les divers corps de troupe ci-après désignés seront mis en mouvement pour se rendre sans délai sur les côtes qui bordent la Manche, ou autres lieux de rassemblement désignés par le ministre de la guerre, savoir :
INFANTERIE DE LIGNE
Les 4e, 10e, 16e, 17e, 18e, 25e, 30e, 31e, 32e, 37e, 40e, 43e, 46e, 51e, 57e, 58e, 61e, 62e, 69e, 73e, 75e, 76e, 78e, 84e, 85e, 89e, 96e, 100e et 105e demi-brigades.
INFANTERIE LEGERE.
Les 1re, 2e, 3e, 5e, 9e, 10e, 18e, 20e, 21e, 22e et 25e demi-brigades.
TROUPES A CHEVAL
Les deux régiments de carabiniers ;
Les 1er et 8e régiments de cavalerie ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 17e et 19e régiments de dragons ;
Les 1er, 2e, 3e, 4e, 8e, 9e, 10e et 12e régiments de chasseurs ;
Les 2e, 3e, 5e et 8e régiments de hussards.
ARTILLERIE ET GÉNIE
Les 1er et 4e régiments à pied ;
Les 2e et5e régiments à cheval ;
Quatre compagnies d'ouvriers ;
Quatre compagnies de mineurs ;
Deux bataillons de sapeurs et deux corps de pontonniers
" (La Jonquière C. de : « L’expédition d’Egypte, 1798-1801 », t. 1. P. 97).

Une situation, sans date, mais probablement établie début février 1798, signée par l’Adjudant-général Donzelot indique : Armée d’Angleterre; Situation de la division aux ordres du Général Grenier
Grenier, Général de Division
Daultanne, Ducheiron, Adjduants généraux
Dalbon, Gellée, Commissaires des guerres
1ère Légère, 73e de Ligne, 94e de Ligne, 96e de Ligne; lieu de rassemblement Abbeville ; époque de l’arrivée des Corps 22 ventôse. "Arrondissement de la Division : dans le département du Pas de Calais les ci-devant district de Calais, de Boulogne, Saint-Omer et Montreuil.
Observations :
La 1re d’infanterie légère vient de la Hollande passant par Bruxelles
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 197 page 408).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Enfin cet ordre invoqué de la force de nos désirs fut donné; décidément nous étions à la veille de quitter la Hollande pour porter nos armes ailleurs ; on nous rappelait en France, nous allions revoir notre patrie, là, du moins, nous pouvions espérer que, si la guerre devait recommencer quelque part, nous serions des premiers compris dans la nouvelle armée à mettre sur pied; dès ce moment nous fîmes avec joie nos arrangemens de départ.
Le 19 février 1798 (1er ventôse an 6) l'ordre de quitter la Hollande pour rentrer en France nous fut intimé; le départ des deux premiers bataillons fut fixé au 26 et celui du 3e au 5 de mars.

- Nos adieux à la Hollande

Nous dîmes adieu à ces bons et flegmatiques Hollandais, leur tenant compte de leur bonne et franche hospitalité; quittant avec joie néanmoins leur pays humide et malsain. Là rien ne ressemble aux autres contrées de l'Europe; l'uniformité même du sol de la Hollande, de ses villes si bien fortifiées, de ses villages dont les habitations sont parfaitement alignées et peintes de diverses couleurs, de ses routes. mauvaises et bordées d'une quadruple rangée de beaux arbres, de ses nombreux canaux, de ses barques sans nombre et de ses vaisseaux, est une singularité qu'on ne rencontre pas ailleurs.
Dans ce pays tout annonce la richesse; on la remarque à la quantité de beaux villages, à la propreté des maisons et des rues, à l'habillement, à la contenance ferme du paysan, de l'artisan comme du rentier. Cette propreté et cette aisance se font remarquer même au milieu du sol inondé, des prairies marécageuses, du climat épais et toujours humide de certaines provinces; point de mendians comme on en trouve dans les autres pays ; vous rencontrez sur toutes les routes des paysans montés, pour la plupart, sur des chariots bien peints, souvent même dorés, et tirés par de superbes chevaux, se rendant aux villes pour leurs affaires. Ces paysans sont bien habillés ; ils portent de grandes et larges boucles à leurs souliers, de lourdes chaînes à leur montre, et des boutons à leurs habits et à leurs vestes, les uns en argent fin, les autres en or, de même que les boucles de leurs jarretières et celle de leur col de mousseline.
Leurs femmes sont également chargées de richesses : elles adaptent de larges lames d'argent ou d'or à leur coiffure où elles attachent leurs pendans d'oreilles ordinairement d'un poids très lourd, et lorsqu'elles se rendent au temple, elles ont une bible dont les couvercles, en maroquin, en chagrin ou en velours de soie, sont garnis de filets et d'agraffes en argent ou en or, sur lesquelles sont gravés les apôtres ou les évangélistes.
A quelques infirmités près, inhérentes à la nature du climat et à la mauvaise qualité de leurs eaux, ces paysans sont les plus heureux mortels de l'univers ; pour gagner leur subsistance et leurs richesses, ils ne sont pas obligés d'avoir toujours le corps courbé vers la terre comme ceux qui travaillent aux vignes, ni de rester toujours exposés aux ardeurs du soleil comme ceux qui cultivent les champs, ni de grimper sur des montagnes, ou de s'enfoncer dans des forêts et d'y essuyer pendant plusieurs jours et plusieurs nuits les incommodités des pluies, des brouillards, des tempètes, des neiges et des frimas comme les bucherons; ils n'ont ni montagnes, ni forêts, et des malheureux paysans de la Westphalie viennent débarrasser les Hollandais de tout ouvrage fatigant; ceux ci n'ont d'autres occupations que de traire et de soigner leurs vaches, leurs chevaux, leurs moutons, plus proprement logés et tenus que bien des gens de certaines contrées; de chercher à placer sûrement l'argent que leur bétail leur fait gagner ; de boire leur thé au safran, leur café à la chicorée, et de fumer leur tabac ; ils aiment la sobriété, la frugalité, l'économie et saisisent toutes les occasions de faire avec des richesses, de nouvelles richesses.
Les Hollandaises, assez belles et d'un riche embonpoint, n'ont d'autre ambition que celle de plaire à leurs maris, de soigner parfaitement l'intérieur de leur ménage, d'y entretenir la propreté et l'économie; dans les villages les modes n'y sont pas connues; les bons effets passent de la mère à la fille aussi longtemps qu'ils durent; de même que les ornemens, en argent ou en or, dont se parent les hommes et les femmes, sont après eux portés par leurs enfants.
Quatre provinces sur sept dont se compose la Hollande, la Frise, la Zéelande, la Hollande et Groningue disputent la terre à l'eau. Le terrain est fortifié de hautes et larges digues que l'industrie humaine oppose à la marche lente mais terrible de la mer et des débordemens des rivières. Le terrain d'ailleurs est si bas que, vu de la mer, on croit voir la cime des arbres et la pointe des clochers sortir du fond des eaux. On voit partout les efforts mutuels que l'eau et les hommes ont faits et font encore pour se nuire réciproquement; ce qui fait dire avec raison, que la Hollande n'a qu'une existence précaire.

ARMéE D'ANGLETERRE
- Rentrée en France

Après la signature du célèbre traité de paix de Campo Formio, le Directoire créa une armée dite d'Angleterre et en donna le commandement à Bonaparte. Le gouvernement songeait sérieusement et franchement à prendre la voie la plus courte pour attaquer l'Angleterre, et voulait y faire une descente; entreprise très exécutable avec les admirables armées d'Italie, de la Sambre et du Rhin, commandées par le génie du vainqueur de Castiglione, d'Arcole et de Rivoli.
25.000 Français devaient rester adjoints à l'armée nationale de la République italienne, le surplus rentrerait dans l'intérieur. Quant à la grande armée d'Allemagne, elle allait être réduite à la force nécessaire pour imposer à l'Empire pendant la durée du Congrès établi à Rastadt, et le surplus serait reflué vers les côtes de l'Océan, et toutes les troupes disponibles avaient la même direction.

- Itinéraire

Nous avions reçu le 19 février 1798 (1er ventôse an 6) l'ordre de rentrer en France et de partir de Breda le 26 (8 ventôse); ce même jour les deux premiers bataillons de la 1re légère, se mirent en marche et furent à Brecht, le 27 (9) à Anvers, le 28 (10) à Malines, le 1er mars (11) à Bruxelles, le 2 et le 3 (12 et 13) à Marcq, le 4 (14) à Ath, le 5 (15) à Tournai, le 6 et le 7 (16 et 17) à Lille, le 8 (18) à Béthune, le 9 (19) à Saint-Pol" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 mars 1798 (20 ventôse an 6), le Général en chef Desaix, commandant l’Armée d’Angleterre, écrit, depuis le Quartier général à Paris, au Général de Division Grenier, à Boulogne : "La 73e demi-brigade, général, ne fera plus partie de votre division ; elle vous sera remplacée par la 16e de ligne que le général Championnet vous enverra en la dirigeant sur Saint-Omer, et vous préviendra du jour où le corps y arrivera pour y recevoir vos ordres.
Votre division sera donc composée des 1re demi-brigade légère
16e de ligne
9 de id
9 de id
Le ministre de la guerre me mande que la 1re demi-brigade d’infanterie légère forte d’environ 1800 hommes, sera rendue à Abbeville le 25 du présent mois, mais j’ai écrit dans le temps au général qui commande à Bruxelles où ce corps devait recevoir la destination de les diriger sur Saint Omer; j’ignore ce qu’il a ordonné à cet égard, n’ayant pas encore reçu de réponse. La 9e demi-brigade sera dirigée de Montreuil pour y être à votre disposition, vous serez prévenu du jour ou elle devra y arriver.
Veuillez je vous prie, me mander si les travaux se poursuivent avec activité.
Salut et amitié
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 202 page 420).

La 1ère Légère, après avoir traversé la Belgique dans toute sa longueur, arrive à Abbeville, point de concentration, le 23 ventôse an VI (13 mars 1798).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... le 10 (20) à Hesdin et le 11 (21) à Abbeville où nous sejournâmes" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

A Abbeville, la 1ère Légère rend ses pièces de canons, supprimés par l'arrêté du 5 pluviôse (24 janvier). Après quelques jours passés à Abbeville, qui n'a plus alors que 1596 hommes dans le rang, est envoyée à Calais, Saint-Pierre-lès-Calais et Peuplingues, où elle est placée sous les ordres du Général de Division Grenier.

Le 17 mars 1798 (27 Ventôse an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer au Général de Brigade Ney : "J’ai reçu, mon cher général, l’état de vos cantonnements ; j’y réponds en vous faisant connaître, sommairement, l’arrondissement que je dois occuper, dans le département du Pas-de-Calais. Les ci-devant districts de Calais, Saint-Omer, Boulogne et Montreuil ; la 1ère demi-brigade d’infanterie légère celui de Calais ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 94 page 207).

Le 18 mars 1798 (28 Ventôse an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mern au Général Desaix, commandant en chef l’armée : "Je n’ai reçu, mon général, que le 27 de ce mois ...
La première demi-brigade d’infanterie légère ainsi que la 96e arriveront le 30, à leur destination, toutes deux ont passé par Abbeville ...
Veuillez me faire connaître mon général, en quels lieux seront établis les magasins d’habillement et qu’équipement de l’armée et quelle sera la marche à faire suivre pour obtenir des effets ; les souliers surtout deviennent extrêmement nécessaires après une aussi longue route.
Il est urgent aussi de faire verser des fonds chez les différents payeurs ; le soldat obligé de vivre sur le pied de paix ne pourrait exister s’il n’était régulièrement soldé
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 95 page 208).

Le même 18 mars 1798 (28 Ventôse an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit également, depuis Boulogne-sur-Mer, au Général de Brigade Ney: "Je n’ai reçu que par le courrier d’hier, mon cher général, vos lettres des 22 et 23 courant. Je suis fâché de ne pouvoir laisser un bataillon de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère à votre disposition, cette demi-brigade devant se réunir entièrement à Calais ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 95 page 208).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Notre 1er bataillon partit de cette ville le 15 (25), le 2e le 17 (27) et le 3e qui y arriva ce jour la en partit aussi le 19 (29). La destination de notre demi brigade était Calais, et chacun de ses bataillons marchant isolément, à deux jours d'intervalle, parcourut le mème itinéraire.
Le 2e bataillon, auquel j'étais attaché, fut coucher le 17 (27) à Hesdin, le 18 (28) à Fruges, le 19 (29) à Aire, et le 20 (30) il arriva à Saint-Omer, ma ville natale, où j'eus la joie d'embrasser ce qui restait de ma famille; nous y séjournâmes le 21 (1er germinal), et ce jour là on y célébra la fète de la souveraineté du peuple français. Le 22 (2 germinal) nous fûmes à Ardres, le 23 (3) à Guines, et le 24 (4) l'état major de la demi brigade, les carabiniers et les cinq premières compagnies du 2e bataillon entrèrent dans Calais où déjà était arrivé notre 1er bataillon; les 6e, 7e et 8e compagnies du 2e rétrogradèrent sur Ardres, sous le commandement de monsieur le capitaine Mario. Le 3e bataillon venant après, fut dirigé sur Boulogne.
Ainsi, dès le 24 mars (4 germinal), la demi brigade était en ligne; nous touchions au détroit du Pas-de-Calais qu'il nous fallait traverser pour combattre les Anglais sur leur propre sol, eux les seuls ennemis apparens qui restaient à vaincre de cette formidable coalition formée contre la France, consolidée en république et formellement reconnue par toutes les puissances continentales ou vaincues ou retirées de la coalition. Tout nous prouvait que le Directoire s'occupait de notre transport en Angleterre par la réunion d'un nombre prodigieux de bateaux plats, déjà sous nos yeux dans les ports de Boulogne, de Calais et de Dunkerque; de bâtimens de guerre et de transports de toute espèce sur tous les points maritimes de la Manche, de l'Océan et de la Méditerranée, et par l'affluence des troupes de toutes les armes le long des côtes. Tout enfin nous assurait que l'époque où se tenterait cette grande expédition était prochaine, quoique la prudence pouvait exiger de la renvoyer à la saison des brumes et des vents d'hiver. Néanmoins les généraux du génie parcouraient les côtes pour choisir les meilleurs points de départ et de débarquement
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 avril 1798 (21 Germinal an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer,au Général Simon : "Conformément aux intentions du général en chef de l’armée, la division qui m’est confiée sera composée, mon cher général, des demi-brigades ci-après désignées et sera établie dans l’ordre de bataille que j’ai cru devoir déterminer.
1ère brigade commandée par le général Olivier : 1ère demi-brigade d’infanterie légère, 94e demi-brigade de ligne ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 96 page 211).

Le 29 avril 1798 (10 Floréal an 6), le Général de Division P. Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer, au Général Kilmaine, commandant provisoirement l’Armée : "La réduction prochaine des trois bataillons de sapeurs employés à l’aile droite de l’armée en un seul, produira, mon général, un excédent d’environ 600 hommes qui devront, en exécution de l’arrêté du Directoire exécutif, être incorporés dans les demi-brigades d’infanterie. La 1ère demi-brigade d’infanterie légère n’est que de quatorze cents hommes et a besoin d’être reporté au complet ; veuillez donc ordonner que l’excédent qui résultera de l’organisation du bataillon de sapeurs, soit incorporé dans cette demi-brigade avec l’armement qui existe dans le 8e bataillon de sapeurs en garnison à Calais. Cette incorporation sera d’autant plus facile que les trois bataillons de sapeurs sont dans l’arrondissement occupé par la division que je commande" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 99 page 216).

Le 8 mai 1798 (19 Floréal an 6), le Général de Division Grenier adresse, depuis Boulogne-sur-Mer, une Circulaire "aux commissaires du Directoire exécutif près les administrations centrales des départements de l’Ille-et-Vilaine, l’Oise, Seine-et-Marne, Doubs, des Côtes-du-Nord, la Loire-Inférieure, la Loire, Haute-Garonne, l’Escaut, les Deux-Nèthes, l’Yonne, Seine-et-Oise, Rhône et Loire, de la Seine, la Manche, du Nord, Jemmapes, l’Eure-et-Loir, du Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, du Calvados, du Cher, de la Vienne, de l’Orne, la Mayenne, Loiret, la Somme, Pas-de-Calais.
Ci-joint vous trouverez, citoyens commissaires, les signalements de individus désertés depuis le 8 Ventôse jusqu’au 3 Floréal dernier dans la 1ère demi-brigade d’infanterie légère. Je vous invite à faire arrêter ces individus pour les faire conduire à leur demi-brigade. Je vous préviens que je fais part de ma démarche près de vous au Ministre de la Guerre. Veuillez m’accuser réception de la présente
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 100 page 220).

Le même 8 mai 1798 (19 Floréal an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer, au Citoyen Ministre de la Guerre : "J’ai l’honneur de vous adresser, Citoyen Ministre, l’état général des hommes désertés dans la 1ère demi-brigade d’infanterie légère depuis le 8 Ventôse de l’an 6 jusqu’au 1er Floréal de ce mois. J’en ai adressé des extraits par département aux commissaires du Directoire exécutif près les administrations centrales avec invitation de faire rejoindre leur corps par ces déserteurs qui se promènent impunément dans toutes les communes de la République. Les progrès de cette désertion ne peuvent être attribués, Citoyen Ministre, qu’à la mollesse et la négligence de plusieurs fonctionnaires civils, et les pièces ci-jointes prouveront matériellement ce que j’avance. Il est temps de réprimer ces abus qui ne peuvent que propager la désertion dans tous les corps" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 220).

Le 13 mai 1798 (24 Floréal an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer, au Chef de l’Etat-major de l’Armée : "J’ai reçu à trois heures, citoyen général, votre dépêche du 22 de ce mois, avec les ordres de mouvement ... La 1ère demi-brigade d’infanterie légère restera en garnison à Calais, ayant trois compagnies détachées à Ardres ...
Mon quartier général sera établi à Lille le 1er Prairial prochain ; je n’y serai personnellement que le deux, me disposant de passer à Calais et à Dunkerque pour inspecter les 1ère demi-brigade d’infanterie légère et 94e de bataille
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 220).

le même 13 mai 1798 (24 Floréal an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer, au Général de Division Bessières, commandant les 1ère et 16e Divisions militaires : "Je présume, citoyen général, que vous avez été prévenu par le chef de l’état-major général de l’armée du mouvement que doit faire à commencer du 27 de ce mois la division que je commande ; les relations que nous devons avoir ensemble dans cette occasion nécessitent que je vous fasse connaître les changements que je propose au général en chef de l’armée d’Angleterre, dans le nouvel établissement des troupes à mes ordres, vous priant de croire que je m’empresserai toujours d’agir de concert avec vous pour tout ce qui aura rapport au bien du service et au maintien du bon ordre dans l’étendue de votre arrondissement ; la distribution de ces troupes telle que me l’a adressée le chef de l’état-major de l’armée laisse un grand vide, en ce qu’il ne désigne aucun corps pour tenir garnison à Ostende, Dunkerque et Gravelines ; je lui fais cette observation par le courrier de ce jour et je pense qu’à mon arrivée à Lille, je recevrai de nouvelles instructions ; comme il est possible que vous n’ayez pas reçu le tableau du mouvement ordonné, je vous l’envoie ci-joint ainsi que le tableau du changement que je propose et qui vous mettra à même de conserver mon ordre de bataille auquel je tiens, tant par la disposition des troupes que pour les mouvements militaires qu’elles sont dans le cas de faire pour l’offensive ; dans tous les cas, citoyen général, nous pourrons rectifier tous ces détails lors de mon arrivée à Lille, où mon quartier général sera établi le 1er du mois de Prairial ...
Etablissement proposé pour la division de l’Armée d’Angleterre aux ordres du Général Grenier
1ère Brigade aux ordres du Général Olivier :
1ère demi-brigade d’infanterie légère à Bruges, Ostende ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 102 page 222).

Encore le 13 mai 1798 (24 Floréal an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Boulogne-sur-Mer, au Conseils d’administration de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère : "Ci-joint, vous trouverez, citoyens, copie d’une lettre du Ministre de la Guerre en date du 4 de ce mois, par laquelle je suis autorisé à désigner 1° les hommes susceptibles d’obtenir la pension militaire ; 2° ceux admissible à l’hôtel national des Invalides et enfin ceux à congédier pour cause d’infirmités ; vous verrez par le contenu de la lettre du Ministre de la Guerre, les formes à suivre pour cette opération ; vous ferez en conséquence dresser les états de chacune des classes indiquées dans la dite lettre par double expédition avec toutes les pièces demandées pour chacune d’elle ; il en sera ensuite dressé un état général qui devra comprendre les trois classes avec les observations qui pourront être faites pour chaque homme, cet état général devra être selon le modèle ci-joint, afin de pouvoir présenter au Ministre de la Guerre le nombre d’hommes et les différentes classes au même coup d’œil ; me proposant de passer la revue de la demi-brigade qui vous administrez le 28 (infanterie légère) ... de ce mois à 5 heures du soir, vous aurez l’attention de faire rassembler ces hommes à l’issue de cette revue en formant un rang pour chacune des classes énoncées. Vous aurez encore attention de ne présenter à cette inspection aucun des hommes proposés à l’admission soit à l’hôtel national, soit dans les compagnies de vétérans qui, pour cette même cause, auraient déjà été portés sur des revues d’inspecteurs généraux, afin de ne pas faire un double emploi dans l’admission. L’officier de santé en chef de votre demi-brigade et un des commissaires des guerres de la division seront présents à cette revue" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 103 page 224).

Le Général de Division Paul Grenier écrit encore, depuis Boulogne-sur-Mer, le 13 mai 1798 (24 Floréal an 6) au Général de Brigade Simon : "Les nouvelles dispositions du général en chef exigeant, mon cher général, un changement général dans l’établissement de la division, vous voudrez bien vous établir vers la fin de ce mois à Calais, pour surveiller votre brigade provisoirement composée de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère et de la 96e demi-brigade de bataille ; ces deux corps seront arrivés à leur destination le 30 de ce mois et recevront ordre de correspondre avec vous sur tous les objets de police, de service et d’instruction ; ces corps feront le service des places où ils tiendront garnison, ils devront avoir à cet effet des rapports avec les commandants des places auxquels les chefs de corps seront tenus d’adresser tous les soirs la force des présents sous les armes afin que les commandant des places soient à même de pouvoir régler le service ; les chefs de corps seront tenus aussi d’obtempérer aux invitations que pourraient leur faires les commandants de place, soit pout des détachements ou autre service extraordinaire si les commandants des places motivent leurs demandes sur la réquisition qui leur en aura été faite par les administrations et autorités civiles. Les mutations et autres détails d’administrations et situations continueront d’être adressés au chef de l’état-major de la division.
La 1ère demi-brigade d’infanterie légère reste établie à Calais et Ardres et la 96e aura deux bataillons à Saint-Omer et un à Boulogne, mon quartier général sera établi le 1er Prairial à Lille
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 103 page 225).

Le 19 mai 1798 (30 floréal an 6), le Conseil d'adminstration de la 1ère Demi-brigade d'infanterie légère, établit un "Tableau général des hommes de la susdite Demi brigade jugés admissible à l’hôtel national des invalides ou susceptibles d’entrer dans les compagnies de vétérans par suite de leur ancienneté, blessures et infirmité reçue à la guerre et enfin dans le cas d’être congédiés ou renvoyés dans leurs foyers pour cause d’infirmités, en conséquence de la revue passé par le général (blanc) le (blanc) floréal 6e année de la république française, une et indivisible"; doivent être congédiés le Carabinier Billette ; les Chasseurs Margalet, Menil, Laguillaume, Meunier, Larousse, Petit, Gilles, Vezzon, Gabut, Le Curé, Goullard, Navaux, Dudois, Laroche, Lauwray, Mathieu, Chantrelle, Delecole, Delile, Sombor, Pruitz; les Tambours Bodoux, Nicel; les Caporaux Fourriers Chapelet et Georges (Carabiniers); le Caporal Roudier, les Sergents Andrieux, Kaue, Soufflant, le Lieutenant Marchandin. Sont proposés pour les Invalides le Sergent de Carabiniers Laurent, les Caporaux Bouteilly, Souvignol, Surlindre. "Nous membres du conseil d’administration de la première Demi-brigade d’infanterie légère, certifions le présent état véritable et conforme aux états particuliers; fait en conseil à Calais le 30 floréal 6e année de la République française Signé Gaulois, Holvenbach Capit, Vandael Capit, Tiron, Rabbe, Levasseur Sergent, M. Emmerecht Capit" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 206 page 429).

Le 22 mai 1798 (3 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis son Quartier général à Lille, au chef de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère et au Général de Brigade Simon : "Par l’ordre général du 29 au 30 Floréal dernier, vous verrez, mon camarade, que le gouvernement est instruit que les agents du cabinet de Londres se proposent d’envoyer aux armées des émissaires pour tromper les défenseurs de la patrie et leur faire croire que la loi du 22 de ce mois concernant les élections a chassé du corps législatif les vrais républicains élus par les assemblées électorales.
Vous savez quels sont les moyens que plusieurs individus ont employés pour accumuler des voix dans les assemblées primaires, vous savez que la désertion a pour ainsi dire été autorisée par ce motif ; il est donc de votre devoir de vous prémunir contre toutes les suggestions qui pourraient être tentées auprès des troupes que vous commandez ; faites arrêter les agitateurs qui oseront se présenter pour remplir leur perfide mission ; surtout, surveillez et faites surveiller scrupuleusement par les officiers et sous-officiers les hommes rentrant de congé, ou de désertion ; plusieurs d’eux ont été aux assemblées primaires et ne manqueront pas d’en parler à leurs camarades ; ne négligez aucune mesure de vigilance et faites-moi part de tout ce que vous aurez appris et découvert
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 105 page 228).

Les Compagnies auxiliaires, parties de Zutphem, rejoignent directement la portion active à Calais le 11 prairial (30 mai).

Ce même 30 mai 1798 (11 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Lille, au Commandant de la Place de Saint-Omer : "Au reçu de la présente, citoyen commandant, vous ferez arrêter le nommer Libarel, caporal Fourier à la 1ère demi-brigade d’infanterie légère ; ce citoyen et à Saint-Omer en vertu d’un congé du commissaire du directoire exécutif postérieur à la lettre du ministre de la guerre, par conséquent nul ; vous le ferez conduire à Calais où la demi-brigade dans laquelle il sert tient garnison." (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 107 page 232).

Toujours le 30 mai 1798 (11 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit également, depuis Lille, au Commandant du 5e (coupé en partie) Bataillon de Sapeurs : "Le nommé chevalier, sapeur dans la 5e compagnie du bataillon que vous commandez, déserteur de la 1ère demi-brigade d'infanterie légère, est réclamé, citoyen commandant, par le chef de cette demi-brigade ; en conséquence vous le ferez arrêter au reçu de la présente et conduire à Calais ou sa demi-brigade est en garnison" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 107 page 232).

Cependant des difficultés qu'on n'avait pas prévues, et aussi la jalousie de l'Europe impatiente de prendre sa revanche, décident le Directoire à renoncer à l'expédition d'Irlande; ce sera en égypte qu'on ira attaquer l'inflexible ennemie.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Mais le génie supérieur de Bonaparte mûrissait en ce moment un projet d'une autre espèce tout aussi gigantesque que celui de descendre en Angleterre, mais plus vaste dans ses conséquences et surtout plus prochain dans son exécution.
Aussi des préparatifs importans et réels se faisaient dans les grands ports de l'Océan et de la Méditerranée, à Brest et à Toulon; les troupes embarquèrent effectivement sur ces points, mais leur destination fut Malte et l'Egypte ; c'est là que Bonaparte voulait s'établir pour ruiner l'Angleterre en s'emparant du commerce de l'Inde. Cette expédition mit à la voile le 19 mai (30 floréal) au bruit du canon et aux acclamalions de toute l'armée ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 4 juin 1798 (16 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Lille au Chef de l’Etat-major général de l’Armée : "Les troupes que je commande étant toutes en garnison et dans des postes quelles ne peuvent quitter, en cas d’attaque de l’ennemi ; il est difficile, citoyen général, de déterminer à l’avance un point de ralliement pour les troupes disponibles, tant que la 9e demi-brigade d’infanterie légère que vous m’aviez annoncé arriver incessamment, ne sera pas rendue à la division ; dans ce moment même, toute la côte depuis Boulogne jusqu’à l’embouchure de la Somme est entièrement dégarnie sans qu’il ne soit possible de la faire garder.
Il est facile de convaincre le général en chef de cette vérité en lui mettant sous les yeux le tableau des forces de la division à mes ordres. L’étendue des côtes qu’elle occupe et la nécessité où je suis de laisser une demi-brigade à Lille, pour la garde des prisonniers, arsenaux, magasins, etc. tant que le général commandant la division militaire n’aura pas les moyens et la facilité d’y réunir la garnison qui lui est nécessaire sur les troupes à ses ordres ; vous avez à la vérité fait comprendre trois régiments de cavalerie dans la situation de ma division ; mais cette disposition est illusoire puisqu’il faudrait au moins huit jours pour rassembler les 6e régiments de dragons et 10e de chasseurs entièrement disséminés dans les 24e, 1ère et 16e divisons militaires sur une étendue de plus de 100 lieues de terrains ; cette organisation absurde fera la ruine totale de ces deux régiments si le général en chef n’y met ordre et il en est temps ; quant au 10e régiment de dragons, fort de 300 hommes, je m’en servirai pour remplir les dispositions du général en chef en l’établissant en réserve à Ardres d’où il sera à portée de pouvoir secourir Gravelines, Calais et Boulogne, je dois vous observer cependant que ce régiment est obligé de fournir un service de plus de 100 hommes pour la correspondance et qu’il sera bientôt sur les dents, si je ne suis autorisé à réunir le 6e régiment de dragons, et si d’autres continuent à en disposer ; enfin, je désire et il est nécessaire que les troupes que je commande n’aient d’autres ordres à exécuter que ceux qui leurs seront donnés par les généraux de la division active, que leur arrondissement soit déterminé et que je sois chargé de la défense de la côte que j’occupe, que j’en soit seul responsable et que je n’aie à rendre compte de mes opérations qu’au général en chef de l’armée et au besoin au Ministre de la Guerre. J’ai longtemps différé à émettre mon opinion sur cet objet, aujourd’hui les circonstances l’exigent et on ne doit pas compter beaucoup sur les opérations qui devront se faire de concert, ce mode d’agir pour le bien du service n’est que contrarié par les dispositions quelques fois bizarres et ridicules qui se font de toute part ; si les troupes qui me sont confiées restent sur les côtes et que j’en conserve le commandement, j’exige une organisation régulière et militaire.
Je propose donc au général en chef, d’établir ma division dans l’arrondissement ci-après.
La 1ère demi-brigade d’infanterie légère, à Dunkerque et Gravelines.
La 9e idem à Calais, Marquise et Boulogne ;
La 96e à Etables, Montreuil et Hesdin.
La 16e à Saint-Omer en réserve.
Le 6e régiment de dragons à Ardres, ayant un escadron détaché à Dunkerque et un à Boulogne.
Le 10e régiment de dragons a Hesdin, ayant un escadron à Montreuil et un à Saint-Omer ; par cette disposition, toutes les côtes, sur lesquels seraient établies des troupes, sont à l’abri de l’insulte de nos ennemis et s’ils tentaient une entreprise sur un point quelconque dans cet arrondissement, ils en seraient bientôt punis, la réserve forte de près de 3000 hommes que j’aurais à Saint-Omer pouvant se porter en une marche forcée sur le point menacé ; mon quartier général serait à Saint-Omer ou à Calais. Il résulterait encore de cette disposition que le général commandant la division territoriale aurait la facilité de réunir la 21e demi-brigade disséminée dans plusieurs garnisons pour former celle de Lille ; on pourrait aussi laisser à ses ordres le 10e de chasseurs. Si le général en chef approuve cette organisation, mandez-moi quand pourra arriver la 9e demi-brigade d’infanterie légère
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 107 page 233).

Le 11 juin 1798 (23 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Lille au Général Bessières, commandant les 1ères et 16e Divisions militaires : "En exécution de la lettre du Ministre de la guerre en date du 3 prairial, il doit être passé, mon cher général, une revue de rigueur le premier messidor prochain pour toutes les troupes de la république ; les commissaires ordonnateurs doivent désigner des commissaires des guerres et les généraux divisionnaires doivent faire choix d’autant d’officiers généraux ou supérieurs pour accompagner dans leurs revues les commissaires des guerres ; les troupes de la division que je commande étant disséminées en partie dans toutes les places des côtes de votre arrondissement, et n’ayant qu’un seul général de brigade en ce moment en activité, je vous prie de vouloir bien inviter les généraux et commandants de places sous vos ordres depuis Dunkerque jusqu’à Montreuil d’assister aux revues partielles des garnisons composées des 1ère demi-brigade d’infanterie légère, et 96e de bataille, ainsi que du 10e régiment de dragons en garnison Ardres ...
Le général Simon se chargera de la garnison de calais et le général Desbrulis pourra en faire autant à Boulogne ; il ne reste donc plus que les garnisons de Gravelines, Ardres et Montreuil pour lesquels il est nécessaire de nommer des officiers supérieurs ; veuillez me faire connaître les noms et les grades de ce que vous aurez désignés afin que je puisse en faire dresser l’état et l’adresser au Ministre de la guerre, conformément à sa demande
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 109 page 237).

Le même 11 juin 1798 (23 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit encore, depuis Lille, au Général de Division Championnet : "J’ai écrit le 16 de ce mois, mon cher Championnet, au général en chef pour lui demander le complément de ma division au nombre de quatre demi-brigades, dans le cas où je serai obligé de laisser des troupes à Dunkerque ; s’il obtempère à ma demande, je pourrai facilement laisser garnisons dans cette place et je me proposais même d’y envoyer deux bataillons de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère comme devant tenir la droite ; si au contraire, la 9e demi-brigade, qui est à Paris, n’arrive pas, je suis forcé d’appuyer à gauche ; toute la côte depuis Boulogne jusqu’à l’embouchure de la Somme étant entièrement dégarnie et si Lille avait la garnison nécessaire seulement pour la garde des prisonniers anglais et des magasins, j’aurais déjà porté la 16e ...
Aussitôt la réponse du général en chef ou du chef de l’état-major, je t’écrirai relativement à la garnison de Dunkerque, tu ne doutes pas de mon empressement à faire quelque chose qui te soit agréable
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 238).

Le 13 juin 1798 (25 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Lille, au Général de Division Championnet : "Je viens de recevoir, mon cher Championnet, l’ordre d’établir des troupes sur la côte depuis Boulogne jusqu’à l’embouchure de l’Authie, point qui jusqu’à ce moment, comme je te les mandé dans ma dernière a été négligé ; pour pouvoir faire cet établissement je suis forcé de retirer le bataillon de la 96e actuellement à Dunkerque, n’ayant que trois demi-brigades d’infanterie à ma disposition, sans espoir d’obtenir une quatrième, je te prie donc de vouloir le faire relever et de me faire connaître le jour où les troupes que tu enverras y arriverons afin qu’au même moment, je puisse donner l’ordre à ce bataillon d’en partir pour se rendre à sa nouvelle destination.
La division que je commande sera placée, après ce mouvement, d’après les dispositions suivantes.
1ère demi-brigade d’infanterie légère, 1er bataillon à Gravelines, 2e et 3e bataillon à calais ; 1450 hommes ...
Tu vois par l’étendue des côtes que je dois occuper qu’une quatrième demi-brigade ne m’aurait pas été inutile ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 239).

Le 18 juin 1798 (30 Prairial an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit au Chef de l’Etat-major de l’armée : "Je vous préviens, citoyen général, que par suite du mouvement que j’opère du 3 au 7 Messidor prochain, mon quartier général sera établi le 4 à Saint-Omer.
La division que je commande occupera les points ci-après :
1ère d’infanterie légère à Gravelines, Calais ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 244).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Restés stationnaires vis à vis le détroit du Pas de Calais, bientôt aussi l'on s'occupa de nous, mais ce ne fut pas vers l'Angleterre que nous tournâmes nos armes, la politique anglaise en avait fait décider autrement ; son or continuait à remuer contre la France tout le continent pacifié; placés sur le littoral de la mer, vis à vis de leur île, les Anglais nous redoutaient continuellement, eux aussi avaient confiance en l'étoile de Bonaparte, elle pouvait le favoriser dans son entreprise; à tout prix, et par tous les moyens ils voulaient le rejeter encore ou sur le Rhin ou en Italie; ils ignoraient que déjà il agissait contre eux.
Sachant que l'Allemagne remuait aussi et que toutes ses dispositions tournaient encore à la guerre, nous nous attendîmes à recevoir bientôt l'ordre de nous porter derechef sur le Rhin, jusqu'à ce que le seul homme qui put nous conduire sur un théâtre aussi important que celui de l'Angleterre, nous fut rendu.
Le 22 juin (4 messidor), le 1er bataillon quitta Calais pour se rendre à Gravelines ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 23 juin 1798 (5 messidor an 6), l’Adjudant général Rivaud, Chef de l’Etat-major génral de l’Armée d’Angleterre, écrit, depuis le Quartier général à Rouen : "Conformément à l’arrêté du directoire exécutif du 27 prairial dernier qui met sous le commandement du général en chef de l’armée d’Angleterre les 24e, 1re, 16e, 15e, 14e et 13e divisions militaires ;
Et d’après les dispositions ordonnées en conséquence par le général en chef, pour la défense de la côte et le maintien de la tranquillité intérieure.
Le général de division Grenier, commandera la 2e division de l’armée et sera chargé de la défense de la côte depuis la frontière méridionale du département de la Lys, jusqu’à la frontière septentrionale du département de la Seine-Inférieure. Son commandement s’étendra sur cinq lieux de largeur à partir de la côte de la droite à la gauche, prenant à Hondschoote, Saint-Omer, Montreuil, Abbeville, et Gamaches, tous ces lieux inclusivement.
Il aura sous ses ordres les généraux de brigade Olivier, Simon, Desbrulis pour l’infanterie et Ney pour la cavalerie, et les adjudants généraux Dauttaume et Saligny.
Son quartier général sera Boulogne.
Le général Grenier aura pour la défense de la côte qui lui est confiée les corps suivants :
1re Demi brigade d’infanterie légère
16e Demi brigade de bataille
96e Demi-brigade de bataille
10e régiment de chasseurs.
Il aura en outre toute l’artillerie et les garde-côtes qui se trouvent placés sur la côte et dans les places qui font partie de son commandement.
Le général de division Bessières sera chargé du commandement de toute la partie des 1re et 16e divisions militaires qui n’est pas comprise dans celui du général Grenier ...
Le général Laubadère sera chargé du commandement de la 15e division militaire à l’exception de ce qui est compris dans le commandement des généraux Lemoine et Grenier ...
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 222 page 460).

Le 26 juin 1798 (7 messidor an 6), l’Adjudant général Rivaud, Chef de l’Etat-major de l’Armée d’Angleterre, écrit, depuis le Quartier général à Rouen de la République française, au Général de Division Grenier à Saint-Omer : "J’avais déjà écrit, général, pour que les cadres du nouveau bataillon de sapeurs soit incorporés dans la 1re Demi brigade d’infanterie légère qui est la plus faible de l’armée.
Je viens de réécrire au ministre de la guerre pour obtenir cette mesure qui me paraît utile ainsi qu’à vous, je le presse fort de me donner ses ordres pour cet objet, je vous ferai je vous ferai part, dès qu’il m’aura répondu.
Salut et respect
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 226 page 468).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... Pendant mon séjour à Ardres, en juin 1798 (prairial an 6) j'assistai aux noces de mon ami Delobeau, sergent major à la 6e compagnie du 2e bataillon de la 1re demi brigade d'infanterie légère, avec mademoiselle Gothon Lemaitre et j'eus le bonheur d'y faire la connaissance de madame Rose Sergent, veuve de monsieur Deliane, ancien officier et chevalier de Saint Louis; jeune, jolie et fort aimable, j'en fus bientôt tellement épris d'amour que je pensais sérieusement à l'épouser.
Cependant ma position, comme la sienne, ne me permettait pas, pour le moment, d'aller aussi loin que je le désirais ; à mon grand regret, je dus renvoyer notre mariage à une époque peu éloignée, fondant mes espérances sur l'attente où j'étais d'être bientôt promu au grade de sous lieutenant, bien decidé de donner alors ma démission pour me libérer du service militaire, et revenir au plus tôt lui renouveler mes sermens et unir mon sort au sien.
Il me fallut bientôt quitter Ardres pour aller à Dunkerque et de là sur le Rhin recommencer à guerroyer ; mais j'étais aimé, et je croyais à la constance, je pouvais m'éloigner sans crainte pour mes amours ; à mon retour, dont je hâtais l'époque de tous mes voeux, je devais mettre le comble à ma félicité et à celle de ma chère Rose qui ne voulait vivre que pour moi comme je ne vivais que pour elle, ainsi que nous nous le dîmes dans nos derniers embrassemens. Je partis et le Rhin nous sépara. Je lui écrivis fréquemment; ses réponses étaient telles que je les souhaitais ; elles me rendirent aussi heureux qu'on peut l'être loin de celle qu'on aime; mais ses lettres devinrent plus rares, plus civiles, elles n'exprimaient plus aucun sentiment d'amour; enfin, elle cessa de m'écrire et j'appris bientôt, avec douleur, qu'elle venait de se marier à M. Duroyer de la commune d'Ambouc (probablement Hames-Boucres). J'aimais sérieusement pour la première fois, aussi son infidélité me donna infiniment de chagrins, j'en devins malade; cependant le temps et mes distractions militaires finirent par me calmer, mais ne me firent jamais oublier l'infidèle; je ne la revis plus, mais ses traits sont encore présens à ma mémoire ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 2 juillet 1798 (14 Messidor an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit au Chef de l’Etat-major : "Je vous préviens, général, que l’excédent du nouveau bataillon de sapeurs a été incorporé, comme je vous l’avez demandé, dans la 1ère demi-brigade infanterie légère" (Papiers du Général Paul Grenier. XII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 119 page 256).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... le 3 juillet (15 messidor) le 2e (bataillon) se réunit en entier à ses deux autres bataillons, déjà à Dunkerque depuis quelques jours" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 6 juillet 1798 (18 messidor an 6), l’Adjudant général Rivaud, Chef de l’Etat-major de l’Armée d'Angleterre, écrit, depuis le Quartier général à Rouen, au Général de Division Grenier à Saint-Omer : "J’ai reçu, général, avec votre lettre du 12, l’état de répartition des troupes de votre division sur la côte dont le commandement vous est confié. J’ai communiqué l’un et l’autre au général en chef, qui me charge d’y répondre ...
Le général en chef observe, sur votre tableau de répartition, que vous placez une partie du 3e bataillon de la 9e légère à Abbeville, il pense qu’il est inutile de laisser de l’infanterie à Abbeville ; qu’un escadron de dragons y suffit et qu’on y fait faire le surplus du service, par la garde nationale ...
Salut et respect
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 232 page 480).

Le 14 juillet 1798 (26 messidor an 6), l’Adjudant général Rivaud, Chef de l’Etat-major général de l’Armée d'Angleterre, écrit, depuis le Quartier général à Rouen, au Général de Division Grenier à Saint-Omer : "J’ai l’honneur de vous prévenir, général, que le Directoire exécutif vient d’arrêter qu’il sera détaché, sur-le-champ, de l’armée d’Angleterre 18 corps d’infanterie et de troupes à cheval. Parmi ces corps vous avez dans votre division la 1re Demi-brigade légère, une portion du 2e et du 27e de dragons.
Il faut, général que vous réunissiez et remplaciez la 1re légère afin qu’elle soit prête à partir au premier ordre, très prochain, qu’elle recevra ...
Veuillez donc, général, faire les dispositions qui résultent de ce mouvement auquel le gouvernement met le plus grand intérêt
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 242 page 499).

Le 16 juillet 1798 (28 messidor an 6), l’Adjudant général Rivaud, Chef de l’Etat-major général de l’Armée d'Angleterre, écrit, depuis le Quartier général à Rouen, au Général de Division Grenier à Saint-Omer : "J’ai l’honneur de vous joindre ici, général, un ordre et une feuille de route pour le départ, de Calais, de la 1re Demi-brigade infanterie légère, qui se rend à Cologne, en partant de Calais le 4 thermidor.
Veuillez bien, général, faire mettre cet ordre à exécution et m’en accuser réception.
Le général en chef vous recommande, de donner vos ordres pour que cette Demi-brigade marche dans le plus grand ordre et observe une discipline très ferme, afin que personne ne quitte le corps en route ...
" (Papiers du général Paul Grenier. NAF 24304. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 244 page 503).

Ce même 16 juillet 1798 (28 Messidor an 6), le Général de Division Grenier, qui n'a pas encore reçu la lettre précédente, établit, depuis son Quartier-général à Saint-Omer, une "Organisation de la 2e division active de l’armée d’Angleterre par arrondissements.
Le général de division Grenier chargé par les nouvelles dispositions du général en chef de l’armée de la surveillance des côtes des 16e et 15e divisions militaires, c'est-à-dire des départements du Pas-de-Calais, de la Somme et de la Seine-Inférieure, voulant assurer le service de ces côtes par un arrondissement fixé à chacun des généraux de brigade employé sous ses ordres, a arrêté l’organisation qui suit :
Art. 1er. L’étendue des côtes indiquées ci-dessus sera divisée en trois arrondissements commandés par trois généraux de brigade, les troupes composant la 2e division de l’armée seront réparties dans chaque arrondissement, autant que leurs forces, la sûreté du service et des localités l’exigeront.
Art. 2. Le premier arrondissement comprendra les côtes de la 16e division militaire, ayant pour limites à sa droite la frontière septentrionale du département du Pas-de-Calais et à sa gauche la rive droite de l’Authie. Les places de Calais, Saint-Omer, Ardres, Boulogne, Montreuil et Hesdin, font partie de cet arrondissement ainsi que les cantons formant les ci-devant districts de Calais, Boulogne et Montreuil pour les relations civiles.
Art. 3. Cet arrondissement sera commandé par le général de brigade Desbrulis. Les troupes qui seront chargées du service sont : la 1ère demi brigade d’infanterie légère, cinq compagnies du 10e régiment de chasseurs, les compagnies auxiliaires des 16e et 96e demi brigades, ainsi que les compagnies de vétérans, artillerie, et garde-côtes qui y sont stationnées ...
Art. 8. Les généraux de brigade établiront leurs quartiers dans les lieux qui leur sembleront les plus convenables au bien du service. Ils sont chargés aussi de l’établissement de la troupe. Et suivront en cela la répartition qui en est faite par la lettre ci-jointe, sauf les changements qu’ils seront dans le cas de faire par circonstances.
Art. 9. Tant que la division sera chargée de la défense des côtes, et qu’elle ne sera pas réunie pour marcher à l’ennemi ou changer de destination, il ne sera reconnu d’autres divisions de commandement que celles voulues par la présente organisation. Le système de brigade étant changé en arrondissement, les troupes n’appartiendront plus à telle ou telle autre brigade ; mais seront sous les ordres de l’officier général commandant l’arrondissement dans lequel elles seront envoyées.
Art. 10. Les généraux de brigade auront sous leurs ordres directs les commandants des places, commandants des côtes et autres officiers chargés de leur inspection ; ils recevront tous les rapports et en feront part au général de division lorsqu’ils seront intéressants, ceux ordinaire lui seront communiqués par le bulletin décadaire adressé à l’état-major.
Art. 11. Les généraux de brigade correspondront directement pour tout ce qui aura rapport à la défense de leurs arrondissements et aux mouvements de l’ennemi avec le général de division ; avec son chef d’état-major pour tous les détails et mouvements intérieurs de la division, et enfin avec les officier du génie et d’artillerie employés sur la côte de leur arrondissement pour le service dont ces derniers sont respectivement chargés.
Art. 12. Le chef de l’état-major de la division est chargé d’adresser tous les jours l’ordre de l’armée et de la division aux généraux de brigade ; ces derniers aux commandants des côtes et commandants des places qui sont chargés de les transmettre à toutes les troupes de leur garnison, aux officiers du génie d’artillerie etc. ; les troupes cantonnées et dont l’état-major ne sera pas dans une place recevront l’ordre directement des généraux de brigade.
Art. 13. Le général de division voulant rétablir la plus grande surveillance dans le service des côtes autorise les généraux de brigade à employer près d’eux des officiers de correspondance choisis dans les corps de la division ; ces officiers devront être montés et auront les mêmes fonctions à remplir que les officiers d’état-major déjà employés sur les côtes. Ils seront tenus de rentrer à leur corps respectif s’ils étaient dans le cas de changer d’armée ou de division
" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc page 29).

Toujours le 16 juillet 1798 (28 Messidor an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit au Général Desbrulis : "... N'ayant que trois demi-brigades à la division il m'est difficile citoyen général, d'en laisser beaucoup à votre disposition; comme il est essentiel, cependant, que la partie que vous occupez, surtout la côte entre Calais et Boulogne, soit surveillée avec beaucoup de vigilance et mise hors d'insulte, je laisse dans votre arrondissement la 1ère demi-brigade d'infanterie légère avec 5 compagnies du 10e régiment de chasseurs.
14 compagnies de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère à Calais.
2 idem au fort Nieulay
2 idem à Marquise
4 idem à Boulogne
5 idem à Montreuil
Fournissant les postes d’Etables, Saint-Josse et Waben ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 3 page 18).

Le 17 juillet 1798 (29 Messidor an 6), le Général Grenier écrit à l’Adjudant-général Boulard : "J’ai reçu, citoyen général, votre lettre du 24 courant, je vous remercie des renseignements que vous me donnez sur les côtes et l’arrondissement de Dieppe, j’en donnerai connaissance au général de brigade que je destine au commandement de cette partie ; j’ai divisé l’étendue des côtes dont le commandement m’est confié en trois arrondissements ; le premier sera commandé par le général de brigade Desbrulis et comprendra toute la côte depuis l’embouchure de Lair au-dessus de Calais jusqu’à l’embouchure de l’Authie, le 2e arrondissement sera commandé par le général de brigade Olivier et comprendra toute la côte depuis l’embouchure de l’Authie jusqu’à Saint-Aubin-sur-Mer au-delà de la petite rivière de Saâne à trois lieues environs de Dieppe ; le 3e arrondissement sera commandé par le général Simon et comprendra toute la côte depuis Saint-Aubin-sur-Mer jusqu’au Havre inclusivement ; si vous restez dans cette partie, vous vous trouverez sous les ordres, commandant, du général Olivier qui correspondra directement avec moi.
La division que je commande, est composée des troupes ci-après qui seront réparties dans les arrondissement, proportionnément à leurs besoins.
1ère demi-brigade d’infanterie légère
16e de bataille
96e idem
10e de chasseurs
Deux escadrons du 2e de dragons
Deux idem du 17e
Un bataillon de la 40e
" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 6 page 26).

Le même 17 juillet 1798 (29 Messidor an 6), le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Bessières : "Un courrier extraordinaire que j’ai reçu à midi, m’annonce, mon cher général, le départ du 10e régiment de chasseurs, du 6e de dragons et de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère destinés à marcher sur le Rhin ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 10 page 38).

L'Armée d'Angleterre étant dissoute, la 1ère Légère quitte donc les bords de la Manche le 4 thermidor (22 juillet) pour aller à Cologne.

Le Capitaine Duthilt écrit : "... enfin le 22 (4 thermidor) nous reçûmes l'ordre de nous porter rapidement sur le Rhin ...
- Marche de la 1re Légère jusqu'au delà du Rhin
Nous partîmes de Dunkerque le 24 Juillet 1798 (6 thermidor an 6) et nous fûmes coucher à Cassel après avoir traversé Bergues et Wormouth; le 25 (7 thermidor) nous fûmes loger à Bailleul, les 26 et 27 (8 et 9) à Lille, le 28 (10) à Tournai, le 29 (11) à Ath, le 30 (12) à Marcq, le 31 (13) à Bruxelles, le 1er et le 2 Août (14 et 15) à Louvain, le 3 (16) à Saint-Trond, le 4 (17) à Tongres, le 5 (18) à Maestricht
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 6 août 1798 (19 Thermidor an 6), le Général de Division Paul Grenier écrit, depuis Abbevillen au Chef de l’Etat-major général de l’armée : "J’ai reçu citoyen général des ordres de départ pour le dépôt du 3e régiment de hussards et la compagnie auxiliaire de la 1ère demi-brigade d’infanterie légère. Je les adresse aux commandants de ces corps ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 15 page 48).

Le 7 août 1798 (20 Thermidor an 6), le Général de Division Grenier écrit, depuis Abbeville, au Ministre de la Guerre : "En exécution de votre circulaire du 4 floréal dernier je me suis transporté le 30 du même mois à Calais où la 1ère demi-brigade d’infanterie légère et sa compagne auxiliaire tenaient garnison.
Après m’être fait représenter les dernières revues d’inspecteur en présence du conseil d’administration, j’ai remarqué que cette demi-brigade avait passé la revue de l’an 5 et en conséquence du dernier paragraphe de votre lettre l’opération par elle prescrite ne pouvait avoir lieu dans sa compagnie auxiliaire.
Cependant citoyen ministre la compagnie auxiliaire de cette demi-brigade offrait encore un grand nombre d’hommes reconnus hors d’état de continuer leur service et qui à la dernière revue d’inspection se trouvaient absents soit à l’hôpital ou par congé de convalescence. J’ai donc crû remplir les dispositions que vous prescrivez en ordonnant la réforme de ces mêmes hommes qui étant absolument inutiles ne faisaient qu’augmenter les dépenses de la solde.
Ci-joint vous en trouverez l’état ainsi que des certificats qui constatent leur inutilité
" (Papiers du Général Paul Grenier. XIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 15 page 48).

La 1ère Légère arrive à Cologne le 23 Thermidor (10 août) après avoir de nouveau traversé toute la Belgique. Elle campe à Mulheim, sur la rive droite du Rhin, et fait partie de la 3e Division (Bonnet) de l'Armée de Mayence (général Brune).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... les 6 et 7 (19 et 20) à Aix la Chapelle, le 8 (21) à Boslar, le 9 (22) à Reyti, le 10 (23) à Cologne, le 11 (24) nous passâmes le Rhin sur le pont volant vis à vis Mulheim; de là, chacun de nos bataillons marcha séparément, le 1er sur Siegburg, le 2e sur Monch, et le 3e resta à Mulheim. Le 12 (25) la demi brigade se rassembla à Gossendorenbuch, et elle fut loger à Gibbenhausen et villages voisins; le 13 (26) elle fut à Eyscheidt et Neukirchen ..." (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Les Compagnies auxiliaires quittent Calais le 25 thermidor an VI (13 août 1798) et arrivent à Maëstricht le 16 fructidor (27 août).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... Le 20 (3 fructidor) nous reçûmes l'ordre de nous rendre dans la Westphalie, mais en route un contre ordre survenu nous fit rentrer dans nos cantonnemens précédens. Néanmoins, le 23 (6 fructidor) nous nous remîmes en marche et nous fûmes loger à Overmenden, après avoir traversé la Sieg à Siegburg où était déjà notre 3e bataillon; le 24 (7 fructidor) nous allâmes à Weyerbüch, Lucheidt et Schanbernach ; le 25 (8 fructidor) à Hamm, (Hahn), Waldbröl et Rosbach. Le 26 (9) à Berlinghausen près Olpé; le 27 (10) le 1er bataillon fut cantonner à Bilstein, le 2e à Altendorn et le 3e à Minden, avec l'état major de la demi brigade" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 6 septembre 1798, la Division Gratien comprend la Brigade Bonnet (53e Demi-brigade d'infanterie, à Lennep et environs ; 67e Demi-brigade d'infanterie, à Kaiserswerth et environs ; 1ère Demi-brigade d'infanterie légère, à Siegburg et environs), le 23e Régiment de Chasseurs et le 4e Régiment de Hussards, établis à Solingen et environs (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 41).

Les événements paraissant se compliquer par suite des soulèvements qui éclatent en Suisse, Joubert porte son Quartier général de Mülheim à Friedberg et fait avancer vers la haute Rühr une partie de la Division Gratien, sous le commandement du Général Soult. Ce Général établit, le 21 septembre 1798, son Quartier général à Wocklum et place la 1re Demi-brigade légère à Menden (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 41).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Après deux mois de séjour en Westphalie, nous quittâmes ce pauvre pays où la plupart des gens et des bêtes logent ensemble sous Ie même toit, se réchauffant au même foyer allumé au milieu de l'unique pièce de l'habitation, et nous fûmes remplacer les troupes employées depuis quelque temps au blocus rigoureux du château d'Ehrenbreitstein.
Le 8 novembre (18 brumaire) nous fûmes à Bunsel, le 9 (19) à Ferndorf, le 10 (20) à Zepperfield, le 11 (21) à Cortt, le 12 (22) à Niderracht, le 13 (23) à Andernach. Le 3e bataillon prit position sur la rive droite du Rhin, à la vue du fort ; le 1er fut à Coblenz, et le 2e resta à Andernach, sur la rive gauche, avec l'état major.

- Blocus d'Ehrenbreitstein

Dès le 13 novembre (23 brumaire), la 1re demi brigade d'infanterie légère était employée au blocus d'Ehrenbreitstein. Cette redoutable forteresse était investie derechef malgré la paix de Campo Formio, en raison du mauvais vouloir de l'Autriche, qui entravait les délibérations du congrès, toujours existant à Rastadt; d'abord le blocus ne fut pas très rigoureux, mais il le devint au moment de notre arrivée, comme s'il y avait déjà déclaration de guerre entre la France et l'Autriche. Ce procédé de la part de la France n'était peut être pas loyal, mais la mauvaise foi du cabinet de Vienne autorisait cette mesure et la rendait légale.
La cité la plus voisine de la forteresse d'Ehrenbreistein est Coblenz, belle ville, grande, commerçante et connue par le séjour qu'y firent les émigrés français, ayant à leur tête le prince de Condé. Cette ville prend son nom du confluent de la Moselle avec le Rhin. Là, cette jonction est de toute beauté. Le Rhin y est admirable et ressemble à un port de mer par la quantité de grands bateaux qui le couvrent. On communique habituellement de Coblenz à la forteresse par un superbe pont volant supprimé pendant la guerre.
Le général Hoche s'en était rendu maître en 1797 (an 6) mais il avait fallu le rendre par suite du traité de paix.
Pendant le congrès de Rastadt, l'armée française le bloqua de nouveau et le 21 janvier 1799 (8 pluviôse an 7) les assiégés après avoir épuisé la totalité de leurs vivres, réduits à la famine, ne se nourrissant plus que de viande de cheval, de chat et de rat, le colonel Faber, qui les commandait, fut obligé de se rendre à discrétion au général Dallemagne, tout en protestant contre la violation du droit des gens à son égard, prétendant qu'il n'avait pas cessé d'avoir le droit de recevoir chaque jour, du dehors, les vivres qui lui étaient nécessaires pour n'être pas obligé de toucher à son approvisionnement, ne se considérant pas en guerre.
Aux souvenirs d'Ehrenbreitstein se mêle le souvenir du général Marceau enterré sur une des collines de la rive gauche du Rhin, presque vis à vis le château; sur le lieu même de sa sépulture on a élevé une pyramide, sur laquelle une des inscriptions invitait les amis et les ennemis du brave à respecter son tombeau, et tous y furent fidèles.
"C'est aussi de cette forteresse que provient le fameux canon le Griffon, qui fut transporté à l'arsenal de Metz en 1800 (an 8)". (Note : On sait que ce canon se trouve maintenant aux invalides).
Le service que firent les troupes pendant le temps qu'elles restèrent au blocus fut on ne peut plus fatigant et ruineux : des soldats eurent des membres gelés pendant la courte durée de leur faction qui se faisait sur des rochers sur la rive droite, et sur la rive gauche sur des barques prises par les glaces; on fut même obligé de réduire la faction à une demi heure, et dans ce court espace il arrivait encore des accidens.
Pour répartir autant que possible entre tous les corps les bonnes et les mauvaises positions, des échanges fréquens eurent lieu jusqu'au 16 décembre (26 frimaire) jour où nos trois bataillons se réunirent à Andernach pour y subir une nouvelle organisation.

- Deux bataillons de guerre et un de dépôt

"Nos armées, non recrutées, s'étaient vidées par les maladies, les réformes et la désertion, le Directoire institua la conscription, le 5 septembre 1798 (19 fructidor an 6). Cette institution fut suivie d'une réorganisation des demi brigades".
Donc le 16 décembre 1798 (26 frimaire an 7) chacune des compagnies de nos trois bataillons envoyèrent à l'état major, un officier, son sergent major, un sergent et un caporal, chargés de fournir au conseil d'administration de la demi brigade, des renseignements sur la validité des hommes de leur compagnie présens sous les armes, et sur la cause de l'absence des autres, afin de préparer la formation de deux forts bataillons de guerre, et celle d'un bataillon de dépôt.
Le 17 (27) nos trois bataillons se réunirent dans la plaine d'Andernach, vis à vis la tour blanche et se formèrent conformément à l'organisation arrêtée; tous les hommes valides du troisième passèrent aux deux premjers qui, en échange, lui livrèrent leurs invalides et généralement les hommes absens. Immédiatement après, le 1er bataillon prit la route d'Aix la Chapelle, moins la compagnie de carabiniers, qui resta attachée à l'état major, et ce bataillon fut occuper Borcette comme bataillon de dépôt sous le commandement du chef Gastelais, pour y attendre les conscrits de la levée de l'an 7; les deux premiers bataillons dits de guerre, retournèrent au blocus d'Ehrenbreitstein, division du général Soult, où ils continuèrent le même service jusqu'au 27 janvier 1799, jour de la reddition de cette forteresse.
On remarqua que les généraux qui commandèrent successivement les troupes du blocus, y furent employés dans l'ordre suivant dont les noms forment cette phrase : Hardi, Compère, Goulu, Ménage, Friand, Dallemagne
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 2 nivôse an VII (22 décembre 1798), les Compagnies auxiliaires quittent Maëstricht et viennent s'établir à Aix-la-Chapelle, où elles resteront jusqu'en avril 1799.

L'orage s'amoncelle sur nos frontières de l'Est : l'Autriche et la Russie organisent avec l'Angleterre une 2e coalition contre nous. La France, de son côté, se dispose à recommencer la lutte. De nombreuses recrues s'instruisent dans les dépôts. Les Compagnies auxiliaires de la 1ère Légère ont reçu à Aix-la-Chapelle, le 10 pluviôse (29 janvier), 1200 jeunes soldats destinés à renforcer les bataillons actifs.

4/ A l'Armée du Danube

Au commencement de l'année 1799, la 1ère Légère, détachée de l'Armée de Mayence, est envoyée le 2 ventôse an VII (20 février 1799) en Alsace, où se concentre l'Armée du Danube. Jourdan, qui la commande en chef, a établi son Quartier général à Strasbourg; la 3e Division, à laquelle appartient la 1ère Légère, est aux ordres de Saint-Cyr.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Nouvelle coalition
La guerre déclarée par le fait

"L'Autriche se croyant prête, soutenue par les Russes, ne crut plus avoir de ménagements à garder et fit occuper les Grisons.
Jourdan commandant l'armée du Danube reçut l'ordre de passer le Rhin et Masséna commandant l'armée d'Helvétie celui de s'emparer des Grisons".

- Marche de la 1re Légère de Coblenz à Kehl

La demi brigade étant destinée à faire partie de l'armée qui allait être dirigée sur la Souabe au moment où les hostilités recommenceraient avec l'Autriche, s'était portée le 31 janvier 1799 (12 pluviôse an 7) à Nassau, le 1er février (13) à Ems, le 2 (14) à Kinden et Weinher, le 4 (16) à Heibbercheit, le 5 (17) à Nydernaysen, le 6 (18) Breidhat, le 7 (19) à Dorien, le 8 (20) à Dorbach, le 9 (21) à Werstad, le 10 (22) à Obersaulheim, le 11 (23) à Flonborn, le 12 (24) à Wachenheim, le 14 (26) à Altweiler, le 15 (27) à Arzheim près de Landau, le 16 (28) à Neehwiller, le 17 (29) à Roppenheim, le 18 à Roeschwog, où elle séjourna en attendant l'arrivée des autres corps" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La guerre est inévitable. Sur les instances de l'Angleterre, la 2e coalition s'est formée : le cabinet de Vienne, qui depuis Campo-Formio n'a pas désarmé, déploie déjà 170000 hommes du Mein au Pô. La Russie met en route un renfort de 100 000 hommes. En France aussi, l'activité est grande : le Directoire et les Conseils ont décrété la fameuse loi de Conscription, par laquelle tout Français doit porter les armes de vingt à vingt-cinq ans. Une levée de 200 000 hommes a été ordonnée et les recrues affluent à Aix-la-Chapelle. Les hostilités vont commencer.

Armée Française de Mentz - 27 février 1799
Armée Française du Danube - 1er mars 1799
Commandant en Chef Jourdan

3e Division : Général de Division Saint-Cyr
Brigade: Généraux de Brigade Legrand, Daunier,Valter
lère Demi-brigade Légère : 1342 hommes

Nafziger - 799BAB et 799CAD

C/ Campagne de 1799 - Danube et Suisse

Masséna
Portrait de Masséna, extrait de l'Historique régimentaire

1/ Entre Rhin et Danube

Le 11 ventôse an VII (1er mars 1799), le mouvement en avant commence : la 1ère Demi-brigade légère (1er et 2e Bataillon) avec 1342 hommes, flanqueurs de l'aile gauche de l'armée du Danube, passe le Rhin à Kehl. Le 3e Bataillon (950 hommes) quant à lui a été renvoyé à l'Armée du Rhin, en formation sous le commandement de Bernadotte. Il restera à Coblentz jusqu'au commencement de septembre.

Fig. 3 Fig. 3a Tambour major en 1797 (vente Boersch de 1971)

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 28 (10 ventôse) reprenant la marche, elle fut à Niederhausbergen, et enfin, le 1er mars elle logea à Herkdalle, ayant passé par Strasbourg et le fort de Kehl, conjointement avec les 1re, 8e, 25e, et 108e demi brigades de ligne; les 4e et 5e régimens de hussards, le 2e de chasseurs à cheval, le 10e régiment de dragons et une partie du 3e régiment d'artillerie légère.
Toutes ces troupes, pendant leur passage sur le pont de Kehl, étaient sous le commandement du général Legrand.
A Strasbourg, le 1er mars, j'allai voir la belle cathédrale de cette ville, dont la tour surmontée de son clocher a 574 pieds d'élévation; ouvrage incomparable pour la beauté de son architecture et la belle forme de sa pyramide
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La 1ère Légère gagne la vallée du Renchen, traverse Oberkirch et le col de Kniebis et gagne Freudenstadt sur la Murg, puis, tournant à droite vers Oberndorf, remonte le Necker jusqu'à Rothweil, où elle arrive le 16 ventôse (6 mars). En cinq jours, les défilés de la Forêt-Noire ont été franchis.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Marche dans la Forêt Noire
Le 3 mars 1799 (13 ventôse an 7) la demi brigade coucha à Weidendorf dans la forêt de Kniebis, montagne que l'on considère comme le noyau de toutes celles de la partie de la Forêt Noire septentrionale, quoiqu'elle ne soit pas la plus élevée.
Le 4 (14) nous fûmes à Flosin, le 5 (15) à Rotweil, ville située entre les sources du Necker et celles du Danube, dont le cours est tout à fait opposé : l'un porte ses eaux au Rhin, l'autre va se perdre dans la Mer Noire; le 6 (16) nous couchâmes à Weil et Schonberg, ou nous primes poste, et recommençâmes à faire un service régulier. En raison de sa position géographique, l'armée prit dès ce moment la dénomination d'armée du Danube
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Carnet de la Sabretache de 1901 nous donne, à la page 188, le rapport d'inspection de l'infanterie de l'Armée du Danube, fait par le Général de Division Dubois Crancé, depuis le 1er Brumaire jusqu'au 1er Germinal an VII (22 octobre 1798 - 21 mars 1799) :
Gaulois, Chef de Brigade. N'a pas de grands talents militaires, du civisme et des mœurs.
Dupont, Chef du 1er Bataillon. Bon officier.
Lejeune, Chef du 2e Bataillon. Idem.
Gastelais, Chef du 3e Bataillon. Idem.
Ces quatre chefs ne servent que depuis la Révolution ; ils sont bons républicains.
Il se trouve dans ce corps un Adjudant major nommé Thierry, Officier du premier mérite ; il a été Adjudant sous officier des Garde Françaises, c'est assez prouver sa valeur militaire, mais isolé, sans prétention, il n'a pu percer. L'inspecteur le recommande à la justice du Directoire.
Il y a d'un autre côté dans ce corps un Chef de Bataillon surnuméraire nommé Kuntz Belissaire, dont le corps entier a rendu le compte le plus défavorable sous le rapport du civisme et de la moralité ”.

Jourdan prend position sur le Danube en attendant la déclaration de guerre qui n'est faite que le 22 ventôse (12 mars).

L'Armée du Danube devait être de 60000 hommes; mais elle n'en compte en réalité que 38000. Elle a devant elle l'Archiduc Charles, à la tête de 54000 fantassins et de 24 000 cavaliers, qui a franchi le Lech le 3 mars et marche à notre rencontre. Néanmoins le Directoire, "comptant toujours, dit Thiers, sur l'effet de l'offensive et animé de la même confiance dans ses soldats, voulait que, malgré les disproportions du nombre, les généraux se hâtassent de brusquer l'attaque et de déconcerter les Autrichiens par une charge impétueuse". Jourdan reçoit en même temps l'avis de déclaration de guerre et l'ordre d'attaquer. Il se porte immédiatement en avant.

Le 13 mars 1799, Jourdan prescrit à Vandamme, qui se trouve toujours avec l'avant-garde, de prendre le commandement d'un Corps qui aura le nom de Flanqueurs de gauche, et qui est spécialement formé pour lui. Il se compose de la 1re Demi-brigade légère, de la 8e de Ligne, de trois Escadrons des 8e de Chasseurs à cheval, 2e de Dragons et 5e de Hussards, de six pièces de position. Le Général de Brigade Compère est employé à ce petit corps (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 438).

Masséna

Le Capitaine Duthilt écrit : "Armée du Danube
- La Forêt Noire
Le 13 mars 1799 (23 ventôse an 7) nos deux bataillons se réunirent à Schonberg, puis se rendirent à Dütlingen près d'une des sources du Danube; le 15 (25) ils se portèrent à Stedten, quittant la brigade Jardon pour passer à celle du général Compère, division Vandamme; le 16 (26) ils se rendirent à Ebingen principauté de Wurtemberg; le 17 (27) ils furent envoyés en découverte sur Gammerdingem ou le 2e bataillon resta logé; le 19 (29) nos deux bataillons se réunirent et allèrent à Hechingen, où se trouvait une compagnie des troupes du prince de Hohenzollern, ville neutre mais livrant passage.
Le 20 (30 ventôse) nos deux bataillons furent à Melkingen, et le 21 (1er germinal) à Villingen ville du Brisgau.
Ce pays appelé Forêt Noire, est parfaitement nommé; indépendamment de ce qu'il est une des contrées les plus couvertes de montagnes et de forêts, celles ci y portent une teinte ténébreuse qui tient autant de la nature rembrunie du sol, que du vert obscur des énormes sapins qui les composent. Les habitations sont écartées des villages extrêmement pittoresques. Cette dénomination ferait croire que c'est un pays de bêtes fauves ou un repaire de malfaiteurs, tandis que l'on n'y trouve que des hommes doux et hospitaliers. Leur vie est sobre, frugale, mais saine et nourrissante.
Chaque village a son costume qui lui est propre et qui ne varie jamais. La nature a donné à ce peuple un climat rude, un sol froid et peu productif, mais il est laborieux ; il est adroit et intelligent, il fournit à toute l'Allemagne et à une partie de la France de petites sculptures en bois de sapin, travaillées par les habitans des campagnes et les pâtres, avec une sorte de couteau seulement; c'est aussi sous leurs toits rustiques que se fabriquent ces horloges de bois, parmi lesquelles il s'en trouve de fort bonnes et de très compliquées, qui supposent des connaissances chronométriques et mécaniques.
La ville de Villingen où nous nous trouvions en ce moment ne réunit pas les avantages que possède le pays : sa position est mauvaise et malsaine, les eaux y croupissent et y deviennent le receptacle de tous les reptiles boueux
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

L'affrontement entre les deux parties a lieu le 22 mars (2 germinal) à Ostrach. Deux colonnes autrichiennes abordent nos deux ailes, dès le matin. La lutte est des plus acharnées : "Les Français déployèrent en cette rencontre, dit Thiers, une bravoure et une opiniâtreté qui excitèrent l'admiration du prince Charles lui-même". Il faut pourtant céder au nombre : abordé par 50000 hommes, notre centre est enfoncé. La retraite, peu inquiétée d'ailleurs, s'effectue en bon ordre : la 1ère Légère, toujours à l'extrême gauche avec la Division Saint-Cyr, campe, le 22 au soir, sur les hauteurs de Tuttlingen.

Malgré l'échec du 22 mars, Jourdan ne persiste pas moins dans l'intention de prendre l'offensive en concertant ses opérations avec celles de l'armée d'Helvétie (Masséna) dont le flanc gauche se trouve à découvert par l'abandon de Stokach, noeud des routes de Souabe et de Suisse. Il fixe son mouvement au 5 germinal (25 mars). L'Archiduc Charles a projeté d'exécuter, le même jour, une grande reconnaissance.

L'armée autrichienne est en position, la gauche derrière la petite rivière de Stokach; la droite, sur les pentes du plateau de Nellemberg longées par la route de Stokach à Liptingen. Les deux armées se rencontrent dès le matin et l'action s'engage promptement sur tout le front. A notre gauche, la Division Saint-Cyr refoule dès le début la droite ennemie, chasse les Autrichiens de Liptingen, pénètre avec eux dans les bois et les poursuit jusqu'au ravin. Dans cette vigoureuse attaque, "le lieutenant Dénéchaux, de la 1re Légère, avec 6 carabiniers seulement, se précipita sur une compagnie hongroise qui fut surprise, se débanda et repassa le ravin de Stokach". Le Capitaine Montossé fait 10 prisonniers, ce qui lui vaut d'être cité dans le bulletin de la journée "pour sa vaillante conduite".

Voyant les Autrichiens s'entasser en désordre dans Stokach, pour repasser le ravin, Jourdan, trop confiant dans le succès de sa gauche, ordonne à Saint-Cyr de continuer la marche pour envelopper l'Archiduc et lui couper la retraite. Notre infériorité numérique ne permet pas une pareille manoeuvre contre un adversaire tel que le Prince Charles. Celui-ci, sans s'effrayer du mouvement de Saint-Cyr sur sa ligne de retraite et négligeant sa gauche suffisamment protégée par le ruisseau, lance ses réserves sur Liptingen. Chargeant lui-même, l'épée à la main, à la tête des Grenadiers qu'il amène, il brise l'élan de notre centre, reprend les bois, et, malgré les chocs furieux de notre cavalerie, nous oblige à céder.

Epuisés par ce grand effort, les Autrichiens ne nous poursuivent pas. La Division Saint-Cyr, complètement isolée du reste de l'armée, se trouve néanmoins dans une position très critique. La 1ère Légère couvre sa retraite qui s'effectue heureusement par Maeskirch, Friedlingen où elle met le Danube entre elle et l'ennemi, et par Tuttlingen où elle repasse le fleuve et rejoignit enfin nos lignes.

Pendant cette marche rapide brusquement exécutée, le Capitaine Antoine Lange, de la 4e du 1er, reste en arrière, le 26 au matin, avec un poste d'une section. "Cerné par une compagnie autrichienne qui avait avec elle une pièce de canon, il attendit que l'ennemi fût à bonne portée, fit alors exécuter une salve, et, se jetant en avant, parvint à se dégager. Il rejoignit la demi-brigade après avoir fait deux lieues à travers les lignes ennemies et dans un pays des plus difficiles".

Le 26 mars 1799, Gouvion Saint-Cyr adresse à son Général en chef le rapport ci-dessous sur la bataille de la veille : "Conformément aux ordres que j'ai reçus de vous, le 4 au soir, j'ai ordonné les dispositions suivantes que le général Vandamme, sous les ordres duquel je réunissais la brigade du général Valther, déboucherait par Frideringen et Mulheim sur Neuhauss, tournerait la droite des ennemis et en suivant le mouvement des colonnes de droite, se trouverait toujours sur le flanc de l'ennemi. Le général Legrand, avec la 8e et la 50e demi-brigade et ses deux régiments de chasseurs, devait déboucher par la grande route de Biblingen à Stokach sur Liptingen et appuyer le mouvement de l'avant-garde et des flanqueurs ; ces mouvements ont été exécutés. Le général Legrand avait été inquiété toute la nuit dans sa position d'Emmering et attaqué avant la pointe du jour ; je lui ai recommandé de faire tous ses efforts pour garder cette position, vu que c'était celle par où l'avant- garde et la réserve doivent déboucher sur Liptingen et que, si l'ennemi l'occupait, nous courrions risque d'être séparés de l'avant-garde et de manquer l'affaire qui allait commencer et de laquelle nous espérions beaucoup.
Il a réussi à s'y maintenir jusqu'à l'arrivée de l'avant-garde à qui il a cédé le terrain pour se rapprocher de son débouché naturel ; au moment où les colonnes de droite ont débouché, celles de gauche ont suivi le mouvement, celle du général Valther a eu beaucoup de peine ; ses pièces de canon ont été démontées dans un instant, et il avait devant ses trois escadrons de dragons la valeur de 1,200 chevaux, tant hulans que hussards et cuirassiers de l'archiduc François. Mais le général Vandamme, avec la 1re légère et ses escadrons de flanqueurs, en tournant les ennemis, lui a facilité le débouché. Ses dragons du 2e ont fait une très-belle charge sur les cuirassiers et les hulans ; le général Vandamme, secondé par les généraux Jardon et Valther, a toujours attaqué les ennemis en flanc et a acculé leur droite dans le défilé de Stokach.
Conformément à vos instructions de la veille, j'ai dirigé le restant de ma division sur Moskirch.
Dans le courant de la route, j'ai reçu de vous l'ordre de pousser une marche, ensuite de vous envoyer une bonne demi-brigade. Elle est partie sur-le-champ. L'adjudant général Molitor et le général Daultane m'ayant joint à Moskirch m'ont ordonné de votre part d'envoyer un corps de troupes sur les derrières de l'ennemi par la grande route de Moskirch à Stokach. J'ai envoyé le général Vandamme avec la 1re légère, trois ou quatre pièces d'artillerie et six escadrons. Le général Vandamme eut d'abord des succès, mais l'ennemi ayant ramené des forces considérables sur lui, il fut obligé de se retirer avec quelques pertes ; sur le soir, l'adjoint Lefebvre m'apporta de votre part l'ordre de me retirer. Ma retraite était, par suite des événements que vous avez vus, impossible sur Neuhauss. Mon parc d'artillerie n'aurait pu me suivre, on l'avait fort heureusement arrêté du côté de Neuhauss ; le peu de caissons que nous avions étaient à moitié vides. Je n'ai pas balancé à me retirer pendant la nuit sur Sigmaringen par la rive gauche du Danube. Le général Vandamme a fait dans cette affaire 1,000 à 1,200 prisonniers. Nous avons perdu peu de monde. La 6e compagnie d'artillerie légère seulement a beaucoup souffert
" (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 447).

La victoire n'est à personne : les deux armées couchent sur leurs positions, mais, comme dit Thiers, avec notre infériorité numérique, "n'avoir pas vaincu, c'était être battu".

Après s'ètre replié jusqu'à l'entrée de la Forêt-Noire, Jourdan va se disculper à Paris. Masséna, dont l'attitude menaçante a empêché l'Archiduc de pousser jusqu'au Rhin, est investi du commandement de toutes les troupes de Dusseldorf au Saint-Gothard.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Ouverture de la campagne de 1799
Dès le 12 mars 1799 (22 ventôse an 7) le Directoire avait donné l'ordre à Jourdan d'attaquer sur le champ.
Ce général déboucha par les défilés de la Forêt Noire, dans le pays compris entre le Danube et le lac de Constance. Il voulait appuyer sa gauche au Danube et sa droite au lac pour communiquer avec Masséna. Cette ligne s'affaiblissait chaque jour de marche en avant d'une manière sensible en raison de l'étendue qu'elle prenait en avançant, l'angle formé par le Danube et le lac s'ouvrant toujours de plus en plus ; elle s'affaiblissait surtout devant un ennemi supérieur en nombre. Jourdan s'était d'abord porté jusqu'à Mengen d'un côté et jusqu'à Marckdorf de l'autre. Mais apprenant que l'armée du Rhin, que l'on rétablissait en ce moment pour appuyer sa gauche ne serait pas organisée avant le 30 mars (10 germinal) et craignant d'être tourné par la vallée de Necker, il fit un mouvement rétrograde. Les ordres du gouvernement et le succès de Masséna à sa droite le décidèrent enfin à marcher en avant.
"Jourdan fut malheureux à Ostrach et à Stockach".

- Retraite à travers la Forêt Noire

Le 26 mars (6 germinal) au matin, nous commençâmes notre mouvement de retraite sur Bebingen puis le 27 (7) sur Marschalzimmern; le 28 (8) nous fîmes une reconnaissance sur Dornhan par où l'ennemi aurait pu venir s'opposer à notre marche rétrograde. Nous occupâmes ce point important.
Le 31 (11) nous allâmes à Cixalden et le 1er avril (12 germinal) nous arrivâmes à Closterbach où nous séjournâmes.
Là, un poste du 8e régiment de chasseurs à cheval fut surpris de nuit et tué en totalité.
Le 3 (14) nous nous portâmes à Schenkenzeil, le 4 (15) à Regensbach, le 5 (16) à Hofweier et Lutzberg, le 6 (17) à Illkirch près de Strasbourg, le 7 (18) à Vieux Brisach où nous séjournâmes jusqu'au 10 (21)
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 19 Germinal an 7 (8 avril 1799), le Général de Division Vandamme écrit, depuis Vieux-Brisach, au Général de brigade Decaen : "Chargé par le général en chef de la position de Vieux-Brisach et de la construction d'une tête de pont, je vous charge, mon cher général, de l'attaque de droite. Vous aurez en conséquence sous vos ordres le 1er bataillon de la 1re demi-brigade légère, la 83e de ligne, le 4e régiment de hussards et la 3e compagnie du 7e régiment d'artillerie légère.
Vous serez particulièrement charge de la défense de la route de Fribourg et des débouchés qui viennent de ce côté sur Vieux-Brisach. Vous appuierez votre droite au Rhin avec soin d'y faire garder les iles qui s'y trouvent, car l'ennemi pourrait y jeter de l'infanterie, en cas qu'il nous attaque, et cela nous gênerait beaucoup.
Vous établirez vos avant-postes de manière à ce qu'ils soient bien liés par leur gauche à la droite du général Jardon, qui est chargé de l'attaque du centre. Vous placerez votre cavalerie en avant de vous, autant que la circonstance le permettra. Vous indiquerez la position que doit occuper votre artillerie légère et vous aurez soin d'avoir toujours la 83e en réserve, prête à se porter partout où besoin serait. Vous verrez par vous-même, mon cher général, à faire activer les travaux commencés sur les différents points de votre attaque, et vous donnerez à ce sujet les ordres que vous jugerez nécessaires. Il faut surtout exiger que tout le monde soit à son poste et faire punir très sévèrement la moindre négligence. L'ennemi pouvant nous attaquer à tout instant, il faut tout faire pour bien nous défendre et surtout pour prévenir une surprise. Je compte, au reste, beaucoup sur vos soins et votre grande activité. Veuillez bien me faire part dans le jour des dispositions que vous aurez prises pour l'exécution du présent ordre.
P.-S. Ordonnez expressément à tous les chefs de faire retirer leurs voitures de bagages et de ne permettre aux vivandières et blanchisseuses de venir ici que depuis 10 heures du matin jusqu'à 5 heures du soir. Rendez-les responsables, parce que cela peut tirer à conséquence si nous venons à être attaqués.
Veuillez bien donner les ordres aux officiers du génie pour que les ouvriers travaillent jour et nuit ; j'en ferai augmenter le nombre et j'y joindrai trois cents conscrits
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 273)

Le Général Deacen exécute immédiatement cet ordre et, à la fin du jour fait le rapport suivant : "J'ai pris connaissance des localités pour la partie droite de Vieux-Brisach dont la défense m'est confiée, mon général. Ayant jugé de l'ensemble du terrain pour résister efficacement à une attaque qui serait faite par l'ennemi, autant qu'il a été possible jusqu'à ce moment, j'ai trouvé que le village de Hochstetten est très important, tant pour servir d'avant-postes à Vieux-Brisach que pour participer à sa défense parce que :
1° il couvre la route de Fribourg et, en outre, le chemin qui part de ce village à Vieux-Brisach se réunissant au chemin d'Ihringen près de Brisach ;
2° avec l'avantage qu'il donne, en l'occupant, de porter des avant-postes vers Rathhaus, il procure l'avantage de prendre en flanc l'ennemi qui, après avoir débouché par Ihringen, s'avancerait dans la plaine pour arriver sur Vieux-Brisach.
Le terrain, à cet égard, donne bien des avantages. J'ai donc jugé nécessaire de faire occuper Hochstetten par cinq compagnies d'infanterie légère, auxquelles j'ai désigné les points qu'elles doivent défendre, sauf à augmenter selon que les circonstances le prescriront.
Si on peut tirer parti de la gauche comme de la droite, il me semble que l'ennemi ne s'engagerait pas, sans y regarder à deux fois, à tenter quelque, chose sur Vieux-Brisach, quand quelques-uns des autres moyens de défense qu'on doit employer seront préparés. Au surplus, demain, sur les lieux, je vous ferai part de ce que j'ai recueilli sur le point que je suis chargé de défendre.
Il est 9 heures. La 83e n'est pas arrivée. Les reconnaissances n'ont pas encore fait leur rapport. Je sais seulement par un homme que j'ai rencontré, qui revenait de Lorrach, qu'il n'a point rencontré d'ennemis sur cette route qui conduit à Bâle
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 273).

Le 20 Germinal an 7 (9 avril 1799), le Général Vandamme écrit au Général Decaen : "Je ne reçois qu'aujourd'hui votre lettre d'hier soir relativement au village de Hochstetten. Vous ferez fort bien de le faire occuper par cinq compagnies d'infanterie légère. Lorsque toute notre artillerie sera arrivée, vous pourrez même disposer de deux pièces légères qui serviront très utilement à ce poste ..." (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 275).

Ayant appris que les plus graves excès avaient été commis envers les habitants du village de Gündlingen par des hommes du 1er bataillon d'infanterie légère, le Général Decaen écirt, le 21 germinal an 7 (10 avril 1799) à son chef : "Le chef de bataillon Dupont fera faire toutes les recherches pour s'assurer du nommé Pinchon, sergent de la 3e compagnie du 1er bataillon qui est accusé d'avoir participé, et même commandé des crimes affreux envers des habitants de Gündlingen.
Veuillez, citoyen chef, ramener par les voies que vous jugerez les plus convenables, et dans le plus bref délai, les soldats que vous commandez à l'ordre et à la discipline, qui sont enfreints d'une manière scandaleuse dans votre bataillon, car je me trouverais forcé de solliciter du général de division le renvoi de votre corps sur les derrières de l'armée comme indigne d'être appelé à la défense de la patrie" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 277).

Le Général Vandamme qui, la veille, a passé en revue ce Bataillon, avait ordonné de casser plusieurs Carabiniers. Le Chef du Bataillon adresse au Général Decaen le 21 Germinal an 7 (10 avril 1799), le rapport suivant sur l'exécution de cet ordre : "Hier, j'ai fait casser sept carabiniers de la compagnie du bataillon que je commande, d'après les ordres du général Vandamme. Je comptais que cet exemple aurait fait impression au reste. Tout au contraire. La compagnie entière, excepté les sous-officiers et caporaux, se sont dégradés eux-mêmes, en jetant leurs épaulettes et plumets. Comme je les connais depuis longtemps pour insubordonnés, je vous invite m'autoriser à les renvoyer sur les derrières en attendant que nous formions une compagnie qui les remplace.
Je viens d'envoyer le capitaine de cette compagnie en prison tel que vous me l'avez ordonné, ainsi que le lieutenant Lehongre pour avoir manqué son service
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 278 - Decaen a noté que Lehongre est d'une autre Compagnie).

Decaen transmet ce rapport au Général Vandamme qui note au bas de ce dernier : "Je connais les deux officiers dont il s'agit. Le général Decaen est prévenu que je les destituerai aussitôt que j'aurai reçu son rapport, et je l'exige à l'instant. J'invite le général Decaen de faire connaître ces destitutions et d'envoyer ces officiers en prison à Neuf-Brisach, d'où je les ferai conduire de brigade en brigade jusqu'au dépôt, où ils attendront la décision définitive du ministre.
Le général Decaen voudra bien faire assembler cette compagnie de carabiniers, la prévenir de l'exemple fait sur son capitaine et son lieutenant. Si la compagnie ne rentre pas dans l'ordre, il fera arrêter ceux qui seront coupables, les fera désarmer et les enverra à Neuf-Brisach avec un bout de rapport. Ces exemples sont nécessaires et ne doivent pas être négligés
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 278).

Mais cette dernière disposition est changée. Il est jugé plus convenable de faire rentrer la Compagnie à Vieux-Brisach, ce qui ayant été ordonné et exécuté, le Chef de Bataillon écrit au Général Decaen : Je vous préviens, citoyen général, que le capitaine est en prison. Sa compagnie, d'après les ordres du général Vandamme, est envoyée sur les derrières. Je vous en demande la cassation. Les lieutenants, tous les sous-officiers et caporaux, sont à l'abri de tout reproche. Le capitaine, de tout temps, je l'ai connu brave et aimant à servir, mais trop borné pour conduire l'élite d'un bataillon. A cet effet, je vous demande l'autorisation de former une autre compagnie, ainsi qu'un capitaine. Il serait cependant possible que, dans le nombre, il y eût quelques bons sujets connus par leur bravoure et leur conduite exemplaire. Ce n'est pas que je veuille dire qu'ils ne sont point tous coupables ; mais je sais pardonner à l'égarement d'un moment et croire que beaucoup ont suivi l'exemple de la majorité.
Quant au lieutenant Lehongre, il est en prison je ne puis vous dire aucun bien de cet individu. Il est connu pour insubordonné, ivrogne et inepte. Avec des défauts aussi graves, on ne peut que déshonorer un corps et exciter le soldat, par le mauvais exemple, à l'insubordination. De tels hommes ne méritent aucun ménagement de la part d'un chef qui aime le bon ordre dans sa troupe
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 278).

Le Général Vandamme écrit par ailleurs au Général Decaen : "Je vous préviens, mon cher général, que les troupes de la division étant toutes réunies en ce moment, vous devez avoir reçu celles qui composent votre brigade. Veuillez bien vous assurer si chaque corps occupe la position indiquée et si vous jugez à propos d'y faire quelque changement ; dans ce cas, vous m'en informerez. Il faut surtout porter votre cavalerie en avant et la faire vivre dans les villages. Exigez que les chefs y mettent de la régularité, et que l'on ne prodigue pas les ressources qui nous restent encore.
Si l'ennemi s'avançait, vous ordonneriez à la cavalerie de se tenir sur ses gardes et d'avoir continuellement des patrouilles et reconnaissances fort en avant. Vous n'exposeriez pas au loin l'infanterie que je veux toujours avoir autant que possible réunie pour défendre les ouvrages et soutenir les batteries.
Les marches forcées qu'on a été obligé de faire faire à la troupe, le désordre qui a existé jusqu'à ce jour dans les distributions, tout semble avoir entraîné le soldat à l'oubli de ses devoirs, à l'indiscipline et au découragement. Beaucoup d'officiers pleins d'honneur et de républicanisme font tous leurs efforts pour maintenir l'ordre, et d'autres, dont le nombre malheureusement n'est que trop grand, ne s'occupent de rien, abandonnent leurs camarades et leurs chefs, et laissent au soldat égaré la latitude de faire le mal, et le service en souffre beaucoup.
Il est temps, mon cher général, que, d'accord avec moi, vous donniez les ordres les plus sévères pour que chacun fasse son devoir et que tout rentre dans les bornes que prescrivent les lois et la discipline. Un plus long délai, la moindre négligence de notre part perdraient nos troupes et nous exposeraient, en nous déshonorant, aux malheurs les plus funestes. Connaissant l'énergie de votre caractère, l'amour que vous avez pour votre pays, je compte que vous réunirez vos efforts pour que chacun fasse son devoir. Prévenez les chefs, parlez aux soldats, et punissez avec sévérité quiconque méconnaîtra votre autorité.
Les punitions que vous infligerez seront approuvées de moi, et je me charge de les faire approuver par le général en chef.
C'est à la bassesse, à l'ineptie et à l'ignorance de quelques officiers, même des chefs, qu'il faut attribuer te mal. Sévissez donc contre eux et faites des exemples ; il en est temps.
Les vivres, le prêt, tout sera fourni à l'avenir exactement. Qu'il n'y ait plus de prétexte admissible. Je ferai mon devoir et je ne doute pas que vous ne soyez décidé à faire le vôtre.
P.-S. Ordonnez qu'on nettoie les armes et passez cet après-midi la revue de vos troupes
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 280).

Le Capitaine Duthilt écrit : "le 11 (22) nous nous portâmes sous Landau (sans doute Petit Landau) et les 12 et 13 (23 et 24) sous Uningen (sans doute Huningue).
La campagne était à peine ouverte depuis quelques semaines et déjà nous étions en retraite sur tous les points. Le chef d'état major Ernould (sic) que Jourdan, partant pour Paris, avait laissé avec l'armée du Danube à l'entrée des défilés de la Forêt Noire, avait pris peur en apprenant une incursion de quelques troupes légères sur l'un des fleuves, et s'était retiré en désordre sur le Rhin ; ce qui explique la marche précipitée opérée tant sur la rive droite du Rhin pour le repasser, que sur la rive gauche en le remontant jusqu'à Uningen.
"Scherer ne fut pas plus heureux en Italie; il fut battu à Magnano; il dut céder le commandement de son armée à Moreau qui devait prendre sous ses ordres l'armée de Naples que Macdonald ramenait vers la Haute Italie".
Ce n'est qu'en Suisse que nous avions conservé certain avantage. Là, Masséna se maintenait avec toute la ténacité de son caractère, et sauf la tentative infructueuse sur Feldkirch, il avait toujours été vainqueur. Mais établi sur le saillant que forme la Suisse entre 1'Allemagne et l'Italie, il était placé entre deux
armées autrichiennes victorieuses, et il devenait indispensable qu'il se retirât.
Il venait en effet d'en donner l'ordre à Lecourbe et il se repliait dans l'intérieur de la Suisse, mais avec ordre et en gardant l'attitude la plus imposante
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

L'Armée du Danube est en réalité dissoute (même si le nom d'Armée du Danube subsite néanmoins sur les situations jusqu'en janvier 1800). Masséna en fait refluer la plus grande partie en Suisse.

La Division Vandamme part le 14 avril 1799 en deux colonnes pour se porter sur Zurich et Winterthur. Cette Division est alors composée des 1re, 2e, 83e Demi-brigades de ligne, de la 1re légère, du 4e de hussards, du 1er de Dragons, de deux Compagnies d'artillerie légère et deux d'artillerie de position. Le Quartier général est établi à Andelfingen. Les deux Brigades sont sous les ordres des Généraux Desenfans et Decaen ; l'Adjudant général Bertrand en est Chef d'état-major (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 453).

La 1ère Légère passe sur la rive gauche du Rhin à Eglisau, le 27 germinal (16 avril) et va prendre position derrière la Thur. Le Capitaine Duthilt raconte : "Armée d'Helvétie
- Entrée en Suisse
Dans cette circonstance, le Directoire se hâta de donner à Masséna le commandement en chef de toutes les troupes échelonnées depuis Dusseldorf jusqu'au Saint Gothard. Ce choix devait sauver la France.
"Masséna concentra ses forces sur la Limmat".
Par suite de ces nouvelles dispositions, la 1re demi brigade d'infanterie légère qui, des bords du Danube était revenue sur la gauche du Rhin et qui se trouvait le 13 avril (24 germinal) à Huningue, entra en Suisse le 14 (25) et fut loger à Sissach, après avoir traversé Bâle ; le 15 (26) elle fut à Gränichen canton d'Aarau ; le 16 (27) à Eklingen, le 17 (28) à Daden, le 20 (1er floréal) à Marthalen où elle s'arrêta jusqu'au 28 (9 floréal)
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La Division Vandamme arrive à Zurich et Winterthur les 17 et 18 avril 1799 (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 453).

Le 29 Germinal an 7 (18 avril 1799), le Général Decaen reçoit du Général de Division la lettre suivante : "... A la moindre apparence d'attaque, vous pouvez compter sur un bataillon de la 1re légère, la 4e compagnie d'artillerie légère et trois escadrons du 1er régiment de dragons.
Tout est disposé en conséquence ...
" (Journal du général de brigade Decaen pour la campagne de l’an VII, la Division commandée par le général Souham, et l’Armée par le Général Jourdan, depuis Ventôse an VII jusqu’au 7 Fructidor an VII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 286).

Le 20 avril 1799, Masséna partage l'Armée du Danube en aile droite, centre et aile gauche.

Selon Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 1, p. 456, le 20 avril, la Division Vandamme est la 1ère du Corps du centre; elle est formée de la 1re Demi-brigade légère, des 2e et 83e de Lignes, du 4e de Hussards, de deux Compagnies d'artillerie légère , d'une batterie de position de huit bouches à feu et d'une Compagnie de sapeurs du génie. Elle garde le cours du Rhin de Stein à Elliken, ayant pour Brigadiers les Généraux Decaen et Heudelet, et à côté d'elle les troupes helvétiques nos alliées, commandées par le Général Keller.

Dans "Pajol, Général en chef", on lit que l'aile droite comprend : 2° la Division Vandamme ; cette Division (7,168 hommes), dont le Quartier général est à Andelfingen, fait face au Rhin, sa droite à Diessenhofen et sa gauche à Kaiserstuhl ; elle est formée des deux Brigades Decaen et Heudelet, et occupe l'emplacement suivant ; la 2e Demi-brigade de ligne, Ossingen et Alten ; la 83e de Ligne, Feuerthalen et Schlatt ; la 1ère Légère, Flaach et Berg ; le 4e Hussards, Benken ; et le 1er Dragons, Bulach (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 73).

2/ Défense de la Suisse contre les Autrichiens

Masséna a renoncé à garder le grand angle du Rhin qui enveloppe toute la Suisse dont les côtés ont un développement trop étendu pour ses forces. Cependant, avant d'établir sa ligne de défense sur la Limmat, il tenta d'empêcher, sur la rive gauche du lac de Constance, la jonction de l'Archiduc avec son lieutenant Hotz.

La 1ère Légère prend part sur la Thur à de nombreux engagements. Dans la rencontre du 3 floréal (22 avril) à Atklikon, le Lieutenant Louis Reymaeckers est blessé. Le 7 (26 avril), la Demi-brigade défend victorieusement le passage de la rivière à Andelfingen contre une colonne que l'Archiduc Charles a envoyée pour le surprendre.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Attaque de Rheinau

Le 29 (10) notre demi brigade se rendit à Rheinau, riche abbaye sur le Rhin qui, en cet endroit, offre une presqu'île sur laquelle est bâti le monastère; nous y restâmes jusqu'au 5 mai (16 floréal), vivant de nos rations et surtout des provisions des moines.
Dans cette vaste maison, comme dans l'antique château des comtes d'Heidelberg, il existe un immense tonneau dans lequel on verse annuellement tout le vin récolté des vignobles de l'abbaye, ainsi que ceui provenant des redevances du pays; mais la tonne de Rheinau quoique d'une dimension bien inferieure à celle d'Heidelberg, a l'avantage du moins de remplir encore l'office pour lequel elle fut faite, tandis que le fameux foudre palatin, vide depuis plus d'un siècle, permet maintenant aux curieux de pénétrer dans ses vastes flancs et d'acquérir la certitude que cette belle ruine féodale contenait deux cent cinquante mille litres de vin. Le foudre de Reyneau n'en contiendrait-il que la moitié, qu'en raison de son actualité, il est, sous tous les rapports, préférable à l'autre; et il nous a rendu de trop grands et bons services pour que nous ne le placions pas au dessus de son monstrueux rival
". (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée du Danube - Situation au 4 mai 1799
Commandant en Chef masséna
Centre : 1ère Division Général Vendamme
1ère Demi-brigade Légère : 1345 hommes

Armée française du Danube (après l'absorption de l'Armée d'Helvétie), 4 mai 1799 (Nafziger - 799EAP et EMA)

Commandant en chef : Général Masséna
Centre :
1ère Division : Général de Division Vandamme
Brigade Decaen : 1ère Demi-brigade légère, 1345 hommes

Sources : Gachot, E., "Les Campagnes de 1799, Jourdan en Allemagne et Brune en Hollande", 1906, Paris, Perrin et Cie.
Miliutin, "Geschichte des krieges Russlands mit Frankreich under der Regierung Kaiser Paul's I. im Jahr 1799", Munich, 1856

Du 9 mai au 20 mai 1799, la Division Thareau (ancienne Vandamme ) fait un mouvement en arrière et à gauche. Sa 2e Brigade, commandée par le Général Gazan se porte : la 102e Demi-brigade légère, à Kaiserstuhl ; la 1re Légère, à Veyach et Fisibach, envoyant des détachements à Coblenz ; et le 4e Hussards , à Rheinfelden (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 77).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Assassinat de nos plénipotentiaires au congrès de Rastadt
Le 6 mai (17 floréal) nous fûmes passés en revue par le général Vandamme qui nous donna connaissance de l'atroce assassinat commis le 28 avril précédent (9 floréal) sur nos plénipotentiaires à Rastadt. L'indignation de l'armée fut au comble; Vengeance ! fut le seul cri qui se fit entendre.
Le 13 mai (24 floréal) notre demi brigade fut envoyée à Winterthur, où nous reçûmes l'ordre de passer à l'armée d'Italie, mais un contre ordre vint de suite nous arrêter, et nous allâmes à Marthalen, où nous arrivâmes le 14 (25); le 15 (26) nous nous portâmes sur Orlingues ; le 17 (28) nous fûmes bivouaquer près de Schaffhouse; le 20 (1er prairial) à Langwissen, d'où nos deux bataillons s'étendirent sur le Rhin.
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Combats sur la Thur

Ces différens combats eurent lieu comme il suit : le 21 mai (2 prairial) l'ennemi se présenta en force sur la Thur, petite rivière, et la passa; le 22 (3) dès le point du jour, l'ennemi nous attaqua sur la route de Winterthur à Andelfingen ; nous résistâmes obstinément aux efforts multiples des impériaux dont les forces étaient de beaucoup supérieures aux nôtres; trop faibles enfin nous cédâmes encore le terrain et nous fûmes prendre en arrière une position susceptible de quelque défense" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 22 mai 1799, les Généraux Oudinot et Thareau marchent le premier, de Frauenfeld à Bassersdorf, et le second, de Winterthur et de Kaiserstuhl à Kloten. Ils laissent, en avant de Winterthur, une forte avant-garde, composée des 1ère et 10e Demi-brigades légères, de la 100e de Ligne, des 4e et 7e Régiments de Hussards, et du 1er Régiment de Dragons. Cette avant-garde est immédiatement organisée en une Division, dont Ney reçoit le commandement :
Brigade du Général GAZAN :
10e Demi-brigade légère ; 100e Demi-brigade de ligne ; 1er Régiment de Dragons.
Brigade de l'Adjudant général ROGET :
1ère Demi-brigade légère ; 4e Régiment de Hussards ; 7e Régiment de Hussards (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 77).

Les 5, 6 et 7 prairial (24, 25 et 26 mai), la 1ère Légère prend une glorieuse part aux brillants combats de Nostembach, Frauenfeld et Winterthur. Le 5, à Nostembach, l'intrépide Montossé, qui ne peut pas aborder l'ennemi sans mériter une citation, amène 30 prisonniers. Le Commandant Lecomte et le Lieutenant Jacques-Marie Hoblin sont blessés.

Le 25 mai 1799, Ney, emmenant avec lui la Brigade Roget, formée de la 1ère Légère et des 4e et 7e Hussards, se porte si rapidement des environs de Winterthur sur Altikon, qu'il surprend les postes autrichiens à Eschlikon et à Rikenbach. Celui d'Eschlikon, composé de cavalerie, gagne le gué de la Thur à Gutikhausen et parvient à passer sur la rive droite, non sans avoir perdu beaucoup d'hommes et de chevaux, qui se noient. Les troupes des autres postes se sauvent dans la direction d'Andelfingen, poursuivies par quelques détachements de Hussards. Ney, chassant devant lui ce qui s'est rallié de l'aile gauche de Kienmayer, gagne Pfyn, où il ne trouve pas de résistance. Il occupe fortement le pont et s'établit en avant de cette ville, face à Herdern, où l'ennemi s'est retiré (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 80).

Le 6, à Frauenfeld, le Capitaine Nicolas Ménestrel "voyant un bataillon suisse sans officier, le rallia, le conduisit à l'ennemi, fit un grand nombre de prisonniers et tua beaucoup de monde".

Le 6 (26 mai), à Winterthur, sont morts au champ d'honneur : le Capitaine Jacob Bouillet, le Lieutenant Paul Guichard et le Sous-lieutenant Charles Staubblauers. Au nombre des blessés sont : le Capitaine Hoblin, promu depuis la veille, et les Lieutenants Emmanuel Montuir et Louis Heymaeckers; ce dernier est fait prisonnier ainsi que le Capitaine Joseph de Mollin.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 25 (6) appuyés du bataillon de grenadiers et de carabiniers réunis, formant la réserve, nous attaquâmes l'ennemi et le contraignîmes à repasser la Thur; nous prîmes ensuite position à Wille.
Le 26 (7) l'ennemi renforcé sur ce point, passa encore la Thur et nous repoussa sur Winterthur où nous continuâmes à résister à ses attaques vives et multipliées
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Malgré les succès qu'il a remportés sur tous les points, Masséna n'a pas réussi à empêcher la jonction de ses adversaires trois fois plus nombreux. Il se replie donc sur la Limmat. La position que choisit le Général en chef est constituée par la ligne de hauteurs de la rive droite, couvrant à la fois la Limmat et Zurich et se prolongeant au nord du grand lac. Masséna y fait exécuter de nombreux retranchements sur tout le front et attend.Mais Masséna, en infériorité numérique, doit se replier sur la Limmat, occupant une ligne qui s'étend jusqu'à Zurich.

La 1ère Légère (4e Division, Général Walter) se trouve postée au nord de Hong, face au col qui donne naissance à la petite vallée de Regensdorf.

Officier de Carabiniers 1er Léger Boersch
Fig. 4a Officier de Carabiniers d'après Boersch (vente de 2011) Fig. 4

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 28 (9) nous fûmes forcés de nous replier dans la direction de Zurich, toutes les forces autrichiennes qui nous débordaient se portant sur ce point. Dans notre retraite nous fûmes cernés, le combat devint acharné et sanglant ; nos deux bataillons, toujours au fort de l'attaque, souffrirent beaucoup ; néanmoins nous nous fîmes jour et nous parvînmes à gagner la Glatt près de Zurich, toujours harcelés de très près.
Le 29 ( 10) nous repassâmes la Glatt et nous prîmes position dans un bois. L'ennemi, également fatigué de ses attaques répétées, s'était aussi arrêté, de sorte que nous eûmes quelque relâche.

- Combat sur la Glatt et évacuation de Zurich

Le 3 juin (15 prairial) l'ennemi ayant rassemblé toutes ses forces, passa la Glatt et nous attaqua vigoureusement; nous fûmes, après une longue résistance, forcés de nous retirer dans les lignes retranchées qui couvraient Zurich.
Nous perdîmes beaucoup d'hommes dans ce combat, notamment les capitaines Detamacker et Jacob Bouillet, le sous lieutenant Stohlcars, jeune homme très distingué, et un grand nombre de sous officiers et de chasseurs; la perte particulière et moyenne de chacune de nos compagnies s'élevait de huit à neuf hommes
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 16 prairial (4 juin), l'Archiduc lance ses colonnes sur toute l'étendue de la ligne française, cherchant les points faibles pour la percer. Mais ses assauts sont victorieusement repoussés. Le sergent Jean-Baptiste Noirot (en réalité François Noirot - accès au dossier Noirot-Lemaire.pdf) de la 1ère Légère fait à lui seul deux prisonniers et mérite d'être cité à l'ordre comme s'étant particulièrement distingué.

Le lendemain, l'Archiduc renouvela ses assauts sans plus de succès.

Masséna

Cependant Masséna, en présence de l'opiniâtreté des Autrichiens à vouloir le percer, se rend compte des difficultés qu'il a à battre en retraite avec une rivière à dos, s'il venait à être forcé sur un seul point. La chaîne de l'Albis qui longe la rive gauche de la Limmat lui offre une superbe position couverte sur tout le front par les bords escarpés de la rivière, position beaucoup plus forte que celle qu'il occupe. Il donne donc l'ordre de se replier. Le mouvement s'exécute sans perte.

Découragés par les tentatives infructueuses des jours précédents, les Autrichiens n'osent pas aborder notre nouvelle ligne. Les deux armées restent ainsi en présence pendant trois mois et demi. L'Archiduc occupa Zurich et attend l'arrivée de l'armée russe amenée par Korsakoff.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 5 (17) l'ennemi développa de toutes parts ses forces et montra tant d'audace que nous ne pûmes ni garder nos positions, ni défendre Zurich, sans exposer cette ville à de grands malheurs ; d'ailleurs, elle ne possédait aucune fortification importante; elle ne pouvait être défendue qu'en risquant une bataille, et les circonstances ne nous étaient pas assez favorables. Plutôt que de lutter inutilement contre une armée nombreuse, munie de tout ce qui peut assurer le succès d'une entreprise décidée, Masséna préféra évacuer Zurich et se retirer sur la ligne de la Limmat, mouvement qu'il fit exécuter le 6 (18) toujours suivi de près par l'ennemi. Notre demi brigade fut placée sur la rive gauche de ce fleuve, la droite appuyée à Diétikon.
Dans le fait, Masséna ne perdait à cette retraite que la ville de Zurich, qu'il regardait comme peu importante. La chaîne des monts de l'Albis, longeant le lac de Zurich et la Limmat jusqu'à l'Aar, présentant de plus un escarpement continu, était naturellement presque inattaquable. En l'occupant, on ne faisait qu'une légère perte de terrain, car on ne reculait que de la largeur du lac et de la Limmat. Il parvint à s'y établir sans perte et d'une maniere qui ôta à l'archiduc toute envie de l'attaquer.
Notre position restait donc à peu près la même. L'Aar, la Limmat, le lac de Zurich, la Lint et la Reuss, jusqu'au Saint Gothard, formaient notre ligne défensive contre les Autrichiens.

- Mouvements opérés par la 1re Demi brigade légère

Le 7 juin (19 prairial) notre demi brigade fut bivouaquer à Urdorf; le 8 (20) la division se battit toute la journée pour arrêter les corps ennemis qui voulaient se jeter, de Zurich, sur la rive gauche de la Limmat. Toutes leurs tentatives furent sans resultat; Soult les empêcha constamment de déboucher.
Remplacés immédiatement dans nos positions à Urdorf, nous marchâmes toute la nuit du 14 au 15 (26 et 27); nous traversâmes le mont Gaugischberg et à deux heures du matin nous débouchâmes sur une petite plaine vis à vis Zurich ; au point du jour nous attaquâmes les postes avancés de l'ennemi, lui enlevâmes 150 hommes qu'il avait à Alstetten, puis nous poussâmes notre reconnaissance jusqu'à la porte de Zurich. Nous rétrogradâmes sur Alstetten où nous bivouaquâmes
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée du Danube, 1er messidor an 7 - 19 juin 1799 (Nafziger - 799FAU)

Commandant en chef : Général de Division Masséna

4e Division : Général de Division Walther
Brigade Molitor
1er et 2e Bataillon de la 1ère Demi-brigade légère

Source : Zurich, Masséna en Suisse

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 20 (2 messidor) nous fûmes remplacés à Alstetten par la 10e demi brigade de ligne, et nous nous rendîmes à Clüsen, le 21 (3) à Diétikon, passant à la brigade du général Walder" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 5 messidor (23 juin), la 1ère Légère passe de la 4e à la 5e Division (Tharreau ou Turreau). Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 23 (5) nous fûmes au bivouac de Kapelhoff, après avoir traversé la ville de Baden, l'ennemi établi sur 1a rive droite de la Limmat tira sur nous au moment où nous longions le fleuve, dans une vallée resserrée découverte entre une montagne abrupte et cette rivière; il ne nous tua qu'un cheval de cantinier.
Nous reçûmes à Kapelhoff un premier détachement des conscrits de la levée de l'an 7, provenant de notre dépôt établi à Aix la Chapelle; il fut de suite réparti dans les compagnies de chasseurs des deux bataillons en raison du besoin de chacune d'elles.

- Suppression des carabiniers

A cette même époque, on retira aux compagnies de carabiniers les carabines dont elles étaient armées depuis 1792; on les remplaça par des fusils à baïonnette et en place du poignard de la carabine on leur donna des briquets ordinaires. Cette mesure fut nécessitée par l'embarras qu'avaient les carabiniers de convertir les cartouches de fusil en cartouches de carabine, et les balles de fusil en lingots; les arsenaux, à cette époque, ne fournissaient pas exactement des cartouches spéciales pour cette arme, dont le calibre d'ailleurs différait d'une arme à l'autre; il en résultait un travail pénible, assujetissant et très dangereux pour les carabiniers, d'autant plus qu'il prenait sur le repos de la nuit lorsque dans le jour ils avaient consommé celles confectionnées, et de plus, un bien plus grand inconvénient lorsque dans une affaire ils venaient à en manquer, ils ne pouvaient facilement les remplacer de suite par des cartouches ordinaires" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Début juillet, la 1ère Légère aligne 1673 hommes. Le Capitaine Duthilt raconte : "- Victoire morale sur les Russes en Italie
Le 1er juillet (13 messidor) on nous onnonça la première victoire remportée en Italie sur les Russes par le généraux Macdonald et Moreau; on la qualifia du nom de victoire morale, car elle était plus importante pour l'opinion que pour le fait; on avait combattu l'armée russe de pied ferme et pour la première fois on lui avait résisté efficacement. La réputation la plus effrayante avait précédé cette armée qui venait du fond de l'Ukraine et que l'on disait être formidable. Nos soldats découragés leur cédaient le terrain sans presque le leur disputer; tel était le malheureux effet qui était résulté du peu de confiance qu'inspirait le vieux général Scherer, qui avait succédé dans le commandement de l'armée d'Italie au général Bonaparte, sous qui l'armée avait toujours marché de victoire en victoire; cette armée avait alors perdu toute son énergie, par l'impéritie de son général; et dans la circonstance où l'on se trouvait on croyait à la résurrection de sa force par les efforts qu'elle venait de faire.
"Mais Macdonald fut battu à la Trébia et Moreau avait perdu un peu la confiance par sa conduite équivoque, aussi Souvarof se flattait-il de battre Masséna à son tour".

- Dispositions défensives des Autrichiens et des Français

Pendant ce temps les Autrichiens se fortifiaient de plus en plus dans Zurich et sur tous les points abordables de leur ligne de défense qui les mettaient à l'abri de toute surprise; pour les vaincre il fallait faire de nouvelles combinaisons, saisir le moment et leur porter de ces coups vigoureux qui démoralisent une armée la mieux préparée aux événemens et Masséna pouvait seul se charger de ce soin. En attendant que ses dispositions fussent faites et que le moment d'agir fût venu, il nous tint attentivement sur la défensive, et dès lors nous transformâmes nos légers bivouacs en petits camps mais commodes et solides, le long de l'Aar et de la Limmat, sur des plateaux et dans des éclaircies de bois au haut des montagnes qui avoisinent ces rivières, et hors de toute portée des canons de l'ennemi.

- Ma promotion au grade de Sous lieutenant
Campement

Le 5 juillet (17 messidor) au camp de Kapelhoff, j'ai été promu au grade de sous lieutenant au choix des officiers du 2e bataillon, en remplacement de monsieur Stoblears tué à l'affaire du 3 juin (15 prairial) sur la Glatt, je restai attaché à la 8e compagnie du 2e, où je servais depuis mon entrée au service.
De Kapelhoff, nous passâmes au camp de Brugg, puis à celui de Ruffenach près du confluent de la Reuss à l'Aar; nous fournîmes des postes à Stilly
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 24 juillet, le Général Ney arrive à Nieder-Frick, Quartier général de la 6e Division, dont il vient de recevoir le commandement. Aussitôt, il s'empresse de visiter ses troupes établies en cordon sur la rive gauche du Rhin depuis l'embouchure de l'Aar jusqu'à Rheinfelden inclus. La Brigade de droite, sous les ordres du Général Goullus, comprend la 1ère Demi-brigade d'Infanterie légère.

Le 3 août, le citoyen Lejeune, Chef du 2e Bataillon de la 1ère Demi-brigade, écrit du camp de Bernau, à l'embouchure de l'Aar, au Général de Brigade Goullus :
"Un officier de hussards ennemi vient de venir vis-à-vis de mon poste n° 7 avec un trompette. J'ai aussitôt envoyé un officier voir ce qu'il voulait : c'était pour nous prévenir de la part du général commandant la ligne, que demain on célébrait une fête pour la prise d'Alexandrie et de Mantoue. Je l'ai fait remercier de son intention et il est aussitôt retourné sur l'autre bord".

En transmettant ce rapport, le Général Goullus ajoute, à l'adresse du Général Ney :
"Je vous en donne connaissance afin que vous ne conceviez aucune inquiétude sur les salves d'artillerie qui seront tirées demain par nos ennemis".

Par mesure de réciprocité, le Général Oudinot, Chef d'Etat-major de Masséna, écrit le 8 août au Général Ney :
"D'après les intentions du général en chef veuillez bien, citoyen général, faire prévenir le commandant ennemi qui se trouve devant votre front, que vous ferez tirer le canon, les 9 et 10 de ce mois, à l'occasion de la fête nationale du 10 août" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome1).

Le 6 août, depuis Lauffenburg, le Général Goullus expédie le rapport suivant au Général Ney :
"Il est arrivé hier de Lucerne le citoyen Godelin, adjudant-major de la 2e helvétique, qui a publié dans le camp (de Lauffenburg), avec un air de satisfaction, que nous avions perdu dans le Valais une demi-brigade entière, et que bientôt le pays de Vaud serait envahi et brûlé".

Le Chef de la Brigade de droite expose ensuite les conséquences fâcheuses de cette fausse nouvelle et annonce l'envoi du coupable au Quartier général de la Division pour qu'il soit statué sur son sort. La même lettre contient le récit suivant :
"Les Autrichiens sont venus enlever à minuit le poste le plus près du flanc gauche de Lauffenburg. Un seul des soldats de garde s'est échappé. Jugez de la fermeté de ces nouveaux républicains (les Suisses) qui se laissent conduire comme des moutons dans une petite nacelle sans opposer la moindre résistance, sans proférer une seule parole ...
Cette nuit était, comme vous le voyez, une nuit aux aventures. Comme elles n'ont pas le sel nécessaire pour me divertir ; comme je ne veux point prêter à rire à mes ennemis, j'ai cru qu'il était prudent d'envoyer au camp de Bernait un bataillon de la 2e helvétique et d'en tirer pour son remplacement trois compagnies de la 1re légère, qui se rendront au camp de Lauffenburg pour faire le service conjointement avec nos auxiliaires
" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome1).

Le 20 thermidor (7 août), les 849 hommes du 2e Bataillon sont détachés à la 6e Division (Ney), qui garde l'extrémité gauche de la ligne de Masséna sur les bords de l'Aar.

Armée du Danube, 20 thermidor an 7 - 7 août 1799 (Nafziger - 799HBB)

Commandant en chef : Général de Division Masséna

5e Division : Général de Division Tharreau ou Turreau
Brigades Heudelet et Quétard
1er Bataillon de la 1ère Demi-brigade légère

6e Division : Général de Division Ney
Brigade Goullus
2e Bataillon de la 1ère Demi-brigade légère

Source : Zurich, Masséna en Suisse

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 10 août (14 thermidor ??) nous quittâmes le camp de Ruffenach et nous fûmes occuper celui de Reykem. Quatre compagnies du 2e bataillon dont était la 8e, allèrent occuper la petite ville de Lauffenbourg sur le Rhin, pour y faire le service au quartier du général Goulu, sous les ordres duquel nous venions de passer, division du général Lorge.
A cette époque j'ai été chargé d'établir un camp, en baraques, dans un bois près de Lauffenbourg, traversé par une route parallèle au cours du Rhin. Je le posai sur un éclairci assez profond, longeant la route sur notre front de bandière; avec cinquante travailleurs munis des outils nécessaires, en moins de cinq heures nous élevâmes une centaine de baraques assez spacieuses pour y loger dix hommes chacune, couverte avec de larges écorces que nous fournissent d'énormes sapins composant le bois ; les quatre dernières compagnies de notre second bataillon y vinrent camper aussitôt sous le commandement du capitaine Vandael. - Quelques jours après, ce capitaine, officier distingué, passa dans l'infanterie de ligne avec le grade de chef de bataillon, et il eut le malheur d'être tué dans le premier combat où il se trouva immédiatement après avec son bataillon. - Ces compagnies furent ensuite remplacées par un bataillon de la 2e brigade helvétique faisant aussi partie de la division Lorge
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 12 août, le Général Goullus écrit au Général Ney pour lui rendre compte d'une punition de quinze jours de prison infligée, par le Chef de Bataillon Lejeune, à l'un de ses Capitaines pour refus d'obéissance :
"N'ayant ici aucun endroit qui joigne l'austérité de la discipline à la décence du caractère d'un officier qui a commis une faute militaire, je lui ordonne de se rendre à Rheinfelden, où il sera mis en prison sous la surveillance du chef de bataillon Allard qui y commande" (H. Bonnal : "La vie militaire du Maréchal Ney", tome1).

Le 16 août, Ney, qui commande la 6e Division, reçoit l'ordre par une lettre expédiée la veille, de prendre le commandement de la 5e Division en remplacement du Général Tharreau appelé à Besançon. Il arrive à Döttingen dans la nuit du 16 au 17 et est remplacé à la tête de la 6e Division par le Général Goullus, qui cède bientôt son commandement au Général Klein.

Toujours dans la nuit du 16 au 17, les Autrichiens reprennent leur offensive. A 2 heures du matin, les Carabiniers de la Légion de Zurich, le 1er Bataillon de la lère Légère et une Compagnie de Grenadiers de la 102e accourent au bruit des premiers combats et se postent en face des ponts en construction sur l'Aare, tout en dirigeant un feu violent sur les Autrichiens. Un Bataillon, qui occupait Gross-Döttingen et toutes les pièces de canon répondent à la fusillade. Malgré que Klein-Döttingen soit la proie des flammes, le feu des Impériaux ne parvient point à chasser les tirailleurs français qui, abrités derrière des fascines, font subir aux pontonniers autrichiens des pertes d'autant plus grandes que ceux-ci s'approchent davantage de la rive gauche.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Passage tenté sur l'Aar par le Prince Charles
Pour contraindre Masséna à évacuer l'Helvétie, le prince Charles se porta rapidement sur la rive droite de l'Aar, ayant le projet de couper à la fois le centre et la droite de l'armée française, de rompre ses communications avec Bâle et le Bas Rhin, et de forcer Masséna à se tenir sur la défensive dans le Jura.
Le 17 août (30 thermidor) l'archiduc s'avança vers Döttingen et profitant de l'obscurité de la nuit, il fit construire à la fois deux ponts de bateaux sur un coude de l'Aar, aux environs du petit Döttingen. Il n'existait sur ce point, de notre côté, que de faibles postes chargés, non de défendre mais d'observer les mouvemens de l'ennemi sur la rive droite, les corps qui fournissaient ces postes étaient campés derrière au delà de la petite plaine longeant la rivière et les montagnes sur des plateaux de la rive gauche. Les pontonniers autrichiens, favorisés par la nuit et par un épais brouillard sur la rivière, travaillaient sous la protection d'une batterie de 40 pièces de canon qui prenait en tous sens et à revers non seulement la rivière mais encore toute la plaine où devait s'opérer le débarquement. A une heure du matin il fit jouer sa formidable artillerie et, en un instant, le malheureux village de Döttingen fut brûlé et rasé presque en totalité.
Malgré le feu continu de ses 40 pièces, tonnant toutes à la fois sur nos gardes vis à vis, sur le village et sur la plaine, une compagnie de carabiniers suisses, excellents tireurs, notre 1er bataillon et une compagnie de grenadiers de la 102e de ligne, filèrent le long de la rive, en face des ponts dont un déjà fait à moitié et l'autre au quart, les boulets passant généralement au dessus de leur tête, ils fusillèrent, aussitôt placés, les pontonniers autrichiens, en tuèrent de suite un grand nombre et empêchèrent de continuer le travail. On fit à la hâte de petits boyaux revêtus de fascines apportées du bois aux tirailleurs pour les couvrir des balles en cas de riposte de l'ennemi soit des bateaux, soit de la rive, car à niveau de l'eau ils ne craignaient guère les boulets
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Bientôt, c'est toute l'armée française qui est en alerte. Le 2e Bataillon affronte les Autrichiens le 17 à Brück (?), nous dit l'historique régimentaire, et contribue puissament à repousser les Autrichiens qui, finalement, renoncent à leur projet. Dans cet engagement qui est dirigé par Ney en personne, le Capitaine adjudant-major Martin Emmerecks est grièvement blessé d'un coup de feu à la cuisse gauche; le Lieutenant Maximilien-Joseph Lecler est également atteint.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Vers midi, les généraux Ney et Heudelet, à la tête de douze mille hommes, arrivèrent à Boeztein et s'emparèrent de toutes les positions, et particulièrement du petit bois qui domine Döttingen.
A trois heures après midi, l'archiduc n'espérant plus rien, et voyant sa tentative manquée, cessa son feu qu'il avait fait continuer par intervalle, afin d'empêcher toute communication de notre part avec nos tirailleurs, dans l'idée de les réduire ou de les intimider, se décida à demander qu'on lui accordat une heure de trève pour retirer ses barques.
On s'est étonné que l'archiduc, depuis si longtemps formé à la guerre et qui commandait à 60.000 hommes rassemblés autour de lui, qui n'avait d'autre but que celui de passer l'Aar et de nous contraindre à évacuer la Suisse, se soit obstiné à vouloir franchir cette importante rivière sur des ponts, sous la seule protection de son artillerie avant que d'avoir jeté sur notre rive quelques bataillons de troupes légères qui auraient pu couvrir ses pontonniers et nous tenir assez de temps éloignés pour terminer le travail nécessaire au passage de ses troupes.
Cette attaque infructueuse et si mal conçue découragea ses troupes, releva nos espérances et nous fit présager l'éloignement prochain de nos ennemis.

- Différentes marches sur Brugg

Immédiatement après cette tentative, nous allâmes bivouaquer vis à vis Waldshut, au confluent de l'Aar au Rhin, d'où nous fîmes différentes marches et contre marches sur Brugg, toujours menaçant d'un passage, mais n'en faisant que la démonstration.
Depuis le 7 juin (19 prairial) nous n'éprouvions d'autre fatigue que celle occasionnée par les différentes marches que l'on nous fit faire d'un lieu à un autre dans toute l'étendue occupée par notre division, allant d'une extrémité à l'autre et retournant au point de départ sans aucun but apparent, parcourant successivement les camps de Lauffenbourg, de Reykem, de Bernau, de Schwaderloch, d'Agen et des confluens, peut être pour montrer à l'ennemi plus de forces que nous n'en avions réellement.

- Chute du Rhin à Bilefeld

Cette espèce de repos dont nous jouissions me permit, à mon tour, d'aller voir les deux chutes que fait le Rhin au dessus de Lauffenbourg; d'abord à Lauffen distante d'une demi lieue où il fait une chute de quinze à vingt pieds appelée la petite; puis à Bilefeld, une demi lieue plus loin, se voit la grande chute. Le château de Bilefeld est assis sur un énorme rocher sur la rive gauche du Rhin, s'avançant de toute sa base dans le fleuve jusqu'à l'endroit où commence la chute des eaux, retenues par l'excédent de ce rocher, qui s'étend à travers du fleuve jusqu'à l'autre rive sans autres solutions de continuité que celles des échancrures par lesquelles passent les eaux du cours supérieur. Du haut de ce château, on voit le fleuve précipiter toutes ses eaux dans un gouffre dont l'apparence est horrible, avec un fracas épouvantable.
En approchant de cette cataracte, le Rhin accélère son cours, bientôt arrêté par l'énorme rocher échancré divisant ses eaux en plusieurs jets qui, lancés d'une hauteur de plus de soixante pieds, s'allongent et tombent en bouillonnant et détonnant avec un tel fracas que les rochers, le château et les rives frémissent comme s'ils étaient agités par un tremblement de terre; l'homme le plus fort et le mieux constitué ne peut, sans se cramponner, contempler ce spectacle prodigieux, pendant cinq minutes, sans être en danger de tomber, tellement la téte est de suite troublée et tout le genre nerveux affecté; plusieurs éprouvent de violentes nausées, et sont encore longtemps incommodés après s'en être éloignés. L'immense quantité de globules infiniment déliés qui sont envoyés de bas en haut à une immense hauteur, et qui en même temps arrosent les environs, comme le ferait une pluie ordinaire, produisent à l'oeil un bel iris presque toujours double et souvent triple selon la sérénité de l'air, la hauteur et l'aspect du soleil, et surtout le point d'où l'on observe ce phénomène dont les couleurs sont fortement prononcées. Les murs du château, tant en dehors qu'en dedans, sont couverts des noms des voyageurs qui ont visité cette belle horreur; là, le prince s'est inscrit à côté de l'artisan, et la grande dame à la suite d'une bouvière
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 19 août, Ney reçoit l'ordre directement du Ministre de se rendre à l'Armée du Rhin.

Après le mouvement offensif du milieu d'août, Masséna procèda à un remaniement dans la désignation et le commandement des Divisions de son armée. Celle-ci se trouve désormais composée comme suit (Source : état de l'Armée du Danube à la date du 10 fructidor (27 août 1799). Dans le total sont compris 6.271 hommes de troupes helvétiques. Le changement de dénomination des Divisions fut mis à l'ordre de l'armée le 5 fructidor. Cité par Hennequin in Zurich, Masséna en Suisse) :
- L'ancienne 5e Division devient la 6e, commandée par le Général Hardy, remplacé le 21 fructidor (7 septembre) par le Général Ménard.
- L'ancienne 6e Division devient la 7e, commandée par le Général Klein (ce dernier prend le commandement de sa Division le 11 fructidor - 28 août, en remplacement de Ney).

Le 27 août, le 2e Bataillon quitte momentanément la 6e Division et passe, pendant quelques jours seulement, à la 7e Division Klein.

Dans les premiers jours de fructidor, les emplacements des Corps de la 5e Division sont les suivants: ... 1er Bataillon de la 1ère Demi-brigade légère au confluent de l'Aare (Source : état de situation de l'armée du Danube au 10 fructidor (27 août). Cité par Hennequin in Zurich, Masséna en Suisse).

3/ Le 3e Bataillon à l'Armée du Rhin

Pendant que les 1er et 2e Bataillons de la 1ère Légère combattent en Suisse, le 3e Bataillon (950 hommes), détaché à Coblentz à l'Armée du Rhin (Bernadotte) depuis près de six mois, est placé au commencement de septembre à la 5e Division de cette armée (Général Dufour) et envoyé à Landau où il va, lui aussi, se mesurer avec les troupes de l'Archiduc.

Celui-ci, à l'arrivée de Kutusoff, lui a cédé ses emplacements sur la rive droite de la Limmat. Laissant Hotze derrière le lac de Zurich et la Lint, il a repris la route de Souabe et s'est porté à la rencontre de l'armée du Rhin. A son approche, cette armée du Rhin s'est solidement établie sur la rive gauche, d'où elle repousse, jusqu'à la fin de la campagne, toutes les tentatives que fait l'ennemi pour franchir le fleuve.

Concernant la journée du 28 Fructidor an 7 (14 septembre 1799), le Général Decaen écrit : "La division fut mise en marche à 6 heures du matin pour venir à Spire, où je reçus l'ordre de prendre le commandement des troupes qui devaient garder la ligne du Rhin, depuis Rheinzabern, inclusivement, jusqu'à Lingenfeld, exclusivement.
Ces troupes, qui furent cantonnées entre Spire et Germersheim, étaient le 27e de ligne, la 4e compagnie du 3e d'artillerie légère, le 20e de chasseurs, le 10e de cavalerie.
Je devais faire toutes les dispositions que je jugerais convenables pour la sûreté des postes et celle de la ligne que je devais occuper. Je devais aussi faire relever les postes sur la rive du Rhin, tenus par la 1ère légère, et diriger cette demi-brigade sur Strasbourg, et envoyer à Landau les postes de cavalerie du 13e que je devais aussi trouver sur cette ligne.
La brigade de gauche, commandée par le chef de la 60e, devait garder le Rhin depuis Lingenfeld jusqu'à Berghausen ; et le quartier général de la division devait s'établir à Bellheim.
D'après cet ordre, je déterminai les divers endroits que les troupes de ma brigade devaient occuper, et je leur ordonnai de partir le lendemain matin pour s'y rendre
" (Journal du général Decaen, commandant une brigade de la division Colaud, à l'armée du Rhin commandée par le général en chef Léonard Muller ; ensuite, de celui pendant son commandement à Kehl en vendémiaire et brumaire an VIII ; de celui pendant le commandement d'une division de cette armée, commandée par le général Lecourbe, et durant un autre commandement à Kehl pendant frimaire jusque en germinal que je passai au commandement d'une brigade de la division Souham ; enfin le journal pendant que j'ai commandé cette brigade depuis Fructidor an VII jusqu’au 14 Prairial en VIII - in Picard E., Paulier V. : « Mémoires et journaux du Général Decaen », Plon, Paris, 1910, t. 1, p. 347).

4/ Défense de la Suisse contre les Russes

Obéissant à des considérations politiques, le conseil aulique avait décidé : 1° que Suwaroff laisserait Mélas opérer seul en Italie et prendrait à revers l'armée de Masséna, en entrant en Suisse par le Saint-Gothard; 2° que l'Archiduc Charles céderait à Korsakoff, enfin arrivé, les positions de la Limmat et irait menacer l'Alsace. Ce double mouvement commence à s'exécuter à la fin d'août. C'est ainsi que Masséna, sans avoir quitté ses positions, a changé d'adversaire. Nous allons voir comment les agiles baïonnettes de nos chasseurs reçurent les "colosses du Nord", les barbares, qu'on leur avait dépeints comme des "géants invincibles".

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Les Russes en Suisse
Nous avions toujours eu des Autrichiens pour adversaires, mais le 31 août (14 fructidor) nous fûmes étonnés de nous trouver en présence des Russes. Nous savions qu'en Italie ils opéraient avec Mélas, qu'en Hollande ils étaient à la solde anglaise et mêlés avec les Anglais; mais nous ignorions encore qu'en Suisse ils allaient agir conjointement avec le prince Charles; il nous fallut les voir pour le croire. Korsakof opérait en effet en Suisse avec l'archiduc. Nous crûmes alors que l'Autriche désespérait de sa cause pour qu'elle osât la confier à de tels protecteurs. Mais nous apprîmes immédiatement que le prince Charles s'était transporté sur le Rhin du côté de Philipsbourg, abandonnant entièrement la Suisse aux Russes; ceux-ci devaient en effet trouver en Suisse une température plus analogue à leur climat, et le prince Charles, sur le Rhin, etait plus à même de seconder l'expédition de l'armée anglo russe en Hollande. Le corps d'armée commandé par Korsakof remplaça donc les troupes de l'archiduc derrière la Limmat; Hotze, lieutenant de l'archiduc, resta en Suisse et se plaça sur la Lint avec le corps autrichien fourni par le Vorarlberg, afin de donner à Souvarof, arrivant d'Italie, mais encore arrêté dans sa marche par Lecourbe, le temps d'arriver. La jonction générale des corps russes une fois opérée, les troupes réunies en Suisse allaient s'élever à 80.000 hommes. Souvarof en amenait 18.000, Hotze en avait 25, Korsakof 30. Ce corps avait en réserve le corps de Condé et quelques mille Bavarois. Mais avant la jonction, 55.000 Austro Russes se trouvaient sous les coups de Masséna.
En face de nous étaient des Cosaques d'une tournure grotesque et d'un aspect sauvage, bivouaqués par pelotons, abandonnant leurs chevaux qui paissaient sous la conduite d'un guide, et surtout d'un cheval qui paraissait chargé de leur surveillance; car ils se tenaient groupés autour de lui, et celui ci les ramenait au bivouac au premier coup de trompette. Ce fut pour nous un spectacle curieux et nouveau, qui nous occupa quelques jours, que celui de voir ces Russes s'établir, manoeuvrer, pousser des cris rauques, et élever sur une hauteur des petits drapeaux de diverses formes et de couleur, les plaçant et les déplaçant fréquemment, depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, communiquant probablement de cette manière avec leur quartier général à Zurich
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 20 septembre, le 1er Bataillon de la 1ère Légère rejoint le 2e à la 2e Brigade (Heudelet) de la 6e Division, dont le Général Mesnard vient de prendre le commandement.

Armée française du Danube, 20 septembre 1799 (Nafziger - 799IBR)

6e Division : Général de Division Ménard
Brigade : Général de Brigade Heudelet : 1ère Demi-brigade légère, 1740 hommes

La 1ère Légère (1740 hommes) se trouve à la droite de la Division de gauche, lorsque le Général en chef, sortant brusquement de son repos, met à exécution le plan hardi qui doit anéantir l'armée de Korsakoff, avant que Suwaroff ait pu intervenir.

Forces françaises à Limmat et Zurich, 23 septembre 1799 (Nafziger 799IBV)
Général Commandant : Général Masséna
5e Division : Général de Division Lorges
Brigade : Général de Brigade Quetard
1ère Demi-brigade légère : 2 Bataillons; 1740 hommes)

Sources : Zurich, Masséna en Suisse
Gachot, La Campagne d'Helvétie (l799), Paris, l904

Les deux premiers Bataillons vont affronter les Russes au cours de la 2e bataille de Zurich les 25 et 26 septembre. Le succès de la manoeuvre doit dépendre de la rapidité et du secret des préparatifs. La 1ère Légère a employé la nuit du 2 au 3 vendémiaire à traîner des barques à travers les bois, pour les amener, à l'insu de l'ennemi, près de Dietikon. Le Capitaine Duthilt raconte : "- Disposition de Masséna
Passage de la Limmat
Combat et prise de Zurich, Lavater
"Masséna choisit Diétikon comme point de passage, en ordonnant une fausse attaque au confluent des trois rivières et un passage sur la Limmat".
Cet ordre explique pourquoi nous fîmes tant de marches et de contre marches pendant notre station vis à vis de Waldshut.
Toujours dans l'intention de tromper l'ennemi, il ordonna aussi la célébration du septième anniversaire de la fondation de la République; tous les corps sur la ligne célébrèrent cette fête par des revues et des salves d'artillerie; le général Korsakof informé de cette solennité avait tranquillisé sa troupe sur nos mouvemens et notre canonnade.
Dans l'après-midi du 24 septembre (2 vendémiaire) nous quittâmes nos différens bivouacs, laissant nos postes figurer sur la ligne, et nous nous portâmes sur Bruch ou les divisions se formèrent; ensuite nous marchâmes pendant la nuit du 24 au 25 (2 au 3), nous dirigeant sur Diétikon où s 'effectua le passage
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Forces françaises à la bataille de Zurich, 25 septembre 1799 (Nafziger - 799IAB)

5e Division Lorges
Brigade Quétard
1ère Demi-brigade légère (2 Bataillons) en route vers Dietikon, 1740 hommes

Source : Hennequin, Cpt, L. : "Zurich, Masséna en Suisse, Messidor an VII - Brumaire an VIII, juillet-octobre 1799"; 1911, Paris, Librairie Militaire Berger-Levrault

Le 3 vendémiaire an VIII (25 septembre 1799), à cinq heures du matin, la veille même du jour où Korsakoff doit sortir de Zurich pour nous attaquer, Masséna met en mouvement le gros de son armée, pendant que Soult à droite franchit la Linth et que Mortier au centre, soutenu par Klein, empêche Korsakoff de déboucher de Zurich. Oudinot avec la Division Lorge et une partie de la Division Mesnard (le reste de la Division Mesnard se bat toute la journée près du confluent de la Limmat et de l'Aar et réussit à retenir sur ce point la Division russe Durasoff qui s'y trouvait, et qui aurait pu faire tout manquer, si elle était revenue sur Kloster-Fahr), la Brigade Heudelet dont fait partie la 1ère Légère, passe la Limmat à Dietikon, à 11 kilomètres au-dessous de Zurich, en face des hauteurs de Kloster-Fahr, où Korsakoff n'a laissé qu'un poste de 3 Bataillons (Korsakoff avait concentré toutes ses forces autour de Zurich et dans la ville même, afin de déboucher plus rapidement le lendemain pour l'attaque projetée).

La Division Lorge s'empare promptement de Lloster-Fahr. Le soir, tout le corps Oudinot a pris position sur les derrières de Korsakoff, qui se trouve ainsi cerné de tous côtés. La 1ère Légère passe la nuit derrière la petite rivière de la Glatt, entre les routes de Winterthur et d'Eglisau.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Dans la mémorable journée du 25 septembre 1799 (3 vendémiaire an 8) la victoire de Masséna fut complète.
La belle conduite du sergent Noirot, du 1er léger, lui valut plus tard, un fusil d'honneur puis la décoration
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le lendemain 4 vendémiaire (26 septembre) est une rude journée : Korsakoff, furieux et désespéré, veut se faire jour à tout prix; il forme une grosse colonne, met en tête son infanterie, sa cavalerie au centre et en queue son artillerie et ses bagages; puis, donnant le signal de la charge, il lance cette masse, comme un coin, sur la route de Winterthur. L'infanterie passe avec une portion de la cavalerie et le Général en chef russe; mais notre ligne percée se referme vite; tout le reste doit se rendre.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le lendemain 26 (4 vendémiaire) eut lieu la prise de Zurich. La ville fut quelque peu pillée. On eut surtout à déplorer un accident funeste arrivé au célèbre Lavater, qui s'était risqué à tous les dangers pour porter des secours aux blessés des trois nations exposés aux coups de feu; un coup mortel lui fut porté, non par un soldat français comme la calomnie l'a dit alors, mais par une main que la vengeance personnelle guidait, et que la fureur de l'esprit de parti tenait levée depuis longtemps sur la tête du philosophe. Lavater fut atteint dans une des rues de sa ville natale; il vécut encore quinze mois, mais languissant, souffrant, travaillant, écrivant et prêchant encore comme ministre évangéliste, pendant cette agonie douloureuse et lente, beau comme la vertu, bon comme la charité dont il était l'apôtre et le modèle. Ce malheur fut longtemps déploré par l'armée française et par toute la population de Zurich.

- Le fleuron de Masséna

Masséna rendit à sa patrie des services bien importans pendant cette belle opération militaire, si bien conçue, si bien exécutée; il y déploya de grands talens. Traverser la Suisse, pénétrer en France et marcher sur Paris, tels étaient les projets de Souvarof. Hotze et Korsakof devaient être renforcés par des Bavarois et par les émigrés du prince de Condé qui s'avançaient rapidement. Les autres armées eussent été dans une position fâcheuse si Masséna n'eût vaincu; l'armée en Helvétie se présentait aux ennemis avec une attitude imposante et pouvait seule porter des coups décisifs. Mais Masséna, celui qui fut plus tard surnommé par un grand homme l'enfant gâté de la victoire, était là; Masséna et son armée ont dissous la coalition et sauvé la France" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La victoire est totale : 5000 prisonniers, 100 canons, tous les bagages de l'armée russe sont les trophées de la journée. La 1ère Légère a vaillamment combattu aux abords de la route de Winterthur; elle a eu dans ces deux journées 242 tués ou blessés; parmi ces derniers, le Capitaine des Carabiniers du 1er Bataillon, Daniel Kolvemback, qui a reçu un coup de feu dans le bas-ventre. Les noms des autres Officiers de la 1ère Légère blessés à Zurich n'ont pas été conservés; leur nombre même ne figure sur aucun document. La différence des effectifs a seule permis de constater le total des pertes : la 1ère Légère avait à l'effectif, le 1er vendémiaire, 1740 hommes; elle n'en avait plus que 1498, le 16 vendémiaire : soit en moins 242 hommes.

La 1ère Légère prend une part active à la poursuite de la colonne russe qui a réussi à prendre la route de Winterthur.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Marches sur le Rhin
L'aile gauche de l'armée se porta immédiatement en avant; la 1re légère alla le 27 septembre (5 vendémiaire) à Regensberg, le 28 (6) à Bulach, après avoir traversé la Glatt, le 29 (7) elle fut à Berg près de Flach, le 30 (8) à Glattfelden et Kaiserstuhl; le 1er octobre (9) à Rorb au bord de la Töss et le 3 (11) à Flach
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Forces françaises en Suisse, fin septembre 1799 (Nafziger - 799IMC)

6e Division : Menard (sur la Limath)
Brigades Quetard et Heudelet
1ère Demi-brigade légère, 1740 hommes (sur les rivière Aar et Reuss)

Miliutin, "Geschichte des krieges Russlands mit Frankreich under der Regierung Kaiser Paul's I. im Jahr 1799", Munich, 1856

A la fin de la première décade de vendémiaire, les troupes françaises qui ont pris part aux opérations forment quatre groupes placés respectivement :
Dans la région Bülach - Winterthur : 5e et 6e Divisions avec la réserve de Klein, aux ordres du Général Ménard.
Dans la zone Einsiedeln - Schwyz—Muotathal : 4e Division (Mortier) renforcée d'une partie de la 2e Division, sous le commandement du Général Soult.
Sur la Linth, autour deNafels : 3e Division (Gazan, en remplacement de Soult) et la Brigade Molitor, commandées par le Général Gazan.
Sur la Haute-Reuss et la Haute-Aare : 2e Division, aux ordres de Lecourbe, puis de Loison.

Les Russes repassent le Rhin. Le 5 octobre, la 6e Division Ménard, qui comprend la 1ère Légère, a ordre de marcher d'Andelfingen sur Paradies, mais elle est retardée par le mauvais temps.

Le 7 octobre, le Capitaine Merle, "étant en tirailleurs avec 30 hommes, prend et fait désarmer 50 soldats russes".

Suwaroff, qui comptait achever la déroute des Français, tombe au milieu de nos colonnes victorieuses. Il a le sort de Korsakoff. Les débris des armées russes repassèrent le Rhin. L'orage est conjuré, Masséna s'avance jusqu'au grand fleuve dont personne n'ose plus lui disputer la possession.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Arrivée de Souvarof
"Souvarof, arrivé d'Italie par le Saint Gothard, retardé, harcelé, arrêté enfin à Altorf par Lecourbe renonçant à percer par la Reuss, n'avait plus trouvé d'autre issue que de se jeter par le Schachenthal dans le Muttenthal".
Il tenait la tête du pont établi sur le Rhin, à Paradis, avec le restant de sa formidable armée, réduite à 25.000 hommes, mais encore susceptible de nous inquiéter par ses communications permanentes avec la rive gauche du Rhin, que lui assurait la possession du pont sur ce fleuve, établi de Busingen rive droite à Paradis rive gauche, dont la tête tournée contre nous lui permettait de tenter, à sa volonté, quelque coup de main sur le point que nous occupions; ce qui nous obligeait de tenir une petite réunion de forces pour lui être opposées au besoin.

- Combat à Paradis

Le 7 (15) à dix heures du matin, Souvarof envoya un jeune officier de son armée au quartier général de notre division, sous le prétexte de demander si, dans les combats que les deux armées se livreraient, nous Français, nous ferions des prisonniers; à cette demande d'un barbare il fut répondu que, ne versant jamais le sang inutilement, ni inhumainement, tout homme désarmé, qu'il fût Autrichien ou Russe, n'étant plus notre ennemi, était traité en prisonnier de guerre jusqu'à son échange. A peine ce jeune officier était-il parti pour reporter cette réponse, et bien avant qu'il ne fut rentré dans la tête de pont, que déjà des Cosaques tombaient impétueusement sur nos postes et les massacraient; l'armée russe suivait et s'avançait rapidement.
Nos troupes se réunirent promptement et sans désordre; l'attaque commença et bientôt les Russes furent arrêtés dans leur marche. Le combat devint sanglant et opiniâtre ; trois fois nous fûmes repoussés; quelques corps bavarois étaient aussi réunis à cette armée, ce qui portait sa force de 28 à 30.000 hommes, tandis que nons n'étions pas 16.000, même après la réunion de notre petite réserve qui vint rapidement de Winterthur prendre part au combat; cependant nous leur causâmes une perte estimée à plus de 8.000 hommes tués, car malgré l'assertion donnée au jeune officier, on ne fit aucun prisonnier tellement on était indigné de la barbarie avec laquelle ils avaient mutilé nos soldats tombés inopinément sous leurs coups; nous les trouvâmes percés de coups de lance, taillés par le sabre, les yeux arrachés, tous enfin horriblement mutilés. Vers le soir, car la lutte fut longue, Masséna étant accouru, une dernière charge culbuta les Russes et les contraignit à rentrer en désordre dans leur tête de pont; malheur à ceux qui ne purent y parvenir, ils furent impitoyablement mis à mort. Ils perdirent encore dans cette affaire plus de la moitié de leur artillerie.
Ainsi l'armée russe qui, dès le commencement de la campagne de 1799 (ans 7 et 8) avait été triomphante et avait couru de victoire en victoire du fond de l'Italie jusqu'en Suisse, battue maintenant, était réduite à une poignée de soldats découragés, désorganisés et ployant sous le joug de la fatalité; et son chef toujours victorieux jusque là, ne dut en ce moment son salut qu'à la fuite, presque seul, et ensuite longtemps errant dans les montagnes avant de pouvoir se mettre en sûreté.
Le lendemain 8 (16) au lieu des Russes, nous ne vîmes plus sur la rive droite du Rhin que des Autrichiens; cette nouvelle troupe nous parut joyeuse de la défaite de ses sauvages alliés. La tête de pont à Paradis fut désarmée et détruite et le pont enlevé. Vers midi nous quittâmes le Rhin pour aller occuper Andelfingen laissant des compagnies à Benken pour fournir des gardes sur le fleuve, en avant de ce cantonnement.

- épisodes

1° Voici un fait qui prouve combien étaient odieux aux Français les barbares qu'ils avaient à combattre. A Benken, vis à vis la route que tenaient environ trois cents Russes poursuivis à outrance, coupés de leur corps d'armée, et cherchant à regagner leur pont sur le Rhin à Paradis, à Benken dis je, était une ferme, close de chaque côté par des murs élevés; elle semblait être adossée et communiquer par derrière à un bois qui couvrait la pente de la montagne, au pied de laquelle elle était située; une grande porte charretière menant dans la cour de cette ferme, était ouverte; les Russes y entrèrent en masse, croyant sans doute pouvoir s'y défendre, ou du moins parvenir à se sauver à travers le bois qu'ils voyaient au dela; mais ils ne trouvèrent aucune issue pour y arriver, et on ne leur donna pas le temps d'ouvrir une brèche ; il leur fut également impossible de fermer la porte sur eux, car nous y entrâmes en même temps. Aussitôt les balles, les baïonnettes, les crosses, les sabres, tombèrent sur ces pauvres Russes, sur les officiers comme sur les soldats et en firent un massacre horrible; toutes les parties de l'habitation furent fouillées, et chaque reclus également mis il mort. Nos soldats devenus furieux et impitoyables, comme l'avaient été les Cosaques, se vengèrent cruellement de la barbarie de ceux ci sur la pauvre infanterie qu'ils venaient d'atteindre, et que ne purent défendre ni les amulettes de cuivre qu'elle portait, ni le grand Saint Nicolas qu'elle implorait.
2° Etant en marche, à la tête d'un peloton de ralliement pour les tirailleurs, je fus culbuté à l'angle d'une route par un de nos escadrons qui, chargé la lance aux reins par un poulte (?) de cosaques, se retirait sur la ligne de bataille; surpris inopinément, il me fut impossible de l'éviter.
Après le passage de cet escadron, les Cosaques lancés à toute bride me passèrent aussi sur le corps, et je ne me tirai de ce mauvais pas qu'en feignant d'être mort, me gardant bien de faire le moindre mouvement lorsqu'un cheval me pinçait de ses pieds de derrière, malgré la douleur que j'en ressentais.
A peine étais-je sorti de cette crise et retourné à mon peloton que je donnai en plein dans une embuscade formée d'une cinquantaine de Russes, cachés dans un bas fond et derrière des broussailles, que mes éclaireurs n'avaient pas fouillées; une douzaine d'hommes de mon peloton furent atteints, tués ou blessés, et je fus frappé de deux balles à la fois, l'une sur mon hausse col qui fut tout contourné, l'autre sur rna poitrine recouverte par une capotte roulée que je portais en sautoir; je ne fus pas blessé à sang, mais je fus abattu du choc, suffoqué et je perdis toute connaissance pendant quelques instans; enfin je pus me relever et quoique souffrant heaucoup, je continuai la journée.
3° Chaque jour les paysans suisses nous amenaient des soldats russes qu'ils trouvaient cachés dans les bois, où ils n'avaient pu vivre que de racines. Ceux là du moins eurent la vie sauve; ils furent conduits dans l'intérieur de la France et réunis à ceux pris à Zurich, dans les montagnes par le général Lecourbe, ou en Italie par Moreau. En France, ces Russes furent bien traités et entretenus; la plupart travaillèrent dans des fermes où ils reçurent la nourriture et un salaire; plus tard, Bonaparte, premier Consul, 1es fit armer et habiller à neuf et les renvoya dans leur pays sans échange, conduits par leurs officiers auxquels il avait fait rendre leur épée, et ils déployèrent un de leurs drapeaux, qu'un soldat russe était parvenu à sauver, en le détachant de sa hampe et en le cachant autour de son corps sous ses habits, sans qu'il eût jamais trahi son secret (22 février 1800).

- Cantonnement sur le Rhin

Le 12 octobre (20 vendémiaire) nous prîmes position en avant d'Andelfingen; nous restâmes sur ce point jusqu'à ce que la saison ne nous permit plus de rester au bivouac, nous fûmes alors répartis dans les villages voisins d'Andelfingen, sur la rive gauche du Rhin" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Dans le courant du mois d'octobre, le 3e Bataillon rejoint les deux premiers à la Division Mesnard.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 1er novembre (10 brumaire) notre 3e bataillon qui était allé à Aix la Chapelle, pour y recevoir et instruire les conscrits de l'an 7 qui nous étaient destinés, vint se réunir à ses deux premiers bataillons à Becken, Dachsen, Andelfingen, Marthalen et autres villages avoisinant le Rhin.
Le 30 (9) il versa dans les deux premiers les deux tiers de ses recrues, et reçut de chaque bataillon en échange, un tiers de leurs anciens soldats.

- Particularité à Marthalen

Sur la place de Marthalen, comme dans tous les villages chefs lieux judiciaires en Suisse, est un pilori portant une espèce de cage en bois, cylindre à jour et peint en rouge; cette cage est mobile sur un axe, de manière à ce qu'on puisse la faire tourner en tous sens à volonté. On enferme dans cette cage les personnes qui ont commis quelque délit grave.
Un jour je vis un groupe considérable d'hommes, de femmes et d'enfans extremement agités autour de cette cage, dans laquelle etait renfermé un homme que l'on venait de condamner à y passer une partie du jour, pour s'être avisé de tuer une cigogne dont le nid était établi sur une petite roue placée horizontalement sur le haut d'un sapin, dépouillé de ses branches et élevé au milieu du village. Ces sortes d'oiseaux sont regardés dans la Suisse, et dans une partie de l'Allemagne comme des anges tutélaires; c'est un crime que de les détruire.
Le peuple a tant de vénération pour eux qu'il serait capable d'assommer sur place celui qu'il prendrait en flagrant délit; aussi le malheureux qui était en cage essuyait-il toutes les injures de la populace, et on le faisait tourner et retourner sans aucune pitié.

- Rentrée de Bonaparte en France

En ce temps, des lettres particulières nous annoncèrent la rentrée en France du général Bonaparte débarqué à Fréjus le 9 octobre (17 vendémiaire an 8). Les frégates le Muiron et la Carrère, les chebecks la Revanche et la Fortune l'avaient ramené d'Egypte. En apprenant cette nouvelle extraordinaire, nous nous demandâmes pourquoi il avait quitté son armée, maintenant abandonnée sur une plage lointaine ? Que venait-il faire en France ? Il venait opérer la révolution du 18 brumaire et relever la France que la faiblesse du Directoire laissait abattre" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation de l'Armée du Danube le 30 brumaire an VIII - 21 novembre 1799 (Nafziger - 799KBY)

6e Division : Général de Division Ménard
La droite à Altikon
La gauche à Koblenz (sur le Rhin)
Brigades : Généraux de Brigade Quétard et Heudelet
1ère Demi-brigade légère, 3 Bataillons, 2313 hommes à Marthalen

Division de Réserve : Général de Division Turreau, dans la région de Winterthur
Brigades : Généraux de Brigade Bastoul, Humbert et Boyé
Carabiniers réunis des 1ère, 10e, 14e et 25e Légères : 970 hommes, à Winterthur

Source : Hennequin, Cpt, L. : "Zurich, Masséna en Suisse, Messidor an VII - Brumaire an VIII, juillet-octobre 1799"; 1911, Paris, Librairie Militaire Berger-Levrault

Armée d'Helvétie, 23 novembre 1799 (Nafziger - 799KCN)

Commandant : Masséna

6e Division : Général de Division Menard
Brigades : Généraux de Brigade Quetard et Heudelet
1ère Demi-brigade légère, 3 Bataillons, 2299 hommes

Division de Réserve : Général de Division Turreau
Brigades : Généraux de Brigade Bastoul, Humbert et Bove
Bataillon combiné de Carabiniers (1ère, 10e, 14e, 25e Demi-brigades légères) : 973 hommes

Source : Gachot, E. La Campagne d'Helvetie (l799), Paris, l924

En décembre, toutes les hostilités cessent pour ne reprendre qu'au printemps suivant. Dans cet intervalle, l'Empereur Paul 1er s'est retiré de la coalition.

Situation de l'Armée d'Italie le 16 décembre 1799
Commandant en chef : Général Masséna
Aile droite : Général Saint-Cyr; Division des Alpes Maritimes :
1 Bataillon de la 1ère Demi-brigade légère (448 hommes).

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Mouvements dans les cantonnemens de la Demi brigade
Le 16 decembre 1799 (25 frimaire an 8) nous allâmes occuper les villages d'Ach, de Dettlingen, de Ridolf et de Neeftembach.
Le 28 (7 nivôse) la 5e compagnie du 1er bataillon à laquelle je venais de passer se rendit à Oberstammen, Niederstammen, et Nieder Nufferen
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée d'Helvétie franchissant le Rhin, fin 1799 (Nafziger - 799XCO)

Division : Général de Division Menard
1ère Demi-brigade légère, 3 Bataillons, 2451 hommes

Source : Gachot, E. La Campagne d'Helvetie (l799), Paris, l924

Armée française du Rhin, fin décembre 1799 (Nafziger - 799LCL)

Commandant : Général Moreau

Aile Doite : Lieutenant général Lecourbe (dans Zurich)
Division : Général de Division Vandamme
Brigades : Généraux de Brigade Jardon, Laval, et Molitor
1ère Demi-brigade légère

Signalons, avant d'en finir avec l'année 1799, que certaines situations donnent des éléments de la 1ère Légère à l'Armée d'Italie, en mars :

Armée française d'Italie, 19 mars 1799 (Nafziger - 799CMB)

Commandant : Général Schérer

Division Serrurier
Brigade Meyer : 1ère Demi-brigade légère, 940 hommes

Source : Miliutin, “Geschichte des krieges Russlands mit Frankreich under der Regierung Kaiser Paul's I. im Jahr 1799”, volume 1 page Munich: 1856.

Par ailleurs, le 1er novembre, les Compagnies auxiliaires de la 1ère Légère (192 hommes) sont transportées à Héricourt en Caux ; elles y resteront jusqu'au 6 juin 1800.

D/ Campagne de 1800

1/ Premières opérations entre Rhin et Danube - Armée du Rhin

Avant de reprendre le récit des opérations auxquelles participa la 1ère Légère en 1800, il est nécessaire de jeter un coup d'oeil rapide sur la situation générale.

Bonaparte, laissant à Kléber le commandement de l'armée d'égypte, est rentré en France; il a été reçu en sauveur. La journée du 18 brumaire (8 novembre) le place à la tête du gouvernement. Le 5 nivôse (26 décembre), le Premier Consul écrit au Roi d'Angleterre et à l'Empereur d'Allemagne pour demander la paix. Les réponses négatives des deux cabinets rendent en France la guerre populaire et une levée de 100 000 conscrits est accordée d'enthousiasme par le Corps législatif. C'est alors que Bonaparte conçoit le merveilleux plan de campagne qui devait avoir son dénouement à Marengo.

Nos adversaires (nous avons encore contre nous : l'Autriche, la Bavière, le Wurtemberg et la principauté de Mayence soudoyée par l'or anglais. La Prusse persiste dans sa neutralité. La Russie s'est retirée de la coalition) ont sur pied deux grandes armées de 120 000 hommes chacune : celle d'Italie commandée par Mélas et celle du Rhin commandée par de Kray (l'Archiduc Charles s'est montré favorable à la paix et a été remplacé par de Kray). Celle-ci s'étend de Mayence aux sources du Rhin par où elle communique avec l'Italie.

Laissant à Masséna le soin de défendre de son mieux avec 36 000 hommes notre frontière du sud-est, Bonaparte porte à 130 000 hommes l'armée du Rhin sur laquelle il semble avoir concentré toute son attention. Il la confie à Moreau avec mission de repousser de Kray en Bavière et de couper ses communications avec Mélas, afin de déblayer le terrain et de permettre ainsi l'intervention décisive d'une armée de réserve qu'il va former secrètement et dont il se réserve à lui-mème le commandement.

La 1ère Légère avec ses 3 Bataillons de guerre entre au commencement de janvier 1800 dans la composition de l'Armée du Rhin à l'aile droite (Division Lorge). En janvier 1800 toujours, elle aligne 2614 hommes.

L'Etat militaire de la République Française de l'an 8 (1799-1800) indique : 1ère Demi-brigade légère, à l'Armée du Rhin :
Chef de Brigade C. Gaulois; Chefs du 1er Bataillon, CC. Dupont; du 2e Bataillon, Lejeune; du 3e Bataillon, Gastelais. Adjudants-majors, du 1er Bataillon, Thierry; du 2e Bataillon, Denechaux; du 3e Bataillon, Frabourg. Quartiers-maîtres-trésoriers, Fremont, Garein. Chirurgiens-majors, Deuzau, Jossont, Bonnefoy.
1er Bataillon : Capitaines CC. Bommart, Carabiniers; Vautier, Lavrillot, Démollin, Choueller, Levacher, Sacré, Bertin, Thorin. Lieutenants Moutosse, Dewoye, Tison, Roblin, Willio, Stecklin, Witmer, Bouillet, Joannes; Sous-lieutenants Bouillet, Timmermann, Gaillard, Lenormand, Boutin, LaThuile, Duthilt, Delaunay, Lambert.
2e Bataillon : Capitaines Kolwenbach Carabiniers; Bauwens, Babo, David, Simmonet, Maes, Grime, Brinisholtz, Baudin; Lieutenants Maes, Reymecker, Durussel, Lehongre, Valdan, Moutin, Challot, Wirth, Guisbier; Sous-lieutenants Dénéchaux, Morice, Herwergh, Dumarche, Delobeau, Filet, Leblanc, Saget, X.
3e Bataillon : Capitaines Vauderheeren, Carabiniers; Merle, Marin, Godefroi, Vancatsem, Emmerecks, Montuir, Lange, Gabut; Lieutenants Henrion, Chomé, Betrenneux, Devienne, Bouhon, Mesmer, Robert, Legendre, Barroux; Sous-lieutenants Poulain, Choueller, Chollet, Canche, Couchoud, Michel, Martin, Tombeur, X.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 20 février 1800 (1er ventôse an 8) le 2e bataillon alla remplacer le 1er sur le Rhin, vis à vis Schaffhouse; l'état major de la demi brigade et les carabiniers du 2e allèrent à Diessenhofen; la 5e du 1er fut à Reichlingen" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Masséna

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 1er mars (10 ventôse) le 1er bataillon se rendit à Oberville et Rudswille sur la Thur; le 3 (12) la 5e du 1er fut à Gudiswich et Zunichen, sur la route de Winterthur" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 mars 1800 (19 ventôse an 8), le Premier Consul écrit, depuis Paris à Berthier : "... Le citoyen Chavardès commandera les bataillons de la 1re et 2e légère" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 162).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 20 (29) tout le 1er bataillon se rendit à Ruddelfingen et à Trulichen, pour y remplacer notre 3e bataillon qui passait à l'armée d'Italie, corps d'observation du général Moncey, chargé de garder les passages des Alpes, au Saint Gothard" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 germinal (30 mars), le 1er Bataillon (997 hommes) passe à la Division Montchoisy (1ère de l'aile droite). Cette Division doit rester en Suisse pour y former le premier élément de l'Armée de réserve dont le Général Berthier prend le commandement en mai en attendant l'arrivée du 1er Consul. Les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère (1950 hommes) passent à la même date à la Division Vendamme (2ème de l'aile droite). La Demi-brigade, qui a été renforcée de 350 recrues, cantonne à Ustingen sur la Thur.

"Cette armée du Rhin, dit Thiers, quoique portant, comme les autres armées de la République, les haillons de la misère, était superbe ...... On n'aurait pas pu dire sans injustice que ses soldats étaient plus braves que ceux de l'armée d'Italie; mais ils présentaient toutes les qualités des troupes accomplies, ils étaient sages, sobres, disciplinés, instruits et intrépides. Les chefs étaient dignes des soldats". Plus loin, après avoir fait observer que dans cette armée les deux armes de la cavalerie et de l'artillerie se trouvent numériquement fort au-dessous des proportions ordinaires, le grand historien ajoute : "La qualité de l'infanterie permettait d'ailleurs de se passer de toutes les armes auxiliaires".

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 30 (9 germinal) nous fûmes derechef à l'abbaye de Rheinau sur le Rhin, où nous eûmes encore abondamment la table et le vin des moines" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le même 30 mars 1800 (9 germinal an 8), à Paris, "Le citoyen Joannon, Capitaine attaché à la 1re demi-brigade légère, adjoint à l'adjudant-général Isard, demande le grade de chef de bataillon ; il est capitaine depuis 1789 et employé dans les états-majors depuis l'an II". Le Premier Consul répond : "A la première bataille" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1165). 11 devint Chef de Bataillon à la 44e Deumi-brigade, et, après être allé à Saint-Domingue, fut attaché comme Officier supérieur à l'Etat-major du camp de Montreuil, puis de la Grande Armée ; il eut sa retraite en 1810.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 6 avril (16 germinal) nous allâmes à Frauenfeld, le 8 (18) à Wil, où le général Vandamme vint nous passer en revue le 14 (24). Il nous prévint que nous touchions au moment de la reprise des hostilités, et que nous porterions la guerre en Souabe. Ce même jour nous nous rendîmes à Bernau, le 15 (25) nous fûmes à Saint Gall et Morschwyl, le 18 (28) à Rheinegg, nous traversâmes Goldach, Rorschach et Arbon, où s'étaient rassemblés les généraux divisionnaires pour y recevoir leurs instructions sur les opérations auxquelles ils allaient prendre part dès l'ouverture de la campagne.
Le 21 (1er floréal) nous allâmes à Sainte Marguerite, d'où, après deux heures de repos, nous nous rendîmes sur la plaine d'Alstätten, où nous restâmes jusqu'à onze heures du soir, de là nous fûmes à Dallen.
Dans cette journée nous fîmes plus de neuf lieues, dans une étendue qui n'en avait pas trois, passant et repassant par la même route, en vue de l'ennemi sur certains points de la rive gauche, ayant tantôt la capotte roulée sur le sac et tantôt la portant par dessus l'habit, faisant à chaque fois le tour d'une montagne, de même que vingt comparses au théâtre font le tour d'une coulisse pour centupler leur nombre.
Le 23 (3 floréal) nous bivouaquâmes à Bischofszell, le 24 (4) à Sitterdorf, et le 25 (5) à Weinfelden
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Fig. 5a Porte drapeau en 1797 (vente Boersch de 1971) Fig. 5b Porte drapeau en 1797 (vente de 2011) Fig. 5 Porte drapeau d'après le Fichier Carl

L'Armée du Rhin, commandée par Moreau qui a pour mission de repousser de repousser Kray en Bavière et de couper ses communications avec l'Armée autrichienne d'Italie de Mélas, a été divisée en 4 Corps. Celui formant l'aile droite, commandé par le Général Lecourbe, "le plus habile des officiers de son temps dans la guerre de montagne" (Thiers), se rassemble entre Schaffouse et Diesenhoffen du 25 au 30 avril. Pendant ce temps, les corps du centre, de l'aile gauche et de la réserve, menaçant la Forêt-Noire, trompent le Maréchal de Kray sur la direction de notre attaque, puis, remontant le cours du Rhin, se rapprochent de notre droite.

Situation de l'Armée du Rhin le 25 avril 1800 (Nafziger)
Commandant en chef : Général Moreau
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
1ère Division Général de Division Montchoisy
Brigade Mainoni : 3e Bataillon de la 1ère Légère (913 hommes)
2ème Division Général de Division Vandamme
Brigade Molitor : ler et 2ème Bataillons de la 1ère Légère (1835 hommes)

Remarque : Il y a là une contradiction avec l'historique régimentaire pour qui le 1er Bataillon est à la Division Montchoisy et le 3e à la Division Vandamme

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Ouverture de la campagne de 1800
"Le premier Consul mit sous les ordres de Moreau qui était alors en Italie les armées du Rhin et d'Helvétie réunies en une seule. Le 25 avril (5 floréal), Moreau fit passer le Rhin au gros de son armée entre Strasbourg et Bâle et s'avança pour donner la main au corps d'armée de Lecourbe qui devait le passer en Suisse".

- Passage du Rhin à Reichlingen

Pendant ce temps, la division Vandamme formée de la 1re demi brigade d'infanterie légère, des 42e, 36e et 83e de ligne, sous les ordres des généraux de brigade Molitor et Laval, d'une compagnie de sapeurs du génie, d'une forte batterie d'artillerie, d'un équipage de pont et du 8e régiment de hussards se rassembla à Oberstammen ou elle bivouaqua les 28 et 29 avril (8 et 9 floréal).
Le 30 (10 floréal) toutes ces troupes s'approchèrent de Reichlingen hors de vue de l'ennemi, et bivouaquèrent en attendant les ordres de Lecourbe, commandant le corps d'armée d'Helvétie.
"La 1re demi brigade d'infanterie légère, passée dans des barques fut chargée de protéger la construction du pont".
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 11 floréal (1er mai), Lecourbe franchit à son tour le Rhin sur un pont jeté en une heure et demie à l'est de Schaffouse.

Le 1er mai 1800, le passage du Rhin doit se faire au village de Reichlingen. Le général Molitor est chargé de franchir le Rhin avec les premières troupes. Ces troupes ne se trouvent pas à l'heure dite au point indiqué ; alors, n'écoutant que son courage, le brave Général s'embarque avec quarante hommes de la 1re légère, et sautant sur la rive droite, il se jette à leur tête sur les avant-postes ennemis qu'il repousse. Deux Compagnies de la 36e de Ligne qui, avec leur Demi-brigade doivent demeurer en réserve, et se trouvent de garde sur le Rhin, voyant le passage commencé, se précipitent sans attendre d'ordres de leurs chefs dans les premiers bateaux sous leurs mains, débarquent, viennent en aide au détachement du Général Molitor, et tiennent ferme jusqu'à l'arrivée des deux premiers Bataillons de la 86e. Les troupes s'établissent ensuite à Gotterdingen, et les ponts ayant été établis vers midi, toute l'aile droite, vingt mille hommes, avec l'artillerie est transportée sur la rive ennemie (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 72).

Les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère passent le fleuve avec le Général Vandamme et enlèvent avec beaucoup d'entrain Biesingen

Deux Compagnies de la 1ère Légère marchent sur Stein d'où les Autrichiens sont repoussés. Dans cet engagement très vifs, sont blessés les Capitaines Nicolas Baudin et Hubert Houillon, le Lieutenant Charles Nicolas Fassin, et les Sous lieutenants Jacques Déchaux et Frédéric Hergwegh (capturé). Le Fourrier Jean Houillon, blessé à l'attaque de Stein, est nommé Sous lieutenant peu après.

Deux autres Compagnies se dirigent sur Paradies, Molitor avance sur Ramsen avec un autre bataillon de la 1re légère. Les Autrichiens se débandent, malgré l'appui de leur canon; une charge de cavalerie ennemie, dernier espoir, ne parvient pas à nous ébranler.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Cependant les troupes autrichiennes qui avaient pris position dans les environs, tombèrent dans un bois, entre Weillen et Ramsen, sur notre 2e bataillon et firent longtemps feu de 7 à 8 pièces d'artillerie. Comme la cavalerie française n'avait pas encore passé le fleuve, la 1re demi brigade d'infanterie légère, la plus avancée, fut vivement chargée par la cavalerie ennemie, et les tirailleurs nous disputèrent quelque temps le bois qui se trouve au dessus d'Emishoffen, sur la pente de Wolkenstein, mais l'arrivée successive de nos troupes força l'ennemi de plier et de se retirer sur Stockach.
Ce fut particulièrement le 2e bataillon de la 1re légère qui fut assailli par la cavalerie autrichienne, entre Emishoffen et la pente de Wolkenstein; et ce fut le 1er bataillon de cette demi brigade qui, jeté en entier dans le bois de Wolkenstein pour le fouiller, attiré par la vive fusillade qu'il entendait sur sa gauche, rabattant aussitôt sur ce point, et se montrant inopinément sur la crête, vers la plaine, à la hauteur des nombreux hussards lancés en tirailleurs, arriva juste à temps pour le dégager; dès sa première décharge, qui abattit bon nombre de ces hussards, le reste tourna bride et disparut comme une volée d'oiseaux fuyant le plomb du chasseur. Dès ce moment la division d'avant garde put se porter rapidement en avant.
La 1re légère perdit plus de cent hommes dans cette lutte ; le lieutenant Lathuile fut tué et les sous lieutenans Durant, Herwegt et Guisbier furent blessés de coups de sabre, faits prisonniers mais repris immédiatement.
Nous poussâmes l'ennemi jusqu'au soir, nous arrêtant à Moös, à la pointe du lac de Constance opposée à Bregenz. Ce même jour, le général Lecourbe fit encore capituler le château d'Hohentwiel; on y trouva quatre vingts canons et des munitions. Un passsage secondaire opéré à Paradis-Busingen avait eu plus de mal à réussir; mais à l'arrivée d'une colonne de secours envoyée de Reichlingen, les Autrichiens se retirèrent là aussi.
Ainsi commençait sous d'heureux auspices la campagne de 1800
(an 8); c'était une continuation de brillans succès, dirigés par un génie supérieur et par une volonté ferme qui donnait l'impulsion à toutes choses; sous la direction de Bonaparte, l'armée du Rhin devait indubitablement conserver sur l'ennemi l'ascendant que Masséna lui avait donné en terminant la campagne précédente" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 12 floréal (2 mai), la 1ère Légère campe sur les hauteurs de Singen qui bordent le ravin d'Engen.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Réunion de tous les corps de l'armée du Rhin
La marche des différens corps de l'armée du Rhin, partis des extrémités de la Suisse, de Strasbourg et de Reichlingen, fut si bien combinée, les ordres exécutés avec tant de ponctualité et les obstacles si heureusement surmontés, que les corps sous le commandement de Moreau et celui commandé par Lecourbe se trouvèrent réunis à la hauteur de Schaffhouse, et mis en ligne à point nommé.
Moreau appuyant sa droite à Smelingen sur la Wutach, et la gauche de Lecourbe liée à la droite du corps de réserve de Moreau, auquel se joignaient aussi les troupes commandées par Saint Cyr, on s'occupa le 2 mai (12 floréal) à former cette ligne et à régler les mouvemens qu'exécuterait le corps du centre pour s'y porter, en cas d'une bataille qui, dans ce moment, n'était pas prévue; ce corps, la veille, s'était avancé jusqu'à Neukirch, après avoir passé la Wutach. Dès ce moment, les deux armées du Rhin et d'Helvétie n'en formèrent plus qu'une sous le commandement supérieur de Moreau
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 13 floréal (3 mai) à 7 heures 1/2 du matin, Lecourbe porte son corps d'armée (25000 hommes) en 3 colonnes sur Stokach où se trouve l'arrière garde du Maréchal de Kray commandée par le Prince de Lorraine-Vaudemont. La ville renferme également les magasins autrichiens et sert de liaison entre Kray et le Vorarlberg occupé par le Prince de Reuss. La 1ère Légère (Division Vandamme, Brigade Molitor) fait partie de la colonne de droite conduite par Vandamme en personne. Elle prend un chemin de traverse, passe par Bodmann, franchit la Stokach à Wahlwies, arrive à Sernalingen, et, gagnant les hauteurs qui dominent la ville de Stokach, se trouve ainsi en position sur les arrières de l'ennemi. La ville est enlevée au pas de charge et l'infanterie autrichienne, après avoir vainement tenté de se reformer à l'est de la ville, est mise en déroute. Lecourbe prend à l'ennemi, indépendemment de ses immenses magasins, 4000 hommes, 500 chevaux et 8 canons.

En parallèle, pendant que notre droite remporte à Stokach une victoire relativement facile, Moreau avec le gros de ses forces bat de Kray à Engen. Ce dernier s'est replié sur Moesskirch.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Combats formant ensemble la bataille d'Engen (3 mai 1800 - 13 floréal an 8)
Dans cette bataille si glorieuse pour nos armes, entre autres pertes déplorablea pour la 1re légère, elle fit celle de mon bon camarade et ami Lafitte, de Calais, sergent major doué de toutes les qualités du coeur et de l'esprit, qui pendant l'action s'était placé comme curieux dans le troisième rang du front de bataille, dans le créneau derrière le sergent de remplacement serré en ce moment à hauteur du second rang derrière le capitaine commandant le peloton; toute la file fut emportée par un boulet ; le capitaine et le sergent furent tués, et mon ami eut une cuisse fracturée ; il mourut après l'amputation qu'il supporta avec une force admirable. Il emporta les regrets de ses chefs et de ses camarades.
La belle conduite que tinrent, dans celte journée, les nommés Masselin Joseph sergent, et Moissand Jacques carabinier, tous deux de la 1re légère, leur valut plus tard un fusil d'honneur, puis la décoration
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 4 mai, l'armée entière se prépare à continuer la marche vers le Danube, pendant que de Kray prenait position à Moesskirch, pour tenter encore le sort des armes avant de nous céder la rive droite du fleuve allemand. La 1ère Légère bivouaque à Bondorf.

Le 15 floréal (5 mai) à 4 heures du matin, Lecourbe, formant l'avant-garde, se met en marche directement de Stokach sur Moesskirch. Toutefois, pour couvrir sa droite en prévision de l'arrivée possible du Prince de Reuss, et intercepter les roules de Pfüllendorf et de Mengen, il fait passer par Solgersweiler et Klosterwald la Brigade Molitor de la Division Vandamme. La 1ère Légère marche en tête de cette Brigade où se trouvent les 36e et 94e de Ligne.

Pendant que la Brigade de Molitor exécute le long détour qui va l'amener sur le flanc gauche des Autrichiens, Lecourbe essaye vainement avec ses autres Divisions de déboucher des bois qui précèdent le terrain découvert au fond duquel est située la petite ville de Moesskirch.

Après d'héroïques tentatives pour aborder de front, puis à gauche, la position ennemie, au moment même où les 38e et 67e Demi-brigades enlèvent sur la gauche le village de Heudorf et les hauteurs boisées qui le dominent, la 1ère Demi-brigade Légère, culbutant les troupes de Vaudemont (aile gauche allemande) arrive devant la face sud-est de Moesskirch. L'infanterie autrichienne établie dans les faubourgs, la reçoit par un feu meurtrier. Elle s'élance alors au pas de course et, pendant que deux autres Bataillons de la Brigade tournent la position par le nord, elle pénètre la première dans la ville, chassant l'ennemi devant ses baïonnettes.

Pendant le reste de la journée, les Divisions Vandamme et Montrichard du corps Lecourbe contiennent la réserve autrichienne à Rohrdorf et permettent ainsi à Moreau de résister d'abord victorieusement aux grands efforts que de Kray tente au centre et à sa droite et de battre enfin l'armée autrichienne enfoncée sur tout le front. L'obscurité de la nuit met fin au combat et couvre la retraite de l'ennemi.

Les Autrichiens ont perdu 8000 hommes tués, blessés ou pris, et 5 canons. Les pertes des Français ne dépassent pas 2000 hommes. Le Général Dessolles, Chef d'Etat-major général de l'armée, termine par ces mots le rapport qu'il adresse au Premier Consul : "Si je voulais vous citer tous ceux qui ont montré du courage et du dévouement dans cette journée, je devrais vous nommer tous les soldats qui ont combattu".

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Bataille de Moeskirch (5 mai 1800 - 15 floréal an 5)
Cette bataille, longue et meurtrière, fut glorieuse pour l'armée ; notre demi brigade s'y distingua, quoique souvent employée en tirailleurs; une de nos compagnies de carabiniers prit, à elle seule, 6 à 700 Autrichiens et une pièce de canon
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

2/ Armée du Rhin - Les Autrichiens sont rejetés sur Ulm

De Kray se réfugie sur la rive gauche du Danube. Moreau continue alors sa marche en avant en maintenant presque toutes ses forces sur la rive droite et en présentant un front perpendiculaire au cours du fleuve. Lecourbe quant à lui, à l'aile droite, surveille toujours les Alpes et détache une Brigade vers le lac de Constance.

Le Capitaine Duthilt raconte : "L'armée s'élança bientôt sur la route de Vienne qui lui était ouverte, et peu de jours après elle occupait Augsbourg et Munich, capitale de la Bavière, ou le général Moreau fixa, pendant un peu de temps, son quartier général" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La 1ère Légère campe les 16 et 17 floréal (6 et 7 mai), à Eggerskirch; le 18 floréal (8 mai), à Bergetreitte; le 19 floréal (9 mai), à Leutkirch.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le lendemain 6 (16) nous nous portâmes à Murendorf ; le 7 (17) à l'abbaye de Solmansweier; le 8 (18) à Ravensbourg; le 9 (19) nous passâmes à Weingarten et nous fûmes bivouaquer près de Reftenbach" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Sergent de carabiniers 1er léger 1797 Boersch Sous officier de carabiniers 1er léger Boersch carabiniers 1er léger Boersch Carabinier 1er léger 1797 Carl
Fig. 6bb Sergent major de Carabiniers en 1797 (vente de 1971) Fig. 6b Caporal de Carabiniers en 1797 (vente de 2011) Fig. 6ba Carabiniers en 1797 (vente de 2011) Fig. 6

Ce jour-là, Saint-Cyr bat à Biberach l'armée autrichienne. De Kray avait brusquement repassé le Danube et s'était mis en bataille sur les hauteurs qui bordent la Riess, tant pour couvrir les vastes approvisionnements des places de Biberach et de Memmingen que pour essayer de surprendre nos colonnes en marche. Repoussé de Biberach, mais conservant encore l'espoir de rallier le Prince de Reuss, le Général en chef autrichien, avant de se réfugier définitivement à l'abri d'Ulm, envoie un gros détachement à Memmingen.

Cette ville, importante par sa position même et par les magasins qu'elle contient, est sur l'itinéraire de Lecourbe qui se dispose à l'attaquer le 20 floréal (10 mai), lorsqu'il reçoit l'ordre d'envoyer la Division Vandamme rejoindre les flanqueurs détachés déjà de cette Division avec le Général Lewal, dès le lendemain de la bataille de Moesskirch. Les troupes du Prince de Reuss avec lesquelles de Kray voulait se relier préoccupent aussi le Général Moreau, qui a cru nécessaire d'employer une Division entière à couvrir le flanc droit de l'armée.

Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 mai 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef Général Moreau
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
1ère Division : Général Vandamme
Capitaine Boucher, de la 1ère Légère, attaché à l'Etat-major de la Division
Brigades : Généraux de brigade Laval & Molitor
36ème Demi-brigade (3) (2126)
83ème Demi-brigade (3) (2667)
94ème Demi-brigade (3) (2458)
1ère Demi-brigade Légère (2) (1764)

Centre : Lieutenant général Gouvion Saint-Cyr
Etat-major : Lieutenant Manie, Adjoint de l'Adjudant général Lacroix

Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829

Laissant donc Lecourbe avec les Divisions Montrichard et Lorge franchir l'Iller en face d'Aitrach et d'Egelsée et enlever Memmingen, la 1ère Légère, avec le Général Molitor, prend une direction au sud en passant par Gebratzhoffen, Eglofs, Lidenberg. Elle rejoint ainsi la Brigade Lewal qui s'est déjà emparée de Rasensbourg, Wangen, Isny et Lindau et a par conséquent refoulé les détachements du Prince de Reuss jusqu'à l'extrémité sud-est du lac de Constance.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 10 (20) notre bivouac fut porté à Kilsbeck, après avoir traversé Vilfach, et le 11 (21) nous le portâmes auprès de Lindau.

- Prise de Bregenz

Le 12 mai 1800 (22 floréal an 8) nous entrâmes dans Bregenz, ville du Tyrol allemand, prise de la veille par le général Molitor.
Cette ville, située sur le lac de Constance, à deux lieues Sud Est de Lindau, est ouverte et protégée par un vieux château, mais mieux encore par la nature : ses abords, du côté de Lindau, n'étant praticables que par un défilé d'une demi lieue de longueur, où la route est resserrée entre les montagnes et le lac, à un quart de lieue de distance de Bregenz; et ce défilé est barré par des murs et des retranchemens peu distans les uns des autres; la côte du lac est plate et défendue contre les débarquemens, qu'on tenterait de la Suisse, par des pieux serrés.
Les communications de Bregenz avec la Souabe orientale par Wangen et Isny, sont très multipliées et praticables pour toutes sortes de voitures. Elles sont bornées au Nord Est par la chaîne de Bregenzwald qui part de Thannberg, sépare les versans de la Bregenz d'avec ceux de l'Iller, et vient s'abaisser vers Riffensberg, où passe la moins bonne de ses communications. Pour couvrir Bregenz de ce côté, il faut nécessairement occuper Wangen, Staufen et Sibratshofen qui tiennent la tête des chemins. De Bregenz à Feldkirch la vallée est large et la route continuellement praticable.
Nous nous trouvions enclavés dans le cercle du Vorarlberg qui comprend les seigneuries de Bregenz, de Feldkirch, de Bludenz et de Hohenems, en tout 16 bailliages, fournissant deux réquisitions ordinaires pour la défense du pays; la première de 3.000 hommes, composée de jeunes gens non mariés ; la seconde, aussi de 3.000 hommes pris parmi les hommes mariés; et lorsque le pays est menacé par l'ennemi, la première réquisition marche; si le péril devient pressant, on a recours à la seconde ; enfin, dans les dangers imminens, le peuple se lève en masse. La levée en masse, à l'époque où nous étions, était de 10.500 hommes, égale à celle faite en même temps dans la partie du Tyrol proprement dit. Chaque homme est armé, équipé et habillé; il paie son arme et son habillement par une retenue journalière de quinze centimes ; sa solde étant d'un franc quinze centimes, reste un franc par jour.
L'uniforme est gris, paremens et revers verts pour les chasseurs, rouge pour les carabiniers, compagnies formées des meilleurs tireurs; chapeau rond, forme haute et effilée, le bord du chapeau relevé sur le côté gauche, et bordé d'une gance verte ou rouge selon la couleur des paremens. Ces levées sont requises à chaque fois pour quarante deux jours de service, après quoi elles sont licenciées à moins que les Etats ne renouvellent la réquisition.
Tels étaient sur ce point les ennemis que nous avions à surveiller, et quelquefois à combattre ; et, en raison de leurs connaissances locales, nous devions nous prémunir sans cesse contre eux, car ils ne laissaient échapper aucune occasion qui leur fut favorable pour nous nuire.
En arrivant à Bregenz nous eûmes de moins à surveiller la flottille autrichienne qui avait été établie sur le lac de Constance, composée de dix sept chaloupes canonnières armées par les soins de l'anglais Williams, et qui tomba au pouvoir de la flottille française, armée en Suisse ; le capitaine Williams se sauva par terre, et abandonna le lac de Constance comme il avait précédemment abandonné celui de Zurich.
Nous ne fîmes que traverser Bregenz et de suite nous prîmes poste au dessus du pont de l'Ach, à l'entrée de la vallée qui mêne à Feldkirch. Nous nous étendîmes à droite sur la rive droite de cette rivière, observant en outre le Fruchtal et la route de Feldkirch.
Le 13 mai 1800 (23 floréal an 8) nous reçûmes l'ordre de nous rendre à Isny, passant par Bregenz et Wangen
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 14 mai 1800 (24 floréal an 8), Bonaparte écrit depuis Lausanne au Général Dupont, Chef d'Etat-major de l'Armée de Réserve : "... Prévenez le général Moncey que, d'après l'arrêté des Consuls de la République, le général Moreau détache de son armée les troupes ci-après, qui seront aux ordres du général Moncey, savoir :
Un bataillon de la 102e demi-brigade;
Un bataillon de la 1re légère;
Deux bataillons de la 101e demi-brigade;
Ces quatre bataillons, déjà aux ordres du général Moncey, forment un corps de plus de 3,000 hommes ...
" (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 4792; De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 361).

Le 14 mai 1800, l'aile droite est réorganisée en deux Divisions et une Réserve. La Division Vandamme 1re, est composée des 1re et 10e Légères, des 36e, 83e, 94e de Ligne, du 7e et 8e de Hussards, de six pièces de position (Du Casse (A.) : "Le Général Vandamme et sa correspondance", Paris, Didier, 1870, t. 2, p. 78).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 14 (24) nous fûmes à Grönenbach, au delà de l'lller; le 16 (26) nous retournâmes à lsny; le 18 (28) nous fûmes à Hemmerskirch et villages voisins, sur la route de Bregenz, observant les habitans de Bregenzwald restés en armes" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Selon l'historique régimentaire, le 30 floréal (20 mai), le Général Molitor prend le commandement des flanqueurs de droite, qui forment dès lors une Division indépendante, dans laquelle la 1ère Légère fait partie de la Brigade Jardon.

"... Elle (l'aile droite) continua donc de marcher en ligne avec l'armée, et se contenta de laisser
en face du prince de Reuss un petit corps de flanqueurs, dont le lieutenant-général Lecourbe me donna le commandement, le 3 prairial.
Je quittai en conséquence la première division, et je me rendis le même jour à Kempten. J'y trouvai la 83e demi-brigade, avec le 7e de hussards; les 1er et 2e bataillons de la 1re légère étaient dans les environs d'Isni. C'était tout ce qui composait le corps qui devait contenir l'aile gauche de l'armée impériale
" (OPéRATIONS DU CORPS DES FLANQUEURS DE DROITE, COMMANDé PAR LE GéNéRAL DE BRIGADE MOLITOR; de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829).

3/ Armée du Rhin - Les Autrichiens sont chassés du Vorarlberg et des Grisons.

Le 1er prairial (21 mai), Molitor décide de prendre Brégenz. Dans la nuit du 4 au 5 prairial (23 au 24 mai), la 1ère Légère (aile droite de la Division) ayant sa droite au lac de Constance se distingue à l'attaque de Brégenz fortement occupée par l'ennemi. Le 4 prairial (23 mai), le Lieutenant Guisbier est blessé. Le 5 (24 mai), l'héroïque dévouement du Chasseur François Certout nous rend maîtres d'une porte de la ville : "en se jettant le premier à la nage dans le lac de Constance, Certout parvint sur l'autre rive, malgré le feu de l'ennemi et ouvrit la porte de la place".

Le trait de courage du Chasseur Certout a été reproduit dans un album publié en 1823 chez Rapilly à Paris et ayant pour titre : LE LIVRE DES JEUNES BRAVES ou ETRENNES MILITAIRES dédiées aux enfants des héros français. "A l'affaire du 24 mai 1800, dit l'ouvrage ci-dessus, Certoux (sic), chasseur à la 1re demi-brigade d'Infanterie légère, contribua d'une manière particulière à la reprise de Brégentz, en se précipitant le premier dans le lac de Constance et en s'avançant intrépidement à la nage, au milieu d'une grêle de balles et de mitraille, jusqu'au pont de cette place dont il ouvrit la porte. Un fusil d'honneur fut la récompense du courage que le chasseur Certoux déploya dans cette occasion".

Plusieurs de ses camarades suivent son exemple. Le Sous-lieutenant Delaunay se fait particulièrement remarquer dans ce combat qui amena la prise de la place. Il est nommé Lieutenant peu après par le Général en chef Moreau "pour la bravoure distinguée dont il avait fait preuve". Quant à Certout, il reçoit par arrêté du Premier Consul en date du 26 messidor an VIII, un fusil d'honneur; c'est la première arme de ce genre donné à la 1ère Légère. Les armes d'honneur étaient données en récompense aux soldats romains. Le Premier Consul en établit l'usage dans nos armées par décret du 4 nivôse an VIII (25 décembre 1799). Aux hommes d'infanterie on donnait des fusils d'honneur dont toutes les garnitures étaient en argent. Les Officiers recevaient des sabres d'honneur; les tambours, des baguettes. A l'organisation de la Légion d'honneur, il y avait 4000 officiers ou soldats ayant des armes d'honneur. Ils furent les premiers légionnaires.

"Quelques jours avant mon arrivée, deux bataillons de la 102e, qui occupaient le Rheinthal et Bregenz, étaient partis pour l'Italie et avaient quitté, sans y avoir été relevés, ces importantes positions. Aussitôt l'ennemi fait entrer deux bataillons dans Bregenz, passe le Rhin à Ragatz, et pénètre en Suisse.
Il n'y avait pas de temps à perdre pour réparer ce désavantage ; il fallait rétablir notre ligne d'opérations en Suisse, et reprendre Bregenz, qui alors était un point d'appui indispensable pour mon corps de flanqueurs. Ce poste important fut donc attaqué et enlevé de vive force le 4 , à onze heures du soir. Les deux bataillons de la 102e eurent ordre de rétrograder, firent repasser le Rhin à l'ennemi, qui s'était avancé jusque près de Saint-Gall, et reprirent leurs positions dans le Rheinthal. Les détails de la reprise de Bregenz sont contenus dans le compte que j'en rendis alors au lieutenant-général Lecourbe, et dont voici à peu près le précis :
"Kempten, le 6 prairial au VIII.
MON GéNéRAL,
J'ai eu l'honneur de vous annoncer que Bregenz avait été attaqué et enlevé de vive force, dans la nuit du 4 au 5. Voici quelques détails sur cette expédition :
Le 1er bataillon de la 1re légère fut chargé de se porter d'Isni sur Bregenz, par la route qui passe à Heimenkirch. Le 2e bataillon eut ordre de s'avancer sur le même point, en débouchant par Weiler et Langen, pendant que le 2e de la 83e, placé en réserve, observerait les débouchés sur Immenstadt, en occupant Sibratshofen, Weiler et Steingarten. Le 1er bataillon, qui marchait avec une compagnie du 7e de hussards et une pièce de quatre, rencontra, à une lieue de Bregenz, les avant-postes ennemis. Ceux-ci se replièrent sans beaucoup de résistance sur la ville ; il était onze heures de la nuit, lorsque la colonne arriva aux portes. La première entrée était flanquée de murailles et de palissades, à l'abri desquelles l'ennemi faisait un feu assez vif. L'obscurité empêchait de faire beaucoup de dispositions, et l'on se décida à attaquer de front. Le sous-lieutenant Delaunay, avec quelques chasseurs, escalade la muraille et la palissade, tandis que le chasseur Certout se jette à la nage dans le lac, pour tourner la gauche de l'entrée. Les uns et les autres parviennent bientôt dans l'intérieur de la porte, font mettre bas les armes au poste ennemi qui la défendait (ce poste était commandé par un capitaine), et ouvrent le passage à la colonne. Celle-ci s'avance au pas de charge et renverse tous les obstacles. L'ennemi, surpris de nous sentir tout-à-conp dans ses rangs, se débande et prend la fuite. On le poursuit, l'épée dans les reins, jusqu'au delà de la Bregenz, où la colonne prit position.
Le 2e bataillon, qui devait déboucher par Weiler, éprouva plus de difficultés. Ce passage fut vivement défendu par le régiment de Bachmann, et ne fut emporté qu'après trois heures d'un combat opiniâtre. Cette circonstance, jointe aux mauvais chemins que ce bataillon rencontra, fut cause qu'il n'arriva à Bregenz qu'après que ce poste avait été forcé. Je suis d'autant plus fâché du retard qu'a éprouvé cette colonne, que devant déboucher sur les derrières de la ville, elle eut coupé toute retraite à l'ennemi.
Bregenz était défendu par 900 hommes infanterie, Weiler par 700 hommes, tant du régiment de Kayser que de la légion Bachmann et des chasseurs du Vorarlberg. L'ennemi a laissé plus de 50 morts sur le champ de bataille; il a eu considérablement de blessés, et nous lui avons fait 60 prisonniers, dont un officier. Les 1er et 2e bataillons de la 1re légère se sont très bien conduits.
Je vous prie, mon Général, de faire donner au sous-lieutenant Delaunay le grade de lieutenant, et un fusil d'honneur au chasseur Certout. Vous jugerez sans doute qu'ils ont bien mérité cette récompense nationale.
L'aide de camp Frestel, que le général Laval m'a laissé après son départ de Kempten, s'est aussi distingué à cette affaire ; il y a longtemps que le grade de capitaine est promis à cet officier; permettez que je vous demande aussi de l'avancement pour lui. Je vous donnerai incessamment des nouvelles sur les forces et la position du corps du prince de Reuss
"" (OPéRATIONS DU CORPS DES FLANQUEURS DE DROITE, COMMANDé PAR LE GéNéRAL DE BRIGADE MOLITOR; de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829).

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Reprise de Bregenz
La ville de Bregenz était restée sous la garde de quelques compagnies de la ligne, trop faibles pour fournir des postes et défendre ce point qui exigeait une grande surveillance; l'ennemi s'en empara un peu après notre départ; des troupes autrichiennes sorties du fort de Feldkirch, aidées par les miliciens du Fruchtal, y entrèrent le 24 mai (4 prairial) au soir ; nos deux bataillons se rassemblèrent le 25 (5) à Hemmerskirch et marchèrent de suite sur Bregenz; le 2e bataillon prit à gauche la route des montagnes de Bregenzwald pour arriver au revers de la ville, tournant le fort de Bregenz, tandis que notre 1er bataillon marchait par la vallée du lac de Constance.
Nous partîmes à minuit par une pluie torrentielle, et une obscurité si profonde que nous avions toutes les peines à distinguer la route et les hommes qui nous précédaient dans la marche. Dès que nous fûmes près des faibles feux des postes avancés de la ville, nos tirailleurs ne pouvant faire usage de leurs armes dont la poudre était par trop humide manoeuvrèrent pour les enlever à la baïonnette.
Parvenus à la porte de Bregenz sans avoir été découverts, et voulant aussi surprendre le poste principal gardant cette entrée, six ou sept hommes de notre avant garde se jetèrent dans le lac, tournèrent la porte, et paraissant inopinément derrière la garde autrichienne, endormie sous un auvent, et faiblement éclairée par un feu en plein air, nos chasseurs sautèrent sur les armes en faisceau, se firent ouvrir la porte fortement barricadée, et nous donnèrent les moyens d'entrer dans la ville sans tirer un seul coup de fusil. Tous reçurent à Roveredo un fusil d'honneur, puis, plus tard, la décoration.
Cette avant garde était commandée par le sous lieutenant Delaunay qui, pour ce fait, fut nommé lieutenant et choisi par le général Leval pour être son aide de camp.
Les Autrichiens, surpris dans Bregenz, en sortirent en désordre par la route de Feldkirch. Notre 2e bataillon, retardé dans sa marche par les eaux et l'obscurité plus intense dans le fond des vallées de ces hautes montagnes, ne put arriver à temps sur le revers de Bregenz pour occuper la route et couper la retraite aux Autrichiens ; nous ne pûmes leur prendre que quelques hommes dans la ville, le commandant et quinze chevaux abandonnés. Nous poursuivîmes les fuyards jusqu'au pont de l'Aach, malgré l'obscurité.
Le général Jardon qui nous commandait dans cette expédition, fit établir son logement dans une des maisons voisines de ce pont, pour être plus à portée de surveiller lui même les mouvemens de l'ennemi, dans les montagnes et dans la vallée de Feldkirch.
Je ne puis me refuser au plaisir de raconter ici quelques faits concernant le général Jardon, surnommé l'Invulnérable :

"Il était d'une simplicité extrême dans toutes ses actions, et presque toujours négligé dans ses vêtemens; sa grande activité ne permettait pas à son domestique de tenir ses effets convenablement; il prenait le premier soldat venu pour faire sa cuisine, dans laquelle il n'entrait que ses rations; rarement on servait du gibier sur sa table, mais il suppléait à cette pénurie par une abondance de vin et d'eau de vie qu'il appelait le nerf de la guerre; pour cette raison il portait toujours sur lui, ou pendu à l'arçon de sa selle, un large flacon plat, garni en osier ou en cuir, rempli de l'une ou de l'autre liqueur. Sa conversation était assez spirituelle, d'autant plus gaie qu'il se servait fréquemment d'expressions liégeoises, accompagnées de l'accent de cette province. Son seul plaisir était de se battre, il ne respirait que les combats, et avec deux compagnies de grenadiers seulement, il n'aurait pas hésité d'attaquer tout un régiment hongrois.
Invitait-il à dîner quelques officiers de sa brigade, il leur proposait pour amusement de l'après dîner d'aller charger l'ennemi : c'était là son plaisir favori, il n'en connaissait pas de plus grand. Cette bravoure était augmentée en lui par la prévention des Liégeois ses compatriotes, pour les enfans nés coiffés et il était né ainsi. Il disait, avec l'air de la plus intime conviction que ni les balles ni les boulets ne pouvaient jamais atteindre sa personne; tous les événemens de ses campagnes parurent l'affermir dans cette espèce de fatalisme. Il ne se passa presque aucune affaire dans l'armée du Nord, où les chevaux, les aides de camp et les ordonnances de ce général n'eussent été tués ou grièvement blessés; pour lui, il ne reçut jamais que des balles mortes dans ses habits. C'était un singulier spectacle de voir ses chevaux mutilés de coups de feu, les oreilles percées, la chair du poitrail et la croupe emportées, tandis que le maître, exposé comme eux aux coups de l'ennemi, paraissait invulnérable. Au combat d'outre Meuse, où il détruisit une légion entière d'émigrés, il eut deux chevaux tués sous lui; il vit tomber à ses côtés son jeune neveu percé de cinq blessures mortelles ; un de ses aides de camp, ses ordonnances trouvèrent la mort près de lui, et il ne reçut pas la plus légère contusion ; une balle dirigée contre sa poitrine vint frapper la lame de son sabre qui fut brisé du coup ; une seconde balle cassa le pommeau dans sa main, sans être atteint seulement au petit doigt.
Toutes les fois qu'il allait à la découverte, une partie des siens étaient renversés par les décharges de la mousqueterie, souvent ceux qui l'entouraient tombaient pêle mêle à ses côtés, tandis que les balles semblaient n'arriver sur ses vêtemens qu'en y perdant tout leur effet. Il lui arriva d'attaquer avec 65 hommes 900 Autrichiens et de les mettre en déroute.
Dans une marche rétrograde dans la Forêt Noire, on le vit revenir d'une découverte en arrière où selon ses habitudes, il avait encore fait le coup de sabre, montant un cheval qui venait d'avoir le cou traversé d'une mitraille, sans que ce général s'en fût aperçu; on lui en fit faire la remarque et, mettant pied à terre, il fit une ligature au cou de son cheval avec sa cravate de soie noire, le remonta, continua la route jusqu'à ce que son domestique vint lui remettre le cheval qu'il montait et le dernier des quatre qu'il avait en entrant en campagne, qui ne faisait que s'ouvrir.
Cependant, sa coiffe protectrice ne lui prêta point son secours en Espagne en 1809, car au moment où il s'appuya sur le parapet d'une tranchée, au siège de Saragosse, pour examiner le mouvement qui se faisait dans une des batteries de la place, une balle vint le frapper au front et le tuer. Il n'était plus invulnérable
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Maître de Brégenz, Molitor porte ensuite la Division des flanqueurs à Kampten sur l'Iller, dit l'historique régimentaire.

"Aussitôt que j'eus connaissance des positions occupées par le corps d'armée qui m'était opposé, je disposai le corps de flanqueurs à mes ordres, de la manière suivante :
Deux bataillons de la 102e dans le Rheinthal , couvrant la Suisse : ils occupaient Ragatz, Azmoos, Seenwald, la Roche-Percée, Altstetten et Rheineck, couvrant les débouchés qui se rendent, de ces différens points, sur la Linth et la Thur.
Les 1er et 2e bataillons de la 1re légère étaient réunis sur Bregenz, fournissant trois compagnies sur Langen et Weiler, deux points très importans et auxquels aboutissent différens débouchés d'Immenstadt et du Bregenz-Wald.
Je fis camper un bataillon de la 83e en avant de Kempten, sur la rive droite de l'Iller, gardant la route de Fussen. Les deux autres bataillons de la même demi-brigade furent campés en avant de la même ville, sur la rive gauche de la rivière, gardant la route d'Immenstadt. Ces deux bataillons fournissaient 3 compagnies à Sibratshofen, Isni et Steingarten, pour assurer la route de Kempten à Bregenz. J'avais réuni, à Kempten , 4 compagnies de grenadiers et tout le 7e régiment de hussards.
Par ces dispositions, je me trouvai en masse sur les deux points où aboutissent les grands débouchés du Tyrol, Bregenz et Kempten; par l'occupation de Sibratshofen, Steingarten et Weiler, je couvrais la route de Kempten à Bregenz, sur une étendue de 14 lieues. Si l'ennemi eût tenté de pénétrer par cet intervalle, je pouvais me rabattre avec avantage sur lui; s'il eût attaqué de front mes deux principales positions, je pouvais encore me défendre avec espoir de succès. D'abord, sur le point de Kempten, j'eusse été attaqué par les deux grandes routes qui y aboutissent et qui viennent d'Immenstadt et de Fussen. Alors je faisais repasser l'Iller au bataillon campé sur la rive droite de cette rivière, et, après avoir brûlé le pont, je réunissais, sur la rive gauche les 3 bataillons de la 83e, les 4 compagnies de grenadiers, le régiment de hussards et 5 pièces d'artillerie, et j'attaquais, à mon tour, vigoureusement l'ennemi, qui aurait débouché par la route, d'immenstadt, et où il eût certainement été battu dans ce pays de chicane, dont j'avais bien reconnu d'avance tous les avantages. Par ce moyen, les deux points d'attaque de l'ennemi étaient réduits à un seul, sur lequel je portais rapidement toutes mes forces.
Si j'étais attaqué sur Bregenz, j'y pouvais être enveloppé, à la vérité, si l'ennemi eût forcé le poste de Langen ; mais ce poste était bien gardé, et, dans tous les cas, la flotille était toujours prête à soutenir la retraite des troupes sur Lindau, et à seconder la reprise de Bregenz, si j'eusse été forcé de le quitter un instant.
Ces positions prises, et les avantages que l'on pouvait en tirer étant bien reconnus, il fallait tâcher de donner continuellement à l'ennemi le change sur le nombre et la destination des troupes à ma disposition : il fallait, sur une étendue de 30 lieues, soutenir, avec 7 bataillons, une défensive offensive contre un corps d'armée de 25,000 hommes, sur lequel il était impossible de rien entreprendre, retranché comme il l'était dans les gorges du Tyrol. Il fallait, en un mot, imposer tellement à l'ennemi, qu'il n'osât former aucune entreprise sur moi, ce qui eût sans doute forcé l'aile droite à envoyer une de ses divisions à mon secours.
Quelque difficile qu'ait été cette lâche, elle a été néanmoins remplie par le petit corps de flanqueurs de droite. Ce corps était continuellement en mouvement; il ne cessait d'attaquer l'ennemi sur différens points, et toujours avec audace et succès; il faisait presque tous les jours des prisonniers, par le moyen desquels j'étais parfaitement instruit des mouvemens du prince de Reuss. L'attention scrupuleuse que j'ai apportée à ne pas me laisser prendre un seul homme, a privé le général ennemi du même avantage. Le prince de Reuss m'a toujours cru 10,000 hommes sur le seul point de Kempten ; il l'a cru jusqu'à la fin de la campagne. Néanmoins, pressé par sa cour, par les ordres du général Kray, et plus encore par le voeu des Tyroliens, ce général a été plusieurs fois à la veille de m'attaquer. Alors je le prévenais en l'attaquant moi-même, et ces attaques ont toujours été couronnées d'un plein succès.
Ces mouvemens décidés confirmaient le prince de Reuss dans son opinion sur la quantité de troupes qu'il me supposait, et, renonçant à toute entreprise, il se tenait sur la plus grande défensive à l'entrée du Tyrol
" (OPéRATIONS DU CORPS DES FLANQUEURS DE DROITE, COMMANDé PAR LE GéNéRAL DE BRIGADE MOLITOR; de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829).

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Marche de Bregenz à Fusach
Au dessus de Bregenz, à la droite de la route de Feldkirch, plusieurs ruisseaux, dont le principal est la Bregenz, inondent la plaine, la rendent marécageuse et presque impraticable. Après avoir traversé la Bregenz, la route se divise, la branche de droite suit le bord du lac, va passer le Rhin à Rheineck et conduit à Saint Gall en Suisse; celle de gauche remonte la vallée du Rhin en traversant les ruisseaux de Lautrach et de Dornbach et arrive en face des châteaux d'Hohenems, en sortant du village de Dornbüren. La route est enfilée au loin par ces châteaux, mais en se rapprochant d'eux, leur feu devient trop plongeant pour être dangereux.
Nous prîmes la première de ces deux routes dans le but d'établir notre communication par le Rhin, de Bregenz à Rheineck. Le 29 mai (9 prairial) nous nous y engageâmes et pour y parvenir il nous fallut repousser la milice du Fruchtal qui voulut s'opposer à notre marche; nous primes poste à Hart et à Fusach.
C'est une chose bien intéressante que de voir l'activité que déploient les femmes de cette contrée à confectionner des broderies de toute espèce, au crochet, et souvent d'un dessin très compliqué, sur des mousselines fabriquées à Saint Gall, travail long et dès lors peu lucratif pour ces pauvres femmes
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

De l'Iller, la Brigade Jardon est dirigée le 10 juin vers la Vertach pour couvrir la marche sur Augsbourg ordonnée par Moreau.

En arrivant sur les bords du cours d'eau, l'avant garde de la Brigade Jardon (1500 hommes), se trouve en présence de deux Bataillons du Prince de Reuss. Molitor est à l'avant-garde; il ordonne l'attaque ; en un clin d'oeil, dit le Lieutenant Guérin de la 1ère Légère dans ses notes manuscrites, les deux Bataillons sont enfoncés et capturés. La Brigade Jardon rejoint ensuite le reste de la Division à Kampten.

Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 juin 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef Général Moreau
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
Division : Général Nansouty
Brigade : Jardon
38e Demi-brigade (1) (573)
83e Demi-brigade (3) (2616)
102e Demi-brigade (2) (1385)
lère Demi-brigade Légère (2) (1416)

Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829

Pendant que Moreau contraint de Kray à abandonner Ulm et s'empare de Munich, Molitor retourne dans le Vorarlberg pour achever de chasser les derniers détachements que le Prince de Reuss a encore dans les Alpes Grises.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Passage du Rhin à Hocht
Le 11 juin (22 prairial) notre demi brigade et la 83e de ligne passèrent sur la rive gauche du Rhin, et allèrent loger à Oberried; le 12 (23) elles furent à Atmos; et le 13 (24) elles remontèrent le Rhin pour aller le repasser à Hocht, en présence des postes de la garnison de Feldkirch.
Une des barques employées à ce passage coula; le capitaine Bertin et les hommes de sa compagnie qui la montaient ne furent sauvés que par le dévouement de quelques nageurs. Le passage effectué, la 83e de ligne se porta à la droite sur Mayenfeld, et de là sur Coire, capitale des Grisons; notre demi brigade prit à la gauche, rabattant sur le fort de Feldkirch
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 4 juillet 1800, l'aile droite reçoit une nouvelle organisation. La 1ère Division est composée des troupes que commandait le Général Molitor et qui occupent déjà depuis longtemps les défilés du Voralberg et Kempten (trois Bataillons de la 83e de Ligne, trois de la 95e, deux de la 1ère Légère, 7e Régiment de Hussards). La 2e Division est celle de Gudin, à laquelle on ajoute la Brigade de réserve de Nansouty ; elle se trouve dès lors formée des Brigades d'infanterie Puthod et Laval (deux Bataillons de Grenadiers réunis, trois Bataillons de la 36e de ligne, trois de la 38e, trois de la 94e, deux de la 10e Légère), et de la Brigade de cavalerie de Nansouty (6e et 8e Hussards, 11e Dragons, 23e de Cavalerie). Enfin la 3e Division est celle de Montrichard, qui comprend les Brigades Schiner et Espagne (trois Bataillons de la 37e, trois de la 84e, trois de la 109e, un bataillon de la 10e Légère, 9e Régiment de hussards) (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 128).

Le Bulletin de l'Armée du Rhin, rédigé par le Général de Division Dessoles, Chef de l'Etat-major de cette armée, et successivement adressé sous la forme de rapports partiels au Ministre de la Guerre, déclare :
"XIV. Rapport du 19 au 28 messidor an VIII (8-17 juillet 1800).
La colonne du centre, commandée par le général Jardon, était forte de deux bataillons de la 1re légère et d'un bataillon de la 83e ; elle reçut l'ordre de passer le Rhin à Azmoos pour se diriger sur Feldkirch, après avoir fait sa jonction avec la colonne de droite. Le passage s'effectua sans peine ; mais le général Jardon, ayant été obligé de détacher des troupes sur Coire, et devant faire une très longue marche pour être en mesure d'attaquer Feldkirch en passant par Waduz et Schan, ne put pas arriver le même jour ...
La 1re et la 10e légère, les 36e, 38e, 83e et 94e de ligne, les 6e, 7e, 8e de hussards, ont soutenu la brillante réputation que toutes les actions où ils se sont trouvés, pendant le cours de cette campagne, leur ont acquise ...
" (de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829; ce Rapport figure dans les Papiers du Général Paul Grenier. XIV. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 51 page 114).

Entre temps, la Compagnie de Carabiniers du 2e Bataillon a rejoint le Corps de Lecourbe, avec lequel elle va rester jusqu'à la fin de l'année. Cette Compagnie est sérieusement engagée le 18 juin au passage du Danube : dans une charge à la baïonnette, le Carabinier François David mérita un fusil d'honneur pour avoir enlevé un drapeau aux Autrichiens (arrêté du 1er messidor an VIII).

Cette même Compagnie prend part, le 3 décembre à la bataille de Hohenlinden, que le Général Mathieu Dumas cite "comme une des plus mémorables de la Révolution par l'exécution la plus rigoureuse et la plus littérale du plan prémédité". Le Sergent Jean-Alexandre Masselin et le Carabinier Jacques Moisson gagnent dans cette journée un fusil d'honneur "pour s'être élancés à la baïonnette sur une batterie, avoir ramené plusieurs prisonniers et contribué par leur courage à la prise d'une pièce de 8".

Carabinier 1er Léger 1797
Fig. 6a Dessin de l'Historique régimentaire

Mais revenons à Molitor. Le 25 messidor (13 juillet), il attaque le camp retranché de Feldkirch qui défend l'entrée du Tyrol. Les gorges étroites et raides qui seules donnent accès à la vallée de Montafun rendent Feldkirch presque inabordable. Masséna lui-même a échoué devant cette place, l'année précédente. La Division des flanqueurs ne se laisse pas arrêter par ces difficultés : chaque corps est obligé d'opérer isolément. La 1ère Légère enlève les ouvrages de l'est. Le 2e Bataillon se distingue particulièrement en montant à l'assaut de ces ouvrages. Le Capitaine des Carabiniers Baumard et les Lieutenants Jean Gaillard et Emmanuel Lambert sont blessés.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Attaque et prise de Feldkirch
Nous ne tardâmes pas à rejoindre les postes ennemis débusqués de leurs positions au point du passage que nous venions d'effectuer et qui, appuyés des canonniers de la légion de Bachmann, suisses au service de l'Autriche, étaient venus de Feldkirch mais trop tard pour s'opposer au passage.
Nous avançâmes rapidement, et si nous ne parvînmes pas à leur enlever leurs deux pièces, nous nous en approchâmes assez pour nous saisir de quelques canonniers. Nous n'avions point d'artillerie, mais nous n'avions affaire sur ce point qu'à des corps perdus, maintenant sans communication. Nous marchâmes sur le champ en colonne d'attaque, ayant des tirailleurs en avant et sur notre flanc droit, balayant tout ce qui nous faisait obstacle; lorsque nous fûmes à la vue du fort, nous fîmes une charge rapide jusqu'aux premiers ouvrages, espérant de pouvoir les enlever d'emblée. Une pluie d'obus, de boulets, de mitraille lancés à la fois de toutes les batteries de front que nous attaquions, nous contraignit à faire un à droite pour nous jeter dans des abatis pour nous couvrir.
Nous rétrogradâmes jusqu'à l'angle d'un petit bois en arrière, hors de portée du canon, pour attendre soit un renfort de troupes, soit de l'artillerie, qui ne pouvait nous parvenir qu'après l'établissement du pont auquel travaillaient nos pontonniers.
Vers le soir, nous entendîmes une forte canonnade du côté de Bregenz, ce qui nous donna la certitude que la colonne française partie de ce point était arrivée sous Feldkirch. On décida pour le lendemain une nouvelle attaque; on plaça les postes de nuit, et on se reposa. L'ennemi se voyant attaqué de deux côtés, ne pouvant plus compter sur aucun secours, ses communications étant coupées de toutes parts, se décida à évacuer le fort pendant la nuit ; il se retira par la vallée de Bludenz. A cette résolution, le colonel Bachmann eut une vive altercation avec le commandant autrichien.
Les habitans de Feldkirch quoique armés et organisés, ne se défendirent pas et laissèrent entrer nos troupes dans la place; nous en fûmes informés par nos postes avancés et par nos reconnaissances en découverte dès le petit point du jour.
Nos carabiniers furent alors envoyés pour s'assurer de l'état de la place ; elle était effectivement évacuée, et ils y entrèrent en même temps que les troupes venues de Bregenz.
Feldkirch est entouré d'un fossé sec et d'un simple mur; il a un vieux château de peu d'importance, mais les Autrichiens y tiennent une garnison nombreuse en temps de guerre, et y construisent des ouvrages en terre assez considérables; la position de cette ville, entre les montagnes et le Rhin, au confluent de l'Ill, en fait la clé du Tyrol du côté de l'Helvétie
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation de l'Armée du Rhin au 15 juillet 1800 (Nafziger)
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
Division : Général Molitor
Brigade : Jardon
Grenadiers Combinés (2)
1ère et 10ème Demi-brigades Légères (3)
83ème et 95ème Demi-brigades (5)

Deux jours plus tard, l'armistice de Parsdorf suspend les hostilités jusqu'en décembre.

4/ Le 1er Bataillon à l'Armée de Réserve

Masséna

On se souvient que le 1er Bataillon de la 1ère Légère est resté en Suisse à la Division stationnaire, lorsque les 2e et 3e Bataillons franchirent le Rhin près de Schaffouse, le 1er mai. Ce Bataillon fait désormais partie de l'aile gauche de la fameuse armée de réserve.

Situation de l'Armée du Rhin le 1er mai 1800 (Nafziger)
Commandant en chef : Général Moreau
Aile gauche : Général Sainte-Suzanne
Division Helvétique : Général de Division Montchoisy
Brigade : Général de Brigade Mainony, lère Légère

Situation de l'Armée française en Allemagne au 10 mai 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef Général Moreau
Division stationnaire : Général de Division Montchoisy
1ère Demi-brigade Légère (1) (913)

Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829

Le 12 mai, après la prise de Memmingen, Moreau a envoyé à cette armée de réserve 17000 à 18000 hommes amenés par le Général Lorges à Moncey, chargé de les conduire en Italie par le Saint Gothard avec les troupes laissées en Suisse.

Le 28 Floréal an 8 (18 mai 1800), Moncey, Lieutenant du Général en chef, commandant l'Helvétie, écrit, depuis Berne, au Général Berthier, Général en chef de l'Armée de Réserve : "... En dernière analyse, et toujours dans la supposition que j'ai faite, je pourrai avoir au pied du Gothard, le 4 ou le 5 prairial, les troupes dont l'état est ci-joint :
Division La Poype ...
1 bataillon de la 1re légère, fort de 800 hommes. Cette force est, en partie au pied du Gothard, et y sera au plus tard au 1er ...
Sur ce rapport, je vous prie de me donner des ordres, qui ne pourront nécessairement être que conditionnels, et dont l'exécution sera subordonnée à l'arrivée des troupes ...
Le général Moreau m'avait donné l'ordre de faire porter à Bregenz le 1er bataillon de la 1re légère; je lui ai répondu que ce bataillon étant porté sur l'état des troupes à mes ordres, et que mes troupes devant être toutes au pied du Saint-Gothard, je ne pouvais en disposer pour ailleurs; qu'ainsi, il devait aviser aux moyens de se couvrir de ses troupes sur sa droite ...
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 365).

Selon un état de la "Force de l'Armée de réserve en Italie au 1er prairial an 8 (21 mai 1800", le Bataillon de la 1ère Légère, faisant partie de la "Colonne détachée de l'armée du Rhin pour renforcer l'armée de réserve", compte 924 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 679 - Note : La 1re légère n'est pas portée sur la situation primitivement établie ; Archives nationales, AF. 1V, registre 1159).

Le 4 Prairial an 8 (24 mai 1800), Moncey, Lieutenant du Général en chef de l'Armée de Réserve, commandant l'aile gauche, écrit, depuis Lucerne, à Bonaparte, Premier Consul de la République française : "Général Premier Consul,
J'ai l'honneur de vous accuser la réception de votre dépêche du 29 floréal.
Je serai le 8 en avant d'Airolo avec la 1re division et le 9 au plus tard avec mes deux divisions; je ne pourrai donc manœuvrer avec toutes mes forces sur Bellinzona que le 9 fort tard ou le 10 au matin. Je n'aurai, au plus, que 11,000 hommes, comme vous vous en convaincrez par l'état ci-joint.
Vous concevez facilement ce retard de vingt-quatre heures en voulant bien vous rappeler que je n'ai reçu mon premier avis que le 25 dans la nuit; qu'alors, je n'avais ni troupes, ni artillerie, ni chevaux de trait, ni chevaux de somme.
Mes subsistances étaient dispersées sur des points éloignés de celui où je dois me mettre en mouvement. Il a fallu tout créer, parce que rien n'existait à notre disposition. Nous n'aurons pas tout ce qu'il nous faudrait; mais nous suppléerons à ce qui nous manque par de la bonne volonté, de la constance et de la résignation; en un mot, pourvu que nous ne soyons obligés de rester dans la vallée Valentine que peu de jours, nous vaincrons les obstacles.
Dès qu'il me sera possible d'établir ma communication avec le Simplon, par le versant italien du Gothard, je le ferai.
Dans l'incertitude où je serai du jour où le général Berthier arrivera sur le Tessin, je serai obligé de tâtonner, lorsque je pourrais avoir et prendre une résolution plus hardie, si j'avais la certitude de son apparition sur le Tessin à jour fixe. Au reste, si l'ennemi se dégarnit, je le pousserai avec vigueur.
Je suis bien sensible, Général Premier Consul, aux marques de votre bienveillance, et je crois vous en rendre certain en vous assurant que mon attachement pour la République n'est égalé que par mon dévouement pour son premier magistrat.
MONCEY.
État des troupes arrivées.
3e bataillon de la 1re légère 800 hommes ...
... Infanterie qui reste à arriver.
1 – de la 1re légère ...
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 430).

"Ordre du jour de l'aile gauche.
Le 4 prairial an 8 (24 mai 1800).
Le général Moncey, lieutenant du général en chef de l'armée de réserve, commandant l'aile gauche, a établi ses divisions de la manière suivante :
1re Division.
Le général de division Lapoype.
Sous ses ordres, le général de brigade Chabert, chef de l'état-major de cette division ...
Le commissaire des guerres Souvestre fils.
Infanterie.
3 bataillons de la 1re légère ...
Afin de hâter l'expédition de tout ce qui est relatif au service, la hiérarchie militaire sera absolument observée dans les communications pour le service et dans les demandes de toute espèce. Les chefs de corps s'adresseront aux généraux de brigade, ceux-ci aux généraux de division qui les commandent et ces derniers au lieutenant, lorsqu'ils ne peuvent eux-mêmes satisfaire aux réclamations. Les commissaires des guerres correspondent avec l'ordonnateur et celui-ci avec le lieutenant. Les commandants des divisions d'artillerie avec le commandant en chef, ce dernier avec le lieutenant. Jusqu'au moment où une nouvelle organisation sera faite, le commandant de la réserve correspondra avec le lieutenant.
Les troupes sont prévenues que le général lieutenant s'occupe dans ce moment des moyens de faire distribuer à la troupe le peu d'argent qu'il a en caisse; tout ce qui s'y trouvera sera donné.
Les généraux de division, de brigade, commissaires des guerres et autres, se conformeront de suite au présent ordre du jour.
MONCEY
" (Livre d'ordres du Général Moncey - cité par De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 506).

Pendant que le gros de l'Armée de Réserve franchit le Saint-Bernard, sous les ordres directs du 1er Consul, Moncey échelonne les colonnes de l'aile gauche qui remontent la Reuss et pénètrent dans le val Levantine en refoulant tous les postes que Wukassowich a placé aux débouchés des montagnes.

Le Corps de Moncey n'a devant lui que des détachements. Le 1er Bataillon de la 1ère Légère (Division Latoype) descend du Saint-Gothard le 8 prairial (27 mai) avec un effectif de 850 hommes.

Vers le 27 ou 28 mai 1800, le Corps de Moncey (Division Lorge) comprend la 1re Légère, 1 Bataillon arrivé 800 hommes, 1 Bataillon annoncé, plus des renforts, soit 1800 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 4).

Le 10 (29 mai), au pont de la Moëza, les Lieutenants François Canche et Nicolas Barroux sont blessés dans un petit engagement. Les Sergents majors Fourcy de Gimont et Frémont se distinguent, de même que les Sergents Grave et Noirot (accès au dossier Noirot-Lemaire.pdf) se distinguent : ce dernier, qui s'était fait remarqué l'année précédente à Zurich, s'empare d'une pièce de canon. Grave obtient un fusil d'honneur; de Gimont et Frémont sont décorés ultérieurement (le 25 prairial an XII).

Le 30 mai 1800 (10 prairial an 8), le Sous-lieutenant Montaglas du 12e Chasseurs à cheval raconte : "Le 10, à cinq heures du matin, nous avons attaqué le pont de Bellinzona, situé à une lieue en arrière de cette ville. Ce pont a été attaqué à 2 heures de l'après-midi. Le général Digouet fut chargé de cette expédition. On ne fit que se tirailler jusqu'à la nuit sans avoir tenté le passage, ce qui aurait pu se faire sans une grande perte parce que l'ennemi n'était point assez fort pour le défendre. Quelques chasseurs de la 1re légère, qui étaient avec nous, furent tués. L'ennemi a perdu 27 hussards et une soixantaine de fantassins. Le commandant de la place de Bellinzona, qui défendait le passage de ce pont en vertu de l'ordre qui lui en avait été donné par son général, fut blessé au ventre d'un coup de feu.
La nuit survint et le feu cessa
" (Mémoires de Galy Montaglas in Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1907).

Le 17 prairial (6 juin), le Corps Moncey arrive à Milan.

Le 17 Prairial an 8 (6 juin 1800), Berthier, Général en chef de l'Armée de Réserve, écrit, depuis Milan, au Chef de l'Etat-major : "... Le général Lapoype fera le blocus de la citadelle avec la 1re d'infanterie légère, la 29e et la 91e.
Demain 18, le général Lapoype sera relevé du blocus de la citadelle par la division du général Lorge qui arrive de Côme et il partira à midi, s'il est relevé, pour se rendre en toute diligence à Pavie.
La cavalerie du général Lapoype partira à 2 heures (58) du matin pour Pavie, aux ordres du général Duvignau ...
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 190).

Le même 17 prairial an 8 (6 juin 1800), le Général de Division Dupont, Chef de l'Etat-major général de l'Armée de Réserve, écrit, depuis Milan, au Général de Division Lapoype : "L'intention du général en chef, citoyen Général, est que vous releviez sur-le-champ les troupes qui forment le blocus de la citadelle de Milan, par les troupes composant vote division, savoir : la 1re légère, la 29e et la 91e de ligne. Cette opération doit être exécutée sans perdre une minute de temps. Vous vous concerterez à ce sujet avec le général Moncey. Vous serez relevé demain au blocus par les troupes de la division Lorge, qui arrivent de Côme, et vous partirez aussitôt après pour vous rendre à Pavie avec votre division, et vous passerez le Pô, vis-à-vis Belgiojoso, pour vous réunir à l'armée sur la position de Stradella.
Les deux régiments de troupes à cheval que vous avez amené, ont également ordre de partir sous le commandement du général de brigade Duvignau
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 191).

Encore le 17 Prairial an 8 (6 juin 1800), le Général de Division Dupont, Chef de l'Etat-major général de l'Armée de Réserve, écrit, depuis Milan, au Général de Division Moncey, Lieutenant général du Général en chef : "Je vous préviens, Général, que le général Lapoype vient de recevoir l'ordre de relever sur-le-champ les troupes qui forment le blocus de la citadelle de Milan, par celles composant sa division, savoir: la 1re légère, la 29e et la 91e de ligne ...
Ci-joint l'ordre donné au général Lapoype, afin que vous veuillez bien le lui remettre. Les deux régiments de troupes à cheval, arrivés avec le général Lapoype, passent avec le général Duvignau
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 191).

Le lendemain, le Corps est passé en revue par le 1er Consul qui adresse aux soldats une de ces courtes allocutions dont il a le secret, allant droit aux coeurs et allumant dans les âmes le feu sacré.

Bonaparte charge Moncey de garder le Tessin face à l'ouest, et de le défendre à tous prix, dans le cas ou le Baron de Mélas par impossible tenterait de se faire jour par la rive gauche du Pô.

Situation de la Réserve, 1re ligne, au 20 Prairial an 8 (9 juin 1800) :
1re Légère, 1 Bataillon, 750 hommes; 2 Bataillons sont à l'aile droite de l'Armée du Rhin (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 535).

Autre Situation de la Première ligne de l'armée de réserve au 20 prairial an 8 (9 juin 1800).
Corps de troupes commandées par le Lieutenant général Moncey
1ère Légère, 1 Bataillon, 924 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 539 - Archives nationales, A. F. IV, registre, 1159).

Un État des troupes arrivées du Rhin sous les ordres du général Moncey (non daté) indique 850 hommes de la 1ère Légère (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 545).

Le 9 juin 1800 (20 prairial an 8), Bonaparte écrit depuis Milan, au Général Berthier, Commandant en chef de l'Armée de Réserve, à Pavie : "... Il faut penser à la défense du Tessin, à celle de l'Oglio ou de l'Adda, et enfin du pont de Plaisance. Il faut charger le général Moncey de toutes ces opérations.
Le général Lorges, avec les 2,000 Cisalpins de Lechi, un bataillon de la 12e légère, 2 bataillons de la 67e, et 400 chevaux des premiers qui arriveront du Rhin, formerait un camp volant destiné à couvrir Brescia et Crémone. Il manoeuvrerait selon les circonstances, pourrait se tenir entre la Chiese et Orzinovi. Ce corps serait successivement renforcé à mesure que la queue du général Moncey arriverait.
Un second corps, composé des 1,600 Cisalpins partis ce matin pour Plaisance, un bataillon de la 12e légère et un de la 1re, serait chargé de bloquer Pizzighettone et le château de Plaisance. Un général de brigade commanderait ce corps, se tiendrait avec le quart en réserve à Codogno, pour pouvoir, selon les circonstances, se porter au secours de Pizzighettone ou de Plaisance.
Le 3e corps, composé d'un bataillon de la 12e, un de la 1re et un de la 27e, formerait le blocus de la citadelle de Milan ...
" (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 4902 ; Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 5429 ; De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 270; donnée dans "Extraits des mémoires inédits de Victor").

Le Général de Division Lapoype, en exécution des ordres reçus le 9 juin, prend des dispositions pour surveiller toute la rive gauche du Pô entre la Sesia et le Tessin. Il écrit, de Pavie, le 21 Prairial an 8 (10 juin 1800), au Chef de l'Etat-major général de l'Armée de Réserve : "D'après les ordres du général en chef, citoyen Général, je viens de mettre en marche le 3e bataillon de la 1re légère, qui arrivera demain matin à Piève del Cairo, où doivent rester cinq compagnies de ce bataillon et deux se porteront à Lomello.
Ces compagnies pousseront des reconnaissances jusqu'à Frascarolo, très près de Valenza et éclaireront aussi les rives du Pô jusqu'à Sartirana et Brême.
Le général Digonnet se mettra en marche demain, lui-même avec les deux bataillons de la 29e de ligne, une pièce de 4 et un obusier; il se portera par Gropello jusqu'à Lomello, qui deviendra son point central.
Aussitôt que le 1er régiment de dragons sera arrivé, je lui enverrai deux escadrons, au moyen desquels il éclairera toutes les routes et les rives du Pô jusqu'à l'embouchure de la Sesia.
Le général Digonnet se charge, en outre, de surveiller, au moyen des espions, toutes les marches de l'ennemi.
Les deux bataillons de la 91e sous les ordres du général Chabert, restent pour couvrir Pavie en avant de San-Martino. Ce corps poussera des partis jusque sur les rives du Pô.
Je crois, citoyen Général, par ces dispositions, avoir rempli les intentions du général en chef.
Je vais rendre compte, au lieutenant général Moncey, des ordres que j'ai reçus et des dispositions que j'ai faites
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 292).

Le 22 Prairial an 8 (11 juin 1800), le Général de Division Lapoype écrit, depuis Pavie, au Lieutenant général Moncey : "J'ai l'honneur de vous faire passer, mon Général, une copie de la lettre que j'ai écrite au chef de l'état-major général pour lui rendre compte des dispositions que j'ai faites, d'après les ordres du général Berthier.
Il me parait qu'il faut savoir, d'une manière précise, les mouvements de l'ennemi sur la rive droite du Pô, et, pour cela, j'envoie jusqu'à Valenza, et même à l'embouchure de la Sesia. Je ne conserve rien pour la garnison de la place de Pavie; toute ma division est disponible et peut se porter, d'après vos ordres, sur tous les points, soit entre le Tessin et le Pô, soit de l'autre côté du Tessin.
Le général Bonaparte m'envoie un de ses aides de camp pour me prévenir de me tenir prêt à passer le Pô, peut-être dans la journée. Vous voyez comme tous les ordres se contredisent. D'après l'indication que l'on me donne, c'est sur le chemin de Pavie à Casatisma que je passerai le fleuve, au pont de Mezzana.
Le mouvement de Digonnet était achevé; sans quoi je l'eusse arrêté dans sa marche. Mais le bac qui devra me passer et qui n'est pas encore établi, me donnera le temps de faire revenir sa brigade aussitôt que l'ordre de passer le Pô me sera parvenu.
Les deux compagnies de la 1re légère n'ont point encore rejoint, et le général de Lort n'a pas fait relever la compagnie des carabiniers qui se trouve à Locarno. Celle de Côme, malgré l'ordre que vous aurez donné à Bonamy, y est restée.
Jugez, mon Général, combien il est désagréable, surtout quand on est très faible, de se voir ainsi disséminé.
J'attends vos ordres et ceux de Bonaparte, que je vous communiquerai de suite
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 304)

L'arrivée à l'armée du Général Desaix, les emplacements des différentes Divisions et les missions qu'elles ont à remplir, nécessitent un nouveau groupement des unités sous les ordres des Lieutenants du Général en chef. Le 22 Prairial an 8 (11 juin 1800), Berthier, Général en chef de l'Armée de Réserve, dresse au Chef de l'Etat-major général, depuis Stradella, une "Organisation de l'armée au 22 prairial ...
Le général Duhesme
La 1re légère, 29e de ligne, 91e id. commandées par le général Lapoype.
1re demi-brigade provisoire des dépôts d'Orient.
2e id. ...
Donnez, je vous prie, les ordres pour l'exécution de cette nouvelle disposition. Prévenez le général Marmont, le général Marescot et l'ordonnateur en chef, mes lieutenants et chacun des généraux de division.
Je voudrais avoir, le plus tôt possible, un état de l'emplacement de toutes les troupes composant l'armée et du présent sous les armes.
Faites distribuer dans les différentes divisions les papiers publics ci-joints.
Envoyez le Moniteur à chaque division
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 306).

Une situtation intitulée "Composition et force de l'armée à l'époque du 22 prairial an 8 (11 juin 1800)" indique :
Deux Divisions commandées par le Général Duhesme, Lieutenant du Général en chef;
Lapoype, Général commandant, 1re Légère, 852 hommes; 29e Bataille, 1032 hommes; 91e Bataille, 930 hommes;
2814 hommes
Général divisionnaire Chabran, Généraux de Brigade Brennier, Seriziat, 1ère Demi-brigade formée des Dépôts de l'Armée d'Orient, 811 hommes; 2e id., 1066 hommes; 3e id., 987 hommes; 12e Bataille, 509 hommes; 1er Escadron du 7e Chasseurs, 109 hommes;
3,482 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 309).

La Division Lapoype passe lentement sur la rive droite du Pô. Au Quartier-général on craint toujours que Mélas ne s'échappe par la rive gauche ou par l'Apennin. Le 23 Prairial an 8 (12 juin 1800), l'Adjudant général, Chef de l'Etat-major de la Division Lapoype, écrit, depuis Pavie, au Général Chef de l'Etat-major général de l'Armée de Réserve : "Malgré toute mon activité, je n'ai pu répondre plus tôt à votre lettre d'hier que j'ai reçue à 6 h. 1/2. Les troupes de la division, ayant fait divers mouvements, n'ont envoyé que ce soir les divers états que vous m'avez demandés. Ci-joint la force, sous les armes, des différents corps qui composent la division, ainsi que l'endroit où ils se trouvent actuellement.
L'ordre a été donné le 19 de ce mois, à tous les chefs de corps, de faire armer leurs sous-officiers ; ils y ont satisfait. Mais il y a 19 hommes des deux bataillons de la 29e de ligne non armés et il leur manque 17 baïonnettes.
La 91e de ligne a 50 cartouches par homme. Il manque à la 29e, 455 paquets pour le complet de 50; on les prendra à Casteggio.
Les troupes ont le pain et la viande jusqu'au 24 inclus. Le pain pour les 25 et 26 suivra la division.
L'ambulance suit toujours le quartier général de la division.
J'ai l'honneur de vous observer aussi, mon Général, qu'il reste sur la force des présents, 100 hommes de chaque brigade pour faire le service de la place de Pavie; on a choisi les malingres et c'est avec leurs armes et leurs cartouches que l'on pourra se compléter en guerre.
Salut et respect.
En l'absence du chef de l'état-major, PERDIGAU, Capitaine adjoint
".
Suit une "Situation des troupes composant la 1re division de l'aile gauche de l'armée de réserve à l'époque du 23 prairial an 8 (12 juin 1800)" qui indique : 1re Demi-brigade légère, 3e Bataillon, 15 Officiers et 623 hommes présents sous les armes; emplacement de la troupe à San-Martino (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 326).

Le 1er Bataillon de la 1ère Légère occupe Pavie jusqu'au 13 juin. Ce jour là, il passe le Pô à Belgioso et le 14, pendant que le Premier Consul termine la campagne dans les plaines de Marengo, il s'avance jusqu'à Ponte Curone, surveillant les derrières de l'armée principale et la reliant par la Stradella avec Pavie, Lodi et Plaisance.

Situation de l'armée de réserve au 25 prairial, avant Marengo.

Division Lapoype : 1ère Légère, 850 hommes; 29e de Ligne, 1632 hommes; 91e de Ligne, 980 hommes.
Total 3,462 hommes.

Cette Division reçut à Pontecurone, pendant la bataille, l'ordre de retourner sur la rive droite du Pô, et d'y prendre position.

Source : De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 372; Extraits des Mémoires inédits de feu Claude-Victor Perrin, duc de Bellune,... Siège de Toulon en 1793. Campagne de l'armée de réserve en l'an VIII (1800), suivie d'observations sur le récit de cette même campagne fait par M. Thiers dans son "Histoire du Consulat et de l'Empire" et de plus de 300 pièces justificatives".

La Situation de l'Armée de Réserve, le 25 Prairial an 8, indique :
Bonaparte, Premier Consul, commandant en personne.
Alexandre Berthier, Général en Chef.
Devant les places et en position sur les deux rives du Pô
Lieutenant général Moncey, Division Lapoype, 1ère Légère (Gaulois), 2 Bataillons, 850 hommes (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 548 - situation extraite de la Relation de la Bataille de Marengo, rédigée en 1805 au Ministère de la Guerre).

Le 15, l'armistice d'Alexandrie suspend les hostilités en Italie.

Après la journée de Marengo, le 1er Bataillon de la 1ère Légère se rend à Tortone.

Le 27 Prairial an 8 (16 juin 1800), dans la nuit, à 2 heures, Moncey, Lieutenant du Général en chef, écrit, depuis Milan, au Général en chef Berthier : "... Le 25e de cavalerie part dans l'instant pour Buffalora, avec une compagnie de grenadiers de la 67e et celle de carabiniers de la 1re légère ..." (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 475).

Le Général de division Lapoype écrit, depuis Tortone, le 29 Prairial an 8 (18 juin 1800), au Général de Division Dupont, Chef de l'Etat-major général : "Je vous préviens, citoyen Général, que ma division, composée de cinq bataillons, est disposée ainsi qu'il suit :
1 bataillon de la 1re légère, à la citadelle;
1 bataillon de la 29e de ligne, à la citadelle;
1 bataillon de la 29e de ligne, caserné dans la ville de Tortone;
2 bataillons de la 91e bivouaquent en avant de Tortone, entre cette place et la Scrivia.
D'après cela, je vous prie de proposer au général en chef de réunir la division dans la citadelle; je vous invite à me faire connaître ses intentions demain avant 8 heures du matin
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 490).

D'après un État de situation de l'armée de réserve à l'époque du 1er messidor an 8 (20 juin 1800), la 1ère Légère, forte de 850 hommes (Division Lapoype), doit être à Brescia, le 10 Messidor (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 531).

Le 4 Messidor an 8 (23 juin 1800), à Milan, Bonaparte, Premier Consul de la République, arrête : "ART. 1er. – L'armée d'Italie sera composée des demi-brigades et régiments ci-après, savoir :
Infanterie légère. – 1re, 3e, 6e, 7e, 8e, 9e, 12e, 13e, 19e, 20e, 24e, 25e, 28e ...
ART. 3. – Les dépôts des demi-brigades d'infanterie légère et de ligne, ainsi que des régiments des troupes à cheval et autres troupes qui restent à l'armée d'Italie, auront ordre de rejoindre l'armée.
ART. 4. – L'ordonnateur en chef et tous les agents des administrations qui ne seront pas jugés nécessaires pour le service de l'armée d'Italie retourneront à l'armée de réserve à Dijon.
ART. 5. – Le Ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent arrêté
" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 521).

Le 1er Bataillon part de Tortone le 4 messidor (23 juin), se met en route, par Voghera, la Stradella, Plaisance, Lodi, Crémone, Orsinovi, et prend ses cantonnements à Brescia, le 10 messidor (29 juin). Il se rend ensuite à Bergame où il arrive le 20 messidor (9 juillet). Il se trouve ainsi à l'aile gauche de l'Armée d'Italie, jusqu'à la reprise des hostilités.

5/ Pendant les armistices.

Sergent de Chasseurs 1er Léger Boersch Caporal de Chasseurs 1er Léger Boersch Chasseur 1er Léger 1797 Boersch Chasseurs 1er Léger Boersch Chasseur 1er Léger 1797  Carl
Fig. 7b Sergent de Chasseurs en 1797 d'après Boersch (vente de 2011)
Fig. 7c Caporal de Chasseurs en 1797 d'après Boersch (vente de 2011)
Fig. 7d Chasseur en 1797 d'après Boersch (vente de 1971)
Fig. 7e Chasseurs en 1797 d'après Boersch (vente de 2011)
Fig. 7 Chasseur d'après Carl

Les Compagnies auxiliaires et le Dépôt de la 1ère Légère se sont rapprochés des Bataillons actifs, dès le commencement du mois de juin. Le 18 prairial an VIII (7 juin 1800), ils arrivent à Huningue, venant d'Héricourt. Ils en partent le 25 messidor (13 juillet) pour s'établir le 12 thermidor (30 juillet) à Chambéry où ils restent un mois et demi. Le 2e jour complémentaire (18 septembre), ils s'installent à Montmeillan où ils resteront jusqu'à la paix.

Les armistices d'Alexandrie et de Parsdorf semblent devoir donner la paix à l'Europe. Mais l'Autriche a signé, le 20 juin, une convention par laquelle elle s'engage à ne pas traiter sans l'Angleterre avant le mois de février. Aussi, de part et d'autre, tout en désirant sincèrement la paix, on ne néglige rien pour recommencer la lutte.

L'Autriche confie ses armées à l'Archiduc Jean. Celui-ci prend personnellement le commandement de l'armée du Danube et s'établit derrière l'Inn. Le Général Iller garde le Tyrol allemand avec 10 000 hommes de troupes autrichiennes et 10 000 Tyroliens. Davidowich garde le Tyrol italien avec 20 000 hommes. L'armée d'Italie, occupant avec 80 000 hommes la ligne du Mincio, est donnée au Maréchal Comte de Bellegarde.

Bonaparte, qui de sa personne est revenu à Paris, confie à Masséna d'abord, puis à Brune, l'armée d'Italie forte de 125 000 hommes et organise dans les Grisons, sous les ordres de Macdonald, une petite armée de réserve. Moreau garde le commandement de l'ancienne armée du Rhin qui est portée à 130 000 hommes et prend position entre l'Isar et l'Inn.

Les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère, auxquels la prise de Feldkirch vient d'ouvrir l'entrée des Grisons font naturellement partie de l'armée de réserve de Macdonald (division Vandamme), armée de 15000 hommes, qui hérite du prestige de l'armée de réserve de la campagne du printemps et à laquelle l'Autriche oppose 40000 hommes.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Marches sur Coire
Une route part de Feldkirch pour Coire; on y arrive en dix heures de marche en passant par Vaduz, Balzers et Mayenfeld, le long de la rive droite du Rhin, en remontant son cours.
Le 20 juillet (1er thermidor) nous reçûmes l'ordre de nous rendre à Coire. Nous passâmes par les endroits ci dessus nommés ; le 1er bataillon fut directement à Coire, et le 2e à Ratzung et Saint Luis Steg.
Le 21 (2) nous nous portâmes à Andeer, une des sources du Rhin dite la basse.
Le 25 (6) nous retournâmes à Mayenfeld et nous nous logeâmes à Ienins, Malans et Zizers, à l'entrée de la vallée de Davos, au fond de laquelle les Autrichiens avaient leurs postes.
J'ai eu de bien grandes obligations à la noble et respectable famille des Sprecher de Berneg, de Ienins et de Davos; à celle de Ienins surtout, pour les soins généreux qu'elle me prodigua pendant mon séjour dans cette famille, et à celle de Davos pour le bon accueil qu'elle me fit toutes les fois que j'allais visiter mon colonel, monsieur Manigault Gaulois, logé chez elle. Lorsque je tardais trop à allez le voir, sur la simple observation qu'il en faisait cette famille m'envoyait aussitôt sa carriole pour me faire arriver plus commodément.
Le souvenir de cette riche, noble et belle famille restera à jamais gravé dans ma mémoire.
1801. - A Mademoiselle Marie SPRECHER., à Ienins, Grisons
Monts âpres des Grisons qui me séparez d'elle
Au sein de vos rochers j'ai laissé mon bonheur;
Redites lui surtout que je serai fidèle.
Jamais un autre amour n'échauffera mon coeur ;
Et le temps ne fera qu'accroitre son ardeur
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 31 juillet (12 thermidor), un ordre du jour du Général Brune fixe la composition de l'Armée des Grisons qui doit comprendre 4 Divisions ; la 4e doit être commandée par le Général de Division Grouchy (Leplus H. (Lt) : "La Campagne de 1800 à l'armée des Grisons", Paris, Chapelot, 1908).

Situation en août 1800 (côte SHDT : us180008)

Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
FREMONT - GAREIN Quartier maître trésorier ; DEUZAU - JOSSONT - BONNEFOY Chirurgiens majors
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont; Thierry Adjudant major du 1er Bataillon - Armée du Rhin
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune ; Denechaux Adjudant major du 2ème Bataillon - Armée du Rhin
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais ; Frabourg Adjudant major du 2ème Bataillon - Armée du Rhin

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Marches dans le Tyrol allemand
Le 1er septembre (14 fructidor) nous nous rendimes à Feldkirch où les deux bataillons de la demi brigade se rassemblèrent.
Le 2 (15) nous fûmes à Bregenz, par le vallon de l'Ill, sur la rive droite du Rhin; le 3 (16) à Sulzberg et Weiler; le 4 (17) à Oberdorf passant par lmmenstadt, nous y séjournâmes.
Le 8 (21) nous allâmes à Achau, près de Reiti; le 9 (22) à Reyfleyten sur le bord du Lech , où nous eûmes séjour.
Le 20 (3e jour complémentaire) nous fûmes à Berg et Willer, près de Fischbach; le 21 (4e jour complémentaire) à Simmelberg. Le 23 (1er vendémiaire an 9) à Nuslau, au bord du Rhin vis à vis Alsteden.
Le 24 (2) nous traversâmes le Rhin à Rheineck et nous fûmes loger sur la rive gauche à Speicher, au haut de la montagne de Saint Gall ; le 25 (3) nous allâmes à frogen où nous restâmes jusqu'au 30 (8)
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 30 septembre 1800 (8 vendémiaire an 8), Bonaparte écrit depuis Paris à Carnot, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, de donner l'ordre au bataillon de la 1re légère qui est au camp d'Amiens de rejoindre le reste de demi-brigade à Mayence" (Correspondance générale, t.3, lettre 5675).

Fin septembre, début octobre, la Division Grouchy devient la 2e Division (Leplus H. (Lt) : "La Campagne de 1800 à l'armée des Grisons", Paris, Chapelot, 1908).

Situation en octobre 1800 (côte SHDT : us180010)

Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : octobre 1800 : 1 Bataillon sous les armes à Bergame effectif 553 Officiers et hommes
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont - Armée d'Italie - Corps aile gauche - Division Lapoype
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune - Armée d'Italie
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais - Armée d'Italie

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 1er octobre (9) nous logeâmes à Heide Wolfhalden et Grub ; le 2 (10) à Oberried dans le Rheinthal; le 3 (11) à Werdenberg ; le 5 (13) à Roschach près du Rhin ; le 6 (14) nous repassâmes sur la rive droite du Rhin et nous fûmes à Igis, Malans et au château de Marchlins; le 8 (16) à Ienalz, Fideris, Rüblis et Gruche, dans la vallée de Bretigow.
Là, nous reçûmes, en qualité de major, ou quatrième chef, monsieur Regeau, chef de bataillon à la suite, sortant de l'état major général du général Moreau, venant remplir un emploi que, pendant huit ans, on avait cru inutile, qui l'était effectivement, mais qui du moins donnait aux capitaines plus de chance d'avancement, en augmentant le nombre des chefs de bataillon, avantage qui devait également rejaillir sur tous les grades inférieurs à celui de capitaine.

- Coup d'oeil sur les armées

J'ai laissé le général Moreau, le 5 mai (15 floréal), vainqueur à Moeskirch, pour ne m'occuper que des manoeuvres faites par le corps d'armée du général Lecourbe, dont le 1er régiment d'infanterie légère faisait partie, lequel corps opérant séparément sur l'extrême droite de l'armée, porta la tête de sa colonne jusqu'au pied des grandes Alpes italiennes, dans le canton des Grisons; remontant maintenant à l'époque ci dessus, je vais suivre derechef la marche victorieuse de Moreau en Allemagne, marche intimement liée aux grands projets formés par le Premier Consul, et qui devait en assurer l'exécution.
Ainsi, l'armée du Rhin continuait à poursuivre l'armée autrichienne et à la refouler sur le Danube, où elle s'arrêta. Cette armée du Rhin battit encore celle autrichienne à Biberach et dans d'autres rencontres, et le maréchal Krai fut enfin renfermé dans Ulm et Ratisbonne. Moreau occupa Augsbourg et Munich, barrant le chemin des Alpes aux Autrichiens, condition du plan de campagne projeté par le Premier Consul qui, alors n'hésita plus à sommer Moreau de faire replier Lecourbe sur les Alpes pour se joindre à l'armée d'Italie et à celle de réserve formée d'abord à Dijon, les dangers de Masséna bloqué dans Gênes exigeant l'exécution de cet engagement, afin de débloquer cette ville importante, sauver la Ligurie et la Provence, l'une et l'autre fortement menacées par une puissante armée. Moreau, pour ne pas amoindrir le nombre des corps de son armée aux yeux de l'ennemi, en laissa subsister la composition actuelle et prit les 16.000 hommes qu'il destinait au Premier Consul sur tous les corps d'armée existans, et conserva Lecourbe qu'il rappela à lui personnellement ; chacun de ces corps fournit son contingent et toutes les demi brigades désignées prirent la direction du Saint Gothard où elles se réunirent aux troupes déjà sous le commandement du général Moncey.
La division Vaodamme, après quelques jours d'hésitation, fut détachée du corps de Lecourbe et rentra dans les Grisons pour y attendre l'arrivée de Macdonald.
D'un autre côté, l'armée de réserve, sous le commandement direct du Premier Consul, qui devait se composer de 60.000 hommes, malgré toute l'activité possible, ne put mettre en marche au moment où elle tentait de pénétrer en Italie par le Saint Bernard, que 40.000 combattans; avec les troupes qui restèrent en arrière, et une portion de celles fournies par Lecourbe, le Premier Consul en composa une nouvelle armée, dite seconde réserve, qu'il confia à Macdonald et la fit pénétrer dans les Grisons. D'une part, Moreau étant arrivé en Allemagne au point impatiemment attendu, et de l'autre, tous les débouchés du Tyrol sur les Grisons étant occupés par Macdonald, le Premier Consul n'avait plus hésité à franchir le Saint Bernard. Vainqueur à Marengo, il poussa les Autrichiens jusqu'au Mincio, remit le commandement à Brune et rentra à Paris
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 19 octobre 1800 (27 vendémiaire an 9), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Lacuée, Ministre de la Guerre par intérim : "Je vous prie, citoyen ministre, de donner l'ordre : au bataillon de la 1re légère, qui est à l'armée des Grisons, de se rendre en Italie, au bataillon de la 1re légère, qui est à l'armée du Rhin, de se rendre en Italie ..." (Correspondance générale, t.3, lettre 5699).

Selon Leplus, le Général de Division Montchoisy conserve (fin octobre, début novembre) le commandement de l'Helvétie et des Corps et Dépôts isolés qui s'y trouvent : il y a, entre autres, le Dépôt de l'Escadron des Volontaires qui vient de passer à la 1ère Division de l'aile droite de l'armée du Rhin, en échange du 1er Bataillon de la 1ère légère [Mathieu Dumas à Carnot, 26 fructidor (13 septembre); Macdonald à Carnot, 27 fructidor] (Leplus H. (Lt) : "La Campagne de 1800 à l'armée des Grisons", Paris, Chapelot, 1908; page 53). Les troupes placées sous les ordres de Montchoisy constituent la Division d'Helvétie.

Situation de l'Armée du Rhin en novembre 1800 (Nafziger)
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
Division : Général de Division Molitor
Brigade : Général de Brigade Jardon
1ère Demi-brigade Légère

6/ Campagne d'hiver dans la Valteline, le Tyrol et l'Italie

Sans attendre la reprise des hostilités, Bonaparte a demandé à Macdonald de franchir le Splügen et de se diriger sur Trente pour tourner par le nord les défenses du Mincio. A toutes les objections qui ont été faites sur les difficultés d'exécution, le Premier Consul citant comme exemple le passage du Saint-Bernard qu'il avait effectué en juin au moment de la fonte des neiges, a répondu que "partout où deux hommes peuvent poser le pied, une armée a le moyen de passer".

Macdonald met en route ses troupes. Le mouvement des Divisions est dirigé par Grouchy (Macdonald étant malade du 11 au 23 brumaire - 2 au 14 novembre). La Division Grouchy, cantonnée au sud du lac de Constance, se met en marche le 1er novembre (10 brumaire), pour occuper la vallée du Rhin (Leplus : l'armée des Grisons, notes : Mathieu Dumas au Ministre, Paris, 13 brumaire (4 novembre). Ordre de mouvement de l'armée, 7 brumaire (29 octobre).

La Division Grouchy est portée sur la ligne du Rhin, la droite à Werdenberg, la gauche à Berneck ; elle est destinée à soutenir la Division d'avant-garde, qui couvre le front de l'armée. Au sein de la Division d'avant garde figure le 1er Bataillon de la 1ère Légère, employé à couvrir Coire, le pont de Zollbrücke et le débouché de la vallée de la Landquart avec le 3e Bataillon de la 14e de Ligne et les Chasseurs basques (Leplus : l'armée des Grisons, notes : Grouchy à Macdonald, Coire, 13 brumaire (4 novembre)).

Le 5 novembre (14 brumaire), le 1er Bataillon de la 1ère Légère est envoyé jusqu'à Kloster pour protéger le mouvement du Général Veaux chargé d'établir la communication avec la Division de Valteline par Chiavenna (Leplus : l'armée des Grisons, notes : Etat des mouvements des différents corps de l'armée, du 12 au 15 brumaire (3 au 6 novembre)).

Situation de l'Armée des Grisons le 11 novembre 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef : Général de Division Macdonald
2e Division : Général de Division Grouchy
1ère Demi-brigade Légère, 1 Bataillon, 822 hommes

Telle est la situation des forces principales des deux partis, lorsque, le 12 novembre 1800, le Général Dessolles, Chef d'Etat-major de Moreau (qui était alors à Paris pour se marier; il rejoignit son armée sans retard), dénonce l'armistice. Les hostilités doivent reprendre 15 jours après, le 7 Frimaire an lX (28 novembre 1800).

- Opérations dans le Tyrol

La Division Molitor comprend, au 22 novembre, trois Bataillons de la 83e de Ligne, un Bataillon de la 1ère Légère, un de la 10e Légère et quatre Escadrons du 7e Hussards. Elle est augmentée successivement le 25, de trois Bataillons de la 38e de Ligne ; le 26, d'un Bataillon de la 10e Légère, et le 28, des quatre Escadrons du 6e Hussards (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 142).

Situation de l'Armée du Rhin 22 novembre - 1er décembre 1800 (Nafziger)
Commandant Général : Général Moreau
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
1ère Division : Général de Division Molitor
Brigade : Général de Brigade Jardon
1ère Demi-brigade Légère, 1 Bataillon, 886 hommes

Sources : De Carrion-Nisas, Marquis, "Campagne des Francais en Allemagne", Année 1800, Paris, 1829 ; Picard : "Hohenliden"

Situation de l'Armée du Rhin le 1er décembre 1800 (SHAT B2 546)
Commandant en chef : Général Moreau
Aile droite : 1ère Division Général Molitor : 1ère Demi-brigade légère, 1 Bataillon (894 hommes).

Au 2 décembre, la Division Molitor, chargée de défendre tous les débouchés du Tyrol depuis Feldkirch jusquà Benedictbeuern, comprend deux Bataillons de la 37e de Ligne, trois de la 83e, un de la 1ère Légère, deux de la 10e, et quatre Escadrons du 6e Hussards ; en tout, huit Bataillons et quatre Escadrons, présentant un effectif de 8,500 hommes environ (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 143).

Le 2 décembre 1800, la composition de la Division Molitor est arrêtée, et Lecourbe a ordre de se porter sur l'Inn ; la Brigade de droite de Gudin se rapproche de sa Division, laissant seulement un fort poste à Langgries.
Dès lors Molitor s'étend jusqu'à Benedictbeuern, et il partage ses troupes en trois brigades :
La Brigade du centre (un Bataillon de la 1re Légère, un Bataillon de la 10e Légère, un Bataillon de la 83e de ligne et un Escadron du 6e Hussards), commandée par le Général de Brigade Jardon, Quartier général à Füssen, défendra les défilés de Weissenbach et de Reutte (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 143).

Le 3 décembre 1800, Molitor charge le Général Jardon de la défense des débouchés du Tyrol, depuis Weissenbach jusqu'à Schwangau, il recommande de placer le Bataillon de la 1ère Légère dans le défilé de Weissenbach à Vils, par Rosschlag ; celui de la 10e Légère dans le défilé de Reutte à Füssen ; enfin de laisser à Füssen le Bataillon de la 83e qui s'y trouve, et à Vils l'escadron du 6e Hussards que Pajol lui a envoyé la veille. Ses patrouilles, remontant le Lech, doivent éclairer ses positions jusqu'à Vord Hornbach et Unterhofen. Dans le cas où il serait attaqué, il se défendra avec la plus grande vigueur, et ne battra en retraite qu'à la dernière extrémité, sur Nesselwang, le lac de Haldersee et Sonthofen, d'un côté, sur Wertach et Nesselwang, de l'autre, et enfin sur Rosshaupten et Schongau à l'extrême gauche. En sorte que sa Brigade occupera, après sa retraite, la ligne de Schongau à Sonthofen, en passant par Oberdorf, Nesselwang et Wertach (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 144).

Les prescriptions nouvelles de Lecourbe ne parviennent à Füssen que le 19 décembre. Molitor s'empresse de changer l'organisation de sa Division, qui comprend dès lors un Bataillon de la 1re légère, deux Bataillons de la 10e Légère, trois de la 37e de Ligne, deux de la 36e et quatre Escadrons du 6e Hussards. Cette Division reste partagée en trois Brigades. Celle de gauche (un Bataillon de la 37e de Ligne, deux de la 36e, un Escadron du 6e Hussards), commandée par le Général Nansouty, doit garder le pays entre l'Inn et l'Isar. La Brigade du centre (2e et 3e Bataillons de la 37e de Ligne, trois Compagnies du 6e Hussards, et trois pièces d'artillerie), placée sous les ordres du Chef de Brigade Pajol, est chargée de garder les défilés d'Au, Ettal et Walchensee. La Brigade de droite (un bataillon de la 1re Légère, deux bataillons de la 10e Légère et trois Compagnies du 6e Hussards), commandée par le Général de Brigade Jardon, doit surveiller les débouchés sur Füssen et ceux du haut Lech. Les mouvements nécessités par cette nouvelle répartition s'exécutent sur-le-champ (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 146).

Le 2 janvier 1801, la composition de la Division Molitor est modifiée. Le Général Jardon en part, pour ne plus y revenir, avec le Bataillon de la 1ère Légère, et va surveiller le pays des Grisons (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 152).

Le 2 février 1801, divers changements s'opèrent dans la Division Molitor. L'Adjudant général Martial-Thomas se rend à Lindau pour surveiller la rive droite du lac de Constance ; il prend, à cet effet, le commandement du Bataillon de la 1ère Légère, qui est à Bregenz et dans les environs (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 154).

- Opérations dans la Valteline et en Italie

L'Armée est de nouveau réorganisée : le Général Pully prend la tête de la 2e Division. La 2e division (Pully) répartie dans la vallée du Rhin, entre Altstadten et le débouché du val de la Landquart appuie vers le Sud et se concentre à Coire le 6 frimaire - 27 novembre (Leplus : l'armée des Grisons, notes : Historique de la 2e division du 1er au 30 frimaire).

La Division d'avant-garde (Vandamme) qui est à constituer de toutes pièces, ne commence à s'organiser à Coire qu'après le départ de la Réserve d'infanterie. La 1ère légère et la 104e de ligne qui stationnent depuis la même époque, la première dans le val de la Landquart, la seconde à Berneck, complètent la Division.

Vers la fin de novembre, Macdonald se met en route en quatre colonnes échelonnées. La 1ère légère (2° colonne) remonte le Rhin par Luciensteg, Mayenfeld, Zollbruck, Coire, Reichenau, Tusis, et arrive sans peine devant le massif du Splügen. Là, elle doit attendre trois jour la fin d'une tourmente. Avant de reprendre la marche, elle apprend que la colonne d'artillerie et de cavalerie qui la précédait a été surprise par une avalanche et a perdu un demi-escadron de dragons entrainé dans les ravins. Cette nouvelle fait sur les troupes une très pénible impression.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Passage du Splungen
"Les deux armées d'Allemagne et d'italie, commandées par Moreau et Brune, se trouvaient à même hauteur, ayant en face d'elles les armées autrichiennes commandées par l'archiduc Jean, successeur de Krai, et le général Bellegarde, successeur de Melas. Le général Macdonald, dans les Grisons, devait immobiliser les deux corps autrichiens placés dans le Tyrol allemand et le Tyrol italien. Mais lorsque le Premier Consul eut vu que Moreau pouvait se passer du secours de l'armée des Grisons, il donna à Macdonald l'ordre de pénétrer en Italie par le Splugen, et de se porter derrière l'armée de Bellegarde".
Sous le commandement de Macdonald, les soldats étaient décidés à tout endurer pour avoir le plaisir de se réunir à leurs frères de l'armée d'Italie, sous un ciel fécond et lumineux, de voir de belles contrées et d'obtenir une nouvelle illustration ; leur courage était monté au point de pouvoir vaincre tous les obstacles.
Les dispositions nécessaires pour assurer le succès d'une si grande entreprise étant faites, l'ordre de marcher transmis à chaque corps, le mouvement commença le 24 novembre (3 frimaire), après que la division Morlot eut occupé tous les postes qui gardent les débouchés qui communiquent des Grisons dans l'Engadine (Note : Le capitaine Duthilt attribue le passage qui va suivre à la plume de M. Allent de Saint-Omer, alors chef de bataillon du génie et chef de l'état major de l'armée des Grisons, plus tard conseiller d'Etat et décédé pair de France.
"Précédé par des compagnies de sapeurs, le général Verrières, commandant l'artillerie d'avant-garde, ouvrit la marche de la colonne, plus redoutable par le courage opiniâtre des soldats que par leur nombre; mais les traineaux de l'armée s'étant trouvés trop pesants pour des neiges si molles, on fut contraint d'avoir recours à ceux du pays, que l'on dirigeait plus facilement, mais qui ne laissaient sur leur passage qu'une légère impression, bientôt effacée par la neige qui tombait, et par celle des rochers que les vents envoyaient continuellement en abondance.
Le secret de ce mouvement, la disette des provisions, les hostilités renaissantes, tout exigeait de la promptitude dans l'exécution. Le 10e régiment de dragons et une partie du 1er de hussards, sous les ordres du général Laboissière, qui laissait le 12e de chasseurs à cheval à quelques jours derrière lui, suivirent, à une marche près, le général Verrières qui était arrivé à Tusis : ils traversèrent Coire, remontèrent le Rhin et, bravant les rochers et les précipices, ils furent le 24 novembre (3 frimaire) au pied du Splugen, où se trouvait une partie de l'artillerie, arrêtée par le mauvais temps et le manque de traîneaux. Le 27 (6) cette tête de colonne se mit en chemin pour gravir la montagne, mais un accident fâcheux l'attendait.
Elle s'avançait avec lenteur, et ses efforts pénibles ne l'avaient encore portée qu'à la moitié de la montée, quand, tout-à-coup, une avalanche suspendue au sommet, se détache et roule avec un bruit épouvantable. Cette masse, se précipitant vers la tête de la colonne, la coupe et engloutit trente dragons et leurs chevaux menés par la bride, les autres dragons s'arrêtèrent et firent ce qu'ils purent pour découvrir leurs infortunés camarades. Bientôt la nuit sombre de ces montagnes vint ajouter à toutes ces horreurs l'obscurité de ses froides ténèbres, et la colonne fut obligée de revenir sur ses pas pour se dérober à une perte certaine que lui préparaient ces vastes gouffres de neige. Cependant le général Laboissière, suivi de quelques hommes que l'avalanche n'avait pas atteints continua à marcher dans l'espoir de trouver quelques secours; il était parvenu à gravir le mont jusqu'à son sommet où, peut-être, il serait mort de fatigue, de froid ou de faim, si deux paysans de ses guides, ne l'eussent porté jusqu'à l'hospice. Cette première tentative n'eut pas d'autre résultat, et le général, isolé, sans vivres, sans espérance, était dans une position funeste. On fit les plus grands efforts pour le dégager, mais on resta quatre jours sans pouvoir y réussir ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 9 frimaire (30 novembre), Mathieu Dumas écrit à Gilly : "Si la 1re légère vous était arrivée à Thusis, il faudrait la faire marcher avec les deux premiers escadrons de hussards" (Leplus : l'armée des Grisons).

Le 10 frimaire (1er décembre), Gilly répond à Mathieu Dumas : "La 73e demi-brigade est partie ce matin et arrivera ce soir à Splügen; elle a reçu le pain pour deux jours; deux escadrons du 1er régiment de hussards ainsi que la lre légère, si elle arrive demain ici, s'y rendront le 11 pour passer le mont le 12, ainsi que vous l'avez arrêté" (Leplus : l'armée des Grisons).

Nos hardis fantassins ne perdent pas courage : chargés de tous leurs vivres et de huit à dix livres de cartouches chacun, les homme de la 1ère Légère commencent enfin l'ascension. Pour écarter les blocs de glace et rendre les sentiers plus praticables, on fait passer devant la colonne d'infanterie les troupeaux de boeufs qui tassent la neige en y enfonçant jusqu'au ventre. Les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère gravissent ainsi au coeur de l'hiver les pentes étroites et rapides de ce passage dangereux où les touristes les plus entreprenants ne se hasardent que pendant la belle saison. La descente est presque aussi pénible que la montée.

Le Capitaine Duthilt raconte : "... Enfin, le général Dumas étant arrivé à Splugen, les obstacles ne résistèrent pas à son activité. Le chemin fut ouvert par quarante paysans ; des boeufs foulèrent les neiges pour leur donner de la consistance; on marchait sur une masse de neige de plus de quarante pieds d'épaisseur.
Le 1er décembre (10 frimaire) et les jours suivants, la colonne suivie d'un convoi d'artillerie et d'une partie de la division Pully, entreprit et effectua le passage, sous les ordres du général Dumas. En même temps passèrent soixante traîneaux et cent mulets chargés de l'artillerie et des munitions; il y en eut quelques-uns qui périrent. Des traîneaux s'étant brisés, une pièce de quatre et vingt roues allaient être abandonnées, mais animés par le commandant Couthard, les soldats de la 73e se disputèrent cette glorieuse charge, et trouvèrent de dignes émules dans ceux de la 2e de ligne. On laissa à l'hospice quarante-cinq hommes gelés. Voilà quels obstacles ces braves eurent à vaincre; mais les troupes qui accompagnaient le général en chef devaient en éprouver encore de plus grands. A peine cette tête de colonne était-elle passée, qu'un vent violent combla tous les sentiers, et la sépara du reste de l'armée.
Le général Macdonald s'avançait, sur ces entrefaites, dans la vallée du Haut-Rhin. Le chemin ne fut pas absolument mauvais jusqu'à Bonadulz ; mais les difficultés commencèrent dans le trajet de ce village à Tusis. Ce bourg atteint avec peine, on se trouva au bas d'une seconde montagne. Alors on gravit avec d'incroyables efforts pendant plus de deux heures, et le général arriva sur le bord d'un précipice dont la profondeur échappait à l'oeil. Il s'en élevait sans cesse un sourd mugissement, causé par la fuite du Rhin à travers les rochers qui semblaient vouloir l'emprisonner. Plus on s'avançait et plus la vallée se resserrait; on entra bientôt dans la Viala-Mala. Celte gorge, de vingt toises environ de largeur, est formée par deux énormes rochers que la nature a entrouverts. Pendant trois lieues un chemin étroit, taillé dans le roc, abimé par les neiges et les torrents, borde ce gouffre affreux qui exhale une épaisse vapeur produite par le brisement des flots contre les rochers. A chaque pas on rencontrait des obstacles; tantôt on était arrêté par les pins et les quartiers de roc qui tombaient détachés de la cime des montagnes; tantôt par les cruels accidents dont ces routes de glaces menaçaient toujours les hommes et les chevaux
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 11 frimaire (2 décembre), Mathieu Dumas écrit depuis Splügen à Baraguey d'Hilliers : "demain 12, la lre demi-brigade légère et deux escadrons de hussards passeront le Splügen" (Leplus : l'armées des Grisons).

Selon Leplus, qui donne l'ordre de passage des troupes, le 15 frimaire passent le 3e Bataillon de la 17e Légère (Division Pully) et la lère Légère [Carabiniers (Division Vandamme)]. Le 16 frimaire: le reste de la Division Vandamme; et le 12e Chasseurs à cheval. Vandamme, après avoir franchi le passage avec les Carabiniers de la lère Légère et le 3e Bataillon de la 17e, peut atteindre Campodolcino où il voit arriver le lendemain le reste de sa Division et le 12e Chasseurs, conduits par le Général Veaux (Leplus : l'armée des Grisons, notes : Lacroix, officier du génie, à Macdonald, Splügen, 16 frimaire (7décembre). - Bulletin historique de la 2e division pour le mois de frimaire).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 6 (15 frimaire) on avait dépassé Tusis de trois lieues, et déjà le général en chef, descendu à Anders, se trouvait au niveau du Rhin. L'ouverture de la gorge était plus considérable; mais il fallait encore faire trois lieues pour atteindre Splugen. On prit quelques heures de repos et l'on se remit en route. Bientôt une troisième montagne se présenta ; elle était plus horrible que les autres.
C'était là que commençaient les plus grandes difficultés. A l'aspect de cette masse de neige qu'il fallait franchir le lendemain, Macdonald s'étonna; mais ce chemin était le plus propice à ses vues; il oublia tous les obstacles qui le rendaient impraticable.
Les éléments vinrent encore ajouter leurs ravages à ceux des siècles.

Le 7 (16), avec le jour naissant, s'éleva une tempête affreuse, dont la violence, précipitant les neiges fixées au sommet, combla les précipices et nivela tout le penchant. Le vent fut si violent, si impétueux, que des arbres arrachés par leurs racines, s'égarèrent au loin. On avait rassemblé des paysans pour ouvrir le chemin; ils déclarèrent au général que le passage n'était pas possible et que, le risquer, c'était se perdre lui et son armée. Cependant, malgré tous les moyens rassemblés, il n'avait pas été possible de faire parvenir à Splugen une assez grande quantité de vivres pour que la colonne y put séjourner; on n'en pouvait trouver qu'à Coire d'un côté, et à Chiavenna de l'autre. Ainsi, de quelque côté que le général tournât ses regards, la tempête ou la faim lui présentait la mort ; elle était trop probable si on avançait, certaine si l'on demeurait; il fallait, ou l'aller chercher effrayante au milieu des précipices, ou l'attendre cruelle et lente au pied de la montagne. Sa résolution fut bientôt prise. Déjà les troupes sont en mouvement; les mulets manquent pour le transport des munitions; il propose une prime à ceux qui voudront s'en charger; tous se présentèrent pour rendre ce service, et tous en refusèrent la récompense" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 8 (17 frimaire) chaque soldat se chargea d'autant de paquets de cartouches qu'il en pouvait porter, et se mit à gravir.
Le terrain était sondé par une compagnie de sapeurs qui précédait; mais les paysans, qui seuls avaient une connaissance exacte des lieux, s'étaient échappés pendant la nuit, craignant de partager la mort que cette colonne allait chercher. La nature semblait irritée contre les audacieux Français, et avait déchainé contre eux tous les éléments. Un homme arrive tout à coup, et la colonne s'arrêta pour l'écouter; il annonçait que les jalons, placés habituellement et leurs seuls guides dans ces lieux affreux, avaient été dispersés par les vents, et que le gouffre caché sous la neige avait dévoré tous ses camarades qui avaient osé s'aventurer; non, disait-il d'un air effrayé, il n'est pas au pouvoir des hommes d'aller plus loin. Ce rapport produisit un mauvais effet. Le général en chef, suivi des généraux Pully, Sorbier, Du perreux, Dampierre, et de son état major, se porta à la tête et s'exposa le premier au péril. Il marchait lentement, cherchait du pied l'étroit chemin, et s'avançant souvent sans savoir s'il n'était pas suspendu sur l'abîme. Des sons plaintifs vinrent tout à coup frapper son oreille; il aperçut la malheureuse femme d'un soldat, engourdie par le froid, étendue sur la neige qui cédait insensiblement et la descendait peu à peu dans le fond du gouffre. Chacun était attentif à ses propres dangers et ne s'intéressait guère à celui des autres; Macdonald s'arrêta, et sentant que le coeur de cette infortunée palpitait encore, il la fit emporter par deux grenadiers ; il lui fit donner des soins qui la rappelèrent à la vie. C'était un spectacle bien triste et bien capable de faire reculer de crainte, de voir les malheureux gelés que l'on rapportait lentement à Splugen, et ils étaient en grand nombre.

Le froid devenait à chaque instant plus intense et plus terrible dans ce lieu, absolument exposé aux vents ; plusieurs soldats tombaient gelés, et la crainte du même sort empêchait qu'on ne les secourût, car il fallait s'arrêter et l'inaction était fatale.
Les tourbillons de neige venaient frapper et couvrir le visage des soldats, qui ne voyaient plus ni ceux qui les précédaient, ni les traces de leurs pieds sans cesse recouvertes par la neige. On marchait seul à seul, et à quelques toises l'un de l'autre, craignant d'être arrêté brusquement par l'homme qui précédait, ou poussé par celui qui suivait, courant alors la chance d'être précipité dans le gouffre à droite du sentier. Dans ce moment critique où un seul homme pouvait, par son découragement ou par accident, arrêter toute la colonne, les travailleurs, abattus par la fatigue, refusèrent d'aller outre. Mais il était trop tard pour reculer. Tout espoir était perdu, si Macdonald, saisissant les outils et s'ouvrant lui-même un passage, n'eût ranimé les courages. Son exemple eut des imitateurs dans tous les généraux et tous les officiers : pas un ne crut la pioche indigne de ses mains.

De cette manière, après des efforts presque surhumains, on atteignit l'hospice, et l'on traversa la plaine où il est situé. Bientôt on arriva au revers, et l'on descendit la rampe étroite et rapide du Cardinel qui, treize fois se replie sur lui-même. Ainsi le courage et l'opiniâtreté dans ses résolutions viennent à bout de tout; ainsi les obstacles disparaissent ou cèdent devant une volonté ferme, persévérante, inflexible".
Autant le soldat avait été morne, silencieux et attentif à sa marche lorsqu'il gravissait ce terrible mont par le nord, qu'il descendait ou se laissait couler avec effroi sur une pente rapide et glacée, longeant en même temps le bord d'un gouffre horrible, découpé en zigzag, craignant, en outre, d'agiter l'air et d'attirer sur sa tête une monstrueuse avalanche, autant il devint gai et bruyant lorsque, se trouvant au midi, le danger eut cessé. La rampe du Cardinel était encore rapide et glissante, et il n'est pas un soldat qui n'eût fait une chute ou qui, glissant, n'eût fait de violentes contorsions pour reprendre l'équilibre et pour éviter le sort commun ; mais les avalanches, mais le gouffre, tous ces dangers étrangers à la guerre et contre lesquels le courage et toutes les forces humaines résisteraient en vain, étaient alors dépassés, chacun rentrait dans ses habitudes, on pouvait se livrer de bon coeur aux plaisanteries qui font le charme du soldat en route ; aussi chaque chute était-elle marquée par de grands éclats de rire, et par les cris répétés, en avant comme en arrière, lâchez le cordeau ! lâchez la ficelle ! La colonne aperçut bientôt un village, c'était Campo Dolcino, le doux champ ! Quelle transition déjà dans la dénomination des lieux. Nous n'y arrivâmes cependant que bien avant dans la nuit, harassés de fatigue, mourant de faim et de soif, et pour comble de misère obligés de rester à la belle étoile, sans paille, sans feu, sur un tapis de neige, car le village fut bientôt encombré" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation de l'Armée d'Italie en décembre 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef : Général Brune
Avant garde
Division : Général de Division Delmas
Brigade : Général de Brigade Cassagne
1ère Demi-brigade Légère

Aile gauche : Général Moncey
Division : Général de Division Boudet (6,870 infantry)
Brigade : Général de Brigade Merle
lère Demi-brigade Légère

Enfin, on se repose à Chiavenna (l'historique régimentaire indique : les 15 et 16 décembre, ce qui ne correspond pas au réçit du Capitaine Duthilt).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 9 décembre (18 frimaire) nous continuâmes à descendre et nous arrivâmes enfin à Chiavenna, où nous pûmes pourvoir à nos besoins et nous reposer. Les différens corps d'armée ne purent se réunir que lentement car, vu la distance que chaque homme était forcé d'établir entre lui et son devancier, celle de chaque corps, du premier homme au dernier, marchant sur une seule file, était immense.
Aussitôt rassemblés, Macdonald fit déboucher par le Val Camonica, pour attirer adroitement à lui les troupes ennemies sur les trois passages.
Tel fut ce passage à jamais mémorable et que l'histoire placera avec justice à côté de celui de Napoléon, comme celui-ci le sera à côté de celui d'Annibal à travers les Alpes.
Ce fut par ce chemin fermé aux hommes et aux animaux pendant neuf mois de l'année, et au fort de la saison la plus rude, que nous quittâmes la Suisse pour passer en Italie, traversant en corps d'armée un mont inabordable et bravant tout à la fois les rigueurs que l'hiver pouvait déchaîner contre nous.
Le 10 (19 frimaire) nous fùmes à Ardéné; le 12 (21) à Ponté
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

L'Historique régimentaire indique ensuite que le 17, la 1ère Légère arrive à Vico sur les bords du lac de Côme, et que le 18, elle tourne à l'est et pénètre dans la Valteline en remontant le cours supérieur de l'Adda. Le 21, elle franchit le col rocailleux d'Apriga et atteint Edolo sur l'Oglio. Les dates ici sont fausses. Leplus (La campagne de 1800 à l'armée des Grisons) nous permet de clarifier les choses : la Division Vandamme devait entrer dans le val Camonica, et relever à Ponte di Legno les troupes de Rochambeau que le général Brune réclamait. Elle avait également pour mission "d'observer les postes des ennemis vers le mont Tonal, d'en occuper et d'en reconnaître les accès" (note : Mathieu Dumas à Vandamme, Morbegno, 21 frimaire) . Il était en outre recommandé à Vandamme de chercher à ouvrir une communication avec Baraguey d'Hilliers, soit entre Ponte di Legno et Bormio, soit par le chemin qui, partant d'Edolo, tombe dans la haute Valteline en passant par Monno (note : Macdonald à Vandamme, Morbegno, 23 frimaire - 13 décembre). La Division atteint ses emplacements le 24 frimaire (14 décembre) au soir. Suivant les prescriptions du Général en chef, elle s'étendit le long de l'Oglio, dans les environs d'Edolo, où Vandamme établit son quartier général; 3 Bataillons s'échelonnent depuis Pezzo, aux sources de l'Oglio, jusque auprès d'Edolo, avec une demi-compagnie du 1er Hussards et la compagnie de Sapeurs. Un Bataillon (lère légère, 1er bataillon), et le reste des Hussard restent en réserve vers Edolo; la Compagnie d'artillerie légère plus au Sud dans le val Camonica, à Breno (Situation décadaire de la Division d'avant-garde du 21 au 25 frimaire). Malgré la rigueur de la saison, les fatigues de la marche et le manque de nourriture (composée essentiellement de biscuits et d'eau de vie), la Demi-brigade n'a laissé que peu de traînards.

Le Capitaine Duthilt déclare : "le 15 (24) à Edolo sur l'Oglio, où nous nous arrétâmes. Ce bourg situé dans la partie superieure du Val Camonica, formant le noeud intermédiaire des chemins qui, à l'Est, débouchant par le Tonale dans le Valdi Sole, et à l'Ouest par la passe d'Agripa, dans la Valteline, est un des points les plus importans de ces hautes vallées.
Dès Campo Dolcino, nos rapports avec les habitans devinrent difficiles; nous touchions au sol de l'Italie et déjà on en parlait la langue; le peu d'allemand que nous possédions ne nous servait guère, et notre français encore moins ; ainsi pour communiquer avec les indigènes nous avions une nouvelle langue à apprendre; mais de même qu'en Hollande nous avions appris le hollandais, en Allemagne l'allemand, sans rudiment et sans vocabulaire, de même en peu de temps nous sûmes assez d'italien pour rendre nos relations faciles avec les habitans pour les choses de premier besoin, et bientôt pour toutes celles d'agrément.

- Mes adieux à la Suisse

La Suisse, généralement offre l'aspect le plus pittoresque : ses routes montueuses longent tantôt des précipices effrayans, des torrens des plus rapides qui, bientôt deviennent des fleuves majestueux ou des lacs d'une vaste étendue, dont l'aspect riant présente sur leurs rives toutes les beautés d'une riche végétation ; tantôt on passe dans des gorges reserrées entre des monts escarpés, dont les sommets quelquefois arides, quelquefois couverts de bois touffus, ou de neiges eternelles et resplendissantes, s'élèvent jusqu'aux nues ; ou bien on passe sous d'énormes rochers suspendus en voutes et qui semblent sur le point de s'écrouler; en d 'autres endroits ces rochers, taillés à pic, sont tellement amoncelés que la lumière du soleil ne peut y pénétrer ; ils sont si obscurs, si âpres, si effrayans, qu'on les croirait destinés par la nature à perpétuer le séjour de la terreur. Généralement la Suisse offre un aspect attrayant; un charme romantique est répandu sur la plupart de ses vallées, de ses lacs, de ses monts glacés, de ses humbles chalets, rafraîchis par la rosée des cascades nombreuses de Lauterbrune, par le saut hardi du Slautbach, par l'effrayante magnificence de la cataracte du Rhin, par le désert glacé du Montanvert, et par la masse resplendissante du Mont Blanc.
Au milieu de ces belles horreurs, se rencontrent pourtant des sites abrités, paisibles, riants; l'oranger, le jasmin, l'amandier naissent et parfument l'air pur qui descend de ces régions de l'hiver réchauffé par le souffle de l'Italie; et ce pays, hérissé de si hautes montagnes dont les cîmes se couvrent de neiges et leurs vallons de glaces, qui, au premier aspect, semble devoir être stérile et peu propre à la culture, sollicité par la patiente industrie des habitans, produit néanmoins tout ce qui est nécessaire et même agréable à la vie. Les habitans de ces âpres régions élevées, isolés des nombreuses et turbulentes populations des plaines luxuriantes, ont conservé un esprit sain, un corps robuste et des passions pures comme les sources qui les environnent.
Quelques villes sont belles, grandes, populeuses et riches; les villages peu distans l'un de l'autre, les habitations éparses et la population nombreuse. Dès le point du jour, dans les villages, dans les hameaux, sur les montagnes, partout on entend le cornet des pâtres sonner le ranz pour rassembler les bestiaux commis à leur garde, air martial dont les modulations diffèrent d'un canton à l'autre et qui, par cela, indiquent aux habitans celui dans lequel ils se trouvent.
Les hommes ont une haute stature, un air martial, tous ayant été militaires ou l'étant encore; le sexe y est beau, d'un embonpoint qui annonce la santé, la force et le contentement ; son costume plaît, l'ensemble en est charmant : chapeau de paille cousue, bord plat et large; cheveux longs divisés par tresses pendantes garnies de rubans entrelacés et rejetées en arrière; corset dégagé, laissant voir les manches d'une chemise blanche et fine, et fermé par devant d'une plaque triangulaire et d'une couleur tranchante; jupon court, ample, plissé à tuyaux; souliers ouverts par dessus et lacés; des bas de couleur avec des coins à fleurs, et à chaque partie de l'habillement encore des rubans.
Ces bons Suisses se croient les hommes les plus libres de la terre parce que leur gouvernement est républicain, et que tous prennent une part active aux élections de leurs magistrats; cependant ils sortent volontiers de leurs montagnes et de leurs villes pour aller ailleurs engager leur liberté, et gagner de l'argent chez presque toutes les puissances de l'Europe, soit en portant les armes à leur service, soit en s'établissant chez les grands en qualité de portiers.
Malgré les charges énormes que la guerre faisait peser sur eux et les privations de toute espèce qu'ils éprouvaient par suite du séjour des troupes nombreuses qui consommaient leurs provisions, ils nous accordaient constamment une franche et cordiale hospitalité; en mon particulier, je leur en suis infiniment reconnaissant.

1800. - LES GRISONS

Nous goutions en repos dans cet âpre séjour,
Les douceurs de la paix, les biens qu'elle procure,
Tout à la liberté, enfans de la nature,
La patrie a sur nous des droits à notre amour.
Séparés sur la terre
Par nos monts sourcilleux
Jamais ici la guerre
N'a fait de malheureux.
Nous vivions ignorés du reste des humains,
Et pour mieux nous soustraire à toute dépendance
On nous vit renoncer à toute l'opulence
Qu'étalent à nos yeux les peuples nos voisins.
Maintenant éplorés
Redoutant tout du sort,
Sur nos monts escarpés
Nous attendons la mort.
La guerre et ses fléaux, ces monstres destructeurs,
Dans ces paisibles lieux viennent verser leur rage;
Et de sang altérés, suscitant au carnage,
Assouvissent leur haine et toutes leurs fureurs.
0 liberté ! patrie!.
Entendez nos accens;
Nous vous devons la vie,
Comptez sur vos enfans.
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation de l'Armée des Grisons le 22 décembre 1800 (Nafziger)
Commandant en Chef : Général de Division Macdonald
Avant garde : Général de division Vandamme
Veaux, Général de Brigade
1er Bataillon 1ère Demi-brigade Légère, 794 hommes (à Edolo, Malonno, Breno)

Source : Leplus, "La Campagne de 1800 à l'Armée des Grisons", Paris, 1908; d'après la situation du 1er nivôse (22 décembre). A. H. G. Situations. Grisons, 1800. - Les emplacements sont donnés par les bulletins historiques des Divisions, établis par journées, avec plus d'exactitude par conséquent qu'une situation mensuelle

Le 2 nivôse an lX (22 décembre), dit l'Historique régimentaire, Macdonald ordonne l'attaque du mont Tonale qui lui ferme l'entrée du Tyrol et de la vallée de l'Adige. En réalité, le 1er Nivose, Vandamme écrit depuis Edolo à Macdonald, pour lui proposer d'attaquer le Mont Tonal, projet qu'il accueille favorablement, d'autant plus qu'il a lui même groupé la majeure partie de ses troupes à portée du Tonal. Vandamme a également demandé au Général en chef si, en cas de succès, il devait se maintenir au col du Tonal (note de Leplus : Vandamme à Macdonald, Edolo, le 2 nivôse). Macdonald répond favorablement et encourage Vandamme à pousser ses reconnaissances à l'entrée du Val di Sole, vers Pellizzano, et d'appeler à lui, si nécessaire, la Division Italique en renfort.

Vandamme a recueilli un certain nombre de renseignements, qui lui permettent de connaitre les emplacements des forces adverses et leurs effectifs. Il sait ainsi que le Tonal peut être pris par surprise de nuit, car défendu par un simple Bataillon sans soutiens à portée. Vandamme charge le Général Veaux de diriger l'opération. Le détachement chargé de l'exécution de l'attaque, commandé par le Chef de Bataillon Lévêque, de la 17ème Légère, se compose de 150 hommes d'élite pris dans les quatre Bataillons de la Division (à raison de 5 hommes par Compagnie). Cette troupe doit être soutenue par les trois Compagnies de Carabiniers des lère et 17ème Légères (la 17ème Légère n'a que ses 1er et 2ème Bataillons à l'avant-garde. Vandamme a réclamé en vain le 3ème Bataillon attaché à la 2ème Division, en échange du Bataillon de la 104ème de ligne) et les Grenadiers du Bataillon de la 104e de Ligne, réunis sous les ordres de l'Adjoint Séron, de l'Etat-major de la Division d'avant-garde (Vandamme à Macdonald, Edolo, 3 nivôse - 24 décembre).

Officier de Chasseurs 1er Léger Boersch 1797 Officier de Chasseurs 1er Léger Boersch 1797
Fig. 7aa Officier de Chasseurs en 1797 d'après Boersch (vente de 2011)
Fig. 7a

Le Général Veaux a reconnu à l'avance avec Vandamme, aussi loin que possible, le chemin menant au col du Tonal. La montée commence à la sortie de Ponte di Legno; le passage, très resserré, présente de nombreux zigzags pendant 2 kilomètres environ, sur le flanc Sud du mont Tonal, puis s'étend presque en ligne droite jusqu'à l'Auberge, au point culminant situé à environ 1,800 mètres d'altitude. La grande difficulté d'accès résidait surtout dans la fréquence des avalanches et l'énorme quantité de neige accumulée par le vent dans le couloir que forment les flancs des deux masses montagneuses du Tonal au Nord, du Monticello au Sud (Mémoire sur les vals di Sole et di Non. Armée des Grisons, Mémoires et reconnaissances. A. H. G. Mémoires historiques).

L'Aide de camp de Baraguey d'Hilliers, Coussaud-Dullié, qui a fait la reconnaissance de ce passage le 14 frimaire, a éprouvé les plus grandes difficultés, tant à l'aller qu'au retour. Il n'a, du reste, pas pu atteindre l'auberge, fortement occupée (Coussand-Dullié à Baraguey d'Hilliers, Ponte di Legno, 14 frimaire - 5 décembre).

Les troupes autrichiennes, placées en avant-postes sur le chemin du Tonal, appartiennent à la Brigade Stojanich, de l'aile droite de l'armée d'Italie. Le gros de la Brigade est entre Male et Ossana, dans le Val di Sole. Le détachement du col du Tonal se compose de 4 Compagnies de Chasseurs volontaires tyroliens et d'un Bataillon du Régiment de Siegenfeld, réunis sous les ordres du Lieutenant-colonel de ce Régiment (Journal des événements survenus dans le Tyrol méridional. K. K. A., Feldacten Tyrol, 1800, XIII, n° 15. Mathieu Dumas dans son Précis des événements militaires, t. V, p. 86, et ses Souvenirs, t. III, p. 216, estime les forces autrichiennes au Tonal à 4,000 ou 5,000 hommes. Ce chiffre semble notoirement exagéré si on le compare aux relations autrichiennes, qui, du reste, attribuent un effectif équivalent aux troupes d'attaque). Ces troupes ont été approvisionnées pour plusieurs mois, tant les communications avec les troupes échelonnées en arrière, dans le Val di Sole, sont difficiles (Coussaud-Dullié à Baraguey d'Hilliers, Ponte di Legno, 14 frimaire). Les retranchements élevés au col et barrant la route, présentaient un obstacle des plus sérieux; ils sont appuyés d'un côté au flanc de la montagne, de l'autre à un précipice. "Ils forment, dit le rapport de Vandamme à Macdonald, une ligne double au centre et en amphithéâtre, défendue par de bons fossés et bien palissadée, en partie revêtus en bois et de parapets crénelés. La force principale de ces ouvrages consiste essentiellement en ce qu'ils couvrent toute la tête du mont et ne laissent aucun moyen de déploiement aux attaquants" (Vandamme à Macdonald, Edolo, 3 nivôse - 24 décembre). A un quart de lieue environ en avant de sa ligne (Vandamme à Macdonald, Edolo, 27 frimaire - 18 décembre), et gardant une première tranchée, le Lieutenant-colonel de Siegenfeld a détaché sur le chemin un poste commandé par un Officier.

Les troupes envoyées par Vendamme vont faire d'héroïques efforts pour enlever aux Autrichiens cette position protégée par des murailles de glace et des ouvrages en terre que Wukassovich a fait construire pendant l'armistice.

Le 2 nivôse, la colonne du Général Veaux quitte Ponte di Legno à 9 h 15 du soir. Elle s'est fait précéder d'une patrouille, dont la présence, éventée par le poste avancé, est immédiatement signalée au commandant des avant-postes. Celui-ci fait sortir une Compagnie, s'avance lui-même sur la route, et prescrit d'attaquer la patrouille avec un détachement de 50 hommes et 12 Chasseurs. Sur ces entrefaites, la patrouille disparait, le détachement autrichien est poussé jusqu'à un calvaire situé à mi-pente, où il séjourne jusqu'à 11 h 30 environ. Il vient à peine de rentrer, lorsqu'à minuit la colonne française arrive en vue du poste avancé. Les hommes marchent en silence à la file indienne. Sans répondre aux coups de fusil qui les accueillent, ils se lancent sur le poste qui a à peine le temps de faire deux décharges, abandonne la tranchée qui barre la route et se retire précipitamment dans les retranchements de l'auberge.

Les Autrichiens ont cru avoir affaire à 500 Grenadiers suivis de toute la Division du général Digonnet (Relation sur l'affaire du 24 décembre au Tonal. Général-major Stojanich. Au quartier-général de Pellizzano, 24 décembre. K. K. A. XII, ad 390/e. Digonnet ne commandait qu'une Brigade de la Division Rochambeau). On se prépare à la résistance, pendant que la colonne française continue à avancer après l'occupation de la première coupure.

En tête marchent les Carabiniers de la 1ère Légère, commandés par le Capitaine Bonnard (Mathieu Dumas, Souvenirs, t. III, p. 209). La neige est abondante et ne porte pas; force est donc de suivre le chemin, sans pouvoir contourner l'ouvrage. Arrivés au pied du retranchement, les Carabiniers tentent d'arracher les palissades; mais, comme la terre est gelée, elles résistent à leurs efforts. En butte aux feux croisés de leurs adversaires abrités derrière les palissades et dans des baraquements crénelés, où ils sont entièrement à l'abri, les Français se replient dans une dépression où ils se reforment. Après s'être fractionnés en trois groupes, ils se lancent de nouveau à l'assaut. Quelques hommes, avançant dans la neige jusqu'à mi-corps, peuvent exécuter un feu plongeant sur les Autrichiens abrités (Rapport de Vandamme). Trois fois nos soldats renouvèlent l'assaut avec la même énergie (Rapport du général-major Stojanich), mais sans parvenir à pénétrer dans les retranchements. L'arrivée d'un renfort autrichien, un Bataillon de Szekler, décide le Chef de Bataillon Lévêque à donner l'ordre de la retraite, qui s'exécute sous la protection des Carabiniers et Grenadiers. L'ennemi esquisse alors une tentative de sortie, bientôt réprimée par les feux de peloton qui l'accueillent.

La retraite sur Ponte di Legno se fait en bon ordre malgré le froid et l'obscurité (Rapport de Vandamme). Les pertes s'élèvent à 5 ou 6 tués et 40 blessés, dont deux Officiers de la 17e légère (le rapport du Général Stojanich est en contradiction avec ceux de Vandamme et de Veaux pour les pertes françaises. Il dit en effet que les Français abandonnèrent 2 Officiers, 1 gradé, 36 morts et trois fois autant de blessés, chiffres bien plus élevés que ceux des rapports français. Ces rapports semblent de plus indiquer que les blessés ne furent pas abandonnés, mais rétrogradèrent avec la colonne. "La plupart des blessures ne sont pas dangereuses" (Rapport de Veaux). "Nous avons à regretter 5 à 6 morts et 36 à 40 blessés dont 3 officiers de la 17e; aucun ne l'est dangereusement. Tout est préparé à Vezza et ici pour leur pansement et rien ne leur manquera" (Rapport de Vandamme). Le Chef de Bataillon Séron, entre autres, a été blessé à la tête; c'est lui qui fait à Vandamme en arrivant à Edolo à 11 heures, le récit des événements de la nuit). De leur côté les Autrichiens accusent 8 tués et 32 blessés, dont 4 Officiers.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Attaque du Mont Tonale
Pendant notre station à Edolo, Macdonald essaya, en remontant la Valteline, d'attaquer le Mont Tonale qui donne entrée dans le Tyrol et la vallée de l'Adige. Mais ici, quoique la hauteur fut moindre qu'au Splugen, la glace et la neige y étaient tout autant amoncelées; de plus, le général autrichien Wukassowich avait couvert de retranchemens les principaux abords du Tonale.
Le 24 décembre (3 nivôse), notre 1er bataillon, un autre de la 17e légère, nos carabiniers, ceux de la 17e et les grenadiers de la 104e de ligne, réunis, plus une cinquantaine de sapeurs, sous les ordres du général de brigade Leveau, de la division Vandamme, tentèrent d'en expulser les Autrichiens, mais inutilement. L'avant garde commandée par le chef de bataillon Levêque de la 17e légère, marchant sur la glace et à découvert, arriva cependant sur les premiers retranchemens qu'elle enleva d'emblée, malgré le feu des cinquante hommes qui les défendaient ; puis, continuant à marcher dans un chemin étroit, glissant et rapide, ayant d'un côté de la neige et de l'autre un précipice, elle se porta, sous un feu meurtrier, jusqu'aux palissades du principal retranchement ; les grenadiers et les sapeurs se mirent alors en devoir de les arracher, mais la terre étant trop gelée, et désespérant malgré leurs efforts de pouvoir enlever ce point important sans y sacrifier beaucoup de monde, le général Leveau ordonna la retraite, et la troupe se retira en emportant ses blessés et en emmenant quelques prisonniers faits au premier poste
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Dans l'Historique régimentaire, nous lisons : "Le Général Vandamme réunit alors les Carabiniers des 1ère et 17ème Légères (on se souvient que la 17e Légère est l'ancienne 1ère Légère formée au camp de la Liberté en 1795) et les Grenadiers de la 104ème de Ligne; puis, se mettant à leur tête, s'élance sur les retranchements. Les Grenadiers, marchant sur la glace et à découvert, sous un feu meurtrier, arrivent jusqu'aux palissades. Inutiles efforts ! La terre est si fortement gelée que les palissades ne peuvent être arrachées. ll faut se retirer. "A l'assaut des retranchements, le Capitaine Emmanuel Lambert, à la tête de 40 hommes, tua ou blessa 30 Autrichiens et fit 28 prisonniers, dont 3 officiers", ce qui lui vaut d'être nommé Chef de Bataillon quelques jours après". Il y a ici une erreur : le Général Vandamme n'était visiblement pas présent au cours de cette opération. Il est fort probable qu'il y ait aussi confusion avec une autre opération (voir plus bas la lettre de Mathieu Dumas en date du 8 nivôse, complétée le 10 nivôse).

Le Général Veaux garde à Ponte di Legno, pendant la matinée du 24, les troupes qui ont pris part à l'expédition de la nuit précédente, afin qu'elles puissent se reposer et parer en cas de besoin à un mouvement offensif des Autrichiens. Il en profite pour écrit au Génral Vandamme :
"Le Général de brigade Veaux au Général de division Vandamme.
Ponte di Legno, le 3 nivôse (24 décembre).
La colonne formée des compagnies de carabiniers des 1re et 17e demi-brigades légères, ainsi que la compagnie de grenadiers de la 104e, et des détachements d'élite de chacun de ces corps, s'est mise en marche hier soir à 9 heures, pour attaquer les avants-postes ennemis sur le mont Tonal, et ses retranchements. L'attaque a été faite avec infiniment de vigueur, l'ennemi a été chassé de suite de ses avant-postes sans qu'il y ait eu un seul coup de fusil tiré de notre part; mais arrivés aux principaux retranchements, l'ennemi parfaitement couvert par des retranchements fermés par des palissades et dont l'intérieur est garni de baraques crénelées, et où le soldat est entièrement à l'abri, s'est défendu avec la plus grande opiniâtreté et a fait un feu bien soutenu et continuel. La colonne ne pouvant arriver que par un seul chemin frayé à cause de la grande quantité de neiges et qui ne porte pas, n'a pu tourner ces ouvrages, et après l'attaque soutenue du plus grand courage de la part des troupes, les chefs de bataillon Séron, votre adjoint, et Lévêque de la 17e légère, qui commandaient les dites colonnes, ont ordonné la retraite qui s'est effectuée dans le plus grand ordre et sans que l'ennemi ait osé nous suivre.
Les deux chefs se louent de la bravoure des officiers et soldats des différents corps, vous pouvez être assuré de leur courage, mon général, et être persuadé qu'ils réussiront dans tout ce qu'il sera possible de faire. Nous avons perdu 5 à 6 braves qui ont été tués, et environ 40 blessés parmi lesquels sont deux officiers de la 17e, la plupart des blessures ne sont pas dangereuses.
Je ne saurais trop faire l'éloge des deux chefs qui commandaient cette colonne; ils se sont conduits avec beaucoup de bravoure et d'intelligence et la troupe a fait la marche la plus fatigante. Je me ferai donner demain un état exact des hommes tués et blessés; je vous en rendrai compte de suite.
Je garde les troupes jusqu'à dix à onze heures, afin qu'elles puissent se reposer et servir dans le cas où l'ennemi voudrait essayer à nous attaquer.
Signé: VEAUX.
P. S. Malgré que nos soldats aient très peu tiré, l'ennemi a cependant dû perdre beaucoup de monde; nos soldats, très près des palissades, plongeaient dans ses retranchements.
Pour Copie conforme : Le Général de division. Vandamme.
[Copie. Correspondance]
" (Leplus : armée des Grisons).

De son côté, Vandamme écrit au Général Macdonald :
"Le Général de division Vendamme à Macdonald.
Edolo, le 3 nivôse (24 décembre).
Il est onze heures et le chef de bataillon Séron arrive très fatigué et légèrement blessé à la tête, pénétré d'admiration pour les braves employés à cette expédition; il me fait le rapport suivant :
A 9 heures et un quart, la troupe est partie de Ponte di Legno. Après trois fortes heures de marche, elle a rencontré le premier poste retranché de l'ennemi fort de 30 hommes, se gardant bien et supérieurement placé. Ce poste a fait un feu assez nourri pendant quelques instants; notre troupe filant par un et sans répondre au feu de l'ennemi, s'est précipitée sur ce poste malgré sa position escarpée et extraordinaire, car c'est par un que l'on a pu cheminer; l'ennemi, effrayé d'une aussi grande bravoure, s'est sauvé en laissant un mort et enmenant quelques blessés.
Alors toute la colonne s'est avancée et a marché avec la plus grande intrépidité contre les retranchements ennemis qui, d'après les rapports des Chefs de bataillons Lévêque et Séron, sont d'un accès très difficile et d'une très bonne défense; ils sont appuyés à droite à une montagne escarpée et à gauche à un précipice, ils forment une ligne double au centre et en amphithéâtre, défendue par des bons fossés et bien palissadée, en partie revêtus en bois et de parapets crénelés. La force principale de ces ouvrages consiste essentiellement en ce qu'ils couvrent toute la tête du mont et ne laissent aucun moyen de déploiement aux attaquants.
Le chef de bataillon Lévêque de la 17e légère qui commandait la colonne, eut peine à retenir nos intrépides soldats; beaucoup se sont précipités dans les fossés, d'autres, plus adroits et non moins braves, se sont postés dans les neiges jusqu'au milieu du corps, et par leur feu plongeant, accablaient les retranchements ennemis où ils ont tué et blessé beaucoup de monde.
D'après les rapports, il paraît que l'ennemi avait 300 hommes au moins, point de canon; il recevait déjà des nouveaux renforts, lorsque les deux chefs de bataillon ont déterminé la retraite; alors le chef Lévêque a réuni de son mieux sa colonne et s'est retiré sous la protection des braves carabiniers de la 1re légère que commandait le capitaine Bonnard, les deux compagnies de la 17e et les grenadiers de la 104e. L'ennemi crut sortir et forcer notre mouvement, mais les premiers qui ont paru, ont reçu une décharge de plusieurs feux de pelotons qui les a fait rentrer.
La troupe s'est retirée dans le plus grand ordre; malgré le grand froid, l'obscurité inexprimable du chemin, pas un homme n'a murmuré; les blessés, tous hommes choisis et dignes d'estime, ont souffert sans se plaindre. Nous avons à regretter 5 ou 6 morts et 36 à 40 blessés dont 3 officiers de la 17e, aucun ne l'est dangereusement. Tout est préparé à Vezza et ici pour leur pansement et rien ne leur manquera.
Le chef d'Etat-Major de l'avant-garde fera connaître au général Dumas les noms de ceux qui se sont particulièrement distingués.
L'adjudant sous-officier du 2e bataillon de la 17e, jeune homme du plus rare mérite, a eu les deux jambes traversées d'une balle.
Le général Veaux paraît avoir été content de mon second aide de camp Desoye. C'est aux deux chefs de bataillon Séron et Lévêque, que l'on doit ce qui a été fait de bien dans cette expédition, qui ne me paraît pas sans mérite au moment d'opérer.
VANDAMME.
P. S. Le canon se fait entendre fortement sur la droite en arrière; il parait que le général Brune commence.
[Original. Correspondance]
" (Leplus : armée des Grisons).

En même temps, Vandamme, instruit par l'expérience de la surprise de Scanfs, se garde sur sa droite. Il a envoyé deux Compagnies de la 1ère Légère à Breno pour observer le passage de Croce Domini, qui met en communication le val Camonica et la Chiese. Deux Compagnies de la même Demi-brigade stationnent à Malonno, la Compagnie du 1er Hussards à Sonico, localités du val Camonica, au Sud d'Edolo. Ces deux détachements ont mission d'observer les débouchés du Val di Fumo, au Sud du massif de l'Adamello (Bulletin historique de la division d'avant-garde du 11 au 30 frimaire - 2 au 21 décembre). L'aile droite de Macdonald est donc momentanément réduite à l'expectative devant le Tonal, tandis que l'aile gauche, qui vient de prendre l'offensive en Engadine, remporte une série de succès.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le lendemain 25 décembre (4 nivôse) notre premier bataillon fournit encore un détachement qui, joint à ceux d'autres corps, alla encore reconnaître la contenance de l'ennemi ; cette fois encore il revint amenant un officier autrichien qui s'étant imprudemment jeté hors du premier retranchement, fut coupé et pris" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Macdonald renonce pour le moment à forcer la position du Tonale. Il revient à Edolo, descend la vallée de l'Oglio jusqu'à Pignolo sur le lac d'Iséo. Là, tournant à l'est, il passe dans la vallée de la Chiese.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le passage du Tonale, seule communication essentielle entre les têtes des vals Camonica et di Sole, est un point très important, aussi les Autrichiens mirent ils beaucoup de soin à sa défense, et le munirent de bons retranchemens, consistant en une ligne de redoutes et de redans détachés, qui s'étendait depuis cette montagne jusqu 'à celle de Verdriel, et couverte par deux petits ruisseaux ou torrens qui lui tenaient lieu de fossés, mais qui alors, étaient totalement gelés.
Cette ligne, à l'aide des neiges qui couvrent ce passage la moitié de l'année, se défendait efficacement. Vainement attaquée, il fallut de nécessité la tourner pour la faire évacuer. Macdonald prit alors la résolution de passer dans la vallée de l'Oglio, de la descendre jusqu'a Pisogno, pour se porter ensuite dans la vallée de la Chiese.
Le 29 décembre 1800 (8 nivôse an 9) nos deux bataillons se rendirent à Malonno où le général nous passa en revue
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Masséna

Pendant ce temps, Brune attend l'arrivée de Macdonald sur son flanc gauche pour forcer le Mincio. Il s'est contenté jusque là d'organiser son armée, de prendre position et de surveiller ses flancs. Le 1er Bataillon de la 1ère Légère est passé à l'avant-garde sous le Chef de Brigade Gaspard (Brigade Cassagne, Division Delmas). De Bergame, il est revenu à Brescia, et de là a d'abord été posté sur les hauteurs de Donato, puis à Castel Venzago pour surveiller Peschiera pendant le passage du Mincio. Le 5 nivôse (25 décembre), Dupont réussit à passer le fleuve à Pozzolo et, avec 10000 hommes, tient tête à 30000 Autrichiens. Le lendemain 26, Brune effectue son passage à Mozambano avec le gros de l'Armée.

La Brigade Casagne a été déployée le 25 en face de Borghetto pour contenir les Autrichiens qui occupent fortement Vallegio et le pont de Borghetto, situé entre les deux points de passage choisis par Brune. Le 26, elle parvient à prendre position sur les hauteurs de Vallegio, où elles est assaillie par trois colonnes de Grenadiers (12000 hommes), la réserve de l'Armée du Comte de bellegarde. Le Chef d'Etat major Oudinot prend le commandement de la Brigade ; il faut deux heures de combats pour repousser le corps d'élite autrichien. Le village de Vallegio est pris et repris trois fois. Le Chef de Brigade Gaspard, qui commande la 1ère Légère provisoire dont fait partie le 1er bataillon, a le bras gauche emporté par un boulet à la troisième attaque. Enfin, l'ennemi cède et la Brigade Cassagne fait plus de 1000 prisonniers. Après le passage du Mincio, l'Armée d'Italie se dirige vers l'Adige.

De son côté, Macdonald poursuit sa marche sur Trente. Le 29 décembre, les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère passent de vive force la Chiese à Caffure près de Store. Dans cet engagement, le Capitaine martin Emmerecks est blessé d'un coup de feu au bras.

Pour persuader les Autrichiens que Macdonald s'obstine à vouloir forcer le passage du Tonal, Vandamme envoie, le 8 nivôse, contre les retranchements, une reconnaissance au cours de laquelle l'Adjoint Seron relèva leur position. Cette reconnaissance est repoussée par des forces supérieures (Leplus : La campagne de 1800 à l'Armée des Grisons).

Depuis Edolo, Mathieu Dumas écrit le 8 nivôse (29 décembre) au Ministre de la Guerre : "... Vous apprendrez avec plaisir, mon général, que les attaques que le général en chef a ordonnées, partout où l'on a pu atteindre les forces des ennemis sur cette frontière, ont été exécutées avec autant de vigueur que d'intelligence; hier encore, il a fallu contenir les carabiniers de la 1re et de la 17e légère qui, placés aux avant-postes devant le mont Tonal, ont enlevé ceux de l'ennemi malgré l'avantage du lieu, et se portaient de nouveau vers les retranchements que la hauteur des neiges et un ravin ne permettaient pas d'atteindre ..." (Leplus : armée des Grisons).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 29 décembre 1800 (8 nivôse an 9) nos deux bataillons se rendirent à Malonno où le général nous passa en revue" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Chasseur 1er Léger en Helvétie 1799 Chasseur 1er Léger en Helvétie 1799

Fig. 8 Chasseur du 1er Léger en Helvétie , en 1799. A gauche, le dessin original; à droite le fac-similé de R. Petimermet pour la SCFH de 1954

Le 10 nivôse (30 décembre), Macdonald, craignant d'être inquiété par le détachement autrichien du mont Tonale, ordonne au Général Vandamme de faire une nouvelle démonstration sur ce point. Dans la matinée, le général Veaux se met à la tête d'une colonne composée du 1er Bataillon de la 17e Légère et des tirailleurs de la 1ère Légère, en tout 450 hommes. Il avance sous la neige qui tombe à flocons épais, atteint la première ligne de retranchements défendue par le Bataillon léger de Greth, et l'enlève malgré l'arrivée de fractions du 4e Bataillon Bannal. Les troupes françaises poursuivent les ennemis jusqu'au pied de la redoute, mais le Général Veaux, renseigné sur leur supériorité numérique, se voyant en butte au feu des pièces d'artillerie qui viennent d'être placées dans l'ouvrage, juge préférable de ne pas s'engager à fond; il est d'ailleurs menacé sur son flanc droit par une Compagnie du 4e Bataillon Bannal. Il rentre sans encombre à Ponte di Legno; les patrouilles autrichiennes se bornèrent à observer de loin sa retraite (Veaux à Vandamme, Ponte di Legno, 10 Nivôse. Journal de Vukassovich. Journal des événements survenus dans le Tyrol méridional).

Mathieu Dumas écrit au Ministre de la Guerre : "... P. S. De Breno dans le val Camonica, le 10 nivôse.
Au moment où j'expédiais cette dépêche, citoyen Ministre, le général Vandamme rend compte au général en chef de la troisième attaque qu'il a fait faire sur le mont Tonal, toujours dans le même but; cette attaque a été dirigée par le général de brigade Veaux et exécutée avec beaucoup d'ardeur par un détachement de la lre légère et le 1er bataillon de la 17e légère. Les postes avancés avaient été renforcés et retranchés; il s'y trouvait environ 600 hommes, qui ont été chargés et culbultés en un instant; on leur a tué 25 hommes, blessé un très grand nombre; on a fait 22 prisonniers parmi lesquels un capitaine et un lieutenant. Le chef de brigade Vedel, de la 17e, et le chef de bataillon Launay de la 1re, ainsi que le capitaine Lambert et quelques autres officiers, se sont conduits à la tête de l'attaque, avec beaucoup de courage et d'intelligence. Les ennemis ont été poursuivis dans leurs redoutes jusqu'au revers du mont Tonal et fusillés dans leurs retranchements, où ils ont maintenant 2 bataillons et 5 pièces de canons
" (Leplus : armée des Grisons).

Cette démonstration, au cours de laquelle le combat a été mené avec vigueur, va avoir un résultat différent de celui qu'en attendait Macdonald. Le G. M. Stojanich, qui a reçu le 9 nivôse (30 décembre) l'ordre de replier ses troupes jusqu'à la position de Terzolas, en arrière de Male, en ne laissant qu'un poste d'observation au Tonal, n'ose pas exécuter son mouvement immédiatement, dans la crainte d'une attaque; il le diffère jusqu'à la nuit du 11 au 12 nivôse (1er au 2 janvier).

L'historique régimentaire raconte : "L'attaque est dirigée par le Général Veaux qui en confie l'exécution au Chef de Brigade Vedel secondé par les Commandants Lambert et Launay, avec 450 hommes d'élite des 1ère et 17ème Légère. Le 11 nivôse (31 décembre), la petite colonne marche directement sur les ouvrages. L'assaut des deux redoutes de première ligne est donné avec une telle vivacité que les Carabiniers arrivent aux palissades de la 2e ligne, en même temps qu'un Régiment autrichien. Veaux ayant rempli sa mission, rejoindra ensuite le gros de l'armée de Macdonald".

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Marche dans le Haut Tyrol et le Trentin
Le 4 janvier 1801 (14 nivôse an 9) nous nous rendîmes à Lover, passant l'Oglio près du lac d'Iseo; le 5 (15) nous nous embarquâmes sur ce lac pour nous rendre à Saone où nous logeâmes, franchissant les cols qui nous séparaient de la vallée de la Chiese, vallée secondaire qui se termine au lac d'Iseo, moyenne région du revers méridional des Alpes, formant le dernier gradin de la pente Alpine
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Parallèlement, le Général Rochambeau a occupé Salo sur le lac de Garde avec la Brigade Digonnet et s'est relié aux troupes chargées, après le passage du Mincio, du blocus de Peschiara; sa deuxième Brigade (Brunet : 67e de Ligne et un Bataillon de la 1ère Légère), tient le val Sabbia et la Rocca d'Anfo sur le lac Idro. Le 10 nivôse (31 décembre), Rochambeau prévient le commandant de l'Armée des Grisons qu'il va faire marcher simultanément ses Brigades sur Riva et Storo. La Brigade Brunet n'abandonnera Storo qu'après l'arrivée de la Division Lecchi, pour ne pas démasquer prématurément les troupes de Macdonald. Brunet se dirigera alors sur Riva par le val di Ledro, pour rallier Digonnet (note de Leplus : Rochambeau à Macdonald,Vestone, 10 nivôse, 5 heures du soir. A. H. G. Armée d'Italie).

Le 12 nivôse, la Brigade Brunet, remontant les Giudicaria, occupe Storo et pousse l'ennemi jusqu'à Condino, au delà du débouché du val di Ledro. La communication avec Riva est dès lors assurée. Dans la soirée, la Division italique rejoint la Brigade Brunet et prend possession de Storo. L'arrivée de la Division Pully dans cette localité, le 14 nivôse, permit à Brunet de se diriger par le val di Ledro sur Riva où il arrive le 16 nivôse. Digonnet l'a précédé de deux jours dans cette ville.

A la Roca d'Anfo, Macdonald rejoint la Brigade Lecchi que Brune a détachée de l'Armée d'Italie pour prêter main forte à l'Armée des Grisons.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 6 (16) nous fùmes à Roca d'Anfo, où s'opéra notre jonction avec la division du général Lecchi, troupe italienne envoyée à notre rencontre ..." (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Macdonald espère alors gagner bientôt Trente et prendre position entre les Autrichiens qui défendent les sources des fleuves et ceux qui défendent les cours inférieurs. Il atteint Trente après avoir forcé devant cette ville le pont de l'adige le 18 nivôse (7 janvier 1801).

Corps de Moncey, 31 décembre 1800 - 10 janvier 1801 (Nafziger)
Commandant en Chef : Général de Division Moncey, commandant l'Aile gauche de l'Armée d'Italie
2e Divison : Général de Division Rochambeau
1ère Demi-brigade Légère, 1 Bataillon, 510 hommes

Source : Leplus, "La Campagne de 1800 à l'Armée des Grisons", Paris, 1908. D'après la situation décadaire de l'armée d'Italie, du 10 au 20 nivôse (31 décembre 1800 au 10 janvier 1801). A.H. G. Situations, Italie, 1801.

Situation de l'Armée du Rhin - sans date (Nafziger)
Commandant en Chef Général Moreau
Aile droite : Lieutenant Général Lecourbe
Division : Général de Division Montchoisy
Brigade : Général de brigade Mainoni
1ère Demi-brigade Légère, 1 Bataillon

Division : Général de Division Vandamme
Brigade : Général de Brigade Molitor
1ère Demi-brigade Légère, 2 Bataillons

Source : de Carrion-Nisas, Marquis, Campagne des Francais en Allemagne, Année 1800, Paris, 1829

Par ailleurs, le 12 nivôse (1er janvier 1801), la Division Delmas, dans laquelle se trouve le 1er Bataillon, a franchit l'Adige au dessus de Bussolengo. Les Carabiniers de l'avant-garde réunis ensemble, après avoir traversé le fleuve en bateaux, ont couvert sur la rive gauche l'établissement du pont. L'avant-garde repousse les Autrichiens de Pescantina à Parona, enlevant plusieurs centaines de prisonniers, et prend position à Castel Roto. La poursuite continue le lendemain. "L'adjudant-général Foy, qui commande la réserve de l'aile gauche (Note : Cette réserve comprenait le bataillon des grenadiers réunis et le 3e bataillon de la 1re d'infanterie légère; elle était, au début de la campagne, cantonnée à Rezzato. L'aile gauche était commandée par le lieutenant-général Moncey), passe le fleuve à Mozambano, appuyant la division Boudet, puis se porte sur l'Adige qu'il traverse à Bussolengo, le 1er janvier 1801. Là, il reçoit l'ordre de remonter la vallée de l'Adige; adoptant la tactique employée dans la campagne de 1796, il fait suivre la route par ses flanqueurs et s'avance avec le gros de son infanterie par le chemin difficile qui couronne les hauteurs. Après douze heures d'une marche pénible sur la glace et à travers les rochers, il arrive en vue de Péri encore occupé par l'ennemi; il se hâte de descendre de la montagne, mais ne peut atteindre que l'arrière-garde et lui fait quarante prisonniers. La poursuite continue le lendemain par Ala sur Roveredo, malheureusement, Moncey se laisse persuader qu'un armistice a été signé et sa crédulité permet aux Autrichiens, qui allaient se trouver cernés par le corps de Mac Donald, d'échapper à une destruction certaine. Bientôt détrompé, Moncey reporte ses troupes en avant" (Girod de l'Ain : Vie militaire du Général Foy, pages 37-38).

Le journal des opérations raconte : "Les carabiniers de la 1re Légère se distinguèrent dans l'engagement du 15 nivôse (4 janvier) sur les hauteurs de Colognola où l'ennemi fut forcé à une fuite précipitée. Le lendemain, les carabiniers de la 1re Légère méritèrent encore des éloges : après avoir forcé l'ennemi à abandonner d'abord Saint-Martin, puis Suave (ou Soave), ils le poursuivirent de position en position et culbutèrent un régiment entier qui s'enfuit en jetant ses armes, et ne dut son salut qu'au brouillard épais qui couvrait son désordre. La 1re Légère prit à ce régiment 200 hommes, dont un major et 2 officier et 300 fusils".

Le 17 nivôse (6 janvier), pendant que le gros de l'Armée rejette les impériaux sur Vicence, la Division Delmas les précède sur le ravin de Laldego, franchit ce ravin et détache la Brigade Cassagne vers l'Agna (au nord de Montebello) pour barrer la retraite. La Brigade Cassagne, engagée dans des chemins rendus impraticables par les neiges, arrive trop tard pour couper la retraite; mais elle attaque vigoureusement le village de Montechio. "L'enlèvement de cette position fut entièrement du à la bravoure de la 19e Légère soutenue par les carabiniers de la 1re Légère. Cette troupe entrépide gravit les hauteurs au pas de charge, délogea 3 régiments d'infanterie et 1 de cavalerie. Elle fit 300 prisonniers" (Compte rendu officiel).

Le 19 nivôse (8 janvier), la Brigade Cassagne prend position au dela de l'Agna. Le 20 (9 janvier), elle s'établit à Anconello où elle résiste à un violent retour offensif de l'arrière-garde autrichienne. Le 21 (10 janvier), elle passe le Brenta et campe devant Cittadella. Le 22 (11 janvier), tournant Castel Franco par le nord, elle franchit le ravin de Meuson, gagne l'ennemi de vitesse, et tombe sur le flanc des Autrichiens à Salva Rosa où elle fait 600 prisonniers. Enfin, le 23 (12 janvier), elle enlève des postes ennemis à Vellado et Lovadino, et pousse une reconnaissance jusqu'à Trévise.

Le Capitaine Duthilt raconte : "... le 7 (17) à Romo, et le 8 (18) à Vezzano. Dans cette dernière ville, quelques soldats s'étant livrés au pillage non seulement des vivres, mais encore d'objets précieux, le général Vandamme fit aussitôt rassembler sa division, arrêter les pillards, et les fit remettre garottés à l'avant garde pour etre livrés au conseil de guerre. Je fus chargé de les y conduire.
Le 9 ( 19) nous passâmes l'Adige près de Trente et nous fûmes loger à Lavis. L'Adige sort du Tyrol allemand au dessus de Borghetto, où son cours commence à servir de limite à l'Italie.
Le 10 (20) nous fûmes à Tramin, sur la route de Botzen, où nous nous arrêtâmes. Là, notre 2e bataillon se porta seul sur Inspruck capitale du Tyrol allemand, et resta par suite quelque temps séparé de son état major. Ainsi la 1re demi brigade d'infanterie légère se trouvait en ce moment divisée en trois parties :
son 1er bataillon était dans le Trentin, son 2e dans le Tyrol allemand, et son 3e à l'armée d'Italie.
La ville de Botzen, où nous nous étions arrêtés, est petite mais commerçante et contient environ 6.000 habitans ; elle est ouverte de tous côtés. Ses environs sont exposés à des inondations fréquentes, causées par les trois affluens de l'Adige, du Talfer et de l'Eysach. La ville est adossée au Nord et à l'Est, à des montagnes presque inaccessibles. Elle est à 20 lieues d'lnspruck et à 18 de Trente.
Le 12 (22) l'état major et le 1er bataillon de notre demi brigade, le seul qui lui resta attaché, rétrogradèrent sur Trente, capitale du Tyrol italien, ville conquise quelques jours auparavant par la division du général Lecchi , Macdonald y avait aussi établi son quartier général; elle était encore encombrée de troupes, aussi nous couchâmes pêle mêle sur les dalles des arcades qui bordent les principales rues.
Cette ville est renommée par le fameux concile qui y fut tenu, au sujet de la réforme proposée par Luther et qui dura de 1545 à 1563. Dans nos guerres de la révolution elle fut occupée par l'armée française d'Italie en l'an 4, par celle d'Helvétie en l'an 7 et enfin, cette fois, en l'an 9, par celle des Grisons.
Elle contient 15.000 âmes; elle est fermée de murs de 30 pieds de hauteur sur les 2/3 de son enceinte ; le reste est bordé par la rive gauche de l'Adige, qui coule vers Venise.

- Mouvemens des armées belligérantes

"Le mouvement que nous fîmes pour tourner le Tonale obligea le général Wukassowich à se retirer, ce qui permit aux colonnes françaises restées en arrière vers Edolo, de franchir directement ce mont pour se rendre à Trente.
Le général Laudon qui commandait dans le Tyrol, et dont dépendait Wukassowich, allait être pris entre Macdonald qui descendait du Tonale sur Trente, tandis que Moncey y montait venant de l'Adige, lorsqu'il employa le stratagème connu qui consiste à annoncer la conclusion d'un armistice".
Ces particularités expliquent la sécurité dans laquelle nous nous trouvâmes en arrivant à Trente ainsi que notre marche sur Botzen, puis rétrograde sur Trente, mais elles ne font pas connaître les causes qui ont amené Moncey sur l'Adige, et comme celles-ci dérivent d'une série d'actions opérées spontanément par nos trois armées, d'Allemagne, des Grisons et d'Italie, je reprendrai le récit des faits merveilleux de ces armées, après que j'aurai terminé d'indiquer notre marche de Trente à Roveredo, où la division Vandamme eut ordre de se rendre et de s'y loger.
Nous partîmes de Trente le 13 janvier 1801 (23 nivôse an 9) pour nous rendre à Roveredo, ville située à un quart de lieue des bords de l'Adige, dans une plaine bien cultivée plantée de vignes et de mûriers, d'une population de 6.000 âmes; là, nous fûmes enfin logés chez l'habitant et nous pûmes prendre quelque repos.
Le 16 (26) plusieurs de nos compagnies furent envoyées à Sacco, gros bourg vis à vis Roveredo sur la rive droite de l'Adige, où l'on arrive en passant sur un bac, à deux lieues du lac de Garda. Ce lac a environ 15 lieues de long sur 3 de largeur moyenne; ses eaux extrêmement limpides laissent découvrir à une grande profondeur les pierres qui forment son fond, ou les herbes qui le tapissent; elles sont légères, d'un goût un peu poissonneux, mais bonnes à boire sur les bords. Trois îles s'élèvent au-dessus de ses eaux : Trimelone , Olivi et dei Frati.
A Roveredo, j'ai été employé en qualité d'adjudant de place désigné à cet effet par le général Vandamme, sous le commandement de monsieur Willot, officier de la demi brigade, né à Véronette, rive gauche de l'Adige à Vérone. Cet officier, avant notre départ de Roveredo, devait me compter la somme de 2.400 livres que l'administration de la ville m'avait allouée et qu'elle lui avait confiée, mais il se l'appropria et partit pour Vérone, de là pour Milan, où il sollicita un emploi dans la gendarmerie italienne ; trompé dans son attente, il en est mort de chagrin peu de temps après
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Les Autrichiens sont battus sur tous les théâtres d'opérations. La guerre n'a plus de raison d'être. Déjà, le 25 décembre, Moreau a signé un armistice avec l'Archiduc Charles. Brune accueille à son tour l'armistice qui lui est demandé et le signe, le 27 nivôse (16 janvier), à Trévise.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Moreau à l'armée d'Allemagne Brune à l'armée d'Italie
Le 25 décembre 1800, Moreau vainqueur à Hohenlinden le 3, était arrivé à Steyer aux portes de Vienne, lorsqu'il signa un armistice.
Le même jour, Brune était vainqueur à Pozzolo. Dépassant Mantoue qu'il faisait bloquer derrière lui, rejoint par Moncey et Macdonald, il poussait devant lui l'armée autrichienne d'Italie, lorsque celle ci demandait à son tour un armistice, le 16 janvier 1801 (26 nivôse an 9)
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée Française des Grisons, 21 janvier 1801 (Nafziger - 800AHHH)
Général commandant : Général de Division Macdonald
Avant garde : Général de Division Vandamme
1er Bataillon de la 1ère Demi-brigade Légère (765 hommes), à Roveredo


Source indiquée : Leplus, "La Campagne de 1800 à l'Armée des Grisons", Paris, 1908; D'après une situation générale du 1er pluviôse (21 janvier), complétée par les situations existantes des Divisions, vers la même date, A. H. G., Situations.
Grisons, 1801.

Les hostilités ne se continuent plus qu'en Toscane. Les négociations, commencées à Lunéville, au lendemain de Marengo, sont donc poussées avec activité et la paix est définitivement signée, le 25 pluviôse an IX (9 février 1801).

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Moreau à l'armée d'Allemagne Brune à l'armée d'Italie
Le 25 décembre 1800, Moreau vainqueur à Hohenlinden le 3, était arrivé à Steyer aux portes de Vienne, lorsqu'il signa un armistice.
Le même jour, Brune était vainqueur à Pozzolo. Dépassant Mantoue qu'il faisait bloquer derrière lui, rejoint par Moncey et Macdonald, il poussait devant lui l'armée autrichienne d'Italie, lorsque celle ci demandait à son tour un armistice, le 16 janvier 1801 (26 nivôse an 9).

- Traité de paix avec l'Autriche

C'est alors que les autorités civiles de Roveredo s'empressèrent de donner des fêtes aux généraux et aux officiers français dans cette ville, et la certitude d'une paix prochaine vint ajouter encore à la joie et aux plaisirs du moment.
Le 20 février 1801 (1er ventôse an 9) un courrier traversa Roveredo, se rendant au quartier général à Trente, annonçant décidément la fin de cette terrible guerre; la place de Mantoue avait été remise aux Français le 26 janvier (6 pluviôse) et le 9 février (20 pluviôse) la paix avec l'Autriche était signée à Lunéville par les plénipotentiaires, Joseph Bonaparte et Cobentzel. Cette bonne nouvelle ayant été confirmée par l'ordre de l'armée, le canon tonna, les cloches des églises et des couvens sonnèrent, la troupe prit les armes, un Te Deum fut chanté solennellement, des armes d'honneur furent délivrées aux officiers, sous officiers, caporaux, soldats et tambours dans les différentes armes de l'armée, pour actions d'éclat, depuis la guerre de la révolution. Le soir, il y eut illumination et bal pour les officiers et notables de la ville, ainsi que pour la troupe et le peuple. Le général Vandamme y assista.
Les armes d'honneur comprenaient suivant le cas, fusil, mousqueton, trompette, baguettes de tambour, haches d'abordage garnies en argent, grenades en or, etc., récompenses apparentes et nominations accordées au mérite militaire par le Premier Consul, et base de la Légion d'honneur suivant l'arrêté des Consuls en date du 4 nivôse an 8 (25 décembre 1799), conformément à l'article 87 de la Constitution de l'an 8.
L'article 1er du titre 2 du décret du 29 floréal an 10, dit : Sont membres de la Légion d'honneur tous les militaires qui ont eu des armes d'honneur.
Mais, par une disposition restrictive, non connue, les militaires qui avaient eu des armes d'honneur antérieurement à l'arrêté du 4 nivôse an 8 furent exclus de la récompense accordée à leurs frères d'armes; et cependant cette exclusion ne pouvait être dans la pensée du Premier Consul, puisque c'était de lui même alors général en chef de l'armée d'Italie, qu'ils tenaient leurs armes d'honneur.

1801. - Aux habitans de Roveredo à l'occasion de la paix
Vous qui gémissiez sur les maux dont la guerre
Avait, dans sa fureur, couvert toute la terre,
N'ayez plus de soucis ; un oracle flatteur
Vous annonce, à jamais, le calme et le bonheur.
Que vos coeurs satisfaits rappèlent l'allégresse;
Par mille accords divers exhaler votre ivresse;
Aux douceurs de la paix vous pouvez vous livrer,
Dans vos riches vallons elle vient se fixer.

Célèbre traité qui terminait si heureusement la guerre de la seconde coalition contre la Républiquc française, et qui couronna la campagne la plus glorieuse qui puisse illustrer une grande nation, faits d'armes sans exemple, dans les fastes de l'histoire, et qui ne seront jamais répétés.
Honneur, mille fois honneur au génie transcendant qui fit manoeuvrer trois armées, séparées entre elles par des monts d'un difficile accès, et par des fleuves larges, profonds et rapides, qu'elles traversèrent cependant avec un matériel immense, tombant comme la foudre sur un ennemi redoutable par sa force et son obstination, et qui fut écrasé du choc et réduit à implorer la clémence du vainqueur ; ce traité concédait à la France, pour la seconde fois, la Belgique, le comté de Falkenstein, le Frickal, toutes les propriétés situées sur la rive gauche du Rhin; l'indépendance des républiques batave, helvétique, cisalpine et ligurienne est garantie, et l'infant, duc de Parme, obtient la Toscane et l'ile d'Elbe, qui formèrent le royaumed'Etrurie; une enclave entre Suzach et Bâle; Venise et son territoire jusqu'à l'Adige à l'Autriche; les prisonniers politiques, italiens et autres, rendus à la liberté, ceux de guerre échangés en masse et en totalité. Le Premier Consul disait :
"L'Autriche, séparée désormais de la France par de vastes régions, ne connaîtra plus cette rivalité, ces ombrages qui, depuis tant de siècles, ont fait le tourment de ces deux puissances et les calamités de l'Europe. Par ce traité tout est fini pour la France; elle n'aura plus à lutter contre les formes et les intrigues d'un congrès".
Bonaparte était entré au pouvoir le 9 novembre 1799 (18 brumaire an 8), on était arrivé au 9 février 1801 (20 pluviôse an 9), quinze mois s'étaient écoulés et déjà la France était réorganisée au dedans, complètement victorieuse au dehors, en paix avec le continent, en alliance avec le Nord et le Midi de l'Europe contre l'Angleterre, et la cour de Rome négociait à Paris l'arrangement des affaires religieuses; la cour de Naples traitait également de la paix, et l'Autriche n'ayant pas rétabli le roi de Sardaigne sur son trône, le Piémont restait à la disposition de la f'rance.
En attendant la ratification du traité de Lunéville, les troupes françaises continuèrent à occuper le territoire conquis et rétrocédé à l'Autriche
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Dès la signature de l'armistice, des dispositions ont été prises pour donner plus d'homogénéité aux armées. En conséquence, les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère vont enfin pouvoir le 1er Bataillon.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Dislocation de l'Armée des Grisons
Enfin, les corps qui ne furent pas désignés pour continuer à rester en Italie se retirèrent dans le Piémont et en France, tant ceux provenant de l'armée d'Italie que ceux de l'armée des Grisons, dissoute par le fait de la jonction des deux armées à Trente. Macdonald et Brune n'ayant plus d'ennemis à combattre, se rendirent l'un et l'autre à Paris. Le général Moncey prit alors le commandement général des deux armées, sous la dénomination d'armée d'Italie. La république cisalpine fut agrandie d'une partie du territoire du Piémont, et le surplus resta au gouvernement français, comme une pomme de discorde laissée pour servir plus tard de prétexte à une nouvelle guerre
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

E/ En Italie de 1801 à 1806

1/ Dans la Cisalpine

Avec la paix, la 1ère Légère va occuper plusieurs garnisons dans la République Cisalpine, et être employée essentiellement au maintien de l'ordre jusqu'en 1803. Ainsi, elle tient garnison à Bologne, où elle se repose des fatigues de la campagne.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Armée d'occupation d'Italie
- Séparation de Vandamme
La 1re demi brigade d'infanterie légère ayant été désignée pour faire partie de l'armée d'occupation en Italie, reçut le 2 mars 1801 ( 11 ventôse an 9) l'ordre de partir de Roveredo pour se rendre le meme jour à Dolce; là elle se sépara du brave général Vandamme qui, par sa prédilection pour le corps qu'il avait formé, et avec lequel il avait fait ses premières armes, l'avait comblé de son estime.
L'affection constante qu'il portait aux officiers de ce corps, dont il savait les noms, et l'amitié toute paternelle qu'il avait vouée aux anciens chasseurs lui donnaient des droits à l'attachement et à la reconnaissance de tous indistinctement; aussi, depuis le chef de cette demi brigade jusqu'au plus jeune des chasseurs, tous s'empressèrent de lui témoigner leurs regrets, comme perdant un père tendrement aimé.
Continuant notre route vers la haute Italie, le 3 (12) nous fûmes à Vérone, le 4 (13) à Montebello, et le 5 (14) nous arrivâmes à Vicence.
Par suite des démarches faites par le général Vandamme, qui venait d'obtenir un commandement en Helvétie, et qui désirait nous y emmener avec lui, nous eûmes l'ordre d'aller à Montfort et à Montebello, ou nous logeâmes le 6 (15), espérant bien de continuer notre marche sur l'Helvétie, mais un contre ordre du général Moncey nous retint dans ces deux logemens jusqu'au 8 (17) et nous retournâmes à Vicence pour y tenir garnison.

- A Vicence

Vicence est une assez grande et belle ville des Etats vénitiens située sur le Bacchilione qui la divise en deux parties inégales. Elle a de beaux édifices; un arc de triomphe romain en marbre rouge, un théâtre à l'instar de ceux des anciens à décors fixes, représentant l'intérieur d'une ville grecque, ses rues ouvertes et divergentes, ses maisons et ses monumens parfaitement en évidence, isolés, aboutissant à l'avant scène, figurant sur ce point une place publique. Sur ce théàtre d'une grande dimension, les écoliers de l'université y jouent fréquemment les comédies de Plauto et de Térence, dans la langue de ces auteurs. L'intérieur de la salle, coupée en hemicycle, est formé de gradins circulaires et superposés, sur lesquels s'asseyent les spectateurs. Elle possède aussi un théâtre moderne d'une grande beauté; une place publique pavée de grandes dalles de marbre de diverses couleurs, formant une immense mosaïque, et un bel hôtel de ville tout en marbre et d'une grande architecture; sous chaque maison, le long de chaque rue, règnent deux rangées de beaux portiques pour la circulation des piétons" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Les 2e et 3e Bataillons de la 1ère Légère, après avoir descendu la vallée de la Brenta, rejoignent le 1er Bataillon à Citadella. La 1ère Légère est enfin réunie après 10 mois de séparation. Elle doit repasser sur la rive droite de l'Adige, conformément aux conditions de l'armistice.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Pendant notre séjour en cette ville, notre 3e bataillon qui, depuis qu'il avait quitté la Suisse, avait fait partie de l'armée d'Italie, sous le Premier Consul, et qui s'était trouvé aussi à la bataille de Marengo, puis notre second bataillon qui avait occupé un point important dans le voisinage de Reyti, dans le Tyrol allemand, vinrent tous deux nous rejoindre; et, par un hasard heureux, ils arrivèrent le même jour.
Cette réunion fut célébrée par les officiers dans un banquet, où la joie la plus franche anima les convives.
Aux termes du traité de paix signé à Lunéville, l'Adige devait marquer la séparation du territoire cisalpin de celui des possessions de l'empire d'Autriche, les corps français stationnés dans le Frioul et dans les villes des Etats vénitiens sur la rive gauche de l'Adige, abandonnèrent successivement les points qu'ils occupaient dans ces pays, les cédant aux corps autrichiens au fur et à mesure de leur arrivée pour en prendre possession. Notre demi brigade, à son tour, évacua Vicence le 1er avril (11 germinal), remplacée par de l'infanterie et de la cavalerie autrichiennes, et nous fûmes loger à Castollo; le 2 (12) nous allâmes à Vérone où nous séjournâmes le 3 (13); le 4 (14) nous nous rendîmes à Castelnuovo; le 5 (15) à Lonato et le 6 (16) à Brescia, notre destination.

- A Brescia

Cette ville, assez belle et fort ancienne, voisine de la Garza, a une bonne citadelle, une fabrique d'armes de guerre de toutes les espèces; des manufactures où l'on travaille la laine et la soie; elle a aussi un fort beau théâtre moderne, d'assez beaux édifices publics et de riches palais. Bayard, le chevalier français sans peur et sans reproche, s'y est fait connaître par son trait de générosité envers une famille noble. Cette ville, distraite du territoire de Venise pour faire partie de la République cisalpine, est le chef lieu du département de la Mella.
Le 7 (17) les membres du Directoire de la République cisalpine, les ministres de cette République et quelques personnages importans que les Autrichiens avaient enlevés, comme prisonniers politiques, lors de la retraite de Schérer, ayant été rendus à la liberté par suite du traité de Lunéville, arrivèrent à Brescia, se rendant à Milan. Les habitans exprimèrent leur allégresse par de grandes démonstrations publiques.

1801. - A Madame F. D., à Brescia
F
ortuné si je peux lui plaire,
Et si j'en ai le doux aveu,
L'existence me sera chère,
Je ne formerai plus qu'un voeu :
Celui d'être à jamais près d'elle,
Imitant les tendres bergers,
Toujours amoureux de ma belle,
Et l'embrasant par mes baisers.

- A Milan

Le 28 mai (8 prairial) nous reçûmes l'ordre de nous rendre promptement à Milan; le même jour nous fûmes coucher à Calsio; le 29 (9) à Cassano et le 30 (10) nous entrâmes dans Milan.
Quelques troubles ayant éclaté à Novare, sur le refus de quelques récalcitrans de payer leur quote d'une contribution extraordinairement imposée à la Ville, nous partîmes de Milan le 1er juin (12 prairial) à l'effet de donner mainforte aux préposés chargés de cette perception; nous marchâmes toute la nuit par une pluie excessive, et le 2 juin (13 prairial) au matin, nous entrâmes dans Novare où nous ne vîmes plus le moindre mécontentement. Le 10 (21) nous reprîmes la route de Milan et nous fûmes coucher à Magenta; le 11 (22) nous rentrâmes dans Milan pour y faire le service de la ville et de la Citadelle.
Milan, surnommée la grande, capitale dela Lombardie, puis de la République cisalpine, et plus tard du royaume d'Italie, selon les phases sous lesquelles elle s'est trouvée, est située au centre d'une belle contrée, riche, grasse, où il y a de l'industrie, du commerce et point de brigands, ce qui est rare en ltalie. Cette ville est belle, bien bâtie, moitié française et moitié italienne. Elle est la patrie de plusieurs grands hommes dans les arts, notamment de Léonard de Vinci ; elle a un château fort, une belle église cathédrale, dite le dôme, revêtue toute de marbre; quelques palais du treizième s iècle, quelques traces du moyen âge ; quelques débris d'antiquité, des antiquaires, une bibliothèque curieuse; elle a aussi un théâtre moderne de toute beauté, enfin des échantillons de tout ce qui fait le charme de l'Italie
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

D'après les Etats militaires de l'an X (1801-1802), la 1ère Légère est à Crémone, en Cisalpine. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Chef de Brigade Manigault-Gaulois; Chefs de Bataillon Dupont, Lejeune, Gastelais, Regeau; Quartier maître trésorier Garcin; Adjudants major Dénéchaux dit Berry, Montossé, Moutin; Officiers de santé N, Flagel, Bonnefoy.
- Capitaines : Vauthier, Bauwens, Merle, Demollin, Godefroy, Emmerechts, Roblin, Bommart, Brinisholtz, Lange, Kolvenbach, Baboz, Marin, Choueller, Vanderhurem, Cadechevre, Decoulare, Lefranc, Simonet, Vancutsem, Sacré, Grime, Montuir, Thorin, Baudin, Gabut, Reymaeckers.
- Lieutenants : N, Chomé, N, Lihongre, Devienne, Henrion, Mesmer, Bouillet, Legendre, Tison, Betremieuxe, Willio, Valdan, Bouhon, Witmer, Charlot, Lainé, Joannes, Guisbier, Barroux, Denéchaux, Durand, Dumaiché, Bouillet, Gaillard, Herwegh, Choueller.
- Sous lieutenants : Poulain, Cauche, Lathuile, Filet, Michel, Saget, Tombeur, Cholet, Boutin, Duthilt, Martin, Leblanc, Lambert, Prevost, Menestrel, Fréjacque, Vandamme, Chabot, Saint-Pierre, Marchapt, Labarthe, Lecerff, Bauwens, Bados, Dechaux, Porteman, Lecompte.

Situation en juin 1801 (côte SHDT : us180106)

Chef de corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : juin 1801 effectif sous les armes : 2388 Officiers et hommes
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont à Cremone - Armée d'Italie - troupes francaise en Cisalpine - Division du QG - Schilt
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Cremone - Armée d'Italie - troupes francaise en Cisalpine - Division du QG - Schilt
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Cremone - Armée d'Italie - troupes francaise en Cisalpine - Division du QG - Schilt

Le Capitaine Duthilt écrit : "- A Crémone.
Nous quittâmes Milan le 21 (5 messidor) pour aller coucher à Lodi, le 25 (6) nous fûmes à Codogno, et le 26 (7) à Crémone; le général Moncey y transféra en même temps son quartier général.
La ville de Crémone, dans le duché de Milan, est fort ancienne et est située sur la rive gauche du Pô, dans une plaine très fertile; la tour de la cathédrale est une des plus belles de l'Italie. Cette ville est de plus célèbre par la valeur qu'ont déployée trois ou quatre mille Français et Irlandais qui, y étant en garnison, y furent surpris, en 1702; le prince Eugène, général au service de l'Autriche, y avait fait entrer la nuit, par une porte secrète, 6.000 hommes de ses meilleures troupes; mais la garnison se battit tout le jour et chassa les Allemands.
A Crémone, au moment où notre dépôt arrivait, venant de Chambéri, je liai connaissance avec mademoiselle Marie Joseph Tombeur, dont le père était lieutenant à la lre compagnie du 3e bataillon de notre demi brigade, et qui, d'après l'état de paix dont jouissait l'Italie, avait rassemblé sa famille près de lui ; j'avais connu cette demoiselle encore enfant, mais de onze à dix sept ans la nature avait opéré en elle un changement prodigieux. Que de charmes s'étaient développés dans sa personne ! Qu'elle était belle parée des grâces de la jeunesse ! J'en fus de suite violemment épris, et dès ce moment mon coeur fut tout à elle. Après avoir obtenu son aveu, je sollicitai celui de ses parens et j'attendis avec impatience le jour qu'ils désigneraient pour mettre le comble à ma félicité.
1801. - A Mademoiselle Marie Joseph TOMBEUR
Je fuyais de l'amour le tyrannique empire;
Malgré ma volonté,
Le perfide à ses lois m'obligea de souscrire,
En vain j'ai résisté.
0 déloyal enfant ! toi seul a pu détruire
Ma constante gaîté,
Et, méchant, je te vois insulter d'un sourire
A ma captivitè.
Rien ne peut me calmer : jour et nuit je soupire
Après ma liberté;
Mais tel est de mon coeur le funeste délire
Qu'il en est enchanté
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en août 1801 (côte SHDT : us180108)
Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : août 1801 effectif sous les armes : 2183 Officiers et hommes
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont à Cremone - Armée d'Italie - troupes francaise en Cisalpine - Division de réserve - Schilt
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Cremone - Armée d'Italie - troupes francaise en Cisalpine - Division de réserve - Schilt
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Cremone - Armée d'Italie - troupes francaise en Cisalpine - Division de réserve - Schilt

Le Capitaine Duthilt écrit : "- A Bologne
Le 28 août (10 fructidor) après le coucher du soleil, nous partîmes de Crémone pour aller à Casalmaggiore, où nous arrivâmes le 29 (11) de grand matin; le 30 (12) nous passâmes sur la rive droite du Pô, nous traversâmes Brescello, et nous fûmes loger à Gualtieri ; le 31 (13) nous allâmes à Guastallo, Reggiolo, Concordino, et nous couchâmes à Mirandola, ville passablement grande et bien fortifiée et appartenant au duc de Modène, dépossédé de sa souveraineté. Le 1er septembre (14) nous allâmes à Cento, petite ville du duché de Ferrare, près de la petite rivière du Réno ; le 2 (15) nous arrivâmes à Bologne, seconde ville de l'état ecclésiastique.
Cette ville, belle, grande, peuplée et riche est située dans un terrain si fertile, sur le canal de Bologne, entre le Reno et la Savena, qu'on la surnomme la Grasse. Elle est habitée par 60.000 âmes et son circuit est de plus de 2 1ieues. Les rues sont, en général, sombres ct irrégulières. On la parcourt en tous sens sous de beaux portiques. Elle possède une fameuse université, un très riche cabinet d'histoire naturelle, un superbe musée, des palais d'une belle architecture, des statues en marbre et en bronze, ainsi que des taureaux des plus grands maîtres.
Les édifices les plus remarquables sont un théâtre tout en marbre, le palais Caprara, la fontaine de Neptune par Jean de Bologne, la façade et l'escalier du palais Ranuzzi, la cathédrale d'ordre corinthien, l'église gothique de Saint Pétrone, qui renferme la méridienne de Cassini; les églises de Saint Dominique et de Saint Procule; un portique de six cent quarante arcades, d'une lieue de long, commençant à l'une des portes de la ville et conduisant à l'église de Saint Luc, sur une éminence où se trouve l'image de la Vierge qu'on a prétendu avoir été peinte par cet apôtre; enfin , deux tours qui se penchent depuis des siècles sans perdre l'équilibre. Habitué à voir les maisons et les grands édifices établis dans une position verticale, on est frappé d'étonnement à l'aspect des deux tours de Bologne, mais cette stabilité dépend de la position qu'occupe dans chacune d'elles le centre de gravité. La hauteur de la plus grande, construite en 1110 par Gérard Asinello, dont elle porte le nom, a 300 pieds d'élévation; son inclinaison a plus de 18 pouces. Elle n'a aucune beauté; mais les curieux sont récompensés de l'ennui et de la fatigue d'une ascension de 500 marches par une vue étendue qui comprend les villes avoisinantes : Imola, Ferrare, Modène. La seconde tour, qu'on appelle la Garisenda, construite en 1112, est immortalisée par le Dante qui la compare au géant Antée se baissant. Sa hauteur est de 140 à 150 pieds, et elle s'éloigne de la perpendiculaire de 7 à 8 pouces.
La charpente et la maçonnerie s'inclinent sur le même plan de l'horizon, ce qui prouve suffisamment que l'inclinaison de ces tours a été causée par l'affaissement de la terre
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

D'après l'Historique régimentaire, en septembre 1801, le 3e Bataillon est envoyé à Crémone.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- A Ferrare
Le 21 octobre (29 vendémiaire an 10) la demi brigade partit de Bologne pour se rendre à Malalbergo et le 22 (30) elle arriva à Ferrare sa nouvelle destination.
Cette ville est grande et forte par sa citadelle. Le Saint Siège en a dépouillé la maison d'Este, à qui il ne reste que Modène et Reggio; elle est si mal peuplée qu'on dit en proverbe: Ferrare, plus de maisons que d 'habitans. Elle est assise dans une plaine marécageuse et malsaine à une lieue du Pô. Son commerce est très borné et n'est fait que par des juifs qui forment un tiers de sa population. On remarque son superbe théâtre, qui sert de modèle à ceux que l'on veut établir régulièrement. On y admire aussi un palais dont les pierres des quatre façades sont taillées à facettes, d'où lui est venu le nom de palais de diamans.
Le 28 (7 brumaire) nous quittâmes Ferrare précipitamment pour nous porter à Bologne, sautant l'étape de Malalbergo de sorte que nous fîmes onze lieues d'une seule traite.
Une sorte de révolte, presque militaire, venait d'éclater à Bologne, à l'occasion d'un ordre donné pour le désarmement de la garde nationale de cette ville; les compagnies de grenadiers, de chasseurs et de canonniers, parfaitement habillées, équipées et armées, rassemblées en armes, gardaient depuis quelques jours les avenues de la place de l'hôtel de ville, ayant leurs armes et leurs canons chargés, menaçant de faire feu sur quiconque se présenterait pour les désarmer, fondant leur opposition à cet ordre sur ce qu'en février 1800 (pluviôve, an 8) ces compagnies s'étaient promptement réorganisées pour se joindre et donner secours à la faible brigade du général Petitot, détachée de l'année de Brune, pour observer les Autrichiens sortis de Ferrare, qui menaçaient de s'emparer de leur ville; secours qui fut utile à cette brigade qui, seule, n'aurait pu résister aux Autrichiens.
Notre demi brigade, chargée seule de mettre fin à cet état inquiétant, tandis que les troupes de la garnison gardaient les postes ordinaires sans paraître s'occuper de ce rassemblement, entra en ville rapidement et vint bloquer la place de l'hôtel de ville. Le 1er novembre (10 brumaire) dès le point du jour, prenant toutes les dispositions pour l'attaque, et saisissant le moment où la garde nationale paraissait suffisamment fatiguée de sa résistance inutile, et surtout de son isolement, nos bataillons, partant de plusieurs points à la fois à un signal donné, arrivèrent sur la place, s'emparèrent des armes en faisceaux et des canons et mirent fin à cette lutte sans coup férir, toute collision ayant été heureusement évitée par la prudence du général Verdier, gouverneur de Bologne, et par l'élan rapide de nos bataillons.
Nous restâmes une seconde fois en cette ville pour y faire le service.
Mes voeux étant exaucés, je me mariai à Bologne, le 5 décembre 1801 à ma bien aimée Marie Joseph Tombeur, née à Bruxelles le 22 juin 1784, de Joseph Tombeur et de Marie Joseph Jaminet. Ce mariage contracté à la mairie de Bologne, royaume d'Italie, fut inscrit aux registres des états civils, livre n°3 page 62.
1801. - A mon épouse, le jour de mes noces
(Air du Petit Matelot)
L'amour, à mes voeux favorable,
Vient de combler tous mes désirs;
Est-il un état préférable
A celui qui mène aux plaisirs ?
Dans ma femme l'hymen me donne,
Beauté, vertu, de la douceur ;
A son coeur le mien s'abandonne
Pour mieux jouir de mon bonheur.
Couplet de mon épouse
(Air de la Piété Filiale)
J'ai reconnu dans mon époux
Bonté, tendresse et prévenance ;
Son coeur ami de la constance
Me promet le sort le plus doux.
De l'hymen la chaine est légère
Quand d'accord on la porte à deux
Mais pour être toujours heureux
Il faut que l'amour la resserre.
Dans cette belle ville de Bologne, les officiers de la demi brigade se donnèrent tous les divertissemens de société, même celui de la comédie qu'ils jouèrent tantôt au théâtre Marsiglie, tantôt sur celui des nobles et jusque sur celui du grand théâtre neuf, selon l'importance des pièces de leur répertoire.

1801. - Ouverture d'un théâtre de société, à Bologne
Après avoir vaincu sous les drapeaux de Mars,
La paix vient nous ouvrir la carrière des arts :
Pleins de ce noble feu qui fait tout entreprendre,
Avec empressement l'on nous y voit descendre;
Thalie et Melpomène excitent nos désirs
El leurs jeux variés remplirent nos loisirs.
Par elles dirigés, sous les traits de la fable,
Nous pouvons réunir l'utile et l'agréable.
Heureux si nos efforts obtiennent des succès,
Si les soeurs d'Apollon secondent nos projets.
Mais des soldats couverts d'une noble poussière.
Dès leur premier début craignent de nous déplaire :
La lyre et le mousquet ont trop peu de rapport
Pour que la même main les accorde d'abord ;
Aussi, bien pénétrés de notre insuffisance,
Nous comptons obtenir toute votre indulgence.
Pour la première fois, une école élémentaire de lecture, d'écriture, d'arithmétique, d'orthographe et de comptabilité militaire, fut établie dans la demi brigade pour l'instruction des enfans de troupe, celle des jeunes soldats, des caporaux et des sergens propres à faire des fourriers et des sergens majors ; je fus désigné par le chef de notre demi brigade pour la diriger, et l'ouverture se fit avec une sorte de solennité. Je rédigeai plus tard une instruction méthodique sur la comptabilité d'une compagnie d'infanterie, sous le titre de : Guide des Fourriers et des Sergens Majors d'infanterie, contenant tout ce qui a rapport à la comptabilité d'une compagnie, ouvrage élémentaire, simple et méthodique, que je fis imprimer chez Bisesti, imprimeur libraire, à l'Espérance, et qui eut du succès en raison de son utilité, et surtout de son opportunité, rien de semblable n'ayant encore été fait pour les jeunes comptables
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 3e Bataillon, d'après l'historique régimentaire, revient à Bologne le 21 décembre 1801.

certificat 1er léger
Superbe document de 41x26cm Première Demi-Brigade d'Infanterie Légère avec tampon à encre "ARMEE D'ITALIE". Donné au Citoyen Jean DUVAL, natif d'AUBERGENVILLE département de Seine de Loire. Fait a BOLOGNE le 1er VENTOSE AN 1O (20 février 1802). Signé par le Général de Division VERDIER et plus de 1O autres signatures. Au dos du document "Certificat de Visite" avec 3 signatures.

En Italie, la 1ère Légère suit le cours des évènements qui s'accomplissent en France. Elle assite le 6 pluviôse (25 janvier 1802) à la transformation de la Cisalpine en République italienne, et à l'élection de Bonaparte Premier Consul comme Président de cette nouvelle République, dont M. Melzi est nommé Vice-Président. Certains soldats obtiennent leur congé de réforme, tels le Citoyen Jean Duval (ci-contre), natif d'Aubergenville (Seine de Loire) le 1er ventôse an 10 (20 février 1802).

Situation en mars 1802 (côte SHDT : us180203)

Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : mars 1802 effectif sous les armes : 1782 Officiers et hommes
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises

La 1ère y apprend également avec joie la signature du Traité d'Amiens avec l'Angleterre (25 mars 1802).

La nouvelle du décret du 10 floréal an X (29 avril 1802) par lequel le Premier Consul avait créé l'Ordre de la Légion d'honneur destiné à remplacer les armes d'honneur par une décoration unique "pour récompenser les actions d'éclat, les mérites reconnus et les services extraordinaires", fut une fête pour nos soldats. Leurs coeurs battirent d'émotion, comme s'ils avaient pressenti les prodiges que cette étoile des braves devait enfanter sur les champs de bataille de l'avenir.

D'après les Etats militaires de l'an XI (1802-1803), la 1ère Légère est à Bologne, en Italie. Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :

- Etat major : Chef de Brigade Gaulois; Chefs de Bataillon Lejeune, Gastelais, Regeau, N; Quartier maître trésorier Lieutenant Garcin; Adjudants major Dénéchaux, Moutin, Montossé; Chirurgiens majors Deuzan, N, N.
- Capitaines : Vautier, Bauwens, Merle, Demossin, Emmerechts, Bommart, Brinisholtz, Decoularé, Lange, Kolvenbach, Babo, Marin, Chouësser, Vanderhéeren, Salmon, Vaneustem, Sacré, Grime, Thorin, Baudin, Reymackers, Lefranc, Roblin, Tison, Chomé, N, N.
- Lieutenants : Lehongre, Devienne, Henrion, Mesmer, A. Bouillet, Legendre, Bétrémieux, Witmer, Valdan, Bouhon, Charlot, Laisné, Joannes, Guisbier, Baroux, Denéchaux, Dumarché, Gaillard, Herwegh, G. Bouillet, Chouësser, Canche, Poulain, Filet, Boutin, Lenormand.
- Sous lieutenants : Artaignan, Michel, Tombeur, Cholet, Duthils, Badoz, Déchaux, Leblanc, Lambert, Martin, Prevot, Ménestrel, Fréjac, Lecerff, Maréchapt, Bauwins, Saint-Pierre, Pater, Lecomte, Takels, Bertrand, Lallemand, Tillet, Dégand, Mauduit, N, N.

Situation en juillet 1802 (côte SHDT : us180207)

Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : juillet 1802 effectif sous les armes : 1612 Officiers et hommes
REGEAU Chef de Bataillon - Infanterie; GARIN Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 30 août 1802 naquit à Bologne mon premier enfant Charles Emile, qui fut enregistré aux actes civils, livre 5°, n° 174 et baptisé dans le courant de décembre suivant, à l'église de Saint Pierre, à Mantoue. Son parrain a été M. Garcin, quartier maître trésorier du 1er régiment d'infanterie légère et sa maraine madame Jaminet Tombeur, son aïeule maternelle.
1802. - A mon premier né
élève de l'amour, gage de ma tendresse,
Marche sans balancer au sentier de l'honneur;
Imite tes parens, consulte leur sagesse,
Leur prudence pourra t'assurer le bonheur,
Et sur toi leurs bienfaits se répandront sans cesse.
1802. - Ma profession de foi maritale
(Air, fidèle Epouse)
Quoi qu'on dise du mariage,
Il n'est pas sans lui de bonheur;
On est content dans son ménage,
On jouit de la paix du coeur;
Une épouse fait nos delices,
Un fils augmente notre espoir;
Malgré le monde et ses caprices,
Tout nous sourit matin et soir,
Avant que l'hymen, avec elle,
Ne vint combler tous mes désirs,
Je voltigeais de belle en belle,
Cherchant en vain les vrais plaisirs.
Depuis ce jour rien ne me tente,
Je vis, joyeux et sans soucis,
Car j'ai toujours l'âme contente
Entre mon épouse et mon fils.
Le 30 septembre 1802 (8 vendémiaire an 11), nous retournâmes encore à Ferrare ; nous y arrivâmes le 1er octobre (9) et nous prîmes de suite le service de cette place.
Le 21 (29) la demi brigade reçut l'ordre de se rendre à Mantoue ; en conséquence, elle se mit en route le 23 (1er brumaire) et fut loger à Trecenta, sur la rive droite du Pô, que nous passâmes sur le pont de bateaux à Ponti. Le 24 (2) elle alla à Ostiglia où elle reçut inopinément l'ordre de rétrograder sur Ferrare; elle y rentra le 26 (4) pour la troisième fois
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 2 novembre 1802 (11 Brumaire an 11), Murat écrit, depuis Milan, au Ministre de la Guerre : "Par ma lettre du 30, j 'ai eu l'honneur de vous prévenir, citoyen ministre, que conformément à vos ordres, je venais, non seulement de suspendre tout mouvement sur les Grisons, mais que même je venais de retirer de la Valteline les régiments qui y étaient déjà cantonnés, en motivant ma détermination sur le peu de ressources qu'offre ce misérable pays.
Toutes les troupes étaient déjà rentrées dans leurs cantonnements respectifs, où le calme rétabli en Suisse semblait leur faire espérer qu'elles passeraient l'hiver, quand le général Charpentier reçoit l'ordre du général Ney de faire occuper Coire par les 3,000 hommes, qu'il croyait être encore dans la Valteline, et les 2,000 de Como ; il motivait ce mouvement sur le refus que faisait la Diète de Schwitz de se conformer à la proclamation du Premier Consul. Quoique le général Ney ne doive donner aucun ordre au corps de troupes venant d'Italie, qu'à sa réunion à Coire et malgré celui que vous m'avez donné de suspendre ce mouvement, j'ai cru devoir me mettre en mesure d'agir et de seconder ses opérations dans le cas où les hostilités recommenceraient ; en conséquence, je renvoie 3,000 hommes dans la Valteline et je complète la garnison de Côme à deux mille hommes : ces deux corps de troupes ont ordre de se tenir prêts à marcher au premier avis et je préviens le général Ney de cette disposition, contraire à son ordre de faire occuper de suite Coire. J'ai cru devoir me borner à cette première détermination d'après les informations que j'ai reçues que la dissolution de la Diète de Schwitz s'était opérée le 28 octobre ou 5 brumaire, jour où le général Ney prescrivait au général Charpentier le mouvement sur Coire. Je suis toujours en mesure : le général Ney vous aura prévenu de ses nouvelles dispositions, le 5 ; vous aurez reçu sa dépêche le 8, je recevrai donc le 13 des ordres de vous ; car vous penserez que m' ayant prescrit d'un côté de suspendre les mouvements ordonnés par votre lettre du 23 vendémiaire, et que de l'autre le général Ney ne devant donner d'ordres aux troupes de la Valteline qu'après leur arrivée à Coire, il est nécessaire que vous me fassiez connaître vos nouvelles dispositions à cet égard. Regardant tout mouvement de ma part comme extrêmement délicat et connaissant la circonspection que le Premier Consul veut qu'on apporte à toute démarche relative à la Suisse, j'ai dû me borner à recevoir vos ordres ; d'ailleurs il n'y aura pas une minute de perdue, j'aurai vos instructions avant la réunion des troupes qui marchent en Valteline, et je suis si à portée de connaître les mouvements des insurgés que, sans les attendre, je serai à portée de les faire agir, s'il est nécessaire.
Je dois maintenant vous faire connaître dans quelle position va me laisser le mouvement qui va s'opérer. La 6e, la 91e, la 67e, et la 52e forment le corps de troupes destiné à marcher dans les Grisons sous les ordres du général Verdier. Par cette disposition, Come, Bergame, et Brescia se trouvent absolument sans troupes, je dois tirer de Forli la 10e de ligne et de Ferrare la 1ère légère pour former le corps de 2,000 hommes que vous m'ordonnez d'envoyer à Bellinzone. Voilà la Romagne et le Bas-Pô évacués, il ne me reste maintenant que la 1ère de ligne qui est sur l'Adige et la 101e qui occupe la ligne du Mincio pour faire remplacer le corps, qui de la Valteline passera dans les Grisons. La 81e 1/2 brigade occupe Parme depuis la mort de l'Infant. Me voilà donc absolument sans une seule demi-brigade d'infanterie en Italie, si vous persistez dans l'exécution de vos dispositions contenues dans votre dépêche du 23 vendémiaire. Cependant Bologne continue à ne pas être tranquille, le général Pino y commande ; il y a des mouvements à Naples et dans les États du Pape, et si l'on se bat en Suisse, je ne sais pas si on ne parviendra pas à remuer Bologne et toute la Romagne, puisque nous n'y aurions plus un seul homme. Cependant, ne voulant pas laisser absolument sans troupes les départements du Rubicon et du Bas-Pô, je viens d'y envoyer le 15e de cavalerie et je vous préviens que je ne ferai remplacer le corps de la Valteline, si je suis forcé de le faire passer à Coire. sans un ordre positif de votre part, étant bien persuadé qu'il ne convient dans aucun cas d'évacuer les lignes de l'Adige et du Mincio. J'attendrai avec bien de l'impatience votre dernière détermination"
(Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 289, lettre 960).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 5 novembre (14) un ordre nous fit partir de Ferrare pour nous rendre en Suisse, ou du moins remplacer quelque part un des corps qui dans cette circonstance y seraient allés comme plus rapprochés que nous ; il était question de quelque dissidence entre quelques cantons prêts à en venir aux mains.
La demi hrigade fut coucher ce jour là à Malalbergo ; le 6 (15) elle fut à Bologne, le 7 (16) à Modène, ville ancienne, grande et belle, passablement peuplée, capitale du duché de ce nom, possédant un superbe palais ducal, servant maintenant de préfecture; elle est située dans une plaine riche et fertile.
Le 8 (17) nous fûmes à Reggio, seconde ville du duché de Modène, autrefois une des résidences du prince.
Le 9 (18) à Parme, très belle ville, ancienne et bien bâtie, capitale du duché de Parme et Plaisance, et ancienne résidence du souverain ; cette ville, située sur la Parma, dans une plaine délicieuse, est forte par sa citadelle. On y admire son beau théâtre ; le théâtre est le luxe des villes italiennes après les palais ; Voltaire a dit : les bonnes comédies sont en France, mais les beaux théâtres sont en Italie; en effet, rien n'égale la magnificence et la commodité d'un théâtre italien dans les villes populeuses et riches. Les fromages parmesans viennent des montagnes voisines de cette ville. A côté, se donna en 1734, la sanglante bataille de Parme, où les Impériaux abandonnèrent le champ de bataille aux français.
Le 10 (18) après avoir traversé Colorno et le Pô, la demi brigade fut loger à Casalmaggiore; le 11 (19) elle fut à Crémone où sa marche fut arrêtée
..." (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

L'historique régimentaire indique que le 19 frimaire an XI (10 décembre 1802), la 1ère Légère (3 Bataillons) est envoyée en garnison à Mantoue. Et que vers cette même époque, un détachement composé d'hommes d'élite "choisis parmi les plus beaux hommes du régiment et les plus braves", est envoyé en France à la petite flotille de l'Armée dite d'Angleterre, réunie sur les côtes du nord en vue d'une éventuelle descente dans la Grande Bretagne. En effet, les relation avec cette dernière ne cessent de se dégrader (refus notamment d'évacuer Malte). Par la suite, ce détachement fera partie des 10 Bataillons de Grenadiers destinés à débarquer les premiers sur le sol anglais. Nous en reparlerons plus bas.

Le Capitaine Duthilt raconte : "... Au lieu de se diriger sur la Suisse, elle fut envoyée à Bozzolo et de là sur Mantoue où elle entra le 12 novembre (20 brumaire).

- A Mantoue

Mantoue est une ville fort ancienne, belle et très fortifiée; elle est la capitale du Mantouan; un lac formé par le Mincio, l'environne aux deux tiers. On passe de la ville au faubourg Saint George sur un pont de bois recouvert, long d'un quart de lieue, et du faubourg à la Citadelle sur un autre pont, long d'un demi quart. Les nombreux ouvrages que les Français ont ajoutés à cette place, en font une des plus fortes de l'Italie. Virgile, né dans les environs, y a une colonne supportant son buste, élevée sur une place portant son nom. Près de la ville est un palais appelé le T, à cause, dit-on, de la ressemblance de sa forme avec cette lettre" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 27 décembre 1802 (6 Nivôse an 11), Murat écrit à Bonaparte : "Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous l'annoncer, mon général, je viens de passer la revue d'une partie des troupes dont vous m'avez confié le commandement et je m'empresse de vous rendre compte de son résultat ...
MANTOUE. — J'y ai vu la 1ère légère ; ce corps est superbe, bon esprit, bonne instruction, bonne tenue, bonne conduite, dévouement au Gouvernement, cette demi-brigade réunit toutes ces qualités.
Esprit public. — C'est la ville de la République où les Français sont le plus aimés ; tous ses habitants se sont empressés de nous donner, dans la personne de Caroline, des témoignages de reconnaissance et d'affection ; il y a eu un bal où ont assisté toutes les dames de la ville. J'y ai remarqué surtout qu'il y avait dans toutes ces démonstrations de la cordialité ...
" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 316, lettre 986).

certificat 1er léger
Certificat délivré à Mantoue à Jean Baptiste Moiriat le 15 nivôse an 11 (5 janvier 1803), Sergent à la 4e Compagnie du 3e Bataillon. Né à Paris (Seine). Incorporé le 28 nivôse 2e année; Caporal le 1er Brumaire an 5; Sergent le 21 messidor an 8. A toujours servi avec honneur, bravoure et probité.

Situation en février 1803 (côte SHDT : us180303 4C95)

Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : février 1803 effectif sous les armes : 1946 Officiers et hommes
REGEAU Chef de Bataillon - Infanterie ; GARIN Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Dupont à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Bologne, Imola - Armée d'Italie - troupes francaises

Fig. 9

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 1er avril 1803, la demi brigade, comme toutes celles de la ligne et de l'infanterie légère reprit l'ancienne dénomination des corps, antérieure à la révolution. Chaque demi brigade gardant son numéro, prit donc la dénomination de régiment.
1802. - Pour un bal entre officiers, à Mantoue
La paix vient de fermer le temple de la guerre,
De cet insigne bien hâtons nous de jouir;
Amis, dansons, aimons ; l'amour nous est prospère,
Il nous ouvre en ce jour, le chemin du plaisir.
1802. - Pour un autre bal, à Mantoue
L'hiver aux cheveux blancs
Va bientôt disparaitre
Et l'aimable printemps
Après lui doit renaître.
C'est alors que Bellone assemble ses soldats,
Et dans les champs fleuris, déployant sa tactique,
Les forme avec ardeur au grand art des combats,
Qui partout illustra la France république.
Amusez vous, dansez,
Vous le pouvez encore,
Mais bientôt vous prendrez
Les armes dès l'aurore.

Armée d'occupation de Naples
- Officier payeur au 3e Bataillon

L'empereur d'Allemagne était en paix avec la France depuis le mois de février 1801 que fut signé le glorieux traité de Lunéville; en octobre mêrne année, l'empereur de Russie qui, en 1799, avait retiré des armées de la seconde coalition ses troupes battues en Suisse par Masséna, fit aussi sa paix avec la France; puis l'Angleterre fut aussi amenée à faire la sienne à Amiens ; restait la Turquie, en guerre par suite de l'expédition d'Egypte, qui traita enfin au mois de juin suivant ; de sorte que la guerre avait cessé de toutes parts.
Mais cet état de choses blessait trop l'orgueil des potentats dont la fierté avait dû fléchir devant le courage des Français et le génie de leur chef, aussi ne le considérèrent-ils que comme un répit, un temps d'arrêt et de repos avant de recommencer la lutte avec plus d'acharnement, car l'Angleterre préparait ouvertement une troisième coalition contre la France, dont la gloire, l'étendue et la force lui inspiraient les plus grandes craintes ; aussi donna-t-elle l'exemple à 1'Europe qu'elle voulait derechef entraîner, en déclarant la première la guerre à la France
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Avant de continuer, voici un récapitulatif des récompenses accordées à la 1ère Légère (Tony Broughton : "Armes d'Honneur Awarded to the Regiments d'Infanterie de Ligne") :
Bouillet (Gaspard) - Sergent : Fusil d'Honneur; 1er avril 1803
Certout (Francois) - Chasseur : Fusil d'Honneur; 16 juillet 1801
Cire (Joseph - Augustin) - Carabinier : Fusil d'Honneur; 26 juin 1800
Masselin (Joseph – Alexandre) - Sergent : Fusil d'Honneur; 30 mai 1803
Moissand (Jacques) - Carabinier : Fusil d'Honneur; 30 mai 1803
Noirot (Jean-Baptiste) - Sergent : Sabre d'Honneur; 30 mai 1803; pour ce dernier, il s'agit en fait de François Noirot, comme le prouvent les recherches de Mrs Daniel Lemaire, et Philippe Missillier (accès au dossier Noirot-Lemaire.pdf).

sabre d'honneur 1er Légersabre d'honneur 1er Légersabre d'honneur 1er Léger
sabre d'honneur 1er Léger
Sabre d'honneur du Sergent Noirot - Collection privée; avec l'aimable autorisation de Mr Lemaire

2/ Occupation du golfe de Tarente

La rupture de la Paix d'Amiens décide Bonaparte à occuper sans délai le golfe de Tarente, soit pour empêcher les Anglais de débarquer par là sur le continent, soit pour préparer une nouvelle expédition en Egypte.

Le 16 avril 1803 (26 germinal an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner l'ordre au général Murat de réunir à Faenza une division, qui devra être toujours prête à se porter, au premier ordre, partout où les circonstances l'exigeront. Ce corps sera commandé par un général de division et sera composé :
Des deux premiers bataillons de la 42e complétés au grand pied de paix; des deux premiers bataillons de la 6e de ligne portés au grand complet de paix; des deux premiers bataillons de la 1re légère également portés au grand complet de paix; de trois escadrons du 7e régiment de dragons et de trois escadrons du 9e régiment de chasseurs portés au grand complet de paix;
Du premier bataillon de la 4e demi-brigade de ligne italienne complété à 700 hommes; du premier de la 2e helvétique complété à 700 hommes; du premier bataillon de la 1re légère italienne complété à 700 hommes, et de deux escadrons du 1er régiment de hussards italiens complétés à 300 hommes; des deux premiers bataillons de la demi-brigade polonaise complétés au pied de guerre, et de deux escadrons du régiment de cavalerie polonais complétés à 300 hommes;
De trois divisions d'artillerie française avec un approvisionnement et demi (chacune de six pièces) ;
Et d'une division de six pièces d'artillerie de la République italienne avec un double approvisionnement.
Les troupes italiennes seront sous les ordres du général Lechi, lequel aura sous ses ordres deux généraux de brigade, qui seront désignés par le ministre de la guerre de la République italienne.
Pour les troupes françaises, indépendamment du général commandant, il y aura un général pour commander la cavalerie et deux généraux de brigade; et, comme il est inutile de faire des camps, qui d'ailleurs sont toujours coûteux, toutes ces troupes seront cantonnées à Faenza et dans les environs. Ce qui restera des corps de troupes françaises et italiennes cantonnées à Faenza sera mis en garnison dans les différentes places de la Romagne" (Correspondance de Napoléon, t.8, lettre 6689).

Bonaparte désigne pour commander le Corps d'occupation le Général Gouvion Saint-Cyr, "jugé par le Premier Consul comme il méritait de l'être, dit Thiers, c'est-à-dire comme l'un des premiers généraux du temps".

Le Corps d'occupation comprend comprend deux Divisions : une Division française (Général Verdier) et une Division italienne (Général Lecchi), une Brigade de cavalerie et de l'artillerie. La 1ère Division Verdier se compose de la 1ère Demi-brigade légère, des 6e et 42e Demi-brigades de ligne (voir l'historique du 42e de Ligne), de la 2e Demi-brigade helvétique et d'un Bataillon d'infanterie légère ligurienne. La 1ère Légère est à la 2e Brigade Quesnel.

Le Capitaine Duthil raconte : "Le 28 (8 floréal) les deux premiers bataillons du régiment, complétés par des hommes tirés du troisième, partirent de Mantoue, ainsi que les carabiniers de ce bataillon pour se rendre dans le royaume de Naples, destinés à faire partie du corps d'observation sous les ordres du général Gouvion Saint Cyr, chargé d'occuper les points les plus importans de ce royaume, le long des côtes de l'Adriatique; le roi de Naples devant prendre à sa solde, en ce moment, selon un des articles secrets de son traité de paix avec la France, vingt mille Français pour garantir ses côtes depuis Pescara jusqu'à Galipoli, contre les tentatives que pourraient faire les Anglais et les Russes, dont les flottes parcouraient ces parages avant même qu'ils n'eussent déclaré la guerre à la France.
Chargé par le conseil d'administration du régiment de remplir au troisième bataillon les fonctions d'officier payeur, le quartier maître partant avec l'état major, je quittai le premier bataillon pour passer au troisième, sous les ordres du chef de bataillon Gastelais, désigné pour le commander pendant sa séparation du corps.
Je restai donc à Mantoue après le départ de nos deux premiers bataillons, tenant la comptabilité, recevant et incorporant les conscrits du département des Alpes maritimes, qui nous furent amenés par les détachemens de notre recrutement établi à Nice, sous le commandement de monsieur le capitaine Brinisoltz
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La rupture avec l'Angleterre est consommée le 13 mai 1803 par le départ de Mr Withworth, Ambassadeur d'Angleterre à Paris.

La 1ère Demi-brigade légère, dont l'effectif est alors de 61 Officiers et 1408 hommes, se met en marche à la fin de mai 1803, passe par Bologne, Forli, Ancône

Le 14 Prairial an 11 (3 juin 1803), Murat écrit, depuis Milan, au Ministre de la Guerre : "Ainsi que je vous l'ai annoncé, citoyen ministre, par ma lettre du 8 courant, je me suis rendu à Rimini pour y passer la revue du corps de troupes qui s'y trouve réuni, je l'ai trouvé dans le meilleur état possible ; son esprit est excellent, et sa bonne discipline lui a mérité des éloges, non seulement des habitants des pays qu'il a parcourus, mais même de leurs autorités constituées ...
Cette division se trouvant réunie à Rimini et donnant lieu, par conséquent, à de fortes réclamations de la part de cette commune quant au logement, et ayant d'un autre côté reçu l'ordre de vous de la mettre en mouvement sur les États de Naples, je l'ai fait commencer le 11 courant, et la 1re légère qui a ouvert la marche arrivera demain 15 à Ancône ; la 6e demi-brigade occupera Senigalia ; la 42e, Pesaro, et la cavalerie française sera répartie depuis Pesaro jusqu'à Ancône ...
" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 2, p. 408, lettre 1085).

La 1ère Légère marche ensuite sur Chiéti, Campo-Basso, Foggia, Canosa, et arrive à Tarente le 25 prairial an XI (13 juin 1803). Elle traverse ainsi dans toute sa longueur cette vieille terre d'Italie, si riche en souvenirs de toute sorte : Bologne avec ses gracieux palais de marbre, les tours des Asinelli et de Garissendi, la merveilleuse fontaine de Neptune; Ancône et ses curieux arcs de triomphe de Trajan et de Benoît XIV; Chieti où fut fondé au commencement du xvie siècle l'ordre sévère des Théatins, dont les membres, n'ayant pas même le droit de quêter, devaient se contenter pour vivre des aumônes que la charité leur apportait spontanément; Foggia, encore mal remise des terribles tremblements de terre de 1781; enfin Tarente, fondée par les Crétois, plus de 700 ans avant J .-C., dans une île rattachée au continent par deux grands ponts de pierre. C'est un véritable voyage de touristes entrepris dans la belle saison et qui doit un peu dédommager nos chasseurs de leurs excursions alpestres pendant l'hiver de 1800.

Les Généraux Verdier et Quesnel s'établissent à Lecce dans la presqu'île de la Pouille. La 1ère Légère est obligée de se fractionner dans plusieurs cantonnements pour vivre sur le pays.

Le 27 juin 1803 (8 messidor an 11), Bonaparte écrit depuis Amiens au Général Lacuée, Président de la Section de la Guerre du Conseil d'Etat : "Citoyen Lacuée etc., j'ai lu avec attention votre dernière lettre. J'ai remarqué que ... par l'arrêté du 1er floréal, vous avez donné :
... à la 1re légère qui est en Italie 672 hommes ...
" (Correspondance générale, t.4, lettre 7771).

Situation en juillet 1803 (côte SHDT : us180307)

Chef de Corps : MANIGAULT-GAULOIS Chef de Brigade - infanterie
Observations : juillet 1803 effectif : 1806 Officiers et hommes
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Mantoue - Armée d'Italie - colonne de troupes - Gouvion Saint Cyr - troupes francaises - Verdier
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Mantoue - Armée d'Italie - colonne de troupes - Gouvion Saint Cyr - troupes francaises - Verdier
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Mantoue - Armée d'Italie - colonne de troupes - Gouvion Saint Cyr - troupes francaises - Verdier

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Enfin, notre 3e bataillon, remis au complet, habillé, équipé et armé, reçut aussi l'ordre d'aller rejoindre ses deux premiers bataillons dans le royaume de Naples. En conséquence, le 3 juillet (14 messidor), il partit de Mantoue et tint l'itinéraire suivant, le même que parcoururent nos deux premiers bataillons. En raison de l'extrême élévation de la température pendant le jour, l'ordre prescrivait de ne mettre les troupes en marche qu'après le coucher du soleil.

- Marche dans les Etats de l'église

Le 3 (14) le 3e bataillon fut loger à Carpi, le 5 (16) à Modène, le 6 (17) à Bologne, le 7 (18) à Imola avec séjour; le 9 (20) à Forli, passant par Castel Bolognese et Faënza ; le 11 (22) à Césène, patrie des papes Pie VI, Jean Ange Braschi né en 1717, et Pie VII, Grégoire Barnabe Louis Chiaramonte né en 1742; le premier mort en exil à Valence en Dauphiné le 29 août 1799, et le second, qui a fait deux fois, sous différens auspices, le voyage de Rome à Paris, la première fois pour couronner Napoléon empereur, et la seconde comme son prisonnier; et qui, dès lors, comme son prédécesseur, a aussi subi des persécutions et l'exil, mais à l'époque de notre passage à Césène il était régnant à Rome dans toute son autorité.
Le 12 (23) nous fûmes à Rimini, belle ville, ancienne, voisine de Rubicon. Sur la place est un monolythe, sur lequel, dit la tradition, César monta pour haranguer son armée avant de marcher sur Rome. Cette ville possède un arc de triomphe en marbre, érigé à l'empereur Auguste. Elle est assise sur un terrain en pente qui se termine à l'Adriatique, et son port est formé par la rivière Marechio, qui se jette à la mer à quelque distance de la ville; nous y séjournâmes le l3 (24).
A peu de distance de Rimini dans les montagnes est la ville de Saint Marin, petit état ayant une superficie de 15 lieues carrées, une population de 7.000 âmes, 70 à 80.000 francs de revenu, et une armée de 40 soldats. Bonaparte, pendant sa première campagne d'Italie, lui fit don de deux petites pièces de canon, qui composent encore toute son artillerie.
Le 14 (25 messidor) nous allâmes à Pesaro, passant par Cattolica. Pesaro est une petite ville du duché d'Urbin, sur la Figlio, formant un état à part. Au centre de la place de Pesaro est une belle fontaine en marbre blanc ornée de bronze.
Le 15 (26), nous passâmes à Fano, et nous fûmes loger à Sinigaglia, belle ville, commerçante, assise sur l'Adriatique, dans la marche d'Ancône ayant un bon port. Elle est particulièrement renommée pour ses belles foires de juillet et d'août, fréquentées par des marchands de toutes les nations. Pendant leur durée, les principales rues, quelque larges qu'elles soient, sont recouvertes de toiles tendues d'un côté de la rue à l'autre sans discontinuité, pour intercepter les rayons solaires; et la ville est alors doublée par le grand nombre de baraques élégantes établies sur le champ de foire et sur le port, renfermant des marchandises de toutes les espèces; et la population est considérablement augmentée par le concours immense d'étrangers de toutes les nations qui y affluent pour leur commerce.
Le 16 (27) nous fûmes à Ancône, batie sur la pente d'une colline qui descend jusqu'à la mer; son sommet est couronné par un fort dominant la ville et le port; cette ville est aussi fréquentée par des marchands de toutes les contrées de l'Europe; on y parle toutes les langues; les juifs y sont nombreux et riches, ils y possèdent une belle synagogue; le lazareth est spacieux et d'une forme octogone, bâti en mer, et on y communique par un pont sur pilotis.

- A Lorette

Le 15 (28) nous allâmes à Lorette, évéché , petite ville, bâtie sur le sommet d'une colline, possédant d'assez beaux édifices en marbre et des statues en bronze. Elle doit les richesses de son trésor à la dévotion des fidèles à une chapelle qui fut, dit-on, la maison dans laquelle est née la vierge Marie, et où elle fut visitée par l'ange Gabriel, à Nazareth, laquelle maison fut transportée miraculeusement par des anges, de Nazareth en Dalmatie, puis sur le piton de Lorette où elle est maintenant. Cette maison rustique est enfermée dans la grande et somptueuse église d'un magnifique couvent dont les appartemens nombreux et richement meublés, servent de logement aux abbés, au chapître, aux pèlerins et aux trésors della Madona. La maison de la Vierge à Lorette est d'une seule pièce carrée, de plein pied et sans le moindre ornement, ce qui donne une fort mauvaise idée des habitations des juifs sous Hérode; les murs nus et fortement noircis, beaucoup plus par la fumée des lampes et des cierges que par l'action du temps, sont d'un sombre repoussant. On y montre un fragment de vase qu'on dit avoir fait partie du ménage de la vierge. La statue, ouvrage de Saint Luc, placée dans une grande niche au dessus du tabernacle, fut, dit-on, enlevée et envoyée en France en otage d'une forte somme, lors de la première invasion des Français en Judée, puis, après l'acquittement, renvoyée comme un colis de marchandises par la voie du roulage.
On est émerveillé du nombre prodigieux de lampes, de candélabres, d'ex-voto en argent et en or que possède le trésor de cette chapelle, dont plusieurs sont d'un travail et d'un fini parfait, offerts par reconnaissance ou par l'espoir d'obtenir une guérison ou un secours : là sont en évidence les riches dons offerts par Louis VIII qui mit la France sous la protection de la vierge Marie. L'extérieur de la sainte Chapelle, entièrement renfermée et comprise dans le bas côté droit de l'église, est revêtu de marbre, composant une architecture remarquable, ornée de pilastres, de niches, de bas reliefs et de statues en marbre blanc; les portes de cette basilique sont chargées de bas reliefs en bronze d'un fini admirable, représentant les principales circonstances de la vie de la vierge; dans les nefs latérales sont des tableaux mosaïques dont les personnages, de grandeur naturelle, sont d'un coloris brillant, d'une correction parfaite et d'un prix inestimable : de chaque côté sont aussi des confessionaux portant indication de la langue que parlent les pénitenciers qui y sont attachés. A Lorette toutes les maisons particulières sont disposées en auberges pour y recevoir le nombre prodigieux de pélerins de toutes les nations qui viennent dévotement visiter ce saint lieu; il s'y fait un très grand commerce de rosaires, de scapulaires, d'images et autres objets de dévotion, de tout métal et de tout prix, que l'on fait bénir et toucher par le prêtre, custode della sancta Casa, aux murs et à la statue miraculeuse della Madona. On arrive à la basilique par une place décorée d'une riche fontaine en marbre et bronze et de la statue colossale, assise, du pape Pie VI; les pélerins qui font pour la première fois le voyage de Lorette, ne montent la pente de la colline et ne traversent cette place que pieds nus, et souvent sur leurs genoux.
Le 19 (30) nous logeâmes à Porto di Fermo, ville ancienne, servant d'entrepôt à celle de Fermo, bâtie sur le haut d'une colline, à une lieue de l'Adriatique.
Les habitans de cette contrée étaient encore plongés dans la plus grande affliction : des corsaires algériens, débarqués quelque jours auparavant, avaient pillé tout le pays, et enlevé autant d'hommes et de femmes qu'ils purent en atteindre; il les avaient ennnenés à leur bord comme esclaves. La veille, une de leurs barques était venue rejeter sur la plage ceux que leur âge ou leurs infirmités mettaient hors d'état de leur être de quelque utilité. Ainsi, les pleurs coulaient encore pour des parens, une épouse, un mari , un frère, pour des êtres chéris que l'on n'espérait plus revoir.
Le 20 (1er thermidor) nous logeâmes à San Benedetto, dernière ville de la domination papale.

- Marche dans le royaume de Naples

Le 21 (2) nous arrivâmes à Julia Nova, petite ville du royaume de Naples dans les Abruzzes; le 22 (3) nous fûmes à Pescara, forteresse à l'embouchure de la Pescara à l'Adriatique, ayant un petit port servant au cabotage et à la pêche; nous y séjournâmes le 23 (4).
Le 24 (5) nous allâmes à Ortona, ville située sur le haut d'une colline, dont le pied, traversé par la route, est baigné des flots de l'Adriatique.
Le 25 (6) à Loyano, coupée par le Feltrino, torrent sur lequel on a élevé des arches d'une grande ouverture et d'une grande profondeeur, par dessous lesquelles coule le torrent, toujours impétueux en temps de pluie; par dessus passe la route qui croise le torrent, et ces arches supportent l'église qui, placée de cette manière, produit un effet des plus pittoresques, vue des bords de la mer.
Le 26 (7) nous nous rendîmes à Vasto d'Amone; le 27 (8) à Termoli, petite ville fermée de hautes murailles, bâtie sur un rocher très élevé ; nous y séjournâmes le 28 (9).
Le 29 (10) nous couchâmes à Serra Capriola, le 30 (11) à San Severo, province de la Capitanate.
Toutes les villes, bourgs et villages que nous venions de traverser, depuis notre entrée sur le territoire napolitain, contrastaient tellement avec ce que nous étions accoutumés de voir en Italie, tant en architecture qu'en une sorte de propreté, que nous crûmes être dans un pays dépourvu de toute ressource, car tout ce que nous y vîmes annonçait la misère et le mépris des choses les plus utiles au bien être habituel.
Le 31 (12) nous arrivâmes à Foggia, ville nouvelle, bâtie au milieu d'une plaine immense, entre les versans des montagnes de la Calabre et les bords de l'Adriatique, où se rassemblent en automne de nombreux troupeaux de moutons, de chèvres et de boeufs, pour y paître pendant l'hiver, abandonnant alors le pâturage des montagnes. Dans cette contrée on commence à se servir de buffles pour le charriage. Nous eûmes séjour le 1er août (13).
Le 2 aoùt (14) nous logeâmes à Cerignola, petite ville située au bout de la plaine de Foggia.
Le 3 (15) nous fûmes à Barletta, port de mer sur l'Adriatique, dans la terre de Bari, ayant un château fort.
Sur la place et contre la façade de la maison de ville, est adossé un colosse en bronze représentant un empereur romain, dépouillé des attributs impériaux; l'opinion commune affirme que cette statue est celle d'un dieu du paganisme, mais elle ne sait lequel. Au reste, cette masse qui ne se présente que de face, la partie postérieure étant toute plate, n'offre rien de remarquable sous le rapport artistique.
Le 4 (16) nous fûmes à Trani, Bisceglia et Molfelta; ce dernier endroit possède un port marchand assez commode.
Le 5 (17) nous logeâmes à Bari, ville principale de la terre de Bari, ancienne et assez belle ayant aussi un bon port de commerce. Les édifices y sont beaux; il s'y fait un grand commerce d'huile d'olives, le pays étant couvert d'oliviers plantés par les Français dans le douzième siècle, au temps de Charles, frèrc de Saint Louis roi de france : nous y fîmes séjour le 6 (18).
Le 7 (19) nous allâmes à Mola; le 8 (20) à Monopoli; le 9 (21) à Ostuni; le l0 (22) à Messagino; le 11 (23) à Squinzano; le 12 (24) à Lecce, ville de la terre d'Otrante ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 14 fructidor an XI (1er septembre 1803), la 1ère Légère est dispersée entre Lecce, Brindisi, Gallipoli, Otrante et Polignano.

Le 6 septembre 1803 (19 fructidor an 11), Bonaparte écrit depuis Saint-Cloud au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "On a envoyé, Citoyen Ministre, les 6e et 42e de ligne et la 1re légère dans le royaume de Naples. Faites-moi connaître les mesures qu'on a prises pour l'habillement et surtout pour l'armement des conscrits. Je suis instruit qu'on n'en a pris aucune pour l'armement.
Il me semble qu'il aurait été convenable de faire arrêter ces conscrits dans la Romagne, et là, de les armer et habiller avant de les envoyer dans le royaume de Naples. S'ils étaient arrivés à Tarente, il serait convenable d'y faire passer des fusils dans le plus court délai ...
" (Correspondance de Napoléon, t.8, lettre 7081; Correspondance générale, t.4, lettre 8009).

D'après les Etats militaires de l'an XII (1803-1804), la 1ère Légère est à Otrante (Naples). Les cadres du Régiment sont constitués de la manière suivante :
- Etat major : Colonel Bourgeois; Major N.; Chefs de Bataillon Lejeune, Gastelais, Cérisier; Quartier maître trésorier Capitaine Garcin; Adjudants major Capitaines M. Dénéchaux, Moutin, Montossé; Chirurgiens majors Deuzan, Herpain.
- Capitaines : Vautier, Merle, Demollin, Emmerechts, Bommart, Brinisholtz, Decoulazé, Laprade, Kolvenbach, Babo, Marin, L. Chouëller, Vanderhéeren, Salmon, Vancutsem, Sacré, Grime, Thorin, Baudin, Réymaeckers, Lefranc, Roblin, Tison, Chomé, F. Denéchaux, Mourrier, N.
- Lieutenants : Devienne, Henrion, Messemer, A. Bouillet, Legendre, Bétrémieux, Valdan, Bouhon, Wiltmer, Challot, Laisné, Joannes, Guisbier, Baroux, Dumarché, Herwegh, G. Bouillet, J. Chouëller, Canche, Saget, Poulain, Filet, Boutyn, Normand, Artagnan, N., N.
- Sous lieutenants : Michel, Tombeur, Cholet, Duthilt, Badoz, Déchaux, Leblanc, Martin, Lambert, Menestrel, Prévot, Fréjacque, Lecerff, Saint-Pierre, Marechapt, Bauwens, Pater, Lecomte, Bertrand, Takels, Lallemand, Tillet, Dégand, Mauduit, Jacquet, Marechal, N.

Le Capitaine Duthilt écrit : "... l'état major du régiment était à Gallipoli, avec les carabiniers du 3e bataillon ; le 2e occupait Otrante, et le 1er Lecce. Ainsi nous venions de nous réunir à nos deux premiers bataillons et à notre état major, et nous comptions ne plus nous séparer, mais le 1er septembre (14 fructidor) nous eûmes l'ordre d'aller loger à San Piétro à une lieue de Lecce ; nos carabiniers y vinrent avec nous" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Pendant l'occupation du Golfe, le 1er Léger change souvent d'emplacements, soit pour ne pas faire porter sur les mêmes localités les charges de l'occupation, soit pour montrer les troupes françaises dans les campagnes où l'insurrection couve. Ainsi, le 3e Bataillon est, selon l'historique régimentaire, détaché de la fin d'octobre 1803 au commencement de février 1804 ; il va pendant ces quatre mois tenir garnison à Pescara où il fait partie du petit Corps d'occupation des Abbruzes placé sous les ordres de l'Adjudant général Sénécal. Ce corps comprend avec le 3e Bataillon du ler Léger, le 3e Bataillon du 42e de Ligne, un Escadron de Hussards italiens et une Compagnie d'artillerie à pied italienne.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- A Pescara

Plusieurs détachemens de conscrits destinés pour le régiment, dirigés d'abord de Nice sur Mantoue, furent, de là, envoyés à notre suite dans le royaume de Naples.
Mais le point avancé que le régiment occupait, absolument à l'extrémité de l'Italie méridionale, entre l'Adriatique et la Méditerranée, n'était pas un lieu convenable pour y habiller, équiper, armer et exercer des recrues; il était plus convenable de les recevoir sur un point à l'entrée du royaume de Naples; le général Saint Cyr informé à temps, les arrêta à Pescara et fit tenir au 3e bataillon l'ordre de rétrograder avec nos magasins et nos ateliers ; de sorte que ce bataillon se remit en marche le 6 (19) pour Pescara. Le chef de bataillon Gastelais qui le commandait, passa au 2e bataillon et monsieur Lejeune vint le remplacer au 3e.
Ce bataillon, remis en marche à la date ci dessus, reprit en sens inverse l'itinéraire qu'il avait tenu pour se rendre à Lecce, et il arriva à Pescara le 26 (3 vendémiaire) où des conscrits l'attendaient. Il entra aussitôt en caserne, organisa des ateliers, et prit le service de la place. Hlabiller, équiper, armer des conscrits et leur faire répéter deux fois par jour les leçons successives prescrites par l'ordonnance sur les manoeuvres de l'infanterie, passant d'une école à une autre, depuis la position de l'homme sans arme jusqu'à l'école de peloton, telles furent les plus sérieuses occupations imposées aux officiers depuis le mois d'octobre 1803 jusqu'à la fin de janvier 1804
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Par arrêté du 1er vendémiaire an XII (23 septembre 1803), le Premier Consul modifie la composition de l'armée. Dans l'Infanterie, il supprime la dénomination de Demi-brigade et rétablit celle de Régiment; la 1ère Demi-brigade légère devient donc 1er Régiment d'Infanterie légère.

Le 14 novembre 1803, Verdier est remplacé par le Général Montrichard à la tête de la Division.

Le 12 frimaire an XII (4 décembre 1803), le Chef de Brigade (désormais Colonel) du 1er Léger, Manigault-Gaulois, ayant été nommé Général de Brigade, il est remplacé par le Colonel Charles François Bourgeois.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"- Le Colonel Gaulois remplacé par le Colonel Bourgeois
Pendant notre séjour à Pescara, notre colonel, M. Manigault Gaulois, promu au grade de général de brigade, fut remplacé au régiment par M. Charles Bourgeois, ancien colonel d'état major. Dès son arrivée, il donna un dîner aux officiers des deux bataillons, placés à Tarente et dans les environs de cette ville; et, le 21 février (1er ventôse) il en offrit également un aux officiers du 3e qui venait d'arriver à Tarente
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Charles François Baron Bourgeois

(4 octobre 1803 - 6 août 1811)

Services : Né à Issy (Seine), le 8 mars 1759. A pris du service dans la marine en 1775. Soldat au Régiment d'Auvergne (infanterie), le 3 décembre 1785. Entré dans le 3e Bataillon de volontaires de Paris en 1792. Capitaine à l'élection, puis Lieutenant colonel du même Bataillon, le 1er janvier 1793. Adjudant-général lieutenant-colonel à l'armée de l'Ouest, le 28 ventôse an II (18 mars 1794).

Chef de brigade, le 23 brumaire an IV (14 octobre 1795); mis à la suite, le 7 germinal an VI (27 mars 1798) mais donné également Chef de la 13e Demi-brigade d'Infanterie Légère le 1er avril 1798; replacé en activité pour commander la 19e Demi-brigade légère, le 1er frimaire an VII (21 novembre 1798); mis en non-activité à l'embrigadement de l'an XI, écrivit au chef du gouvernement pour lui rappeler ses services passés et solliciter de l'emploi. Le Premier Consul lui confia le commandement du 1er Régiment d'infanterie légère, le 12 vendémiaire an XII (4 octobre 1803).

Général de Brigade, le 6 août 1811; appelé au commandement de la place de Mequinenza, le 11 septembre 1812; y fut fait prisonnier avec sa garnison en 1814, après une longue et glorieuse défense; rentré en France après le traité de Paris, fut employé par Louis XVIII en qualité d'adjoint à l'inspecteur général des 18e et 19e Divisions militaires; offrit ses services à Napoléon en mai 1815 qui lui donna un commandement; fut mis à la retraite au second retour des Bourbons, par ordonnance du 1er août 1815. Mort le 11 ou le 21 juillet 1821.

Campagnes, blessures et citations : 1778 - Combat naval d'Ouessant (26 juillet) où il fut grièvement blessé d'un coup de feu dont la balle est restée dans la plaie. 1782-1783 - En Amérique. 1792 - A l'armée du Nord. 1793 - En Vendée : le 12 septembre, "défendit avec quatre hommes le pont de Cé contre un nombre considérable de rebelles et s'y maintint sous le feu de la mousqueterie et de deux pièces de canon placées sur la rive gauche de la Sarthe; après la rupture du pont, soutint vaillamment la retraite de la division du général Duhoux qui avait été mise en déroute". Pendant cette action, il reçut un coup de biscaïen à l'épaule droite. Ans II et III - A l'armée du Nord. An IV - A l'armée des côtes de l'Océan. Ans V et VI - A l'armée des côtes d'Angleterre. Ans VII et VIII - A l'armée de l'Ouest. Ans VIII et IX - A l'armée d'Italie : "A Marengo, chargé par le général Berthier de se porter sur la droite de l'armée, forma sa demi-brigade en colonne serrée par division, chargea l'ennemi à la baïonnette jusqu'au village de Castel-Ceriolo, qu'il fit immédiatement occuper, prit un grand nombre d'hommes, se maintint dans cette position, sous un feu meurtrier d'artillerie, et infligea à ses adversaires des pertes considérables"; se distingua au passage de la Brenta; peu après, engagea devant Montebello un combat opiniâtre, chassa l'ennemi de Montechio-Maggiore défendu par 3 Régiments autrichiens et se rendit maître de la ville; eut dans cet engagement un cheval tué sous lui. An X - A l'armée d'Italie.

Ans XII, XIII, XIV, 1806, 1807 et 1808 - Aux armées de Naples et d'Italie. De 1808 à 1813 - Aux armées de Catalogne et d'Aragon : "se couvrit de gloire avec le 1er Léger aux sièges de Valence, de Tortose et de Tarragone, et à la prise du Mont-Serrat". Cité au Bulletin officiel comme s'étant particulièrement fait remarquer à la prise d'assaut de Tarragone, le 21 juin 1811. 1814 - Défense de Mequinenza dont il est commandant de place. 1815 - Commande une Brigade de la 1ère Division du 1er Corps de l'armée du Nord.

Décorations et distinctions honorifiques : An II - 28 ventôse (18 mars 1794), reçut le brevet d'une arme d'honneur et une mention honorable dans le bulletin décadaire. Membre de la Légion d'honneur, le 19 frimaire an XII (10 décembre 1803). Officier du même ordre, le 25 prairial an XII (14 juin 1804); Baron d'Empire le 12 novembre 1811

Fig. 10

Le Capitaine Duthilt raconte : "Passer le temps le plus agréablement possible, et surtout les longues soirées d'hiver dans une petite forteresse qui n'avait aucune ressource, était un problème assez difficile à résoudre, car elle n'offrait qu'un seul divertissement par semaine, assez cruel et bien monotone, celui d'un ou plusieurs boeufs destinés à la boucherie, à qui des chiens parfaitement dressés donnaient la chasse à travers les principales rues, au risque de faire éventrer les passans et les curieux établis sur leur passage, comme s'ils n'avaient absolument rien à craindre, se fiant sur la possibilité qu'ont les bouchers, donnant ce spectacle, de diriger la course de ces animaux et de les arrêter à volonté, au moyen des longues cordes attachées à l'origine de leurs cornes, tenues l'une en avant et l'autre en arrière par plusieurs hommes vigoureux et exercés à cette manoeuvre, qui se prolonge jusqu'à ce que les boeufs soient bien fatigués, outrés de colère et ruisselans de transpiration; alors seulement ils sont ramenés à la boucherie, abattus et saignés immédiatement.
Afin de nous lier avec les habitans, nous nous décidâmes à monter un théâtre pour y jouer la comédie en société.
En conséquence, les officiers de notre 3e bataillon, les médecins et chirurgiens et les employés de l'hôpital militaire se cotisèrent à cet effet. Le choix des acteurs et des actrices fait, les emplois convenus, le local arrêté, nous mîmes aussitôt la main à l'oeuvre pour dresser le théâtre, peindre les décors et orner la salle. Le choix des pièces ne nous embarrassa guère, car nous ne trouvâmes dans notre bibliothèque ambulante que le Barbier de Séville de Beaumarchais. Il fut décidé qu'un de nous suppléerait à cette pénurie par une bluette, qu'on ajouterait a la grande pièce, jusqu'à ce qu'on put se donner un répertoire plus étendu. En même temps qu'on me désignait pour remplir le rôle de Bartholo, on me chargeait encore de l'emploi de compositeur, et bon gré mal gré, je fis à la hâte un petit acte mêlé de couplets pour satisfaire aux désirs de trois des nôtres qui avaient de belles voix; et cette faible composition fut en scène menée à bonne fin. Je lui donnai pour titre : L'Amant aimé pour lui même, comédie en un acte mêlée de chant.
Bientôt nous pûmes organiser des bals, tellement les dames prirent goùt à ces divertissemens
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Etat des conscrits que chaque département doit fournir sur les classes de l'an XI (1803) et de l'an XII (1804)
Alpes Maritimes
244
Manche
196

Situation en janvier 1804 (côte SHDT : us180401)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Manche des ans XI et XII
Observations : janvier 1804 effectif des 2 Bataillons : 1425 Officiers et hommes dont hopitaux 85 hommes
CABANNES Major - infanterie ; GARIN Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Tarente - Armée d'Italie - états de Naples - Gouvion Saint Cyr - 1ère Division troupes francaises - Montrichard
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Massafi - Armée d'Italie - états de Naples - Gouvion Saint Cyr - 1ère Division troupes francaises - Montrichard
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais - Armée d'Italie

Le Capitaine Duthilt écrit : "Nous partîmes de Pescara le 4 février (14 pluviôse) pour nous rendre à Tarente; ce même jour nous fûmes coucher à Ortona, le 5 (15) à Lanciano, le 6 (16) à Vasto, le 8 (18) à Termoli, le 9 (19) à Serra Capriola, le 10 (20) à San Severo, le 12 (22) à Foggia, le 13 (23) à Cerignola, le 14 (24) à Barletta, le 15 (25) à Molfelta, le 16 (26) à Bari, le 18 (28) à Aquaviva, le 19 (29) à Gioja, le 20 (30) à Massafra, et le 21 (1er ventôse) à Tarente où était notre état major et notre 1er bataillon ; notre 2e bataillon était étendu de Barletta à Massafra.
En traversant la plaine de Foggia, dans la matinée du 12 février (22 pluviôse), les marches de nuit n'étant plus d'obligation dans cette saison, nous cûmes le spectable d'une éclipse annulaire de soleil, et comme rien ne s'interposait entre cet astre et nous, nous pûmes la suivre dans toutes ses phases, du commencement à sa fin. Au milieu de son occultation parfaite, nous nous trouvâmes plongés dans une obscurité semblable à celle que produit un crépuscule du soir, dans un beau jour d'été, une heure après le coucher du soleil; obscurité pour nous d'autant plus sensible en ce moment que le ciel resplendissait auparavant d'une vive et pure lumière ...

- Souvenirs de Tarente

La ville de Tarente, dans la terre d'Otrante, est assise au fond du golfe qui porte son nom, dans la Méditerranée. L'entrée de son port est défendue par deux îles fortifiées : l'une appelée Saint Pierre et l'autre Saint Paul. Dans la première est inhumé le général Choderlos de Laclos, auteur des "Liaisons dangereuses", ancien secrétaire des commandemens de Philippe d'Orléans, dit Egalité, en 1793; ce général d'artillerie, étant mort à Tarente en 1803, les officiers de ce corps lui ont fait élever un mausolée magnifique, adossé au contrefort de la batterie principale.
La rade de Tarente peut abriter un très grand nombre de bâtimens de commerce; son port est fréquenté par les marchands de toutes les nations. On remarque près de la ville un aqueduc ancien, d'une longue étendue, amenant l'eau des montagnes. La cathédrale est un édifice curieux bâti sur un rocher dont le pied plonge dans la mer, elle semble être isolée de la terre ferme. En cet endroit, le rivage est couvert d'un nombre prodigieux de coquillages, beaux de formes et de couleurs ; c'est là que les amateurs et les spéctateurs font choix des plus beaux et en composent des collections en boites à comportimens ou en tableaux, qui contiennent tout ce que la Méditérranée peut offrir de précieux en ce genre. Cette contrée est riche en vignobles, en oliviers, orangers, citronniers, figuiers, amandiers, enfin en fruits délicats, de toutes les espèces recherchées par le commerce, surtout en champs de cotonniers roux et blancs.
Le patron de la ville de Tarente est Saint Gaetano; sa fête se célèbre en août avec la plus grande solennité; elle est annoncée la veille par le son de toutes les cloches, par des détonations de pièces d'artifices et par de bruyantes sérénades; toutes les populations des contrées voisines viennent se joindre à celle de la ville et se porter en masse à la cérémonie du jour, et à la procession dans laquelle l'effigie de Saint Gaetano occupe la place la plus distinguée; des prêtres portent dévotement ce lourd fardeau sur un brancard, et sur son passage la population agenouillée, le presse de faire un miracle selon sa louable habitude; arrivé au point convenu, les cris de la multitude se font entendre avec véhémence, la procession s'arrête, le saint est placé sur un reposoir excessivement paré; les infirmes s'en approchent, touchent le reliquaire, et plusieurs de ces malheureux jettent aussitôt leur bâton, leurs béquilles, et prouvent en ganbadant qu'un miracle vient de s'opérer en leur faveur; à l'instant la joie devient extrême, tous l'expriment bruyamment ; le miracle est authentique, il est accompli, le saint patron a conservé toute sa vertu, toute son efficacité, malheur à qui en douterait. C'est le signal de détonations assourdissantes; elles se répètent au loin comme auprès; les corps de musique, les fifres, les tambours, les trompettes éclatent à la fois et célèbrent la gloire et la générosité de San Gaetano; la procession rentre dans un désordre joyeux, et la fête se termine le soir par un feu d'artifice en girandoles, toujours accompagné de pétarades et de coups d'armes à feu; après quoi chacun se retire faisant des voeux pour avoir le bonheur de jouir encore, l'année suivante, d'un aussi brillant spectacle.
Chaque localité du royaume de Naples a sa fête patronale : la saint Nicolas à Bari, la saint Janvier à Naples; mais l'éclat de ces solennités diffère en raison des richesses et des ressources qu'elles possèdent; partout on y fait une dépense considérable, et partout des miracles; les miracles dans la basse Italie sont le but et le complément de toutes les fêtes religieuses.
C'est dans les environs de Tarente qu'on a d'abord observé plus particulièrement une grande araignée, dont le nom Lycosa Tarentula, lui a été donné à cause de cette ville, quoiqu'on la rencontre aussi dans les Calabres et en Espagne, ainsi que dans les autres contrées chaudes.
La tarentule est devenue célèbre parce qu'on a attribué à sa morsure réputée venéneuse, des maladies dont la musique et la danse étaient le remède ; néanmoins un de nos sergens majors nommé Regnard, en fut piqué à la face, dans une halte faite auprès de quelques masures, et la partie atteinte s'enflamma tellement qu'elle lui fit éprouver des douleurs excessives; il y eut ulcère et sa vie en fut menacée; mais ni la musique ni la danse ne purent apporter le moindre soulagement à ses souffrances, il fallut tailler dans les chairs pour enlever la partie malade; alors seulement il fut soulagé et put guérir.

- Ma nomination au grade de Lieutenant

Le 10 mars, j'ai été promu au grade de lieutenant à la 5e compagnie du 1er bataillon, au choix du gouvernement, en remplacement de monsieur Gaillard admis à la retraite; je pris rang à compter du 15 décembre 1803 (23 frimaire an 12)" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Un arrêté du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) crée les Compagnies de Voltigeurs que le 1er Léger met en place.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 26 mars 1804 est né à Tarente, royaume de Naples, mon second enfant, Joseph Auguste, lequel est décédé le 3 avril suivant; il fut baptisé et inhumé dans la cathédrale de San Gutaldo. Son parrain a été M. Sacré, capitaine au régiment, et sa marraine madame Isabelle Boulin, épouse d'un lieutenant aussi du régiment.
Vers cette époque, une compagnie, dite de voltigeurs, fut formée dans chacun des bataillons d'infanterie de ligne et légère, composée d'officiers et de soldats les plus aptes à la course, d'une taille moyenne et d'une constitution robuste ; au lieu de deux tambours, ces compagnies eurent deux clairons, et elles remplacèrent les 8es qui furent supprimées ; les 7es compagnies le furent aussi peu après
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Jusqu'en novembre 1805, le Régiment cantonne successivement à Givia, Castellanette, Polignano, Monopoli, Bitonto, Ruvo et Barlette. Entre temps, alors que le 1er Léger achève de s'organiser dans la presqu'île de la Pouille, le Premier Consul est proclamé Empereur des Français par sénatus-consulte du 28 floréal (18 mai 1804). A cette époque, le 1er Léger, situé à l'extrémité sud-est de la péninsule italique, est le Régiment le plus éloigné de Paris. Cela ne l'empêche pas de célébrer l'événement comme il se doit à Castellanette et à Tarente.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Bonaparte Empereur
Tandis que nous observions les côtes de l'Adriatique dans le royaume de Naples, surveillance nécessitée par le peu de bonne foi que les puissances vaincues par nos armes inspiraient à notre gouvernement, des faits d'une haute importance étaient sur le
point de surgir en France pour y établir un ordre de choses plus stable, car, ainsi qu'on l'observait, le gouvernement était précaire, quelque chose manquait encore à la nouvelle constitution qui régissait la France, pour abattre les partis et pour rendre sa tranquillité immuabe.
Par la constitution de novembre 1799 (brumaire an 8) Bonaparte Premier Consul, n'était en fonction que pour dix ans ; il avait à lui seul tout le pouvoir, et seul il pouvait diriger toutes les opérations des armées; par suite il avait traversé le Saint Bernard avec sa réserve, s'était placé au dessus des Autrichiens dans le Piémont et les avait vaincus à Marengo le 14 juin 1800 (25 prairial an 8); Moreau et Macdonald, agissant d'après ses ordres, avaient complété cette grande victoire : le premier par celle tant célèbre de Hohenlinden, le 3 décembre même année (12 frimaire an 9) qui écrasa l'armée autrichienne en Allemagne et porta l'armée française aux portes de Vienne; le second par le passage mémorable des Alpes par le mont Splügen exécuté à la mème époque, au fort d'un hiver rigoureux, qui plaça l'armée des Grisons dans le Tyrol italien, derrière l'armée autrichienne en ltalie, déjà refoulée sur le Mincio, et dès lors prise entre deux feux.
Ces trois grandes opérations dirigées par une seule volonté, exécutées avec un accord parfait par trois grands généraux, forcèrent l'empereur d'Autriche à signer la paix de Lunéville le 9 février 1801 (21 pluviôse an 9).
Ce traité glorieux pour la Prance, qui assurait encore une fois la paix continentale, amena enfin celui d'Amiens, du 25 mars 1802 (4 germinal an 10) qui nous donna la paix avec l'Angleterre. Ainsi le Premier Consul, en quelques mois, avait repoussé de toutes parts les ennemis de la France jusque dans leur capitale, conquis une immense étendue de pays, forcé l'Europe à reconnaître son gouvernement et à recevoir la paix .
"Premier Consul à nouveau pour dix ans, le 8 mai 1802 (18 floréal an 10), Consul à vie le 2 août suivant (14 thermidor), Bonaparte, obligé par l'Angleterre à recommencer la guerre en 1803 (an 11), avait fait occuper, comme on l'a vu, le royaume de Naples du côté de l'Adriatique par des troupes françaises, tandis que le côté de la Méditerranée était laissé à la garde des troupes napolitaines, et avait établi un camp à Boulogne-sur-Mer menaçant l'Angleterre d'une descente, tandis que celle-ci préparait par son or une nouvelle coalition contre la France".
Enfin, dans cette situation de guerre toujours renaissante et pour faire perdre aux puissances l'espoir de vaincre jamais la Révolution française, de détruire ses principes si effrayans pour elles, et ôter à jamais aux Bourbons la possibilité de remonter sur le trône qu'ils avaient perdu, mais que toujours ils revendiquaient, et pour rendre la puissance de Bonaparte plus étendue, plus stable et héréditaire dans sa famille, il fut proclamé Empereur des Français, le 18 mai 1804 (28 floréal an 12), titre qui déguisait tant soit peu celui de roi, aux oreilles de ceux qui auraient voulu jouer encore à la République ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en juillet 1804 (côte SHDT : us180407)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Manche des ans XI et XII
Observations : juillet 1804 : 3 Bataillons sous les armes effectif 2388 Officiers et hommes dont hopitaux 144 hommes
STEILER Major - infanterie ; GARIN Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Bittetto, Acqua, Martina, Tarente, Massafra - Armée d'Italie - états de Naples - Gouvion Saint Cyr - 1ère Division troupes francaises - Montrichard
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Bittetto, Acqua, Martina, Tarente, Massafra - Armée d'Italie - états de Naples - Gouvion Saint Cyr - 1ère Division troupes francaises - Montrichard
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Bittetto, Acqua, Martina, Tarente, Massafra - Armée d'Italie

Dans la deuxième quinzaine de thermidor (août 1804), un détachement d'honneur est organisé dans l'Armée de Naples, pour aller en députation à Paris recevoir des mains de l'Empereur de nouveaux drapeaux, les aigles, comme les appela Napoléon. La députation de l'armée de Naples est conduite par le Chef d'escadron Schnetz, Aide de camp du Lieutenant-général (sic) Gouvion Saint-Cyr. Elle comprend 16 hommes de chacun des régiments ci-après : 1er Léger, 6e et 42e de Ligne, 7e Dragons et 11e Chasseurs, et 8 hommes du Bataillon du train, soit en tout 88 hommes.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Mouvement dans le Corps d'armée
Le 2 octobre, le général Saint Cyr transféra son quartier général de Tarente à Barletta; l'état major du régiment et le 1er bataillon se rendirent à Corato ; le 2e alla à Ruvo et le 3e fut à Bitonto. Cette dernière ville est connue dans 1'histoire par la défaite des Allemands par les Espagnols en 1734, ce qu'indique une croix monumentale élevée à un quart de lieue de Bitonto, au lieu même où la bataille se donna.
Le 7 est arrivé au régiment Monsieur Stieler, en qualité de major (lieutenant colonel) ; il prit de suite la partie du service confiée à sa surveillance, et par son ton de hauteur et la sévérité de son commandement il nous fit détester ses nouvelles fonctions
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 4 Brumaire an 13 (26 octobre 1804), Murat écrit au Ministre de la Guerre : "Monsieur Alquier, fils de l'ambassadeur de France à Naples, est sergent-major depuis plus d'un an, monsieur le maréchal ministre, dans le premier régiment d'infanterie légère. Les chefs de ce jeune homme en rendent le meilleur témoignage. J'ai l'honneur de vous demander en sa faveur une sous-lieutenance. Je suis persuadé que Sa Majesté accueillera avec intérêt la proposition d'avancer ce militaire, et sera bien aise de donner en cette occasion un témoignage de l'estime qu'elle porte à son père" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 231, lettre 1585).

Le même jour, 4 Brumaire an 13 (26 octobre 1804), Murat écrit également à M. Alquier, ambassadeur de France à Naples : "Vous m'avez rendu justice, monsieur l'ambassadeur, en croyant que je serais charmé de contribuer à l'avancement de monsieur votre fils, j'ai écrit en sa faveur, avec beaucoup d 'intérêt, au ministre de la Guerre, et j'en parlerai à Sa Majesté Impériale. J'aurai beaucoup de plaisir à pouvoir vous annoncer le succès de mes démarches ...L"e ( Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 231, lettre 1586).

En Italie, le 29 octobre 1804, le 1er Léger est passé en revue. A cette époque, il présente un effectif total de 2573 hommes.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 29 octobre (7 brumaire), le 2e et le 3e bataillons se réunirent au 1er à Corato pour y être passés en revue par un général inspecteur ...
... - Police du royaume de Naples
Une chose commune dans le royaume de Naples et qui prouve la faiblessc de la police générale et locale, du moins à l'époque où nous occupions ce pays, c'est qu'aussitôt que les Sbires se trouvent moins forts que les malfaiteurs qu'ils doivent poursuivre, ceux-ci se présentent hardiment dans une commune, et même dans une ville ouverte, et elles le sont toutes dans ce royaume, pour la faire contribuer à leur gré; ils s'établissent de gré ou de force dans une maison à leur convenance jusqu'à ce qu'on leur ait apporté la somme ou la chose par eux demandée. Une scène de cette nature eut lieu à Bitonto, dès le départ du second bataillon de cette ville pour se rendre à Corato, le 29 octobre 1804 (7 brumaire an 13) : une bande de douze à quinze brigands était venue s'établir dans une maison inhabitée, située près d'une des entrées de 1a ville par où la troupe était sortie le matin, et de là ils sommèrent audacieusement l'autorité civile de leur apporter, sous peu d'heures, une somme importante, menaçant, à défaut d'obtempérer à leur intimation, de mettre le feu à la ville et d'emmener des otages, qu'ils désignèrent, et dont, tôt ou tard, ils se seraient emparés, quand même ces personnes se seraient cachées pour se mettre en sûreté; en vain les Sbires firent des tentatives multipliées pour s'en rendre maîtres, les brigands se battirent avec acharnement et blessèrent plusieurs assaillans ; ils se seraient défendus longtemps, car ils avaient de la poudre et du plomb, mais ils craignirent que le bataillon français ne revint; de sorte qu'à la nuit, ils firent une sortie rapide, se faisant jour à travers les Sbires, et s'éloignèrent sans avoir éprouvé aucune perte.
Ce qui semble inviter tout malfaiteur qui a de l'audace, à en agir ainsi, c'est que s'il était traqué au point de ne pouvoir échapper, la première église, son parvis, ou seulement sa délimitation soigneusement indiquée sur le pavé extérieur, par une ligne de pierres blanches en avant des degrès du péristyle, lui assure une sorte d'impunité, car parvenu là sans avoir été touché par la main d'un Sbire, le lieu sacré est devenu pour lui un asile inviolable où, par une piétié fanatique; personne ne peut l'arrêter qu'après des démarches infinies et le consentement du haut clergé, pendant lequel temps, les ecclésiastiques qui croient la religion intéréssée à sauver le réfugié, lui en facilitent les moyens.
Tels étaient du moins les usages de ce pays en 1804, mais là comme ailleurs la raison aura sans doute aussi suivi les progrès de la civilisation et la loi aura rectifié cc que les abus maintenaient depuis longtemps.
Il reste beaucoup à faire dans ce pays pour le bonheur et l'instruction du peuple qui, sur une terre fertile et sous un climat favorisé du ciel, éprouverait les rigueurs de l'indigence et resterait courbé sous la main du fanatisme et de l'abrutissement si la nature libérale ne lui venait en aide.
Les voyageurs se bornent ordinairement à visiter les villes sur la route et dans les environs de Naples, sans pousser ailleurs leur pérégrination ; aucun ne pénètre dans les provinces éloignées, parce que les chemins sont mauvais et infestés de brigands
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 8 novembre (17 brumaire) le régiment s'est rassemblé derechef à Corato.
1804. - Les épouses des officiers du 1er Régiment d'Infanterie légère, en banquet particulier, à M. BOURGEOIS, colonel commandant le dit régiment, à l'occasion d'une fête que les officiers lui donnaient à Corato.
Nos époux, à celui qui leur tient lieu de père,
Adressent mille voeux et bénissent le jour,
Où ce chef, à la fois vaillant et débonnaire,
Se les est attachés par les noeuds de l'amour.
Joignons à leurs transports notre vive allégresse,
Qu'il sache que nos coeurs lui sont tout dévoués,
Qu'il obtienne pour prix de sa vive tendresse,
Le plaisir de savoir ses enfans fortunés.
Le 9 novembre (18 brumaire) le régiment alla à Barletta se réunir aux autres corps de sa division, pour y être passé en revue par le général Saint Cyr. Cette revue solennelle, à pareille date, nous fit souvenir que nous étions arrivés au cinquième anniversaire du 18 brumaire an 8 (9 novembre 1799), que ce jour là le gouvernement directorial fut renversé par la force, et que nous passâmes du Consulat au régime impérial. Après la revue, chacun de nos bataillons retourna directement au point d'où il était parti. Je rouvris alors à Bitonto l'école élémentaire du régiment, dans le beau réfectoire des Carmes; à cet effet, mes élèves des deux autres bataillons vinrent me rejoindre et furent mis en subsistance au 3e bataillon, dans les compagnies correspondantes aux leurs
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 15 nivôse an XIII (5 décembre 1804), troisième jour des fêtes du couronnement, la distribution de ces aigles se fait au Champ de Mars, au milieu d'une affluence énorme de population. La cérémonie est grandiose, imposante, comme savait les organiser celui dont le vaste génie remplissait l'Europe. La voix puissante du canon et l'éclat joyeux des fanfares annoncent au loin la grande fête militaire où tous les Régiments sont représentés.

L'historique régimentaire déclare que les enseigne du 1er Léger avaient en dessous de l'aigle d'or foudroyant aux ailes à demi déployées "une cravate tricolore, et sur le voile de soie également aux trois couleurs, orné de franges et de broderies d'or, on lisait d'un côté L'Empereur au 1er Régiment d'Infanterie légère, et de l'autre Jemmapes - Nerwinde - Zurich". Bien entendu, cela ne peut être.

La distribution faite, l'Empereur s'avance, et alors, au milieu d'un silence religieux, pendant que tous les regards sont fixés sur lui : " Vous jurez, s'écrie-t-il en montrant ces aigles, de sacrifier votre vie pour les défendre et de les maintenir constamment par votre courage sur le chemin de la victoire ! Vous le jurez ! - Nous le jurons !" répondent les Colonels et les délégués en étendant le bras droit vers Napoléon, véritable centre de tous les coeurs. C'est un moment sublime dont les délégués feront partager les émotions à leurs camarades, à leur retour à Tarente, quand les jeunes aigles seront reçues par le 1er Léger.

Le Capitaine Duthilt écrit : "... Il fut sacré et couronné à Paris le 2 décembre suivant, par les mains du pape Pie VIl, venu expressément en France pour cette cérémonie, et s'intitula Napoléon 1er, empereur des Français.

- Nos premières Aigles

A l'occasion des fêtes de son couronnement, l'Empereur fit donner des ordres à chacun des régimens français pour qu'ils eussent à envoyer de suite à Paris, un détachement composé d'officiers, de sergens et de caporaux pour y recevoir de ses mains les Aigles qui leur étaient destinées. Le détachement du 1er régiment d'infanterie légère envoyé à Paris à cet effet, revint à Tarente, rapportant l'Aigle du régiment. A sa rentrée, les trois bataillons furent momentanément réunis à Tarente, et la remise de l'Aigle du 1er léger fut faite avec solennité.
Bientôt après, on remit aux officiers supérieurs, officiers particuliers, sous-officiers, caporaux, chasseurs, voltigeurs, grenadiers, tambours et clairons, proposés pour faire partie de la Légion d'honneur, créée le 19 mars 1802 (28 vcntôse an 10), l'étoile qui leur était destinée, et que depuis on a appelée croix, quoique cette décoration eut cinq points doubles; et malgré que le nombre en fut grand, il s'en fallut de beaucoup que cette première distribution satisfit toutes les prétentions à cette faveur; point de doute que pendant tant d'années d'une guerre aussi acharnée, bien des militaires s'étaient trouvés dans le cas de se distinguer par un fait autre que celui de rester passivement dans le rang, puisque c'est là le devoir de tout soldat, mais l'action étant commune alors, ceux qu'elle intéressait ne prenaient plus la peine de la faire constater, d'autant plus qu'ils ne pouvaient en espérer aucune récompense, tous s'en tenant à la satisfaction du moment sans penser à l'avenir qui ne leur promettait rien. Il fut dès lors démontré que plusieurs de ceux qui obtinrent cette décoration n'en étaient pas les plus dignes. Au reste, on ne laissa pas aux colonels assez de temps pour établir un tableau consciencieux, aussi des erreurs criantes furen t'elles commises et reconnues immédiatement.
1804. - Pour le Banquet de la Saint Jean d'Eté
A la V .-. L . ·. des Amis de la Gloire et de l'Humanité à l'O . ·. du 1er Régiment d'lnfanterie Légère, à Tarente
(Air : On compterait les Diamants).
Oui l'art auguste des maçons,
Dans le brillant siècle où nous sommes,
Enchaînera les passions
Qui peuvent diviser les hommes ;
Bientôt ils seront indulgens,
Humains, bons époux et bons pères;
Toujours en paix, toujours contens,
Ils s'aimeront comme des frères
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 Nivôse an 13 (31 décembre 1804), Murat écrit au Ministre de la Guerre : "J'ai l'honneur, monsieur le maréchal ministre, de solliciter votre bienveillance particulière en faveur du fils de monsieur Alquier, ambassadeur de S. M. l'Empereur près le Roi des Deux-Siciles. Ce jeune homme a été élevé au Prytanée et sert depuis quatorze mois comme sergent-major dans le 1er régiment d'infanterie légère. Son père, pour lequel j'ai beaucoup d'estime et d'attachement, désire lui faire obtenir une sous-lieutenance dans un régiment de chasseurs ou de dragons et il vous en a déjà fait la demande. Je sais que l'ordre de l'Empereur s'oppose à ce qu'on passe de l'infanterie dans la cavalerie, mais j'espère de votre complaisance que vous voudrez bien solliciter auprès de Sa Majesté une exemption en faveur du fils d'un homme aussi recommandable que monsieur Alquier. Le zèle, les talents et l'excellente conduite de ce jeune militaire lui donnent également des droits à votre protection et à la bienveillance de l'Empereur. Si cependant Votre Excellence jugeait impossible de le faire passer dans les troupes à cheval, je vous prie de vouloir bien le présenter pour une sous-lieutenance dans l'infanterie. Je regarderai comme un service personnel l'intérêt que dans cette circonstance vous témoignerez à monsieur Alquier en ma considération. Recevez, monsieur le maréchal, l'assurance de toute ma considération" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 281, lettre 1691).

Situation en janvier 1805 (côte SHDT : us180501)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Manche des ans XI et XII
Observations : janvier 1805 : 3 Bataillons sous les armes effectif 2650 Officiers et hommes dont hopitaux 121 hommes
STEILER Major - infanterie ; GARIN Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Curato, Ruvo, Bitento - Armée d'Italie - états de Naples - Gouvion Saint Cyr - 1ère Division troupes francaises - Montrichard
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Curato, Ruvo, Bitento - Armée d'Italie - états de Naples - Gouvion Saint Cyr - 1ère Division troupes francaises - Montrichard
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Curato, Ruvo, Bitento - Armée d'Italie

Le 13 Nivôse an 13 (3 janvier 1805), Murat écrit à M. Alquier, Ambassadeur de S. M. l'Empereur à Naples : "Je me suis empressé, mon cher ambassadeur, d'appuyer votre demande auprès du ministre de la Guerre. Je vous envoie copie de la lettre que je lui ai écrite à ce sujet. Vous y verrez un témoignage du vif intérêt que je vous porte, et du sincère attachement que vous m'avez inspiré. J'espère pouvoir vous apprendre bientôt l'heureux résultat de cette démarche et, s'il le faut, je renouvellerai mes sollicitations. Soyez persuadé de ma disposition constante à faire ce qui pourra vous être utile et avantageux" (Le Brethon Paul : « Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murat, 1761-1815 », Plon, 1908-1914, t. 3, p. 285, lettre 1705).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Bientôt l'ordre de l'armée, notre seule gazette, nous informa que la dernière pierre du monument républicain conservé en ltalie, au prix de tant de sang et de pénibles travaux venait aussi de tomber pour ne plus être relevée; le 26 avril 1805 (6 floréal an 13), Napoléon empereur des Français fut proclamé roi d'Italie. Son couronnement se fit le 25 mai (5 prairial) suivant à Milan. Ainsi, de transition en transition, l'Italie, comme la France, était passée sans secousse du régime républicain à celui impérial militaire le plus absolu" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en juin 1805 (côte SHDT : us180507)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes de l'an XIII
STEILER Major - infanterie ; GARIN Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Curato, Ruvo, Bitento - Armée d'Italie
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Curato, Ruvo, Bitento - Armée d'Italie
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Curato, Ruvo, Bitento - Armée d'Italie

3/ Le détachement sur les côtes de la Manche

Ce détachement se trouve depuis 1803 à la Flotille de l'Armée d'Angleterre. Les hommes s'exercent quotidiennement à la navigation sur des petites péniches avec lesquelles ils devront franchir le détroit quand le moment sera venu. Après avoir bravé toutes les intempéries des saisons et traversé en vainqueurs les épaisses murailles des Alpes, ces héros du continent se familiarisent peu à peu avec l'élément perfide et font connaissance avec les bâtiments et aussi avec les équipages, afin que, par la confiance réciproque, la valeur soit doublée.

Fréquemment, les petits bateaux de la flotille se heurtent aux navires anglais. Ainsi, le 10 pluviôse an XIII (30 janvier 1805), un détachement du 1er Léger, composé de 2 Sergents, 2 Caporaux et 26 Chasseurs, s'embarque à Dunkerque en nombre égal sur deux péniches qui doivent se rendre à Boulogne. Celles-ci prennent la mer à 11 heures du matin. Vers 3 heures de l'après midi, au moment où les péniches vont doubler le cap Griz-nez, 3 frégates et plusieurs autres bâtiments anglais commencent à les canonner. Les hommes ripostent par un feu très vif. La péniche N°103 est la plus maltraitée par le feu ennemi : sur cette péniche, le Chasseur Galli, de la 3e Compagnie du 1er Bataillon, est tué et jeté à l'eau par un boulet; Beltrarni, de la même Compagnie, a une cuisse, un bras et une main fracassés par la mitraille; Masalti, de la 2e du 1er, est tué raide par un coup de canon; Caravaggio, de la 1ère du 1er, est blessé au front; Denisgrandi, de la même Compagnie, est également blessé à la tête et, comme le boulet emporte son shako dans la mer, il s'écrie : "Quel coup de vent, mon Empereur !", ce qui fait rire ses camarades.

Fig. 11 Fig. 11e

Au bout de trois heures de combat, et une vive résistance des soldats qui ont montré le plus grand sang froid, le bateau est percé de tous côtés. Soudain, un matelot lance qu'il faut se rendre. Le commandant du détachement, le Sergent Jacquet, de la 1ère du 1er, se dresse alors de toute sa taille et le menace de mort ainsi que quiconque serait tenté de l'imiter. Tout le monde se rallie au Sergent et l'on se met à boucher les trous avec des lambeaux de capotes et de sacs. On redouble d'effort, et la péniche parvient presque à se mettre sous la protection du fort d'Ambleteuse. L'ancre est jetée, mais un boulet en casse le cable. La péniche continue donc sa route, et finalement, à minuit, elle entre dans le port de Boulogne. Là, le Sergent Jacquet prie le Capitaine Regnier, commandant de la péniche, de faire transporter les blessés à l'ambulance de Boulogne, et de faire enterrer les morts (ce qui fut exécuté avec exactitude). Jacquet obtient également une voiture pour faire tansporter les effets de Galli et de Masalti et arrive à Calais avec son détachement le 12 pluviôse à midi (2 février 1805).

L'historique régimentaire précise que ce récit est extrait d'un rapport du 13 pluviôse qui porte la signature du colonel Ferrent. Ce rapport a été classé aux Archives du dépôt de la guerre avec la correspondance de l'an XII. Il porte en marge : "An XI. Armée d'Angleterre, flottille"; mais le texte parle de Régiment et non de demi-brigade. Le signataire du rapport est un colonel et non un chef de brigade; les hommes enfin portent le schako, coiffure qui ne fut mise en service qu'à la fin de 1804. Tous ces indices établissent donc d'une façon certaine que le fait s'est passé au commencement de 1805, époque où les rencontres de la flottille avec les bâtiments anglais étaient assez fréquentes. En aucun cas, il n'a pu avoir lieu le 10 pluviôse an XI (30 janvier 1803). Car, à cette date, le Moniteur de la République française reproduit seulement le rapport du Colonel Sébastiani sur la mission qu'il venait de remplir en Turquie et en Egypte, relatant, il est vrai, le mauvais accueil que Sébastiani avait reçu à Alexandrie de l'officier anglais commandant la place. La publication de ce rapport irrita beaucoup le parti de la guerre à Londres et empêcha peut-être le cabinet britannique d'évacuer Malte; mais la rupture définitive avec l'Angleterre ne fut complète que le 13 mai 1803.

"Dans ce combat, dit le rapport, le sergent Jacquet et le caporal Fonteni se sont parfaitement conduits. Tout le détachement fit preuve du plus grand courage".

Il est à noter que certaines sources mentionnent que le 1er Léger aurait participé à Elchingen et Ulm en 1805, à Iéna en 1806, et à Friedland en 1807. Il est fort probable qu'il s'agit du détachement détaché à l'Armée d'Angleterre.

4/ Différents mouvements qui précèdent la campagne de Calabre

Fig. 11a

Pendant que Napoléon, sacré Empereur des Français, poursuit les préparatifs de descente en Angleterre et achève d'étonner l'Europe en plaçant sur sa tête, à Milan, le 26 mai 1805, la couronne de fer des rois lombards, la Russie et l'Autriche forment sur le continent une 3ème coalition contre la France.

La cour de Naples, qui adhère secrètement à la coalition, commet la maladresse d'envoyer à Milan le Prince Cardito, afin de protester contre le titre de roi d'Italie.
Napoléon, pour toute réponse, déclare simplement à ce malencontreux ambassadeur qu'il chassera la Reine Caroline de ses Etats.

En ce qui concerne l'Italie, le plan de la 3e coalition, arrêté le 17 juillet, décide que 100000 Autrichiens agiront en Lombardie, pendant que 10000 Russes et quelques 1000 Albanais seront jetés sur les côtes napolitaines avec l'aide des Anglais.

Dans cette situation, le 1er Léger peut d'un jour à l'autre être appelé à combattre; il est donc intéressant de connaître où il en est de sa réorganisation. Le rapport du 1er messidor an XIII (19 juin 1805) s'exprime ainsi : "L'habillement du régiment est tout neuf; la tenue est excellente, la discipline très exemplaire, l'instruction très bonne, mais l'armement médiocre".

Le rapport du 16 messidor (4 juillet) ajoute : "Il manque 1076 sabres. Trois cent recrues (note : la plupart de ces jeunes soldats proviennent de Saint-Lô dans la Manche) n'ont encore rien reçu. Les compagnies de voltigeurs ne sont point encore armées suivant le règlement. La solde est due au corps depuis le 13 germinal an XIII (5 avril 1805). Les indemnités de logement, de chauffage, etc., sont dues depuis le 1er thermidor an XI (19 juillet 1803). Enfin, il est dû au corps pour solde arriérée de l'an VIII (1800) 55153 fr 00".

Dès le mois de juillet, Napoléon a donné ses instructions au Prince Eugène, Vice-roi d'Italie, pour qu'il se prépare à faire face à la coalition. De plus, une Division a été envoyée aux environs de Pescara sous les ordres du Général Regnier, prête à secourir au besoin le Prince Eugène ou à rejoindre au sud le Général Gouvion Saint-Cyr qui lui, a ordre, à la première tentative des Russes ou des Anglais en Calabre, de se porter de Tarente à Naples, de s'emparer de cette ville, et de jeter la cour à la mer. Le 1er Léger va donc être engagé sous peu.

D'après la situation des "Troupes dans les Etats de Naples " (à l'époque du 1er thermidor au XIII, 20 juillet 1805), il y a, dans la 1ère Division à Bari, le 1er Léger, fort de 2651 hommes à l'effectif, et 2481 hommes présents à Corato, Ruro, Bari et Bitouto (Alombert P. C., Colin J. : « La campagne de 1805 en Allemagne », Paris, Chapelot, 1902, t. 1 (annexes et Cartes), p. 117 et suivantes).

A la date du 4 août 1805, le Régiment présente la situation suivante : 1e, 2e et 3e Bataillons dans les Etats de Naples, 1ère Division : 2481 hommes présents, 31 en recrutement ou détachés, 131 aux hôpitaux.

Le 23 août, Napoléon prescrit à Gouvion Saint-Cyr de quitter Tarente, et d'occuper la Toscane, d'où il ralliera plus facilement, le cas échéant, la Division de Pescara, et pourra soit se porter au secours du Prince Eugène sur l'Adige, soit envahir le Royaume de Naples avec 70000 hommes. En conséquence, le 1er Léger quitte la Pouille, revient sur ses pas jusqu'à Bologne par la même route qu'il a suivie en juin 1803. De Bologne, il passe en Toscane avec un effectif de 2648 hommes.

Dans les premiers jours de septembre, le 1er Léger reçoit des fusils provenant des manufactures de Toscane, bien que reconnus de qualités inférieure.

Le 7 septembre 1805, le Régiment est inspecté à Cozato; à cette date, le rapport d'inspection établit qu'il présente un effectif de 2544 hommes. Le rapport d'Inspection établit la liste des militaires qui sont à cette époque admis à la Haute Paie, ainsi que ceux qui ont été admis dans la Légion d'Honneur.

Documents du S.H.A.T.
Communication de notre ami Philippe Quentin.
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Le Capitaine Duthilt écrit : "- Rentrée en Italie.
Le camp établi à Boulogne sur Mer, en France, qui depuis quelque temps menaçait l'Angletetre, était levé et les troupes qui le composaient avaient été transportées rapidement du Pas-de-Calais au centre de l'Allemagne. Par suite de la reprise des hostilités avec l'Autriche, une nouvelle convention fut faite avec le roi de Naples, et signée le 21 septembre (4e jour complémentaire), en vertu de laquelle le corps d'armée d'occupation devait se retirer, abandonnant la garde des côtes de l'Adriatique et d'une partie de la Méditerranée aux troupes napolitaines. Dès les premiers jours d'octobre, les hôpitaux, les femmes et les enfans des militaires furent embarqué à Molfetta et à Barletta, pour être transportés à Pescara. Défense fut faite à quiconque n'était pas attaché au service de l'armée active de suivre un corps dans sa marche à travers le pays. Mais cette traversée de mer, qui ne devait être que de vingt quatre heures, dura plus de trois semaines; nous crûmes que tout était perdu; plusieurs bâtimens, ceux notamment chargés des équipages, des femmes et des enfans du 1er régiment léger, furent obligés de relâcher dans des îles de la Dalmatie. Le temps fut horrible en mer; les vivres et les provisions se gâtèrent aussitôt ; et ce convoi eut à craindre en même temps les Russes et les Anglais qui voguaient dans 1'Adriatique, mais qui, heureusement, étaient autant occupés de leur propre conservation, que nos bâtimens l'étaient de la leur, tellement il est vrai que "dans un danger commun, chacun pense pour soi".
Les Russes venaient des bouches du Cattaro, et les Anglais du golfe de Venise et du port de Messine occupé depuis quelque-temps par un corps de troupes anglaises, et par une légion d'émigrés français.
Le bâtiment qui portait mon épouse et mon fils, Charles-Emile, fut obligé d'aller, avec plusieurs autres, relâcher à Porto Camisa ; après avoir repris la mer par un éclairci de peu de durée, une seconde tempête, plus terrible que la première, vint derechef les assaillir; au fort de la tourmente, à plus de deux lieues de la côte de Naples, lorsque les marins redoublaient leurs manoeuvres de détresse, ma femme, cette bonne mère, sans craindre d'autre danger que celui qui menaçait son enfant exposé à prendre la petite vérole, voulant absolument l'en préserver, se précipita du haut du bord dans une barque de pêcheur, au moment où le patron qui la montait, venait de s'approcher du bâtiment pour lui livrer ce qu'il avait de vivres, ceux du bord étant déjà absolument gâtés. Elle portait son fils dans ses bras, et malgré le roulis et les hautes vagues qui menaçaient d'engloutir la frêle embarcation à laquelle elle voulait se confier, elle s'y jeta, accompagnée de son jeune frère, Jacques Tombeur, son compagnon de voyage, et elle parvint à se faire débarquer sur le rivage d'Ortona d'où elle se rendit à Villefranche.
Cependant la petite vérole qui s'était manifestée dans le bâtiment par l'admission de l'enfant de Madame Bétrémieux, épouse d'un de nos lieutenans, qui, déjà accablé de cette fâcheuse maladie, la communiqua rapidement à des femmes et à des enfans, mon fils en avait pris le virus, la fièvre survint, et sa mère fut contrainte de s'arrêter à Villefranche, entre Ortona et Pescara, jusqu'au moment où je pus les rejoindre et les emmener avec moi. Un brave habitant de Villefranche, dont je regrette de ne plus savoir le nom, les reçut sans répugnance et s'empressa de secourir la mère et l'enfant. C'est à ses soins genéreux que j'ai dû leur conservation. Mais le venin de cette cruelle maladie fut si actif que malgré les moyens médicaux et les soins assidus qu'on eut de mon fils, il n'en fut pas moins défiguré et boiteux, par suite d'un épanchement de sinovie et d'une fausse ankilose au genou droit
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation à l'Armée d'Italie au 12 octobre 1805 :

Maréchal Masséna, commandant en chef;

Corps de troupe sous les ordres du Général Gouvion Saint-Cyr; 1ère Division : Général Montrichard; 2e Brigade : 1er rgt d'infanterie légère 3 bataillons (2436 h).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Je reviens au mouvement du régiment.
Le 25 octobre 1805 (3 brumaire an 14) le régiment commença son mouvement d'évacuation, et chaque bataillon détaché fut se réunir à l'état major à Corato.
Le 26 (4) le régiment se rendit à Andria, après avoir traversé les ruines de Cannes, dans la terre de Bari, sur les bords de l'Ofante, à quelques lieues de son embouchure dans l'Adriatique, lieu célèbre par le massacre qu'Hannibal fit des Romains, l'an de de Rome 537.
Le 27 (5) nous logeâmes à Cerignola; le 28 (6) à Foggia; le 29 (7) à San Severo; le 30 (8) à Serra Capriola; le 31 (9) à Termoli; le 1er novembre (10) à Vasto ; le 2 (11) à Lanciano; le 3 (12) à Orlona ; le 4 (13) à Pescara où nous eûmes un double séjour pour y attendre nos fourgons qui n'allaient que lentement par les accidens qu'ils éprouvaient.
Le 7 (16) nous fûmes à Altri; le 8 (17) à Julia Nova ; le 9 (18) à San Benedetto, dans les états romains ; le 10 (19) à Porto di Fermo; le 11 (20) à Loreto; le 12 (21) à Ancône ; le 13 (22) à Sinigaglia, le 14 (23) à Pesaro ; le 15 (24) à Césène ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 15 novembre 1805, le Prince Eugène écrit, depuis Monza, à Napoléon "… le maréchal Masséna, tout en ayant fait suivre son armée par celle du général Saint-Cyr, a laissé à Ancône le général Montrichard avec deux régiments d'infanterie et un de cavalerie ; et sur la première nouvelle de l'ambassadeur Alquier, il a envoyé le général Verdier à Florence et a fait arrêter, à Bologne, le 42e de ligne, fort de dix-huit cent onze hommes ; le 1er régiment d'infanterie légère, de deux mille trois cent soixante et un hommes ; le 7e régiment de·dragons, de cinq cent quarante-quatre hommes ; artillerie légère, de soixante-quatre hommes ; artillerie à pied, de soixante hommes. Total, quatre mille huit cent quarante hommes …" (Mémoires du Prince Eugène, t.1, page 443).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... le 16 (25) à Forli; le 17 (26) à lmola ; le 18 (27) à Bologne, d'où le dépôt du régiment composé des ouvriers et soldats invalides, sous le commandement du major Stieler, partit de suite pour aller s'établir à Parme.
Ma femme, son jeunc frère et mon fils le suivirent. Là, ma femme accoucha d'une fille, le 15 février 1806; elle eut pour noms, Marie Charlotte, son parrain a été monsieur Montossé, capitaine adjudant major au régiment, représenté par le jeune Jacques Tombeur, son oncle maternel, et sa marraine a été madame Isabelle Boutin, épouse du lieutenant de ce nom, aussi du 1er léger.

- Entrée en Toscane

Le 19 (28), le régiment partit de Bologne pour se rendre d'abord à Scaricalasino, bourg situé sur la partie la plus élevée des Apennins qui séparent le Bolonais de la Toscane; il passa par Pianoro et Loyano" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Selon l'historique régimentaire, le 1er Léger prend ses cantonnements le 20 novembre, les 1er et 3e Bataillons à Barberino, le 2e à Pistoie. Il fait alors partie de la Division Verdier (qui a remplacé le Général Montrichard resté à Ancône), réduite bientôt à la Brigade Leucotte (qui a remplacé Quesnel promu divisionnaire en mars). Cette Brigade est composée du 1er Léger et du 42e de Ligne. Le Corps de Toscane est alors considéré comme l'aile droite de l'Armée d'Italie.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 20 (29) il descendit les Apennins, entra dans la Toscane, alors royaume d'Etrurie, et fut loger à Barberino.
Tout auprès de Pietra Mala, où nous passâmes en descendant les Apennins, on voit la montagne de Cénida, sur laquelle des feux toujours distincts se font apercevoir, même en plein midi; un de ces feux est situé dans un espace circulaire, entouré de buttes et peu distant de la grande route, à gauche en allant de Pietra Mala dans la Toscane; là, la terre nue et brûlée, remuée avec le bout d'un bâton, laisse échapper sur le champ une flamme bleue, vive, ardente et claire, qui s'élève de sept à huit pouces, et qui dure assez de temps, à chaque fois, pour présenter dans toute sa longueur la ligne tracée par le bout du bâton; en restant posé quelque peu de temps sur cette terre, on ressent une chaleur vive qui affecte les pieds et qui, disent les habitans, est la même en toute saison. Cette montagne, ainsi que toutes celles de ces contrées, présentent des preuves d'anciens volcans inactifs; la terre en est brûlée et les pierres sont noircies.
Le régiment logea le 21 (30) à Pistoya, après avoir passé par Pralo ; le 22 (1er frimaire) il traversa Mansimonti et fut coucher à Fuccechio; le 23 (2) il arriva à Pise, sa destination provisoire qui, en peu de jours, se trouva encombrée de troupes de toutes armes.
Les villes de Pistoya et de Pise, bâties sur la pente des Apennins du côté de la Toscane, au dessus d'une plaine bien cultivée, abondante en beaux arbres fruitiers de toutes les espèces, en vignobles donnant des vins exquis, en oliviers dont l'huile est la meilleure qui soit connue, en citronniers, en orangers, amandiers, figuiers, etc., sont voisines des carrières de marbre, de porphire, des mines d'alun, de fer, d'étain et d'argent en exploitation, et sont environnées de fort belles maisons de campagne ornées de beaux jardins, de jets d'eau et décorées de belles statues de marbre.
Pise est une grande et belle ville, dont la population n'est pas considérable. Elle est assise sur l'Arno qui la divise en deux parties égales dans toute son étendue. On communique d'une partie à l'autre par trois beaux ponts, dont celui du milieu est entièrement de marbre. Le fleuve est renfermé de chaque côté par des quais magnifiques, et bordé de rues larges, le long desquelles sont élevés de superbes palais en marbre et de fort jolies maisons. La cathédrale est de toute beauté, le marbre la décore entièrement, et ses principales portes sont en bois de laurier, couvertes de bronzes ciselés et dorés ; près de cette cathédrale est une tour toute en marbre, qui incline d'un côté au moins du quart de sa largeur, de sorte qu'on ne peut la regarder sans que la crainte de sa chute ne vienne frapper l'imagination. On se demande aussi, comme pour les tours de Bologne, si cette inclinaison est l'effet de l'affaissement du terrain du côté où elle penche ou si l'architecte s'est fait un jeu de s'écarter de la verticale ? On s'arrête nécessairement à la première de ces suppositions, après avoir remarquè l'inclinaison des voûtes et celle du sol intérieur, qui a été raccordé après l'événement avec le sol extérieur, et toute crainte cesse en observant le point de gravité de cette tour au moyen d'une ligne verticale du haut en has. Cette tour sert de fonds baptismaux, ainsi que cela est en usage dans bien des églises d'Italie. Une excellente eau est amenée des montagnes à la ville par un aqueduc de quelques milles de largeur.
Pendant notre séjour à Pise, je m'empressai d'aller voir Florence, dite la belle, capitale de la Toscane
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

bouton de dos 1er léger bouton de dos 1er léger
bouton de dos 1er léger
Différents boutons du 1er Léger, communiqués par un de nos correspondants. Si l'on se base sur l'ouvrage de . Fallou “Le bouton uniforme français”, le 1er bouton (et peut être le 2ème) pourrait être antérieur à 1808 (1803-1808); les autres postérieurs à cette date (1808-1815). Celui du bas à gauche paraît être un bouton d'Officier.
Boutons de troupe donnés dans l'ouvrage de L. Fallou “Le bouton uniforme français”. Fallou les situe entre 1808 et 1815
Bouton (Collection privée) Bouton
Bouton d'Officier d'après l'ouvrage du Capitaine Bottet : “Le bouton de l'Armée française”. D'après cet ouvrage, le bouton d'Officier reste dans les limites de 26 et de 17 mm. Le bouton est ici argent.
Bouton 1er Léger

Ci-contre. Bouton du 1er Léger, trouvé sur une colline appelée "Bric dei Brasi" entre Celle Ligure et Varazze, villes situées entre Savone et Gênes. Sur ces collines ont eu lieu des combats liés au siège de Gênes en 1799-1800 période. Toutefois, ce bouton semble être nettement du 1er Empire (communication de Mrs B. C. et R. R.).

La cour de Naples avait signé, le 21 septembre, un traité de neutralité avec la France; mais espérant sans doute que l'intervention de l'armée russe en Moravie apporterait à Napoléon tout autre chose que les lauriers d'Austerlitz, la reine Caroline, malgré le traité, a accueilli sur ses côtes les Anglais et les Russes. Le vainqueur d'Austerlitz décide donc d'en finir une fois pour toutes avec cette royauté dangereuse et perfide. Une concentration est ordonnée pour former l'armée de Naples aux environs d'Ancône. Cette Armée, qui a été commandée tout d'abord par Gouvion Saint-Cyr, se compose à sa formation de 3 Divisions : 1ère Gardanne, 2e Regnier et 3e Montrichard.

Situation de l'Armée de Naples, 2 décembre 1805 (Nafziger 805 - LCR)

Général Gouvion Saint-Cyr, commandant en chef.
Division : Général Montrichard; 2e
Brigade Senecal : 1er rgt d'infanterie légère 3 bataillons (2042 h).

Source : Liskenne & Sauvan, "Bibliotheque Historique et Militaire dédiée à l'Armée et à la Garde nationale de France", Paris, 1853

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Marche dans la Romagne
Quoique toujours formés en corps d'armée, nous comptions nous reposer quelque temps dans ce jardin pcrpétuel de I'Europe malgre que l'Autriche était sur le point de recommencer les hostilités pour la troisième fois ; mais la guerre devait se faire loin de nous ; nous savions que la cour de Naples avait demandé à garder une parfaite neutralité ; que le roi des Deux Siciles s'était engagé formellement, par une convention signée le 21 septembre (4e jour complementaire an 13), à ne permettre à aucun corps de troupes appartenant à l'une des puissances ennemies de la France de débarquer sur le territoire napolitain; à ne confier le commandement de ses armées ou de ses places à aucun officier russe, autrichien, anglais ou émigré français; que par suite de ladite convention le territoire napolitain était totalement évacué par les troupes françaises; que toutes les places qu'elles avaient occupées étaient remises aux officiers de S. M. Sicilienne, et que ce traité avait eu, de part et d'autre, son entière exécution. Autour de nous tout était calme, nous pouvions nous livrer avec sécurité aux plaisirs que procure une grande et belle ville et que, si le canon devait frapper nos oreilles, ce ne pouvait être que pour nous annoncer les nouvelles victoires que remporterait l'armée d'Allemagne commandée par l'empereur Napoléon en personne.
Mais le fameux et désastreux combat nava1, livré par les escadres française et espagnole, réunies à Trafalgar, le 21 octobre 1805 (25 vendémiaire an 14) contre celle anglaise commandée par l'amiral Nelson qui y périt glorieusement et qui détruisit entièrement ce qui restait de la marine française et espagnole, venait de ranimer les espérances de la reine Caroline.
Une escadre anglaise avait mouillé le 20 novembre (30 brumaire) dans la rade de Naples; elle avait pavoisé ses vaisseaux et fait une décharge de tous ses canons. Des salves d'artillerie parties de tous les châteaux de Naples y répondirent.
Les troupes anglaises et russes débarquées furent reçues avec les plus vives démonstrations de joie et d'amitié.
Une proclamation publiée le même jour, enjoignit à quarante mille Napolitains de se joindre aux troupes qui venaient de débarquer, et d'obéir au général Lasey commandant des Russes; et la garde de Naples fut confiée à dix huits cents Anglais.
Tous ces griefs contre la cour de Naples nécessitèrent la formation d'une nouvelle armée destinée à faire la conquête de ce royaume. Nous nous disposâmes donc à quitter incessamment l'ancien royaume des Tarquins pour aller courir de nouvelles chances aux lieux où les fiers Carthaginois virent expirer leur gloire. Cependant les forces de cette partie de la nouvelle coalition n'étaient pas redoutables ; cette armée ne devait être composée que d'Anglais, de Russes, de Napolitains et d'Esclavons demi turcs, mais il importait trop à la France de ne pas laisser au roi de Naples le temps de prendre une attitude plus imposante, qui par suite, aurait pu inquiéter l'Italie toute entière. En conséquence l'armée française de Naples fut rassemblée promptement sur la frontière de la Romagne, et notre régiment en fit partie
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Selon l'historique régimentaire, le 2e Bataillon du 1er Léger part de Pistoie le 25 frimaire (14 décembre) et rejoint les 1er et 3e Bataillons à Barberino le 26. Le 27, les trois Bataillons prennent la grande route de Florence à Bologne, passant par Pietramala et Lofano.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 18 décembre le régiment partit de Pise, passa à Acina, Pontardero et fut loger à Fuccechio ; le 19 à Pistoya ; le 20 à Barbarino; le 21 à Loyano; le 22 à Bologne, ville qui nous était familière par le long séjour que nous y fîmes précédemment" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

A Bologne, il est formé sept petites colonnes qui doivent suivre le même itinéraire à un jour d'intervalle. Les 1er et 2e Bataillons composent la première colonne, le 3e Bataillon et une Compagnie du 1er Régiment d'artillerie à cheval forment la 2e, etc.

La 1ère colonne passe, le 1er nivôse (21 décembre) à Château Saint Pierre ; à Faënza les 2 et 3 (22 et 23), à Forlimpopoli le 4 (24), à Savignano le 5 (25), à Catholica le 6 (26), à Pesaro le 7 (27), à Sivagaglia le 8 (28) et arrive le 9 (29 décembre) à Jesi près d'Ancône, où elle prend ses cantonnements.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"le 23 à Castel san Pietro ; le 24 à Faenza ; le 26 à Forli-Impopoli ; le 27 à Savignano ; le 28 à Catholica; le 29 à Pesaro; le 30 à Sinigaglia et le 31 à Iesi.

- Reprise du calendrier grégorien

Le 11 nivôse an 14, correspondant au 1er janvier 1806, vit la fin de l'ère républicaine, et de ce jour, l'usage du calendrier grégorien fut rétabli pour tous les actes civils, judiciaires, commerciaux et autres, suivant le sénatus consulte du 22 fructidor an 13 (9 septembre 1805)" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en janvier 1806 (côte SHDT : us180601)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes de l'an XIII
STEILER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier - Armée de Naples
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune - Armée de Naples
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais - Armée de Naples

Sous Ancône, la Brigade Leucotte, dont fait toujours partie le 1er Léger, passe à la 3e Division de l'Armée de Naples commandée par le Général Montrichard.

Le 13 janvier 1806, Masséna prend le commandement en chef de cette armée (le 1er Léger compte 2441 hommes à la date du 14 janvier), avec ordre de l'Empereur de marcher sur le royaume de Naples, et de n'écouter aucune proposition de paix ou d'armistice. En même temps, Napoléon, qui destine la couronne de Naples à son frère Joseph, envoie celui-ci se mettre à la tête de l'armée dont Masséna reste néanmoins le véritable chef.

Napoléon écrit de Stuttgard, le 19 janvier 1806, au prince Joseph : "Mon intention est que vous entriez dans le royaume de Naples ... Je veux sur le trône asseoir un prince de ma maison, vous d'abord si cela vous convient ... Le pays doit nous fournir les vivres, l'habillement, les remontes ...". L'année précédente, en janvier 1805, Joseph avait refusé le royaume d'Italie pour ne pas perdre ses droits éventuel sur le trône de France.

Joseph prend nominalement le commandement de l'Armée avec le titre de Lieutenant de l'Empereur. L'armée est alors formée en plusieurs groupes. La Brigade Leucotte, qui comprend les 2042 présents du 1er léger (au 2 février) et le 42e de Ligne, est replacée sous les ordres du Général Regnier (Reynier) dont la Division forme le groupe de droite. Masséna commande le corps du centre, fort de 4 Divisions ; les Généraux Lecchi, Gardanne, Dutresme, Montrichard sont à la tête des autres groupes.

Joseph marche immédiatement sur Naples, passe le Gariglione le 8 février, et entre le 15 dans la capitale, que la Reine Caroline a abandonnée en toute hâte, emportant avec elle l'argent des caisses publiques. Elle s'embarque pour Palerme. Les Anglais et les Russes s'enfuient également devant nous et se mettent à l'abri en Sicile et à Corfou. Le prince héritier avec les troupes qui lui restent fidèles se réfugie dans les montagnes de Calabre, très favorables à la résistance et à l'organisation de l'insurrection.

Pendant ce temps, la Division Regnier se dirige sur Gaëte, seule place qui résiste encore. Dans cette marche, le 1er léger passe par Foligno, Spolette, Rietti.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Marche dans les états romains
Le 1er janvier 1806, le régiment partit de Iesi, petite ville de la domination papale, depuis l'adjonction d'une partie du territoire de l'Eglise à celui du royaume d'Italie (alors république cisalpine) et fut loger à Foligno; le 4, il se rendit à Spoleto.
Toute cette route, depuis Iesi, est taillée dans le roc vif sur la pente d'une chaine de montagnes, et d'espace en espace on rencontre d'anciennes constructions romaines, des ponts jetés d'une montagne à l'autre, à une grande élévation au dessus des ravines, pour en faciliter les communications dans la partie supérieure; puis des temples en marbre et des aqueducs.
Le 5, le régiment se rendit à Terni, ville peu distante de la montagne del Marmoto ; nous y eûmes séjour, de sorte que j'eus le temps d'aller visiter cette montagne qui offre un spectacle imposant par la cataracte du Velino.

- Cataracte de Terni

La cataracte de Terni, formée par la rivière del Velino, qui prend sa source dans les montagnes de l'Abruzze, après avoir passé par Rieti, ville frontière du royaume de Naples, et qui se jette dans le lac dc Luco, entretenue par des sources abondantes, car elle en sort plus forte qu'elle n'y est entrée, coule jusqu'au pied de la montagne del Marmoto d'où elle se précipite par un saut perpendiculaire de trois cents pieds dans la Nera, vallée de Papigno, comme dans un abîme, avec une espèce de fureur. La rapidité de son cours et la masse de ses eaux laissent entre sa nappe, qui a dix toises de largeur, et le rocher d'où elle s'élance, un vide spacieux formant une voûte de cristal, et ses caux se brisent en tombant avec tant d'effort sur le fond du gouffre, qu'il s'en élève une vapeur humide sur laquelle les rayons du soleil forment des arcs en ciel tres variés; et lorsque le vent du midi souffle et rassemble ce brouillard contre la montagne, au lieu de plusieurs petits arcs en ciel, on n'en voit qu'un seul qui couronne toute la cascade.
Pendant notre séjour à Terni, le 6, notre 3e bataillon versa ses hommes valides dans les deux premiers, et reçut de chacun d'eux ceux impropres pour le moment à supporter les fatigues d'une campagne; la 3e compagnie de carabiniers fut attachée au 1er bataillon, et la 3e compagnie de voltigeurs au second ; le cadre du 3e bataillon partit aussitôt pour rejoindre notre dépôt à Parme où allaient se rendre des recrues levées pour le régiment
.
Le 13, le régiment composé de deux forts bataillons se remit en marche et fut loger à Otricoli, province de la Sabine, où la division s'est rassemblée.
"Le cardinal Ruffo, envoyé par le roi de Naples pour parlementer avec le prince Joseph, se rencontra avec nous à Otricoli".

- Proclamation à l'armée

Dès le 27 décembre 1805 (6 nivôse an 14) l'empereur Napoléon, de son quartier général de Schoenbrünn, avait adressé à l'armée qui devait marcher sur Naples, une proclamation qui faisait connaîttre à ses soldats les motifs pour lesquels ils allaient agir; il les excitait à la vengeance et leur désignait, en quelque sorte, le successeur du monarque dont le trône allait être renversé.
Déjà, le 6 janvier, le maréchal Masséna était arrivé à Bologne avec 25000 hommes; un autre corps d'armée le suivait de près, et le prince Joaeph devait prendre le commandement de ces troupes : notre division formait déjà l'avant garde de cette nouvelle armée.

- Marche sur Rome.

Le 18, le régiment passa le Tibre et fut loger à Civita-Castellana, ville possédant une citadelle d'un difficile accès; le 19 il coucha à Campagnana et, le 20, au faubourg del Polpolo, sous Rome.
Les officiers eurent seuls la permission d'entrer dans la ville de Rome et d'en visiter les particularités. La police romaine avait pris des précautions inusitées et des mesures même arbitraires dans le but de maintenir l'ordre, elle fit fermer les ridotti (maisons de jeux de hasard), les maisons de tolérance et elle mit en séquestre toutes les femmes qui les habitaient, de même que les courtisanes plus relevées qui recevaient chez elles, voulant ainsi éviter l'apparence même du scandale.
J'entrai dans Rome, dès le matin, saisi de respect et d'admiration, je me fis aussitôt conduire par un cicerone qui me fît voir toutes les parties les plus importantes de cette belle ville, une des plus grandes, des plus riches et des plus anciennes de l'Europe, fondée sept cent cinquante ans avant l'ère actuelle par Remus et Romulus. J'ai vu ses belles places, ses superbes palais de marbre où tout ce que l'architecture, la sculpture et la peinture ont de plus savant est répandu avec magnificence; ses rues longues et larges où l'air circule librement, sauf quelques quartiers encore très resserrés. L'avantage qu'a cette ville d'être le siège du Pape lui a fait donner le nom de Rome la Sainte. On y admire la basilique de Saint Pierre, la plus grande et la plus magnifique de l'univers, le Vatican, palais de sa Sainteté, rempli de statues et de tableaux des plus fameux maîtres ; une bibliothèque immense et une imprimerie où se trouvent les caractères d'impression de toutes les langues du monde; le château Saint Ange, forte et ancienne Citadelle, reste du tombeau d'Adrien; l'amphithéâtre de Vespasien abandonné à qui veut le détruire pour en avoir les matériaux ; la colonne Trajane, au haut de laquelle Sixte Quint a fait placer une statue de Saint-Pierre, à la place de l'urne qui contenait les cendres de cet empereur; le Capitole ; le palais de Monte Cavallo, résidence du Pape; l'église de Saint Jean de Latran ; celle de la Rotonde, ou Panthéon, admirable édifice, sans fenêtres et sans aucun pilier de support, éclairé par le haut de la voûte; l'arc de Titus; les principaux obélisques égyptiens, ou aiguilles, celui de la place del popolo haut de 97 pieds, de Saint Jean de Latran haut de 122, et celui de la place Saint Pierre de 104; tous trois en granit rouge, les deux premiers ornés d'hiéroglyphes; Huit autres obélisques, moins importans, décorent également d'une manière monumentale les principales places de cette ville. Le soir j'allai au théâtre argentine, place d'Espagne, où je vis représenter Stratonice, opéra séria d'une grande composition musicale, et le ballet d'Andromède et Persée, exécutés l'un et l'autre par les virtuoses et les plus célèbres danseurs de l'Italie ; j'y entendis encore le bel oratorio du triomphe du jeune David, ce berger prédestiné, représenté par le célèbre castrato David qui, alors âgé de soixante ans, possédait encore le plus brillant et le plus suave soprano
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le commandant de la 27e Division militaire n'ayant plus de troupes ni à Turin ni à Alexandrie, le Prince Eugène, pour concilier les volontés de l'Empereur avec les exigences du service dans le Piémont, met à la disposition du Général Menou les 3s bataillons formant le Dépôt des 1er et 22e d'infanterie légère, 6e, 29e, 42e, 52e, 101e de ligne. Il lui envoie aussi cent hommes de cavalerie (chasseurs et cuirassiers), plus le Dépôt de la Légion hanovnenne (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 8).

Le Régiment quant à lui, poursuit sa route sur Frosinone et rencontre l'ennemi le 23 janvier à valatri, le 28 janvier à Piperno, et le 2 février à Terracine. Il occupe au nord-ouest de Gaëte, Piperno, Sonino et Terracine.

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Continuation de la marche au delà de Rome
Reprenant notre route sur Naples, la division d'avant garde tourna Rome par un à gauche et fut loger, le 21 à Marino; le 22 à Velletri; le 23 à Sermonetta dans les marais pontins, à travers lesquels on retrouve la Via Appia ; le 24 à Piperno où la division s'arrêta jusqu'au 26; les 27 et 28 à Frosinone; le 29 à Procedi, et le 30 à Terracine, dernière ville des Etats romains sur la frontière du royaume de Naples, où nous nous arrêtâmes pour laisser aux différens corps de l'armée le temps d'arriver sur les points où devaient commencer l'envahissement du royaume.

- Titres nouveaux dans le civil et dans les armées

Immédiatement après son élévation au trône impérial, Napoléon se donna une cour digne du souverain d'une puissance aussi grande que la France : il créa des emplois dans sa maison, une garde impériale formant un corps d'armée, une nouvelle noblesse; ses frères et ses soeurs furent de droit princes et princesses ; les hauts employés de l'empire et les généraux marquans, furent faits ducs, comtes et barons, avec de nouveaux noms pour la plupart des titulaires; et, ceux de ces derniers qui avaient commandé en chef une armée et remporté quelque victoire signalée, eurent le titre de maréchal de l'empire. Ainsi Masséna fut duc de Rivoli, puis prince d'Essling, Macdonald duc de Tarente, Vandamme comte d'Unsebourg, tous titres tirés de noms étrangers à la France et illustrés par une victoire ou par un événement.
Les princes, comtes, barons et chevaliers, avec majorats, titres honorifiques héréditaires ne furent créés que le 11 mars 1808, par un sénatus consulte.

- Guerre de la troisième coalition

J'ai dit que le camp français établi à Boulogne sur mer avait été levé, en septembre 1805, et transporté rapidement au centre de l'Allemagne. Ce mouvement extraordinaire avait eu pour but de réprimer la mauvaise foi de l'empereur d'Autriche qui n'avait cessé, depuis la paix, d'augmenter considérablement les forces de ses armées. Il s'était lié par un traité secret avec l'empereur de Russie pour, ensemble, arracher à l'empereur Napoléon, le Hanovre, la Hollande, la Suède dont il était le protecteur, la couronne d'Italie, la surveillance des côtes du royaume de Naples, et pour établir le roi de Sardaigne dans ses états du Piémont.
L'Autriche et la Russie, d'accord avec l'Angleterre, formaient une troisième coalition contre la France à laquelle la Prusse se serait jointe, si le génie surveillant et actif de Napoléon n'avait déconcerté ce projet; les forces principales de l'empire français se trouvaient alors vis à vis l'océan, mais en quelques semaines, elles se trouvèrent en présence de celles de l'Autriche, avant même que celles ci fussent entièrement rassemblées; alors eut lieu la prodigieuse campagne de 1805, qui fit capituler Ulm, et qui nous procura la grande victoire d'Austerlitz qui nous ouvrit les portes de Vienne et qui consolida l'empire français. Napoléon vainqueur et arbitre de l'Europe donna Venise et la Dalmatie au royaume d'Italie qui fut aussi reconnu, créa trois rois, celui de Baviere, de Wurtemberg et de Saxe. Ainsi, le moment n'était guère favorable pour le roi de Naples, d'avance il se trouvait accablé par la force des circonstances, et son ambassadeur, le cardinal Ruffo, ne pouvait se présenter devant le prince Joseph dans un temps moins favorable que celui actuel; pour toute réponse, aux prières du cardinal, le prince adressa une proclamation aux soldats, leur rappelant leurs devoirs, et les engageant à ne pas faire rejaillir sur les peuples les malheurs de la guerre qui ne devaient tomber que sur les infracteurs des traités
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La nécessité : 1° de s'établir fortement à Naples et de réduire Gaëte; 2e d'occuper sans retard le golfe de Tarente et 3° de purger les Calabres, amène Joseph à fractionner l'armée en trois Corps qui sont confiés à Masséna, Gouvion Saint-Cyr et Regnier. Dans cette nouvelle répartition des forces, le 1er Léger constitue avec le 42e de Ligne, la 1ère Brigade (Général Compère) de la Division Verger du Corps Regnier.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Entrée des Français sur le territoire napolitain
Le 10 février, l'Avant garde française se présenta sur la frontière du royaume de Naples. Les armoiries napolitaines, placées au haut d'un arc monumental érigé au point limitrophe des Etats du Pape et de ceux du roi de Naples furent descendues et brisées. A trois heures après midi nous arrivâmes au couvent della Madona di livita, dans la terre de Labour, où nous bivouaquâmes.
Jusque la aucun poste militaire ne s'était encore fait apercevoir; le canon d'Austerlitz avait retenti dans ces parages, et l'entrée des Français dans la ville imperiale de Vienne, le 13 novembre 1805 (22 brumaire an 14) avait jeté la terreur parmi les Napolitains et leurs auxiliaires consternés.
Le 11 février, nous passâmes a Iltri, patrie du fameux Fra Diavolo, chef d'une horde qui infestait la contrée, et qui, dans ce moment, comme en 1798 (an 6) était encore armée pour la défense du pays. C'était cette milice ignoble qui nous était d'abord opposée ; c'était avec des bandits que Ferdinand préludait à la guerre qu'il avait provoquée; il comptait sur une poignée d'asassins et de voleurs pour retarder les coups qui devaient le précipiter du trône. Après avoir échangé quelques coups de fusil avec nos tirailleurs, cette bande fut contrainte à se jeter dans les montagnes, et elle ne se montra plus qu'aux petits détachemens et aux hommes isolés, restés en arrière; mais à force de chasse, dans un temps plus opportun, elle fut bientôt anéantie et la route redevint libre et sûre.
Suivant toujours la Via Appia , nous arrivâmes à Mola di Gaëta, où s'est arrêté le quartier général de la division chargée de l'investissement de la place de Gaëta, située sur le revers d'un rocher dont la pente descend jusqu'au lit de la Méditerranée; ses abords sont difficiles, par terre, entourée de roches pointues et élevées sur lesquelles on ne parvient que péniblement à établir des batteries de gros canons; sa garnison était composée de 2.500 hommes sous le commandement du prince de Hesse Philipstadt. La place sommée, le prince répondit qu'il avait juré à la reine de Naples de se défendre jusqu'à la dernière extrémité et qu'il tiendrait parole.
Le général de brigade Grigny, chargé de l'établissement de quelques postes vers le littoral de la mer, pour intercepter toute communication par terre avec le port, fut la première victime de cette guerre; s'étant approché du rivage, quoique couvert encore par un monticule, il eut la tête emportée par un boulet lancé d'une des chaloupes canonières qui étaient en panne devant la côte. Nous lui rendimes, le 12 au matin, les honneurs funèbres, après quoi nous nous mimes en marche, la division chargée du siège nous ayant remplacés pendant la nuit. Dans ses rangs était ua bataillon de noirs. Arrivés au Garigliano, dont les eaux coulent si lentement qu'elles semblent immobiles, et qui est si profond qu'elles paraissent noires, plusieurs de nos chasseurs s'y lancèrent, les uns pour explorer sa rive gauche, les autres pour y chercher les barques que les Napolitains y avaient laissées dans leur retraite, effectuée au moment où ils aperçurcnt la tête de notre avant garde; et d'autres, notamment l'adjudant sous officier La1lemand, descendirent le fleuve dans une de ces barques, jusque près de son embouchure à la mer, peu distante de ce point, et ramenèrent le pont volant que les fuyards avaiem laissé dériver pour retarder notre passage. Les amarres rétablies et les barques mises à la disposition des pontonniers, chaque corps fut bientôt porté sur l'autre rive et massé en colonne serrée par division, jusqu'à ce que toute l'avant garde fut passée.
Nous bivouaquâmes à quelques milles au delà, laissant à la division qui nous suivait le temps de passer et d'établir un pont pour la sûreté de la cavalerie et de l'artillerie.
Le 13, nous fûmes à Sessa et nous bivouaquâmes près de la petite ville de Teano.
Le 14, nous passâmes à Capoue, ville bâtie à une lieue de l'ancienne, dont les délices, dit l'histoire, énervèrent les fiers soldats d'Annibal et qui sauvèrent Rome.
Nous passâmes encore à Aversa, puis nous allâmes bivouaquer auprès de Militto. Deux régimens napolitains, ayant de la cavalerie et de l'artillerie, restés à Capoue pour la défense de cette ville, sc retirèrent devant nous sans brûler une amorce, et firent leur soumission peu après.

- Entrée dans Naples

Le 15 au matin, l'armée se réunit sous Naples, et sitôt après l'arrivée du prince Joseph, elle se mit en marche, et elle entra dans la capitale du royaume dans la plus belle tenue de campagne, au son de ses tambours, de ses clairons, de ses trompettes, de ses musiques, de celui de toutes les cloches; et au bruit du canon tiré des châteaux Saint Elme, de l'Oeuf, du Fort neuf et du port, déja occupés dès la nuit par nos compagnies spéciales ; notre régiment était en tête de la colonne.
Pendant la nuit du 14 au 15, plus de deux mille détenus dans les différentes prisons, excités par la malveillance qui voulait les opposer aux Français, avaient tenté de briser leurs fers et de sortir des prisons pour se répandre dans la ville, d'où, bien certainement, ils se seraient lancés sur les palais et les maisons offrant quelque ressource, plutôt que sur les Français, mais la bonne contenance de la bourgeoisie les arrêta, et empêcha les Lazzaronis de se livrer à quelque désordre.
Les Anglais avaient pris la fuite des premiers; le prince de Hesse qui occupait Gaëte, où ils désiraient se retirer, refusa de les recevoir dans la place confiée à son commandement; ils s'embarquèrent à Castellamare et firent voile vers Messine. Les Russes montèrent sur les vaisseaux qui les attendaient à Baies pour les transporter à Corfou. La retraite de ces troupes réduisit le roi Ferdinand aux seules forces napolitaines, dont les masses venaient d'être dissoutes.
Après que la reine Caroline eut fait un pélerinage à la Vierge de Chiaïa, à pied, vêtue de noir, la tête nue et les cheveux épars, dans l'espoir de ranimer l'esprit public, et pour décider toute la population à prendre les armes, la cour s'était embarquée pour Palerme, où le roi allait, comme en 1798 (an 6) transférer le siège de son gouvernement, puisque le continent lui manquait ; les bâtimens qui transportaient les archives, les effets de la cour, des objets précieux d'histoire naturelle tirés des musées de Naples et de Portici, même les belles glaces du théâtre Saint Charles, étaient encore en vue, contrariés par les élémens ; la mer était mauvaise et le vent contraire pour leur route.
Une partie des troupes françaises, en arrivant sur le môle, trouva encore une frégate et une corvette que le mauvais temps empêchait d'appareiller. Ces bâtimens, après avoir essuyé deux décharges, ne pouvant s'éloigner, furent obligés d'amener leurs pavillons. Ils étaient l'un et l'autre chargés d'une partie des trésors de la cour de Sicile.
D'autres vaisseaux, que la tempête força de retourner à Baies, à Procida et à Castellamare, furent aussi confisqués, mais on n'y prit que les effets appartenant à la cour fugitive.
Le départ précipité des Anglais et des Russes, le peu d'empressement des habitans de la capitale et des provinces à se joindre à l'armée napolitaine, la concentration de celle ci vers les Calabres, la consternation de la cour de Naples à l'approche d'une armée française que l'on croyait occupée bien loin, expliquent l'absence des troupes napolitaines ou autres sur la frontière du royaume et sur les points susceptibles d'opposer quelque résistance aux Français qui, n'ayant rencontré aucun obstacle sur leur route, avaient fait régulièrement leur étape aussi paisiblement qu'on la fait en pleine paix dans un pays sur et abondant sans avoir brûlé une seule cartouche.
Tandis que nous marchions sur Naples, que le maréchal Masséna s'occupait des dispositions les plus propres à accélérer la reddition de Gaëte, journellement ravitaillée par mer, et que le général Saint Cyr se rendait maître de la Pouille, de Tarente, d'Otrante et de tout le littoral jusqu'à Brindisi, nous occupions Naples bien paisiblement, en attendant l'ordre de nous porter dans les Calabres, ou s'étaient retirés les débris de l'armée napolitaine, réduite par la désertion; cette contrée était dévolue à notre avant garde commandée par le général Regnier.

- Excursion dans Naples et ses environs

Empressé de connaître cette grande ville, dite la Noble, une des premières de l'Europe par sa beauté, ses richesses et le nombre de ses habitans, je me hâitai de la parcourir dans toutes ses parties et de visiter ensuite les belles contrées qui l'environnent. Naples possède une grande quantité d'églises paroissiales et de communautés religieuses, toutes admirables par leur belle architecture, et par leur décoration intérieure; elle a aussi de beaux palais et de beaux monumens; l'ancien port de Naples, si grand et si sûr du temps des Romains, s'est tellement comblé qu'on a bâti dessus des maisons très solides; le nouveau port, formé par le môle, commence aussi à se remplir de sable. Cette ville a trois châteaux forts : celui de Saint Elme, qui est sur une petite montagne et qui commande la ville et la mer, le château de l'Oeuf, qui prend son nom de la figure ovale de l'île sur laquelle il est bâti, et le château neuf qui n'est séparé du palais du roi que par un fossé, par dessous lequel il y a une galerie de communication ; il y en a un quatrième , mais d'un seul bastion.
La beauté de la situation de Naples au fond d'un beau golfe, sur le penchant d'une colline, son climat tellement doux qu'on ne voit aucune cheminée dans les appartemens, et les feuilles qui ne tombent des arbres que quand les nouvelles pousssent, donnent à cette ville un aspect charmant et tout particulier. La chaleur ne s'y fait sentir violemment qu'à midi; à cette heure là toutes les boutiques, les maisons et les palais sont fermés comme à minuit; chacun fait la sieste jusqu'après trois heures ; seulement les restaurateurs et les cafetiers dérogeaient à cet usage en faveur des Français que rien ne pouvait empêcher de sortir; aussi les habitans étonnés disaient qu'on ne voyait dans les rues à midi, que des Français et des chiens. Alfieri disait des Napolitains : "maîtres dans l'art de crier". Ces deux traits caractérisent les deux peuples qui étaient en ce moment en contact, l'activité chez l'un, la dissipation et la mollesse chez l'autre.

- Théâtre Saint Charles

Après avoir visité les points principaux de la ville de Naples, j'assistai à une des représentations données au magnifique théâtre Saint Charle inauguré le 4 novembre 1737, chef d'oeuvre unique par son architecture, sa grandeur, la beauté de sa coupe, la richesse de ses loges, de la scène, de ses décors, de son orchestre introuvable, de ses virtuoses sans pareils, de ses illusions scéniques et nautiques, de ses machines, pour le grandiose de ses spectacles et de l'enthousiasme de ses dilettanti; théâtre communiquant au palais royal, dont il est séparé, au moyen d'une galerie intérieure formée de ponts, d'escaliers et de couloirs; d'un travail prodigieux, et fait alors en fort peu de temps et comme par enchantement. Saint Charles est en tout digne de la ville dont il fait les délices ; de la nature du sol dont il représente si bien les sites; de la douceur du climat et de la beauté du ciel dont la musique savante et suave semble vouloir reproduire les effets et ajouter à leurs charmes. Si ce théàtre était en ce moment abandonné de ses constans admirateurs il était du moins fréquenté par un grand nombre de Français attirés par la puissance de ses merveilles.

- Excursions hors de Naples

Je parcourus avec joie cette terre classique dont chaque point appartient autant à la mythologie qu'à l'histoire. Je commençai mes excursions par Chiaïa, et je traversai la grotte du Pausilippe.
Passant ensuite à Portici, résidence royale bâtie au dessus de l'ancienne Herculanum, couverte entièrement et remplie des laves du Vésuve, je descendis dans cette ville ensevelie depuis des siècles, guidé par un des soldats invalides commis à la garde des excavations et qui, cicerone du lieu et muni de torches, me fit parcourir toutes les parties déblayées avec précaution et une peine extraordinaire, car la lave, qui recouvre et remplit tout, a la dureté du marbre; une portion de cirque et la façade d'un temple, ainsi que quelques édifices particuliers, en marbre blanc, sont à découvert.
J'allai voir ensuite Pompeï, ville recouverte par des ponces et des cendres lancées par le Vésuve. On y entre de plein pied par la route qui passe au bas du mont qui recouvre cette ville; la moitié de cette antique cité est à peine sortie de dessous les amas de décombres qui l'ensevelissaient, tellement que la trace en était perdue.
Un cirque, quelques temples et des constructions particulières se laissent voir en entier; on entre dans beaucoup de maisons plus ou moins spacieuses; toutes n'ont qu'une cour intérieure et point de jardin; elles sont aussi d'une distribution à peu près semblable, ne recevant aucun jour de la rue; après avoir dépassé le portique, se présente la cour qui est carrée, entourée des quatre faces de galeries en arcades, formées de colonnes en marbre, ou en pierres recouvertes de stuc supportant un entablemcnt au dessus duquel régnait une galerie entourant une terrasse; ce cloître abritait les portes et les fenêtres des appartemens qui ne recevaient qu'un jour adouci. Au milieu de la cour est un bassin, réservoir d'une fontaine qui jaillissait, et le pavé qui l'entourait formait une mosaique. Chaque appartement se compose de plusieurs pièces contiguës ; une d'elles est destinée aux bains, la baignoire est d'un seul bloc de marbre, et son rebord est presque au niveau du sol, également recouvert en marbre. Généralement les murs des appartemens sont revêtus de stuc peint à fresque, assez bien conservée. Dans une salle de bain, probablement destinée aux femmes, j'ai vu une fresque représentant Diane au bain surprise par le chasseur Actéon ; il commençait à subir la métamorphose que lui avait infligée la chaste déesse pour le punir de sa témérité ; ses chiens le relançaient comme une bête fauve.
Un tel tableau, dans un lieu consacré aux femmes, est un trait de morale en action. La maison, dite Diomècès, se fait particulièrement remarquer par sa grande étendue, son decor, ses belles caves qui suivent le carré de la maison, et par ses grandes amphores encore debout qui semblent n'être vides de liqueur que depuis quelques jours. On y voit aussi un petit temple en marbre et tout auprès une maison ayant, au dessus de sa porte, un Priape, sculpté en ronde bosse, indiquant sans doute la demeure du sacrificateur attaché à ce temple dont la forme de la divinité, toute charnelle, indique des moeurs qui ne sont plus les nôtres. Plus loin on remarque un lieu qui servait aux cérémonies funèbres, car il est entouré de pierres cinéraires chargées de noms qui ne doivent qu'à la catastrophe qui a accablé cette ville et aux cendres qui les ont recouvertes, l'honneur d'être venus jusqu'à nous. Les fouilles que l'on y fait de temps en temps procurent à chaque fois quelques objets précieux échappés à la destruction qui, sur ce point, a été complète et instantanée.
De Pompéi, je passai au Vésuve, cause de cet immense désastre; il vomit à certaines époques des torrens de cendres noires et brillantes, des flammes, du soufre, des métaux et des minéraux en fusion : la colonne des matières qu'il projette est immense en hauteur et en circonférence.
Sur cette terre qu'éclaire le plus beau ciel, où les récoltes se succèdent sans interruption et ne sont jamais le produit d'un long et laborieux travail, j'ai vu une grande et superbe ville, un beau golfe, un volcan, des cités englouties, de magnifiques côteaux, des rochers calcinés, un sol riche, de pauvres villages, des campagnes riantes, de hautes montagnes, des bosquets fleuris et verdoyans, de la neige et des ruines antiques, des femmes belles, impétueuses, rusées, livrées au culte de l'amour dont elles sont embrasées; des hommes forts, musculeux, vifs comme le feu du climat et du volcan qui les animent et dont ils se nourrissent
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

F/ Expédition du Général Decaen en Inde (1802)

A la suite du Traité d'Amiens, conclu avec la Grande-Bretagne, la ville de Pondichéry et les comptoirs français en Inde, occupés depuis 1794 par les Britanniques, doivent être remis à la France. Le 15 avril 1802, Bonaparte avise le Ministre de la Marine, Denis Decrès, que "nous devons prendre possession des Indes ... dans les six mois de la ratification du traité au plus tard" (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 6037). Un expédition est ainsi organisée pour hisser le drapeau tricolore sur Pondichéry et les comptoirs de l'Inde, sous la direction du Général de Division Charles Mathieu Isidore Decaen.

Le 18 juillet 1802 (29 messidor an 10), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, Citoyen Ministre ... d'écrire également au général Decaen, pour qu'il donne l'ordre de former un bataillon d'infanterie légère à cinq compagnies, et fort seulement de 3oo hommes. Le chef de bataillon et les capitaines seront pris parmi les officiers des 3es bataillons d'infanterie légère qui ont été réformés en l'an VIII. Les 1re, 6e, 8e, 9e, 10e, 13e, 14e, 16e, 17e, 18e, 20e, 26e, 27e, 29e, 30e et 31e légères fourniront chacune 20 hommes de bonne volonté. Ce bataillon comptera dans l'armée comme 3e bataillon de la 18e légère. Par ce moyen, cette demi-brigade aura deux bataillons en France et un aux Indes ..." (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 6189; Correspondance générale, t.3, lettre 7026). C'est ainsi donc que 20 hommes de la 1ère Demi-brigade légère se retrouvent détachés pour l'expédition.

G/ Campagnes de Calabre (1806-1807) et de Vénétie (1807-1808)

1/ Marche sur Reggio

A la date du 26 février, l'effectif du Régiment est de 1946 hommes.

Le Général Reynier, qui doit poursuivre une armée plus considérable que la sienne, est chargé de marcher en Calabre avec le 3e corps de l'Armée de Naples chargée de l'occupation de la Calabre. L'armée napolitaine se replie par cette province sur la Sicile. Les troupes réunies à Salerne vers la fin de février forment un Corps expéditionnaire, composé de 12 Bataillons et de 6 Escadrons, répartis en trois groupes : une Brigade d'avant-garde (Général de Brigade Compère), deux Bataillons du 1er Léger (1er et 2e Bataillons et Compagnies d'élite du 3e Bataillon), deux du 42e de Ligne, trois pièces de montagne et un détachement de sapeurs ; une Division, corps principal sous les ordres du Général de Division Verdier, formé de deux Brigades (Généraux Digonnet et Peyri), deux Bataillons des 23e Léger et 6e de Ligne, trois d'Infanterie polonaise, trois pièces de montagne, un détachement de Sapeurs ; et une réserve (Général de Brigade Franceschi), quatre Bataillons du 1er Régiment suisse, et six Escadrons des 6e et 9e chasseurs, deux bouches à feu ; une batterie de quatre pièces envoyée à Matera (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 25).

L'armée napolitaine, indépendamment des Masses, se compose de 28 Bataillons et 16 Escadrons sous les ordres du Général Damas; son arrière-garde est commandée par le général Minutolo.

Le 1er mars, le 1er Léger occupe Eboli. Il vient de recevoir 108 recrues des Alpes-Maritimes. Son 3e Bataillon, moins les Compagnies d'élite, a été envoyé tenir garnison à Rimini sur la côte, entre Ancône et Bologne. Le dépôt, stationné à Parme depuis quatre ans, rejoint le 3e Bataillon à Rimini. Telle est la situation lorsque le 1er Léger entre avec le Corps Regnier dans cette presqu'île de Calabre où, soutenus par les troupes de l'ancien gouvernement, par les corps de débarquement de l'Angleterre et par les partisans de la reine, les paysans insurgés sous le nom de "Masses" et les brigands du pays, insaisissables dans leurs hautes montagnes, vont assassiner nos soldats isolés, attaquer à l'improviste nos postes et nos convois, et nous faire enfin, pendant plusieurs années, une guerre sauvage et sans merci.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Marche vers les Calabres
Le troisième corps de l'armée de Naples prit la denomination d'armée des Calabres; cette armée était composée de sept régimens d'infanterie française, d'un régiment suisse, d'un bataillon polonais, de six escadrons de chasseurs à cheval, de deux compagnies d'artillerie à pied, d'une de sapeurs, d'un détachement d'ouvriers joint à l'artillerie, répartis en deux divisions, sous les ordres des généraux de division Regnier et Verdier, le premier commandant en chef. La brigade d'avant garde aux ordres du général Compère, était formée du 1er régiment d'infanterie légère et du 42e de ligne.
Cette avant garde partit de Naples le 24 février, pour se mettre à la poursuite des troupes napolitaines retirées dans les Calabres sous le commandement du prince royal, fut coucher le même jour à Nocera; le 25 elle alla à Salerno et de là à Eboli. Nous restâmes dans cette ville jusqu'au 2 mars inclus; les deux divisions de l'armée y arrivèrent le 1er mars
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en mars 1806 (côte SHDT : us180603)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - Dépôt à : Parme
Conscrits des départements des Alpes Maritimes de l'an XIII
STEILER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier - Armée de Naples
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune - Armée de Naples
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais - Armée de Naples

Les deux provinces du Royaume de Naples, désignées sous le nom de Calabres citérieure et ultérieure, sont traversées dans toute leur étendue par de hautes montagnes dont les plateaux sont couverts de beaux pâturages. "Mais si la vue se repose avec plaisir sur la beauté et la variété des sites qu'offrent les montagnes, on ne peut, dit le Lieutenant-colonel de Tavel (Lettre du 28 mai 1808, publiée en 1820 chez Basset, quai des Augustins, 57, à Paris, dans un volume intitulé Séjour d'un officier français en Calabre), contempler sans saisissement les vallées profondes, ténébreuses, inhabitées dont le silence n'est troublé que par la chute des torrents".

Les plaines sont alternativement desséchées par un soleil brûlant ou fertilisées par les pluies. Les fièvres les rendent inhabitables pendant les chaleurs. Seules, les familles indigentes y restent alors pour garder les campagnes. "Climat plus meurtrier mille fois que le fer des brigands !" s'écrie encore de Tavel.

Ce climat favorise tous les genres de productions : dans les parties abritées du nord, on trouve la canne à sucre, l'aloès, le palmier. On y recueille des grains de toute espèce, des vins excellents, de l'huile d'olive en si grande abondance "qu'on la conserve dans de vastes citernes ...".

L'animal le plus utile dans ce pays, dont les communications sont si difficiles, est le mulet qui est de bonne race. Il y a aussi un grand nombre de buffles que les habitants emploient au labourage.

Malgré ces sources de richesse, la paresse des populations est telle que, sauf quelques villes ou bourgs, les villages "présentent l'aspect le plus misérable et le plus dégoûtant. L'intérieur des maisons est d'une saleté révoltante. Les porcs y vivent familièrement avec les habitants; et il arrive fréquemment que des enfants au berceau sont dévorés par eux. Ces animaux d'une espèce particulière, entièrement noirs et dépourvus de soies, sont tellement nombreux, qu'ils obstruent toutes les rues et l'entrée des maisons" (Lettre du 28 mai 1808).

Les Calabrais sont de taille moyenne. Ils ont le teint basané, les traits accentués, les yeux chauds. Comme les Espagnols, ils portent un grand manteau noir qui leur donne un air sombre. Ils se coiffent d'un chapeau à larges bords élevé et terminé en pointe d'un aspect bizarre. Malgré leur ignorance et leur barbarie, les Calabrais sont doués d'une grande finesse. "Leurs manières sont souples, insinuantes, dit de Tavel (lettre du 12 juin 1808) ; leur esprit très délié; et, à moins de bien connaître l'insigne perfidie dont ils sont susceptibles, on est facilement leur dupe ... Fourbes et adulateurs à l'excès ... , s'ils ne réussissent pas par les voies ordinaires, un coup de fusil ou de poignard les a bientôt vengés de leurs mécomptes ... Comme tous les hommes ignorants, ils sont superstitieux à l'excès : le brigand le plus atroce porte sur sa poitrine des reliques et des images de saints .....
Les femmes de Calabre ont peu d'attraits et sont surtout dépourvues de grâces. Mariées fort jeunes, elles sont bientôt flétries. Leur fécondité est extraordinaire
". D'un autre côté, "aimantes, passionnées, jalouses à l'excès, elles épient toutes les occasions pour se soustraire à la contrainte qu'on leur impose et elles se décident facilement à tout quitter pour suivre l'objet de leur affection".

Voilà dans quel milieu le 1er Léger va passer les deux années 1806 et 1807.

Avant de mettre en route son Corps d'armée, Regnier a tenu à réprimer sévèrement les cas de pillage qui se produisent trop fréquemment. Ainsi, le 3 mars 1806, un soldat du 1er léger est fusillé à Eboli, en présence du Régiment. Par la suite, malgré les privations, les fatigues et le manque de solde, le 1er Léger ne connaitra plus aucun fait analogue pendant toute la campagne.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Pendant le séjour que l'avant garde fit à Eboli, le général Regnier fut contraint d'assembler le conseil de guerre pour juger immédiatement quelques militaires de la brigade qui, au mépris des règlemens militaires et des ordres réitérés pour le maintien des propriétés des habitans, s'étaient livrés au pillage dans les campagnes, et surtout dans un pays que nous avions le plus grand intérêt à ménager; ces militaires, pris en flagrant délit, furent facilement convaincus et condamnés à mort. Le régiment y perdit le sergent Bertin, beau jeune homme, professeur d'escrime, jusque là d'une conduite irréprochable et bon soldat; il avait été entraîné à cette action par des camarades, comme lui étourdis par l'ivresse et qui, plus heureux, esquivèrent assez à temps pour n'être pas arrêtés. Ce pauvre jeune homme fît preuve d'un courage digne d'un meilleur sort; il commanda lui-même le feu et reçut la mort debout. Il fut généralement regretté.
Un grenadier du 42e de ligne, arrêté pour le même fait, détenu à Eboli, descendant la rampe en forme de berge qui conduisait à la plaine où la brigade était sous les armes et le conseil de guerre assemblé, s'échappa du milieu de son escorte, et sautant directement de berge en berge, il parvint à éviter les balles lancées contre lui, et à se soustraire à toute poursuite, sans que depuis on ait pu savoir ce qu'il était devenu.
Le 3 mars, le corps d'armée se remit en marche et fut loger à Castellucchio
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

carabinier 1er léger
Fig. 11b Fig. 11bbis Fig. 11bter Fig. 11c

Le 4 mars au matin, l'avant-garde se met en marche. Elle occupe le soir les hauteurs au delà de Palo.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 4 , nous nous portâmes sur Auletta, puis nous gravîmes le pont de Campestrino, ouvrage le plus curieux qu'on puisse imaginer, d'un aspect théâtral, élevé au fond d'une gorge au dessus d'un ravin profond, pour continuer la communication de la vallée avec le haut d'une montagne qui se présente de front; sa base est formée par d'immenses piliers supportant des voûtes qui, par leurs ouvertures, donnent passage à des eaux torrentielles, tombant en cascades, et dont les cintres forment la route qui se replie six à sept fois sur la même face, depuis la gorge jusqu'au haut de la montagne où commence la plaine de Campestrino. Les Niapolitains avaient eu l'intention de s'y arrêter, car ils avaient coupé le parapet à différente hauteur en forme d'embrasure, mais craignant d'être tournés, ils ne s'y arrêtèrent pas. Au bout de cette plaine est le village de Polla où nous logeâmes" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le lendemain, l'avant-garde dépase Sala, n'apercevant l'ennemi que de loin. Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 5, nous arrivâmes au couvent des Chartreux de San Laurenzo di Padula, de l'ordre de saint Bruno, maison immense, riche et renommée ; les religieux qui l'habitent sont nobles, et sont collectivement seigneurs de la petite ville de Padula, bâtie tout auprès au haut d'une colline dominant la Chartreuse ; ils sont encore, selon la chronique, les pères d'un grand nombre d'enfans de cette cité. Toute la brigade put loger dans ce couvent, et être nourrie des approvisionnemens de ces pieux solitaires" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Enfin, le 6, l'avant-garde trouve les Napolitains retranchés en avant de Lago Negro, gardant le passage du pont della Noce, auquel ils ont mis le feu. Le Général Minutolo a placé ses troupes (environ 2000 hommes, y compris la cavalerie et les paysans armés) dans un grand ouvrage en terre défendu par une pièce de 12, un obusier et deux pièces de 4. Deux Compagnies de Voltigeurs (ceux du 1er Léger selon Du Casse) se portent aussitôt à droite sur une hauteur qui domine la position ennemie. Le Général en chef, informé de cette résistance, se rend sur les lieux et fait immédiatement soutenir les Voltigeurs par un Demi Bataillon du 1er Léger. "Il ne fallut à ce renfort que le temps d'arriver sur les hauteurs, pour mettre en fuite les Napolitains qui, dans leur précipitation, abandonnèrent la pièce de 12 et l'obusier", dit le Général Reynier. Le 1er Léger a perdu le Capitaine Reymackers, tué en entrant à Lago Negro.

La poursuite est poussée jusqu'à Lauri. Les trophées de la journée sont : 3 drapeaux du Régiment Princepessa, 20 Officiers, 300 hommes, 4 canons et tous les équipages.

Dans sa lettre en date du 8 mars 1806, Joseph écrit, depuis Naples, à Napoléon : "Sire, le général Duhesme est arrivé le 4 à Matera ; il a ordre de continuer sa marche sur Cassano, où il soutiendra la gauche du général Reynier ; celui-ci est parti le 6 de San-Lorenzo di Padula, a rencontré les Napolitains derrière le pont Della-Nova, qu'ils venaient de brûler ; ils étaient retranchés derrière une batterie de trois pièces de canon et d'un obusier, au nombre de 2,000 hommes de troupes de ligne, cavalerie et infanterie ; deux compagnies de voltigeurs, soutenues par un demi-bataillon du 1er d'infanterie légère, les ont mis en fuite, leur ont enlevé leur artillerie, leurs bagages, et les ont poursuivis jusque près de Lauria; ils leur ont fait prisonniers le colonel, une vingtaine d'officiers, cinq cents soldats, pris deux drapeaux, quatre pièces de canon, vingt caissons ; tous les équipages sont tombés en notre pouvoir ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 98).

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Combat de Lagonegro
Notre marche, jusque là si paisible, fut arrêttée le 6 par l'arrière-garde napolitaine, établie d'une demi lieue en avant du bourg de Lagonegro, dans une vallée resserrée entre des montagnes qui s'abaissent insensiblement dans la direction d'une autre vallée transversale, laquelle sert de lit à un torrent souvent large et rapide, et que nous devions franchir pour arriver à Lagonegro ; le pont en bois elevé sur le torrent venait d'être brûlé par l'ennemi posté sur des monticules au delà ; il n'en restait plus que les piliers. Une batterie de deux petits canons de montagne établie sur une butte vis a vis, défendait les approches du gué, presque praticable à ce moment pour les voitures et les chevaux; des troupes napolitaines garnissaient quelques retranchemens longeant le torrent, et des forces plus imposantes occupaient les crêtes des monts, au bas desquels nous devions défiler après le passage du torrent.
Nos éclaireurs essuyèrent le feu des pièces et ripostèrent par une fusillade très vive; notre artillerie n'était pas encore arrivée. Nos trois compagnies de voltigeurs se portèrent en avant jusque sur le bord du torrent, la première en face du gué, à côtè du pont brûlé; la seconde à la droite et la troisième sur la gauche; elles entrèrent en même temps dans le torrent ayant de l'eau jusqu'aux hanches, les voltigeurs se soutenant par groupes pour n'être pas entraînés par le courant. Quelques compagnies de chasseurs en réserve sur la ligne, appuyaient ce passage en entretenant un feu bien nourri, de cette manière nos voltigeurs arrivèrent sans accident sur l'autre rive; puis, gravissant aussitôt les monticules, ils attaquèrent de front et de f1anc les Napolitains, enlevèrent rapidement la petite batterie et les retranchemens, descendirent au pas de course les revers des monts pour se porter sur la route afin de couper la retraite aux Napolitains éperdus et, en un instant, toutes les positions furent abandonnées, ainsi que les canons, les bagages et même les soupes que les soldats avaient préparées; ils se retirèrcnt par les montagnes et gagnèrent ainsi Lagonegro, où ils avaient encore de l'infanterie, de la cavalerie et des canons. Pendant cette action les ouvriers rétablirent le pont pour le passage de nos troupes d'infanterie, tandis que la cavalerie et les équipages traversaient le gué.
De nouvelles dispositions furent faites pour marcher immédiatement sur le bourg de Lagonegro et pour en expulser les Napolitains. Les trois premières compagnies de notre 1er bataillon donnèrent la chasse aux Napolitains dans les montagnes, et les autres compagnies se réunirent aux voltigeurs sur la route et allèrent attaquer le bourg par les entrées.
Le 2e bataillon et nos trois compagnies de carabiniers marchèrent en réserve avec le 42e de ligne.
Les Napolitains qui avaient assez bien fait la guerre de tirailleurs dans les montagnes, se défendirent mal dans la vallée, quoique appuyés par leur artillerie qui foudroyait la principale entrée, et par leur cavalerie qui se montrait sur tous les points. Bientôt le bourg fut emporté de vive force, les canons pris, la cavalerie mise en fuite, et une grande partie de l'infanterie faite prisonnière. Nous nous emparâmes encore de leurs bagages, de leurs vivres, d'un magasin d'habillement, d'une caisse militaire assez bien garnie, et d'un chambellan du prince.
Entre autres pertes nous eûmes à déplorer celle de monsieur Reymacker, capitaine de la 2e compagnie de voltigeurs, bel homme, brave soldat, broyé par la mitraille.
Le quartier général resta à Lagonegro; l'avant garde fut aussitôt envoyée sur la route que tenait l'ennemi, pour suivre ses mouvemens ...
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Fig. 11d

Le 7, on est obligé d'attendre un convoi de biscuit qui n'a pu suivre l'armée. Ce retard est nécessaire pour faire prendre aux soldats des vivres avant d'entrer dans les montagnes, où, seuls les mulets peuvent passer. L'avant-garde marche sur Lauria. Elle trouve seize caissons abandonnés à Bosco et trois pièces à Lauria, où elle s'empare encore de 3 Officiers, 50 hommes et 3 canons (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 29). Le Capitaine Duthilt écrit : "... et, le lendemain 7, nous fûmes à Bosco où les Napolitains avaient été forcés d'abandonner treize caissons à cartouches, ne pouvant les emmener plus loin.
On ne peut concevoir comment ils purent faire arriver jusque là tout ce qui compose un train d'artillerie car, à partir du Lagonegro, la route est absolument dégradée et impraticable pour toute espèce de charrois, et les Napolitains n'avaient rien fait pour la rendre propre au transport de l'artillerie; les voitures les plus étroites ne pouvaient y passer que sur les roues du même côté, tandis que celles opposées restaient en l'air, ce qui nécessitait l'emploi d'un grand nombre d'hommes pour opérer un contrepoids, en tirant tous à la fois du côté des roues tournantes, ce qui arrivait lorsqu'un chemin se trouvait établi entre le talus d'une montagne et le bord d'un ravin ; en d'autres endroits, la route était tellement resserrée entre deux talus de montagnes ou de rochers, qu'alors les roues dépassaient les ornières de la voie ordinaire, et elles roulaient en dehors sur des inégalités et par dessus les grosses roches tombées d'en haut, et qui abondent aux pieds de ces montagnes et sur la route même. Tout le transport de Bosco à Lagronegro ne se fait habituellement que sur de petites voitures courtes et étroites, ou à dos de mulets.
Derrière notre avant garde, une compagnie de sapeurs rétablissait la voie pour nos transports, ce qui retardait notre marche, mais assurait nos succès.
Nous bivouaquâmes le même soir à Lauria, où nous trouvâmes encore trois canons et des caissons abandonnés
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 8, l'avant garde atteint Castellucia sans être inquiétée. L'ennemi a pris position pour barrer le passage au débouché du défilé qui s'épanouit sur la haute plaine de Campo-Tenese, en avant de Castrovillari. Appuyant sa gauche et sa droite aux hauteurs qui bordent la plaine, il a abrité son front par trois redoutes armées de pièces de gros calibre.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 8, nous fûmes bivouaquer à la Rotonda, d'où nous aperçûmes les feux des bivouacs ennemis établis sur la crête des monts que nous devions atteindre le lendemain" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 9 mars au matin, l'avant garde reprend sa marche, fait une halte à Rotondo et s'engage résolument dans le défilé. A la sortie, les éclaireurs se jettent en avant et bousculent bientôt les premiers postes ennemis. Plusieurs Compagnies de Voltigeurs, dont une du 1er Léger, sont aussitôt détachées sur les hauteurs à droite et à gauche. Lorsque le Corps s'engage à son tour dans le défilé, la neige commence à tomber en abondance, et une brume épaisse, masquant les positions ennemies, rend alors l'attaque très difficile. Le 1er Bataillon du 42e de Ligne est d'abord envoyé au secours des Voltigeurs de gauche. Le 1er Léger et le 2e Bataillon du 42e, commandés par le Général Compère, sont ensuite déployés par Reynier à l'entrée de la plaine. Toute la Brigade Compère se trouve donc en ligne. Cette position est toutefois très longue à prendre : "les soldats n'arrivaient qu'un à un par le défilé", nous dit le compte rendu de l'affaire. Le mauvais temps effectivement retarde et rend pénible les manoeuvres, mais il paralyse aussi l'enemi qui, par son tir seul, semble devoir interdire tout déploiement. La Division Verdier commence alors à se former en seconde ligne, sous le canon napolitain.

Fig. 12
Fig. 12a

Cependant, alors qu'une partie des troupes est entrée en ligne sous le canon des Napolitains, les Voltigeurs du 1er Léger et le 2e Bataillon du 42e sont arrivés sur les hauteurs qui servent d'appui à la droite du camp. Déjà, ils chassent devant eux les deux Régiments napolitains chargés de défendre ces positions et débordent ainsi la droite du Général Damas. Reynier ordonne alors aux Généraux Compère et Verdier de faire battre la charge. L'ennemi débordé s'enfuit en désordre, abandonnant redoutes et canons. Quelques Napolitains gagnent le petit sentier de Morano. Les Voltigeurs du 1er léger les précèdent dans ce village et les font tous prisonniers. A la faveur du brouillard, 1500 hommes réussissent à s'échapper avec le Général Damas. Le nombre de prisonniers est de 1900 dont 100 Officiers et 1 Colonel, 2 Brigadiers généraux, et un Bataillon entier du Régiment des Gardes.

Joseph écrit, le 13 mars 1806, depuis Naples, à Napoléon : "Sire, voici le compte que me rend le général Reynier, commandant le 3e corps d'armée, de ses opérations depuis le 7 :
« Le 7 mars, l'avant-garde marcha à Lauria, où elle prit trois officiers et environ cinquante soldats napolitains restés en arrière ; elle trouva à Bosco seize caissons, et à Lauria trois pièces de canon.
Le 8, le corps d'armée marcha sur Castelluccio, d'où l'ennemi était parti en désordre quelques heures avant notre arrivée ; on y trouva encore quatre officiers et plusieurs soldats, ainsi que des magasins d'effets de régiment.
Le 9, l'armée partit à la pointe du jour, et fit halte à la Rotonda ; on y trouva beaucoup de soldats restés en arrière et quelques officiers. Elle s'avança ensuite dans les défilés de la vallée Saint-Martin, en observant les montagnes qui bordent ces défilés. L'ennemi devait, d'après les rapports, attendre l'armée dans un camp qu'il avait retranché à Campo-Tenèse, au débouché de ce défilé.
Les premiers postes furent bientôt repoussés par les éclaireurs ; des compagnies de voltigeurs furent détachées sur les montagnes à droite et à gauche de la plaine élevée à Campo-Tenèse.
L'ennemi avait son camp au milieu de cette plaine ; la droite et la gauche appuyées aux hauteurs qui la bordent, et où il avait placé plusieurs bataillons. Devant le centre de son infanterie et de sa cavalerie, étaient trois redoutes armées d'artillerie de gros calibre ; mais, dès que le corps d'armée entra dans la vallée de Saint-Martin, la neige commença à tomber avec beaucoup de force, et une brume épaisse empêcha de rien distinguer, de voir les ennemis, de reconnaître leurs dispositions, et de bien faire celles qui étaient nécessaires pour les attaquer ; cependant le 1er bataillon du 42e régiment fut envoyé sur les hauteurs à gauche pour soutenir les voltigeurs qui y poussaient les ennemis, et je fis former à l'entrée de la plaine le 1er régiment d'infanterie légère et le 2e bataillon du 42e, commandés par le général Compère. Ce mouvement fut très-lent, parce que les soldats n'arrivaient qu'un à un pour le défilé.
La division Verdier se forma à la suite en seconde ligne.
Lorsqu'une partie des troupes fut formée sous le canon du camp napolitain, les voltigeurs du 1er régiment d'infanterie légère et le bataillon du 42e régiment arrivaient sur les hauteurs qui soutenaient la droite de l'ennemi, en chassant deux régiments chargés de leur défense, et débordaient ainsi la droite des ennemis. J'ordonnai dans cet instant au général Compère et au général de division Verdier de faire battre la charge ; l'ennemi s'enfuit en déroute, abandonnant ses redoutes et ses canons, et ne pouvant prendre qu'en petit nombre le chemin de Morano, où les voltigeurs de gauche arrivaient. L'infanterie et la cavalerie se trouvèrent dans des montagnes couvertes de neige, où les tirailleurs les suivirent et en prirent un grand nombre. La nuit qui survint, la brume et la neige ont empêché de les envelopper ; mais, ainsi dispersés, ce qui ne périra pas de froid et de faim sera forcé de venir se rendre.
La cavalerie, qui était encore en arrière dans le défilé, n'a pu arriver à temps pour prendre part à l'action et tomber sur l'ennemi au moment où il a pris la fuite, ce qui, joint au temps affreux qui empêchait de rien distinguer, m'a empêché de prendre toute l'armée ennemie sur le champ de bataille ; mais elle est également dispersée et détruite, puisqu'il ne s'en est sauvé avec le général Damas qu'environ douze cents hommes d'infanterie et deux cents chevaux.
Dans ce moment, on a réuni il Morano environ dix-huit cents prisonniers et cent officiers ; on a pris toute leur artillerie et beaucoup de chevaux. Les brigadiers généraux Tschudi et Ricci sont au nombre des prisonniers, ainsi que le colonel et un bataillon du régiment des gardes.
Ce matin, j'ai marché à Castrovillari, et envoyé à Cassano l'avant-garde, commandée par le général Compère, pour avoir des nouvelles du corps du général Rosenheim, qui était dans cette partie, mais qui se retirera probablement derrière le Crati.
J'ai laissé à Morano des troupes pour réunir les prisonniers, et les faire partir demain pour Naples».
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 106).

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Combat de Campo Tenese
Le 9, les Napolitains se réunirent et s'arrêtèrent à Campo Tenesse. Tout ce qui restait de troupes napolitaines, y compris la Maison du Roi, s'y trouvait réuni. Ce lieu parut propre au général Damas pour hasarder une bataille qui, s'il l'eût gagnée, lui aurait donné tout 1'ascendant dont il manquait pour déterminer les populations calabraises à prendre les armes contre nous. Il était retranché au fond d'une plaine large et profonde, située sur le plateau entre les monts de Campo, et défendu par deux bastions armés de canons de gros calibre en avant de sa ligne de bataille, de manière que l'armée napolitaine était là comme dans un camp retranché. L'entrée de la gorge menant au plateau était étroite, tortueuse, escarpée et les montagnes qui la resserraient de chaque côté étaient couvertes de rochers brisés, de bois et de tirailleurs, découvrant parfaitement la route et la défendant efficacement. En certains endroits, la route était tellement étroite que quatre hommes pouvaient à peine y passer de front.
Lorsque nos éclaireurs eurent fait replier les premiers postes ennemis établis à l'entrée du défilé, des voltigeurs furent détachés sur les monts à notre droite, mais au moment où la colonne se présenta pour entrer dans la vallée de Saint Martin , la neige commença à tomber abondamment et une brume épaisse vint en même temps obscurcir l'atmosphère et nous empêcher de voir à plus de cinquante pas autour de nous, et par suite de reconnaître la position ainsi que les dispositions de l'ennemi ; chacun de nos corps se forma de suite en colonne serrée, en attendant que le temps nous permît d'y voir assez pour diriger notre attaque. La neige et la brume se dissipèrent bientôt et nous pûmes discerner les objets éloignés ; alors nous vîmes les Napolitains rangés en bataille derrière leurs deux redoutes, ayant à leur centre et aux ailes le restant de leur artillerie; leur cavalerie était en réserve derrière cette ligne.
Notre avant garde, composée en ce moment d'une forte garde et de nos trois compagnies de voltigeurs, fut attaquée dès son entrée dans la plaine par de nombreux tirailleurs. Le général Regnier s'était porté jusqu'à la hauteur des premiers éclaireurs pour mieux juger du nombre et de la contenance des Napolitains.
Il fit alors jeter sur sa gauche deux compagnies de voltigeurs pour tirailler; le feu s'engagea vivement et notre avant garde eut à lutter contre les efforts de l'ennemi défendant obstinément l'entree. Enfin, les tirailleurs napolitains furent forcés de se retirer derrière leurs redoutes et de nous céder la plaine, de sorte que la colonne put se déployer et se porter en avant, malgré la neige qui tomba derechef et le feu des redoutes à boulets puis à mitraille; on battit la charge jusqu'à ce que ces redoutes fussent dépassées; alors déployant en bataille toutes les troupes de la 1re division parvenues sur ce point, et marchant sur la ligne ennemie sans riposter à ses feux, le général fit croiser la baïonnette et battre la charge; les Napolitains, nous voyant si près d'eux et toujours avançant en bon ordre, rompirent leurs rangs et cherchèrent leur salut dans la fuite, laissant leurs canons et beaucoup jetant leurs armes se considérant déjà comme prisonniers. Parvenus à l'extrémité de la plaine, les Napolitains de la garde, les seuls qui eussent conservé leurs rangs, éprouvèrent pour en sortir les mêmes difficultés que nous eûmes pour y entrer; nos voltigeurs arrivèrent avant eux à Moreno et leur disputèrent ce défilé; néanmoins quelques pelotons le passèrent, mais les autres et la cavalerie se retirèrent en désordre par les chemins des montagnes, où nos voltigeurs s'aventurèrent à leur poursuite ; coupés, ils prirent un grand nombre de ces fuyards, mais un brouillard épais qui s'éleva derechef, et bientôt la nuit qui survint, mirent fin à cette affaire qui vit la destruction complète de l'armée napolitaine.
Le général Damas ne put réunir après l'action qu'un millier de fantassins de tous corps et une centaine de cavaliers découragés; le restant, dispersé dans les montagnes, coupé ou pris dans les vallées fut dirigé sur Naples, au nombre de plus de 5.000, parmi lesquels des officiers de tous grades et le général Ricci.
Ceux des Napolitains qui purent s'enfoncer dans les montagnes y errèrent encore quelques jours ; puis, contrains par l'impossibilité d'en sortir à mains armées, ils vinrent se rendre successivement aux commandans français établis sur la route.
Le prince royal et sa suite se retirèrent à Cosenza pour y préparer leur passage en Sicile.
Le 1er régiment d'infanterie légère s'est particulièrement montré dans cette affaire : le général napolitain Ricci, quatre drapeaux et un grand nombre de prisonniers furent enlevés par lui au fort de l'action; sa perte, tant en tués que blessés a été d'une cinquantaine d'hommes (ordre du jour).
Au moment ou nous nous formions en bataille pour marcher sur la ligne ennemie, un boulet, parti d'une des redoutes, vint tomber à quelques pas en avant du peloton de notre drapeau, derrière lequel j'étais en serre file ; il pénétra en terre, en ressortit sous les pieds d'un chasseur de second rang, le souleva et lui fractura une jambe en plusieurs endroits, sans avoir blessé l'homme du premier rang, ni celui du troisième de cette file ; en passant il me couvrit de terre et de graviers, qui me contusionnèrent en vingt endroits, me toucha presque la tête, me rendit sourd quelque temps, s'éleva directement au au dessus du commandant Cerisier, toucha encore la terre, ricocha et alla atteindre et blesser grièvement un soldat de la réserve, bien en arrière de la première ligne.
Nous bivouaquâmes au dessus de Moreno
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Reynier entre le soir même à Morano avec les fuyards napolitains, et bivaque au-delà de cette ville ; la Division Verdier, sur le penchant de la montagne qui y descend ; la cavalerie, ainsi que le Bataillon suisse, dans la neige, à Campo-Tenese, avec les prisonniers et blessés ennemis. Le 10, on réunit le matin dix-huit cents prisonniers, dont cent Officiers. Les Brigadiers généraux Tschudi et Ricci sont de ce nombre. On a pris toute l'artillerie, cinq drapeaux et beaucoup de chevaux. Le même jour, l’avant-garde atteint Cassano, où elle fait une centaine de prisonniers dont trente Officiers. Le Maréchal Rosenheim, qui s'est retiré derrière le Crati, a abandonné cette place la veille ; et, rappelant à lui toutes les troupes placées vers Roseto, il a passé le Coscile. Reynier vient s'établir près de Castrovillari (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 31 et 32).

Le 11, Reynier essaie de franchir le Coscile vers San-Antonio della Fiera, pour marcher sur Torsia, où les Chasseurs chargent et prennent quelques cavaliers napolitains. Le temps est affreux ; la pluie tombe par torrents. Une partie des soldats est pieds nus. Le débordement du Coscile arrête la réserve, qui ne peut passer que le lendemain matin (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 31 et 32).

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Marche sur Reggio
Le 10, nous passâmes à Castrovilari et nous fûmes bivouaquer en avant de Cassano; le 11, nous fùmes à Rossano; près de là on croit voir les ruines de la ville de Sybaris, dont la mollesse proverbiale de ses principaux habitans aisé ne souffrait dans son enceinte ni forgerons, ni chaudronniers, ni aucun ouvrier dont le bruit des instrumens de travail de sa profession pouvait troubler leur voluptueuse indolence
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Face aux colonnes françaises victorieuses, le Prince héritier de la cour de Naples, entraîné par les débris de son armée, décide de quitter Cosenza. Avant de partir, il ouvre les portes du bagne, rendant ainsi la liberté à 200 détenus condamnés pour vols et assassinats, qui sont envoyés dans les montagnes rejoindre les brigands et les Masses.

Le 12, l'armée vient à San-Antoniello. Un escadron du 6e régiment de chasseurs à cheval, commandé par le Chef d'Escadron Schnetz, entre à Cosenza à la suite des troupes napolitaines, et fait plusieurs prisonniers. On y trouve six pièces de canon, des caissons et plusieurs officiers (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 32).

Le 13 mars, l'avant-garde atteint Cosenza, par des chemins rendus détestables par les pluies. L'armée campe autour de la ville. Le Général Regnier écrit à Joseph : "une grande partie des soldats ont laissé leurs souliers dans la boue".

Le 14, l'avant-garde, le 9e de Chasseurs et un Escadron du 6e gagnent Scigliano. La Division Verdier séjourne à Cosenza, afin de prendre des vivres (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 33).

Le 15, l'avant-garde atteint Nicastro ; et la Division Verdier, Scigliano. Le 6e Régiment de chasseurs et des détachements d'infanterie restent à Cosenza, sous les ordres du colonel Laffon (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 33).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 12, nous bivouaquâmes dans le Val di Crati; le 13, en avant de Cosenza, petite ville de la Calabre citérieure, située sur le penchant d'une montagne; le 14 nous passâmes à Rogliano et nous fûmes bivouaquer près de Nicastro, dans la Calabre ultérieure; le 16 à Fondaco del Fico" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée d'Italie - 15 mars 1806 (Nafziger - 806DXC)
Commandant en Chef : Prince Eugène
Dépôts de l'Armée de Naples :
1er Léger (à Mantoue) : 3 Officiers, 192 hommes

Le 17, le 1er Léger arrive à Monteleone sur les talons de l'ennemi. Monteleone est une petite ville de 7000 âmes dont le Lieutenant-colonel Duret de Tavel fait le plus grand éloge : "Monteleone est bâtie sur un monticule qui domine un vaste plateau ... Un grand et magnifique tableau s'offre de toute part à la vue qui se repose au loin sur le sommet vaporeux et bleuâtre de l'Etna. L'aspect de cette petite ville surmontée d'un château ... est aussi gracieux que pittoresque". (Lettre datée de Monteleone, 7 avril 1807).

Le Capitaine Duthilt écrit : "le 17 en avant de Monteleone; le 18 à San Pietro, après avoir traversé Mileto" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 19, le 1er Léger est à Seminara. "Tous les soldats sont sans souliers; ils sont extrêmement fatigués, mais plein d'ardeur", écrit encore le Général en Chef.

Le Capitaine Duthilt écrit : "... le 19 nous passâmes à Rosarno et à Drosi, puis nous fûmes bivouaquer à Seminara; le 20 nous traversâmes Solano et Fiumara di Mura et nous fûmes bivouaquer à Gallico, rivage de la mer Tyrrhénienne près de Scilla. Des hauteurs environnantes, d'où l'on découvrait entièrement le détroit de Messine, le général Regnier ayant aperçu entre Gallico et Pentinello, un nombre de petits bâtimens et de barques qui mettaient à la voile pour Messine, partit rapidement avec un escadron de chasseurs dans l'espoir d'arrêter encore quelques Napolitains qui n'auraient pas eu le temps d'embarquer ; mais à son orrivée sur la plage, il n'y trouva plus aucun militaire; les bâtimcns étaient au large sous la protection de quelques chaloupes canonnières, qui tirèrent sur notre cavalerie et tuèrent un chasseur" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Enfin, le 21, l'avant-garde est à Reggio. Elle y reçoit quelques coups de canon des bâtiments anglais qui protègent l'embarquement du Maréchal Damas et des ses débris, auxquels se sont joints quelques chefs de Masses. A Reggio même, les Français sont accueillis par les acclamations des habitants qui malgré le mauvais temps, se sont portés en grand nombre au-devant de nos colonnes pour fêter leur arrivée. L'Archevêque et son clergé est en tête de ce mouvement sympathique. Il chante dans sa cathédrale un Te Deum d'action de grâces et donne solennellement sa bénédiction aux troupes françaises.

Les soldats quant à eux oublient leurs fatigues et regardent Messine et le détroit, brûlant d'être sur l'autre rive. Comme les Anglais ont enlevé de la côte jusqu'aux bateaux des pêcheurs, nos hommes font entre eux des paris de passer le détroit à la nage. "Oui, nous irons à la nage, laissez-nous faire", disent-ils à leur général; et pourtant, ils n'ont pas reçu leur solde depuis un mois.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le 21, nous entrâmes à Reggio, ville maritime, assez grande mais triste et démolie par l'action dut tremblement de terre de 1783. Elle est défendue par un château fort, et quelques batteries de côtes établies de distance en distance la protègent contre les attaques par mer. Nous y fûmes reçus avec acclamation : les autorités civiles, l'archevêque et son clergé vinrent à l'entrée de la ville complimenter le général et l'assurer de la soumission de l'entière popula tion. Nous assistâmes au Te Deum chanté immédiatement, l'archevêque officiant; il semblait que notre arrivée fût un bienfait pour le pays; du moins c'en était un pour nous, parvenus au terme de notre conquête sans grande effusion de sang, car si le prince royal eût voulu nous disputer le terrain plus souvent, il l'aurait fait avec avantage ; il pouvait nous arrêter fréquemment dans des defilés étroits et tortueux, où nous ne pouvions entrer qu'un petit nombre à la fois; en employant ce moyen, tout à sa disposition, il eut aguerri ses troupes et rassuré les habitans des Calabres étonnés de notre soudaine apparition et il aurait fait durer la guerre plus longtemps. Mais la noblesse napolitaine était dégénérée, elle n 'aurait pu prendre en ce moment aucun ascendant réel sur le peuple et sur l'armée; son autorité était absolument méconnue. Dans cette circonstance, la cour de Naples et l'état-major anglais espérèrent néanmoins exciter bientôt un soulèvement dans ce pays ; ils laissèrent lâchement aux grossiers habitans de cette contrée le soin de nous exterminer en détail à la première occasion, ce qui est prouvé par les rumeurs sourdes qui ne tardèrent pas à se faire entendre et par des proclamations émanées des autorités siciliennes qui causèrent des soulèvements successifs qui eurent lieu peu de temps après notre arrivée.
Des deux divisions composant le corps d'armée dans les Calabres, la 1re se porta dans la partie ultérieure, sous les ordres du général Regnier et elle s'étendit jusqu'au cap Spartivento et des Larmi, communiquant avec Tarente sur l'Adriatique
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

"Reggio, dit de Tavel (lettre du 4 mai 1808), était renommée dans l'antiquité par sa situation, ses campagnes délicieuses, la douceur et la salubrité de son climat... Réduite en cendres par Barberousse en 1544, elle fut en outre saccagée et pillée deux fois dans le même siècle, et enfin, le 5 février 1783, elle fut renversée de fond en comble ... II est impossible, ajoute t-il, d'imaginer rien de plus beau que les campagnes qui environnent Reggio; elles réunissent les productions les plus délicieuses et les plus variées. Des ruisseaux et des sources abondantes jaillissant du pied des montagnes voisines, serpentent sous des berceaux d'orangers, de citronniers et entretiennent une fraicheur, une fertilité surprenante. C'est un vaste jardin orné de bocages parfumés qui réalisent le beau idéal d'un paradis terrestre ... En un mot le climat, le sol, la situation de Reggio présentent à l'imagination tout ce que la fable et la poésie ont pu inventer de plus séduisant".

A la suite de cette première expédition, le Capitaine Baudin et le Lieutenant Prévost sont décorés; le Général en chef, dans son rapport, propose le Capitaine Baumard pour de Chef de Bataillon; il recommande également à la bienveillance de Joseph le Capitaine Dénéchaux Maximilien proposé pour la Croix, le Sous lieutenant Roux, le Caporal de Voltigeurs Véron proposé pour la croix, le Grenadier Bonin et les Voltigeurs Vanhore, Mulhausen et Maires.

Le Capitaine Duthilt raconte : "Le lendemain de notre arrivée à Reggio, notre adjudant-major, monsieur Montaussé, me donna le commandement d'un détachement chargé de maintenir une communication assurée entre Reggio et Tarente, établi à cet effet à Girace, près du cap Spartivento. A peine arrivé au gîte intermédiaire, monsieur Valdan, lieutenant, vint, par suite de la réclamation qu'il fit, nanti d'un ordre formel, prendre le commandement de mon détachement, son tour de service lui donnant ce droit. Obligé de céder encore cette fois (comme à Bregenz), je rentrai seul à Reggio.
Quelque temps après, lors de la première levée de boucliers des Calabrais contre les Français occupant le pays, monsieur Valdan, se trouvant encore avec son détachement à Girace, isolé, fut averti secrètement qu'il allait être cerné et inévitablement égorgé s'il n'évacuait promptement le poste qu'il occcupait. Alors, il prit la résolution de s'enfermer dans l'église, décidé à s'y défendre jusqu'à extinction ou délivrance; mais à peine y était il entré qu'une cohue considérable révoltée et armée vint le sommer de se rendre, menaçant de le brûler dans l'église. Aucune garantie ne lui étant donnée pour lui et ses chasseurs, il fut sourd à cette sommation; l'exécution allait suivre la menace, et il était perdu, si le curé ne s'était fait introduire dans l'église, sous prétexte de parlementer, s'il ne s'était revêtu de ses habits sacerdotaux , s'il n'eût pris en mains l'ostensoir, et si la porte de l'église ouverte il ne se fût établi sur le seuil, en déclarant que cette cohue n'arriverait aux Français qu'après avoir sacrilègement passé sur le corps de son Dieu. Néanmoins quelques coups de fusil tirés sur les Français cassèrent une jambe à Mr Valdan qui, sous la protection du bon ecclésiastique, fut sauvé et transporté par mer, avec son détachement, à Tarente d'où il se rendit à Naples, où le roi Joseph le fit nommer capitaine et décorer, après qu'il fut amputé.
La seconde division, commandée par 1e général Verdier, resta dans la Calabre citérieure, communiquant avec Reggio et Naples. Cette seconde division eut bientôt à combattre les montagnards insurgés, depuis Lagonegro jusqu'à Montelcone, lesquels débutèrent par assassiner simultanément les petits cantonnemens, les militaires isolés, les courriers et les estafettes. L'insurrection prit rapidement un caractère sérieux, qui annonçait une organisation bien combinée; cependant celle ci n'eut pas une longue durée : la division Verdier, agissant sur plusieurs points à la fois et avec la plus grande énergie, réprima promptement ce premier mouvement par des exécutions à mort. Les plus audacieux de ces révoltés s'emparèrent facilement du fort Amanthéa , et s'y renfermèrent; ils y soutinrent un blocus long et très resserré par terre, mais la mer leur donnait la facilité de se ravitailler et de communiquer journellement avec Messine ou Palerme, d'où ils tiraient leurs approvisionnemens. En dehors de cette forteresse tout était rentré dans l'ordre, les Anglais n'ayant rien pu faire pour seconder l'insurrection qu'ils avaient suscitée; de sorte que tout était pacifié lorsque le prince joseph Bonaparte vint faire sa tournée dans les Calabres. On se hâta de lever des batterics de côtes auprès de Reggio, du moins sur les points les plus importans autour du fort de Scylla, dont le pied esl baigné par les flots d'un courant rapide et changeant, qui entraîne les bâtimens qui n'ont pu éviter ses eaux et qui, poussés par les vents courent de Carybde en Scylla et tombent inévitablement dans un de ces redoutables écueils; on les arma de gros canons et d'obusiers, provenant du fort de Reggio, ou de Naples amenés par mer, malgré la surveillance des croiseurs anglais qui ne cessaient d' explorer 1a côte de la mer Tyrrhénienne et Méditerranée.
On organisa en même temps une compagnie de sapeurs marins sous le commandement de monsieur Gaspard Bouillet, sous-lieutenant des carabiniers de notre 2e bataillon, pour monter quelques barques pontées, armées en corsaire, destinées à communiquer avec la côte de Sicile afin d'être continuellement informé des mouvemens et des projets apparens des Anglais; en effet, cette petite flottile opéra heureusement quelques descentes dans l'île, débarqua et ramena quelques espions, nous rendant enfin d'assez bons services.
La ville de Reggio est bâtie exactement en face de la ville et du port de Messine, dont le détroit sur ce point a moins d'une lieue de largeur; avec des lunettes ordinaires, des terrasses des maisons de Reggio, nous distinguions très bien ce qui se passait à l'entrée du port de Messine
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

2/ Occupation de la Calabre

Fig. 13
Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493

D'après les instructions données par le Général César Berthier, Chef d'Etat major de l'Armée de Naples, les troupes avaient pour mission de "forcer l'ancienne armée napolitaine à quitter le continent et à se dissoudre, de maintenir la tranquilité, d'éteindre enfin l'insurrection des Masses et des gens dévoués à l'ancienne reine". Aux vues des événements, la première partie de ce programme semble remplie. Cependant, tout ce pays si beau, si fertile de sa nature, désormais occupé par les Français, est alors complètement épuisé. De terribles tremblements de terre ont couvert toute la contrée de ruines en 1783, et les villes et les villages ne sont encore rebâtis qu'en partie. Enfin, les troupes anglo-napolitaines en ont consommé les dernières ressources. Cette situation oblige donc les troupes françaises à se disperser pour subvenir à leurs besoins, ce qui se fera sentir le jour où un rassemblement rapide sera nécessaire pour faire face à un gros orage. Ainsi, le 1er Léger est cantonné sur une longueur de près de 70 lieues, de Cotron à Melito.

Fréquemment, des rassemblements de paysans et de brigands obligent les troupes à s'organiser en colonnes mobiles. Ainsi, le 28 mars, le commandant Pierre Lejeune part de Cosenza avec 200 hommes des 1er et 23e Légers. Il disperse de nombreuses bandes de paysans insurgés, ce qui lui vaut d'être cité à l'ordre pour les résultats obtenus avec cette colonne. Rappelons que commandant Lejeune a déjà mérité une citation, le 29 floréal an II (18 mai 1794), à la prise de Lanoy où il fut blessé. "Une balle lui emporta son faux col et le jeta à bas de son cheval. Il concourut néanmoins avec cinq chasseurs à la prise d'une pièce de canon placée en avant de la porte de Lanoy où il entra le premier, avec le plus de monde qu'il put réunir. Il fit plusieurs Hessois prisonniers".

Le 5 avril, dans une expédition conduite par le Colonel Dufour sur Martarano, les Chasseurs du 1er Léger et les Voltigeurs du 1er Bataillon du 6e de Ligne, débusquent en moins d'un quart d'heure les brigands qui se sont postés en avant de la ville. Ils les poursuivent jusqu'au delà de Martarano qu'ils traversent pendant que, depuis les fenêtres des maisons, l'ennemi tire sur eux et leur jette des pierres ou des pots de terre. "Nos soldats étaient furieux... Toute la troupe s'est battue avec la plus grande intrépidité et a brusqué l'attaque avec vigueur", écrit le Colonel Dufour. Dans cette affaire, le Sous lieutenant de Saint-Pierre a eu le bras gauche cassé par une balle.

Le 6 avril 1806, le Général Verdier écrit, depuis Scigliano, à Joseph : "Monseigneur, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Altesse Impériale qu'aussitôt que le général Reynier a été instruit des principes d'insurrection qui se sont manifestés dans les deux provinces de Cosenza et Catanzaro, j'ai reçu ordre de lui de marcher, et de rouvrir les communications entre Monteleone et Cosenza, interceptées depuis huit à dix jours.
Parti de Monteleone le 1er avril avec un bataillon du 6e régiment et un de Polonais, je me suis dirigé par deux colonnes sur Sainte-Euphémie et Nicastro, lieu où des détachements français avaient été attaqués et repoussés avec perte. Arrivé à Sainte-Euphémie, j'ai trouvé ce village entièrement vide de population, laquelle avait été se joindre avec celle de San-Biaggio, où se trouvaient deux à trois cents révoltés descendus de Gizzeria, Castiglione, Martorano, Confienti et Soveria. Instruit de ce rassemblement, j'ordonnai à un bataillon du 6e, qui était entré sans coup férir à Nicastro, de marcher sur trois colonnes par les crêtes des montagnes della Pace ou Santa-Maria, et la route de San-Biagio, tandis que je marchais par la marine de Sainte-Euphémie pour tourner ces gens-là et leur couper toute retraite.
Les colonnes qui devaient passer par la montagne della Pace, commandées par le colonel Dufour, rencontrèrent l'ennemi au village de Petronia, d'où elles le chassèrent avec perte, mais pas assez loin pour continuer leur route pendant la nuit qui s'avançait, le colonel craignant de laisser entre lui et Nicastro de trop gros rassemblements.
La colonne passant par la route directe de Nicastro et San-Biaggio rencontra l'ennemi à ce dernier village, en même temps que j'arrivai par la route de Sainte-Euphémie. Nos premières troupes aperçues de l'ennemi furent attaquées par lui avec énergie. La fusillade s'engagea de suite de part et d'autre, et le pas de charge détermina la fuite de ces gens-là. Laissant à peu près soixante des leurs sur la place, ces révoltés s'étant retirés sur Serra-Stretta, Soveria, Conflenti et Martorano, je marchai le lendemain sur ces points-là, m'avançant sur trois colonnes, celle de droite par Serra-Stretta et Soveria, celle du centre sur Soveria par la route directe, et celle de gauche par Conflenti et Martorano.
L'ennemi ayant abandonné Serra-Stretta, la colonne de droite y entra sans coup férir ; elle y a été reçue par la population, qui lui donna à rafraîchir, et de là elle a marché à Soveria. Celle du centre, où je me trouvais, arriva devant Soveria à peu près à onze heures du matin : aussitôt qu'elle fut aperçue par l'ennemi, le tocsin sonna clans le village et autres voisins, le tambour fut aussi entendu, et au même instant toutes les montagnes environnantes furent couvertes de ces gens, qui ont poussé leur audace jusqu'à venir attaquer mon avant-garde, que j'avais arrêtée un moment pour faire des dispositions. Ces dispositions finies, je fis sonner la marche, et les positions furent emportées à l'instant. Ces gens s'étant dispersés après quelques coups de fusil, ce village a été forcé. Nous avons trouvé dans le repaire de ces brigands les effets de vingt-cinq à vingt-six soldats français égorgés par les habitants, cinq autres prisonniers qu'ils n'avaient pas encore tués, et une femme avec un enfant de cinq à six ans appartenant au 6e régiment.
La colonne de gauche, marchant sur Contlenti et Martorano, commandée par le lieutenant-colonel Malacoski, Polonais, a rencontré l'ennemi entre Conflenti et Martorano : aussitôt que cette colonne a été aperçue de l'ennemi, ce dernier l'a attaquée en très-grande force, et l'a obligée de s'arrêter. Inquiet du retard de cette colonne qui n'arrivait point à sa destination, j'ai envoyé le colonel Dufour avec son premier bataillon à sa rencontre. Le colonel Dufour, ayant rencontré l'ennemi entre Conflenti et Martorano, l'attaque sans avoir égard à son nombre bien supérieur, le renverse, et le poursuit bien au-delà de la ville de Martorano, au travers de laquelle il est passé, malgré la vigoureuse résistance qu'on a voulu lui opposer. Ci-joint le rapport du colonel Dufour et du lieutenant-colonel Malacoski, dans lesquels Votre Altesse Impériale verra la vigueur du premier et la témérité du second.
Je pars à l'instant pour Martorano, où je réunirai tout mon monde pour me porter sur Gizzeria, où existe un autre gros rassemblement que je disperserai en me rapprochant de Monteleone, où l'on m'écrit qu'il se forme aussi aux environs des masses d'insurgés.
Rendu à Scigliano, j'ai fait ma jonction avec le chef de bataillon du 1er régiment d'infanterie légère (Lejeune), venu de Cosenza avec un détachement de deux cents hommes sortant des hôpitaux, et qui se trouvaient arrêtés ici depuis le 30 mars, ayant craint de se compromettre avec si peu de monde au milieu de ce foyer, d'insurrection, qui aurait eu un grand nombre de prosélytes, si nos troupes avaient eu le moindre échec devant les révoltés.
J'envoie à Votre Altesse Impériale le rapport de ce chef de bataillon, qui, par sa fermeté pendant le temps qu'il est resté ici, n'a pas peu contribué au maintien du bon ordre dans cette commune, laquelle, étant révoltée comme toutes celles qui l'entourent, n'aurait pas manqué, par sa position et sa nombreuse population, de nous inquiéter beaucoup, et de donner encore plus d'audace et de consistance à cette révolte.
Votre Altesse Impériale observera, dans le rapport du chef de bataillon Lejeune, que la fidélité de Scigliano est due à l'énergie et aux bonnes intentions du gouverneur de cette ville (M. Carlo-Maria Oliva). M'étant assuré de la véracité de ce qui a été dit des bonnes intentions du gouverneur et des services qu'il a rendus dans cette circonstance, je pense qu'il mérite la bienveillance de Votre Altesse, et qu'il est aussi important de récompenser les bons qu'il l'est de punir les mauvais.
La révolte ayant éclaté tout à coup et par tous les lieux indiqués sur mon passage, la cocarde et les drapeaux napolitains ayant été arborés, il n'y a pas de doute que cela a été organisé de plus loin, et par des moyens qui n'existent pas chez des petites populations isolées ; je suis d'autant plus porté à croire à cette assertion, que je suis assuré que la plupart de ces brigands sont soldés à raison de 25 grains par jour, ce qui semblerait indiquer que l'intention est de soulever ce pays, et de tirer parti de ce soulèvement dans des opérations ultérieures dont on menace la Sicile. Dans cette hypothèse, le corps de la Calabre serait faible, et résisterait avec peine à des opérations sur la côte, ayant la population révoltée à dos.
Je pense que la marche que j'ai faite, et les leçons qui ont été données dans les diverses rencontres que j'ai eues, ralentiront, s'ils n'éteignent pas, ce feu naissant ; mais je suis certain que tout ceci n'est pas fini, et qu'un plus grand nombre de troupes serait très-nécessaire dans la Calabre.
J'ai eu dans toutes ces rencontres des hommes tués et blessés, notamment des officiers ; ignorant le nombre des uns et des autres, j'attendrai la fin de ma course pour avoir l'honneur de transmettre à Votre Altesse le nombre des uns et des autres, et de lui faire connaître les individus qui se sont particulièrement distingués.
Je joins au présent la liste des chefs de cette insurrection qui me sont connus, desquels je ferai brûler les habitations, ainsi que l'a été en entier le village de Soveria, d'après l'ordre que m'en a donné le général Reynier, afin de faire des exemples capables d'intimider.
Ma petite colonne mobile souffre beaucoup par les longues et pénibles marches que nous faisons ; elle use tous ses effets, notamment les souliers, mais elle est contente, parce qu'elle se repose sur l'intérêt que prendra à elle Votre Altesse. Quant à moi, je serai satisfait si j'ai pu rendre service dans cette circonstance et mériter son approbation
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 192).

Le colonel Laffon, du 6e Chasseurs à cheval, écrit, depuis Cosenza, à Joseph (sans date) : "Mon prince, j'ai l'honneur de vous rendre compte que le général Verdier, à la tête du 6e régiment d'infanterie de ligne, a dispersé le point principal du rassemblement des brigands, situé à Soveria, a brûlé ce village, un autre appelé le Manelle, et a dirigé deux colonnes, l'une sur les villages de Conflenti et Mortorano, et l'autre sur Mocera, pays qui ont tous arboré le drapeau napolitain. Ce général a rétabli la communication qui était interceptée, et est venu à Scigliano, où j'avais établi M. Lejeune, chef de bataillon au 1er régiment d'infanterie légère, avec deux cents hommes pour maintenir le point important. Cet officier a été parfaitement secondé par le gouverneur et les habitants de cette ville, qui sont très-bien intentionnés.
Il est heureux que les deux courriers que j'ai expédiés au général Reynier lui soient parvenus ; sans cela, la province était sans aucun secours. J'avais envoyé au général Duhesme un député de la ville de Cosenza, pour le prévenir de ma position et lui demander un bataillon : ce général n'a pas cru devoir adhérer à ma prière, et m'a répondu qu'il ne pouvait faire mouvoir aucune troupe sans un ordre du général Saint-Cyr, duquel il dépendait.
Je prends la liberté de prévenir Votre Altesse que la province est absolument dépourvue de fourrages et de denrées nécessaires pour le maintien de la cavalerie, et que, par la nature même du pays, cette arme ne peut rendre aucun service. C'est avec plaisir que je puis assurer que la province est à présent presque entièrement hors de danger, quoique la révolte se soit propagée dans beaucoup d'endroits, malgré les mesures que j'avais prises pour y remédier, en permettant aux gens honnêtes de s'armer et de repousser la force par la force, ce qui a maintenu beaucoup de villages, où les insurgés ont été repoussés dans leurs entreprises. Cependant je me permettrai de dire à Votre Altesse qu'une garnison d'infanterie de douze à quinze cents hommes à Cosenza est nécessaire pour assurer totalement la tranquillité de la province
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 167).

Le Commandant Duthilt écrit : "Le 18, le prince Joseph arriva à Reggio où il fut reçu avec enthousiasme par toutes les classes de la populalion ; il savait gagner tous les coeurs par son amabilité et sa douceur. On peut affirmer que les démonstrations de joie que manifestaient les habitans étaient sincères, car même dans le malheur qui plus tard vint nous accabler, et en face des Anglais qui vinrent s'établir sur ce point, les Français qui y étaient encore, au moment de leur invasion, y trouvèrent sympathie et protection.
Le 19, le prince y reçut le senatus consulte et le décret impérial qui l'élevaient au trône de Naples. Il fut aussitôt salué Roi par les habitans et par la troupe; la joie se manifesta hautement parmi cette classe de citoyens amis de la tranquillité publique à laquelle l'administration du nouveau monarque semblait promettre une longue suite de jours heureux.
Le 21, le roi Joseph partit de Reggio et continua sa tournée par le cap Spartivento, se rendant à Tarente, escorté par un fort détachement de nos carabiniers qui allèrent jusqu'à Girace, où ils furent remplacés par des grenadiers de la ligne, venus de Tarente
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 21 avril 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, à Joseph, Roi de Naples : "Mon Frère ...
Je vois que le 14e d'infanterie légère a trois bataillons à l'armée : si cela est, renvoyez le 3e bataillon au dépôt. Je dirai la même chose du 1er d'infanterie légère ... Ne gardez que deux bataillons à l'armée et renvoyez les cadres des autres bataillons aux dépôts, dans le royaume d'Italie ...
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 199 (avec la date du 21 avril 1806) ; Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10131 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11938).

Le 22 avril, Napoléon écrit au Roi de Naples pour lui conseiller de ne garder à l'armée que deux Bataillons par Régiment, et de renvoyer les cadres des autres bataillons aux dépôts dans le royaume d'Italie; cette mesure en théorie concerne le 1er Léger (Correspondance de Napoléon).

Le 27 avril, Napoléon écrit depuis Saint-Cloud, à Joseph, Roi de Naples : "... Faites connaître ... que j'accorde aux 1er et 23e légers ... huit aigles de la Légion d'honneur. Vous me ferez passer la note de ceux qui se sont distingués" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 208 ; Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10156 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 11993).

Au 1er mai 1806, d'après les états de situation envoyés par le Prince Éugène, commandant en chef, la composition et la force des divers corps composant l'Armée dite d'Italie, dont le quartier général est à Milan, est la suivante :
Division DES DÉPÔTS DE L’ARMÉE DE NAPLES, comptant à l'armée d'Italie :
1re division, Général de Brigade Pouchin (Forli) ; 3es Bataillons des 1er, 14e, 23e léger, 1er, 6e, 10e, 42e de ligne ; 3500 présents - Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 268.

Situation en mai 1806 (côte SHDT : us180605)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes de l'an XIV
STEILER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Reggio, La Fossa - Armée de Naples
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Reggio, La Fossa - Armée de Naples
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Rimini - Armée d'Italie

Le 6 mai 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Prince Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils ... Je vois que la solde est due au 3e bataillon du 1er régiment d'infanterie légère depuis le 15 mars ... Il faut tâcher d'aligner la solde, c'est le premier devoir ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 373 ; Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10200 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12064).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 25 mai, vers trois heures après midi, nous ressentîmes distinctement trois secousses de tremblement de terre à peu d'intervalle.
Le 1er juin, notre 1er bataillon et les carabiniers de notre 3e allèrent camper en observation sur une hauteur près de Campo, d'où l'on découvrait une grande étendue de côtes, le Phare et le port de Messine
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Sous-lieutenant de Saint Pierre est à nouveau blessé le 5 juin près de Seminara dans une affaire analogue à celle du 5 avril.

Ces luttes incessantes se prolongent jusqu'à la fin juin. Des fonds sont arrivés fin mars, mais depuis, plus rien. Napoléon, sans cesse sollicité par Joseph, lui répond qu'il a toute l'Europe sur les bras, que "c'était beaucoup de prêter ses soldats ... et qu'enfin ceux qui les employaient devaient les entretenir". Cette pénurie refroidit peu à peu l'enthousiasme des premiers jours. Les Anglais ont épuisé le pays; mais ils payaient tout avec exactitude. La comparaison nous est défavorable. Les agents de l'insurrection sont écoulés presque partout, l'agitation augmente ainsi chaque jour, et la situation devient de plus en plus difficile et périlleuse.

Dans la première quinzaine de juin, l'armée du Vice-roi comprend la Division des Dépôts, Généraux Pouchin (Forli), Valory (Bologne), Laplanche-Mortièrcs (Modène), 7500 fantassins des 1er, 14e, 22e et 23e Légers,·1er, 6e, 10e, 20e, 29e, 42e, 52e, 62e, 101e·et 102e de Ligne, du 4e Régiment suisse et du 32e Léger (1er Bataillon) (Mémoires du Prince Eugène, t.2, page 285).

Le 6 juin, le 1er Léger présente l'effectif de 1973 hommes et 20 chevaux.

S.H.A.T.
Communication de notre ami Philippe Quentin.
Cliquer sur la lettre pour agrandir

Le 7 juin 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Roi de Naples : "... Voici comment je placerais vos troupes au moment de l'expédition de Sicile :
... Le 14e léger, le 1er léger, le 23e léger, le 1er de ligne, le 20e de ligne, les 29e de ligne, 42e et 102e, les Polonais, les Suisses, les Corses et quelques régiments de chasseurs et de dragons, seraient chargés de l'expédition de Sicile. Cela formerait 18,000 hommes, en y joignant le bataillon de grenadiers des deux régiments qui sont à Naples et ceux des quatre régiments italiens ...
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 285 ; Correspondance de Napoléon, t.12, lettres 10329 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12252).

Le 9 (CGN) ou le 10 juin 1806 (P&T), l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Dejean, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, le 1er régiment d'infanterie légère, les 6e et 42e de ligne ont un grand nombre de conscrits à leurs dépôts dans le royaume d'Italie, qui n'ont aucun effet d'habillement et qui sont encore en sarraus de paysan. J'ai ordonné qu'on envoyât d'Alexandrie des tricots pour habiller ces conscrits. Accélérez le plus possible la marche de ces tricots dont l'arrivée devient de la plus grande urgence" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 476; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12265).

Le 10 juin 1806, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Prince Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, je vois avec peine que vous avez interverti l'ordre de la conscription, en ordonnant au 1er, 6e et 42e de donner leurs recrues à d'autres régiments. Il est plus convenable que le 101e et le 52e donnent des habits à ces régiments, et comme j'ai ordonné qu'on envoyât d'Alexandrie des tricots pour les trois régiments, au moment de l'arrivée des tricots, ils rendront aux 101e et 52e ce que ces régiments leur auront prêté.
Je ne conçois pas, si ces corps ont reçu la portion de la masse qui se paie comme solde, comment ils n'ont pas acheté de quoi se faire des vestes et des culottes. Vous savez que sur la portion de la masse qui se paie comme solde, on paie 22 francs à chaque conscrit à son arrivée. Avec cet argent on peut leur donner des culottes et des vestes. Faites-vous rendre compte de cet objet
" (Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12272).

Le 21 juin, le Colonel Bourgeois accuse réception d'une lettre de Berthier en date du 22 mai ; dans cette dernière, il indique qu'il a informé de leur "nomination aux emplois de capitaines et de lieutenant en faveur de M.M. Saget, Chalot et Lallemant et conformément aux intentions de Son Altesse, je les ai fait reconnaitre dans leur nouveau grade".

Le 27 juin, le Général Regnier apprend que 3 Régiments anglais viennent d'être embarqués à Messine pour une expédition en Italie.

Situation de l'Armée de naples, 30 juin 1806 :

Commandant en chef : Joseph Bonaparte;

3° Corps : Général Reynier; Général de Division Verdier

1er Léger : 1973 hommes.

Face à la menace d'un débarquement anglais, Regnier se hâte d'ordonner le rassemblement de son Corps d'armée aux environs de Monteleone.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Mouvement des Anglais dans le détroit
Le 29, un mouvement extraordinaire se fit remarquer dans le port et la rade; un grand nombre de bâtimens de guerre et de transports furent bientôt dirigés vers le golfe de Tarente.
Le 30, notre 2e bataillon qui était resté à Reggio, fut ausitôt envoyé à Campo, et fut suivi par le 42e de ligne; ils ne laissèrent qu'une faible garnison au fort de Reggio, pauvre bicoque ruinée par le temps et les tremblemens de terre, qui ne pouvait être défendue; un autre détachement fut aussi laissé au fort de Scylla. Dans l'après midi de ce même jour, les troupes établies à Campo reçurent l'ordre de se porter rapidement sur Monteleone à la rencontre des Anglais qui, dans la nuit du 29 au 30, avaient viré de bord et repassé le phare faisant voiles vers le golfe de Sainte Euphémie, près de Nicastro; mais quelque rapide que fut notre marche, nous ne pûmes y arriver qu'après qu'ils eurent pris terre
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en juillet 1806 (côte SHDT : us180607)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes de l'an XIV
STEILER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Cerisier à Reggio, La Fossa - Armée de Naples
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Reggio, La Fossa - Armée de Naples
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Gastelais à Rimini - Armée d'Italie

3/ Désastre de Sainte-Euphémie

Le 1er Léger au combat de Maïda le 4 juillet 1806. Décimé par le feu des Anglais, le Régiment est rompu par l'assaut de leur Brigade légère ; document extrait de "Napoléon et la Russie, 1805-1807", page 136

Officier 1er Léger 1809
Fig. 13a Officier du 1er Léger en Espagne, 1809; dessin de H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de monsieur Yves Martin). La source indiquée est une gravure de l'époque, conservée au Cabinet des Estampes, BNF, cote O.A. 493 (collection Artèche)

La Brigade Compère est réunie lorsque le 1er juillet, l'on apprend que la nuit précédente, les bâtiments anglais sont entrés dans le golfe de Sainte Euphémie et y ont déposé sur la côte 10 Régiments réguliers (8000 hommes), 8 canons, 4000 brigands calabrais sous les ordres du Général Stuart. Regnier marche aussitôt à leur rencontre avec toutes ses forces disponibles, au plus 5000 hommes.

"A cinq milles de Nicastro, dit de Tavel (lettre du 28 février 1808), on trouve le misérable village de Sainte-Euphémie ... Le bois de Sainte-Euphémie est généralement connu pour être le foyer de brigandage le plus actif ..... Cette forêt, extrêmement épaisse, entourée de marais, est un labyrinthe mystérieux dont les brigands seuls peuvent saisir le fil; les avenues en sont soigneusement cachées par les broussailles tellement impénétrables lorsqu'elles sont défendues, que nos troupes n'ont jamais pu s'y frayer un chemin".

Les Anglais ont placé leur camps : la droite au bastion de Malte, appuyé par une batterie; la gauche, aux maisons de Sainte-Euphémie. Les habitants des villages de Biaggio et de Nicastro ont quant à eux arboré la cocarde rouge de l'insurrection.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Les Anglais, au nombre de 7 à 8.000 hommes débarquèrent ce même jour au golfe de Sainte Euphémie et distribuèrent de suite aux habitans de cette contrée des milliers d'exemplaires d'une proclamation émanée de la cour de Palerme, qui appelait aux armes toute la population calabraise, sous la protection des Anglais; des fusils et des carabines, de la poudre et du plomb furent en même temps déposés dans les communes environnantes pour être distribués promptement aux montagnards qui en manquaient, car, malgré le désarmement opéré immédiatement après l'insurrection qui suivit notre passage, et qui fut si fatale à un grand nombre de ces malheureux paysans, il s'en fallait de beaucoup que ce désarmement eût été complet, en ce que, tant de cachettes existaient dans les montagnes que, mille recherches faites pour les trouver seraient restées infructueuses. En ce moment les autorités civiles de Monteleone, effrayéees du peu de forces que nous avions à opposer à celles des Anglais, engagèrent le général Regnier à prendre plutôt une position défensive que de descendre dans la plaine pour combattre, lui assurant des subsistances pour ses troupes pendant un mois, en supposant que les circonstances l'obligeassent à rester tout ce temps inactif; toute communication avec la Calabre ultérieure leur étant également interdite pour les points occupés par les troupes du général Verdier, placés ainsi qu'ils l'étaient entre les deux divisions françaises qui pouvaient toujours, l'une et l'autre, s'étendre de la Méditerranée à l'Adriatique; les Anglais dans ce cas, se seraient bientôt vus contrains à se réembarquer, d'autant plus que le terrain sur lequel ils étaient ne pouvait manquer de leur communiquer des fièvres dangereuses dans la saison brûlante où nous étions ; indépendamment des causes de destructions produites par le marais et la stagnation des eaux, sur ce point, ils auraient encore perdu beancoup de monde en détail, à chaque mouvement qu'ils auraient pu faire pour se mettre en contact avec les montagnards, ou en nous attaquant dans des positions inexpugnables; au reste, ils n'avaient pas l'intention bien prononcée d'agir ostensiblement puisqu'ils se couvraient d'un marais ; mais le général Regnier préféra les attaquer immédiatement plutôt que d'attendre l'arrivée de la division Verdier qui les aurait placés entre deux feux. Il dit que, puisqu'un Stuart se mettait sur son terrain, il ne temporiserait pas avec lui (nom du général anglais): aussi prit il de suite ses dispositions en conséquence, malheureusement elles furent on ne peut plus mauvaises" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

La petite armée française, de son côté, prend position le 3 juillet, sur les hauteurs de Maïda qui bordent le Lamato, entre la grande chaîne des Appenins et la mer, évitant d'un côté les Masses qui se rassemblent dans les montagnes et de l'autre le tir des bâtiments anglais qui occupent le golfe.

Forces françaises à la bataille de Maïda - 1er juillet 1806 (Nafziger 806GAD)
3e Corps : Reynier
Brigade Compère
1er Léger : 1836 hommes

Source : Archives françaises, Vincennes

Regnier, plutôt que d'attendre que toutes ses forces soient réunies, décide de prendre l'offensive dans l'espoir d'enrayer les progrès de l'insurrection par une action rapide. Le 4, dès l'aurore, l'Armée anglaise se met en marche en se dirigeant vers l'embouchure du Lamato qu'elle pense franchir pour couper les Français de Monteleone. Regnier estime que le moment est favorable et ordonne d'attaquer par une charge vigoureuse.

A 9 heures, tandis que deux Compagnies de Voltigeurs se glissent le long des rives boisées du Lamato pour observer l'ennemi et au besoin empêcher sa tête de colonne de franchir le cours d'eau, la brigade Compère passe sur la rive droite et se forme en échelons par bataillon en refusant la droite, la gauche appuyée au Lamato sur une ligne perpendiculaire au ravin. Le 2e Bataillon du 1e Léger (commandant Gastelais) forme l'échelon de gauche ayant à sa droite le 1er Bataillon (commandant Cerisier), puis le 42e de Ligne. Le front de la Brigade Compère est prolongé à droite par le 23e Léger. Une seconde ligne est formée avec un Bataillon suisse et 12 Compagnies polonaises.

Fig. 14
Fig. 14a Chasseur du 1er Léger en Espagne, 1809, d'après Pierre Albert Leroux : "Les Français en Espagne, 1808-1814" (Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library. Avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington)

Les Anglais, voyant les dispositions françaises, suspendent aussitôt leur marche et leur font face sur deux ligne adossées à la mer, la 2e étant formée des brigands. Les Français avancent dans l'ordre indiqué jusqu'à demi-portée de fusil. Les Anglais attendent de pied ferme au port d'armes et sans tirer. A ce moment, le Colonel Bourgeois fait battre la charge, et le 1er Léger se précipite sur l'ennemil'ennemi. Le 42e, arrivé à la même distance, s'élance à son tour, la baïonnette en avant. Le Général Compère se porte au galop à la tête du 1er Léger. Les Anglais déclanchent alors un feu nourri qui décime les rangs mais n'arrête pas l'élan des soldats, malgré les difficultés d'un terrain coupé et marécageux. Le commandant Gastelais est tué raide. Il ne reste plus que quinze pas à faire pour enfoncer l'ennemi; à ce moment, le Général Compère, atteint au bras, est jeté à bas de son cheval. La vue du Général blessé trouble les soldats. Un cri de détresse parcourt les rangs comme une traînée de poudre ... Le 2e Bataillon du 1er Léger, privé de son chef, fait demi-tour; le 1er le suit presque aussitôt, entraînant avec lui le 42e de Ligne et toute la Division. C'est une panique effroyable qui produit des pertes plus grandes que vingt victoires; car les Anglais n'ayant plus rien à craindre n'ont qu'à fusiller les fuyards de leurs feux ajustés.

Dans son rapport adressé le 5 juillet 1806, depuis Catanzaro, à Joseph, le Général Reynier écrit : "… Je pouvais, en passant le Lamato, marcher à eux en peu de temps, et les aborder sans obstacle avec mon infanterie, mon artillerie légère et la cavalerie, qui malheureusement n'était que de cent cinquante hommes du 9e de chasseurs. Je n'aurais pas eu ces avantages si je leur avais laissé passer le Lamato, parce que le terrain est coupé et entremêlé de marais et de bosquets, qui ne m'auraient pas permis de pousser l'attaque avec autant de vigueur et de célérité que je le désirais pour rendre le succès complet, et qu'il était nécessaire pour les battre avant que la masse des brigands qui rôdaient sur mes derrières fût assez organisée pour m'attaquer à dos par le bois, tandis que je serais occupé à combattre les Anglais vers la mer.
A neuf heures du matin, je fis mettre les troupes en mouvement ; deux compagnies de voltigeurs eurent l'ordre de suivre les bosquets qui bordent le lit du Lamato. Le 1er et le 42e régiments, forts de deux mille quatre cents hommes, sous les ordres du général Compère, ont passé le Lamato et se sont formés en bataille, ayant leur gauche au Lamato. Le 4e bataillon suisse et douze compagnies du régiment polonais, forts de quinze cents hommes, sous les ordres du général de brigade Peyri, ont passé le Lamato au centre, et se sont formés en seconde ligne par échelons derrière la droite du 42e régiment. Le 23e régiment d'infanterie légère, fort de douze cent cinquante hommes, sous les ordres du général Digonnet, a passé, et s'est formé sur la droite ; quatre pièces d'artillerie légère et le 9e régiment de chasseurs à cheval, sous les ordres du général Franceschi, étaient au centre.
Les Anglais avaient huit pièces de campagne ; leurs flancs étaient protégés par un vaisseau, une frégate, et des chaloupes canonnières.
Les voltigeurs détachés dans le Lamato étaient pressés par les troupes anglaises qui passaient cette rivière. La première ligne ennemie s'était un peu avancée en suivant des tirailleurs, que je fis retirer pour les attirer. Je donnai ordre que le 1er régiment d'infanterie légère avançât sa gauche pour soutenir les voltigeurs, et que le reste de la brigade du général Compère marchât par échelon ; que les Suisses et les Polonais suivissent le mouvement en seconde ligne, et que le 23e régiment d'infanterie, qui s'était trop écarté à sa droite, se rapprochât des Suisses, voulant faire tout mon effort sur le centre des ennemis.
Lorsque le 1er régiment d'infanterie légère fut à demi-portée de fusil des régiments anglais, qui restaient au port d'armes sans tirer, il battit la charge ; le 42e régiment chargea un instant après, à la même distance. Les bataillons anglais commencèrent alors un feu très-bien nourri, qui n'arrêta pas d'abord la charge des régiments français ; mais, n'ayant plus que quinze pas à faire pour aborder la ligne ennemie à la baïonnette et la culbuter, les soldats du 1er régiment tournèrent le dos, et prirent la fuite. Ceux du 42e s'aperçurent de ce mouvement, et, quoiqu'ils n'eussent plus que quelques pas à faire, commencèrent à hésiter, et suivirent l'exemple du 1er. Aussitôt que je m'aperçus du mouvement rétrograde du 1er régiment, je me tournai vers la seconde ligne pour la faire charger ; mais les Polonais avaient déjà pris la fuite. Le bataillon suisse, entraîné un peu par l'exemple des autres corps, hésita : cependant j'en fis avancer plusieurs pelotons, qui arrêtèrent un peu la ligne ennemie, qui s'avançait à la suite du 1er et du 42e. Je fus aussitôt au 23e régiment, pour voir s'il était possible de faire avec ce régiment et les chasseurs à cheval un nouvel effort sur le centre des ennemis, qui, par son mouvement en avant, découvrait son flanc gauche, et laissait un grand intervalle vide pour les prendre en flanc ; mais ce régiment était un peu trop à droite et déjà engagé avec la gauche des ennemis, qu'il contenait, et qui l'aurait abîmé s'il avait quitté ce point pour faire cette attaque.
Les troupes qui s'étaient débandées s'étant retirées très-loin du champ de bataille, je n'en avais plus de disponibles ; et il ne me restait d'autre parti que celui de conserver celles qui me restaient, de les rallier pour attendre des secours en prenant la route de Catanzaro et de Cotrone, afin de faire porter mes blessés à cette dernière place, où on m'avait déjà proposé de me retirer, et d'attendre les renforts que Votre Majesté ordonnera d'envoyer pour chasser promptement les Anglais du continent, nous venger de l'échec que nos troupes ont reçu, et marcher au secours des garnisons des châteaux de Scylla et de Reggio …
Si beaucoup de soldats ne se sont pas conduits avec la vigueur que j'espérais de troupes qui se sont anciennement distinguées, j'ai été satisfait des officiers, qui ont bien rempli leur devoir. Le général Compère a été blessé au bras, à la tête du 1er régiment. Son cheval l'ayant renversé, il est resté prisonnier. Le chef de bataillon Gastelouis, du 1er régiment, a été tué ... Je ne connais pas encore précisément mes pertes ; mais j'ai avec moi environ quatre mille hommes et trois cents blessés …
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 376).

Le Capitaine Duthilt raconte : "- Bataille de Sainte Euphémie
Sans tenir compte de la supériorité du nombre des ennemis et avant que le général Verdier vînt avec sa division les mettre entre deux feux, le 4 juillet, de grand matin, le général Regnier nous fit descendre dans la plaine de Sainte Euphémie, distante de six milles du point de notre départ, sans marquer en route le moindre temps d'arrêt, tellement il était pressé d'aborder les Anglais. Bientôt nous aperçûmes leur ligne de bataille, établie entre le village appelé Maiëda et une sorte de marais qui la couvrait. Cette plaine, d'une assez grande étendue, était traversée par le lit d'un torrent ayant plusieurs ramifications, formant une partie de l'année un marais coupé par des ruisseaux irréguliers; les Anglais en occupaient la partie la plus sèche et étaient en bataille sur deux lignes parallèles, leur droite presque appuyée à la mer Tyrrhénienne, ayant leurs chaloupes canonnières en panne, formant un angle ouvert avec leurs lignes, de manière à pouvoir nous canonner par notre flanc gauche. Dès notre entrée dans la plaine, nous nous formâmes en colonne d'attaque, et bientôt après nous nous déployâmes en bataille sur deux lignes; notre régiment occupa la gauche, contrairement au règlement militaire pour les troupes en campagne, et le 42e , la droite; notre 2e bataillon commença le mouvement, le 1er le suivit, et succcessivement les deux bataillons du 42e formant une ligne diagonale, la gauche en avant, avec ordre de la remettre parallèlement avec celle de l'ennemi. Les accidens de terrain, on ne peut plus multipliés sur ce point, nécessitèrent probablement cette mesure qui nous fut si fatale, en face et si proch d'un ennemi parfaitement établi et qui nous attendait de pied ferme, le point indiqué pour rectifier l'alignement ayant été dépassé, il ne put se faire qu'au moment où notre 2e bataillon s'arrêta sous le feu des Anglais.
Le général Compère qui avait toujours marché à la hauteur de l'aile gauche, fit placer les guides généraux et particuliers sur la direction donnée; dans ce moment, deux compagnies anglaises, qui inquiétaient notre flanc gauche, furent culbutées par nos voltigeurs; ceux ci, à leur tour, furent forcés de se replier par l'approche d'un grand nombre de tirailleurs anglais qui cherchaient à nous tourner, et qui, heureusement, interposés entre notre gauche et la mer, empêchèrent les canonnières de faire feu sur notre flanc. Il est probable que si notre ligne eût pu se former plus promptement, les rangs anglais auraient été ébranlés, car on y remarquait une fluctuation et un mouvement parmi les serre files qui indiquaient que ceux ci cherchaient à maintenir les hommes dans leurs rangs.
Mais tandis que nous établissions notre ligne de bataille, les Anglais firent d'abord sur notre 2e bataillon, puis sur notre 1er, un feu de file bien nourri, et comme des victimes vouées à la mort, nos chasseurs reçurent les coups de feu et restèrcnt impassibles en attendant le commandement de commencer l'attaque; après ce feu, que les Anglais appellent de bille-bote, et pendant que les deux bataillons du 42e se hâtaient d'arriver en ligne, nous fûmes assaillis par des feux de pelotons bien dirigés, et en moins de deux minutes, notre régiment, le plus avancé, eut près de 700 hommes hors de combat; nous vîmes tomber le général Compère avec un bras fracturé, lui, noble vétéran des armées de la République qui, dans une des affaires de l'armée du Nord, avait déjà eu une jambe brisée en deux endroits ; le chef de bataillon Gastelais, du 2e bataillon, tué de plusieurs balles; des officiers de tous grades, au nombre de 22; les guides sur la ligne, des sous officiers et des chasseurs en masse ; ne pouvant plus tenir, la première ligne fit demi tour et se replia derrière la seconde, sans trop de confusion; celle seconde ligne, à peine formée, et trop faiblc pour faire face à la ligne anglaise qui avançait sur elle, se retira également, de sorte que tout fut perdu. Cette seconde ligne était formée de deux bataillons suisses et d'un autre polonais, et était appuyée d'un escadron de chasseurs qui ne put manoeuvrer sur ce terrain marécageux
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Chasseur 1er Léger en Espagne
Fig. 15
Fig. 15a Chasseur en Espagne d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin)
Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493
Fig. 15b Chasseur en Espagne d'après Pierre Albert Leroux : "Les Français en Espagne, 1808-1814" (Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library. Avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington)

Les pertes sont considérables ! Dans son rapport, le Général en chef écrit : "les officiers du 1er Léger ont fait largement leur devoir; s'ils n'ont point réussi à enrayer la panique, ils se sont du moins sacrifiés pour sauver l'honneur". Le Chef de Bataillon Gastelais est tombé en entraînant son Bataillon. Les Capitaines Bruno Bertrémieux, Théodore Challot, "dont le courage fit l'admiration de tous", Jean Baptiste Serra, les Lieutenants Joseph Lecerf, Ambroise Mauduit, Pascal Herpain, Nicolas Masson et le Sous lieutenant Joseph Maréchal se firent tuer en essayant de rallier les fuyards. Se dévouant à la même tâche, le Capitaine Dénéchaux perdit un bras; le Capitaine Valden eut la jambe fracassée, les Capitaines Kolvemback, Charles Michaud, Saget, les Lieutenants Prévost, Paul Herpain, Fassin, et le Sous lieutenant Marie furent blessés. Ce dernier resta prisonnier entre les mains des Anglais, ainsi que les Capitaines Emmerecks, Grinne, les Lieutenants Fréjacques et Canche, et le Sous lieutenant Holbert. A noter que Martinien donne en plus un Capitaine Paget, et les Sous lieutenants Hollert, Nait et Chavarin, tous blessés.

L'effectif du 1er Léger avant le combat était de 2027 présents; quelques jours après, on ne compte plus que 958 hommes. Dans les hôpitaux se trouvent 316 malades ou blessés; 657 sous officiers ou soldats sont restés entre les mains des Anglais. Les autres sont restés sur le champ de bataille ou ont été égorgés par les brigands.

Le Général Regnier, qui a eu lui même un cheval tué sous lui, organise la retraite de son mieux. Poursuivi jusqu'à l'entrée de la vallée du Lamato, il s'arrête le 4 au soir à Linaro, le 5 à Cotanzaro, coupé de ses communications avec Naples, assailli de tous côtés par les Anglais et par les paysans qui arrivent des montagnes et se livrent sur les soldats capturés aux pires exactions. Ainsi, dans un camp abandonné par l'ennemi, on trouve 40 prisonniers français, les mains liées derrière le dos, et le ventre ouvert.

"L'assassinat des Français, dit Thiers, était si général et si horrible que le général anglais lui-même en fut révolté. Cherchant à suppléer par l'amour de l'argent à l'humanité qui manquait à ces féroces montagnards, il promit 10 ducats par soldat, 15 par officier amené vivant; et il traita ceux qu'il réussit à sauver avec les égards que se doivent entre elles les nations civilisées, lorsqu'elles sont condamnées à se faire la guerre". Honneur et merci au général Stuart ! Ce n'est pas le seul exemple de générosité que nous ayons à citer à la louange des Anglais''. Voir en 1815 le Colonel Cubières du 1er Léger applaudi par les Anglais à Waterloo.

"Cotanzaro, dit de Tavel (lettre du 20 sept. 1808), est une des plus jolies villes de la Calabre et incontestablement la plus agréable à habiter. Sa situation sur une montagne, à deux milles de la mer, est saine et gracieuse; ses habitants sont affables, industrieux et c'est (je crois) la seule ville de la Calabre où l'on fasse des prévenances aux Français.
Les femmes de Cotanzaro passent avec raison pour être les plus belles et les plus aimables des deux provinces. Il y a de nombreuses réunions où l'on fait de la musique, où l'on joue même à des jeux innocents qui admettent d'embrasser les dames, ce qui partout ailleurs ferait crier au scandale.
Mais ces bonnes manières restent enfermées dans l'enceinte des murs; le brigandage lève au dehors sa tête hideuse, l'ignorance et la barbarie sont, comme dans tout ce pays, le partage du peuple. Le trait suivant qui peint fort bien le naturel des paysans calabrais, en est la preuve.
La compagnie de voltigeurs du bataillon fut commandée, il y a huit jours, pour accompagner le percepteur des contributions dans sa tournée. A trois milles de la ville, un soldat s'écarta du chemin pour satisfaire un besoin. Peu d'instants après, on entendit un coup de fusil et l'on vit un paysan se sauver à travers les champs .... Aussitôt par ordre du capitaine, quelques votligeurs mettant bas sac, fusil, giberne, courent après cet homme et l'atteignent.
Ce misérable venait de tuer leur camarade.
Interrogé sur le motif qui avait pu l'engager à commettre cette atrocité, il répondit naïvement qu'ayant son fusil caché près de lui, et voyant ce soldat lui présenter un beau point de mire, il n'avait pu résister à la tentation d'y viser un coup de fusil.
..... Condamné à être pendu, il a imploré la clémence des juges en proposant de servir fidèlement à la place de celui qu'il avait assassiné
". Voilà les Calabrais, ce dernier trait est absolument caractéristique.

Le Capitaine Duthilt raconte : "La division Regnier perdit au moins 1.500 hommes, dont 800 de notre régiment ; on nous prit 180 mulets ou chevaux de bât chargés de munitions, de bagages et de vivres, mais nous conservâmes nos aigles. Ce fut là le premier échec qu'éprouva le régiment depuis sa formation, mais il fut terrible, et cependant pour vaincre il n'avait attendu qu'un commandement. Nous appelâmes cette bataille, qui ne fut pour nous qu'une boucherie, du nom du golfe près duquel elle eut lieu, mais les Anglais, vainqueurs, lui donnèrent celui de Maïada, d'un vi1lage qu'il occupaient avant l'action.
Il fallut néanmoins se rallier, car si le désordre dans lequel nous étions se fut prolongé quelques instans de plus, pas un de nous ne serait resté pour rendre compte de cette malheureuse affaire : les monts avoisinants étaient couverts de milliers de paysans armés, qui attendaient l'issue du combat pour se décider en faveur du vainqueur ; aussitôt on les vit descendre en masse, poussant des cris effrayans ; ils s'emparèrent de nos bagages et se les partagèrent; pendant ce peu de temps, nous eûmes un peu de répit ; alors aussi les Anglais avancèrent, mais lentement, laissant toute carrière aux montagnards interposés entre eux et nous.
Nous pûmes nous reconnaître, et nous nous réorganisâmes non loin du champ de bataille; l'espérance revint, nous attendîmes l'ennemi, mais il ne vint pas.
Nous déterminâmes un point de retraite et nous nous mîmes en marche en bon ordre.
Bientôt nous fûmes harcelés par les insurgés qui, nous prenant en tête, en flanc et par derrière, cherchaient à nous faire le plus de mal possible. Excédés de fatigues et de faim, il nous fallut doubler de vitesse, chercher une position pour nous garantir de toutes surprises, nous reposer et aviser aux moyens de sortir de ce mauvais pas. Nous étions sans vivres, sans espoir de nous en procurer par les voies ordinaires, car les montagnards avaient déjà caché toutes leurs provisions ainsi qu'ils en avaient l'habitude, et aucun de nous ne pouvait se risquer pour les découvrir dans les trous des rochers; malheur à celui qui n'avait pas la force de suivre la colonne et d'y rester attaché, car à quelques pas d'elle les révollés le tuait d'une manière bien cruelle. La nouvelle de notre défaite avait volé de montagne en montagne avec la rapidité de l'éclair. Il fallut de nécessité que nous bornâmes en ce moment notre repas à quelques grosses fèves pour toute nourriture, seul aliment que nous pûmes découvrir autour de nous.

- Différens combats livrés aux insurgés

Le soir de celle malheureuse affaire, les débris de notre division se portèrent au village d'Amolli, dans les montagnes ; les habitans de cette contrée, déja prévenus de notre défaite, rassemblés et armés, étaient venus reconnaître notre colonne, et aussitôt qu'ils aperçurent des habits rouges en tête, ils s'écrièrent : Vive Ferdinand ! vivent les Anglais ! Ne pouvant point douter des mauvaises dispositions de cette masse envers nous, les Suisses se gardèrent bien de les détromper; ils continuèrent leur marche répondant à leurs cris : Calabrais ! Calabrais ! mais lorsque leur premier peloton fut bien à portée du rassemblement, il s'arrêta, fit feu dessus, et profitant de la déroute qui résulta de cette attaque inopinée, tout le peloton suisse s'élança à la course et poursuivit à outrance ce qui avait échappé aux balles.
Pour expliquer la méprise des habitans, il faut se souvenir qu'en février, lors de notre entrée à Naples, plusieurs vaisseaux chargés des équipages de la cour de Ferdinand furent saisis; un de ces vaisseaux portait des uniformes rouges, que le roi, pour plaire aux Anglais, avait fait faire pour un des régimens de sa garde, et qui, faute de temps, ne furent point distribués; ces habits furent donnés aux Suisses de notre armée en remplacement de leurs uniformes bleus.
Les Anglais satisfaits de notre retraite dans les montagnes, se dirigèrent de suite, par la route, sur Reggio, et s'attaquèrent aux détachemens français laissés à Monteleone, à Scylla et à Reggio; ils embarquèrent nos blessés ramassés sur le champ de Sainte Euphémie et les transportèrent à Messine ; quant aux prisonniers des garnisons de Scylla et de Reggio, ils furent dirigés sur Gênes, armes et bagages, à la condition de ne plus rentrer sur le territoire napolitain qu'après un an, à compter du jour de leur débarquement à Gênes.
Quel a été le motif d'une telle bienveillance de la part des Anglais vainqueurs envers des Français vaincus, dont les blessés, au fur et à mesure qu'ils se rétablissaient à Messine, furent dirigés sur Malte, puis jetés sur des pontons dans un des ports d'Angleterre ?
Monsieur Michel, alors chef de bataillon du génie, avait été laissé au fort de Reggio, commandant ce fort et celui de Scylla en 1806, avant la bataille de Sainte Euphémie en Calabre ; à l'approche des Anglais, après le 4 juillet 1806, il se retira dans le fort de Scylla, plus important que celui de Reggio; les Anglais évitèrent d'abord ce fort et furent de suite occuper Reggio, bloquant à la fois ces deux forteresses ; ils les sommèrent l'une et l'autre; mais le commandant Michel, quoique n'ayant qu'un faible détachement, peu de vivres, et point d'espoir de s'en procurer, refusa formellement, présumant que les Anglais n'étaient point en état de le forcer en ce moment par terre, et n'ayant rien à craindre d'eux par mer qui, au contraire, pouvait lui offrir des chances
avantageuses, vu la difficulté de manoeuvrer les vaisseaux dans ce détroit, resserré par Caribde et Scylla, et dangereux par des courans indomptables par certains vents. Il se laissa donce bloquer étroitement espérant toujours une circonstance heureuse pour sortir avec honneur de la position dans laquelle il se trouvait. Il pouvait faire amener ou couler les bâtimens qui, du golfe de Sainte Euphémie, retournaient à Messine, en ce que le courant de Scylla les amenait sous son canon une fois par jour. Effectivement il en contraignit plusieurs à venir sous son fort ; il se fit donner de chacun des otages, puis il permit aux commandans de chacun de ces vaisseaux d'aller à Messine y déposer les blessés français et anglais qu'ils avaient à leurs bords, sous la promesse qu'ils reviendraient se replacer au point d'où ils partaient avec leur équipage, quoique n'ajoutant guère de foi à leur parole; mais ce qu'il avait fait il pouvait le faire encore. Sommé derechef, il y répondit en posant lui-même les articles de sa capitulation ; après quelques débats il obtint, pour sa garnison et celle de Reggio, qu'elles seraient l'une et l'autre embarquées avec armes et bagages, dirigées de suite sur Gênes, où elles seraient en liberté, sous la condition de ne point rentrer dans le royaume de Naples, et de ne point porter les armes contre les Anglais pendant un an.
Ainsi, sans plus s'occuper de notre division, de ce qu'elle deviendrait, de ce qu'elle pouvait tenter, ni des troupes sous le commandement du général Verdier dans la Calabre citérieurc, les Anglais coururent aussitôt prendre possession de Reggio, d'où ils n'avaient plus qu'un pas à faire pour joindre la flotte de Messine et pour rentrer dans la Sicile; ainsi ils abandonnèrent encore les Calabrais insurgés , les croyant sans doute assez forts pour achever de nous vaincre.
Le 5, nous bivouaquâmes près de la marine de Catanzaro, au golfe de Squillace; le 6, avant le jour, on amena au quartier général une centaine de révoltés pris les armes à la main par une de nos découvertes; dix furent aussitôt passés par les armes, et le restant fut tenu en réserve pour être emmené à Naples à la première occasion.
Le 7, nous bivouaquâmes à Contri
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 8 juillet, le 3e Corps est enfin réuni à Cotrone.

Le Capitaine Duthilt écrit : "... le 8, nous cernâmes le bourg d'Isola, où les révoltés avaient amené quelques uns de nos blessés dirigés la veille sur l'Adriatique, pour être embarqués et transportés à Tarente. Ces blessés et leur escorte, saisis par une bande nombreuse au moment où ils allaient embarquer, étaient en ce moment renfermés dans une maison gardée à vue, maltraités et sur le point d'être massacrés; ils s'attendaient à chaque instant à ce funeste sort, la question en avait été agitée en leur présence, et s'ils existaient encore c'est que le sous lieutenant Dubessé, commandant de l'escorte et beau fils du major Regeau, qui parlait parfaitement l'italien, avait su contenir jusque là leur fureur et accroître leur irrésolution.
Le bourg pris et nos camarades délivrés, le général Verdier fit sortir du groupe les chefs montagnards, fit fusiller ceux d'entre eux qui s'étaient montrés les plus furieux, et imposa aux autres une forte contribution en argent et en vivres qui fut promptement acquittée, après quoi nous dirigeâmes nos blessés sur Cotrone et les fîmes embarquer pour Tarente. Nous bivouaquâmes au dessus de cette première ville où nous séjournâmes
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 3e Corps reste à Cotrone jusqu'à la fin du mois dans une situation des plus critiques. La population des villages qui nous avait si bien accueillis, quelques semaines auparavant, est désormais complètement hostile. Le Général en chef en est averti d'une façon singulière, le jour même de son échec : en arrivant à Linaro, le Bataillon suisse, tête de notre avant-garde, voit venir à sa rencontre les paysans avec des cocardes rouges et criant de toutes leurs forces : Vive Ferdinand ! on avait pris notre Bataillon suisse pour une troupe anglaise.

Malgré tout, grâce à son énergie et son activité, Regnier, entouré d'ennemis, parvient à sauver son corps d'armée. Il n'hésite pas au passage à incendier les villages où des postes ont été égorgés; leurs habitants sont eux mêmes passés au fil de l'épée à titre de représailles. Cela permet d'intimider les insurgés. De même, il bat plusieurs Masses qui le serraient de trop près.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 11, nous fûmes à Policastro; le 12 à Cropani; le 13 à peu de distance de Catanzaro, où la division se réunit.
Le 23, nous eûmes une affaire sérieuse avec les insurgés qui, réunis en grand nombre, vinrent audacieusement nous attaquer; après deux heures d'un combat opiniâtre, nous les contraignîmes à la fuite.
La concentration de notre division sur un seul point, occasionna la réunion des rebelles en un corps d'armée, et cette réunion semblait augmenter leur force et leur audace en les plaçant sous les yeux de leurs chefs, plus à même de sc concerter pour agir efficacement; il nous était plus difficile de les battre en masse qu'en détail, resserrés ainsi que nous l'étions dans des vallées étroites où, par la connaissance parfaite qu'ils avaient des localités, ils parvenaient à neutraliser nos forces et à nous détruire un grand nombre d'hommes, car dans le combat que nous venions de soutenir, nos pertes égalaient les leurs, et c'était trop pour nous.
Cette considération obligea le général à se faire jour d'abord pour se mettre en communication avec la division Verdier pour ensuitc marcher derechef en avant. Verdier, de son côté, réprimait autour de lui les efforts de l'insurrection devenue générale, mais comme il se maintenait dans toutes ses positions et que ses communications avec Naples n'étaient pas rigoureusement interceptées, son embarras était moindre que le nôtre, en ce que les vivres lui étaient assurés, tandis que nos ressources étaient toujours douteuses, les paysans cachant ou détruisant tout autour de nous, ou du moins les faisant refluer sur leur masse; nous manoeuvrions, depuis quatre jours, dans un cercle vicieux, et pour en sortir nous devions abandonner la Calabre supérieure et nous rapprocher de la citérieure pour agir de concert avec la division Verdier, en attendant quelques renforts.
Le 25, à 10 heures du soir, nous quittâmes nos positions, traversâmes la ville de Catanzaro, et nous prîmes la route qui longe la plage, où dès notre apparition, nous fûmes inquiétés par le feu de quelques chaloupes canonnières qui, à un signal donné des montagnes, s'approchèrent de la côte et tirèrent sur nous aussi longtemps que nous restâmes à portée de leurs coups; nous continuames néanmoins notre marche, et le 26 au matin nous arrivâmes à Contri où nous bivouaquâmes. Le 27, la division se remit en marche, encore le long de la mer, tantôt à mi-côtes, et toujours inquiétés par les mêmes canonnières ; nous fûmes bivouaquer auprès de Cotrone
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 28 juillet 1806, l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, je n'ai point de nouvelles de vous depuis longtemps, je n'ai de nouvelles de Dalmatie que par Le Marois.
Donnez l'ordre au général Charpentier de se rendre auprès des divisions de réserve des dépôts de l'armée de Naples, et d'organiser deux compagnies du 1er régiment d'infanterie légère, fortes de 100 hommes chacune, deux compagnies d'égale force du 14e, deux compagnies du 23e ; de former de ces six compagnies un bataillon, dont il donnera le commandement à un des chefs de bataillon du 1er régiment d'infanterie légère ; il prendra l'adjudant-major dans un régiment différent.
Il formera un second bataillon de trois compagnies du 6e ; un troisième bataillon de six compagnies du 10e et un quatrième bataillon de six compagnies du 42e. Il donnera le commandement de ces quatre bataillons à un major, en choisissant un homme habile et ferme, et les réunira à Rimini. Recommandez-lui de ne prendre que des hommes bien portants, bien armés et bien habillés.
Il formera un bataillon de six compagnies, de 100 hommes chacune du 22e d'infanterie légère ; un autre bataillon d'égale force, de six compagnies du 20e de ligne ; un troisième bataillon de quatre compagnies du 29e et de deux compagnies du 52e ; et un quatrième bataillon de trois compagnies du 62e et de trois compagnies du 102e. Ces quatre bataillons seront également mis sous les ordres d'un major intelligent et capable, et seront réunis sans délai à Imola.
Tout ce qu'il y a dans le royaume d'Italie du 32e d'infanterie légère de la légion corse se rendra sur-le-champ à Rimini, pour se joindre à l'un des deux corps de réserve. Ces deux corps sont destinés à se rendre dans le royaume de Naples et à servir de réserve ; si cela est nécessaire, le général Laplanche-Morthières se rendra à Rimini pour en prendre le commandement. Vous aurez soin que les huit pièces d'artillerie que je vous ai ordonné par ma lettre d'hier de tenir prêtes se rendent à Rimini avec un bon officier pour les commander. Vous comprendrez facilement que mon intention et de réunir d'abord ce corps de 4 800 hommes à Ancône, où il sera sous les ordres du général Le Marois, qui y joindra ses deux régiments de cavalerie et les deux bataillons suisses qu'il a ; ce qui formera un corps de plus de 6 000 hommes, avec huit pièces d'artillerie attelées.
Le général Le Marois aura sous ses ordres les généraux Laplanche-Morthières et Tisson, et par là, il aura les moyens de contenir l'état romain et même de se porter sur le royaume de Naples pour renforcer l'armée française. Au reste, mon intention n'est, pour le moment que de réunir ces huit bataillons à Rimini et à Imola. Je désire que vous ne fassiez aucune disposition que par mon ordre que je donnerai selon les événements. Ordonnez au général Charpentier de m'envoyer l'état de situation de ces bataillons, afin que je vous fasse connaître la réponse quand ils devront partir
" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 91; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12586).

Le Capitaine Duthilt poursuit son récit : "le 28, nous nous rendîmes à Rocca di Neto; le 29, nous marchâmes sur Strongoli, un des grands quartiers des révoltés. Les habitans nous y attendaient en armes, faisant bonne contenance ; ils firent feu sur notre avant garde, et de suite nos dispositions furent faites pour l'attaque.
Ce foyer de rébellion était devenu une place de guerre, en quelque sorte, et nos deux bataillons furent chargés de la réduire. On l'attaqua sur quatre points à la fois, et avec tant d'intrépidité que malgré les obstacles que nous suscitèrent ces rebelles, en peu de temps nous mîmes cette canaille en déroute; elle ne put s'échapper en partie que par des issues que nous ne connaissions pas. Le bourg fut aussitôt livré au pillage et aux flammes, et quelques insurgés furent pendus aux arbres. Sans nous arrêter sur ce point, nous nous portâmes ensuite sur Ciro, les habitans vinrent à notre rencontre offrant des vivres à la troupe; nous bivouaquâmes près de là sur le plateau d'une montagne.
Le 30, nous fûmes à Cariali sans avoir été inquiétés, ni par les habitans, ni par les canonnières anglaises. Le 31, nous arrivâmes à Rossano, dans la Calabre citérieure
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 1er août, Regnier se met en mouvement, et tout en restant sur le versant est des Appenins, il marche à la rencontre des secours envoyés par Masséna.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 1er août, nous nous présentâmes devant Corigliano ; les habitans voulurent s'opposer à notre entrée, mais ils éprouvèrent bientôt le même sort que ceux de Strongoli; nous bivouaquâmes ensuite en avant de ce bourg, et, le 2, nous nous rendîmes à Francavilla ; le 3, nous nous portâmes sur Cassano où nous crûmes d'abord que nous aurions encore à combattre les nombreux révoltés de plusieurs contrées réunies ; ils se présentèrent en effet, mais après avoir échangé quelques coups de fusil, ils prirent la fuite et se cachèrent dans leurs montagnes. Le quartier général entra dans le bourg et s'y logea; la troupe bivouaqua en avant et en arrière, et y séjourna" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Arrivé à Cassano le 9, Regnier apprend que Masséna est lui même à la tête de ces secours. Le même jour (9 août 1806), l'Empereur écrit depuis Saint-Cloud, au Roi de Naples : "... Je ne suis point satisfait de la distribution de vos troupes. Dans les régiments que vous avez en Calabre, les 1er et 42e ont beaucoup souffert et sont réduits à moitié. Vous y avez envoyé cinq régiments d'infanterie; ce serait assez si vous aviez à trois jours en arrière 2,500 hommes, et à deux autres journées 2,500 autres. Je vous ai expliqué là-dessus la manière dont se fait la guerre ... " (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 433; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10635 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12687).

Le Capitaine Duthilt raconte : "Enfin, le 11, le maréchal Masséna arriva à Cassano, avec une brigade et fut immédiatement suivi d'un petit corps d'armée, mais précédé d'une telle réputation que les révoltés n'osaient se montrer et cachaient leurs armes.
Il avait sur son passage rassuré la division Verdier qui, comme la nôtre, était journellement aux prises et harcelée
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 12 août 1806, l'Empereur écrit à nouveau au Roi de Naples, depuis Saint-Cloud au sujet du 42e de Ligne : "… Il ne faut mettre en Calabre ... ni le 1er ni le 42e de ligne, qui paraissent avoir beaucoup souffert à Sainte-Euphémie. Il vaut mieux les faire revenir à Naples, d'où même on pourrait les faire revenir en France, s'ils ont effectivement beaucoup souffert ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 2, p. 441 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10631 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12702).

Le Capitaine Duthilt poursuit son récit : "Le 12, nous reprîmes l'offensive et marchâmes en avant, désarmant les habitans le plus qu'on le pouvait; de son côté le maréchal marcha directement sur Reggio pour en expulser les Anglais, d'où ils soufflaient la révolte sur une population ardente, ignorante et facile à soulever. Notre régiment fut prendre une position à Tarsia; le 13, il fut bivouaquer à Bisignano ; le 14, auprès de Cosenza ; le 15 auprès de Piano, et le 16 à peu de distance de San Giovanni il Fiori.
Des habitans de ce bourg vinrent inviter le général Regnier à se loger dans leur enceinte ; il leur promit d'aller les visiter le lendemain; de suite des rafraîchissemens furent apportés pour l'état major général et des vivres pour la troupe; mais, lorsque dans la matinée du 17, l'avant garde se présenta pour y entrer, au lieu d'une réception amicale à laquelle elle devait s'attendre, d'après les démonstrations et les assurances de sécurité données la veille, elle fut assaillie d'une grêle de balles qui la força de s'arrêter. Et cependant le Maréchal avait passé par là, il était en avant, nous le suivions, et ces malheureux n'avaient à espérer que la mort en se conduisant ainsi. Bientôt on attaqua ce repaire par toutes ses entrées abordables, on y pénétra de vive force, et le pillage, l'incendie et la corde nous firent justice de leur félonie. Nous bivouaquâmes sur les hauteurs voisines
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

4/ Dernières opérations du 1er Léger en Calabre

Fig. 16
Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493
Fig. 16a Chasseur en Espagne, 1809, d'après Pierre Albert Leroux : "Les Français en Espagne, 1808-1814" (Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library. Avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington)

Le Corps expéditionnaire de Calabre est reconstitué sur de nouvelles bases aux ordres de Masséna. L'ancien 3e Corps d'armée (Regnier) en forme désormais la 2e Division. Le 1er Léger et le 42e de Ligne (ancienne Brigade Compère) en font toujours partie.

Regnier continue sa marche au nord jusqu'à Avigliano où il séjourne quelques temps.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 18, le général Regnier continua sa marche en avant; le 1er léger et le 42e de ligne se portèrent à Sigliano, sous les ordres du général Mermet. Nous occupâmes cette petite ville et les hauteurs environnantes pendant 52 jours ; nos trois compagnies de carabiniers se portèrent dès le premier jour à Diano" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 20 août 1806, nouvelle lettre de l'Empereur, adressée depuis Rambouillet au Roi de Naples : "Mon frère ... Je pense que les 1er et 42e régiments doivent revenir du côté de Naples" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 3, p. 143 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10672 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12752). Puis une deuxième, expédiée le même jour depuis Rambouillet : "... Je vois que vous conservez dans la Calabre le 1er et le 42e ; c'est un mal ; il faut les faire revenir du côté de Naples, les encourager par votre présence et en avoir soin ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 3, p. 136 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10673 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12752). Cette lettre est suivie d'un "Projet de placement de l'Armée de Naples ... Une autre division, commandée par le général Espagne et composée du 1er de ligne, du 42e et du 1er d'infanterie légère, serait placée dans une bonne position, à deux heures de distance de Naples. S'il y a des bois et une localité favorable, on la ferait camper ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 3, p. 138 ; Correspondance de Napoléon, t.13, lettres 10674 ; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12752).

Le 21 août, Regnier reçoit l'ordre de marcher sur Amantéa. Avant de partir, il laisse à Avigliano environ 1800 hommes, dont 800 des 1er Léger et 42e de Ligne, sous les ordres du Général Mermet.

Regnier fait sa jonction avec Masséna à Lago Negro. De là, en continuant la marche au sud, l'avant garde, qui comprend des Suisses, est encore prise pour des Anglais par les habitants de Castellucia (le fait s'était déjà produit peu après la bataille de Saint Euphémie). Les femmes du village annocent aux soldats, comme une bonne nouvelle, qu'un corps de brigands va bientôt attaquer Avigliano avec des Anglais et des Russes débarqués à Sainte Euphémie. Les paysans se vantent de tout ce qu'ils ont fait contre les Français, et proposent même aux soldats de se joindre à eux "pour détruire le peu de Français qui restait encore à Avigliano".

Le 1er Léger arrive à Fiume-Freddo et Amantéa le 31. Il y reste jusqu'au 5 septembre. Ce jour là, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au général Dejean, Ministre Directeur de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, je vous envoie une note des changements que je désire faire dans la répartition des 50000 conscrits de la conscription de 1806. Faites-la imprimer sans délai et envoyez-moi cette seconde édition.
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ANNEXE
En lisant avec attention la répartition des 50 000 conscrits de la conscription de 1806 entre les différents corps, on est porté à désirer quelques changements ; comme la conscription n’a pas encore été mise en mouvement, il est encore temps de le faire sans produire de contre-mouvements. Le département de la Seine ne fournira rien aux 42e et 52e de ligne ni aux 1er et 5e légers ...
Le département de Marengo ne fournira rien au 1er léger ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 627; Correspondance générale de Napoléon, t.6, lettre 12873).

Le 5 septembre encore, Regnier reprend sa marche vers le sud, toujours harcelé par les brigands avec lesquels il a des engagements presque tous les jours.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 4 septembre, le Maréchal porta son quartier général à Monteleone. Aussitôt que ses troupes se furent éloignées des points occupés par notre régiment et le 42e , les insurgés, excités de nouveau et plus que jamais par la cour de Palerme, se réunirent derechef en masse et tentèrent de nous surprendre à Sigliano; ils attaquèrent simultanément nos postes, nos bivouacs, nos cantonnemens, et arrêterent tout militaire qui, trompé par la tranquillité apparente du moment, était éloigné de son corps; ceux qui eurent le malheur de tomber entre leurs mains furent inhumainement sacrifiés, massacrés, pendus, écartelés, brisés, brûlés vifs; ils se portèrent envers tous à des atrocités inouïes.
Un officier du 42e entre autres, qui, ayant eu le malheur de tomber isolément entre les mains de ces barbares, dût être amputé des deux bras et des deux cuisses, par suite d'horribles mutilations des quatre membres; les officiers de son régiment lui firent construire une petite caleche attelée de deux petits chevaux, pour le transporter de là à l'hôtel des lnvalides à Paris, sous la conduite d'un ancien soldat qui lui était fort attaché.
Cependant. malgré leur fureur et notre petit nombre, nous résistâmes à leurs forces multiples, à leurs attaques incessantes, mais nous ne pûmes ni les dissoudre ni les décourager; les chefs qui les commandaient paraissaient entendre fort bien la guerre de montagne, et d'ailleurs ils avaient pour eux toutes les ressources locales.
Le service que nous fîmes sur ce point, pendant le long espace de temps que nous y restâmes, fut excessivement fatigant et dangereux sous tous les rapports; entourés d'ennemis sachant tirer parti de toutes leurs ressources, nous devions être sans cesse sur nos gardes pour n'être pas surpris; les postes, dès lors, étaient multipliés, et souvent on ne pouvait les relever que tous les deux ou trois jours par des hommes qui n'avaient eu que 24 heures de repos, et souvent même après leur rentrée d'une marche longue et rapide, ayant fait un détachement pour escorter un courrier, une malle poste ou un officier d'ordonnance.
Les moindres de ces détachcmcns étaient toujours de 100 à 200 hommes, jamais ils ne rentraient qu'ils n'eussent fait le coup de feu, qu'ils ne ramenassent quelques blessés, et qu'ils n'eussent laissé quelques morts sur le lieu du combat. Les points que l'armée occupait sur les routes étaient distans l'un de l'autre, ne se liant entre eux que par nos détachemens fréquens et dès lors peu forts par eux mêmes; mais ces communications cessaient toutes les fois que les révoltés se rassemblaient en grande masse, tantôt sur un point, tantôt sur l'autre, car leurs réunions n'étaient pas permanentes ; ils vaquaient dans l'intervalle à toutes leurs affaires ordinaires comme s'ils n'appartenaient à aucune réunion, comme si leur vie était toujours calme et paisible; la sécurité était pour eux et tous les dangers pour nous; nous vivions au milieu de nos plus cruels ennemis qui connaissaient parfaitement nos positions et nos mouvemens, et qui agissaient entre eux si secrètement et avec tant de promptitude qu'ils savaient se soustraire à nos soupçons et à notre surveillance quoique tres active
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Les espions avaient annoncé qu'un corps de 5000 brigands s'était rassemblé près de Nicastro. En réalité, il s'agit d'environ 3000 hommes, sous les ordres de Papasodera, campés sur la montagne de Saint-Pierre de Maïda; des postes de brigands, détachés en avant, couvrent ce bivouac. Le 6 septembre, l'avant garde est accueuillie à Nicastro par des coups de feu. L'ennemi, inférieur en nombre, se replie de suite derrière le Lamato, vers Maïda où la fusilllade reprend. Lorsque Papasodera apprend que l'on se bat à Maïda, il accourt en toute hâte. En même temps, la 2e Division, passant le ravin sous le feu de la ville, se dirige sur le plateau des montagnes. Papasodera a pris des position de manière à défendre le défilé qui conduit à la hauteur dominante. Regnier lance alors sur le flanc droit de l'ennemi les Voltigeurs du 1er Léger, suivis bientôt du 23e Léger. Cette manoeuvre audacieuse, vivement exécutée, amène la déroute dans le corps ennemi qui est poursuivi jusqu'au delà de Coringa. Ce corps par la suite ne reparut plus.

Regnier peut dès lors continuer sa route. Le 10 septembre, les 1er Léger et 42e de Ligne sont à Catanzaro. Là s'arrête la marche vers le sud. Les Anglais tentent encore de lancer quelques brigands sur les côtes de Calabre, mais le pays commence à se lasser de l'insurrection, et peu à peu, le calme revient. Il n'empêche, le 13 septembre, le Capitaine Leclair est blessé au combat de Sigliano, et deux jours plus tard, c'est au tour du Capitaine Henrion, blessé au cours d'un combat contre des brigands.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 20, les cantonnemens de Sigliano et de Diano furent derechef cernés et attaqués par une multitude de révoltés ; l'attaque commença à 9 heures du matin et ne cessa qu'à 3 heures du soir; nous fûmes sur le point d'être sacrifiés, mais le desespoir nous raidissant et doublant notre énergie, nous parvînmes à donner une terrible leçon à cette horde qui laissa sur place la moitié de ses assaillans; nous leur donnâmes cependant la faculté d'enlever leurs morts et leurs blessés ..." (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 22 septembre 1806, Eugène écrit à Napoléon : "Sire, Votre Majesté, par sa lettre du 17 septembre que j'ai reçue ce matin, m'ordonne de lui faire un projet sur le nouvel emplacement des deux divisions de dépots d'infanterie de l'armée de Naples. Je m'empresse, après avoir pris connaissance des localités, de lui proposer la répartition suivante. J'attendrai ses ordres avant d'ordonner les mouvements.
Première division, commandée par le général de brigade Pouchin, quartier général à Forli, ayant sous ses ordres le général de brigade Leguai, à Rimini : 1er et 14e d'infanterie légère à Rimini ; 23e d'infanterie légère, à Céséna ; 10e d'infanterie de ligne, à Ravenne ; 6e et 42e d’infanterie de ligne à Forli ; 2e d'infanterie de ligne, à Faënza. Deuxième division, commandée par le général de brigade Valori ; quartier général à Bologne, ayant sous ses ordres un général de brigade qui se tiendra à Ferrare : 20e d'infanterie de ligne, à Imola ; 22e d'infanterie légère, 62e et 102e d'infanterie de ligne, à Bologne ; 20e et 101e d'infanterie de ligne, à Ferrare ; 52e d'infanterie de ligne, à Rovigo.
Votre Majesté remarquera que, d'après son approbation, les mouvements auraient lieu dans le milieu d'octobre, et qu'alors la mauvaise saison est tout à fait passée pour Ferrare
" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 160).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 25, on dirigea sur plusieurs points, dans les montagnes, des colonnes chargées de surveiller les manoeuvres des insurgés qui paraissaient vouloir encore se rassembler et qui toujours interceptaitent nos communications; mais, comme je l'ai dit plus haut, ils correspondaient si facilement et si sûrement entre eux, qu'informés de toutes nos démarches ils savaient se disperser à propos, s'ils n'étaient pas les plus forts, aussi nos découvertes passaient et ne rencontraient que peu d'obstacles.
Le 9 octobre, le régiment fut remplacé à Sigliano, et il alla occuper le poste de Soveria
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Fin octobre, le 1er Léger retourne à Avigliano.

Situation en octobre 1806 (côte SHDT : us180610)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements Alpes Maritimes - Hérault - Tarn - Jura - Puy de Dôme - Mont Blanc - Hautes et Basses Pyrénées de 18
STEILER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt - Armée de Naples
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune - Armée de Naples
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Rimini - Armée d'Italie

Fig. 17
Fig. 17a Voltigeur en Espagne, d'après Pierre Albert Leroux : "Les Français en Espagne, 1808-1814" (Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library. Avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington)
Fig. 17b Voltigeur en Espagne, 1809-1813, d'après H. Boisselier (fac-similé réalisé par H. et C. Achard d'après l'original). La source indiquée est El Guil
Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493

En novembre, le Maréchal Masséna, qui estime que sa présence n'est plus nécessaire, retourne à Naples. Il emmène avec lui une escorte de 550 hommes dont 100 Carabiniers et 160 Voltigeurs du 1er Léger (est ce à ce moment que, selon Martinien, est blessé le 5 novembre 1806 le Lieutenant Bazoux, qui escortait des prisonniers à Naples ?). A la fin du mois, le Régiment occupe Soveria. Dans un petit combat livré en avant de ce village pour en chasser les brigands, le Lieutenant Nicolas Barroux reçoit deux blessures, l'une au bras et l'autre à l'estomac. Le 1er Léger reste à Soveria jusqu'à la fin de son séjour en Calabre.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Les 6 et 7 novembre, nous fûmes encore cernés par un nombre considérable de révoltés qui ne s'éloignèrent qu'à l'arrivée inopinée de nos 3 compagnies de carabiniers qui, de Diana étaient allées à Saint Amango ,· et, de ce point, ayant entendu l'attaque dirigée sur nous, vinrent heureusement à notre aide en les attaquant à dos.
Le 19, nous fournîmes un fort détachement qui se porta sur Lamotte pour y prendre des vivres. Les montagnards, depuis quelque temps, y entassaient des provisions pour un de leurs rassemblemens; attaqués cette fois à l'improviste, ils perdirent toute contenance ct nous pûmes nous emparer de tout ce qu'ils possédaient. Cette surabondonce nous fut d'autant plus agréable que nos distributions n'étant point assurées, tous les huit jours des détachemens allaient imposer un des villages compris dans notre cercle, à nous fonrnir chaque jour le nombre de rations que nous avions besoin; et, le plus souvent, nous ne les obtenions qu'en employant des moyens rigoureux, et à cause des retards ou des réductions alors aussi nous n'avions que 3/4 ou 1/2 ration.
Le 1er décembre, 3 compagnies de nos chasseurs, jointes à nos 3 compagnies de carabiniers, se portèrent sur le fort Amantéa, pour, de concert avec des troupes de la division Verdier, attaquer ce point toujours occupé par les révoltés. Ce même jour, les 6 compagnies bivouèquèrent sous Martirano, et le 2 , elles se joignirent aux troupes employées au blocus de la petite forteresse d'Amantéa.
Le 6 décembre, dès 4 heures du matin, toutes les troupes destinées pour l'attaque d'Amantéa se rassemblèrent et sc mirent en marche dans l'intention d'enlever d'assaut cette forteresse; des difficultés qu'on ne put vaincre embarrassèrent les soldats au pied du rocher; le jour vint, alors la troupe fut dirigée vers la marine ou 1.200 Calabrais étaient campés à Monte Cocuzzo près de la plage, sous la protection de quelques petits bâtimens anglais; abordés vivement, ils furent défaits en totalité sans qu'aucun d'eux ne pût ni se jeter dans le fort, ni se sauver dans les vallées, ni se diriger vers la côte où quelques chaloupes anglaises semblaient disposées à les recevoir. Cette expédition terminée de la sorte, rentra à Cosenza, laissant des postes en observation ; et nos carabiniers et chasseurs nous rejoignirent à Soveria.
Le 7, le régiment se porta à Diano, où il bivouaqua jusqu'au 14 ; le 15, il alla à Nicastro où il s 'arrêta jusqu'au 14 janvier 1807
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en janvier 1807 (côte SHDT : us180701)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements Alpes Maritimes - Hérault - Tarn - Jura - Puy de Dôme - Mont Blanc - Hautes et Basses Pyrénées de 18
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt - Armée de Naples
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune - Armée de Naples
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Ancôme - Armée d'Italie - Division des Côtes de l'Adriatique - Tisson
Observations : janvier 1807 effectif : sous les armes 25 Officiers 847 hommes ; hopitaux : 153 hommes

Le 6 janvier 1807, une petite colonne de 300 hommes du Régiment, conduite par l'Adjudant commandant Ortigoni, disperse un groupe de brigands qui s'est formé aux environs d'Amantéa. Ce même 6 janvier 1807, l'Empereur écrit, depuis Varsovie, au Roi de Naples : "Mon Frère, vous trouverez ci-joint un décret que je viens de prendre. Je vous prie de donner les ordres les plus positifs pour son exécution. J'ai besoin de deux régiments de plus à l'armée d'Italie. D'ailleurs ces régiments ont été si défaits en Calabre, qu'ils ont besoin de se rapprocher. Mon intention est même de les faire passer en Allemagne, pour les avoir sous les yeux. Ce sont d'ailleurs deux régiments qui doivent laver la honte d'avoir été battus par les Anglais ..." (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 11571 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 13966). Les deux Régiments en question sont très certainement le 1er Léger et le 42e de Ligne. Le même jour, l'Empereur écrit, depuis Varsovie, au Prince Eugène : "Mon fils, vous trouvez ci-joint un décret que je viens de prendre. Mettez-le à exécution. Envoyez à Naples des 5000 hommes, et vous y gagnerez deux régiments qui avec un peu de soin au 1er mars vous feront cinq mille hommes sous les armes. Votre armée et l'armée de Naples y auront toutes deux beaucoup gagné. Ce sont deux régiments qu'il faut bien soigner, parce qu'ils ont souffert, et qu'il faut qu'ils lavent l'affront qu'ils ont essuyé contre les Anglais" (Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 13964).

Le 7 janvier 1807, l'Empereur écrit, depuis Varsovie, au Prince Eugène : "Mon Fils … Je vous ai ordonné de faire partir pour l'armée de Naples 5,000 hommes. En retour, le 1er et le 42e rentrent en Italie ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 251 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 11579 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 13977).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... et, le 15, il fut envoyé à Monteleone où il resta jusqu'au 12 février" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 22 janvier 1807, Joseph écrit, depuis Naples, à Napoléon : "… L'ennemi continue ses débarquements partiels ; il enrôle et paye chèrement des bandits ; la guerre est aussi meurtrière aujourd'hui que dans l'été. Dans un pays de montagnes très-hautes, et coupé de torrents à chaque pas, le soldat est obligé de les passer à l'eau ; il est toujours en marche. Quelques efforts que l'on fasse, il manque d'habillement et de souliers ; dans dix jours une paire de souliers est finie. Des régiments ont peu d'officiers ; le le 1er léger n'en a presque plus ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 3, p. 295).

Le 24 janvier 1807 à minuit, le Prince Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "... la 5e division, étant placée à Bassano et Vicence, va se trouver renforcée par le 1er d'infanterie légère qui va revenir de Naples ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 262).

Le 28 janvier 1807, Joseph écrit, depuis Naples, à Napoléon : "… J'ai reçu la lettre de Votre Majesté du 6. Ses ordres sont exécutés, les cadres des troisièmes bataillons sont partis. Le 1er d'infanterie légère et le 42e vont se mettre en marche ..." (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 3, p. 299).

Le 6 février, Regnier reçoit du Ministre de la Guerre l'ordre (expédié le 22 janvier depuis Paris) d'envoyer le 1er Léger et le 42e de Ligne rejoindre leurs dépôts à l'Armée d'Italie. Celui du 1er Léger, qui se trouvait à Rimini avec le 3e Bataillon, vient de se rendre à Ancône, sous les ordres du Major du Régiment Stielair.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 13, le régiment revit le golfe de Sainte Euphémie qui lui fut si funeste l'année précédente, et il fut loger à Maïda où avait été établi le quartier général anglais.
Le 14, il alla à Catanzaro, ville qui ne prit aucune part à la rébellion de même que Monteleone. Le 18, il fut à Cropani et le 19 à Cotrone
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Regnier ne se décide à mettre en route le 1er Léger que 12 jours après en avoir reçu l'ordre. Il fixe son itinéraire par la Basilicate, la Pouille, et les Abruzzes, "pour qu'il appuie en passant une expédition envoyée sur Cariati", et "pour qu'on ne s'aperçoive pas de son départ", écrit Regnier.

Le Régiment quitte Sovéria le 18 février.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 20 au matin, il nous fallut revoir le bourg de Strongoli; les habitans, toujours rebelles, nous firent la même réception que l'année d'avant; nous y pénétrâmes de vive force, culbutant tout ce qui fit obstacle; nous pillâmes derechef, nous enlevâmes les vivres, nous brûlâmes les maisons à peine relevées, et nous saccageâmes de fond en comble ce bourg incorrigible; il n'y eut d'épargné que quelques maisons indiquées comme étant la demeure de particuliers qui nous servaient de guides; des sauve-gardes y furent placées à temps.
Le 21, le régiment fut à Ciro, qui ne prit non plus aucune part à l'insurrection
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 22 février, le 1er Léger livre un dernier combat aux brigands qu'il rencontre sur sa route à Strongoli. Il en prend 170 qui sont fusillés. Dans cette affaire, le Sous lieutenant Bruneau est tué. La marche se poursuit sans incidents par Tursi, Potenza, Canosa et la route du littoral déjà suivie deux fois par le Régiment.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 22, nous allâmes bivouaquer à Cariati; le 23 à Calapizzati; le 24 à Rossano qui ne communiqua jamais avec les révoltés; le 25 à Corigliano, le 26 à Cassano, le 28 à Trebisaccia et à Amendolara, sur le golfe de Tarente.
Sur le golfe de Tarente !
Nous touchions à une contrée amie, nous allions donc nous éloigner de ces féroces montagnards qui nous obligèrent à leur faire une guerre d'extermination, sans honneur pour nous, sans aucun avantage pour la France; était ce sérieusement qu'on nous avait placé sur cette route où nous devions trouver repos et sécurité ? Le fort d'Amantéa s'était rendu; Reggio était occupée par nos troupes qui avaient vu les Anglais se réembarquer à leur approche et rentrer à Messine ; le maréchal Masséna était retourné à Naples; l'insurrection n'avait plus d'unité, plus d'appuis; les rebelles déposaient et rendaient les armes, leur soumission était acceptée; tout enfin rentrait dans l'ordre et déjà les routes redevenaient libres et sûres ; les villages, les bourgs et les villes étaient généralement occupés par nos troupes; rentrés dans le devoir, bientôt en se familiarisant avec nos soldats ils oublièrent qu'ils furent ennemis
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 27 février 1807, le Général de Division Grenier écrit à l’Adjudant commandant Pascalis : "Je vous préviens, M., qu’un bataillon du 42e régiment fort de 1140 hommes, et un bataillon du 1er régiment d’infanterie légère, le 1er se rendant de Bologne à Venise, le 2e d’Ancône à Vicence passeront, savoir, le bataillon du 42e à Malalbergo 7 mars, Ferrare, le 8 mars, Rovigo les 9 et 10 mars ; le bataillon du 1er d’infanterie légère à Malalbergo les 19 et 20 mars, Ferrare le 21 mars, Rovigo le 22.
Veuillez je vous prie donner les ordres nécessaires pour assurer le logement et la subsistance de ces troupes dans les lieux indiqués
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 85 page 185).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 1er mars 1807, notre régiment et le 42e de ligne qui avaient le plus souffert dans cette désastreuse campagne, et qui avaient aussi fait le plus de mal aux Calabrais, sortirent heureusement des Calabres et allèrent loger le même jour dans la Basilicate, près de la ferme Policoro. Notre régiment était tellement réunit que chaque bataillon n'avait plus que l'apparence d'un faible cadre, et était tellement ruiné que nos malheureux soldats, naguère si brillans, étaient absolument dépourvus de tout effet d'uniforme. Indépendamment des 800 hommes perdus dans la fatale journée du 4 juillet 1806, des 200 que nous laissâmes à Reggio et à Scylla, nous perdîmes encore beaucoup de monde dans les différens combats que nous eûmes à livrer successivement et même chaque jour aux rebelles, sans ceux qui périrent par l'extrême fatigue, les maladies, les assassinats ou par excès lorsque les occasions leur fournissaient une abondance de comestibles et des liqueurs spiritueuses après des jours de jeune et de privation; de sorte que notre effectif se trouvait réduit à 700 hommes, les deux bataillons compris, de 2.000 et plus qu'ils étaient en mars 1806. Ainsi, ils avaient perdu en un an 1.300 hommes, dont 26 officiers et un chef de bataillon; tous les officiers indistinctement depuis le 4 juillet 1806 étaient sans porte manteau, sans bagages, sans rechange, et, comme le soldat, sans solde; et de tant de fatigues, de tant de misères, de tant de pertes éprouvées, de tant de dangers bravés, pas un rayon de gloire, rien que des regrets; sans l'arrivée de Masséna qui est venu relever le moral du soldat Dieu sait ce que serait devenu ce malheureux corps d'armée sous la conduite d'un général, brave sans doute, mais trop faible pour agir par ses propres moyens.

- Physiologie des Calabrais

Les romanciers ont beau donner l'essor à leur imagination, jamais ils ne parviendront à décrire parfaitement les moeurs des montagnards calabrais, gens à demi sauvages, ennemis de toute domination étrangère à leurs montagnes, et surtout de toute innovation. Refusant souvent de payer à son vieux gouvernement la plus légère contribution excédant celle qu'elle a coutume d'acquitter, aussi le gouvernement napolitain s'est il trouvé fréquemment dans la nécessité d'y envoyer des troupes pour ramener cette population à l'obeissance. Dans la forte effervescence de sa rébellion envers l'armée française, elle montrait une férocité sans exemple; et cependant, un peu plus tard, lorsqu'elle se vit abandonnée par les Anglais de Messine et par ses princes de Palerme, et que tout le royaume fut soumis, d'abord à Joseph , frère de l'empereur Napoléon, puis à Murat, son beau-frère, elle accepta la domination successive de ces deux souverains, et leur donna même de fortes preuves d'attachement.
La plupart des villes, bourgs et villages de cette contrée, toute montagneuse, sont assis sur le sommet ou l'escarpement de monts très élevés, autour desquels se trouvent confondues toutes les beautés de la nature; partout des arbres précieux; du milieu des rochers d'une apparence aride s'élèvent des végétaux bienfaisans; les productions de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie croissent vigoureusement dans ce pays fertile où la nature produit d'elle même sans y être longuement sollicitée par le travail de l'homme; on remue la terre légèrement, on lui confie ses semences sans préparation, sans art, presque sans soins, et elle rend au centuple. Là les femmes et les enfans suffisent à la culture des potagers et des vignes, les champs aussi sont de leur domaine, et tandis qu'ils exercent leurs faibles bras, les hommes, presque généralement rôdent armés d'un poignard, et s'enveloppent d'un petit manteau rapé, quelque temps qu'il fasse, la tête couverte d'un petit chapeau rond à larges bords, forme haute et pointue ; s'ils ne trouvent pas immédiatement à se réunir à l'entrée des bourgs, des villages, ou aux croisées des routes à d'autres oisifs comme eux, quoi qu'ils n'aient rien à se communiquer, ils cherchent un rocher, un mur pour s'y abriter et s'y étendre voluptueusement. A peu près comme les Corses ils terminent traitreusement par les armes leur moindre querelle; le plus subtil, ou plutôt le plus lâche a toujours raison, et son malheureux adversaire reçoit une balle ou un coup de poignard qui termine ses jours et leurs redoutables ressentimens; à moins que les enfans ou les parens du mort ne viennent à leur tour rappeler de l'exécution, et à se faire justice de la même manière, en répandant sang pour sang. Si ce peuple est paresseux, par compensation il est aussi très sobre, de sorte que son avoir, quel qu'il soit, subvient toujours à ses besoins. Un de nos soldats, le moins consommateur, absorbe à lui seul autant que deux Calabrais, le premier prodiguant beaucoup par délicatesse, le second économisant et ne perdant jamais aucune parcelle.
Quelques villes font exception aux moeurs généralement grossières, partout ailleurs les Calabrais ont conservé le caractère primitif des grecs montagnards dont ils sont une colonie; ils en ont encore à peu près le langage, surtout ceux qui habitent la crête ou les revers des monts qui bordent les rivages des caps Sparfivento et dei Larmi qui, par leur position, sont souvent en contact avec leurs ancîens compatriotes d'extraction et moins en rapport que ceux des vallées avec le petit nombre de voyageurs qui visitent de loin en loin cette contrée qui termine l'Italie.

- Sortie du régiment des Calabres

Continuant la route qui devait le rapprocher de son dépôt, le régiment arriva le 2 mars à Benaldo, où nous pûmes négliger les précautions prescrites pour nous préserver de toute surprise. Nous cessions aussi de faire partie du corps d'armée des Calabres, de même que de l'armée de Naples, rentrant décidément à celle d'Italie.
Le 3, nous fûmes à Matera, petite ville construite en amphithéâtre sur une face d'un rocher nu, autour duquel est un ravin profond; nous y séjournâmes le 4.
Le 5, nous logeâmes à Gravina, le 6 à Minervino, petite ville également assise sur la crète d'une montagnc, dont une face appartient à la Basilicate et l'autre à la terre de Bari.
Nous couchâmes les 7 et 8 à Cerignola, le 9 à Foggia, le 10 à San Severo, le 11 à Serra Capriola, le 12 à Termoli, le 13 à Vasto d'Amone, le 15 à Lanciano, le 16 à Ortone, le 18 à Pescara où nous séjournâmes, le 20 à Atri, le 21 à julia Nuova, le 22 à San Benedetto, le 23 à Porto di Fermo, le 24 à Lorette
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Les 1er et 2e Bataillons arrivent à Ancône vers le 25 mars. Le dépôt et le 3e Bataillon viennent d'en partir par ordre du Ministre pour se rendre à Vicence, par Bologne, Ferrare, Rovigo et Padoue.

Le 25 mars 1807, Napoléon écrit, depuis Osterode, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon Fils, vous ne mettez pas dans vos états de situation ce que les dépôts doivent recevoir de la réserve de 1806, de la conscription et de la réserve de 1807, et cela rend vos états incomplets.
… Vous aurez ensuite deux régiments de plus, le 1er d'infanterie légère et le 42e. Vous pourrez donner le 1er d'infanterie légère à la division Broussier, et le 42e à la division Boudet ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 285 ; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12174 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 14892).

Le Capitaine Duthilt écrit : "... le 25 à Ancône, le 28 à Sinigaglia, le 29 à Pesaro, le 30 à Rimini, le 31 à Césène.
Le 1er avril, nous allâmes à Forli, et nous y séjournâmes le 2 ; le 3 nous fûmes à Imola, le 4 à Bologne, le 6 à Malalbergo; le 7 à Ferrare, le 8 à Rodrigo; le 9 nous passâmes l'Adige et nous fûmes loger à Monselice; le 10 à Padoue, après avoir traversé Battaglia.
Padoue, ville ancienne sur la Brenta, est très importante, elle est grande et belle, mais mal peuplée; les édifices publics y sont grands et beaux ; elle a une université célèbre et un fameux couvent dans lequel on conserve les reliques de saint Antoine de Padoue, que l'on vient visiter de fort loin; la grande place est remarquable par ses belles fontaines en marbre blanc, ses jets d'eau, et par le grand nombre de statues de marbre et de bronze qui la décorent. Elle est la patrie de Tite Live
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

En exécution d'un Décret du 26 mars 1807, daté d'Osterode, prescrivant que les Régiments d'infanterie légère n'auront plus d'aigles à l'armée, les aigles des Bataillons de guerre du 1er Léger ont été renvoyées au Dépôt à Ancône.

Le 31 mars 1807, l'Empereur écrit, depuis Osterode, au Prince Eugène : "Mon Fils … … vous placerez au camp de Vérone le 1er d'infanterie légère et le 42e. Je ne tarderai pas à y faire venir le 112e. Ces trois régiments pourront faire une division. J'attendrai les idées que vous-même me donnerez la-dessus pour arrêter les miennes définitivement …" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 292 qui donne le 23e à la place du 42e; Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12247 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 145021).

Situation en avril 1807 (côte SHDT : us180704)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Loire de 1807
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt en route pour Bologne - Armée d'Italie
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune en route pour Bologne - Armée d'Italie
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Ancôme - Armée d'Italie

Emplacement des troupes de l'Empire français à l'époque du 1er avril 1807
Infanterie légère
Numéros des Régiments, et noms des Colonels
Majors, Chefs de Bataillon et Quartiers-maîtres
Numéro des Bataillons
Emplacement, et conscription de l'an 1807
Division Militaire
1er Bourgeois

Stieler
Schmitt
Lejeune
Huguet
Delambre Joly

Major
1er
2e
3e
Quartier-maître


En route pour Boulogne
En route pour Boulogne
A Ancône
Conscrits des Alpes-Maritimes et de la Loire


Armée d'Italie
Armée d'Italie
Italie

Le 3 avril 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, je reçois votre état de situation du 2 mars, avec vos lettres du 8 …
vous aurez sans doute disposé, pour la division Clauzel ou Duhesme, du 1er régiment d'infanterie légère et du 42e ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 296 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15068 - Note : La minute (Archives nationales, AF IV 875, avril 1807, n° 22) est datée du 2 avril).

Le 11 avril, le Régiment tout entier (les 3 Bataillons et le Dépôt), est réuni à Vicence, sous le commandement provisoire du Major Stielair, le Colonel Bourgeois étant resté quelques jours à Naples pour y régler différentes affaires concernant le Régiment.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 11, dernier jour de cette marche si longue que le régiment dut faire pour se joindre à son dépôt, en ce moment à Vicence, après qu'il eut occupé les villes de Parme, d'Ancône et de Rimini, nous revîmes nos amis du 3e bataillon avec lesquels nous fîmes fête" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 18 avril 1807, Eugène écrit, depuis Padoue, à Napoléon : "… il reste à former une division qui pourra être formée, si Votre Majesté le trouve bon, des 1er d'infanterie légère, 42e de ligne, 112e et 2 bataillons italiens, que je pourrais former dans les dépôts. Cette division serait placée à Vérone (la division Clausel étant fort bien à Vérone et à Bassano) ; le 112e ne pourrait quitter Alexandrie qu'au dernier moment, la présence d'un régiment étant toujours bonne dans le Piémont. Si Votre Majesté approuve ces idées, elle voudrait bien me donner ses ordres et m'envoyer un bon général et un ou deux de brigade" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 298).

5/ En Vénétie

Carabinier en Espagne 1809-1810  1er Léger carabinier 1er Léger en Espagne Carabinier en Espagne 1809-1813 1er Léger
Fig. 18
Fig. 18a
Fig. 18b Carabinier en Espagne, 1809-1813, d'après H. Boisselier (fac-similé réalisé par H. et C. Achard d'après l'original). La source indiquée est El Guil
Carabinier en Espagne 1809-1810  1er Léger Carabinier en Espagne 1809-1810  1er Léger
Fig. 18c Carabinier en Espagne, d'après Pierre Albert Leroux : "Les Français en Espagne, 1808-1814" (Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library. Avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington)
Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493

Le 1er Léger ne reste que quelques jours à Vicence.

Le Capitaine Duthilt écrit : "ARMEE D'ITALIE
- Remise en état
A Vicence, nos deux premiers bataillons furent à peu près complétés par les recrues que le troisième avait successivement reçues. Nous y restâmes assez de temps pour nous remettre de nos fatigues et surtout pour nous équiper à neuf, car nous n'étions vraiment chargés que de guenilles de toute espèce
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Dans la première quinzaine de mai, le 1er Léger est envoyé à Vérone où il constitue dès lors, avec le 42e de Ligne la Brigade Jalras de la Division Souham (4e Division de l'Armée d'Italie, commandée par le Vice-roi Eugène). Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 5 mai nous partîmes de Vicence pour aller à Montebello, et le 6, nous fûmes à Vérone, où de nouveaux conscrits du département des Alpes maritimes, destinés pour le régiment nous y attendaient depuis quelques jours.

- A Vérone

Vérone est une ville ancienne, grande, située sur l'Adige qui la divise en deux parties, communiquant de l'une à l'autre par trois ponts en pierres qui, aux termes du traité de Campo Formio, devaient être coupés par l'arche du milieu, et remplacée par un pont levis; la gauche appartenait d'abord à l'Autriche et la droite à l'Italie; mais ces conventions, comme bien d'autres, ne furent jamais exécutées; puis, après le traité de Lunéville, ces trois ponts durent rester intacts, car les frontières du royaume furent reculées aux rives de l'lsonzo. La plus grande partie de la ville est située sur la rive droite de l'Adige et contient les plus belles places et les plus beaux édifices. Cette ville a trois châteaux qui en font un point assez fort; elle a pour preuve de son antiquité un bel arc de triomphe romain et une arène des mieux conservées, que Napoléon fit restaurer entièrement. Dans cet amphithéâtre qui peut contenir 25 à 30.000 spectateurs, assis sur les rangées de gradins en marbre qui entourent l'intérieur, et dans l'hémicycle, vis à vis la loge impériale, on y élève un théâtre en charpente, avec tous ses accessoires, pour y donner en plein soleil, des représentations de pièces anciennes et souvent de circonstances ; et le public avide de ce spectacle à bon marché, y prend place sur les gradins, en face de la scène. Il y a quelque chose d'étrange dans ce rapprochement des débris du spectacle grandiose des temps héroïques, avec les farces, souvent de mauvais gout, que les Italiens jouent maintenant sur les tréteaux qu'ils y élèvent, farces composées par un écrivain à la suite d'acteurs ambulans, parfois assez bons. J'ai vu dans Vérone de fort beaux tombeaux, certaine petite église en possède de curieux, mais j'y ai cherché en vain celui de Roméo et Julictte, dont les amours et leurs catastrophes out été si bien décrites par le poète anglais Shakespeare; au lieu d'un tombeau, on me montra une auge d'une grande dimension, abandonnée à l'entrée d'un jardin.
Cette ville est encore célèbre pour avoir donné le jour à Catulle, à Vitruve, à Pline l'ancien et à Paul Veronèse
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 6 mai 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Prince Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils … Le 1er léger, le 42e et le 112e formeraient le fond d'une 5e division …" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 307 ; Correspondance de Napoléon, t.15, lettre 12543 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15550).

Le 6 mai 1807, le Prince Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "Sire, j'ai exécuté les ordres de Votre Majesté, en écrivant au général Marmont de renvoyer le restant du cadre du 2e bataillon du 81e en Italie, et de compléter avant le 1er bataillon à l'effectif de 1,000 à 1,100 hommes.
Ce régiment a été longtemps éparpillé ; j'aurais besoin de quelques semaines de réunion avec son dépôt ; il pourrait aussi, deux mois après son arrivée, avoir deux beaux bataillons de guerre, ce qui compléterait la division qui se forme à Vérone à quatre beaux régiments, savoir : le 1er d'infanterie légère, les 112e, 81e et 42e de ligne. Je remplacerai de suite ce déficit à l'armée de Dalmatie par l'envoi de 800 hommes du 60e régiment et 500 hommes aux chasseurs brescians, ou bien une colonne de 1,500 à 1,600 hommes, composée des détachements de tous les corps qui sont en Dalmatie.
Si Votre Majesté approuvait cette idée, l'armée d'Italie y gagnerait, et l'armée de Dalmatie, en ne perdant que le cadre et la force d'un bataillon, renforcerait tous les autres. J'attends vos ordres
" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 306).

Le 18 mai 1807, le Prince Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "... Ainsi que Votre Majesté me l'ordonne, la division Clausel sera augmentée ; elle sera, j'espère, à la mi-juin, de 8,000 hommes ; celle du général Dubesme sera toujours tenue complète à 6,000 hommes. Comme c'est une division d'élite, on ne peut guère y joindre d'autres troupes ; mais la division de Vérone sera elle-même facilement portée à 8,000 hommes, car je vais y ajouter les 3es bataillons des 20e et 62e de ligne, et le 3e bataillon de 6 compagnies du 3e d'infanterie légère, ce qui, joint aux 1er d'infanterie de ligne (il faut lire sans aucun doute légère), et 42e, 112e et 81e (si Votre Majesté me l'accorde en entier), fera une superbe division de 10 bataillons. J'attends que Votre Majesté veuille bien y désigner un bon général pour la commander.
Il y en a quatre qui m'ont déjà fait soumettre des demandes d'être employés activement ; ce sont les généraux : L ... , dans ses terres ; Chabot, commandant la réserve ; Grenier, gouverneur de Mantoue ; Miollis, gouverneur à Venise.
Je me borne à les désigner à Votre Majesté, parce que je suis d'avance sùr qu'elle voudra bien en désigner un solide
" (Mémoires du Prince Eugène, t.3, page 314).

Le 21 mai 1807, l'Empereur écrit, depuis Finkenstein, au Général Lacuée : "Je reçois et lis avec un grand intérêt votre état A présentant la situation, après la réception des conscrits de 1808, 1° des dépôts de l'infanterie de l'armée de Naples et de la Grande Armée, 2° des régiments du Frioul, de la Dalmatie, etc. Cet état est si bien fait, qu'il se lit comme une belle pièce de poésie.
J'y ai remarqué quelques erreurs ... Le 42e ni le 1er d'infanterie légère ne sont plus à l'armée de Naples ... Il faut faire disparaître ces petites erreurs ...
" (Correspondance de Napoléon, t.15, lettre 12619 ; Correspondance générale de Napoléon, t.7, lettre 15683).

Le 1er Léger va demeurer seize mois à Vérone. Là, il y instruit un grand nombre de recrues qui viennent successivement renforcer l'effectif. Il reçoit en 1807 130 hommes de la classe 1806, 302 de la classe 1807, et 525 de la classe 1808.

Le Général Souham ne prend le commandement de la Division qu'en juin 1807.

Situation en juin 1807 (côte SHDT : us180707 4C98)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Loire - du Puy de Dôme - des Basses Alpes - du Rhône de 1808
Observations : juin 1807 effectif du Régiment : sous les armes 64 Officiers, 1946 hommes - hopitaux 3 Officiers, 258 hommes
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt à Vérone - Armée d'Italie - 4e Division Souham - 1ère Brigade Jalras
Observations : juin 1807 sous les armes : 32 Officiers, 697 hommes
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Vérone - Armée d'Italie - 4e Division Souham - 1ère Brigade Jalras
Observations : juin 1807 sous les armes : 17 Officiers, 563 hommes
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Vérone - Armée d'Italie - 4e Division Souham - 1ère Brigade Jalras
Observations : juin 1807 sous les armes : 15 Officiers, 686 hommes

A partir du 16 octobre 1807, la 4e Division devient la 3e par suite du départ de la Division Clauzel pour la Dalmatie.

Situation en octobre 1807 (côte SHDT : us180710)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Loire - du Puy de Dôme - des Basses Alpes - du Rhône de 1808
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt à Vérone - Armée d'Italie - 3ème Division
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Vérone - Armée d'Italie - 3ème Division
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Vérone - Armée d'Italie - 3ème Division

Le 15 novembre 1807, le Général Jalras est remplacé par le Général Verger.

L'effectif du 1er Léger en novembre 1807 est de 2925 hommes.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 27 novembre, l'empereur Napoléon arriva à Vérone, venant de Milan, accompagné de l'impératrice Joséphine, du roi et de la reine de Bavière, du prince Eugène (de Beauharnais) son beau fils, vice roi du royaume d'ltalic, du grand duc de Berg (Murat), du prince de Neufchatel (Berthier), de plusieurs ministres d'état et de maréchaux de l'empire, faisant alors sa tournée tr iomphale dans ses vastes états. Que son escorte était nombreuse, riche et belle ! Vainqueur de la Prusse, de l'Autriche et de la Russie en une seule campagne, nulle puissance au monde n'avait pu arrêter l'élan de son char victorieux; que son front rayonnait de gloire ! comme tout au tour de lui parlait de ses innombrables victoires ! jamais conquérant n'avait été si imposant que Napoléon après la paix de Tilsit; c'était Alexandre, c'était César, au plus haut point de leur grandeur. Pour son bonheur et celui de la France il manquait à ce héros une seule vertu : la modération" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 28 novembre 1807, le 1er Léger est passé en revue par l'Empereur qui lui fait témoigner "toute sa satisfaction pour sa belle tenue et son instruction".

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 28 novembre, il passa la revue générale de la garnison, nombreuse en infanterie, en cavalerie, en artillerie à pied et à cheval, en troupes du génie, en équipages, en pontonniers, en ambulances, etc.
Revue magnifique, car chaque soldat s'était surpassé dans sa tenue et dans la beauté de son équipement, et de son armement; on ne vit jamais de troupes plus coquettes ni plus martiales, ni plus contentes d'elles-mêmes.
L'Empereur fit des promotions dans tous les grades, accorda des décorations de tous les degrés ; pas une étoile ne passa sur la poitrine des élus qu'elle n'eût auparavant touché la sienne et qu'il ne l'eût attachée lui-même.
Il fit manoeuvrer tous les corps ; et, le lendemain 29, il partit pour aller visiter Venise
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation en janvier 1808 (côte SHDT : us180801)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Conscrits des départements des Alpes Maritimes - de la Loire - du Puy de Dôme - des Basses Alpes - du Rhône de 1808
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division

Le 20 janvier 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie : "Mon Fils, faites en sorte que le camp de Montechiaro soit prêt au 1er avril, parce que, immédiatement après la saison des pluies, mon intention est d'y réunir le 1er d'infanterie légère, le 7e, le 42e et le 112e de ligne. Les trois bataillons de ces régiments y seront ; ce qui fera douze bataillons, formant au moins 8,000 hommes. Ces bataillons s'exerceront là aux manoeuvres et se formeront à la discipline" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 43 ;Correspondance de Napoléon, t.16, lettre 13476 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17049).

Le 26 janvier 1808, Eugène écrit, depuis Milan, à Napoléon : "Sire, j'ai reçu hier au soir les trois dépêches dont Votre Majesté m'a honoré du 20 janvier ; tous les ordres ont été expédiés aujourd'hui, et je rendrai compte successivement de leur exécution ...
J'ai donné des ordres pour que le camp de Montechiaro fùt prêt au 1er mars pour un camp de 8,000 hommes ; il est fâcheux que Votre Majesté n'ait pas accordé des fonds pour le finir. J'aurais pu y réunir·aussi la division italienne. Si Votre Majesté n'y voit pas d'inconvénient, je lui demanderai, pour le général Grenier, la division française du 1er, 7e, 42e et 15e. Votre Mnjesté aura de suite après la visite de Charpentier les livrets des dépôts
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 50).

Le 2 février 1808, le Général Pille, Inspecteur général, fait également de grands éloges au Colonel Bourgeois pour la brillante attitude des Officiers et de la troupe. L'Etat des Officiers à cette époque est le suivant :

1er Bataillon commandé par le commandant Lejeune avec l'Adjudant major Montossé; 2e Bataillon sous le commandant Huguet avec l'Adjudant major Lecomte; 3e Bataillon sous le commandant Schmitt avec l'Adjudant major Bouillet; Dépôt commandé par le Major Stielair. Quartiers maîtres trésoriers : Louis Jolis et Joseph Delombre. Chirurgien major : Laurent; Aides majors Hervil et Boë ; Sous aides : Bassot, Barsacq et Danvers.

Capitaines (par ordre d'ancienneté) : Emmercks, Baumard, Van der Heerem, Brimisholtz, Kolvemback, Choueller L. M., Salmon, Van Cuttssen Joseph, Grinne, Thorin, Baudin, Tison, Chomé, Dénéchaux, de Vienne, Henrion, Bouillet Antoine, Hergwegh, Bouillet Georges, Dumarché, Lecler, Saget, Poulain, Barroux, Vitmer, Moutin, Mesmer, Le Normand.

Lieutenants (par ordre d'ancienneté) : Bouchon, Laisné, Choueller Jean Baptiste, Canche, Boutin, Duthils, Prévost, Michel, Fréjacques, de Saint Pierre, Ménestrel, Marechapt, Tillet, Pateï, Bowine, Herpain, Roux, Fourcy de Gimont, Henvrot, Chavarin, Jacquet, Dehaech, Charton, Valch, Faedouelle, Lejeune, Thomas.

Sous lieutenants (par ordre d'ancienneté) : Bresse, Marie, holbert, Alquier, Dubesse, Regnard, Pesquaire, Droaurd, Loritz, Albrespit, Mosseron, Gayet, Fayet, Tassin, Gomieu, Michaux, Defosseux, Fleuret, Houillon, Lesage, Tardu, Stievenard, Vibert, Delamare, Samson, Joly C. A. D., Kymli, Ladreau.

A noter que Martinien donne, à la date du 1er février 1808, un Sous lieutenant Audigane, blessé au cours de la prise du château de Reggio (?).

Les 17 et 18 février, deux Décrets réorganisent toute l'Infanterie ; chaque régiment doit avoir trois Bataillons de guerre et un Dépôt à deux Bataillons destiné à instruire les recrues et à fournir au premier signal un Bataillon prêt à entrer dans les formations nouvelles au gré des circonstances. De ce fait, le 1er Léger doit se former à 5 Bataillons, dont 4 à 5 Compagnies (1 de Grenadiers, 1 de Voltigeurs, et 4 de Fusiliers), le 5e (le dépôt proprement dit) à 4 Compagnies (de Fusiliers). En même temps, l'Empereur a ordonné que les Régiment d'Infanterie légère n'auront désormais que des enseignes (une par Bataillon, à l'exclusion des Bataillons de Dépôt). Dans la pensée de l'Empereur, les Régiments légers, destinés à combattre souvent en première ligne, n'avaient pas besoin d'aigle. Les hommes destinés à porter les enseignes devaient être choisis par les Chefs de bataillon parmi les Sous officiers.

Le 18 mars 1808, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils ... Vous ne devez pas tarder à recevoir la nouvelle organisation de l'infanterie. Chaque régiment sera par cette organisation de 28 compagnies et de 5 bataillons, dont quatre bataillons de guerre, de six compagnies chacun, et un bataillon de dépôt de 4 compagnies. Aussitôt que cette organisation sera faite dans les régiments qui sont en Italie, il sera nécessaire qu'avant le 1er mai mes troupes fassent un mouvement et se réunissent dans des camps ... La division du général Souham, composée de la 1re légère et du 45e de ligne, enverra ces 8 bataillons de guerre au camp de Montechiaro du 1er au 15 mai ... Les troupes resteront là 2 ou 3 mois, et s'exerceront à toutes sortes de manoeuvres ...
Faites-moi connaître en détail les dispositions que vous prendrez pour tout cela
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 90; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 17421).

Le 19 mars 1808, à Paris, à la question : "Sur le tableau d'organisation de l'infanterie de l'armée d'Italie l'Empereur a indiqué les destinations suivantes :
... Le 1er bataillon du 1er régiment d'infanterie légère sera formé au 2e corps
", l'Empereur répond que ce sera à Verrue (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.1, lettre 751).

Le 27 mars 1808, Victor Antoine Ereinte, soldat à la 1ère Compagnie du 1er Bataillon du 1er Régiment d’infanterie légère, en garnison à Vérone, écrit, depuis Vérone, au Maire de Pignan, canton de Brignoles, département du Var : "Monsieur le maire
J’ai l’honneur de vous écrire la présente pour vous montrer l’état de ma santé, elle est très bonne et je désire que votre en soit de même monsieur le maire.
Je vous prie de me retirer les deux procurations que j’avais envoyé à ma sœur pour les remettre à mon cousin Ereinte le boutiquier, pour qu’il conserve mon bien, monsieur le maire.
Je vous prie de me faire réponse à lettre vue et vous me ferez bien des nouvelles du pays parce qu’il y a longtemps que je n’en ai entendu, de ce que je suis fort impatient. Je vous prie de me satisfaire à ma demande, je vous en aurais une obligation particulière, et je vous prie de me faire rendre justice de mon bien et de l’argent que j’ai en pension, et des intérêts qu’il a rendu mon bien, et vous m’en ferez la réponse, au plutôt possible.
Vous aurez la bonté si vous plait de faire voir ma lettre à monsieur Barthélémy Favre le notaire enfin qu’il prenne mon parti. Pourquoi je ne plus de confiance à ma sœur parce qu’elle m’a trahi, alors je mets toute ma confiance à mon cousin Ereinte, dont vous lui ferez voir la lettre que je me confie à lui, monsieur Barthélémy Favre aura la bonté de lui présenter et de le faire comprendre ce que je lui demande, et qu’il me conserve mon bien dont je lui en serai obligé, ainsi qu’à vous. Au reste, ma sœur ne m’a pas satisfait dans mes besoins depuis que je lui ai envoyé les deux procurations et que je lui ai demandé de me faire passer la somme de cent francs dont je ne jamais reçu d’autres nouvelles, alors mon très cher cousin, je vous prie de me les faire passer au plutôt possible et vous verrez monsieur Barthélémy Favre que ma sœur m’avait marqué par sa dernière lettre que c’était lui qui recevait les intérêts de mon bien, dont vous le prierez de ma part qu’il vous le donne pour me les faire passer.
Si ma sœur m’avait fait passer les cent francs que je lui avais demandé, je serais allé au pays en permission dont je ne pas peu me mettre en route parce que je n’avais pas le sou dont elle m’avait envoyé un certificat pour affaire de famille dont j’ai eu le malheur de le perdre dont alors le général me le demande, dont je vous prie de m’en faire passer un autre pour affaires de famille et vous l’adresserez au colonel du régiment et vous m’enverrez en même temps une lettre pour moi pour que je la puisse représenter avec le certificat afin que je puisse me présenter chez le colonel avec la lettre quant il l’aura reçu, dont vous me marquerez si vous avez envoyé le certificat au colonel.
Je finis en vous embrassant de tout mon cœur et vous me ferez beaucoup de mes compliments à tous mes parents et amis, et je vous salue.
Ps. Si quelque fois, mon cousin ne voulait pas s’en charger de ce que je lui demande, vous aurez la bonté de me nommer un tuteur, et dont vous m’en ferez la réponse
". Comme on peut le voir, ses préoccupations sont loin d'être militaires !

Situation en avril 1808 (côte SHDT : us180804)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - Dépôt à Novarre petit dépôt
Conscrits des départements des Basse Alpes - de la Loire de 1809
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division

Le Vice-Roi ayant reçut de l’Empereur le 29 mars 1808 l’ordre de présenter un projet complet d'organisation de ses troupes par Divisions, lui adresse le 6 avril 1808 un mémoire qui est approuvé dans toutes ses parties. D'après ce projet, suivi presque de point en point, l'armée du Vice-Roi en Italie se trouve composée de 9 Divisions d'infanterie et de 4 de Cavalerie.
Infanterie ...
5e division (Souham), généraux de brigade Teste et Vergès, 12 bataillons des 1er léger, 7e et 42e de ligne, au camp de Montechiaro ...
Total pour l'infanterie : 100 bataillons à 800 hommes, dont 92 français et 8 italiens ; environ 80,000 hommes ... (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 8).

Fig. 19
Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort Ernest (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Ma nomination au grade de capitaine
Le 16 mai 1808, à Vérone, j'ai été reconnu au grade de capitaine à la 2e compagnie de voltigeurs, au choix du gouvernement, en remplacement de M. Leclerc mis à la retraite; ma promotion datait du 1er février précédent.
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 20 mai 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, je reçois votre lettre du 13 mai relative aux anciens et nouveaux dépôts. Je conçois que les conscrits ont été dirigés sur les nouveaux dépôts ...
Aucun de ces mouvements n'est bien considérable et moyennant cette mesure les conseils d’admistration et les magasins seront établis à demeure. Les 4 compagnies qui formeront le dépôt recevront les conscrits de leur corps, et au fur et à mesure qu'ils auront 60 hommes armés, habillés, sachant tenir leurs fusils, prêts à partir, vous m'en rendrez compte dans des états particuliers pour que je les envoie à celui des 4 bataillons de guerre qui en a besoin ...
Quant aux ... 42e ... de ligne et 1er d'infanterie légère, on peut laisser le vice-roi y pourvoir. Tous les anciens dépôts sont dans les pays vénitiens, les nouveaux sont dans le Milanais. La distance est donc petite. Le vice-roi pourvoira à cela ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1908 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18000).

Toujours le 20 mai 1808, l'Empereur écrit ensuite, depuis Bayonne, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, je ne vois pas dans votre état de situation du 1er mai les conscrits que chaque corps doit recevoir sur 1809. Vous ne me parlez point encore de la nouvelle organisation. Vous avez déjà dû recevoir une grande quantité de conscrits, mais ils auront été dirigés sur leurs nouveaux dépôts. Par la nouvelle organisation, les ... 42e ... doivent avoir leurs dépôts à Milan ... le 1er léger à Novare. Il serait donc possible que les conscrits eussent été dirigés sur les nouveaux dépôts, mais comme ces régiments sont dans votre commandement, vous arrangerez cela pour le mieux. Je désirerais que les effets d'habillement voyageassent le moins possible et que les hommes des nouveaux dépôts fussent envoyés dans les anciens dépôts, où il y aurait des effets d’habillement ; mais il serait bon de faire venir aussi les effets d'habillement aux nouveaux dépôts ... Ces 12 régiments ont trois bataillons à l’armée de Naples ; les 4es bataillons restent pour former la division de Rome et dans l'emplacement actuel des dépôts, les quatre compagnies de dépôt de ces régiments se rendront dans les nouveaux emplacements. Je suppose que l'organisation commence à être établie en Italie ; alors il faudrait avoir soin de correspondre avec le prince Borghèse pour que les conscrits au fur et à mesure de leur arrivée à leurs dépôts, se dirigeassent sur les anciens pour être habillés et joindre les 4es bataillons. Les dépôts de l'armée de Dalmatie se rendent à Grenoble, à Genève et à Chambéry ; il ne reste à Trévise que les 4es bataillons.
L'armée d'Italie se compose donc aujourd'hui de 40 bataillons, des dix régiments d'infanterie de l'armée d'Italie et des dix dépôts ou 40 compagnies des mêmes régiments qui restent en Italie, des huit 4es bataillons des 8 régiments de l'armée de Dalmatie et de 12 4es bataillons de l'armée de Naples y compris Corfou. L'armée d'Italie se composera donc de 60 bataillons qui par l'appel de cette année doivent se trouver au complet de 840 hommes, c'est-à-dire que l'armée d'Italie se compose d'un effectif de 50 000 hommes d’infanterie sans comprendre les armées de Dalmatie et de Naples. Je vous ai déjà fait connaître que les quarante bataillons des dix régiments de l'armée d'Italie doivent former trois divisions, chacune de douze bataillons ; que les 4 bataillons du 112e avec les 8 bataillons de l'armée de Dalmatie formeront une quatrième division de douze bataillons et que les douze bataillons de l'armée de Naples formeraient une cinquième division, chacune d’un effectif de 10 000 hommes. Il est convenu qu'une division va camper à Udine, une à Osopo, et la 3e à Montechiaro ... et enfin les généraux Miollis et Le Marois doivent avoir, pour garder l'État romain, les 12 quatrièmes bataillons de l’armée de Naples. Vous pouvez laisser une partie des compagnies de ces 12 bataillons à Bologne et dans les lieux où elles sont aujourd'hui et les former successivement et à mesure que les conscrits arriveront. Il serait facile encore de former une sixième division des quatrièmes bataillons du Piémont et de deux régiments qu'on retirerait de Naples
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 140 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18002).

Selon l'Historique régimentaire, dans la pratique, il faut attendre un ordre du Ministre de la Guerre, en date du 3 juin, pour que le Régiment s'organise à 5 Bataillons; par ailleurs, le Bataillon de Dépôt se voit assigner un nouvel emplacement. En conséquence, le 15 juin, le Régiment est réorganisé comme suit :

1er Bataillon Lejeune : 15 Officiers et 645 présents.

2e Bataillon Schmitt : 13 Officiers et 623 présents.

3e Bataillon Huguet : 16 Officiers et 610 hommes.

4e Bataillon (Vacance) : 11 Officiers et 621 hommes.

5e Bataillon (Dépôt), Major Stielair : 4 Officiers et 162 hommes.

Soit au total, 59 Officiers et 2661 présents.

Le Régiment compte en outre à son effectif 2 Officiers et 157 hommes aux hôpitaux; 3 Officiers et 207 hommes prisonniers; 90 absents, soit un effectif total de 64 Officiers et 3115 hommes.

Dans les faits, la réorganisation a eu lieu le 1er juin 1808, comme le prouvent les documents ci-dessous:

Documents du S.H.A.T.
Communication de notre ami Philippe Quentin.
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A noter qu'à cette époque, il est indiqué que le 1er Léger a un Tambour major, un Caporal Tambour, et 8 Musiciens.

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 1er juin j'ai été nommé à l'emploi de capitaine d'habillement, en remplacement de M. Vanderher, mis à la solde de retraite" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 1er juin 1808, à Bayonne, on informe l'Empereur que "Le ministre de la guerre du royaume de Naples demande que le nommé Charles Poirson, soldat au 1er régiment d'infanterie légère, passe dans les troupes de Sa Majesté le roi de Naples"; Napoléon répond : "Approuvé" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 1839; Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 1954 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. Empereur et Roi, du 25 mai 1808 »).

Le 8 juin 1808, le Général de Division Grenier écrit au Sous-intendant militaire pour les troupes napolitaines Flaudin (ou Flandin, Flanden) : "J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint, monsieur, copie d’une lettre que je viens de recevoir, par le courrier de Vérone ; vous verrez par son contenu que le colonel du 1er régiment d’infanterie légère réclame mon autorité pour faire rentrer à son corps le chasseur Porson de son régiment, employé dans ce moment près de vous ; je me borne à vous faire connaître sa demande, persuadé que vous vous chargerez de faire conduire le sieur Porson à Vérone et remettre au 1er régiment d’infanterie légère afin de ne pas l’exposer au désagrément d’être arrêté (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 67 page 147).

Le même 8 juin 1808, le Général de Division Grenier écrit ensuite au Général Charpentier, Chef de l’Etat-major général, à Milan : "J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint, monsieur le général, une lettre de Flanden (?), sous-intendant militaire pour les troupes napolitaines stationnées à Mantoue ; il vous demande à conserver près de lui au moins encore quelque temps le sieur Porson, chasseur au 1er régiment d’infanterie légère réclamé par le colonel de ce corps, son service exigeant des hommes habitués à ce genre de travail. J’ai autorisé monsieur Flanden à conserver près de lui le chasseur Porson jusqu’au 20 de ce mois, terme de rigueur si vous ne l’autorisez à le garder plus longtemps" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 67 page 148).

Toujours le 8 juin 1808, le Général de Division Grenier écrit également au Colonel du 1er Régiment d’infanterie légère Bourgeois, à Vérone : "En réponse à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, et qui a pour objet la réclamation du sieur Poirson, chasseur de votre régiment attaché près de monsieur Flandin, intendant militaire du royaume de Naples en qualité de secrétaire, j’ai fait connaitre à monsieur Flandin vos intentions mais il m’a observé que le sieur Poirson était dans ce moment chargé d’une partie de la comptabilité, ouvrage pour lequel il lui serait impossible de le remplacer, d’après ses sollicitations je l’ai autorisé à le garder près de lui jusqu’au 20 de ce mois, époque à laquelle le sieur Poirson sera renvoyé à votre régiment (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 67 page 148).

Le 9 juin 1808, le Général de Division Grenier écrit à l’Intendant militaire pour les troupes napolitaines Flandin, à Mantoue : "Prenant en considération, monsieur, les observations que vous m’avez faites par votre lettre du 8 de ce mois relativement à la difficulté que vous éprouveriez de remplacer de suite le sieur Poirson, chasseur au 1er régiment d’infanterie légère réclamé par le colonel de ce corps ; vu encore la lettre que vous avez adressée au général chef de l’état-major général de l’armée d’Italie pour être autorisé à conserver le dit Poirson près de vous un certain laps de temps ; j’autorise par la présente et en attendant la réponse du général Charpentier, le sieur Poirson à rester dans vos bureaux jusqu’au 20 de ce mois, époque à laquelle il sera tenu de rejoindre son corps, si vous n’obtenez pas l’autorisation demandée. J’ai prévenu le colonel Bourgeois de cette disposition" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 68 page 149).

Le 13 juin 1808, le Général de Division Grenier écrit au Colonel Bourgeois, du 1er Régiment d’infanterie légère, à Vérone : "Je vous informe, monsieur le colonel, qu’en suite des intentions de S. A. I. le Prince Vice-Roi qui m’ont été transmises par le chef de l’état-major général de l’armée, le sieur Poirson chasseur de votre régiment, est autorisé à rester encore deux mois dans les bureaux de monsieur Flandin, sous-intendant militaire, à dater du 11 courant" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 68 page 150).

Le même 13 juin 1808, le Général de Division Grenier écrit à l’Intendant militaire pour les troupes napolitaines Flandin, à Mantoue : "Je m’empresse de vous communiquer, monsieur, la réponse du chef de l’état-major général de l’armée relative au sieur Poirson chasseur de votre régiment ; je désire que vous la trouviez conforme à vos vues" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 68 page 150).

Le 25 juin 1808, l'Empereur écrit, depuis Bayonne, au Prince Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Vous devez avoir reçu les instructions du ministre de la Guerre pour la nouvelle organisation de l’armée.
... 2e division :
Le 1er d’infanterie légère :
Le 1er régiment d’infanterie légère a 2 900 hommes, mais ce régiment doit recevoir 150 hommes.
Le 42e :
Le 42e a 3000 hommes.
Ainsi, ces deux régiments peuvent avoir dans leurs 4 bataillons, le 1er d'infanterie légère 2900 hommes et le 42e 3 000, ce qui ferait près de 6000 ...
Ainsi, il faut mettre de l'ensemble dans l'armée d'Italie ...
La 3e division sera composée du 1er léger, du 42e et du 112e à quatre bataillons chacun, formant 8000 hommes présents, 500 malades ; total 8 500 hommes, effectif ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 162 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18406). La 2e Division est commandée par le Général Clauzel (Armée de Dalmatie); la 3e Division par le Général Grenier (il commandait précédemment la 4e).

Le 5e Bataillon de Dépôt part le 24 juin pour Novare où il arrive le 29 et tient garnison avec le 5e Bataillon du 106e de Ligne. Le Régiment a en outre un petit Dépôt de recrutement à Nice.

Le 7 juillet 1808, depuis Bayonne, l'Empereur écrit au Général Clarke, Ministre de la Guerre, à Paris : "Je reçois les états de situation du 1er au 15 juin. J'ai parcouru l'état rouge intitulé : Situation des corps. J'espérais y trouver bien détaillée la situation de chaque corps. J'ai trouvé, à l'ouverture du livre, le 1er d'infanterie légère porté comme ayant les 1er, 2e et 3e bataillons à l'armée d'Italie, sans dire où est le dépôt ...
En général, cet état est plein de fautes. Faites-m'en faire un autre où tous les bataillons de guerre et bataillons de dépôt soient bien spécifiés, en mettant en marge les conscrits reçus et à recevoir encore cette année, afin que je connaisse bien la situation de l'armée. Il est bien important que je puisse savoir, non-seulement où sont les bataillons de dépôt, mais encore où sont les compagnies. Toutes les fois qu'il n'y a pas les neuf compagnies, s'il est question de l'ancienne organisation, ou les six, s'il est question de la nouvelle, il faut mettre où sont les autres compagnies ...
Ne perdez pas de temps à me faire envoyer un de ces états
" (Correspondance de Napoléon, t.17, lettre 14160 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18494).

Situation en juillet 1808 (côte SHDT : us180807 4C111)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - dépôt à Novarre
Conscrits des départements des Basse Alpes - de la Loire de 1809
Observations : juillet 1808 effectif total 2858 Officiers, hommes dont hopitaux 161 - prisonnier de guerre 3 - sous les armes 70 Officiers, 2459 hommes
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division - Teste
Observations : juillet 1808 sous les armes : 29 Officiers, 623 hommes
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division - Teste
Observations : juillet 1808 sous les armes : 12 Officiers, 608 hommes
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division - Teste
Observations : juillet 1808 sous les armes : 15 Officiers, 606 hommes
4ème Bataillon à Vérone - Armée d'Italie - 3e Division - Teste
Observations : juillet 1808 sous les armes : 14 Officiers, 622 hommes
5ème Bataillon au dépôt à Novarre - Armée d'Italie - Division des dépôts
Observations : juillet 1808 sous les armes : 8 Officiers, 157 hommes - hopitaux 26 hommes

Le 10 juillet 1808 (ou le 19 ?), Eugène écrit, depuis Forli, à Napoléon : "… Quant à moi, je m'occupe sans relâche de l'exécution des ordres de Votre Majesté. Les camps se forment. Les deux du Frioul seraient déjà prêts sans les difficutés que les transports ont éprouvées. Ces deux divisions sont cependant cantonnées de manière à pouvoir se réunir au premier instant. Le camp de Montéchiaro va être formé sous peu. Les troupes se mettent en marche pour s'y rendre. Je réunis sur ce point la 3e division française, et les deux divisions italiennes. J'ai désigné le général Grenier pour commander la division française qui sera formée, ainsi que l'ordonne Votre Majesté, du 1er léger, du 42e de ligne et du 112e ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 197)

"Milan le 14 juillet 1808, ordre de l’armée n°19 :
... Le général de brigade Quelord (Quelard, Queland ?) étant passé dans la division aux ordres du général Souham à Trévise, S. A. I. voulant donner un nouveau témoignage de confiance à l’adjudant-commandant Bastié (Barlié ?), sous-chef de son état-major général, vient de lui confier le commandement de la division des dépôts d’infanterie de l’armée d’Italie, tenant garnison à Milan, Come et Novare, et se composant des bataillons de dépôt des 9e, 13e, 35e, 42e, 53e, 84e, 92e et 106e de ligne et 1er d’infanterie légère, l’adjudant commandant Barlier résidera à Milan où, d’après les intentions du prince, général en chef, il continuera à exercer les fonctions de sous-chef d’état-major général de l’armée ; il passera ces troupes en revue au moins une fois par mois.
Le général de division chef de l’état-major général de l’armée d’Italie, signé charpentier.
Certifié conforme l’adjudant commandant Barlié ( ?)
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 63 page 141).

Fig. 20

Le 1er août 1808, le Général Souham est remplacé par le Général Grenier à la tête de la Division.

Le 9 août 1808, le Général de Division Grenier écrit depuis Mantoue, pour le 1er régiment d’infanterie légère : "Ensuite des ordres de S. A. I. le prince vice-roi, il est ordonné au 1er régiment d’infanterie légère composé de 4 bataillons, forts de 750 hommes chacun, de partir de Vérone le 14 du courant pour se rendre au camp de Montechiaro. Ce régiment logera le dit jour 14 à Goito, et arrivera au camp le 15 août, où il continuera de faire partie de la 3e division active" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 79 page 172).

Le même 9 août 1808, le Général de Division Grenier écrit au Général Teste, commandant la Division à Vérone : "Je reçois à l’instant, mon cher général, votre lettre du 8 et en même temps de l’état-major général l’ordre d’envoyer au camp de Montechiaro pour le 15 courant le 1er régiment d’infanterie légère par la situation que vous avez eue la complaisance de m’envoyer je vois que ce régiment est loin d’être au complet voulu, mais j’ai du vous faire parvenir l’ordre littéralement. Vous le ferez partir au plus grand nombre possible. Si vous n’avez pas déjà reçu directement du chef de l’état-major général l’ordre de vous rendre au camp, je vous prie de suivre le mouvement de votre brigade.
Je me rends le 12 à Milan, je serai de retour à Montechiaro le 17 où j’aurai le plaisir de voir, etc.
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 79 page 172).

Le 10 août 1808, le Général de Division Grenier écrit, depuis Mantoue, au Général Teste : "Le rassemblement des troupes au camp de Montechiaro et villages circonvoisins étant différé jusqu’au mois de septembre prochain, vous regarderez, mon cher général, comme non avenue la lettre que j’eus l’honneur de vous écrire hier, ainsi que l’ordre que je vous adressais pour le mouvement du 1er régiment d’infanterie légère. Il continuera de rester à Vérone jusqu’à nouvel ordre ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 80 page 173).

Les événements d'Espagne ont décidé Napoléon à une vigoureuse offensive de ce côté. Le 10 août 1808 justement, Napoléon écrit, depuis Nantes, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon Fils …
Vous formerez également une division française, qui sera commandée par le général Souham, et composée des trois premiers bataillons du 42e de ligne portés au grand complet de 2,400 hommes, des trois premiers bataillons du 1er d'infanterie légère, également portés au grand complet, de douze pièces d'artillerie, d'une compagnie de sapeurs. A cette division sera joint un bataillon du 67e, un bataillon du 7e de ligne, un du 112e et un du 3e d'infanterie légère, qui partent des 27e et 28e divisions militaires. Le général Souham pourra se rendre auprès du prince Borghèse, pour prendre le commandement de ces troupes et connaître leur marche. Donnez-lui deux bons généraux de brigade. Cela formera une bonne division française de 8,000 hommes, qui, jointe à la division italienne, fera une force de 16 à 17,000 hommes, qui se rendra sans délai à Perpignan pour pousser vigoureusement la guerre d'Espagne. Donnez à la division française une compagnie de sapeurs, des officiers du génie et tout ce qu'il faut pour faire la guerre ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 207 ; Correspondance de Napoléon, t.17, lettre 14249 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18697).

Le 14 août 1808, au nom du Général de Division Grenier est écrit au Général Teste : "Le général en chef de l’état-major général mande au général Grenier qu’il vous a adressé le 22 juillet dernier l’ordre de fournir sur la réquisition de la gendarmerie royale les troupes de ligne nécessaires pour l’arrestation, de concert avec les autorités bavaroises, des déserteurs qui se sont constitués en état de rebellion et de défense du côté du Tyrol ; vous avez pensé que le mouvement des troupes pour Montechiaro était un obstacle à l’exécution de cet ordre et l’opération a manqué ; S. A. I. en est instruite par le rapport de Son Ministre de la Guerre et vous a improuvé. Le général Grenier est chargé de vous donner celui de fournir un détachement de 200 hommes du 1er d’infanterie légère, lequel sous la direction de l’officier commandant de gendarmerie, sera chargé de donner chasse à tous les conscrits réfractaires ou gens sans aveu qui se trouvent dans les départements de l’Adige et Bachiglione jusqu’à la frontière du royaume d’Italie. Cette opération durera 6 jours et commencera le 20 courant.
J’ai laissé hier le général Grenier près Brescia se rendant à Milan ; c’est ensuite de ses ordres que j’ai l’honneur de vous transmettre celui-ci. Honorez-moi, je vous prie, d’un mot pour reçu
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 80 page 174).

Le 15 août, le 1er Léger reçoit du Ministre de la Guerre, le Comte d'Hunebourg, l'ordre d'amener l'effectif de ses trois premiers Bataillons à 800 hommes, et de les mettre en route pour Turin le 25. Le 4e Bataillon reste à Vérone, de même que le Général Grenier.

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Les deux premiers bataillons désignés pour l'armée d'Espagne.
Dans les premiers jours d'août 1808, le 3e bataillon du régiment versa dans les deux premiers tous les hommes valides, de manière à porter l'effectif de chaque compagnie de chasseurs à 120 hommes et celles de carabiniers à 140.
30.000 Français avaient pénétré en Espagne pour envahir le Portugal, dominé par l'Angleterre dont il était l'allié. Junot eut le commandement de cette armée. Charles IV, roi d'Espagne, se reposait sur la bonne foi de Napoléon qui nourrissait cependant le dessein de s'emparer des richesses du nouveau monde, entassées dans les royaumes d'Espagne et de Portugal. Le prince régent de Portugal, don Pedro, devait être enlevé et devenir prisonnier de Napoléon, si les conseils de Sidney Smith, commodore anglais, ne l'eussent décidé à s'embarquer pour le Brésil la veille du jour de l'entrée de Junot dans Lisbonne. Napoléon, maître du Portugal, voulut aussi l'être de I'Espagne ; il fit assembler â Bayonne une nouvelle armée, prête à se porter sur la capitale de l'Espagne, sous le prétexte de rétablir la paix dans la famille de Charles lV, troublée par les intrigues de don Emmanuel Godoy, prince de la paix; Murat eut le commandement; il entra dans Madrid. Aussitôt Charles IV abdiqua en faveur de son fils, qui prit le nom de Ferdinand VII. Bientôt il fut contraint de remettre sa couronne aux mains de Napoléon, qui la donna à son frère Joseph, roi de Naples; et Murat, son beau frère, créé roi, lui succéda au trône de Naples. Les Espagnols, ne ratifiant point les décrets de l'Empereur, s'insurgèrent; on les mitrailla. L'insurrection s'étendit par tout le royaume et, après l'affaire de Baylen, une division de l'armée française, commandée par le général Dupont, absolument cernée par les Espagnols, ne pouvant plus combattre, fut forcée de capituler; les Anglais méconnurent cette capitulation, et jetèrent en masse sur des pontons ces Français qui devaient rentrer sur le sol de leur patrie. L'insurrection consolidée, des Cortès furent formés pour gouverner le royaume, ils donnèrent une constitution provisoire à l'Espagne, formèrent partout des guérillas qui inquiétèrent vivement les Français dans leurs marches, pillèrent leurs convois et se rendirent redoutables à l'armée.
Ainsi une guerre de peuple à peuple venait d'éclater, et cette fois Napoléon l'avait injustement provoquée pour se donner le plaisir de placer sur un trône un membre de sa famille. Cette malheureuse guerre ne devait finir qu'avec son règne et coûter à la France un million d'hommes. Le 15, les deux premiers bataillons parfaitement habillés, équipés et armés, partirent de Vérone pour se rendre à l'armée d'Espagne. Ainsi se réalisait la promesse ou plutôt la menace que fit Napoléon au régiment, en le passant en revue à Vérone, en novembre 1807 : "Je vous donnerai l'occasion de réparer l'échec que vous avez essuyé à Sainte-Euphémie, en 1806".
On le voit, dès cette époque, il méditait l'expulsion des Bourbons de tous les trônes
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 18 août 1808, à 11 heures du soir, le Général de Division Grenier écrit au Général Teste, commandant la Division, à Vérone : "Je reviens à l’instant de Milan, mon cher général, d’où j’ai rapporté les lettres ci-jointes, l’une est pour vous et vous annonce un changement de destination ainsi que le départ du 1er régiment d’infanterie légère pour Turin ; la seconde pour le colonel Faure relativement à des mouvements d’artillerie ; et enfin la troisième pour le général Souham qui doit aller prendre le commandement de la division qui se réunit à Turin ; le général charpentier vous prie de la faire passer par estafette extraordinaire en prévenant le directeur de la poste à Véronne d’en compter avec le directeur général à Milan qui portera cette dépense au compte du général Charpentier. Si par extraordinaire il y avait quelques difficultés, il vous prie alors d’en faire l’avance ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 81 page 176).

Le même 18 août 1808, Eugène écrit, depuis Monza, à Napoléon : "Sire, je m'empresse d'annoncer à Votre Majesté que j'ai reçu dans la nuit d'hier la lettre dont elle m'a honoré, du 10 août, de Nantes. J'avais reçu deux jours avant les ordres du major général pour le départ d'une division italienne ; et ils auront été exécutés ; c'est-à-dire que les corps se sont tous mis en marche de leurs cantonnements respectifs en se dirigeant sur Lyon, comme le porte la lettre du prince de Neufchâtel ; d'après la nouvelle lettre de Votre Majesté, j'ai ordonné au général Souham de se rendre à Turin pour prendre le commandement de la division que Votre Majesté a désignée. Je dirige de suite sur cette ville le 1er et le 42e de ligne, qui suivront la marche que le prince Borghèse aura ordonnée aux 4es bataillons des 3e léger, 37e, 67e et 112e de ligne …" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 210).

Le 19 août 1808, le Général de Division Grenier écrit à l’Adjudant-commandant Saint-Ange, à Mantoue : "Je vous préviens, monsieur, du passage de diverses troupes qui suivent l’itinéraire ci-après.
Trois bataillons du 1er léger français, 2400 hommes. Véronne, Villafranca 25 août, Mantoue 26, Bozzolo 27, Crémone 28 et 29 ...
Veuillez donner avis de ces mouvements au général commandant d’armes avec invitation d’en donner connaissance aux autorités chargées des logements et subsistances dans les lieux de passage
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 82 page 177).

Le 20 août 1808, le Général de Division Grenier écrit au Général Teste, à Vérone : "Le chasseur du 4e que je vous vous ai envoyé le 19 à 5 heures du matin avec une dépêche dont copie ci-jointe, une lettre pour le général Souham, une autre pour le colonel Faure et une autre pour vous contenant, mon cher général, une nouvelle destination et l’ordre de départ pour le 1er d’infanterie légère n’étant pas encore revenu, je crains que cet homme ne soit déserté ou qu’il ne lui soit arrivé quelque accident ; dans cette supposition, je vous prie de donner les ordres ci-après.
A trois bataillons du 1er d’infanterie légère forts de 800 hommes chacun de partir de Véronne le 25 août pour suivre l’itinéraire dont je vous ai envoyé copie.
A la 13e compagnie du 4e d’artillerie à pied et à une compagnie d’artillerie à cheval du 4e régiment et 12 pièces attelées est approvisionnées, de partir de Véronne 27 pour se rendre à Brescia, où je lui ferai adresser de nouveaux ordres par le général commandant l’artillerie de l’armée comme ceux du chef de l’état-major général de l’armée au 1er d’infanterie légère à Crémone. Toujours dans la crainte que ma dépêche du 18 de vous soit pas parvenue, j’écris au général Souham pour lui faire connaître sa destination et l’engager à aller prendre ses ordres à Milan en lui envoyant copie de ce qui est à ma connaissance. Veuillez je vous prie lui faire parvenir ma lettre par estafette pour le compte du général Charpentier.
Si au contraire mal-être du 18, onze heures du soir, vous est parvenue avec celles qu’elle contenait, regardez je vous prie tout ce que je vous envoie aujourd’hui comme non avenu et déchirez ma lettre au général Souham ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 82 page 178).

Le 21 août 1808, le Général de Division Grenier écrit au Général Charpentier, Chef de l’Etat-major général, à Milan : "Dans les mouvements que S. A. I. a ordonné pour les 1er d’infanterie légère et 42e de ligne, il n’est pas fait mention, mon cher général, des 4es bataillons de ces régiments ; resteront-ils dans leurs garnisons actuelles, ou rejoindront-t-il leurs dépôts respectifs ; il est essentiel d’avoir une solution à cet égard, d’autant plus que ces bataillons se trouveront réduits à très peu de choses ... ; si S. A. I. n’a pas l’intention de les faire rentrer à leurs dépôts, ils pourraient être réunis tous les deux à Véronne qui va se trouver dégarnie de troupes. Voyez s’il convient de le proposer ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 83 page 179).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Le 24, le 3e bataillon, sous le commandement supérieur du major Stieler, partit de Vérone pour aller s'établir à Novare. Je restai encore quelques jours à Vérone pour livrer aux entrepreneurs des transports militaires toutes les parties qui constituaient le magasin du régiment.
Je parcourus ensuite isolément l'itinéraire ci-après ; Peschiera, à l'extrémité du lac de Guarda, Lonato, Brescia, Chiari, Cassano, Milan, Magenta, et j'arrivai à Novare où je me hâtai de rétablir les différens ateliers du régiment et d'équiper les conscrits qui vinrent compléter l'effectif du troisième bataillon
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 25 août, les Bataillons de guerre, conduits par le Colonel Bourgeois, passent à Villafranca, le 26 à Mantoue, le 27 à Bozzolo, les 28 et 29 à Crémone, le 30 à Codogne, le 31 à San Colombano, le 1er septembre à Pavie, les 2 et 3 à Vigevano, le 4 à Novare où ils sont reçus par le Dépôt; le 5 à Verceil, le 6 à Agliano, le 7 à Chivasso. Ils arrivent le 8 à Turin où se concentre la Division Souham dont doit faire partie le 1er Léger, avec les Bataillons de guerre du 42e de Ligne, et un Bataillon des 3e Léger, 7e, 67e et 112e de ligne.

Le 4 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "… Faites-moi un pareil travail pour l'armée d'Italie, et pour celle de Dalmatie et de Naples ; c'est-à-dire que les 30 régiments qui sont dans ces armées aient, avant le printemps, 120 bataillons de ligne ou un effectif de plus de 100 000 hommes indépendamment des 5e bataillons et dépôts ; et que tous les régiments de cavalerie soient à 1000 hommes.
Indépendamment de cela, il faut y comprendre les 3e et 4e bataillons du 67e, le 4e du 56e, les 3e et 4e du 2e de ligne, le 4e du 37e, le 4e du 15e de ligne, le 4e du 3e légère, le 4e du 93e, ce qui ferait 10 bataillons, lesquels pourraient former une division et rester en Italie, sans aller au nord. On pourrait y joindre les 4es bataillons des 7e de ligne, 1re légère et 42e, ce qui ferait 133 bataillons ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2255 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18825).

Par Décret du 7 septembre 1808, Napoléon a réorganisé son Armée d'Espagne. La Division Souham doit être la 2e d'un 5e Corps commandé par le Général de Division Saint Cyr. Le même jour 7 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils, les 1er et 29e régiments de ligne arrivent à Rome du 7 au 13 septembre. Ainsi ces deux régiments remplacent à votre armée le 42e et le 1er d'infanterie légère ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18847).

Le 17 septembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Lacuée, Directeur général des Revues et de la Conscription : "Je vous renvoie votre travail ... Je vois que les corps des armées d'Italie, de Dalmatie, de Naples et de la Grande Armée, ayant leurs dépôts au-delà des Alpes, cela doit former 36 régiments et je n'en trouve que 24 ; il en manque donc 12. J'en ignore la raison.
Il manque dans l'infanterie légère les 22e, 23e et 1er ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 18948).

De son côté, le Capitaine Duhtilt est chargé du recrutement dans les Alpes maritimes; il écrit : "RECRUTEMENT DES ALPES MARITIMES
- De Novare à Nice
Le 26 septembre 1808, j'ai été désigné pour remplir les fonctions de capitaine de recrutement dans le département des Alpes maritimes à Nice, en remplacement de Mr Brinisoltz qui était rappelé au régiment en Espagne; après la remise de mes magasins, je partis de Novare le 29 et je suivis l'itinéraire ci après : Verceil, première ville du Piémont sur la frontière du royaume d'Italie, Fogliano, Settimo, Turin, Carmagnole, Fossano, Coni, Limon, le col de Tende, Tende, Breglio, Sospello, l'Escarène et Nice, où j'arrivai le 8 octobre.
Dans ce voyage, je m'arrêtai quelques jours à Turin, belle et grande ville, dont les rues percées régulièrement à perte de vue, larges, ornées de fort beaux portiques de chaque côté, viennent aboutir de l'extérieur au centre de la place où se trouve l'hôtel de ville. Turin possède une forte citadelle qui a un puits remarquable : par le moyen d'une double rampe, Les chevaux peuvent descendre au fond et remonter sans se rencontrer. On y remarque la chapelle du Saint Suaire à la Cathédrale ; la statue de Sainte Thérèse de Legros à Sainte Christine ; l'intérieur du palais royal où se trouve une quantité de tableaux d'un mérite inappréciable.
Le col de Tende, de Limon au village de Tende, offre des sites admirables, des montagnes superposées, des rochers stériles, des vallées profondes, des passages étroits, difficiles, défendus par la nature et par l'art pour la guerre. Cependant, en été, cette route est tou jours susceptible d'être parcourue par des voitures courtes, à cause des pentes rapides et des sinuosités nombreuses et brusquées qui se répètent de monts en monts. Mais ce passage est fort difficile sinon impraticable en hiver, en raison de la grande quantité de neige qui l'obstrue et surtout à cause des vents impétueux qui tourbillonnent dans les tournans. Lorsque l'air est calme, le matin, plusieurs mulets d'une taille, d'une encolure et d'une force prodigieuses, entretenus par le gouvernement, partent de Limon au point du jour, sans guides et se rendent à la suite l'un de l'autre jusque sur le plateau du col, où ils trouvent, sous un abri, du fourrage ou de l'avoine, par portions séparées, pour les y arrêter quelques instans, après quoi ils reviennent à Limon. On ne permet jamais aux voyageurs, à cheval ou en voiture, qui doivent traverser le col du Piémont en France, de partir de Limon qu'après la rentrée des mulets, et que lorsqu'ils sont restés dehors assez de temps pour parcourir l'espace qu'ils doivent explorer et battre, car lorsqu'il y a empêchement pour effectuer ce parcours, ils retournent sur leurs pas, renonçant à l'appat qui leur est offert au but de leur voyage.
Sur la pente du col, entre sa sommité et le village de Tende, vers Nice, est la ruine de l'ancienne commanderie des chevaliers de l'ordre militaire et religieux de Saint Jean de Rhodes, servant maintenant d'entrepôt aux marchandises expédiées de France pour le Piémont, lorsqu'une tourmente ne permet pas de les risquer dans ce passage dangereux
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

De Turin, le 1er léger quant à lui est dirigé par Nimes sur Perpignan, où il arrive le 6 octobre. Les trois Bataillons de guerres alignent un effectif de 59 Officiers et 2071 hommes.

Situation en octobre 1808 (côte SHDT : us180810)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - dépôt à Novarre
Conscrits des départements des Basse Alpes - de la Loire de 1809
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Lejeune - Armée d'Espagne - 5e Corps - 2e Division
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt - Armée d'Espagne - 5e Corps - 2e Division
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet - Armée d'Espagne - 5e corps - 2e Division
4ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Bommard à Vérone - Armée d'Italie
5ème Bataillon au dépôt à Novarre - Armée d'Italie - Division des dépôts

Le 22 octobre 1808, à Saint-Cloud, "Sa Majesté est priée de faire connaître ses intentions sur la demande de démission faite par MM. Chepy et Taillade, capitaines aux 1er et 14e régiments d'infanterie légère, qui ont obtenu l'agrément de S. M. le roi de Naples pour entrer dans la garde royale napolitaine"; "Accordé", répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2394 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec l'Empereur du 19 octobre 1808 »).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Dès mon arrivée à Nice je pris le commandement du détachement de recrutement composé d'un lieutenant, de 2 sous lieutenans, de 3 sergens et de 6 caporaux, fournis par le 1er régiment d'infanterie légère, et dès ce moment je fus à la disposition du ministre de la guerre, n'ayant de rapport avec le régiment que par ce qui concernait le personnel, l'habillement et l'armement de mon détachement, ma comptabilité étant toute particulière, de même que celle des hommes de nouvelle levée.
La ville de Nice, chef lieu de l'ancien comté de ce nom, et maintenant du département des Alpes maritimes, faisait autrefois partie de la Provence (aussi dit on encore Nice en Provence pour la distinguer de Nice la paille) et fut ensuite réunie au Piémont. Son territoire s'étend de la Trinité au Var, torrent impétueux qui descend des Alpes, presque toujours dangereux et souvent infranchissable, ayant plus d'un quart de lieue de largeur lorsqu'il est gonflé.
Depuis la réunion de Nice à la France en 1791, il est surmonté d'un pont en bois d'une demi lieue d'étendue, et assez solide pour supporter des trains d'artillerie et le roulage de fortes voitures de commerce; partout ailleurs on rencontre sur ses rives des hommes vigoureux qui font le métier de passer les voyageurs, soit en les portant à dos, lorsque le danger n'est pas grand, soit en les entourant avec de forts bâtons pour les appuyer et pour sonder en même temps le fond qui change soudainement et plusieurs fois même en un jour; ces hommes, appelés gayeurs, sont souvent de vrais charlatans qui vivent aux dépens des voyageurs effrayés, ayant soin d'augmenter leur crainte en raison de la rétribution qu'ils espèrent en retour ; mais c'est encore là une industrie qui tire à sa fin.
Il en est de même du Paillon, son voisin, autre torrent aussi redoutable qui descend des montagnes alpines, et qui sépare la partie basse de la ville du faubourg Saint Jean, pour aller, comme le Var, se jeter à la mer peu distante de ce point. Il est souvent impossible de se prémunir contre son arrivée rapide, quoique des cris poussés par les habitans de son cours supérieur l'annoncent de proche en proche dès sa sortie des montagnes; ses eaux hautes et bondissantes comme des vagues, marchent avec plus de vitesse qu'un coursier lancé à toute bride; et, en un instant elles débordent de leur lit et occupent une largeur immense, entraînant dans leur cours tout ce qu'elles rencontrent, voyageurs, chevaux, voitures, même les maisons qu'elles peuvent atteindre loin des rives de cet indomptable torrent, renversant, en un mot tous les obstacles, quelque puissans qu'ils soient.
Un pont en pierres, d'une solidité admirable, asssure, en tout temps la communication d'une rive à l'autre, malgré que les eaux du Paillon s'élèvent souvent jusqu'à baigner la voûte des arcades par où elles passent. Pour exprimer la perfection et l'immutabilité de ce pont si souvent menacé, les habitans disent qu'il a été bâti miraculeusement par des Anges. La ville est petite et bien peuplée; les juifs y sont nombreux et y vivent, comme partout ailleurs, dans un quartier à part appelé "il guetto", autrefois fermé pendant la nuit; mais aucun empêchement actuel ne s'oppose à ce qu'ils fassent établissement ailleurs ; là sont leurs pénates, leurs propriétés, leurs habitudes.
Abritée des vents du nord est par un rideau boisé formé des montagnes Alpines, traçant un parfait fer à cheval dont l'ouverture est toumée vers la mer au sud, la ville de Nice doit à cette position la régularité et la douceur de son climat. Son port est mauvais; mais à sa gauche et à une demi lieue est celui de Villefranche, au fond d'une anse resserrée, défendue par le fort de Montalban, autrefois célèbre, mais aujourd'hui presque démoli.
Le séminaire diocésain est bâti sur le plateau d'un rocher appelé le Cimier sur la rive droite du Paillon, à un quart de lieue de Nice; près de là se voient les ruines d'un ancien cirque romain, bâti tout en petites pierres dures, parfaitement équarries en forme de briques; les loges dans lesquelles on enfermait les animaux féroces pour les combats, et la circonférence de cette arène sont encore on ne peut mieux indiquées.
Ce beau pays, accidenté de monticules, est un magnifique jardin exhalant en toute saison le parfum des fleurs les plus belles et les plus suaves, et offrant sans cesse à la vue ses delicieux fruits dorés. Le faubourg Saint Jean, entre le Paillon et le Var, la mer et les montagnes, est couvert de maisons de campagne continuellement habitées par des étrangers de toutes les nations qui viennent y récupérer la santé en y respirant un air doux et salubre, et y passer les hivers tempérés comme à Naples, et les étés d'une chaleur moyenne, rafraîchie par le mistral.

1809. - Stances sur Nice
Sites charmans, que la Nature
Embellit de mille couleurs,
L'art magique de la peinture,
En vain voudrait rendre tes fleurs.
Ah ! que ne puis-je sur ma lyre,
Exprimer le joyeux délire
Qui tient tous mes sens agités ;
Tes fruits dorés, leur vert feuillage,
Respectés des vents, de l'orage,
Par moi seraient aussi chantés.
Riches coteaux, beaux paysages,
En vous voyant on est ravi ;
Vous rappelez les premiers âges
Et tenez le coeur asservi.
Des vents l'haleine tempérée,
Chez vous attire chaque année,
Le triste et souffrant voyageur,
Et bientôt lui rendant la vie,
Vous chassez sa mélancolie
Et le ramenez au bonheur.

Une infante d'Espagne (veuve de l'infant don Louis de Bourbon, fils aîné du duc de Parme), ex reine d'Etrurie (Toscane) par la grâce de Napoléon, et dont le royaume, par acte de sa nouvelle politique, venait de lui être retiré et donné à la princesse Elisa, sa soeur, épouse du prince Bacciochi souverain de Lucques et de Piombino, sous le titre de grand duché de Toscane, résidait alors dans ce faubourg, en exilée, tandis que le frère de cette reine, qui plus tard fut roi d'Espagne, sous le nom de Ferdinand VII, était en même temps prisonnier au château de Compiègne.
Cette princesse ne pouvait aller, du côté de la France, que jusqu'au pont du Var, et du côté du Piémont que jusqu'au village de la Trinité, à deux lieues de Nice, même distance que de Nice au Var; ainsi quatre lieues, sans aucune ligne transversale; promenade exiguë qu'elle faisait fréquemment dans une calèche attelée de quatre beaux chevaux, accompagnée de son jeune fils, et d'une suite assez nombreuse.
J'ai fait dans ce département les levées ordinaires de 1809 à 1814; celles extraordinaires, pour le premier ban des cohortes, comprenant un réappel sur les classes de 1806 à 1814.
Plus heureux qu'un très grand nombre de mes collègues, j'ai obtenu du directeur général de la conscription le quitus si désiré de chaque préfet sur toutes ces levées, des lettres de félicitations, une récompense pécuniaire, et la promesse d'un avancement prochain.
Dans mes rapports de service avec les autorités du pays, j'ai toujours été parfaitement bien avec monsieur le préfet Dubouchage, avec messieurs les sous préfets des arrondissemens de Guillaume et de Vintimille; avec les maires des villages et des communes rurales du département ; avec le général Eberlé, commandant la place et le département, l'un des braves de l'armée, aimé des soldats et des habitans; enfin très bien avec l'inspecteur aux revues (intendant) de la 8e division militaire et favorablement noté au ministère.
La seule contrariété que j'aie éprouvé pendant mon premier séjour à Nice me fut suscitée par M. Coroller, chef d'escadron de la gendarmerie du département, avec lequel j'étais en opposition relativement au texte et à l'esprit de la loi sur les conseils de guerre pour la désertion; je mis fin à ses tracasseries par une lettre explicative en forme de mémoire, que j'adressai aux officiers membres des conseils de guerre.

1809. - Banquet de la St. Jn. d'été, à la V. L. des Vrais Amis
Réunis, à l'O ... de Nice.
(Air du Petit Matelot.)
A ce banquet d'amis, de frères ,
Règnent la paix et le bonheur ;
Par des acclamations sincères,
Chacun veut dilater son coeur.
Heureux maçons, toujours ensemble
Vous réalisez l'âge d'or.
La bienfaisance vous rassemble
Et vous rend plus heureux encor.
C'est en vain qu'un profane espère
Connaitre des plaisirs si vrais ;
Il faut posséder la lumière,
Pour discerner les biens parfaits.
Au monde servez de modèles,
De votre sort qu'il soit jaloux ;
Et que de vives étincelles,
Bientôt l'éclairent comme vous !
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

H/ Campagnes de l'Armée de Catalogne (1808-1810)

1/ Premiers engagements

Après le double guet-apens de Bayonne qui, le 6 mai 1808, a consommé l'abdication du vieux roi d'Espagne Charles IV et de son fils Ferdinand VII, Napoléon a enlevé son frère Joseph au royaume de Naples, pour lui faire porter la couronne de Philippe V. Le nouveau roi rentre à Madrid à la fin de juillet.

Depuis l'invasion du Portugal en 1807, les troupes françaises se sont répandues dans la péninsule. "On n'attendait alors que du bien des Français, et, sauf quelques collisions accidentelles entre les hommes du peuple et nos conscrits surpris par le vin des Espagnes ou excités par la beauté des femmes, la cordialité régnait" (Thiers, t. VIII, p. 483) Mais à la nouvelle des événements de Bayonne, l'insurrection éclate partout avec une violence et une férocité à laquelle on ne s'attendait pas.

Les colonnes françaises doivent rétrograder. L'infortuné Général Dupont signe à Baylen, le 19 juillet, une capitulation qui porte un coup fatal au prestige de nos armes. Le roi Joseph quitte, le 2 août, sa capitale où il n'est plus en sûreté et se retire à Vittoria au milieu des troupes françaises, en attendant que Napoléon vienne en personne diriger les opérations militaires.

En Catalogne, l'insurrection est à l'époque quasi générale. Le Général Duhesme est enfermé à Barcelone; le Général Reille a raitaillé Figuières sans pouvoir se relier avec Duhesme. Le Corps italien de Pino et la Brigade napolitaine de Chabot viennent tout juste d'arriver lorsque Napoléon décide d'en finir avec l'Espagne par une campagne rapide et décisive.

Pendant qu'une partie de la Grande Armée s'achemine vers Bayonne, Napoléon "forma avec deux beaux régiments français : le 1er Léger et le 42e de Ligne tirés du Piémont... le fond d'une division qui fut confiée au général Souham" (Thiers, T IX, p. 280). Cette Division devait porter à 36000 hommes environ le nombre de troupes destinées à la Catalogne. "Cette province, séparée du reste de l'Espagne, offrait un théâtre de guerre à part. Napoléon y donna le commandement en chef des troupes à un général incomparable pour la guerre méthodique et opérant toujours bien, quand il était seul, le général Saint-Cyr : on ne pouvait faire un meilleur choix" (Thiers).

Par suite d'une répartition nouvelle des troupes, le 5e Corps devient le 9 octobre 1808 le 7e Corps de l'Armée d'Espagne, confié au Général Gouvion Saint Cyr, et bientôt désigné sous le nom d'Armée de Catalogne. La Division Souham est la 4e du 7e Corps.

Le 1er Léger est cantonné le 15 octobre dans les villages qui bordent le Tech aux environs du Boulou. La Division Souham, qui ne comprenait au début que le 1er Léger et le 42e de Ligne, ainsi que le 24e Dragons, est renforcée alors par les 4e Bataillons des 7e, 67e, 112e de ligne et du 3e Léger.

Le 21 octobre 1808, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, il y a dans le bataillon provisoire de Perpignan des compagnies qui appartiennent à des corps qui sont en Italie ; faites-m'en un raport et incorporez dans le 42e les compagnies d'infanterie de ligne, et dans le 1er d'infanerie légère, les compagnies d'infanterie légère, en renvoyant les officiers à leur corps, et en faisant effacer du contrôle les soldats ainsi détachés" (Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19089).

Le 1er novembre, le Sous lieutenant Gayet est tué au cours d'une reconnaissance.

L'armée espagnole chargée de disputer la Catalogne avec les Français est commandée par don Juan de Vivès. Forte d'environ 40000 hommes, elle comprend, indépendamment des troupes régulières, les Divisions de Reding (insurgés de Grenade), de Lassan (insurgés d'Aragon), un grand nombre de volontaires ou Miquelets (ces derniers sont groupés par tertios, gros Bataillons de troupes légères), ainsi que des Milices locales (ou Somatens; Soumaten en langue catalane est synonyme de tocsin) qui se lèvent en masse au son des cloches pour défendre leurs villages envahis.

L'Armée de Catalogne commence ses opérations en novembre. Son premier but à atteindre est naturellement d'aller délivrer Duhesme, qui est menacé d'être affamé dans Barcelone. Mais avant de se risquer jusque là, Gouvion Saint pense nécessaire de s'emparer de la ville de Roses.

Pendant que les Divisions Pino et Reille vont assièger cette place, le 1er Léger prend position avec toute la Division Souham sur la rive gauche de la Fluvia. Le rôle de Souham est de couvrir les travaux contre les troupes espagnoles qui pourraient être tentées de les troubler. Le 1er Léger passe le Tech le 5 novembre, campe le 6 à la Jonquière, et s'établit le 9 à la Navata.

Fig. 21 Fig. 21c

Les premiers jours, des pluies torrentielles inondent le pays, retardant les opérations et imposant aux soldats, parmi lesquels on compte un très grand nombre de conscrits, de rudes souffrances.

Le 22, les avant-postes de la Division Souham sont attaqués par les Espagnols qui ne veulent alors que tâter les Français. L'attaque est renouvelée le 24 par 15 ou 16000 miquelets et environ 3000 hommes de ligne, sous la conduite du Général Alvarès. Les premiers postes sont tout d'abord obligés de se replier, mais les grand'gardes prennent bientôt l'offensive. "Le 1er régiment d'infanterie légère, le 4e bataillon du 3e léger et quelques compagnies des 67e et 112e de ligne dirigés par M. le général de division Souham ont repoussé l'ennemi sur tous les points. On lui a tué ou blessé 130 ou 140 hommes et fait environ 60 prisonniers dont un colonel, un major, un capitaine et un aumônier" (rapport du Général Rey, chef d'Etat major du 7e Corps, sur le combat de Navata). "Cette affaire fit beaucoup d'honneur au premier régiment d'infanterie légère... Elle prouva au général Alvarès la vigueur des nouvelles troupes arrivées en Catalogne", ajoute le Général Gouvion Saint Cyr dans son "Journal des opérations de l'Armée de Catalogne".

"16e Bulletin de l'Armée d'Espagne
Madrid, le 5 décembre 1808.
... Le 24, l'avant-garde ennemie, campée sur la Fluvia, forte de cinq à six mille hommes, et commandée par le général Alvarès, est venue en plusieurs colonnes attaquer les points de Navata, Puntos, Armodas et Garrigas, occupés par la division du général Souham. Le 1er régiment d'infanterie légère et le 4e bataillon de 3e légère, ont soutenu seuls l'effort de l'ennemi, et l'ont ensuite repoussé.
L'ennemi a été rejeté au-delà de la Fluvia avec une perte considérable en tués et blessés. On a fait des prisonniers, parmi lesquels se trouvent le colonel Le Brun, commandant en second de l'expédition et colonel du régiment de Tarragone, le major et un capitaine du même régiment ...
" (Panchoucke : « Oeuvres de Napoléon Bonaparte », 1821-1822, t. 4, p. 350; Les Bulletins de la Grande armée : précédés des rapports sur l'armée française, depuis Toulon jusqu'à Waterloo, extraits textuellement du Moniteur et des Annales de l'empire : histoire militaire du général Bonaparte et de l'empereur Napoléon, avec des notes historiques et biographiques sur chaque officier. Tome 4 / par Adrien Pascal).

2/ Expédition de Barcelone

Fig. 21a : Rousselot, dans sa planche 5, donne un “shako garni” de Chasseur vers 1809. C'est le modèle classique, avec la plaque du Règlement de 1810.

Fig. 21b : Plaque de shako de troupe, modèle 1810, donné dans La Giberne, 7ème année, page 65. Ce modèle est également donné par Lienhart et Humbert (tome III, planche 55) et par J. Lepinay, dans Le Bivouac, numéro 11.

Fig. 21bbis : Schako de Chasseur. Fût en feutre noir, hauteur 19 cm. Bourdalou en cuir, hauteur 2,3 cm, avec boucle de serrage à l'arrière. Calotte en cuir de vache ciré noir d'environ 23,5 cm de diamètre avec bordure extérieure repliée sur la partie supérieure du fît sur une hauteur de 4 cm. Visière en cuir noir de 6 cm de largeur. Coiffe intérieure en deux parties avec bandeau en cuir cousu à une grosse toile. Plaque de forme losangique en fer estampé d'un cor de chasse découpé en son centre du chiffre 1, hauteur 100 mm, largeur 100 mm. Jugulaires en fer, rosaces timbrées d'un cor de chasse, 40 mm de diamètre, mentonnière avec rosace 200 mm. Cocarde en cuir de 65 mm de diamètre peint tricolore. Pompon en laine rouge (Document extrait de "L'HISTOIRE PAR LES OBJETS CATALOGUE 2009" - avec l'aimable autorisation de Mr Bertrand MALVAUX).

Roses capitule le 5 décembre. A cette date, le 1er léger, commandé par le Colonel Bourgeois, est à la 1ère Brigade Dumoulin de la 4e Division Souham, et présente un effectif de 56 Officiers et 2037 hommes. Le 1er Bataillon (Schmidt) est à Besalu, le 2e (Muguet) à Villajoin et Pontus, et le 3e (Lejeune) à Armados (SHAT).

Situation du 7e Corps à l'Armée d'Espagne le 5 décembre 1808 (Nafziger - 808LSAA)
Commandant : General Comte Gouvion-Saint-Cyr
Division : Général de Division Souham
Brigade :
1er Léger : 3 Bataillons, 2093 hommes

Source : Saint-Cyr, Journal des Opérations de l'armée de Catalogne en 1808
et 1809 sous le commandament du général Gouvion Saint-Cyr, Paris, 1821

Fig. 21bter : Plaque de schako d'Officier modèle 1810. En métal argenté, de forme losangique, estampé de l'aigle couronnée aux ailes déployées tenant dans ses serres le fuseau de Jupiter avec éclairs, surmontant un cor de chasse frappé en relief avec chiffre "1" en son centre. Hauteur 12,1 cm, largeur 11 cm. Cette plaquue en superbe état provient du catalogue du fabriquant d'époque (Document extrait de " L'HISTOIRE PAR LES OBJETS CATALOGUE 2009" - avec l'aimable autorisation de Mr Bertrand MALVAUX).

La veille, Napoléon est entré victorieusement à Madrid. L'Armée de Catalogne se dispose aussitôt à marcher sur Barcelone. Le Général en chef, sachant que d'une part, à Barcelone, il trouvera de l'Artillerie, et que d'autre part, il ne pourra faire passer la sienne que sur deux routes défendues (celle de l'intérieur par Girone et Hostalrich, et celle de la côté par les flotilles anglaise), prend la résolution hardie de laisser à Figuières toute son artillerie et toutes ses voitures, et de marcher sur Barcelone en profitant des chemins de traverse pour tromper l'ennemi sur sa direction, et éviter alternativement le feu des places et des navires. Chaque hommes reçoit 50 cartouches et de vivres pour quatre jours; on charge quelques provisions et 150000 cartouches sur des mulets; puis, le 9, laissant à la Division Reille le soin de garder Roses et Figuières comme base d'opération, Gouvion Saint Cyr franchit la Fluvia devant les détachements de Vivès, qui se retirent précipitamment derrière le Ter. La veille, le Capitaine Witmer a été blessé au cours d'une affaire près de Figuières (il décèdera le 22).

Le 9 décembre 1808, l'Empereur écrit, depuis Madrid, au Général Dejean, Ministre de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, les dépôts du 1er régiment d'infanterie légère et du 42e qui sont à Bellegarde ont déjà 600 conscrits, qui ne sont ni habillés, ni armés. Prenez des mesures pour remédier à ces abus" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2536 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19467). Bellgarde est un point stratégique de la ligne de communication entre la France et le 7e corps en Catalogne au col du Perthus.

La Division Pino ouvre la marche, suivie immédiatement de la Division Souham comprenant le 1er Léger. Gouvion Saint Cyr se dirige tout d'abord sur Girone où se concentrent tous les détachements ennemis. Le 11, il tourne brusquement à gauche, passe le Ter au dessous de Girone et atteint la Bispal. Le 12, sa colonne arrive à Palamos, après avoir essuyé les feux de nombreux Miquelets dans les défilés de Calonja. Le lendemain, les colonnes reçoivent quelques projectiles des canonnières anglaises, qui ne font guère de mal et ont l'avantage d'attirer de ce côté un corps de 5000 hommes venant de Barcelone à la rencontre des Français, au moment où Saint Cyr quittant la côte, rejoint par les traverses la route intérieure.

Plaque de shako d'Officier (recto et verso) attribuée au 1er Léger, conservée au Musée Historique de Moscou (Inv. 68257/10367 M-1741). Communication d'un de nos correspondants russes, qui nous a aimablement autorisé à la reproduire. Cette plaque est indiquée comme appartenant à la période 1806-1812; sans doute portée plus probablement vers 1810-1812. Selon notre correspondant, elle est entièrement en argent. S'agit il d'une fantaisie d'un Officier, ou bien a t'elle été généralisée ? Nous n'en savons malheureusement rien.

Voltigeur en 1811 d'après Lecomte et Leroux
Fig. 21d

Le 13 décembre, Gouvion Saint Cyr arrive en vue de Hostalrich. Les colonnes contournent la place par un sentier qu'un pâtre a indiqué au Général avant le départ de Perpignan. Ce sentier, qu'on a eu beaucoup de peine à trouver, traverse les hauteurs situées au nord-est de Hostalrich. La citadelle ne peut donc envoyer sur la colonne que quelques boulets qui restent sans effets. Le 14, les troupes se reposent. Elles ne sont plus qu'à deux jours de marche de Barcelone.

Le 15, don Juan de Vivès, qui s'est enfin décidé à venir en force pour barrer le passage à Gouvion Saint Cyr, prend avec ses 15000 hommes une excellente position défensive sur les hauteurs boisées de Cardedeu. Des miquelets en grand nombre couvrent les abords de sa ligne. Le gros des forces espagnoles est resté près de Barcelone derrière le Llobrégat. Quant aux détachement qui, après avoir tenté de faire lever le siège de Roses, auraient du au moins s'opposer à la marche de Gouvion, ils se trouvent maintenant derrière celui-ci. Ce résultat est dû à la rapidité des mouvements et des changements de direction opérés par Gouvion les 11 et 13 décembre.

En arrivant devant la position espagnole, la Brigade de tête de la Division Pino se déploie à gauche de la route de Barcelone, pour diminuer les pertes que lui fait éprouver le feu de la Division Reding. Saint Cyr, qui n'a pas de temps à perdre, et ne veut pas se laisser rejoindre par les détachements ennemis qui suivent son arrière garde, lance immédiatement la Division Souham en colonne serrée sur le prolongement de l'extrême gauche de la Brigade italienne déployée, avec ordre de se jeter sur l'ennemi à la baïonnette sans quitter la formation. En même temps, il porte également en colonne serrée la deuxième Brigade de Pino sur le centre ennemi. C'est le seul moyen de triompher à coups de force et d'audace d'une troupe bien postée et munie d'une redoutable artillerie. Dans ses ordres, Gouvion Saint Cyr déclare : "Il faut passer sur le ventre du corps de troupe qui est en face de nous, quel que soit son nombre. C'est la seule et unique chance de succès, dans la position où nous nous trouvons. Nous sommes sans pain et presque sans munitions; nous n'avons que nos épées et nos baïonnettes. Ce sont les seules armes à notre disposition, les seules dont on doive se servir aujourd'hui".

Ces mouvements sont exécutés avec tant de vigueur qu'en un instant la ligne ennemie est rompue et culbutée. La cavalerie achève la défaite de Vivès. Les Espagnols s'enfuient en désordre, laissant sur le champ de bataille 600 morts et 800 blessés, 1200 prisonniers dont le Général Gamboa, toute leur artillerie et deux drapeaux.

Le 17, le Corps de Gouvion entre dans Barcelone, au milieu des transports de joie du Corps de Duhesme délivré. Du 18 au 20, Gouvion Saint Cyr laisse reposer ses troupes, fait distribuer des vivres, et facilite en même temps la concentration des Espagnols derrière le Llobrégat.

"Si on a raison de chercher à diviser un ennemi redoutable, on a raison au contraire de vouloir rencontrer en masse, pour le détruire d'un seul coup, un ennemi plus habile à se dérober qu'à combattre" (Thiers, T. IX, p. 497).

Chasseur 1er Léger 1812
Fig. 21e Lettre avec aquarelle représentant Pierre Morell, datée du 5 novembre 1812.

La nécessité d'éloigner les insurgés amène alors Gouvion Saint Cyr à s'avancer jusque sous les murs de Tarragone. Le 20 décembre au soir, il prend position devant le Llobrégat avec environ 20000 hommes. Vivès occupe la rive droite avec plus de 30000 hommes protégés par des hauteurs boisées, par une forte artillerie et par des ouvrages de fortification, mais démoralisés par les échecs des jours précédents.

Fig. 22 Fig. 23

Pendant la nuit du 20 au 21, il tombe beaucoup de neige et les jeunes conscrits, dont la plupart n'ont pas de capotes, souffrent grandement du froid. Néanmoins, le 21 au matin, Gouvion fait menacer sérieusement le pont de Molins de Rey sur la grande route de Tarragone, et, tandis que les Espagnols prennent leurs dispositions pour résister sur ce point, la Division Pino passe le fleuve au gué de Llors, sous la protection de la Division Souham qui a elle-même franchit le Llobrégat un peu plus bas, au gué de Saint-Jean d'Espi. Ces deux Divisions débordent ainsi la droite des positions ennemies. Elles gravissent aussitôt les pentes avec entrain, malgré le feu ajusté des Espagnols, pendant que le reste du Corps d'armée se prépare à franchir le pont de Molins de Rey. Les troupes ont presque atteint la première ligne ennemie, lorsque la deuxième s'élance en colonne par les intervalles; mais à la vue des baïonnettes françaises, cette seconde ligne rompt ses rangs. C'est le signal de la déroute.

Les deux lignes espagnoles s'enfuient alors en désordre entraînant les réserves. Les hommes jettent leurs sacs et leurs armes pour fuir plus vite; 15000 fuyards se réfugient à Tarragone; c'est tout se que Vivès parvient à rallier. Il laisse entre les mains des Français 50 pièces de canon, et près de 1500 prisonniers, parmi lesquels le Général Caldagnès, commandant de l'aile droite espagnole.

Après une poursuite de quinze heures, la Division Souham s'établit sur les bords de la Gaïa, à dix kilomètres de Tarragone. Vivès est destitué et mis en prison. Le commandement passe au Général Reding, d'origine suisse, qui déploie alors beaucoup d'activité, de vigueur et de talent dans la défense de la Catalogne.

L'armée de ligne espagnole a été réduite, mais le pays tout entier est livré à l'insurrection; les communications sont très difficiles et les vivres sont rares. Les habitants, qui tirent une partie de leur subsistance des provinces voisines ou de la mer, ont l'habitude de conserver leurs grains dans des magasins souterrains que l'on ne parvient à découvrir qu'après bien des recherches infructueuses.

Situation en janvier 1809 (côte SHDT : us180901)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - dépôt à Novarre
Conscrits des départements des Basse Alpes - de la Loire de 1809
STIELER Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt - Armée d'Espagne - 7e Corps - 2e Division
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet - Armée d'Espagne - 7e Corps - 2e Division
3ème Bataillon - Armée d'Espagne - 7e Corps - 2e Division
4ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Bommard à Novarre - Armée d'Italie
5ème Bataillon au dépôt à Novarre - Armée d'Italie - Division des dépôts

Jusqu'au mois de février 1809, le temps se passe donc très péniblement en petites opérations destinées à assurer la subsistance : réquisitions et escortes de convois, épuisantes pour les hommes.

Le 11 janvier 1809, l'Empereur écrit, depuis Valladolid, au Général Dejean, Ministre de l'Administration de la Guerre : "Monsieur Dejean, je trouve ridicule que vous fassiez confectionner à Bordeaux l’habillement du 1er régiment d'infanterie légère et celui du 42e. Ces deux régiments sont à Barcelone et il était bien plus naturel que leur habillement fût confectionné à Montpellier ou à Perpignan. Mon intention pour remédier à cette bévue est que les habits confectionnés à Bordeaux pour ces deux régiments soient envoyés à Bayonne et que vous fassiez confectionner à Perpignan d'autres habillements pour ces corps" (Brotonne (L. de) « Lettres inédites de Napoléon Ier », Paris, 1898, lettre 394 ; Correspondance générale de Napoléon, t.8, lettre 19786).

Le 16 janvier, le Capitaine Menestrel est blessé au cours d'un combat devant Barcelone).

Pendant que les troupes s'épuisent ainsi pour se maintenir au milieu de ces contrées hostiles, Réding réorganise son armée. Il a reçu par terre et par mer des renforts qui le mettent en état de reprendre l'offensive. Si bien que dès les premiers jours de février, Gouvion Saint Cyr estime devoir ramener la Division Souham sur Vendrell, à 25 kilomètres en arrière de la Gaïa.

Réding veut en effet couper Gouvion Saint-Cyr de Barcelone et capturer toute l'Armée de Catalogne. Ainsi, il sort de Tarragone avec 40000 hommes et se dirige par Montblanc sur Santa Coloma.

Situation du 7e Corps à l'Armée d'Espagne le 1er février 1809 (Nafziger - 809BSAJ)
Commandant : Gouvion Saint Cyr
1ère Division : Général de Division Souham
1er Léger : 3 Bataillons

Sources : Oman, A History of the Peninsular War
French Archives, Carton C8 397

De son côté, Gouvion, après diverses opérations auxquelles la Division Souham ne prend aucune part, rassemble enfin cette Division, le 22 février, et marche avec elle sur Walls, dont il s'empare après une courte résistance. C'était un jour de marché, et il a la bonne fortune de trouver là une assez grande quantité de grains. Réding, menacé de se voir coupé de Tarragone, revient sur Montblanc. Le 25, il se met en marche sur Walls, et attaque la Division Souham. Celle-ci repousse sans peine les premières tentatives de l'ennemi. Alors Réding déploie toutes ses forces et renouvelle l'attaque, pendant que Gouvion appelle à lui la Division Pino. La Division Souham soutient seule tous les efforts des Espagnols jusqu'à trois heures, sans perdre de terrain. A ce moment, Gouvion, ayant réuni ses deux Divisions, décide de reprendre l'offensive.

Fig. 24

Selon le rapport du Chef d'Etat major français, "l'ennemi s'était concentré dans une position presque inexpugnable sur un mamelon très escarpé, couvert sur ses flancs et sur son front par des ravins profonds coupés presque à pic et dont un, le Francoli, était rempli d'eau. Les montagnes qu'il avait derrière lui ne permettaient pas de la tourner".

De cette position, Reding fait exécuter un feu très vif d'artillerie et de mousqueterie; mais aucun obstacle ne peut retenir les Français qui se jettent dans les ravins. Un Bataillon du 1er Léger traverse le Francoli en ayant de l'eau jusqu'aux aisselles, et aborde résolument la gauche espagnole. En un instant, tous les ravins sont franchis, et la position enlevée. L'ennemi est poursuivi jusqu'aux porte de Reus. Reding, blessé de deux coups de sabre, ne doit son salut qu'à la vitesse de son cheval; ses Aides de camp, un Général, trois Colonels ou Lieutenants-colonels, cent Officiers, deux mille hommes, toutes l'artillerie, les munitions et les bagages tombent entre les mains des Français.

"Les Divisions Souham et Pino ont soutenu leur réputation et rivalisé, comme à l'ordinaire, d'ardeur et d'intrépidité" dit le rapport. Gouvion fait les plus grands éloges au 1er Léger qui, cependant a subi des pertes sérieuses : le Capitaine Joseph Van Cutssen est resté sur le champ de bataille; le Major Gaillard, les Capitaines Normand, Bouchon et Chomé, et le Sous lieutenant Empereur ont été blessés. L'Adjudant major Tettel a été capturé.

Le lendemain, la Division Souham entre sans coup férir dans l'importante ville de Reus qui, après Barcelone, est la plus peuplée de Catalogne, la plus commerçante et la plus riche. Elle y trouve des vivres, des objets d'équipement, des espadrilles et des souliers, dont les soldats ont le plus grand besoin. Une contribution en argent permet en outre au payeur de l'armée, dont les caisses étaient vides depuis longtemps, de verser un léger accompte aux Officiers, qui étaient dans un dénuement extrême.

L'Armée espagnole quant à elle se trouve désormais entassée dans Tarragone où la maladie commence à faire de grands ravages. Gouvion Saint Cyr reste donc dans ses positions autour de Tarragone, tant qu'il peut disposer du quart d'une ration de pain, c'est à dire un mois environ.

Le 29 février, le Capitaine Bouchon est blessé au cours d'un combat en Catalogne (Martinien).

3/ Marche en retraite

Carabinier en 1812 d'après Leroux
Fig. 24a

Le 20 mars, les Espagnols tenant toujours bon et les vivres étant complètement épuisés, Gouvion Saint Cyr décide d'aller s'établir dans la petite plaine de Vich, où il est à peu près sûr de trouver des grains. Il renonce donc à enlever Tarragone, mais en même temps, il se rapproche de Girone, dont le siège s'impose, et de Barcelone, qui déjà ne communique avec lui que difficilement. La retraite s'effectue d'abord sur Barcelone, sans que Reding ne cherche à l'inquiéter. Mais Gouvion a sur ses arrières les détachements de Wimpffen, de Milans et de Claros avec plusieurs tertios de miquelets et de nombreux Somatens qui ont été levés et harcèlent les troupes de tous côtés. L'Armée de Catalogne repasse néamoins sans trop de difficultés sur la rive gauche du Llobrégat qu'elle atteint au commencement d'avril. Le 1er Léger, qui forme avec le 4e Bataillon du 3e Léger et le 24e Dragons la Brigade Bessières de la Division Souham, a alors un effectif de 1825 hommes. Il suit la route de Vendrell, Arbos, Villafranca, San Matheo, passe le Llobrégat à Molins de Rey et gagne San Cugat et Ripollet à 12 kilomètres au nord de Barcelone où Gouvion établit son quartier général, tant pour se rendre compte de la situation de la place que pour cacher aux Espagnols son intention de gagner Vich, afin que l'ennemi ne fasse pas enlever les provisions qui doivent s'y trouver et sur lesquelles il compte faire vivre l'Armée.

Martinien indique qu'à la date du 2 avril, le Chef de bataillon Schmitt est blessé au combat de Saint Julien en Catalogne.

Situation en avril 1809 (côte SHDT : us180904)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - dépôt à Milan
Conscrits des départements du Mont Blanc de 1810
GAILLARD Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt - Armée d'Espagne - 7e Corps - 2e Division
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet - Armée d'Espagne - 7e Corps - 2e Division
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Bommard - Armée d'Espagne - 7e Corps - 2e Division
4ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Tascher à Novarre - Armée d'Italie - 3e Division
5ème Bataillon au dépôt à Milan - Armée d'Italie - Division des dépôts
Observations : avril 1809 : 2 Cies à la 14e Demi brigade de réserve - 2 Cies et dépôt à Milan

Après quelques jours passés aux environs de Barcelone, la marche sur Vich reprend le 15 avril. Le 1er Léger suit la route encaissée qui remonte tantôt sur la rive gauche, tantôt sur la droite, la vallée du Congost ou rivière de Besos. Ce long défilé qui de Granollers à Aquafreda passe entre de hautes montagnes toujours escarpées et souvent bordées de rochers à pic, se prète mieux que toute autre à la résistance des habitants. Il a en effet été miné en plusieurs endroits par les Somatens.

Dès le 16, il faut enlever aux miquelets le passage de Garriga. Les Espagnols disputent le terrain pied à pied, comptant sur les mines pour achever la destruction des Français. Dans son journal des opérations (p. 154), Gouvion Saint-Cyr écrit que celles-ci "sautèrent bien mais ne produisirent d'autre effet que de présenter un beau spectacle à nos troupes. Ces sortes d'ouvrages font ordinairement plus de peur que de mal. Ils ne firent ici ni l'un ni l'autre".

Fig. 25

Le 18 avril, la Division Souham prend position à Vich. Le 1er Léger s'établit sur la rive du Ter à Riu de Peras (7 kilomètres à l'est de Vich). A l'arrivée des Français, tous les habitants sont partis précipitamment, emportant leurs effets les plus précieux, mais sans avoir le temps toutefois d'évacuer les blés qui sont en assez grande quantité pour faire vivre les troupes jusqu'à l'époque des moissons dans les plaines de Girone. "Il n'était resté à Vich que des malades non transportables, six vieillards et Mgr de Veyan, évêque de la ville, qui n'avait pas voulu quitter le poste que Dieu, disait-il, lui avait assigné près des malades : courageux dévouement qui faillit lui coûter la vie, quand les Espagnols rentrèrent dans Vich après notre évacuation".

On trouve également du vin pour quinze jours, et du lard pour un mois. Néanmoins, l'insuffisance de la nourriture, les grands froids (il neigeait presque tous les jours) et le manque d'effets de couchage et de couvertures (que les habitants avaient toutes emportées) ne tardèrent pas à donner beaucoup de malades. Dès la fin avril, on ne boit plus que de l'eau. Le 1er mai, le Régiment a aux hôpitaux 1 Officier et 349 hommes. Le 12 mai, un rapport indique que la viande et le vin manque, y compris dans les hôpitaux, et dès le 15 mai, le manque de viande est général, si bien que les hommes sont mis au pain et à l'eau. Le 21 juin, 3 Officiers et 457 hommes sont maitenant aux hôpitaux.

Autour de Vich, les avants postes sont fréquemment attaqués et les corps, pour assurer leur sécurité, doivent exécuter de fréquentes reconnaissances et parfois même de véritables expéditions.

Le 23 avril, dans une reconnaissance sur la rive gauche du Ter, le 3e Bataillon du 1er Léger est vivement attaqué à San Martin de Caros par des Somatens qu'il repousse non sans peine. Le Commandant Schmitt reçoit dans cette rencontre une blessure grave; le Capitaine Ménestrel et le Lieutenant Défosseux sont également blessés.

Dans une autre opération conduite vers l'est, afin de reconnaitre les chemins à suivre pour se rapprocher de Girone, le Capitaine Brismissholtz est mortellement atteint le 28 mai. Le lendemain, le Sous-lieutenant Bernard Albrespit est blessé dans la vallée de San Hilario Sucalm. Martinien indique également les Capitaines Chome et Laisne blessés. Enfin, le 1er juin, le Commandant Erhard reçoit une balle qui nécessite l'amputation de son bras gauche.

Voici l'Etat nominatif des officiers des trois premiers Bataillons du Régiment à la date du 1er juin 1809 (collection particulière - S.E.H.R.I.):

Alquier Charles, lieutenant de la compagnie des carabiniers du 2e bataillon
Albrespit Bernard, sous-lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 1er bataillon
Albrespit Jean Marie Claude, sous-lieutenant à la compagnie des carabiniers du 1er bataillon
Barroux Nicolas, capitaine de la compagnie des voltigeurs du 1er bataillon
Barsacq Pierre, sous aide chirurgien major au 2e bataillon
Boé Jean, aide chirurgien major au 2e bataillon
Bommart Aimable, chef du 3e bataillon
Bouchon Jean Henry, capitaine de la 3e compagnie du 1er bataillon
Bouillet Antoine, capitaine à la compagnie des carabiniers du 1er bataillon
Bouillet Gaspard, adjudant major au 2e bataillon
Bouillet Georges, capitaine de la 2e compagnie du 2e bataillon
Bourgeois Charles François, colonel.
Bresse André François, lieutenant de la 2e compagnie du 2e bataillon
Brinischoltz Jacques Nicolas, capitaine de la 2e compagnie du 1er bataillon
Charton Joseph, lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 2e bataillon
Chavarin Joseph, lieutenant de la compagnie des carabiniers du 3e bataillon
Chomé Joseph, capitaine de la 4e compagnie du 1er bataillon
Coueller Jean Baptiste, capitaine de la 3e compagnie du 2e bataillon
Défosseux Etienne François, sous-lieutenant de la compagnie des carabiniers du 3e bataillon
Delamarre Pierre Forti, sous-lieutenant de la 4e compagnie du 3e bataillon
Delambre Charles Antoine, officier payeur
Dénéchaux François, capitaine de la 4e compagnie du 2e bataillon
Dogimont Marie, lieutenant de la 1ère compagnie du 3e bataillon
Drouat Jacques Henry Gabriel, sous-lieutenant de la 1ère compagnie du 3e bataillon
Fayet Jean Marie François, sous-lieutenant de la 3e compagnie du 3e bataillon
Fleuret Etienne Jean, sous-lieutenant de la 2e compagnie du 2e bataillon
Fourcy Guilin, adjudant major au 3e bataillon
Gayet Joseph, sous-lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 2e bataillon
Honorat Jean Antoine François, lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 1er bataillon
Houillon Hubert, sous-lieutenant de la 2e compagnie du 3e bataillon
Jacquet Jean Claude Louis, lieutenant de la 3e compagnie du 1er bataillon
Kinsly Amédé, sous-lieutenant de la 3e compagnie du 2e bataillon
Labarre Jean Baptiste, sous-lieutenant de la 3e compagnie du 4e bataillon
Laisné Ferdinand, capitaine de la 1ère compagnie du 1er bataillon
Laurent Joseph, chirurgien major au 1er bataillon
Lesage Victor, sous-lieutenant de la 1ère compagnie du 1er bataillon
Marchapt Jean, lieutenant à la compagnie des carabiniers du 1er bataillon
Menestret Nicolas, capitaine de la 4e compagnie du 3e bataillon
Merlet Henry, lieutenant de la 4e compagnie du 2e bataillon
Michel Pierre, adjudant major au 1er bataillon
Montossé Jean Amboise, capitaine de la compagnie des carabiniers du 3e bataillon
Mosseron Jean Baptiste Pierre Bouard, sous-lieutenant de la 4e compagnie du 1er bataillon
Normand Claude Alexis, capitaine de la compagnie des voltigeurs du 2e bataillon
Olivier Benjamin Antoine, sous-lieutenant de la 1ère compagnie du 2e bataillon
Pater Jean Marie, lieutenant de la 4e compagnie du 3e bataillon
Pesquaire Jean, sous-lieutenant de la compagnie des carabiniers du 2e bataillon
Pomien Jean Baptiste, sous-lieutenant de la 2e compagnie du 1er bataillon
Poulain Pierre, capitaine de la 1ère compagnie du 3e bataillon
Prime Jean Baptiste, capitaine de la 3e compagnie du 3e bataillon
Roux Henry Alexandre, lieutenant de la 2e compagnie du 1er bataillon
Saget Charles, capitaine de la 1ère compagnie du 2e bataillon
Salmon Antoine, capitaine de la 2e compagnie du 3e bataillon
Samson Joseph, sous-lieutenant de la 3e compagnie du 1er bataillon
Schmit Jean François, chef du 2e bataillon
Stievenard Louis, sous-lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 3e bataillon
Tardu Jean, sous-lieutenant de la 4e compagnie du 2e bataillon
Thomas Louis, lieutenant de la 1ère compagnie du 2e bataillon
Valch Rémy, lieutenant de la 3e compagnie du 2e bataillon
Vancutsen Joseph, capitaine de la compagnie des carabiniers du 2e bataillon
Viervil Pierre, aide chirurgien major au 3e bataillon
Witmerd Jacob, capitaine de la compagnie des voltigeurs du 3e bataillon

4/ Protection du siège de Girone

Fig. 26

Une situation de la Collection Nafziger indique les forces françaises ayant pris part au siège entre le 1er juin et le 15 septembre 1809. Parmi ces forces figurent à la date du 1er juin au sein de l'armée de couverture du siège, commandée par le Général de Division Saint Cyr, le 1er Léger (1965 hommes répartis en 3 Bataillons), Brigade Bessières, Division Souham (Nafziger 809ISAE - sources : Belmas, J., "Journaux des Sièges Faits ou Soutenus par les Francais Dans la Péninsule de 1807 à 1814", Paris, 1836; Oman, "A History of the Peninsular War").

La nécessité d'activer le siège de Girone est devenue urgente. D'un autre côté, l'armée régulière espagnole, passée sous les ordres de Blake après une tentative infructueuse en Aragon (Blake a été investi du commandement de toutes les troupes de la Coronilla savoir Royaume de Valence, Aragon et Catalogne après la mort de Réding à Tarragone), se rapproche des Divisions Souham et Pino. Cette armée, positionnée aux environs de Vich, est encore trop éloignée de Girone pour en interdire l'approche à une armée de secours. Le 18 juin, Gouvion Saint-Cyr met donc en route ses deux Divisions, qui se dirigent sur Caldas de Malavella. Le 1er Léger prend le 20 juin ses cantonnements au sud-ouest de Brugnola.

En arrivant dans ses emplacements vers Santa Coloma de Farnès, une Brigade de la Division Pino a la chance d'enlever un parc de mille à douze cents boeufs que Blake destinait à Girone. On va enfin avoir de la viande et faire la soupe. Cette nouvelle est accueillie avec d'autant plus de joie qu'on trouve également à Santa Coloma du vin en abondance. Mais le grain fait encore défaut, et quand les provisions de blé emportées de Vich par les soldats eux mêmes furent épuisées (en effet, les sentiers par lesquels on avait du passer en quittant Vich ne permettaient à aucune voiture de suivre les colonnes; tous les équipages avaient d'ailleurs été renvoyés à Barcelone avant le départ de Vich), il fallut se contenter de bouillie d'orge. Et ce d'autant plus que les habitants ont détruit leurs moulins. Du coup, en attendant les attaques de Blake, les soldats se mettent ils à réparer les moulins, à faire les moissons et à battre les grains. La subsistance des troupes est ainsi assurée jusqu'à la fin d'août. En juillet, le 1er Léger cantonne son 1er Bataillon à Brugnola, son 2e à Vilobi, et son 3e à Santa Coloma.

Situation en juillet 1809 (côte SHDT : us180907 C8436085)
Chef de Corps : BOURGEOIS Colonel - infanterie
Garnison - dépôt à : Milan
Conscrits des départements du Mont Blanc de 1810
GAILLARD Major - infanterie ; DELAMBRE-JOLY Quartier maître trésorier
1er Bataillon commandant : Chef de Bataillon Huguet à Brignolet - Armée d'Espagne - 7e Corps - 1e Division Souham - 1e Brigade
2ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Schmitt à Vilobi - Armée d'Espagne - 7e Corps - 1e Division Souham - 1e Brigade
3ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Bommard à Santa Colonna - Armée d'Espagne - 7e Corps - 1e Division Souham - 1e Brigade
4ème Bataillon commandant : Chef de Bataillon Tascher - Armée d'Italie - 1e Division du centre
5ème Bataillon au dépôt à Milan - Armée d'Italie - 14e 1/2 Brigade de réserve
Observations : juillet 1809 : 2 Cies à la 14e 1/2 Brigade provisoire de réserve à Milan - 2 Cies et dépôt à Milan

Le 1er août, tout le Régiment est réuni à Santa Coloma, toujours occupé aux travaux de la moisson, autant que le permettent alors des pluies presque continuelles. Quelques jours après, il se divise de nouveau : le 1er Bataillon revient à Brugnola, le 2e va à San Dalmay, le 3e à Bescano sur le Ter. Ceci afin de protéger les communications avec Figuières. Le 10 août (le 4 selon Martinien), le Capitaine Antoine Salmon se noie accidentellement dans le Ter en poursuivant des brigands.

A la fin du mois, Blake, après avoir tenté à plusieurs reprises de faire entrer dans Girone des troupes et des vivres, et sous la pression de la Junte de Girone, et en butte aux reproches du Général Alvarès, gouverneur de cette ville, mais aussi en raison des ordres de la Junte générale, se décide à réunir toutes ses forces pour délivrer la place, bien qu'ayant souhaité attendre d'avantage que le manque de vivres et les maladies amenées par les chaleurs aient complètement affaibli les troupes françaises. La situation de l'Armée de Catalogne est devenue des plus critiques : inférieure en nombre, loin de tout secours, au milieu d'un peuple férocement hostile, elle rique de voir le moindre échec se transformer en déroute totale.

Le 1er Bataillon du 1er Léger reçoit le premier choc d'Alvarès.

Dans son rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Le 31 août 1809, au matin, plusieurs bataillons ennemis, savoir : deux du régiment de Wimpfen, suisses; un de celui de Savoie, piémontais; et un de Tarragone, attaquèrent vigoureusement le deuxième bataillon du 1er régiment d'infanterie légère, dans sa position de Bruniola, et voulurent s'emparer de ce poste qui gênait les mouvemens de l'armée ennemie.
Trois cents grenadiers suisses montèrent les premiers, soutenus par deux de leurs bataillons ; la deuxième compagnie de voltigeurs commandée par le capitaine Roux, leur opposa une vive résistance, aidée d'ailleurs par la seconde compagnie de chasseurs du second bataillon qui vint à son secours; cependant, ces deux compagnies furent obligées de quitter de petits retranchemens qu'elles s'étaient faits pour prévenir toute surprise, et pour résister à toute attaque; mais la force de l'ennemi était par trop supérieure, en ce qu'il pouvait déborder nos ailes. Les hauteurs que ces deux compagnies occupaient, allaient tomber au pouvoir de l'ennemi ; il avait déjà planté son drapeau sur les retranchemens, lorsque M. Montossé, adjudant major, arriva avec deux compagnies de chasseurs du deuxième bataillon, dont il avait le commandement, et parvint à contenir les Espagnols pendant quelque temps; mais ces compagnies ne gardèrent pas leurs rangs; emportés par une fougue répréhensible, ces chasseurs se jetèrent pêle mêle en tirailleurs, et leur feu ne put suffire pour faire rebrousser l'ennemi : le commandement ne leur parvenait plus. Dans cette circonstance critique, ne consultant que son courage, M. Montossé se précipita de sa personne au milieu des Suisses, au risque d'y périr, sachant que tout était perdu s'il ne réussissait pas. Armé d'un fusil qu'il venait d'arracher des mains d'un Suisse, il enfonça sa baïonnette dans le flanc du premier ennemi qu'il rencontra, au moment où le fusil de celui ci venait de rater à bout portant; cet ennemi tomba mort du coup mais la baïonnette lui resta dans le corps; il fut obligé de se servir alors du canon, de la crosse et de frapper tout autour de lui pour se défendre contre toutes les attaques ; cette action incidente détourna l'attention de l'ennemi qui s'arrêta spontanément; secondé bientôt par le caporal Larouturon, et le voltigeur Garnier, M. Montossé reprit aussitôt tout ascendant sur les siens, et s'en servit pour écraser les Suisses qui, vaincus, jetèrent leurs armes et se rendirent prisonniers; toutes les compagnies françaises, dispersées en tirailleurs, se réunirent et culbutèrent les nouveaux assaillans jusqu'au bas de la montagne.
Trente deux blessés, dont deux officiers, et quinze prisonniers enlevés par M. Montossé et les deux militaires venus à son secours, furent le résultat de cette affaire dans laquelle nous n'eûmes que trois hommes tués et quatorze blessés. M. Roux qui commandait la compagnie la plus avancée a eu l'occasion de tuer de son sabre deux soldats ennemis. Généralement les officiers des quatre compagnies engagées ont payé de leur personne, ct tous, sous officiers et chasseurs se sont bien montrés.
Le soir, le deuxième bataillon partit de Bruniola pour se rendre à San Dalmay, autre position où le régiment s'est réuni, s'attendant à voir ce point attaqué ; mais l'ennemi ne vint pas
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

"Le général Blake s'est chargé de cette opération (délivrer Girone). Il a réuni tous les moyens qui se trouvaient en Catalogne... A la tête de ces forces et de celles qui étaient déjà devant nous, il a débouché des montagnes de Vich le 31 août; et son avant garde, composée des régiments de Savoie et de Wimpffen suisse et d'un bataillon de miquelets, est venue attaquer avec beaucoup de résolution un bataillon du 1er régiment d'infanterie légère campé à Brugnola. Déjà, elle s'était emparée d'une partie de la position quand le bataillon, s'élançant sur l'ennemi à la baïonnette, le culbuta, lui fit éprouver une perte considérable et demeura en position à Brugnola jusqu'au soir. Alors, il l'évacua sur l'ordre qui lui en fut donné pour se mettre en ligne avec son corps. Cette action fait beaucoup d'honneur à ce bataillon et aura donné à l'ennemi la mesure de ce qu'il aura à attendre de nos troupes" (Rapport du Général Rey, Chef d'Etat major général de l'Armée, au Ministre; 3 septembre 1809).

Fig. 27 Fig 27a

"Malgré nos efforts, l'ennemi n'a pas voulu s'engager. Il avait été si bien reçu à Brugnola par le 1er bataillon du 1er régiment d'infanterie légère français qui, attaqué dans ses positions par trois bataillons d'élite (dont un suisse et deux de ligne), a forcé l'ennemi à la retraite après avoir laissé plus de cent hommes tués sur le champ de bataille, dont cinquante à soixante l'ont été à la baïonnette. Nous avons eu deux ou trois tués et vingt cinq blessés" (Rapport du Général Rey au Ministre daté du 4 septembre). Précision : le nombre exact de tué est trois.

Gouvion Saint Cyr parle également du combat de Brugnola : "Le général en chef, étant rentré à Fornells où son quartier-général était établi depuis le 10 août, apprit les détails de l'affaire qui avait eu lieu dans la matinée en avant de Brunola; un bataillon du premier régiment d'infanterie légère s'y était couvert gloire, en résistant, dans plusieurs attaques réitérées, à sept bataillons de l'avant garde ennemie, commandée par le brigadier O'Donnell, qu'il avait enfin culbutés et mis en déroute au moyen d'une charge à la baïonnette, l'une des plus audacieuses que l'on ait jamais exécutées. Le général en chef craignit dès-lors que la brillante conduite de ce bataillon ne nuisît à ses projets, en intimidant l'ennemi; tant d'intrépidité avait pourtant rendu un grand service, attendu que les troupes étaient entièrement disséminées, et qu'elles ne commencèrent les mouvements pour se rassembler que pendant les attaques de l'ennemi sur ce bataillon; mais vers le soir, le général en chef lui envoya l'ordre de se retirer sur la rive gauche de l'Ona, espérant, par ce mouvement rétrograde, diminuer l'effet que sa bravoure avait produit sur les Espagnols qui paraissaient venir à nous par obéissance plus que par enthousiasme" (Journal des opérations, p. 214).

Rey a parlé de trois bataillons, mais il écrit au lendemain même de l'action, dont tous les détails ne sont pas encore connus ; Gouvion pour sa part appuie le nombre de sept sur le rapport même du Colonel O'Donnell, qui dirigeait l'attaque et donne les noms de ces sept Bataillons : 1er et 2e Bataillons du Régiment Saboya, quatre Bataillons du Régiment de Wimpffen, et le Bataillon de Tarragone.

Le lendemain 1er septembre, tout le 1er Léger est réuni sur la rive gauche de l'Ogna, où Saint-Cyr attendant la bataille, concentre toutes ses troupes disponibles, soit environ 8000 hommes. Blake réussit à surprendre une Brigade de la Division italienne et parvient ainsi à faire entrer dans Girone quelques troupes et des vivres pour huit jours; puis, satisfait sans doute de ce résultat et sous l'impression du souvenir de la charge de Brugnola, il renonce à une attaque générale, se bornant à rôder autour des Français jusqu'à la fin du mois.

Dans son rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Le 1er septembre, le premier bataillon se rendit à Estangalet.
Le 2, le deuxième bataillon, conjointement avec le 42e de ligne, se portèrent sur la route d'Ostratie, en avant garde, suivis d'une partie de la division de réserve, croyant y rencontrer l'ennemi.
Le 9 à minuit, le deuxième bataillon se mit en marche pour se rendre à Salt.
Le 19, à six heures du matin, notre troisième bataillon, ici depuis quelques mois, fut remplacé à Mont Cal, par un bataillon westphalien, et n'y rentra que le 22 à cinq heures du matin.
Pendant notre station à Mont Cal, les troupes employées au siège de Gironne, montèrent à l'assaut de cette place, à deux heures après midi; les Espagnols furent héroïques dans leur défense. Nos troupes furent partout repoussées, nous y perdîmes, sur le point où était aussi notre troisième bataillon, cent cinquante hommes tués, et nous eûmes trois cents blessés; parmi ces derniers se trouvent le colonel Rufini du 32e de ligne; français ; le colonel Foresti du 5e de ligne, italien; trois chefs de bataillon blessés grièvement ; votre beau-frère, du 3e bataillon, M. François Tombeur, sous lieutenant de carabiniers fut, pendant l'assaut atteint d'une balle au pied et laissé sur la brèche au moment de la retraite; des carabiniers de sa compagnie s'en étant souvenu, volèrent incontinent à sa recherche, s'exposant à une mort presque certaine, et parvinrent à le découvrir et à le ramener; ces braves, en lui prouvant un si grand attachement, nous l'ont heureusement rendu; il est allé aux eaux de Bagnères.
Le 20, le troisième bataillon a repris sa position de San Dalmay
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 25 septembre 1809, l'Empereur écrit, depuis Schönbrunn, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke, vous trouverez ci-joint l'idée d'un rapport pour justifier la levée des 36 000 conscrits que je viens d'ordonner. Vous trouverez également la répartition de ces 36 000 conscrits. Ajoutez à votre rapport une considération sur la grande quantité de conscrits qui restent sur les années passées, écrivez-en même le nombre s'il en reste effectivement 500 000, dites qu'il y en a 800 000. Il est nécessaire que cette phrase soit bien frappée, parce qu'elle fera une grande influence sur l'étranger.
Napoléon
Décret « de distribution » répartissant les 36 000 conscrits par place forte ou régions militaires
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
Article 1er
La distribution des 36 000 conscrits levés en vertu du sénatus-consulte du […] octobre, sera fait ainsi qu’il suit :
... 2000 sur Perpignan ; savoir :
… 400 pour le 1er d’inf. légère ...
Relevé de la distribution des 36 000 conscrits suivant l’ordre numérique des régiments employés à l’armée d’Espagne :
... Infanterie légère
1re à Perpignan 400 ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22176).

Le 26 septembre, Blake tente encore d'envoyer et de faire pénétrer dans Girone un convoi de vivres ; mais les troupes chargées de le conduire sont battues et dispersées. La Division Souham, qui était en position d'attente sur les bords de l'Ogna entre Palan et Fornells, reçoit une partie des fuyards. Le 1er Léger et le 24e Dragons font 700 prisonniers dont 40 Officiers. Tout le bétail reste entre les mains des Français : 1000 moutons, quelques boeufs et 1400 mulets chargés de lard, légumes, eau de vie, chocolat, café et poudre. Après cet échac, Blake abandonne définitivement Girone dont la capitulation n'est plus qu'une affaire de temps.

Le 1er octobre, le 7e Corps (Augereau) présente la situation suivante : Armée d'Observation (Maréchal Augereau); Division Souham; 1ère Brigade Bessières; 1er Léger : 3 Bataillons, 1598 hommes (Nafziger 809JSBQ - Source : Belmas, J., "Journaux des Sièges Faits ou Soutenus par les Francais dans la Péninsule de 1807 à 1814", Paris, 1836).

Dans son rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Le 8 octobre, les deuxième et troisième bataillons du régiment quittèrent leurs positions pour en prendre de nouvelles sur les hauteurs de Forcelle, entre San Dalmay et Aiguaviva. Le premier resta à Estangalet" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Fig. 27b
Fig. 27ba Cornet en Espagne, 1812, d'après Pierre Albert Leroux : "Les Français en Espagne, 1808-1814" (Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library. Avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington)

Le 13 octobre, le Maréchal Augereau prend le commandement de l'Armée de Catalogne. En effet, Gouvion, dont le caractère était absolu, a, malgré ses succès en Catalogne, été rappelé. Depuis le mois de mai, il était informé que Augereau devait le remplacer, mais ce dernier était resté à Perpignan, malade. Gouvion, lui même fatigué, avait conservé provisoirement la conduite des opérations, mais il rentra en France dès que Blake s'éloigna de Girone. Quelques jours plus tard, le Général Bessières qui était tombé malade rentre également en France, et il fut remplacé à la tête de sa Brigade par le Général du Moulin.

Dans son rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Dans la nuit du 14 au 15, l'ennemi sortit de Géronne, pour favoriser la fuite du surplus des hommes inutiles à la défense de cette place, ainsi que les femmes et les enfants, dans le but de ménager les vivres. Ces malheureux parvinrent à gagner le versant des montagnes que nous ne pouvions occuper. Notre second bataillon fut inutilement envoyé à leur poursuite, car il ne put leur prendrc que quelques prisonniers.
Le 18, au soir, nos trois bataillons se mirent en marche et se réunirent au jour dans la plaine, devant Gironne, ils y furent passés en revue par le duc de Castiglione, maréchal Augereau; après quoi ils retournèrent à leurs positions respectives.
Le 21, le régiment se mit en marche et se porta sur les hauteurs de San Dalmay; de cet endroit les carabiniers et les voltigeurs du troisième furent envoyés en reconnaissance; ces deux compagnies rencontrèrent l'ennemi en force près de Bruniola ; elles se retirèrent lentement : les Espagnols ne voyant là qu'une faible troupe la poursuivirent avec acharnement, et blessèrent quelques hommes, notamment M. Defosseux, lieutenant de carabiniers, et M. Charton, lieutenant de voltigeurs ; le premier eut la cuisse traversée d'une balle. Le soir, le régiment fut remplacer, sous Gironne, le deuxième régiment d'infanterie légère italien.
Le 29, il fut passé en revue dans la plaine de Salt, par le maréchal Augereau; puis il fut envoyé à sa précédente position sous Gironne.
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 29 octobre, un fort parti ennemi s'étant établi à Santa Coloma, le Général Souham donne l'ordre de le déloger. "Je suis parti aujourd'hui (1er novembre 1809), à 4 heures du matin, avec huit bataillons, trois escadrons et trois pièces de canon pour attaquer les insurgés qui occupaient la position de Santa Coloma (une divison du corps de Blake, huit mille fantassins et quatre cents cavaliers). J'ai trouvé l'ennmi dans le village de Santa Coloma, ayant crénelé toutes les maisons pour pouvoir y tenir aec plus de sûreté. Le reste de la troupe, en position sur les hauteurs de ce village, avait devat elle un énorme ravin. pendant que deux bataillons du 42e franchissent le ravin pour tourner l'ennemi par sa droite et que deux autres bataillons font de même pour tourner sa gauche, le général du Moulin enlève à la baïonnette le village de Santa Coloma avec les trois bataillons du 1er régiment d'infanterie légère et trois escadrons de cavalerie.

Après trois heures de fusillade très vive, l'ennemi a été chassé de toutes ses positions et mis dans la plus grande déroute. Ceux qui ont échappé n'ont dû leur salut qu'aux difficultés insurmontables d'une poursuite dans les montagnes.

L'ennemi a eu 2000 hommes tués ou blessés; nos pertes ont été de 10 officiers tués, 5 blessés, 10 soldats tués et 40 blessés. Le courage et la bravoure de la division a été bien au dessus de tout ce que je pourrais dire" (Compte rendu du Général Souham, écrit le soir du combat de son camp sous Bescano).

Le 1er Léger compte parmi les blessés le commandant Poupier récemment arivé au Régiment (venant du 7e de Ligne), le Capitaine Choueller, le Lieutenant Charton, et les Sous lieutenants Georges et Samson.

Dans son rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Le 1er novembre, le régiment, réuni à toute sa division, se mit en marche, à 4 heures du matin, après avoir pris des vivres à Salt, et se porta sur la route d'Ostratie, et sur le village de Santa Colonna; le premier bataillon forma l'avant garde de la division, en arrivant sur les hauteurs en avant de ce village, par rapport à nous, nous rencontrames les avant postes ennemis qui furent sur le champ chassés; le chef de bataillon Poupier reçut un coup de feu qui lui traversa la jambe et le corps de son cheval. Le commandement de ce bataillon fut remis à M. Antoine Bouillet, le plus ancien des capitaines. On avança vivement en tirailleurs; on attaqua le village que les Espagnols avaient fortifié, barricadé avec des tonneaux pleins de terre, des troncs d'arbres, des fascines, des chevaux de frise, des épaulemens, et malgré tous ces obstacles et les feux meurtriers que l'ennemi lançaient sur nous à coups sûrs, Santa Colonna fut emportée de vive force. L'ennemi s'est ensuite retire dans les retranchemens qu'il s'était préparé sur les hauteurs, derrière le village, et y occupa des positions qui paraissaient inexpugnables; le régjment fut chargé de l'attaque de front, pendant que le 42e tournait par la gauche; on avança aussi rapidement que possible, toujours en bon ordre; une fusillade s'engagea aussitôt que nous fûmes à portée; les positions, en amphithéâtre, furent successivement enlevées par le régiment, protégé par notre artillerie parfaitement dirigée, qui fit dans les retranchemens un ravage horrible, tellement le point d'où elle tirait lui était favorable. Les Espagnols se retirèrent, éprouvant une peete considérable en tués, blessés et prisonniers. Nous mîmes près de deux heures à gravir ces monts rapides, dont les sommets, en ligne droite, n'étaient éloignés de nous que de trois quarts de lieue. Au moment ou nos tirailleurs gravissaient les monts pour engager le combat, la cavalerie ennemie, forte de 600 hommes, voulut charger les troupes en réserve aux pieds des monts, mais un escadron du 24e dragons s'opposa à cette charge, et quoique très inférieur, cet escadron força la cavalerie espagnole à se retirer avec perte en hommes et en chevaux.
Le régiment, après avoir chassé l'ennemi des hauteurs, détruisit les retranchemens, les épaulemens, brûla les chevaux de frise, les fascines et les barricades; puis, rappelé, il forma l'arrière garde de la division restée spectatrice du combat, et retourna dans ses premières positions. Les hommes du régiment, indistinctement, étaient harassés de fatigue ; la distance parcourue de Gironne à Santa Colonna est de cinq fortes lieues ; ainsi le même jour, y compris la montée, nos chasseurs en firent plus de douze, sans repos, gravissant des pentes rapides et élevées tout en faisant le coup de feu.
Dans cette affaire nous avons perdu le sergent Mesuy, et le sous lieutenant Gayes, de la deuxième compagnie de voltigeurs, jeune homme de grande espérance; le capitaine Jean Baptiste Chouëller; le lieutenant Charton, le sous lieutenant Luice, furent blessés, ainsi que vingt six de nos sous officiers et chasseurs; le nombre des morts est de trente cinq.
Ce brillant combat nous mérita les éloges du maréchal, insérés dam; l'ordre de l'armée que je transcris.

ARMéE D'ESPAGNE
Au quartier général de Mont Fulla, 4 novembre 1809.
Soldats,
Il est bien agréable au général de division, en vous envoyant l'ordre du jour, de vous féliciter, vous, particulièrement M. le Colonel commandant le 1er régiment d'infanterie légère, sur la bonne conduite qu'a tenu votre régiment. Le général de division ne négligera rien pour solliciter après du gouvernement la récompense dûe aux hommes que vous lui avez désignés.
Signé : GUILLEMINOT.

Au quartier général à Fornello, 2 novembre 1809.
ORDRE DU JOUR
Son Excellence, le maréchal de l'Empire, duc de Castiglione, commandant en chef l'armée en Espagne, témoigne à M . le Général de division Souham, et aux troupes sous ses ordres, toute sa satisfaction pour la belle conduite que cette division a tenue hier, dans le brillant combat qu'elle a eu à soutenir en attaquant Santa Colonna, que l'ennemi avait retranché, ainsi que les hauteurs où il croyait les six mille hommes qu'il y avait placés inexpugnables.
Vivement attaqué sur tous les points il a été culbuté après une vigoureuse résistance, et poursuivi deux lieues dans les montagnes, il ne s'est rallié qu'à Saint Hilaria, où se trouvait le reste de l'armée. La perte de l'ennemi a été considérable en tués, blessés et prisonniers.
Monsieur le Général de division Souham fera connaître à Son Excellence le Maréchal, les officiers, sous-officiers et soldats qui se sont particulièrement distingués.
Le général de brigade NEY.
Pour copie conforme : Le colonel BOURGEOIS
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Enfin, le 11 décembre, Girone ouvre ses portes : l'Armée de Catalogne se trouve libre de ses mouvements.

5/ Expédition d'Olot

Fig. 28

Le 20 décembre, le Maréchal Augereau ordonne au Général Souham de faire une expédition dans la direction d'Olot, tant pour y faire des provisions que pour en chasser les guérillas qui infestent cette contrée. Le Général de Brigade Augereau, frère du Maréchal, a pris, depuis le début du mois, le commandement de la 1ère Brigade composée du 1er Léger, du 7e de Ligne et d'un détachement du 24e Dragons.

Le 21 décembre, la Division rassemblée à Girone prend la route de Bésalu. A Bagnolas, elle tourne au nord puis franchit la Flivia à Esponella et campe le soir à Crespia, pour appuyer le mouvement de la Division Verdier qui se rend à Figuières.

Le 22 décembre 1809, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, le 1er d’infanterie légère et le 42e ont leurs dépôts en Italie et leurs régiments en Catalogne. Il faut les recruter. Faites-moi connaître ce qu’on pourrait faire partir de ces 2 régiments. Ces détachements se réuniraient aux 3e léger, 7e de ligne, 93e, 2e, 56e, 37e et 102e. Les détachements de ces 9 régiments formeraient un régiment de marche qui serait dirigé sur Perpignan ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3844 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22695).

Le 24, Souham revient à Bagnolas d'où il marche directement sur Olot par Alfas, Cellent, et Santa Pan, sans être trop inquiété par les miquelets de Clarus, qui s'est concentré à Castell Follit sur la Fluvia, entre Bésalu et Olot. A la nuit, l'avant garde arrive devant Olot, mais juge plus prudent de ne pas y pénétrer afin d'éviter les dégâts et les désordres.

Le 24 décembre 1809, l'Empereur écrit, depuis Trianon, Au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, il sera formé un régiment de marche qui portera le titre de régiment de Catalogne. Il se réunira à Turin, sous l’inspection du prince Borghèse. Il sera composé ainsi qu’il suit :
1er bataillon une compagnie du dépôt du 1er léger 100 hommes, une compagnie du dépôt du 42e 130, une compagnie du dépôt du 7e de ligne 120, deux compagnies de 160 hommes, chacune, du 93e 320 670 hommes
2e bataillon deux compagnies du dépôt du 2e de ligne 300 hommes, deux compagnies du dépôt du 56e de ligne 300 hommes, deux compagnies du dépôt du 37e de ligne 140, deux compagnies du dépôt du 3e léger 200 940 hommes
Ces deux bataillons formant un total de 1600 hommes. Aussitôt que ce régiment sera formé à Turin, il se mettra en marche pour Perpignan. Le prince Borghèseaura soin d’en passer des revues, et de le pourvoir de tout ce qui lui sera nécessaire pour faire campagne.
Il sera formé à Toulon un bataillon de marche qui sera composé d’une compagnie du 32e léger de 150 hommes, de deux compagnies du 16e de ligne de 300 hommes et d’une compagnie du 67e de 150 hommes
Total 600 hommes
Aussitôt que ce bataillon sera réuni à Toulon, il continuera sa marche sur Perpignan.
Arrivés en Catalogne, ce régiment et ce bataillon de marche seront dissous et incorporés dans leurs régiments respectifs
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3851 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 22710).

Le 26, la Division fait son entrée dans Olot, petite ville industrielle remplie de fabriques de cotonnades et de soieries. Elle y trouve 68000 cartouches d'infanterie qui sont distribuées, 26000 cartouches anglaise, dont la poudre est réutilisée, 4500 pierres à fusil et 5600 balles. Le 27, la Division marche sur Campredon où elle arrive le 28; la ville vient d'être abandonnée par le chef insurgé Rovira.

Le 30, Souham prend la route de Ripoll à la poursuite de Clarus. Au passage des Français, les habitants leur remette des actes de soumission.

En arrivant au joli petit bourg de San Juan de Abadesas (Saint-Jean des Abbesses), Souham apprend que Clarus vient de prendre position sur la montagne d'Armancias : "Je donnai ordre au premier bataillon du 1er régiment léger, commandé par le capitaine Antoine Bouillet, de tourner cette montagne qui est très escarpée. Dès que l'ennemi s'aperçut de ce mouvement exécuté avec intelligence et célérité, il se retira dans un village (San Pedro de Ripoll), au bas de la montagne. Il fut chassé de ce village où il laissa des morts et des blessés et fut obligé d'aller coucher dans la neige" (Rapport du Général Souham).

Le 30, la Brigade Augereau se porte sur Ribas d'où elle chasse encore quelques bandes éparses de miquelets.

Le 31, toute la Division revient à Olot. "Les troupes qui composent ma division ont fait preuve de zèle, de constance et de bravoure", écrit Souham au Général en chef le 1er janvier 1810. Et il signale parmi les Officiers qui méritent une mention spéciale et doivent être recommandés à la bienveillance de l'Empereur, le Capitaine Bouillet.

Le 4 janvier, Souham réunit les Colonels et les Officiers de sa Division et leur dit : "Témoignez aux soldats de vos régiments combien je suis satisfait de leur conduite et de l'ardeur qu'ils ont mise à poursuivre les brigands qui désolent cette belle et bonne Catalogne. Par leur attitude et leur discipline, ils ont contribué à la soumission d'un pays égaré par les perfides insinuations des agents de l'Angleterre".

La Division reste aux environs de Olot jusqu'au 10 janvier. A cette date, elle reçoit l'ordre de se porter sur Vich.

6/ Nouvelles opérations aux environs de Vich

Fig. 29 Fig. 29a

La Division Souham quitte Olot, le 11 janvier, par la grande route de Barcelone. Elle doit bientôt rencontrer l'ennemi sur les montagnes escarpées et boisées qui séparent la vallée du Ter et celle de la Fluvia. Les insurgés sont postés au défilé de Grau dont ils gardent fortement les deux flancs.

En arrivant à San Estaban de Bas, Souham fractionne sa troupe en trois colonnes. La colonne centrale, où se trouvent les 1er et 2e Bataillons du 1er Léger, et preque toute la Brigade Augereau, doit attaquer de front le défilé, lorsque les deux autres colonnes, chargées de tourner l'ennemi par la droite et la gauche, auront franchi les crêtes des hauteurs. Le 3e Bataillon du 1er Léger fait partie de la colonne de droite avec un Bataillon du 7e et deux Bataillons du 42e, sous les ordres du Colonel Expert du 42e. Cette colonne passe par la trouée de Falgas, et prend à revers la gauche des insurgés, pendant que la colonne de gauche se poste sur leur flanc droit. Ce triple mouvement est exécuté avec tant de prudence et d'ensemble que le défilé de Grau est enlevé sans tirer un coup de fusil. L'ennemi, voyant sa retraite presque coupée, se retire précipitamment, abandonnant sur le plateau de Grau son magasin de cartouches et tous ses équipages. Alors, une vive fusillade change sa fuite en débandade et lui fait perdre beaucoup de monde. Il se rallie à Esquivols, grâce à un épais brouillard qui protège les fuyards. La poursuite est néanmoins continuée jusqu'à 9 heures du soir; elle permet d'enlever 150 prisonniers.

Dans la nuit, les insurgés se retirent à Roda sur le Ter, où ils rejoignent un renfort de 5000 hommes commandés par le Général O'Donnell. Martinien indique à cette date que le Lieutenant Pater a été tué.

Le lendemain 13, la Division se porte sur Vich. L'ennemi cède la place sans combattre. Le Général Souham laisse dans la ville trois Bataillons dont les deux premiers du 1er Léger; puis, détachant quelques troupes à l'ouest sur Santa Julia de Vespella, pour contenir un parti ennemi signalé de ce côté et qui aurait pu tenter de venir sur Vich, il marche avec le reste de ses forces sur Centellas dans la direction suivie par le gros des insurgés. Ceux-ci s'arrêtent à Collsespina au nombre de 10000 au moins, formant deux divisions de troupes de ligne renforcées de miquelets et de Somatens. Ils prennent position sur ces hauteurs très accidentées, lorsque le 3e Bataillon du 1er Léger, qui marche sur le flanc droit de l'avant-garde, réussit à surprendre leur convoi en le gagnant de vitesse au détour d'une colline. "Tous leurs mulets et leurs équipages ont été coupés et pris par le 3e Bataillon du 1er régiment d'infanterie légère. Alors une vive fusillade s'est engagée. Elle a duré jusqu'à la nuit. Toutes les positions de l'ennemi furent enlevées à la baïonnette" (lettre du Général Souham au Maréchal Augereau datée de Vich le 15 janvier 1810).

Cette chaude affaire coûte aux Espagnols 2000 tués ou blessés, 800 prisonniers dont un Lieutenant-colonel, 3 canons, et un drapeau. Au 1er Léger, le Capitaine George Bouillet, le Capitaine adjudant major Montossé, le Lieutenant Patéi et le Sous-lieutenant Fouchet sont blessés; le Lieutenant Patéi meurt quelques jours après des suites de ses blessures. Dans son rapport adressé au Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, le Maréchal Augereau conclut par ces mots : "Tous les officiers et soldats des troupes françaises et italiennes ont rivalisé de gloire".

Le 14, les Espagnols sont poursuivis la baïonnette dans les reins, jusqu'au delà de la Moya. "Sans la fatigue des troupes qui manquent de pain depuis trois jours, j'aurais été donner à la ville de Manresa le juste châtiment de son arrogance et des plats pamphlets qui sortent journellement de ses presses" écrit Souham.

Débarrassé pour quelques temps des menaces des insurgés, Souham prend ses campements autour de Vich avec une partie de sa Division. Le reste est envoyé à Hostalrich pour en compléter l'investissement.

Le 1er Léger s'installe à Cenforès (3 kilomètres au sud-ouest de Vich) et y reste jusqu'au 21 janvier. Il reçoit dans ce poste un détachement de 118 conscrits qui relèvent son effectif que le feu de l'ennemi, les fatigues et les privations ont réduit à moins de 1000 hommes en état de porter les armes; par la suite, les pertes seront fréquemment réparées par l'arrivée des conscrits de manière à maintenir l'effectif supérieur à 1800 hommes.

Fig. 30b 1813 ? Fig. 30c 1813 ? Fig. 30a 1814 ? Fig. 30 1815 ?

Le 22 janvier, le Général Souham quitte Vich avec la Brigade Augereau, pour déblayer la vallée de la rivière de Besos et protèger ainsi la reconnaissance que le Maréchal commandant en chef a résolu de faire en personne à Hostalrich et à Barcelone. Le 24, la colonne espéditionnaire fait sa jonction avec le Général en chef à Granollers (plaine des Grenouilles). Elle prend position le lendemain dans le massif montagneux sillonné par les nombreux affluents de droite de la rivière de Besos qui couvre au nord-ouest les abords de la capitale de la Catalogne. Souham s'établit à Sabadell; le 1er Léger cantonne à Ripollet. Ces emplacements sont occupés jusqu'au 1er février. La colonne ayant alors terminé sa missions rentre sous Vich. Le 1er Léger camp à Calle de Tenas, petit village situé à 2 kilomètres à l'est de Vich. Martinien indique que le 12 février, le Capitaine Bouillet est blessé dans une affaire près de Vich.

Cependant, O'Donnell a réunit de nouveau un corps de 12000 fantassins et de 1200 cavaliers, et lance des proclamations incendiaires pour soulever contre les Français les paysans de la province qu'il occupe. Le 20 février, il débouche brusquement en trois colonnes dans la plaine au dessous de Vich. Souham, qui n'a plus que 3500 hommes à mettre en ligne, prend aussitôt ses dispositions.

Le 1er Léger, ayant à sa tête le Colonel Bourgeois, occupe la droite vers la chapelle de San Juan. Il résiste depuis sept heures du matin à tous les efforts que font deux Régiments suisses pour le forcer et le tourner. L'ennemi charge plusieurs fois avec beaucoup de bravoure; mais "tous les bataillons qui soutinrent ces attaques réitérées montrèrent beaucoup d'intrépidité et d'intelligence" (Mathieu Dumas). Au centre, le 42e de Ligne lutte depuis huit heures du matin contre des forces très supérieures lorsque vers 4 heures du soir, le 3e Bataillon du 1er Léger est envoyé à son aide. A l'arrivée de ce renfort, le Colonel Expert du 42e fait battre la charge. Les insurgés cèdent bientôt à l'élan des Français et ceux-ci se précipitent alors de tous côtés à leur poursuite. Ils prennent 2800 hommes, 600 chevaux et un drapeau (Mathieu Dumas, dans son "Histoire d'Espagne" tome III, parle de 3250 prisonniers et de 3500 tués ou blessés). Côté français, le Général Souham est blessé à la tête. Il est alors transporté à Perpignan. Augereau prend donc le commandement provisoire de la Division. Au 1er Léger, 1 homme a été tué, 40 autres blessés; plusieurs vont mourrir aux ambulances. "Toutes les troupes se sont battues avec acharnement et vraiment cette journée est une des plus belles qui aient eu lieu en Catalogne" écrit le Maréchal Augereau.

Dans son 3e rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Le 20 février 1810, à sept heures et demie du matin, le régiment partit de ses cantonnemens, avec armes et bagages, pour se porter devant l'ennemi qui débouchait par Tonna et Ceutella; à son arrivée dans la plaine, le 42e régiment de ligne sortait de Vich. Le quatrième bataillon du 93e régiment, un autre du 7e et la cavalerie française étaient aux prises avec l'ennemi. Je reçus l'ordre de me porter incontinent sur la gauche ou se trouvait placée la cavalerie ennemie. Je fis former le carré aussitôt ; et comme si elle eût voulu nous charger, cette cavalerie vint sur nous, mais elle s'arrêta à tiers de portée de fusil; les canons de la division étaient près de nous, je détachai une section de voltigeurs pour les protéger, et leur donnai l'ordre d'attaquer en tirailleurs, démasquant la batterie ; ils firent aussitôt un feu si vif et si bien dirigé qu'il fut mortel pour l'ennemi ; en même temps l'artillerie, parfaitement servie, fit feu de toutes ses pièces et traversa les escadrons espagnols qui furent forcés d'abandonner la position avantageuse qu'ils occupaient derrière une ferme, où ils pouvaient tenir longtemps encore, position qu'ils gardaient depuis leur arrivée, et qu'ils s'obstinaient à défendre. Dans ce moment le général de division Souham me donna l'ordre de marcher rapidement sur l'aile droite qui était fortement inq uiétée et déjà débordée ; un instant après, ce général reçut une balle en dessous de l'oeil gauche, ce qui l'obligea à quitter le champ de bataille; il remit le commandement de la division au général de brigade Augereau; je marchai précipitamment vers la droite et plaçai lestement le régiment à la droite du 42e. Le feu, dès ce moment, devint des plus vifs ; en même temps une forte colonne ennemie déboucha sur nous du plateau près duquel on apercevait un clocher, dont je n' ai pu savoir le nom ; elle avança avec rapidité, ce qui nous obligea à faire un mouvement rétrograde de quelques vingt pas. L'aide de camp du général Augereau vint m'apporter l'ordre de tenir ferme dans la position où je me trouvais ; d'abord je m 'y conformai, mais bientôt j'ordonnai de marcher en avant et de battre la charge; ce mouvement étonna l'ennemi et causa quelques oscillations dans ses rangs; ce que voyant, j'ordonnai au régiment une conversion à gauche qui fut parfaitement exécutée, et comme si ce mouvement eut été prescrit par l'autorité générale et pour tous les corps, en un clin d'oeil toute la ligne le répéta ; de suite les Espagnols eurent leur ligne coupée, et dès lors ils se virent perdus; ils firent demi-tour et commencèrent leur retraite dans le plus grand désordre; notre cavalerie, profitant aussitôt de ce mouvement favorable, fit une charge rapide et à fond, elle sabra sans pitié et mit tout en déroute .
Nous leur avons fait deux. mille quatre cents prisonniers, dont cent quarante officiers, parmi lesquels plusieurs colonels et officiers supérieurs, cent cinquanle blessés, nous prîmes quatre cents chevaux et une grande quantité de bagages; plus de quinze cents morts sont restés sur place. Dans le fort de l'action deux de nos pièces furent prises et reprises.
Nous n'étions que trois mille hommes d'infanterie et six cents cavaliers, mais le courage suppléa au nombre.
Le quatrième bataillon du 3e léger, français, se trouvait à Vich pour la défense de cette place ; il fut sommé par trois fois de se rendre; il persista dans sa défense et combattit contre deux mille hommes, ne voulant jamais abandonner sa position.
Un bataillon du 7e de ligne, français, se trouvait ce jour là en reconnaissance sur Esterolle; les gardes du 42e étaient restées à leurs postes à Vich, et la première compagnie de notre second bataillon était allé escorter le courrier jusqu'à Villadrau.
Nous eûmes à combattre, contre toute attente, douze mille hommes d'infanterie et deux mille de cavalerie. Avec d'aussi grandes forces les Espagnols comptaient bien nous réduire en totalité, car ils avaient en réserve une compagnie de canonniers destinée au service de nos pièces. Ils sont encore étonnés de leur défaite ; leurs officiers prisonniers ont demandé si nos soldats étaient spécialement exercés au tir, affirmant qu'à chaque coup un des leurs tombait sous la balle. Nous ne devons le succès de cette importante affaire qu'au sang froid du soldat qui lui a permis d'exécuter les manoeuvres avec ensemble et précision.
Si nous eussions été battus tout était perdu pour nous; nous n'avions plus de retraite; la mort ou les pontons nous attendaient; plus de vingt mille paysans armés de toutes les manières, appelés soumatteurs, gardaient les passages et les délilés; certes, le danger était imminent.
Plusieurs officiers supérieurs espagnols, déterminés, n'ayant pas voulu rendre leur épée se sont fait tuer sur place.
Depuis longtemps nous éprouvons des privations de plus en plus sensibles : pas d'argent, pas une goutte d'eau de vie, rien ne nous arrive. Le soldat qui se plaît à qualifier chaque affaire de guerre a appelé celle-ci, la journée sans liquides; les Espagnols, au contraire, pouvaient l'appeler celle au vin, car ils étaient tous ivres.
Je joins ici un extrait du Moniteur, du 7 mars, sur cette affaire. Las de faire des efforts inutiles pou renfoncer notre centre, Odonel, général en chef des troupes ennemies, a voulu tout à coup, par une manoeuvre hardie et à l'aide de forces triples, déborder les deux flancs de la ligne française, mais cette tentative ne lui a pas mieux réussi; le 1er régiment d'infanterie légère, commandé par le Colonel Bourgeois, l'a arrêté sur la droite par tous les points où il a voulu pénétrer; ce corps s'est particulièrement montré
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

7/ Excursions entre le Ter, l'Ebre et la Sègre

Fig. 31b 1813 ? Fig. 31a 1814 ? Fig. 31 1815 ?
Tambour major 1er Léger 1813-1814
Fig. 31c Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I."; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1)
Fig. 31d Tambour major en 1813-1814 d'après H. Boisselier; la source indiquée est Carl-Boeswilwald (avec l'aimable autorisation de Monsieur Yves Martin)

Après 25 jours de repos, le 1er Léger repart à la poursuite des guérillas; bien que souvent battues, celles ci ne renoncent pas et épuisent le moral des troupes françaises. Cette chasse aux miquelets va se prolonger jusqu'en avril 1811. Elle occasionne au soldats de grandes fatigues souvent augmentées par la privation de nourriture. Ne pouvant avoir des détachements partout, il faut constamment mettre en mouvement des colonnes mobiles, seule manière de se maintenir dans le pays.

Dans son 3e rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Col de Tenas, près de Vich, 1er mars 1810.
Le Colonel du 1er régiment d'infanterie légère, à Monsieur Duthilt, capitaine commandant le recrutement du département des Alpes Maritimes, à Nice.
Monsieur le Capitaine,
Je vous accuse la réception de vos lettres des 21 et 22 novembre dernier; les mouvemens que nous avons faits, les combats que nous avons eu à soutenir, ne m'ont pas permis d'y répondre plus tôt ; je n'ai pas eu un instant à moi.
Oui, mon cher Duthilt, il eût été bien avantageux pour le régiment de servir sous les yeux de l'Empereur, car malgré le courage et le dévouement dont il a donné des preuves dans tous les combats qui ont été livrés et d'ont il est sorti victorieux, je n'ai pu obtenir aucune des récompenses promises, et tant de fois sollicitées en faveur des braves qui se sont distingués; nous vivons d'espérance; elles nous seront sans doute accordées plus tard, et loin de nous décourager nous redoublons de zèle et d'ardeur.
Le 20 février dernier, la division a eu affaire à presque toute l'armée espagnole; ci joint le rapport de cette journée mémorable et glorieuse pour le régiment
(voir plus haut). Plus nous réfléchissons aux dangers que nous avons courus, plus nous nous félicitons de notre victoire.
Adieu, mon cher Duthilt, recevez de nouveau l'assurance de mon sincère attachement.
Le colonel BOURGEOIS
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 16 mars, le 1er Léger quitte donc ses cantonnements sous Vich. La Division Souham se réunit à la Division italienne et avec elle force le défilé de Collsespina, fortement occupé par des Espagnols et des Anglais. Les deux Divisions campent le 16 au soir à Caldas de Monbuy et, le 17, à Esparraguera, après avoir franchi le Llobrégat à Olésa. Le 18, elles s'emparent des hauteurs de Molins de Rey; le 20, elles atteignent Villafranca, et le 21, Vendrell où elles se reposent pendant cinq jours. Le 27, la marche est reprise sur Vals, on passe la Gaïa et le 1er Léger campe à quelques kilomètres de Tarragone.

Le 30, on apprend que les Anglais ont débarqué le Général Caro, frère du Marquis de la Romana, au sud de Barcelone, et que par suite, les communications sont coupées entre Barcelone et Tarragone. L'ordre est alors donné de se replier sur Girone. Les deux Divisions retournent donc vers le nord, laissant à Villafranca un poste détaché dont fait partie le 3e Bataillon du 1er Léger.

Ce poste est bientôt assailli par 6000 insurgés. "La résistance fut héroïque", dit le Maréchal Augereau dans son rapport, mais la position était périlleuse devant des forces aussi supérieures. Les Espagnols se réjouissaient déjà de la capitulation de toutes les troupes, lorsque tout à coup, le Colonel Delort du 24e Dragons charge les assaillants à la tête de 100 cavaliers de son Régiment. En même temps, les Carabiniers du 1er Léger s'élancent et réussissent à se faire jour à travers leur adversaire. Le reste du Bataillon suit l'élan donné, mais la Compagnie du Capitaine de Gimont (2 Officiers et 107 hommes) ne peut passer et est faite prisonnière.

Conformément aux ordres reçus, les deux Divisions arrivent sous Girone dans les premiers jours d'avril. Elles vont rester cantonnées entre Girone et Hostalrich jusqu'à la fin de novembre, changeant fréquemment d'emplacements, soit pour se montrer à tous les villages, soit pour vivre plus à l'aise, car le ravitaillement fait cruellement défaut. Ainsi, le 16 avril, le Général en chef écrit au Ministre de la Guerre en rendant compte des opérations : "Les troupes sont restées six jours sans pain; le vin soutenait seul nos soldat... Plusieurs sont morts d'inanition... L'ennemi le plus redoutable pour l'armée de Catalogne, c'est le défaut de subsistance : elle n'en craint aucun autre". Et, du 1er mai au 17 juin, les hommes du 1er Léger n'ont touché qu'une demi-ration de viande par jour.

Situation de l'Armée de Catalogne en date du 15 avril 1810 (SHAT) : Commandant en chef Maréchal Augereau :

Division Souham (en France; commandement par intérim : Général de Division Frère); 1er Léger : 47 Officiers et 1519 hommes.

Fig. 32

Le Régiment occupe successivement en Catalogne Fornells, près de l'Ogna, San Feliu de Guixols sur la côte et Massanet de la Selva, à 8 kilomètres au nord-est de Hostalrich.

En parallèle, le Maréchal Augereau, fatigué et malade, ayant demandé son retour en France, l'Empereur par Décret a nommé le 24 avril à la tête de l'Armée de Catalogne le Maréchal Macdonald; celui-ci en prend le commandement le 20 mai.

Le 23 juin 1810, à Saint-Cloud,, on informe l'Empereur que "Le colonel du 1er régiment d'infanterie légère demande qu'il soit envoyé aux trois premiers bataillons de ce régiment, à l'armée de Catalogne, 600 hommes tirés des 4e et 5e bataillons" ; "Approuvé", répond Napoléon (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4320).

Le 30 juin, le Général de Brigade Augereau, qui avait le commandement provisoire de la Division Souham, rentre également en France. Le Général de Division Frère prend le commandement de la Division Souham, dont la 1ère Brigade, à laquelle appartient le 1er Léger, est confiée au Général Lorencez, remplaçant Augereau.

Selon Martinien, le 10 juillet, le Capitaine Herwegh et le Sous lieutenant Delamarre sont blessés en escortant un convoi de blessés à Saragosse. Le 15, c'est au tour du Capitaine Chavarin d'être blessé, au cours d'une reconnaissance en Catalogne. Le 18, le Capitaine Dénéchaux est également blessé dans l'affaire de la Grenouillère (Catalogne).

Dans son 4e rapport, adressé au Capitaine Duthilt, le Colonel du 1er Léger écrit :
"Gironne, 26 juillet 1810.
Le Colonel commandant le 1er régiment d'infanterie légère à Monsieur Duthilt, capitaine commandant le recrutement des Alpes Maritimes.
Monsieur le Capitaine,
J'ai reçu, mon cher Duthill, la lettre que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire le 6 du courant, je vous remercie de l'intérêt que vous voulez bien me témoigner.
Comme vous l'avez prévu, les fatigues et les chaleurs excessives ont fini par me rendre malade ; une fièvre putride m'a obligé de quitter momentanément le commandement du régiment. On m'a porté dans cette ville, Gironne, où les soins et les talens de M. Laurent, notre chirurgien-major, pour qui vous avez tant d'amitié et qui vous paie bien de retour, ont contribué à me rendre la santé. J'ai été peiné de quitter le régiment d'autant plus qu'il s'est trouvé, pendant ma maladie, à un combat où un autre l'a commandé; c'est en escortant un convoi de vivres, à Barcelone; il a eu affaire à un ennemi, comme de coutume, dix fois supérieur en nombre et que, néanmoins, il a mis en fuite. Nous avons perdu quatre vingts hommes, tant tués que blessés ; au nombre des derniers se trouvent deux sous-officiers bien méritans : je vous cite Castelli pour qui vous prenez un si grand intérêt; il est gravement blessé et perdu pour le régiment; je le regrette bien sincèrement. M. le capitaine Herwegth, déjà plusieurs fois blessé, a reçu un coup de feu qui lui a traversé la machoire ; le sous-lieutenant Paturel, promu dernièrement, est blessé de la même manière; Mrs Chavarin et Denéchaux, capitaines de voltigeurs, ont été atteints chacun de deux balles, le premier à la jambe, et le deuxième au bras; Mrs Lelièvre et Delamare sont aussi blessés, le dernier assez légèrement car je sais qu'il n'est pas allé à l'hôpital.
Vos réflexions sur l'Espagne, sur les causes de l'insurrection et celles qui l'alimentent, enfin sur la violence injuste que l'on fait au peuple espagnol sont judicieuses. Comme vous le dites fort bien, c'est une guerre sans honneur pour les Français, aussi désastreuse pour eux que pour les habitans de ces contrées qui seraient restés paisibles et amis de notre gouvernement et qui maintenant la rage dans le coeur, cherchent toutes les occasions de nous nuire en défendant obstinément leur nationalité compromise; entraînés par la politique et aveuglés par les perfides conseils de l'Angleterre, payés par son or et bercés d'espérances qui ne pourront se réaliser qu'après bien des événemens désastreux. Il sera difficile de ramener les Espagnols au calme dont leur pays a tant besoin, de les vaincre jamais.
La Catalogne est une des provinces les plus récalcitrantes; de nombreuses bandes de brigands l'infestent sans cesse et guettent les occasions de nous assassiner; et malheureusement ils ne les trouvent que trop fréquemment ; il faudrait des mesures générales et un plus grand déployement de forces pour pouvoir trancher d'un seul coup toutes les têtes de cet hidre redoutable. Je serai probablement le second colonel du 1er régiment d'infanterie légère, promu au grade de Général de brigade, qui laissera ses os dans ce pays, je sais qu'une proposition en ma faveur est envoyée au gouvernement; je subirai le sort de mon prédécesseur, M. Gaulois, car tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise.
Adieu, mon cher capitaine, mille choses de ma part aux officiers qui sont près de vous ; ménagez votre santé; donnez-moi de vos nouvelles et recevez l'assurance de mon sincère attachement.
Le colonel BOURGEOIS
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 août 1810, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, faites-moi connaître si l'on pourrait former à Turin un régiment de marche pour l'armée de Catalogne qui serait composé de 200 hommes du 1er régiment d'infanterie légère, de 300 hommes du 3e idem de 200 hommes du 2e de ligne, de 200 hommes du 7e idem, de 200 hommes du 37e idem, de 200 hommes du 42e idem, de 200 hommes du 56e idem, de 100 hommes du 67e idem, de 200 hommes du 96e idem.
Le 16e qui est à Toulon pourrait envoyer 300 hommes à son 4e bataillon à l'armée de Catalogne, ce qui ferait pour cette armée un secours de 2 000 hommes. Envoyez-moi un projet d'organisation de ce régiment et faites-moi connaître quand il sera prêt.
Ne serait-il pas possible de compléter le 4e bataillon du 1er léger et celui du 42e, en tirant des dépôts du Piémont et du royaume d'Italie tous les hommes qu'ils peuvent fournir, ce qui fournirait encore 1 600 hommes et porterait à 4 000 hommes le renfort qu'on enverrait à l'armée de Catalogne ? ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4490 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24295).

Le 16 août 1810, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, donnez des ordres pour qu'il soit formé à Turin un régiment de marche de l'armée de Catalogne. Ce régiment sera composé de trois bataillons. Vous enverrez sur-le-champ à Turin un colonel en second pour le commander.
Le 1er bataillon sera le 4e du 42e complété à 1170 hommes de la manière suivante : 420 hommes existant du cadre du 4e bataillon du 42e ; 150 du 52e ; 150 du 101e ; 150 du 84e ; 150 du 35e ; 150 du 13e de ligne. Total : 1170 hommes.
Le 2e bataillon sera composé :
8e corps
d'une compagnie du 56e 200 hommes
d'une du 93e 300
d'une du 7e de ligne 300
de deux compagnies du 1er d'infanterie légères formées par l’incorporation de 200 hommes du 4e bataillon du 23e d'infanterie légère et de 200 hommes du 4e bataillon du 1er d'infanterie légère 400 Total 1 200 hommes.
Le 3e bataillon sera composé de 2 compagnies du 3e d'infanterie légère 300 ; de 2 du 37e 300 ; 1 du 67e 150 ; 2 du 16e de ligne 300 (ce détachement ne devra rejoindre le bataillon qu'à son passage à Nîmes). Total 1100 [sic].
J'ai signé un décret pour ordonner l'incorporation des détachements qui entrent dans le 4e bataillon du 42e et pour celle du détachement du 23e d'Infanterie légère dans le 1er régiment de cette arme.
Donnez des ordres pour que tous les hommes qui seront envoyés pour former ce régiment de marche soient bien portants et en état de faire la guerre. Recommandez qu'ils soient bien habillés, qu'ils aient 2 paires de souliers dans le sac et que leur livret de masse et chaussures soient en bon état. Vous chargerez les généraux qui commandent dans les arrondissements où sont situés les dépôts de passer eux-mêmes l'inspection de ces détachements avant leur départ, pour s'assurer qu'ils sont composés comme ils doivent l'être et qu'il ne s'y trouve pas d'hommes malingres. Pour les détachements venant du royaume d'Italie, vous chargerez le général Charpentier d'en passer la revue à leur passage par Milan.
Ainsi le 1er régiment de marche de l'armée de catalogne sera composé d'un 1er bataillon qui sera le 4e du 42e complété à 1170 hommes ; d'un 2e bataillon fort de 1100 ; d'un 3e bataillon fort de 1250. Total du régiment : 3550 hommes [sic].
Lorsque ce régiment sera ainsi complété, le gouverneur général en passera la revue à Turin.
Le bataillon du 42e arrivé en catalogne rejoindra son régiment. La compagnie du 23e d'infanterie légère sera incorporée dans le 1er d'infanterie légère, toutes les autres compagnies seront incorporées dans les bataillons qu'elles ont en Catalogne. L'on retiendra les officiers qui seraient nécessaires pour compléter les cadres et remplacer les officiers infirmes ; le reste sera renvoyé au dépôt.
Expédiez sur-le-champ vos ordres pour la formation de ce régiment. Prenez vos mesures pour qu'il soit prêt à partir de Turin le 20 septembre. Je désire cependant qu'il ne soit mis en marche que quand je vous aurai donné mes derniers ordres à ce sujet. En conséquence, rendez-moi compte de sa formation vers le 15 septembre
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4505 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 24339).

Toujours selon Martinien, le 26 août, le Lieutenant Fleuret est blessé aux cours de l'affaire de Mont-blanc.

Situation de l'Armée de Catalogne en date du 1er octobre 1810 (SHAT) : Commandant en chef Maréchal Macdonald :

Division Frère; 1ère Brigade Lorencez; 1er Léger : 42 Officiers et 1029 hommes.

Le 20 octobre, le Lieutenant Jean Tardu est tué au cours d'un combat près de Solona, aux environs de Palamos.

Le 24 octobre 1810, à Fontainebleau, "On prie Sa Majesté de vouloir bien accorder un supplément de crédit de 18.315 fr. 40 à la masse du 1er régiment d'infanterie légère, pour donner au conseil d'administration les moyens de pourvoir à tous les remplacements dus cette année"; "Accordé", répond l'Empereur (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 4752 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre directeur de l’administration de la guerre avec S. M. l'Empereur et Roi, daté du 21 octobre 1810 »).

Pour l'expédition prévue en novembre, le Régiment passe sous les ordres du Général de Brigade Salme, chef de l'avant-garde constituée du 1er Léger et du 29e Chasseurs à cheval. Il rentre ensuite dans la Division Frère. Le Caporal François Marie Musy, natif de Serviguat dans l'Ain, et servant à la 2e Compagnie du 1er Bataillon, ne fera pas partie de l'expédition; il est en effet décédé des suites de fièvres le 10 novembre à l'hôpital de Lérida (voir certificat de décès - document collection particulière - S.E.H.R.I.).

Suchet (3e Corps) ayant mené des opérations contre Tortose, Macdonald décide d'envoyer de ce côté deux Divisions qu'il a sous Girone. Le Corps expéditionnaire se concentre à Barcelone, d'où le 1er Léger, avant-garde des Divisions Pino et Frère, part en chassant devant lui les guérillas et les Anglais que Tarragone ne cesse de lancer dans les montagnes. Le 28, l'avant-garde franchit le col d'Ordal, et bivouaque à Villafranca. Le 29, elle s'établit à la Bisbal, petit village à 10 kilomètres au nord de Vendrell. Le 30, elle trouve l'ennemi fortement retranché dans les défilés de Santa Christina où des coupures nombreuses ont été faites pour retarder la marche des Français. Le 1er Léger aborde résolument les positions des insurgés et force le passage. Les Capitaine Antoine Bouillet, Thomas, Dénéchaux, Hergwegh, Chavarin, les Sous-lieutenants Lelièvre, Delamare, Stievenard et Paturel sont blessés dans cette violente action. La Gaïa est franchie le jour même; l'avant garde couche le soir à Alio (4 kilomètres au nord de Walls).

Chef de musique 1er Léger 1813
Fig. 33b Fig. 33
Fig. 33a Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I."; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1)

Le lendemain 1er décembre, le 1er Léger fait encore le coup de feu pour s'ouvrir le défilé de Cabra avant d'arriver à Monblanch. Le Sous-lieutenant Paul Tardu et le Porte aigle Fleuret sont blessés dans cette rencontre.

Du 1er au 10, la colonne reste en position sur les hauteurs de Monblanch et prend un peu de repos. Le 1er Léger, très éprouvé à l'avant-garde, en a le plus grand besoin : sur un effectif total de 58 Officiers et 2230 hommes, il a déjà aux hôpitaux 1 Officier et 556 hommes. De plus, à cette époque, 1 Officier et 37 hommes sont prisonniers de guerre : il appartiennent, selon l'historique régimentaire, à la Compagnie de Gimont, prise le 30 mars, et qui est en partie rentrée dans le rang par suite d'échanges.

Le 10 décembre, la colonne se remet en route, bivouaque le 11 à Cornudella; le 12 à Falcet et prend position le 13 à Mora sur l'Ebre à environ 30 kilomètres au nord de Tortose. Cette place est investie, le 15, par les troupes de Suchet, dont la colonne protège ainsi les opérations. Le 1er Léger reste donc en observation sur l'Ebre jusqu'à la prise de Tortose qui capitule le 2 janvier 1811.

Le 17 janvier 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre, j'ai lu avec attention votre travail du 16 janvier sur les bases du recrutement ; voici les changements que je désire :
... Etat n° 2. Il faut ôter aux 1er et 6e d'infanterie légère et au 51e de ligne le 5e bataillon du nombre des bataillons de guerre et le mettre comme bataillon de dépôt, ce qui réduira le nombre des bataillons de 92 à 89. Je préfère que les 5es bataillons restent partout bataillons de dépôt, et que, dans les bataillons où l'on crée plus de cinq bataillons, le 6e bataillon soit considéré comme bataillon de guerre ...
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 4987).

ESPAGNE, 1811-1812

Après la prise de Tortose, la Division Frère et l'avant garde vont alors cantonner à Walls.

Le 17 janvier 1811, les troupes réunies à Walls sont envoyées à Lérida où elles arrivent le 1er février. Cette place s'est rendue au 3e Corps, le 14 mai 1810. La garde en ayant été confiée à l'Armée de Catalogne, Macdonald charge de ce soin la Division Frère. Le 1er Léger occupe aux environs de Lérida les villages de Borges et de Juneda. Pendant les premiers jours, on fait quelques excursions autour de la ville pour se donner de l'air et faire des réquisitions. Les plus importantes sont dirigées sur Balaguer, Cervera et Mequinenza. Les hommes en ramènent des boeufs, des moutons et du numéraire.

Le 1er Léger était dans cette situation relativement calme, quand, le 9 mars 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Prince de Neuchâtel et de Wagram, Major général de l'Armée d'Espagne, à Paris : "Mon Cousin, le gouvernement d'Aragon sera augmenté des provinces de Tortose, de Lérida, de Tarragone et des pays à l'ouest d'une ligne partant de la tour de Garraf sur le bord de la mer, passant au col d'Ordal, suivant le cours de la Goya jusqu'à Llorrach, celui de la rivière Llobregat jusqu'au Sègre, et de là les frontières de la province de Lérida jusqu'à la Noguera, qui divisera, comme autrefois, les deux gouvernements jusqu'aux Pyrénées.
Vous ferez connaître cette disposition au général Suchet, en lui annonçant que toutes les troupes faisant partie de l'armée active de Catalogne passeront sur-le-champ sous ses ordres, savoir, quatre régiments (le 7e de ligne, le 42e de ligne, le 1er léger, le 16e de ligne), la division italienne, la division napolitaine, le 24e de dragons, les dragons Napoléon, les chasseurs royaux.
Il laissera sous les ordres du duc de Tarente le 29e de chasseurs, le bataillon du 93e de ligne, le bataillon du grand-duché de Berg et une compagnie d'artillerie. Ce détachement se rendra à Barcelone pour en augmenter la garnison et faire partie de l'armée de Catalogne, dont le quartier général sera à Barcelone. L'escadron du 24e dragons et les détachements italiens et napolitains des corps faisant partie de l'armée d'Aragon, qui sont dans la haute Catalogne ou à Barcelone, rejoindront leurs corps en Aragon aussitôt que ce mouvement pourra se faire avec sûreté. Il appartiendra à l'armée de Catalogne d'occuper le Monserrat et d'assiéger Cardona, Berga et Urgel ; il appartiendra à l'armée d'Aragon de faire le siège de Tarragone.
Le général Suchet se concertera avec le duc de Tarente pour la marche de ce dernier sur Barcelone avec le détachement qui doit y entrer avec lui ; on verra s'il est à propos de faire faire un mouvement au corps d'armée active de Catalogne en tout ou en partie, soit pour s'emparer définitivement du Monserrat et refouler l’ennemi sur Tarragone, soit, si l'opération n'est pas jugée actuellement nécessaire, pour protéger la rentrée à Barcelone du détachement du duc de Tarente. Dans ce dernier cas, le duc de Tarente menacera Monserrat d'une attaque pour y retenir l'ennemi et empêcher qu'il ne sorte pour inquiéter le siège de Tarragone.
Vous vous concerterez avec le ministre de la guerre pour expédier chacun un officier porteur d'ordres en duplicata par deux routes différentes, celle de Pampelune et celle de Jaca. L'officier qu'enverra le ministre de la guerre portera vos ordres et les siens ; il arrivera d'abord chez le général Suchet, à qui il remettra les ordres à lui destinés ; il ne se rendra chez le duc de Tarente, pour lui remettre les siens, qu'après avoir reçu les ordres du général Suchet. L'officier que vous enverrez par l'autre route avec les duplicata de vos ordres et de ceux du ministre arrivera également d'abord chez le général Suchet, dont il prendra les ordres pour le jour et le temps qu'il arrivera à Lérida. Mon intention est que le général Suchet arrive à l'armée peu après l'officier. Il faut choisir des officiers intelligents et qui connaissent leur mission, afin qu'en cas d'événement, soit de départ du général Suchet, soit même de mort, ils ne remettent rien au duc de Tarente qu'après avoir vu le général Suchet : vous comprenez l'importance que l'armée de Catalogne ne reste point sans commandant, et que le général Suchet soit instruit et puisse diriger toute cette affaire.
Vous ordonnerez au général Suchet de s'occuper sur-le-champ du siège de Tarragone. Il choisira sa ligne d'opération ou par Lérida ou par Mora. Il fera fortifier des points intermédiaires ; celui de Monblanch paraît très-important à occuper solidement par des retranchements. Il portera des approvisionnements considérables sur le col Balaguer ; il verra s'il lui serait utile de se servir de quelques barques par mer. Je le laisse maître de composer ses divisions comme il le voudra, en mêlant les troupes de Catalogne avec celles d'Aragon. La prise de Tarragone doit couronner la gloire militaire que le général Suchet a acquise dans cette campagne, et lui donner de nouveaux titres près de moi
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 7, p. 470 ; Correspondance de Napoléon, t.21, lettre 17443 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 26148).

Comme on peut le voir dans cette lettre, sans doute expédiée le 10 mars 1811, l'Empereur ordonne que la partie active de l'Armée de Catalogne, dont fait partie le 1er Léger, passe à l'Armée d'Aragon (il s'agit du 3e Corps commandé par Suchet). Cette Armée reçoit en même temps la mission de s'emparer de Tarragone qui, depuis le commencement des hostilités, sert de refuge aux insurgés et permet aux Anglais de leur amener par mer des secours en hommes, munitions et vivres. La chute de cette place, on l'espérait, devait assurer la soumission de toute la Catalogne.

I/ Campagnes de l'Armée dAragon (1811-1814)

1/ Marche sur Tarragone

Lorsque l'Empereur décide, le 10 mars 1811, que la partie active de l'armée de Catalogne passera à l'armée d'Aragon, le Maréchal Macdonald se trouve de sa personne à Lérida où se rend également le Général Suchet, pour faire connaissance avec les nouvelles troupes placées sous son commandement. Il s'agit du 1er Léger, des 7e, 16e et 42e de Ligne, du 24e Dragons français; et des Régiments italiens et napolitains de l'armée de Catalogne.

Ces troupes sont passées en revue le 26 mars par le Général en chef, et dans ses Mémoires, Suchet dit que le 1er Léger se ressentait dans sa tenue de la guerre pénible qu'il faisait depuis deux ans en Catalogne; mais qu'il ne cédait en rien, pour sa valeur et le dévouement, aux troupes qui ne laissaient rien à désirer.

Situation de l'Armée de Catalogne en date du 15 mars 1811 (SHAT) : Corps actifs :

- Division Frère; 1ère Brigade Lorencez; 1er Léger (Colonel Bourgeois) :

1er Bataillon (Ehrard) : 21 Officiers, 544 hommes

2e Bataillon (Rousselle) : 18 Officiers, 525 hommes

3e Bataillon (Bonamart) : 18 Officiers, 544 hommes

- 2e Arrondissement territorial : Adjudant commandant Mollard (Girone) :

1er Léger : dépôt, 1 Officier et 75 hommes

musicien 1er léger 1813-1815
Fig. 34a 1814 ? Fig. 34 1815 ? Fig. 34b 1814 ?

Avant de passer complètement sous les ordres de Suchet, le 1er Léger fait partie d'une colonne d'escorte chargée, sous le commandement du Général Harispe, d'accompagner le Maréchal Macdonald qui doit retourner à Barcelone. Cette colonne passe par Cervera et Manresa. Un parti ennemi avait pris position en avant de cette dernière ville, sur les hauteurs qui séparent le haut Llobrégat du bassin moyen de la Sègre. Plusieurs petits combats sont livrés pour s'ouvrir les défilés de Manresa. Le 1er avril, le Lieutenant Jean-Julien Michel est tué dans un de ces engagements à Saint Celoni. Le retour s'effectue par Villa Franca et Monblanch. Quelques miquelets paraissent encore sur les flancs et tirent sur la colonne mais ne font résistance nulle part.

A son arrivée le 8 avril, le 1er Léger reprend ses anciens cantonnements aux environs de Lérida et passe effectivement, à cette date, sous les ordres du Général Suchet. Celui-ci organise sa nouvelle armée, forte de six Divisions d'Infanterie (Musnier, Frère, Harispe, Habert, une Division italienne et une Division napolitaine) et d'une de Cavalerie, en faisant entrer dans presque toutes les Brigades des Régiments de deux provenances, de manière à opérer une fusion complète. Le 1er Léger (Colonel Baron Bourgeois, 60 Officiers et 2127 hommes, dont 1 Officier et 476 hommes aux hôpitaux) est placé à la 1ère Brigade (Salme) de la 1ère Division Musnier (cette Division composée au début de la Brigade Salme : 1er Léger et 114e de Ligne; et de la Brigade Abbé : 121e de Ligne et 1er Régiment de la Vistule). Il est envoyé sur l'Ebre pour y protéger les bateaux français. Il occupe Molleruda avec ses trois Bataillons. Le 1er est commandé par le Chef de Bataillon Erhard; le 2e par le Chef de Bataillon Roussel.

Pendant que Suchet achève de réunir les matériaux, munitions et approvisionnements nécessaires pour entreprendre le siège de Tarragone (dont les préparatifs généraux avait déjà commencé avec Macdonald qui devait primitivement faire ce siège), le 21 avril, il est informé que le château de Figuières s'est laissé surprendre dans la nuit du 9 au 10 avril par les Espagnols. Il attendait un courrier de Barcelone lui annonçant l'occupation de Montserrat par les troupes du Maréchal, et, au lieu de cette bonne nouvelle qui devait lui permettre de compter pour ses troupes de siège sur une sécurité presque complète du côté du nord-est, il reçoit un courrier de Macdonald, avec l'avis de la prise d'une importante place de guerre située à 600 mètres de la frontière de la France, la demande instante, impérieuse même, de renvoyer au plus tôt en Catalogne les troupes dont il vient de prendre le commandement.

C'était renoncer au siège de Tarragone qui, d'après les termes même de la lettre du Prince de Wagram datée du 10 mars, devait "couronner la gloire militaire" que Suchet venait d'acquérir en Aragon. Après quelques hésitations, Suchet se décide à répondre à l'échec de Figuières par la prise de Tarragone. L'Empereur, en apprenant cette décision, s'écrie : "Voilà qui est militaire !". Il ne pouvait pas donner à son lieutenant une plus belle marque d'approbation. Suchet est donc résolu à marcher immédiatement sur cette place avec toutes les troupes dont il dispose, sans attendre la formation complète de sa nouvelle armée.

Le 1er Léger, qui était en expédition sur l'Ebre pour protéger la navigation, est aussitôt rappelé à Lérida, où sont réunis par le Général en chef six Régiments. Il leur fait distribuer un mois de solde, six jours de vivres, et les met aussitôt en marche en deux colonnes par la route de Monblanch. La 1ère colonne (Harispe) part de Lérida le 27 avril; la 2e colonne, dont fait partie le 1er Léger avec les 14e et 42e de Ligne, sous le commandement du Général Frère, suit à un jour de marche. Le 1er Léger, qui initialement, devait servir à la Division Musnier, entre désormais dans la composition de la Division Frère.

Le 30 avril, la 2e colonne passe à Monblanch. S'y trouve un couvent dit de la Virgen de la Sierra, situé sur une hauteur qui s'élève en face du confluent de la rivière d'Anguerra et du Francoli. Le Général en chef le fait retrancher et place 400 hommes du 1er Léger (une Compagnie) et du 14e de Ligne (trois Compagnies), bien approvisionnées et bien commandés (Chef de Bataillon Année). Ainsi, le Général en chef espère garder par ce point intermédiaire ses communications avec Lérida, et surtout couvrir, en éloignant l'ennemi, la route de Mora et celle de Balaguer, pour assurer la première aux transports de vivres, et la seconde aux transports d'Artillerie (d'après le Rapport établi le 4 mai 1811 par le Général Saint Cyr Nugues, Chef d'Etat major de l'Armée d'Aragon). Le détachement va demeurer 23 jours dans le couvent.

Fig. 35a 1814 ? Fig. 35 1815 ? Fig. 35b

Quant au reste du 1er Léger, il poursuit sa route avec la colonne Frère. Le 2 mai, il franchit le défilé de Riba et arrive à Alcover. Le 3, pendant que la Division Habert venant de Tortose débouche de Reus, la colonne Frère prend position derrière la colonne Harispe à Constanti où, pendant les opérations préliminaires du siège, le Général en chef doit établir son quartier général. "Belle position qui offrait encore quelques traces des anciens retranchements élevés par le Grand Condé en 1647, lorsqu'il voulait tenir en bride la garnison de Tarragone" écrit Suchet dans ses Mémoires.

Le 4 mai, l'investissement de Tarragone par terre est achevé. La Division italienne et le Général Harispe traversent le Francoli et s'étendent jusqu'à la mer, malgré le feu des bâtiments anglais. La colonne Frère se rapproche du fleuve et le 1er Léger s'établit sur la rive gauche, en appuyant sa droite au fleuve et sa gauche au 7e de Ligne (de la Division Harispe). La Division Habert complète l'investissement au sud.

Le moment était venu d'organiser le commandement des troupes. Le Général Suchet souhaitait un mélange de ses anciennes et de ses nouvelles troupes. "Cédant aux circonstances, et n'ayant pas le temps d'opérer le mélange des régiments des deux armées pour en faire des divisions, le général en chef fit, pour la durée du siège seulement, une formation provisoire des premières troupes dont il pouvait disposer et qui se trouvaient réunies devant Tarragone" (Suchet, Mémoires) soit 20000 hommes dont 14000 d'Infanterie et 100 pièces d'Artillerie . Dans cette répartition, le 1er Léger (3 Bataillons, 1661 hommes) fait partie de la 1ère Brigade (Lorencez : 1er Léger et 1er Régiment de la Vistule fort de 880 hommes) de la 3ème Division (Frère).

L'Armée d'Aragon entreprend ainsi le siège de la plus forte place catalane, armée de plus de 300 canons, sans compter ceux des vaisseaux anglais qui vont profiter de toutes les occasions pour intervenir dans la lutte. C'est le siège en règle d'une ville libre du côté de la mer et par conséquent sans cesse alimentée de troupes fraîches, de vivres et de munitions, et pouvant enfin combiner ses efforts avec ceux qu'on tenterait de l'extérieur pour la délivrer. Campoverde, Sarsfield, le Baron d'Eroles vont en effet faire de nombreuses tentatives en ce sens; Sarsfield parviendra même à entrer par mer dans la place avant la fin du siège.

2/ Siège de Tarragone

Fig.36a 1813 ? Fig. 36c 1814 ? Fig. 36b 1814 ? Fig. 36
Fig. 36d

"Tarragone, capitale de l'ancienne Province romaine en Espagne, est située au bord de la mer, à l'extrémité des hauteurs qui séparent les eaux de la Gaïa de celles du Francoli. Elle est assise sur un rocher d'une élévation considérable, isolé et escarpé des trois côtés qui regardent le nord, l'est et le sud. Du côté de l'ouest et du sud ouest, le terrain s'abaisse par une pente douce vers le port et le Francoli. La ville haute est entourée de murailles antiques qui couronnent les escarpements dont une seconde enceinte bastionnée irrégulièrement, suit les contours". Les deux fronts est et nord, gardés par sept lunettes, "n'offraient aux assiégeants qu'un roc nu sur lequel les travaux d'attaque auraient été extrêmement difficiles; tandis que le côté du Francoli présentait des pentes douces et cultivées et une terre profonde favorable aux attaques. La ville basse, bâtie dans cette partie au fond du port, était protégée du côté de la campagne par le fort Royal, petit carré bastionné, situé à six cent mètres environ de l'enceinte de la ville haute et à quatre cent de la mer. Ce fort lui même, ainsi que la ville basse, était enveloppé par une seconde enceinte qui s'appuyait d'un côté à la ville haute, de l'autre au port, défendue par trois bastions réguliers et quelques autres ouvrages. L'ensemble des deux villes formait ainsi un grand parallélogramme deux fois plus long que large" (Suchet, Mémoires).

Depuis 3 ans, Tarragone sert aux insurgés de camp retranché d'où leur armée manoeuvre contre les colonnes françaises de manière que finalement, rien n'est conquis que ce qui reste occupé. "Pendant ce temps, une multitude de bras étaient employés à rendre en quelque sorte imprenable cette forteresse qui, par la porte de Barcelone, était pour les Catalans l'unique moyen de communiquer avec Cadix, avec Valence, avec les Anglais.. Des additions considérables avaient été faites aux fortifications que nous venons de décrire. On avait occupé l'embouchure du Francoli par une redoute placée sur la rive gauche... Cet ouvrage était lié à l'enceinte de la ville basse par une longue ligne parallèle à la mer soutenue immédiatement par la redoute dite du Prince... Ce qui ajouta surtout à la force de Tarragone, ce fut la construction d'un nouveau fort sur le plateau de l'Olivo, point dont la hauteur égale celle de la ville, et qui n'en est éloigné que de huit cent mètres... Ce fort avait la forme d'un ouvrage à cornes irrégulier de quatre cent mètres de front. Les fossés profonds de sept mètres, larges de quatorze, étaient taillés dans le roc et précédés d'un chemin couvert, en partie achevé. Une galerie crénelée, adossée à un mur surmonté d'une palissade en fraises, fermait la gorge. Il se trouvait sur celle-ci deux portes défendues par des redans La partie droite n'en était pas terminée; mais un escarpement de près de soixante dix mètres de hauteur y suppléait en partie. Les branches de la corne ainsi que la gorge étaient bien protégées par les feux de la place. Au dedans de ce vaste ouvrage, du côté de la droite, s'élevait un réduit de sûreté qui avait lui même la figure d'un petit ouvrage à cornes : il était surmonté d'un cavalier armé de trois pièces de canon casematées, qui portaient au loin leur feu sur le plateau et dans les plis du terrain environnant. Le bastion de gauche était séparé du reste de l'ouvrage par un fossé bordé d'un parapet et formait ainsi un réduit latéral. Le fort de l'Olivo, armé d'une cinquantaine de bouches à feu, contenait habituellement douze cents hommes de garde" (Suchet).

Fig. 37a 1814 ? Fig. 37 1815?

Le Général en chef décide d'attaquer Tarragone par le front ouest. La nécessité de s'emparer avant tout de l'Olivo s'imposait. Les travaux d'approche seront ensuite dirigés contre les forts du littoral puis contre la ville basse et enfin contre la ville haute. Une fois ces résolutions prises, l'armée prend ses positions de siège, le 1er Léger débordant le bastion de gauche de l'Olivo et menaçant de flanc le retranchement qui précède le fort. Les travaux sont immédiatement commencés du côté du Francoli. Les Espagnols, dès le premier jour et durant toute la durée du siège, effectuent de nombreuses sorties.

Le 14 mai, le petit mamelon qui s'élève en face du Francoli et les deux retranchements qui s'appuient à ce mamelon sont enlevés et retournés contre le fort. Le 1er Léger s'installe dès lors à l'abri de l'ouvrage du sud ouest.

3/ Intermède du couvent de Monblanch

Le 16 mai, le détachement de Monblanch est attaqué par un Tercios de 600 miquelets. Il les reçoit par une décharge à bout portant qui les déconcerte et les décide à s'éloigner. Le 22 mai, il est cerné par le Général Sarsfield qui, parti de Vals à la tête de 2000 hommes, a franchi le Francoli et, repoussé d'Alcover, se rejetait sur Monblanch. Sommé de se rendre, Année "répondit comme il convenait à une pareille proposition. L'ennemi, renforcé d'un grand nombre de paysans et d'un obusier, l'attaqua; mais l'obusier fut démonté presque aussitôt et dut cesser de tirer" (Rapport de Saint Cyr Nugues sur la situation du 1er juin). Alors les Espagnols "se couvrant en tête par une espèce de cadre matelassé, trainé sur des roues, s'approchèrent de la porte du couvent avec des fascines pour y mettre le feu" (Etude historique par le Lieutenant Ch. Guérin du 1er Léger) ; ils renoncent bientôt à ce procédé, après avoir eu 15 ou 20 hommes mis hors de combat par la fusillade des défenseurs. La Compagnie du 1er Léger a eu un homme tué.

En même temps, une petite colonne, commandée par le Général Frère et forte de 4 Bataillons dont un de 1er Léger, a été envoyée par l'Armée de siège pour porter secours à la garnison de Monblanch. Sarsfield ne l'attend pas et s'éloigne en laissant sur le terrain une centaine d'hommes.

Ne voulant plus exposer ses détachements à de pareils incursions qui, si elles réussissaient, produiraient un fâcheux effet moral, le Général Suchet ordonne au Chef de Bataillon Année de ramener ses Compagnies devant Tarragone pour y reprendre leur rang dans les troupes de siège.

4/ Poursuite du siège de Tarragone

Fig. 38a 1814 ? Fig. 38 1815 ?

Le 18 mai, à trois heures du matin, 6000 hommes sortent de Tarragone, passent le Francoli et se dirigent en plusieurs colonnes vers les deux Bataillons du 116e de Ligne campés sur la rive droite du Francoli à hauteur de l'Olivo. "Un combat meurtrier fut livré dans lequel l'élan français eut à lutter contre toute l'opiniâtreté espagnole". Pendant que la Division Habert s'engage, le 1er Léger est conduit par le Général en chef lui même, avec quelques escadrons sur les bords du Francoli, de manière à menacer la retraite des Espagnols. Le Régiment se trouve ainsi dans une position très critique, exposé aux feux croisés de l'Olivo, de la place et des canonnières anglaises. Par cette audacieuse manoeuvre, il dégage la Division Habert. Les Espagnols, craignant d'être coupés de Tarragone, se replient; ils ont perdu dans cette journée 200 hommes. Côté français, 150 hommes ont été tués ou blessés. "Le voltigeurs Golo, du 1er Léger a tenu la tête de cette attaque et a tué le dix huitième Espagnol depuis qu'il est en Catalogne" (rapport de Suchet en date du 21 mai).

Le 20 mai, à 5 heures de l'après midi, plusieurs sorties sont exécutées simultanément. Une colonne part du fort Olivo avec deux obusiers et marche droit sur les retranchements français en prenant à revers les épaulements de droite. Pendant qu'elle est reçue de front par les voltigeurs des 7e et 16e de ligne, le Colonel Bourgeois la fait prendre de flanc par les Carabiniers et les Voltigeurs du 1er Léger. "Nos braves se précipitèrent avec tant d'ardeur que l'ennemi rentra en désordre dans Olivo" (Rapport du Général Saint Cyr Nugues). Quelques soldats osèrent même s'avancer entre le fort et la place : "un feu général de tous les remparts depuis la basse ville jusqu'à l'Olivo fit connaître l'épouvante que tant d'intrépidité inspirait à la garnison". Le 1er Léger perd les Capitaines Louis Thomas, Jean Paturel et 13 hommes. Le Chef de Bataillon Erhard et le Lieutenant Maisfret du 1er Bataillon sont blessés.

Le 23 mai, le Lieutenant Lelage est mortellement blessé dans la tranchée.

Enfin, le 28 mai, tout est prêt pour l'attaque de l'Olivo. "A la pointe du jour, au cris de : Vive l'Empereur !, le feu commence contre le bastion de droite et le cavalier. Il se continua sans interruption jusqu'au lendemain soir", dit le Chef d'Etat major général. Le 29, vers 8 heures du soir, "un peu avant le signal de l'assaut, plusieurs détachements du 1er Léger furent envoyés par le général Lorencez, les uns pour simuler par un feu vif de tirailleurs une attaque sur la gauche du fort en s'approchant le plus possible; les autres pour pénétrer plus loin par notre droite entre le fort et la ville et empêcher la retraite des fuyards et l'arrivée des renforts" (Suchet).

Tambour de Chasseurs 1813-1814 1er Léger
Fig. 39b 1813 Fig. 39a 1814 ? Fig. 39 1815 ?
Fig. 39aa Tambour de Chasseurs, 1813-1814 d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de monsieur Yves Martin). Source : Carl et Boeswilwald

Le signal est donné à 8 heures et demie et les troupes d'assaut se jettent sur les brêches au moment où une colonne de 1200 Espagnols vient relever la garde du fort. Le 1er Léger aborde en queue cette colonne et les Voltigeurs la suivent de si près que "le sergent Delhandry et une trentaine de voltigeurs pénètrent pêle mêle avec elle dans l'Olivo". (Suchet, Mémoires; dans son rapport du 31 mai 1811, Suchet a écrit : "Cent cinquante chasseurs du 1er Léger tournaient l'ouvrage, coupaient la retraite aux fuyards et quinze d'entre eux pénétraient dans le fort, conduits par le brave sergent de voltigeurs Delandhy". D'après de nouveaux renseignements, Suchet, dans ses Mémoires, a sans doute rectifié le nombre d'hommes et le nom du Sergent du 1er Léger).

Alors, le Général Habert, qui prolongeait la droite du 1er Léger "ordonna un hourra général au bruit des cornets et tambours battants" (Rapport de Saint-Cyr Nugues en date du 1er juin). De tous côtés, on bat la charge à pas précipités, on pousse des cris. La nuit sombre augmente encore les alarmes des assiégés incertains sur les véritables desseins des Français. La place répond par le feu de toutes ses batteries. "Le vaste amphithéâtre que présente Tarragone parut comme enflammé par le feu des canons et des mortiers, par la mousqueterie, les pots à feu et par les grenades éclatant de toutes parts au milieu des ténèbres. La flotte elle même, soit par des fusées, soit par des projectiles lumineux, soit en tirant au hasard sur quelque parties du rivage, ajoutait à l'effet de ce combat nocturne" (Suchet, Mémoires).

Le soir, les Français sont maîtres du fort Olivo et 900 cadavres en remplissent les fossés. Tout ce qui n'a pu fuir a été égorgé à la baïonnette et "ce n'est que par lassitude qu'on accorda la vie à 800 Espagnols dont plusieurs étaient blessés" (Saint-Cyr Nugues). Le 1er Léger a 32 tués. Dans les magasins, les Français trouvent 40000 rations de biscuits; 47 canons, 3 drapeaux ont été pris. Parmi les prisonniers se trouvent 70 Officiers, dont le commandant du fort, couvert de blessures. Les Espagnols considéraient l'Olivo comme imprenable; un prisonnier ayant été questionné sur l'effet produit par la prise du fort, s'écria naïvement "Nosostros mismos no le habieramos !" (Nous mêmes ne l'aurions pas pris !). Le fort Olivo est immédiatement retourné contre Tarragone. Le 30, les Espagnols tentèrent un retour offensif, en vain : "tentative ridicule qui eut le succès qu'elle méritait" (Saint-Cyr Nugues, Rapport du 1er juin).

Situation de l'Armée d'Aragon en date du 1er juin 1811 (SHAT) : Commandant en chef Général Suchet

- 1ère Division Musnier; 1ère Brigade Salme ; 1er Léger (Colonel Bourgeois) devant tarragone :

1er Bataillon (Ehrard) : 18 Officiers, 520 hommes

2e Bataillon (...) : 16 Officiers, 483 hommes

3e Bataillon (...) : 18 Officiers, 529 hommes

De là commence l'attaque de la ville basse. L'ouverture de la tranchée se fait dans la nuit du 1er au 2 juin, sous le commandement du Général Callier et du Colonel Bourgeois du 1er Léger. "Le général Rogniat dirigea cette importante opération avec sa hardiesse et son succès ordinaire. Malgré la lune et un feu vif de l'ennemi, 1500 travailleurs furent entièrement couverts au jour" (Saint-Cyr Nugues; Rogniat est le commandant du Génie de l'Armée).

Le front déterminé par le bastion Saint-Charles et le bastion des Chanoines est choisi comme front d'attaque. Ce front nécessite l'enlèvement préalable du fort Francoli et de la lunette du Prince et ne peut être définitivement au pouvoir des Français qu'après la chute du fort Royal. On arrive sans incident au commencement de la deuxième parallèle. Parvenu à ce point, un poste ennemi incommode tellement l'avancée des opérations que, dans la nuit du 6 au 7 juin, le Général Montmarie, commandant de tranchée, charge le Capitaine Auvray, Aide de camp du Général en chef, d'enlever ce poste. "Auvray se mit à la tête de 50 carabiniers du 1er Léger, et sans tirer, se portant à la course sur ce poste, s'en empara et s'y maintint, malgré les efforts de l'ennemi pour l'en chasser. C'était une espèce de redoute en maçonnerie; Auvray la fit détruire immédiatement par les travailleurs qui l'avaient suivis" (Mémoires de Suchet). Le lieutenant Lesage est tué dans cet engagement.

Fig. 40a 1814 ? Fig. 40 1815 ?

Le matin du 7 juin, l'Artillerie commence à battre en brèche le fort Francolli. Le soir, la brèche est praticable et le Général Suchet ordonne l'assaut sous la direction de l'Adjudant commandant Saint-Cyr Nugues, son Chef d'Etat major. "Le dispositif en fut ainsi réglé : trois colonnes d'attaque de cent hommes d'élite chacune tirée du 1er Léger et du 5e d'Infanterie légère furent formées dans les tranchées et destinées à déboucher ensemble, pour se porter dans le fort, précédées de quelques sapeurs... Au signal donné, à dix heures du soir, il (Saint Cyr Nugues) s'élança de la droite de la tranchée avec le capitaine Foucault et le capitaine d'Aramon, suivis de 120 carabiniers du 1er Léger commandés par le capitaine Bouillet" (Suchet). Deux autres colonnes moins importantes se jettèrent en même temps sur les saillants des deux bastions du front attaqué (front nord). "Au centre, la colonne principale traversa deux fossés, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, et monta par la brèche sous un feu vif, mais de courte durée. Dès que les Espagnols nous y virent arriver, ils abandonnèrent trois bouches à feu et évacuèrent le fort, se retirant par la plage sur le bastion Saint Charles, derrière la lunette du Prince. Nos soldats, dans leur ardeur, les poursuivirent jusqu'à ce fort, criant : "En ville ! en ville !" mais ils furent arrêtés par l'obstacle qui était devant eux et par un feu terrible de mousqueterie à bout portant" (Suchet). Les deux journées du 6 et 7 juin ont couté au 1er Léger 30 tués.

Pendant le reste de la nuit, le fort est retourné contre la basse ville, "sous une pluie de mitraille".

Dans sa lettre datée du camp devant Tarragone, le 15 juin 1811, Suchet fait son rapport à Berthier, des évènements des 6 et 7 juin; il écrit : "A S. A. S. le prince de Neuchâtel et de Wagram.
Monseigneur,
Ainsi que j'ai eu l'honneur de le marquer à V. A. par mon rapport du 5 de ce mois, j'ai profité des moments, après la prise du fort Olivo, ou de Salme, pour ouvrir la tranchée contre la place de Tarragone. Cette opération s'est faite avec succès dans la nuit du 1er au -2 juin ; les nuits et jours qui ont suivi, ont été employés avec toute l'activité possible à étendre et perfectionner les travaux, et préparer l'établissement des batteries. L'ennemi s'y est opposé par plusieurs tentatives de vive force et par un feu d'artillerie qui a été meurtrier. La constance des officiers du génie et de notre brave infanterie, a été inébranlable, Jusqu'à ce jour, nous avons eu un officier du génie, quatre d'infanterie, et près de 8o soldats, dont dix sapeurs, tués et plus de 5oo blessés, dont plusieurs officiers de génie et de la ligne.
L'attaque dirigée contre le front de la basse ville, qui s'étend depuis le bastion des Chanoines jusqu'à la mer, dans une longueur de plus de 4oo toises, était gênée à l'extrême droite par le fort de Francoli : cet ouvrage, placé à l'embouchure de la rivière dont il prend le nom ; son fossé rempli d'eau, avec escarpe et contrescarpe revêtues, chemin couvert et place d'armes et avant fossé plein d'eau, uni aux ouvrages de la place par une longue ligne fortifiée de 8o toises, avait pour objet de renforcer le front le plus faible , de conserver l'eau du Francoli, et de nous éloigner du port. Je déterminai de l'attaquer et de le prendre. Dans la nuit du 6 et du 7, 25 bouches à feu en cinq batteries furent placées, malgré le clair de la lune et la mitraille de la place ; dix bouches à feu, soit du fort de Salme, soit des batteries de côte, appuyaient l'attaque, pendant que la plus grande partie de ces feux étaient dirigés contre les batteries ennemies, ou contre la mer et le môle. Deux batteries de pièces de 24 et de 16 devaient faire brèche à la face non flanquée du fort, et à une partie faible de la communication.
Le feu commença le 7 à la pointe du jour et continua jusqu'au soir avec justesse et activité, malgré la vive riposte de l'artillerie de la place. Deux magasins sautèrent ; à six heures la brèche était praticable, l'ennemi évacuait son artillerie : j'ordonnai l'assaut à la nuit, par trois colonnes d'élite, appuyées d'une réserve et précédées chacune d'un officier du génie et de quelques sapeurs munis d'échelles. J'en confiai le commandement à l'adjudant commandant Saint-Cyr Nugues, colonel de tranchée ce jour-là ; il se mit à la tête des carabiniers du 1er léger, qui formait la colonne du centre, et marcha droit à la brèche principale, tandis que les voltigeurs du 5e léger à droite par le nord du Francoli et de la mer, et les voltigeurs du 1er léger, par la brèche de la communication tournaient l'ouvrage et se portaient à la gorge. Les soldats se précipitant avec leur ardeur accoutumée, franchirent un fossé profond ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, et en même temps la brèche et s'emparèrent de la gorge, sous un feu vif de mousqueterie. Mais l'ennemi, instruit par l'assaut d'Olivo, ne fit pas une seconde décharge, et s'enfuit vers la ville, jusqu'à une traverse où les soldats le poursuivirent. Un feu terrible de mitraille et de fusillade fut aussitôt dirigé du fort Saint-Charles, du môle et de toute la basse ville sur le point dont nous venions de nous emparer. Les braves carabiniers et voltigeurs le soutinrent avec un courage intrépide, jusqu'à ce que le génie fût parvenu à mettre tout le monde à couvert. Au jour la ville et la mer assaillirent de nouveau le fort Francoli par un feu combiné d'artillerie des plus vifs ; mais on s'était logé sur les faces, en retournant les parapets contre l'ennemi ; le logement était fait à la gorge, la communication établie, et le fossé comblé. L'ennemi fut forcé d'évacuer toute sa longue ligne, jusqu'à la contregarde du bastion Saint-Charles. Nous avons pris dans le fort un mortier de douze pouces, et deux pièces de 12 longues. Nous avons eu quinze morts et une quarantaine de blessés, dont un officier du 1er léger.
La prise de cet ouvrage nous permet de battre le port, facilite beaucoup nos cheminements sur le bastion des Chanoines, et nous permet d'attaquer le bastion Saint-Charles et sa contregarde. Déjà une nouvelle batterie de six pièces de 24 a été tracée et s'élève dans l'ouvrage même ; elle fermera l'entrée et la sortie du port ; notre seconde parallèle a été ouverte sous un feu des plus terribles, et aujourd'hui elle est achevée ; de nouvelles batteries se tracent ; nous serrons à 40 toises du fort Saint-Charles ; et sous peu de jours j'espère, par une attaque décisive, m'emparer entièrement de la basse ville, fermer tout-à-fait le port, et n'avoir plus à cheminer que contre le corps même de place de Tarragone.
Je suis avec respect,
Monseigneur,
De V. A. S.
Le très-humble et dévoué serviteur,
Le comte Suchet
" (Courrier de Turin N°91, 7e année, jeudi 4 juillet 1811).

Les jours suivants, les travaux d'approche sont continués en cheminant, le jour à la sape pleine, la nuit à la sape volante. "Les soldats d'infanterie déployaient toute leur énergie dans ces travaux exécutés si près de l'ennemi et contrariés par un feu continuel et meurtrier" (Suchet). Selon Martinien, le 8 juin, le Sous-lieutenants Casse est blessé (et mort le 10), tout comme le Sous-lieutenant Tompeur.

Le 14, on n'est plus qu'à une cinquantaine de mètres de la Lunette du Prince dont les parapets sont presque complètement détruits dans les journées du 15 et du 16. "Le fossé de la face gauche ne se prolongeait pas jusqu'au bord de la mer. C'était le défaut de la cuirasse. Par là on pouvait pénétrer à la gorge de l'ouvrage. L'assaut fut ordonné pour le 16, à 9 heures du soir". Le Général Buget, commandant de la tranchée, forme deux colonnes du 1er Léger, sous ordres du Chef de Bataillon Javersac, du 5e Léger, et tient prête une réserve de 350 hommes du 116e. "Au signal donné, la première colonne s'élance et, profitant du point faible qui venait d'être découvert sur la plage, tourne l'ennemi pendant que la deuxième colonne se jette dans le fossé de la face non flanquée, coupe les palissades, dresse les échelles et monte à l'assaut. Les Espagnols se défendent avec résolution. Le commandant Javersac, l'un de nos vétérans d'Austerlitz, tombe mort ainsi que plusieurs braves qui le suivirent" (Suchet).

Fig. 41a 1814 ? Fig. 41 1815 ?

La perte du commandant de l'attaque pouvait avoir des suites fâcheuses. L'Adjudant commandant Balhatier, et le Colonel Meyer, qui sont de tranchée, s'empressent de le remplacer. La deuxième colonne, redoublant d'efforts, reste maîtresse de la brèche jusqu'à ce que la première ait pénétré par la gorge. Une centaine d'Espagnols périssent. Le reste s'enfuit, laissant aux Français sept bouches à feu et 980 prisonniers, dont un Colonel. "Le lieutenant de carabiniers Albrespit, connu dans l'armée pour sa rare valeur, avec 50 braves, poursuivit les fuyards, la baïonnette dans les reins. Il les atteint au pont levis de la coupure qui fermait le quai dans le prolongement de la face droite du bastion Saint Charles. Il le passe pêle mêle avec eux et, quoique assailli bientôt par un grand nombre, il veut s'y maintenir et le défendre. Nouveau Coclès, il résiste longtemps à des forces toujours croissantes; il tombe enfin blessé; le sergent Labbé le remplace et succombe à son tour, ainsi que la plupart des carabiniers. La réserve, lancée à ce moment, les retira des mains de l'ennemi" (Suchet. A noter que les mémoires du Maréchal Suchet parlent du Sergent Labre; que le rapport de la journée cite le Sergent Labbes; le véritable nom de ce Sous officier est Labbé, tel qu'il apparait sur un registre matricule des Officiers du 1er léger, car Labbé a en effet été nommé Sous lieutenant en récompense de sa belle conduite. Le même registre dit au sujet de Labbé : "Le sergent Labbé, déjà blessé le 10 juin à la tranchée, avait été posté le 16 sur les glacis avec 16 carabiniers du régiment. Servant de cible aux défenseurs, il resta à son poste jusqu'à ce que les seize hommes qu'il commandait fussent hors de combat. Blessé lui même et affaibli par la perte de son sang, l'héroïque Labbé est entré un des premiers dans le fort et a tué de sa main beaucoup d'Espagnols. Il reçut dans cette journée un coup de feu au bras droit, un coup de feu dans la cuisse droite, une violente contusion au pied gauche et plusieurs coups de baïonnette dont quatre au pied gauche"). Dans son rapport du 19 juin, Suchet ajoute : "Son sous-lieutenant, Paturel (celui d'Alberspit) a été gravement blessé ainsi que le sergent Labbes qui prit le commandement du poste après eux, reçut sept blessures, et ne se retira que lorsque les soldats, à l'exception d'un seul, eurent tous été blessés". Henri Paturel est le frère du Capitaine Jean paturel tué, le 20 mai, devant l'Olivo.

Quelques jours plus tard, Bernard Albrespit est nommé Capitaine. Voici en quels terme le Général en chef parle de Albrespit dans son rapport à Berthier, écrit du camp sous Tarragone le 19 juin : "Le lieutenant des carabiniers Aberspit (sic), qui a été blessé, s'est élancé des premiers à la tête des soldats, sur les échelles et sur la brèche. il a mérité plusieurs fois depuis le siège d'être distingué comme brave parmi les braves du premier régiment de l'armée française".

A également été mortellement blessé au cours de la double attaque, le Capitaine Anne Achille Rouillé d'Orfeuil. Le lendemain 17, c'est au tour du Sous lieutenant Duilhé de tomber dans la tranchée.

Le 21 juin, trois brèches sont ouvertes sur le front d'attaque : une au bastion Saint-Charles sur la face droite, une au bastion des Chanoines, sur la face gauche, la 3e près du saillant nord-ouest du fort Royal. Trois colonnes principales et deux colonnes secondaires destinées à les appuyer sont formées. La 1ère a pour objectif le bastion des Chanoines et le fort Royal. Le 1er Léger fournit 100 hommes d'élite à la 2e (composée également de 100 hommes d'élite des 5e Léger et 42e de Ligne, soit au total 300 hommes) qui, sous les ordres du Commandant Fondzelski, doit marcher sur le bastion Saint-Charles. "La 3e, composée de 300 carabiniers du 1er léger, que commandait le colonel Bourgeoit, formait la réserve. Elle devait appuyer au début l'assaut du bastion Saint-Charles et se porter ensuite au fort Royal".

Fig. 42

Au signal donné à sept heures du soir par le départ de quatre bombes, les colonnes d'assaut s'élancent sur les brèches. La colonne Fondzelski éprouve tout d'abord "une vive résistance; mais elle redouble d'efforts". Le colonel Bourgeois lance alors ses carabiniers; "les Espagnols cèdent et fuient vers la basse ville où Fondzelski les poursuit, franchissant les coupures et renversant les palissades.... Arrivé à hauteur du quai, Fondzelski rencontra une forte réserve de Sarsfield qui, désespéré de la perte de tant d'ouvrages, ralliait tout ce qui lui restait de monde, afin de défendre encore le port et les batteries du môle". Pour vaincre ce nouvel obstacle, quelques Carabiniers du 1er Léger sont envoyés sur la droite afin de déborder Sarsfield; ce dernier, après avoir tenu la campagne, était rentré par mer dans Tarragonne.

L'intervention rapide et imprévue des Carabiniers par le bord de la mer, rétablit le combat. "L'ennemi pressé de toutes parts est enfoncé. Acculé à la mer et au môle, il se trouve sans retraite. A l'exception d'un petit nombre, tout est passé par les armes dans la basse ville, au port, dans les maisons et jusqu'aux portes de la ville haute".

En même temps, la colonne de gauche (1ère colonne) franchit la brèche du bastion des Chanoines. Elle commençe l'assaut du fort Royal par cette brèche, lorsque le colonel Bourgeois, arrivant avec le gros de sa réserve, l'escalade par la face opposée. Les défenseurs du fort Royal, assaillis de tous les côtés à la fois, gagnent en désordre le bastion Saint-Dominique qui est enlevé à leur suite. Pendant toute l'action, les vaisseaux anglais lancent sur la basse ville, sur les tranchées et sur les camps français une grêle de boulets qui ne font aucun mal. Les assauts sont menés avec tant de vigueur qu'en une heure, les hommes sont maîtres de tous les ouvrages extérieurs à la haute ville. Le lendemain, on fait brûler 1354 cadavres. Les pertes ont été grandes : le 1er Léger compte parmi ses morts le Capitaine Hubert Houillon (Martinien le donne blessé et mort le 26) et parmi les blessés le Lieutenant Kymli et le Sous-lieutenant Pasquier. Martinien ajoute le Capitaine Bouillet.

Dans son rapport adressé depuis le camp devant Tarragone, le 26 juin 1811, au Maréchal Berthier, Suchet raconte : "Monseigneur,
La défense de Tarragone, devenue plus opiniâtre à mesure que l'attaque faisait des progrès, n'avait fait que se concentrer depuis l'enlèvement des ouvrages extérieurs d'Olivo et de Francoli. Elle s'alimentait des secours en tout genre qu'une armée de terre ne peut intercepter à une place maritime, sans le concours d'une flotte qui complète le blocus. Le faubourg ou la basse-ville qui comprend le port et le môle, est couvert par un front de fortifications qui se hérissait chaque jour de nouvelles batteries, et contre lequel je dirigeai tous nos efforts. J'ai eu l'honneur de rendre compte à Votre Altesse du troisième assaut donné le 16 juin à la Lunette-du-Prince, avec le même succès que les deux précédents. La prise de ce point était un premier pas fait dans l'enceinte de la ville-basse. Aussitôt l'artillerie transporta de nouveau sa batterie de brèche, et avec dix mille sacs à terre, l'établit sur le terre-plein de l'ouvrage même. Le génie serra de plus le front attaqué, ouvrit une troisième parallèle, poussa deux débouchés sur l'angle saillant du chemin couvert du bastion Saint-Charles et sur celui de la demi-lune, couronna la crête du glacis, et enfin exécuta la descente du fossé à l'angle du bastion des Chanoines.
Le 21, dès l'ouverture du feu, un obus de l'ennemi fit sauter le magasin à poudre de notre batterie de brèche ; en moins d'une heure le mal fut réparé ; toutes nos batteries, par un feu combiné et soutenu, éteignirent celui de l'ennemi, et ouvrirent trois brèches praticables. A 4 heures du soir, j'ordonnai l'assaut, et à sept heures tous les préparatifs étaient faits. Quinze cents grenadiers et voltigeurs furent réunis dans les débouchés, avec des sapeurs et des échelles, et disposés en colonne d'attaque et réserves. Ils étaient suivis de mille travailleurs. Le général de tranchée Palombini commandait l'assaut. Je chargeai le général Montmarie de commander à la gauche des tranchées une deuxième réserve, des 5e léger et 116e, soit pour appuyer au besoin l'attaque principale, soit pour observer les sorties de la haute-ville ; il devait être secondé par deux bataillons du 7e de ligne et par les feux de l'Olivo ou fort de Salme, tandis que tout-à-fait à gauche le général Harispe faisait des mouvements pour donner de l'inquiétude à la garnison sur la route de Barcelone, et jetait des bombes sur la marine. A sept heures du soir, au signal donné de quatre bombes à-la-fois, cinq colonnes se lancèrent sur les points indiqués, en criant vive l'Empereur !
La première, composée de 500 hommes d'élite des 116e, 117e, et 121.e, aux ordres du colonel du génie Bouvier, partait du fond du fossé du bastion des Chanoines, pour escalader successivement les deux brèches du bastion et du fort-royal, tandis que la deuxième, de 50 grenadiers du 115e régiment, commandée par le capitaine Thiébaud, aide-de-camp du général Rogniat, se portait du fossé de la demi-lune, droit à son réduit, pour tourner l'ouvrage et s'unir ensuite à la première ; en même temps, une troisième de 50 grenadiers du 115e à la droite, sous les ordres du capitaine Baccarini sortait du fossé de la Lunette du prince, par le bord de la mer, et pénétrait vers le port. Cinq minutes après la quatrième colonne de 500 hommes d'élite des 1er léger, 5e léger et 42e de ligne commandée par le chef de bataillon du 1er de la Vistule Fondzelski, s'élança sur la brèche du bastion Saint-Charles, et entra dans le faubourg : elle était immédiatement suivie de la 5e colonne, de 500 carabiniers du 1er léger, commandés par leur colonel Bourgeois, qui après avoir passé la brèche Saint-Charles prenait sa direction à gauche, se portait vers le Fort Royal et le tournait par la gorge.
Cinq mille hommes défendaient ces ouvrages, et la ville basse ; comme on avait un peu devancé la nuit pour reconnaître le terrain et faire des dispositions, ils opposèrent d'abord une forte résistance et un feu des plus vifs. Mais l'impétuosité irrésistible des braves grenadiers et voltigeurs renversa en peu d'instants tous les obstacles. Le colonel Bouvier, avec sa colonne, gravit rapidement la brèche de la fausse braie et celle du bastion des Chanoines, poursuit les Espagnols jusqu'au réduit du bastion ; ils veulent nous arrêter au passage du pont-levis ; on en fait un carnage affreux, les fossés sont comblés de cadavres. On escalade ensuite la courtine brisée, et on parvient à la brèche du Fort Royal, où l'on applique les échelles ; l'ennemi n'eut pas le temps de faire jouer deux fourneaux chargés sous le saillant du bastion des chanoines. Le capitaine Thiebault ayant porté sa petite colonne droit au réduit de la demi-lune, avait par ce mouvement audacieux forcé l'ennemi d'abandonner le réduit et l'ouvrage ; de là il se réunit rapidement à la première colonne ; les braves s'élancent à l'envi sur la brèche du Fort Royal, l'ennemi est culbuté, égorgé, ou fuit en désordre. Le colonel Bouvier établit les troupes ; le capitaine Thiebault poursuit les fuyards : en ce moment la colonne du colonel Bourgeois arrive de la droite ; les carabiniers du 1er léger se précipitent sur l'ennemi et achèvent sa déroute. On le chasse à coups de baïonnettes jusque sous les murs de la haute ville, on entre dans le bastion Santo-Domingo, intermédiaire entre la ville et le fort, 150 Espagnols y sont égorgés, et nous restons maîtres, par la conquête du Fort Royal, du point qui doit assurer la possession de tout le reste.
Dans le même temps, la colonne du commandant Fondzelski avait pénétré dans le faubourg, franchissant les coupures, renversant les barricades, et faisant tout fuir devant elle, pendant que les cinquante grenadiers lancés par le bord de la mer s'efforçaient d'arriver à la tête de la jetée. Mais là une réserve de Sarsfield était placée pour nous arrêter, et une fusillade vive et imprévue fit tout-à-coup chanceler l'attaque. La disposition générale de l'assaut prescrivait de se retrancher dans les maisons, de s'y créneler et s'y défendre, si l'ennemi opposait trop de force et de résistance. Cette précaution ne fut pas même nécessaire. Le colonel du 117, Robert, qui commandait spécialement la droite, s'avance aussitôt par le bord de la mer, à la tête de la réserve, composée de voltigeurs et grenadiers des 5e léger, 42e, 114e, 115e et 121e. Sa seule présence rétablit le combat ; l'ennemi épouvanté et sans retraite se trouve acculé à la mer et au môle ; un carnage affreux succède ; tout est passé à la baïonnette ; rien n'échappe dans le faubourg, au port, dans les maisons et les fossés, et jusqu'aux portes de la ville où le major de tranchée Douarche, et le capitaine Dérigny, mon aide-de-camp, avec une poignée de braves, poursuivent dans leur retraite précipitée, les derniers fuyards échappés à nos coups.
Après les premiers instants de fougue passés, le général Palombini et le colonel Robert, commandants de tranchée, prirent les dispositions nécessaires pour assurer une si brillante conquête, placèrent les troupes, établirent les postes. Je chargeai les généraux Rogniat et Valée , chefs du génie et d'artillerie, de parcourir le terrain et les ouvrages ; le colonel Henry, chef d'attaque, fit avancer les travailleurs ; aidé du chef de bataillon du génie Tardivy, il fit faire les logements et communications, perfectionner les rampes des brèches ; et profitant de la terreur des ennemis, traça et ouvrit la même nuit une première parallèle devant le front de la haute-ville, en avant du Fort Royal, appuyant sa gauche au bastion Santo-Domingo, et se prolongeant vers le bord de la mer. Au jour, nous présentions déjà un aspect formidable à la garnison consternée derrière ses murs, et aux anglais, spectateurs inutiles, mais non indifférents, de cette nuit si désastreuse pour eux et leurs alliés. Des magasins considérables de cotons, de cuirs, de sucre, et d'autres denrées anglaises, renfermées dans la basse ville, étaient la proie du pillage ou des flammes. A cette vue, une rage impuissante leur fit oublier nos bombes et boulets rouges, dont la crainte les tenait à distance, depuis l'établissement de nos batteries de côte.
Tous leurs vaisseaux et frégates prirent le vent pour prolonger rapidement la côte depuis la hauteur du fort Francoli, jusqu'au-delà du port, et en passant tour-à-tour devant notre flanc, lâchèrent toutes leurs bordées, inondant nos tranchées, nos camps et le faubourg d'une véritable pluie de boulets, qui me fit presque de mal à personne. La garnison encouragée un instant par tout ce bruit, osa faire paraître quelques têtes de colonnes ; nos soldats s'étaient mis à l'abri dans les maisons ; à l'instant ils se montrèrent, et allaient se précipiter de nouveau sur l'ennemi ; mais il n'en fallut pas davantage pour faire tout rentrer.
Cette tentative a été la dernière ou la seule, pour nous déposséder de la ville basse, dont la perte doit être fatale à Tarragone. Dès la nuit suivante, le général Montmarie et le colonel Saint-Cyr-Nugues, qui relevèrent la tranchée, firent par mon ordre établir des batteries contre la mer ; et une deuxième parallèle fut ouverte à 60 toises, pour préparer l'attaque et les batteries de brèche contre le corps de place.
La prise de la basse ville et de ses dépendances a mis en notre pouvoir 8o bouches à feu, dont j'ai l'honneur d'adresser l'état à votre altesse ; ce qui porte à 157 en tout celles que nous avons déjà prises. Le nombre des prisonniers ne s'élève pas à 160, dont quelques officiers ; ce sont des victimes échappées par une espèce de prodige à la fureur du soldat, que chaque assaut irrite et anime de plus en plus. J'ai été obligé de faire brûler les morts comme à la prise du fort de l'Olivo ; le relevé jusqu'à ce jour s'élève déjà à 1555, et tous les jours on découvre de nouveau des cadavres. Je crains bien, si la garnison de la place attend l'assaut à sa dernière enceinte, d'être contraint de donner un exemple terrible, et d'effrayer à jamais la Catalogne et l'Espagne par la destruction d'une ville entière.
Notre perte dans cette action si chaude, mais si rapide, ne s'élève qu'à 120 morts et 572 blessés. Mais je dois faire observer à V. A., que l'attaque de ce faubourg, couronné par un triple assaut, date de plus de dix jours, dans lesquels les troupes du génie et d’artillerie, et l’infanterie, ont éprouvé des pertes journalières. Plusieurs officiers ont été tué un grand nombre blessé ; je compte depuis le siège en tout 2500 hommes hors de combat. L'ardeur et le bon esprit qui anime toute l'armée ne font que redoubler, et on aspire à frapper un dernier coup qui termine avec éclat cette longue lutte.
Je dois des éloges particuliers au général Palombini et au colonel Robert, qui commandaient la tranchée et l'assaut, et aux chefs des cinq colonnes qui ont conduit chacun la leur avec autant d'intelligence que d'intrépidité. Le chef de bataillon du 7e de ligue Vallot a été gravement blessé au moment de marcher avec la colonne dont il faisait partie, il a été remplacé par le capitaine Francoul du 116. Le capitaine d'artillerie Crouzet fut blessé pendant le feu de la journée ; le capitaine Foissier du 115e le fut également le soir dans l'assaut, ainsi que le lieutenant Floriot du 114e, le capitaine Vagnon et le lieutenant Simon du 121e, et le capitaine George Bouillet, le capitaine Houillon, le lieutenant Kimli, le sous-lieutenant Pasquier du 1er d'infanterie légère. Je ne puis insérer dans un rapport les noms de tous les braves, qui ont mérité par des traits d'une valeur éclatante d'être distingués. Je prends la liberté d'en adresser ci-joint à V. A. un état nominatif, dressé sur les rapports, et qui est loin encore de contenir la liste de tous les militaires de l'armée d'Aragon, qui dans cette occasion ont pu mériter un regard de satisfaction de S. M., en se dévouant pour son service.
Je suis avec respect,
Monseigneur,
De Votre Altesse Sérénissime,
Le très-humble et très-dévoué serviteur
Le comte Suchet
" (Courrier de Turin N°95, 7e année, vendredi 12 juillet 1811).

Pour la journée du 22, Martinien cite le Sous lieutenant Lecomte.

Il reste maintenant à enlever la ville haute, dernier réduit de la défense. La tranchée est ouverte le 23 juin.

Le 25 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Mon cousin ... Présentez-moi quatre généraux de brigade à nommer parmi les colonels des corps de l'armée d'Aragon qui se sont le plus distingués, savoir : les 1er léger, 114e, 121e, 14e de ligne, 115e, 42e, 7e, 6e, 44e, 16e, 117e.
Remettez-moi les noms et les états de service de ces colonels avec des notes sur leur capacité
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 56779; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27436). Le Colonel Bourgeois devra finalement attendre 1812 pour être nommé Général.

Le 26 juin 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Espagne : "Vous ferez partir au 1er août de Pau :
... 4° tout ce qu'il y a dans la 10e division militaire appartenant aux régiments de l'armée de Catalogne qui font aujourd'hui partie de l'armée d'Aragon, tels que les 1er léger, 42e, etc. ; ... Vous chargerez un officier supérieur de prendre le commandement de ces hommes isolés, qui formeront ainsi 3000 hommes qui prendront des cartouches et se mettront en état, et de se rendre avec cette colonne à Saragosse
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5685; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27454).

Dès le 27, le Général en chef promet aux travailleurs l'assaut pour le lendemain : "des cris de joie et d'ardeur lui répondirent et furent pour lui un présage favorable. Le 28, dès quatre heures du matin, l'artillerie commença à tirer sur tout le front d'attaque et particulièrement sur l'angle de la courtine et du bastion Saint-Paul. A une heure, le général en chef va voir où en est la brèche. Les remparts étaient couverts d'Espagnols criant des injures et provoquant nos soldats avec fureur.... La brèche s'élargissait à vue d'oeil.... Tous les régiments disputaient l'honneur d'être choisis..." (Suchet). Seize compagnies d'élite (fournies par les 1er et 5e Léger, les 14e, 42e, 114e, 115e, 116e, 117e et 121e de ligne et le 1er Régiment de la Vistule), sont formées en trois colonnes d'assaut sous les ordres du Général Habert. Le Général Ficatier, qui commande la tranchée, réunit une réserve de 1200 hommes, dont 200 du 1er Léger. Enfin le reste de l'armée est sous les armes dans les tranchées, dans les maisons crénelées de la ville basse et dans les camps, lorsqu'à cinq heures de l'après-midi le signal de l'assaut est donné.

Ecoutons encore le récit du Général en chef : "Notre feu cesse; celui de l'ennemi redouble à la vue de nos braves qui sortent de la tranchée, franchissent à la course un espace découvert de 120 mètres et s'élancent à la brèche. De grands aloès, formant comme une ligne à 20 mètres de la muraille, forcent notre tête de colonne à se détourner. Alors les Espagnols accourent, bordent la brèche de tout ce qu'ils ont de plus vaillant en officiers et en soldats. Armés de fusils, de hallebardes, de grenades et soutenus par un feu de mousqueterie des plus vifs, ils repoussent les assaillants dont les premiers arrivés chancellent sur un terrain mouvant qui croule sous leurs pas. Une grêle de mitraille tombe sur la tête de la colonne. La fortune semble hésiter un moment. Le général en chef ordonne de faire avancer une réserve : un bataillon d'officiers accourt pour frayer la route.... Plusieurs succombent; mais les colonnes se rallient, la masse se reforme, se pousse, arrive au sommet et, comme un torrent irrésistible, surmonte la brèche et inonde les remparts.... Trois bataillons d'élite que le général Contreras avait placés en arrière de la brèche furent culbutés par notre premier choc et poursuivis dans la ville, pendant que des détachements se portaient sur les bastions le long de l'enceinte... Le général en chef fit aussitôt passer la brèche aux troupes fraîches du général Ficatier...". Le général Jean Senen de Contreras, gouverneur de Tarragone, reçoit lui-même un coup de baïonette dans le ventre et est fait prisonnier pendant ce dernier assaut.

Fig. 43 Fig. 43a

"La défense, qui avait cessé un moment quand la brèche fut enlevée, reprit tout à coup avec une nouvelle intensité; mais cet effort ne pouvait plus avoir pour résultat que d'irriter les vainqueurs au plus haut degré, non de les arrêter. Déjà l'enceinte et plusieurs parties de la ville étaient envahies par d'autres troupes qui se succédaient continuellement. Le général Habert excite à haute voix les voltigeurs du 1er Léger, du 14e, du 42e, qui s'élancent sur les retranchements de la Rambla. Les Espagnols résistent en désespérés. Une foule de nos braves périssent, mais en tombant assurent enfin la victoire à leurs compagnons". La Rambla comprend la place centrale et la rue principale de Tarragone dans lesquelles étaient accumulées des défenses de toutes sortes.

"Après cette dernière convulsion, la défense de Tarragone expira enfin; il ne resta plus que la résistance individuelle de ceux qui, en fuyant, combattaient encore pour leur vie. De ce moment, le langage et le rôle des officiers changèrent : jusqu'alors ils avaient animé le soldat; ils s'efforcèrent de le retenir et de le calmer. Mais son exaltation était arrivée au plus haut point; et il n'était pas possible en si peu de temps, au milieu d'une telle scène, de le modérer par des paroles. il était comme enivré par le bruit, la fumée et le sang, par le souvenir du danger, par le désir de la victoire et de la vengeance. Sa fureur déchaînée n'écoutait plus rien; il était presque devenu sourd à la voix même de ses chefs. Cependant, il faut le dire, un nombre considérable d'Espagnols poursuivis sous les yeux et jusque dans les bras des officiers français dont ils imploraient la protection, durent la vie à ces mêmes officiers qui demandèrent grâce pour eux à leurs propres soldats". Le Général Contreras s'exprime ainsi dans son rapport au ministrc en date du 30 juin, c'est-à-dire deux jours après les événements : "La tragédie fut moins sanglante parce que les officiers français, pleins de générosité, délivraient tous ceux qu'ils pouvaient, s'exposant eux-mémes à être victimes de leurs propres soldats".

Fig. 44

"Une masse d'Espagnols s'était retirée dans la cathédrale, vaste et solide édifice. Nos soldats durent encore essuyer un feu meurtrier pour franchir les soixantc marches qui précèdent l'entrée. Ils s'en rendirent maîtres et allaient tout tuer, ils s'arrêtèrent à la vue de 900 blessés étendus dans l'intérieur, et leurs baïonnettes les respectèrent... On fit si peu de quartier dans cette terrible journée que le général en chef rencontrant dans une rue le carabinier Flandin, du 1er Léger, qui lui présenta les trente ou quarante premiers prisonniers qu'on eut fait, fut heureux de féliciter ce soldat de son humanité, prit son nom et lui promit une récompense qu'il obtint plus tard". Dans son rapport, le général Saint-Cyr Nugues écrit :"La baïonnette a fait justice d'une opiniâtreté aveugle qui avait provoqué la fureur des vainqueurs.... Tout ce qui chercha à fuir fut canonné, fusillé, sabré, noyé ou pris".

Le 1er Léger a perdu deux Officiers, tués : le Lieutenant Claude-Pierre Pernier et le Sous-lieutenant Dieudonné. Le Sous-lieutenant Lapierre a été blessé. Martinien ajoute le Capitaine Adjudant-major Michel, ainsi que les Sous-lieutenants Delannoy et Cresson. Au total, le 1er Léger a eu pendant le siège 5 Officiers et 84 hommes tués, 12 Officiers (dont selon Martinien les Capitaines Charton et Denechaux) et 391 hommes blessés.

La prise de Tarragone laisse en la possession des Français (selon Suchet) 20 drapeaux, 337 canons, 15000 fusils, 40000 boulets ou bombes, 150 milliers de poudre, 40 millions de cartouches et 10000 prisonniers (l'état dressé par l'Ordonnateur en chef de l'armée Bondurand, le 29 juin 1811, à Constanti, porte le nombre des prisonniers faits pendant le siège à 608 officiers et 11214 hommes).

Le Général Suchet, commandant en chef, est nommé Maréchal d'Empire. Le Colonel Baron Bourgeois du 1er Léger reçoit le grade de Général de Brigade. Le Capitaine Georges Bouillet, le Capitaine Houillon (tué le jour de l'assaut), le Lieutenant Kymli et le Sous lieutenant Pasquier sont cités dans le rapport du Général en chef (en date du 26 juin 1811) adressé à Berthier pour leur belle conduite pendant le siège.

Fig. 44bis Officier en surtout vers 1813. Miniature carrée sur ivoire (1er Empire). Portrait en buste supposé représenter un "Chef de Bataillon" au 1er Régiment d'Infanterie légère. Décoré de la croix de la légion d'honneur. Signée "Mengin 1813". Encadrement carré bois naturel. Vente du 3/11/2011 à Drouot.

5/ Expédition de Mont-Serrat

Fig. 45a 1814 ? Fig. 45 1815 ?

Après avoir pris des dispositions pour assurer l'ordre dans Tarragone, le Général en chef Suchet décide d'en finir une bonne fois avec les bandes du Marquis de Campoverde. Dès le 30 juin, il met en marche les Divisions Harispe et Frère sur la route de Barcelone. Lui-même suit ces Divisions avec la Brigade Abbé qu'il vient de constituer avec le 1er Léger et le 114e de ligne.

Pendant près d'un mois, on s'arrête aux environs de Villafranca. Puis, dans les premiers jours de juillet, on sillone tout le pays entre Lérida, Olot et Barcelone. Les insurgés se sont retirés par Igualada. Après plusieurs tentatives infructueuses, de Campoverde a été remplacé par de Lacy et ce dernier a solidement établi le Général d'Eroles au Mont-Serrat.

Le Maréchal Suchet se disposait à marcher sur Mont-Serra, lorsqu'il reçoit de l'Empereur, le 20 juillet, l'ordre de s'en emparer. Avec cet ordre, il reçoit également le Décret qui le nomme Maréchal.

"Le Mont-Serrat, point important comme position, présente, une configuration des plus remarquables. A peu de distance de Barcelone, d'Igualada et de Manresa, il domine les principales routes et les hauteurs du centre de la Catalogne. Sa masse imposante est d'un accès difficile, baignée à l'est par le cours du Llobrégat, et de tous les côtés défendue par des escarpements considérables, jusqu'à une très grande hauteur. Sur un plateau étroit et très élevé, ouvert à la partie orientale, est situé le couvent de Notre-Dame, vaste et solide bâtiment qui, avec ses dépendances, forme une forteresse où des troupes, ayant des magasins, peuvent se défendre longtemps et avantageusement. Au-dessus, dans la région des nuages, le sommet du mont est dentelé dans toute sa longueur, et se couronne de pics ou de rochers en pyramides et en aiguilles, auxquelles plusieurs ermitages sont adossés comme des nids d'hirondelles. Ses flancs et sa base, sillonnés de ravins, sont, dans beaucoup de parties, sans terre et sans végétation, décharnés et à nu, ce qui lui donne un aspect extraordinaire, et l'a fait appeler un squelette de montagne. La nature du lieu et la vénération où il est dans l'opinion des peuples concouraient à augmenter son importance; aussi, depuis le commencement de la guerre, on l'avait choisi comme un point d'appui pour les mouvements de l'armée catalane" (Suchet).

Les moines de Mont-Serrat ont évacué les richesses et se sont réfugiés à Majorque. Ils ont été remplacés par deux ou trois mille soldats aux ordres du Baron d'Eroles. Celui-ci a organisé sa défense à l'aide d'un grand retranchement à l'entrée même du couvent. Deux batteries avec des coupures dans le roc complètent ses dispositions, le long du chemin qui serpente en descendant au nord de la montagne, entre un escarpement et un précipice jusque vers Casa Masana. C'est la route d'Igualada au couvent et l'attaque ne peut s'effectuer que par ce côté. Un seul sentier, difficile et étroit, dans la partie sud, conduit au village de Colbato; on y a placé une batterie. Le chemin de Monistrol a été coupé. Les pentes à l'est jusqu'aux bords du Llobrégat sont si escarpées et si raides, qu'on peut les regarder comme impraticables.

Le 23 juillet, le 1er Léger arrive à Igualada avec la Brigade Abbé. Le 24, le Maréchal Suchet prend ses dispositions et fait occuper par ses troupes les routes d'Igualada et de Manresa ainsi que les villages de Colbato et de Bruch. La Brigade Abbé, chargée de l'attaque principale, s'établit, le 24 juillet au soir, dans le poste de Casa Masana, après en avoir chassé les Espagnols, qui se replient sur leurs retranchements.

Le 25 au matin, le Général Abbé, à la tête du 1er Léger, du 114e de ligne et d'une batterie de trois bouches à feu, s'avance en colonne sur la route qui monte au couvent. Il est suivi par quelques Bataillons de l'Armée de Catalogne. L'avant-garde ne rencontre d'abord que quelques obstacle naturels. Elle les franchit sans beaucoup de peine, puis elle défile sous le feu de mousqueterie des Somatens qui occupent à sa gauche les hauteurs au delà du ravin. Sa droite est couverte par l'escarpement même de la montagne et par 150 éclaireurs envoyés pour gagner le sommet et fouiller les enfoncements et les grottes propres à cacher des embuscades.

Arrivée au coude où se trouve située la chapelle de Santa Cecilia, la colonne est assaillie par une salve de la première batterie espagnole qui barre la route. La troupe se forme et fait halte dans un terrain hors de vue; mais il ne convenait pas de rester longtemps dans cette position. De nouveaux éclaireurs sont détachés à droite avec mission de monter à l'aide des anfractuosités du rocher sur les sommets de la montagne, de manière à plonger dans les retranchements de la route et à les tourner... Avec une fatigue incroyable, il parviennent à gagner les points favorables d'où ils commencent à incommoder les Espagnols dans la batterie même.

Fig. 46 Fig. 46a

Le Général Abbé lance alors au pas de course sur la redoute deux Compagnies de Grenadiers des 1er Léger et 114e de ligne, sous les ordres du Capitaine Ronfort. Les canons ont à peine le temps de faire une décharge. Les Grenadiers se précipitent au pied du retranchement, s'abritant sous le rocher même contre les pierres et les blocs qu'on fait rouler sur eux. De là, malgré l'escarpement à pic et protégés par le feu des Voltigeurs, ils grimpent au sommet, égorgent tout ce qui résiste et retournent une des pièces contre la 2e batterie.

Le 1er Bataillon du 1er Léger, conduit par son chef, le commandant Erhard, est aussitôt envoyé en soutien des deux Compagnies de Grenadiers. En voyant le succès se décider, le Bataillon s'élance à la course et le second retranchement est enlevé comme le premier. Le Lieutenant Maisfret est mortellement blessé dans cet assaut. Quelques Espagnols font là une vive mais inutile résistance. Le Capitaine d'Artillerie et ses Canonniers sont tués sur place. Les Français restent maitres de dix pièces de canon et d'une trentaine de prisonniers. Le chemin est ouvert jusqu'à l'entrée du couvent. La colonne se rallie et continue à monter en bon ordre, redoublant de vitesse et d'ardeur au bruit toujours croissant d'une fusillade qui parait venir de la route de Colbato.

En arrivant à la porte du couvent, grande est la surprise ! La colonne voit les Espagnols qui fuient en désordre. A leur suite, des Français accourent de l'intérieur même du couvent, et ouvrent les barrières que la colonne se disposait à enlever à la baïonnette. Ce sont les trois cents éclaireurs du 1er Léger et 114e de ligne qui ont été successivement envoyés sur le flanc droit de la colonne pour tourner la montagne. Errant à travers les rochers, ils ont beaucoup appuyé à droite; et pendant que les redoutes arrêtaient la colonne, ils ont gagné insensiblement le sommet et occupé les deux ermitages les plus rapprochés du couvent. De là, sans hésiter, et avec résolution, ils ont attaqué le couvent, profitant de l'avantage d'une position dominante et de la surprise. La réserve de l'ennemi a d'abord opposé une assez forte résistance : elle aurait facilement écrasé le petit nombre d'assaillants qui venaient la relancer dans son réduit, si ceux-ci s'étaient présentés ensemble et en bataille sur un terrain égal. Mais la communication du couvent aux ermitages avait lieu par des sentiers nombreux et escarpés, en quelques endroits par des échelles ou des escaliers taillés dans le roc, tellement à pic qu'il était difficile en descendant, impossible en montant, de les franchir sous le feu d'un ennemi sur ses gardes. Les Français faisaient des progrès avec l'audace du succès. En s'éparpillant dans les rochers, ils s'approchaient toujours davantage des Espagnols concentrés dans les cours et les retranchements, derrière des créneaux, des fossés et des palissades. Ils parviennent ainsi à surprendre une porte qui leur donne accès dans l'enceinte même. La fusillade se poursuit dans les cloîtres, les corridors, les galeries. Dans ce même moment, les Espagnols apprennent par les fuyards des deux redoutes que leur principale défense est forcée et qu'il ne leur reste plus de salut que dans une prompte retraite.

La veille, au premier avis de l'approche des troupes françaises, le Baron Eroles avait ordonné de porter pour huit jours de vivres aux batteries, soit afin d'encourager sa troupe, soit qu'il croyait réellement que dans une pareille position il pouvait braver une attaque de vive force. La vivacité et la combinaison des efforts français le désabusèrent promptement. Forcé dans le couvent et menacé sur ses derrières, pour échapper aux Français qui avançent victorieux, il se jette sur le Llobrégat par des ravins où peuvent seuls passer et non sans danger des gens du pays familiarisés avec le terrain. La folie aurait été de l'y poursuivre.

Les Français se sont emparés du couvent, de ses avenues et de tout le Mont-Serrat, avec ses treize ermitages dont deux étaient encore habités par de pieux solitaires qui ont été respectés. Deux drapeaux, dix canons et des magasins de munitions, d'armes, de vivres et effets d'habillement sont également pris (D'après les Mémoires de Suchet et le rapport de l'Adjudant-commandant Saint-Cyr Nugues).

"… Armée d'Aragon.
Toutes les prédictions des généraux espagnols se sont réalisées. Après la prise de Tarragone, le maréchal Suchet a marché sur Berga et détruit ce fort ; de là il s'est porté sur le Mont-Serrat. La junte insurrectionnelle, épouvantée de la prise de Tarragone, s'était embarquée pour Majorque, laissant le marquis d'Ayrolas pour défendre le Mont-Serrat, dépôt général et magasin central des insurgés. Le maréchal Suchet fit ses dispositions pour reconnaître ce repaire retranché par la mature et par l'art. Il arriva à Reuss le 20, avec la brigade Abbé. Le 22, la brigade Montmarie s'est portée sur Igualada, au-devant des divisions Frère et Harispe. Le 24, toutes les troupes étaient réunies. L'ennemi, alarmé un instant, avait repris sa sécurité, ne présumant pas qu'on osât jamais l'attaquer ; mais, dans la nuit même, le maréchal se porta rapidement sur Bruch avec les brigades Abbé et Montmarie ; il y trouva le général Maurice Mathieu avec un détachement de la garnison de Barcelone. L'attaque commença aussitôt contre trois redoutes placées au pied de la montagne, et qui couvraient l'entrée du défilé ; elles furent en un instant enlevées à la baïonnette et occupées par nos troupes ; le général Abbé reçut ordre de se porter sur-le-champ en avant dans le défilé avec les braves 1er d'Infanterie légère, 114e de ligne, et une compagnie de sapeurs.
Le chemin, long et pénible, serpente sur le flanc d'une montagne escarpée ; à chaque pas de nouveaux obstacles auraient arrêté tous autres que des soldats français ; des retranchements, des coupures, des redoutes placées sur des rochers inaccessibles où le canon avait été hissé à plus de cinquante pieds de hauteur, couvraient l'entrée du couvent.
Des paysans postés sur tous les sommets de la montagne faisaient un feu épouvantable ; le marquis d'Ayrolas confiant dans la force de sa position , se contenta d'ordonner qu'on portât pour huit jours de vivres dans les batteries qu'il jugeait inexpugnables ; mais le général Abbé avait déjà lancé à la course deux compagnies d'élite ; ces braves arrivent sous le rocher de la première batterie ; malgré les pierres et les rochers qu'on roulait sur eux , les voltigeurs grimpent l'escarpement sans s'intimider ; ils sont déjà dans les embrasures; l'ennemi perd contenance ; tout ce qui ne parvient pas à se sauver est tué dans la batterie ; les pièces sont aussitôt retournées coutre la seconde batterie, sur laquelle marchait le chef de bataillon Ehrard, avec un bataillon d'élite, il attaqua de front et tourna à-la-fois l'ouvrage , qui fut en peu d'instants enlevé à la baïonnette ; l’officier espagnol fut tué sur ses pièces avec ses canonniers.
Une troisième batterie avec un fort retranchement restait encore en avant du couvent et présentait les plus grands obstacles à l'attaque de front ; mais cinquante voltigeurs avaient gravi , on ne sait par quelle audace, à travers les fentes des rochers, et étaient parvenus sur la cime des aiguilles dont la montagne est hérissée ; ils plongeaient de là sur tout l'intérieur du couvent et des retranchements ; d'Ayrolas se précipita aussitôt avec partie de sa troupe dans des ravins et des sentiers impraticables où il fut impossible de le poursuivre : quelques officiers ont été pris avec le reste des soldats , le couvent et les treize ermitages ont été occupés aussitôt par nos braves. On a pris deux drapeaux, dix bouches à feu de gros calibre, un million de cartouches, une immense quantité de munitions, d'habillements et de vivres.
Des déserteurs du fort de Figuières ont déclaré qu'il y avait environ 1000 malades dans la garnison, qui est réduite à demi-ration ...
" (Courrier de Turin N°113, 7e année, dimanche 18 août 1811).

Après ce brillant fait d'armes, le 1er Léger, qui a perdu selon Martinien le Lieutenant Meyfret tué, retourne à Villafranca et de là à Tarragone. Il y est mis à la disposition du Général Musnier qui l'emploie à opérer, dans les environs de la place, des rentrées de grains et de contributions.

Le 27 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Vous donnerez l'ordre ... Que le bataillon du 6e de ligne qui arrive le 14 à Toulouse y séjourne le 15 et en parte le 16
... Que le bataillon du 1er léger qui arrive le 20 parte le 22 ...
Tout cela doit faire partie du corps d'observation de réserve
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5850 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27818).

6/ Opérations du Bataillon provisoire tiré du 5e Bataillon du 1er léger

Officier de Chasseurs 1er Léger 1813-1814
Fig. 47a 1814 ? Fig. 47 1815 ?
Fig. 47aa Officier de Chasseurs, 1813-1814, d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). Source : Carl et Boeswilwald

Dans le courant du mois de juillet 1811, des Bataillons de marche sont organisés avec les ressources des Dépôts de certains Régiments français casernés en Italie (1er et 3e Léger, 7e, 42e et 67e de ligne).

Le 14 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, j'avais ordonné la réunion à Turin d'un bataillon de marche composé d'une ou de deux compagnies des 67e, 7e de ligne, 1er léger, 3e léger, et 42e. Faites-moi connaître si ce bataillon est formé ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5779 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27633).

Le 17 juillet 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Faites-moi connaître quand le bataillon de marche composé des compagnies du 7e, 42e, 67e de ligne, 1er et 3e léger sera réuni à Turin ?" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5792 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 27679).

Le 17 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, j’avais ordonné la réunion à Turin de deux bataillons de marche, l’un composé d’une compagnie des 10e, 20e et 101e de ligne, l’autre de compagnies des 1er et 3e légers et des 42e et 7e de ligne. Faîtes-moi connaître où cela en est, et quels sont la situation, la formation, l’instruction et l’habillement de ce deux bataillons ?" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28203).

Le 19 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, faite former un bataillon de marche qui sera composée de la manière suivante, savoir :
de 3 compagnies du 5e bataillon du 1er d’infanterie légère à 140 hommes chacune 420 hommes
et de 3 compagnies du 5e bataillon du 3e d’infanterie légère à 140 hommes chacune 420 hommes
Total 840 hommes
Faites former un second bataillon de marche ...
Aussitôt que ces deux bataillons seront formés, vous en donnerez le commandement à un major, et vous les dirigerez sur Grenoble. Vous en ferez passer la revue à Turin, et vous vous assurerez qu’ils sont complets en officiers et sous-officiers ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28234).

Le 5e Bataillon du 1er Léger organise à Alexandrie 3 Compagnies sous les ordres du Capitaine Montossé.

Le 27 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, je vois que le 1er bataillon de marche, composé des compagnies des 10e, 20e et 101e, est parti le 15 août ; et que le 2nd, qui doit être composé du détachement des 1er d'infanterie légère, 3e idem, 7e de ligne, 42e et 67e se forme. Je pense vous avoir envoyé des ordres pour la formation de ce nouveau bataillon. Faites-moi connaître si ces ordres sont exécutés et si le bataillon pourra partir avant le 15 septembre" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28385).

Le 28 août, le Ministre de la Guerre écrit à l'Empereur : "Ce Bataillon est beau et bien tenu et sera bientôt en état d'entrer en campagne". Le même 28 août 1811, l'Empereur écrit, depuis Trianon, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, le 1er bataillon de marche de Turin, composé de deux compagnies des 10e, 20e et 101e de ligne, est parti de Turin pour se rendre à Grenoble. Le 2e bataillon de marche de Turin, composé de trois compagnies du 1er léger et de trois compagnies du 3e léger, et le 3e bataillon de marche de Turin, composé de trois compagnies du 7e de ligne, de deux compagnies du 42e et d'une compagnie du 67e, sont partis également de Turin pour Grenoble. Donnez ordre que ces trois bataillons, après avoir séjourné deux ou trois jours à Grenoble, soient dirigés sur Valence, et, de là, embarqués jusqu'au Saint-Esprit, d'où ils seront envoyés, par terre, à Pau, en leur faisant faire un triple séjour à Nîmes" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6083 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28409).

Le 28 août 1811 encore, l'Empereur écrit, depuis Trianon, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, je reçois votre lettre du 23 août. Faites compléter le 4e bataillon du 102e par tout ce qu'il y a de disponible au 5e bataillon. Faites-moi connaître votre opinion sur les conscrits de l'île de Sainte-Marguerite ; ont-ils déserté ? Je vois avec plaisir que le 1er et le 2e bataillon organisés à Turin, qui sont forts de 1 500 hommes, partent le 30 pour se rendre à Grenoble. Le bataillon qui est composé de deux compagnies du 10e, du 20e et du 101e de ligne s'appellera 1er bataillon de marche de Turin. Le bataillon composé de trois compagnies du 1er léger et de 3 compagnies du 3e léger s'appellera 2e bataillon de marche de Turin. Le bataillon qui est composé de 2 compagnies du 7e de ligne, de 3 compagnies du 42e et d'une compagnie du 67e s'appellera 3e bataillon de marche de Turin" (Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28403).

Le 30 août, les 3 Compagnies du 1er Léger et celles du 3e Léger, formant une colonne de marche sous les ordres du Major Gaillard du 1er Léger, partent de Turin pour Grenoble en passant : le 31 à Suze, les 1er et 2 septembre à Lans-le-Bourg, le 3 à Dramant, le 4 à Modane, le 5 à Saint-Michel, les 6 et 7 à Saint-Jean, le 8 à la Chambre, le 9 à Aiguebelle, le 10 à Montmellian et le 11 à la Terrasse. La colonne arrive le 12 septembre à Grenoble, où elle fait un double séjour.

Le 15 septembre, elle part pour Nîmes. Elle arrive le à Moiran; le 16 à Saint-Marcellin; le 17 à Romans; le 18 à Valence, où elle s'embarque le 19; le même jour, elle débarque à Camps et se rend à pied à Nimes. De là, elle est dirigée sur Pau : elle est le 23 à Lunel; le 24 à Montpellier; le 25 à Mève; les 26 et 27 à Pézenas; le 28 à Béziers; le 29 à Narbonne; le 30 à Lézignan; les 1er et 2 octobre à Carcasonne; le 3 à Castelnaudary; le 4 à Villefranche; le 5 à Toulouse, le 6 à l'Isle en Jourdain; le 7 à Gémont; les 8 et 9 à Auch, le 10 à Mirande; le 11 à Rubastens; le 12 à Tarbes, et 13 à Pau. De là, elle se met en marche pour rejoindre l'armée d'Aragon.

Le 21 septembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Boulogne, au Maréchal Berthier : "Mon Cousin, donnez ordre que le 2e bataillon de marche de Turin, composé de trois compagnies du 1er régiment d'infanterie légère et de trois compagnies du 3e régiment d'infanterie légère formant les trois compagnies du 1er régiment, 430 hommes, et les trois compagnies du 3e, 340 hommes, se rendent à Perpignan d'où ils se dirigeront sur l'armée de Catalogne et seront sous les ordres du duc de Tarente ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 6206 ; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 28710).

Dès qu'il a franchi les Pyrénées, le Bataillon provisoire expéditionne sous les ordres du Général de Brigade Hamelinage (Division Lamarque), sans incident digne d'être mentionné, jusqu'au 31 décembre 1811.

Le 1er janvier 1812, il passe sous les ordres du Général de Brigade Lefebvre à Roses, dans le 2e arrondissement territorial du gouvernement de la Catalogne. Vers la fin de janvier, il est placé à Girone dans le 3e arrondissement, sous les ordres de l'Adjudant-commandant Viguier.

Le 16 février 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "... Donnez ordre que le bataillon provisoire du 1er léger qui est à Roses, se rende à Tarragone ainsi que ce qui appartient au 16e de ligne, afin de réunir ces corps ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1867; ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 29982).

Le 20 février, le Bataillon commandé par le Capitaine Nimax se rend à Hostalrich, laissant à Girone ce qu'on appelle le petit Dépôt, soit une Compagnie commandée par un Capitaine. Ce petit Dépôt comprend au début 53 présents, 26 hommes aux hôpitaux et 10 prisonniers; il est destiné à recevoir les malades, les convalescents et à alimenter les Compagnies en expédition.

Le 2 mars, le Bataillon se met en route pour Barcelone où il fait partie de la Division Mathieu. Il y reçoit un renfort de 517 hommes. Le général Sarsfield a réuni 3 à 4000 insurgés qui se portent sur Barcelone. Le Bataillon Nimax, posté près du pont de Molins de Rey, est attaqué par Sarsfield le 26 mai, et, après une lutte de 3 heures soutenue par la Division Mathieu qui ne compte que 1800 hommes, les insurgés sont définitivement repoussés.

Le 1er juin, le Dépôt rejoint les Compagnies actives. Le 6, le Général Mathieu se fractionne en 2 colonnes pour éloigner Sarsfield. Dans un combat en avant de Martorell, le 1er Léger a 4 hommes tués. Le Bataillon rentre ensuite à Barcelone.

Le 23 juin, le Général Decaen, commandant en chef les troupes de Catalogne, réunit une partie de ses forces pour marcher sur Villafranca où Sarsfield s'est établi. La Division Mathieu quitte Barcelone, le 23 juin, à 1 heure du matin. Chemin faisant, il apprend que l'ennemi s'est lui-même mis en marche dans la direction de Santa Coloma de Quéralt.

Le 24, Sarfield a poussé ses postes jusqu'à Casa Masana au sud de Mont-Serrat. Le Bataillon du 1er Léger prend part au combat sur ce point et s'y distingue. Sarsfield est repoussé jusqu'à Calaf. Le Bataillon gagne ensuite Santa Coloma et de là Cervera, puis Lérida, d'où il est dirigé sur le gros du Régiment qui expéditionne aux environs de Valence.

7/ Expéditions aux environs de Valence

Fig. 48a 1814 ? Fig. 48 1815 ?

Le 25 août 1811, l'Empereur ordonne au Maréchal Suchet de céder au Duc de Tarente (Macdonald, Général en chef de l'Armée de Catalogne) une Division de 4 Régiments français. Le 1er Léger (27 Officier , 1042 hommes présents, 5 Officiers et 778 hommes aux hôpitaux) fait partie de cette Division (Général Freyre). Il est à la 1ère Brigade commandée par le Général Buget (1er Léger et 14e de Ligne); la 2e Brigade (Général Callier) comprend les 42e et 115e de Ligne. A noter que le Général Bourgeois est à la suite de cette Division. Le Régiment est commandé par le Chef du 1er Bataillon Erhard, jusqu'en novembre 1811. Le Major Gaillard, qui a amené d'Italie le Bataillon provisoire, exerce ensuite le commandement jusqu'à l'arrivée du Colonel Pillet, promu le 30 août 1811 en remplacement du Colonel Bourgeois. Le Colonel Pillet, qui était en Allemagne au moment de sa nomination, ne prend le commandement du 1er Léger qu'au commencement de septembre 1812.

Louis Marie Pillet

(5 mai 1812 - 12 mai 1814)

Services : Né à Chambéry (Mont-Blanc), le 18 avril 1775, fils d'Amédée Pillet, Docteur en médecine, et d'Antoinette Pornel; naturalisé français par ordonnance du 28 août 1816; marié à Barbe Wagner le 25 février 1808.

Volontaire au 1er Bataillon du Mont-Blanc, le 1er janvier 1793 (le 1er Bataillon du Mont-Blanc devint, en l'an II, 5e Demi-brigade provisoire, laquelle fut amalgamée en l'an IV dans la 18e Demi-brigade de ligne 21 mars 1796). Lieutenant à l'élection au même bataillon, le 5 mars 1793. Capitaine adjudant-major, à la 5e Demi-brigade provisoire, le 10 ventôse an II (28 février 1794); nommé provisoirement par le Général en chef Bonaparte, commandant du 1er Bataillon italien de Padoue, le 1er nivôse an VI (21 décembre 1797); replacé Adjudant major au Bataillon complémentaire de la 18e Demi-brigade de ligne, le 17 frimaire an VII (7 décembre 1798). Chef de Bataillon, le 24 thermidor an VII (11 août 1799), nommé par le Général en chef Championnet; reçut le commandement du 1er Bataillon auxiliaire du Mont-Blanc qui fut versé, le 29 pluviôse an VIII (18 février 1800), dans la 15e Demi-brigade légère; prend provisoirement le commandement du 3e bataillon. Mis à la suite de la 17e Demi-brigade légère par ordre du Général en chef Macdonald le 22 novembre 1800, effectif le 1er fructidor an IX (18 août 1801); en garnison à Blois les ans X et XI; Nommé à l'emploi de 4e Chef de bataillon à la 107e Demi-brigade de Ligne le 27 novembre 1802. En garnison au camp de Saint-Omer l'an XII. Major au 10e Régiment d'Infanterie légère le 22 décembre 1803. Colonel du 1er Régiment d'Infanterie légère, le 5 mai 1812, alors âgé de 37 ans et comptant 20 ans de service; mis en non-activité à la réorganisation du corps, le 12 mai 1814 ou le 1er juin 1814. Obtint sa retraite dans le courant de 1814 et se retira à Champareillon (Isère). Appelé pendant les Cent-Jours à cpmmander une Brigade de Gardes nationales à Valence le 15 juin 1815, et remis en non activité le 1er août 1815. Commandant militaire de l'arrondissement de La Tour du Pin et de celui de Saint Marcellin le 8 février 1816. Replacé dans la position de non activité le 1er janvier 1817 jusqu'à sa mise à la retraite par ordonnance du 15 janvier 1823 avec jouissance du 1er janvier 1823.

Décédé à Chambéry le 8 mars 1830 à 11 h 30 du soir. Inhumé le lendemain dans le cimetière communal.

Campagnes, blessures, actions d'éclat et citations : 1793 et ans II et III - A l'armée des Pyrénées-Orientales, s'y distingua par sa bravoure, le 26 prairial an III (14 juin 1795), à la bataille de la Fluvia où il reçut un coup de sabre sur l'oeil gauche. Ans IV, V, VI, VII, VIII et IX - Aux armées d'Italie et des Grisons : "Le 2 floréal an VIII (21 avril 1800), à la tête de son bataillon, enleva à la baïonnette le village de Gravières dans la vallée de Suze, en chassa l'ennemi qui s'y trouvait en nombre très supérieur, lui fit 200 prisonniers et s'empara de 3 pièces de canon". Un mois et demi après, "le 17 prairial an VIII (6 juin 1800), pénétra de vive force dans Santo-Ambrosio, d'où il débusqua l'ennemi, malgré les efforts que fit ce dernier pour s'y maintenir. - Dans la même journée, avec 50 chasseurs qu'il parvint à rallier, repoussa un corps de cavaliers ennemis qui chargeaient un bataillon de la 28e Légère disposé en tirailleurs et s'empara de 12 chevaux". 1806-1807 - Prusse et Pologne. 1809-1810 - A l'armée du Nord où il commande une Cohorte de la Garde nationale. En 1810, commanda dans le Brabant une cohorte de gardes nationales. 1812-1813 - Espagne (Armées d'Aragon et de Catalogne) : cité à l'ordre de l'armée, le 20 avril 1813, comme "digne d'être recommandé aux bontés de l'Empereur, pour sa brillante conduite aux combats d'Yécla, de Villena, de Castillo et de Barja". 1813 (fin de l'année) - A la Grande Armée. 1814. - A l'armée d'Italie, puis à l'armée de Lyon.


Décorations et distinctions honorifiques : Membre de la Légion d'honneur, le 5 germinal an XII (25 mars 1804). Chevalier de l'Empire par l. p. du 15 juin 1812; titre de Chevalier héréditaire confirmé par l. p. du 9 novembre 1816

Sources : Historique régimentaire et Quintin, Dictionnaire des Colonels de Napoléon

 

Fig. 49a 1814 ? Fig. 49 1815 ?

D'août 1811 à mars 1812, le 1er Léger, détaché momentanément de l'Armée d'Aragon, recommençe à parcourir la Catalogne entre Barcelone, Lérida, Tarragone et le Mont-Serrat, dispersant les rassemblements d'insurgés, assurant les comnunications, protégeant les convois et les récoltes. Ainsi, le 4 octobre 1811, le Lieutenant Samson est blessé par des insurgés catalans (Martinien). De même, le 4 janvier 1812, le Capitaine Joussenet est blessé par des brigands espagnols.

Le 14 janvier 1812, à Paris, on informe l'Empereur que "Le général Suchet demande qu'un détachement du 1er d'infanterie légère, qui attend depuis près d'un an l’occasion de rejoindre les bataillons de guerre de ce corps à Tarragone, soit incorporé dans le 32e de même arme"; Napoléon répond, exaspéré : "J'ai déjà répondu sur pareille demande ; faire défense expresse de rien faire de ce genre, et témoigner mon mécontentement de cette proposition. Réitérer l'ordre pour que tous les détachements appartenant à l’armée d'Aragon soient dirigés sur Barcelone aussitôt que possible, et de là sur Tortose. Le général Suchet les y prendra quand cela se pourra. Recommander aux inspecteurs aux revues de tenir la main à ce qu'aucun homme ne sorte de son corps ; car si pareille chose était tolérée, l'armée se trouverait désorganisée" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 6637).

Le 25 janvier 1812, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Berthier : "Mon cousin, vous écrirez au général Reille, que je lui donne le commandement de l'Armée de l'Ebre. Elle sera composée de 4 divisions actives : 1° la sienne ; 2° la division Palombini ; 3° la division Severoli ; la division Frère, qu'il organisera avec les 1er d'infanterie légère, 14e, 15e et 5e de Ligne.
Dès l'instant qu'il occupera avec son armée active les pays aux environs de Barcelone, la garnison de cette place sera assez forte avec les dépôts, le régiment de Nassau, deux bataillons du 23e de ligne, deux bataillons du 18e léger, quatre compagnies d'artillerie, les sapeurs et les mineurs.
Avec ces quatre divisions, il doit soumettre définitivement toute la basse Catalogne, maintenir la tranquillité en Aragon et pouvoir s'occuper de l'organisation de ce pays.
Vous trouverez ci-joint le décret par lequel la Catalogne est organisée en quatre départements ; vous en enverrez une copie au général Reille ...
" (Du Casse A. : "Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph", 1853-1854, t. 8, p. 288 ; Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18452 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 29827).

Le 26 janvier, l'Empereur décrète la formation d'un Corps d'armée de l'Ebre, sous le commandement du Général de Division Reille, dont l'arrondissement doit être composé de tout l'Aragon et des deux départements du Mont Serrat et des Bouche de l'Ebre. Le 1er Léger est affecté à la 4ème Division (Général Frère) de ce Corps (Chuquet A. : "Inédits napoléoniens", Tome I, Paris, Fontemoing, 1913. Lettre 534).

La Division Frère allait passer au Corps d'observation de l'Ebre en formation (Général Reille), lorsque, dans la deuxième quinzaine de mars 1812, le 1er Léger est replacé sous les ordres directs du Maréchal Suchet. En effet, le 9 janvier, Suchet a reçu la capitulation de la ville de Valence, mais malgré ce grand succès, l'Armée d'Aragon est obligée de prêter secours au Corps de l'Ebre et aux Armées du Centre, bien que privée d'une partie de ses forces que l'Empereur souhaite emmener en Russie. Harcelée enfin par les insurgés de Villacampa et de Mina, l'Armée d'Aragon sent la résistance se ranimer autour d'elle et les difficultés augmenter chaque jour. C'est à ce moment, fin mars, que le 1er Léger arrive à Valence.

Le Régiment, commandé par le Major Gaillard, a pour Chefs de Bataillon : 1er Bataillon Erhard, 2e Roussel et 3e Moutin. Il est placé à la 1ère Brigade de la 2ème Division (Général Harispe).

Dès les premiers jours d'avril, le 1er Léger est envoyé vers Téruel pour empêcher Mina d'enlever les récoltes. Rentré à Valence, le 19 avril, il détache, le 25, ses Compagnies d'élite en reconnaissance vers Alicante d'où elles se replient le 26. Le 1er Léger passe alors à la 1ère Brigade (Montmarie) de la 3ème Division (Habert), avec laquelle il pousse une pointe jusqu'à Elche, à 25 kilomètres au sud-ouest d'Alicante.

Les bandes sans cesse renaissantes de Frayle, de Pancha et de Pendencia, continuent à infester les montagnes, à intercepter les dépêches et à prendre les récoltes, pendant que les troupes régulières de Villacampa se replient devant les Français sur Alicante.

Cependant, l'excessive chaleur et la malpropreté de la ville d'Elche qui, l'année précédente, a été le principal théâtre de la fièvre jaune, décide les troupes françaises à rentrer dans les emplacements qu'elles avaient prises depuis la fin de mai sur le Xucar et dans les plaines de la rive droite. Le 1er Léger occupe Alcira, Cullera, Saint-Philippe (San Felipe), Gandia, Denia et Altéa. Dans cette excursion, le 1er Léger a perdu le Capitaine Bernard Albrespit qui s'était si vaillamment conduit à Tarragone et le Capitaine Jean-Claude Jacquet, qui furent tués aux avant-postes près d'Altéa, le 12 juin 1812.

Situation des troupes composant l'armée d'Aragon au 1er mai 1812

2e Division, Général Harispe, Brigade Mesclop : 1er Léger 3 Bataillons, 1203 hommes dans le pays de Valence et 32 sur la ligne et dans les places.

Le 18 juin 1812, le Général Harispe écrit depuis Alcoy, "A Son Excellence monseigneur le maréchal duc d'Albuféra.
Monseigneur,
Je viens d'avoir l'honneur de recevoir la dépêche de Votre Excellence du 15 courant, et je m'empresse de donner des ordres pour l'exécution des dispositions qu'elle prescrit; en conséquence un bataillon du 116e se rend à San Felipe pour y relever le 1er léger, et 200 hussards, partant de Biar le 20, seront, le 21, dans la même ville; je fais part de vos intentions au général Gudin et le charge de les exécuter ...
" (In Derrécagaix, Victor-Bernard : "Maréchal de France Cte Harispe, 1768-1855").

Le 1er juillet, le 1er Léger revient à la 1ère Division (Musnier). Le 12, un détachement du 1er Léger quitte Pau pour escorter un convoi transportant des colis destinés à certains corps de l'Armée de Suchet, à Saragosse.

Fig. 50b 1813 ?
Fig. 50a 1814 ?
Fig. 50 1815 ?

Dans la journée du 21, une flotte anglaise sortie d'Alicante passe en vue de Denia et de Cullera. Le 1er Léger reçoit du Maréchal Suchet l'ordre de se porter sur le point menacé. Mais le soir, le vent change subitement, devient contraire et assez violent pour forcer la flotte à gagner le large dans la nuit. Le 22, elle est dispersée. Certaines sources donnent le 1er Léger présent à la bataille des Arapilles ce jour là.

Le 10 septembre, le 1er Léger est envoyé à Requena menacé par les troupes de Bassencourt et de Pendencia. Le Capitaine Jacomet "aborda le premier l'ennemi qui fut bientôt mis en fuite". Entre temps, le Roi Joseph, chassé de sa capitale après l'échec de Salamanque, a rejoint le Maréchal Suchet. Le 25 septembre, il passe en revue le 1er Léger à Villena.

Le 1er octobre, le Bataillon provisoire du 1er Léger vient se fondre dans les trois autres. C'est un renfort de 444 hommes qui porte l'effectif à 1666. Par contre, le 5 novembre, les cadres du 3e Bataillon sont rappelés en France pour concourir à de nouvelles formations et le 1er Léger se trouve réduit à 2 Bataillons.

Situation de l'Armée d'Aragon en date du 1er novembre 1812 (SHAT) : Commandant en chef Maréchal Suchet

Dans le Royaume de Valence : 1ère Division Musnier; 1ère Brigade Robert ; 1er Léger, 3 Bataillons soit 1363 hommes, à Magente; 118 hommes sur les arrières

Les échecs français dans les autres théâtres de la péninsule rendent aux Anglais et aux Espagnols toute leur confiance et leur permettent d'amener par mer un renfort important à la garnison anglo-sicilienne d'Alicante, dont le Général John Murray vient en même temps prendre le commandement.

Après quelques combats partiels en mars 1813, le Maréchal Suchet concentre presque toutes ses forces disponibles, le 10 avril, à Fuente de Higuera. Le 11, l'ennemi est battu à Villera et à Yécla. Le 12, le 1er Léger prend une grande part à l'attaque de Biar. Les Anglais s'étaient postés dans ces défilés étroits avec l'espoir d'arrêter la poursuite française. La ligne ennemie commandée par Frédéric Adam garnissait les hauteurs d'un difficile accès. L'artillerie gardait les intervalles. Le Maréchal fait attaquer de front par les 1er Léger et 14e de ligne et par les 3e Léger, 114e et 121e de Ligne; 500 Voltigeurs tournent la gauche des Anglais qui sont forcés de céder.

Dans cette affaire, le 1er Léger a perdu le Sous-lieutenant Longe. Le Lieutenant François Joseph Tombeur est laissé pour mort sur le champ de bataille et inscrit sur les états des tués. Le Capitaine Gomieu (mort le 24 août), les Sous-lieutenants Féron, Lapierre et ménard sont blessés à l'attaque de la position du centre.

Le lendemain, les Anglais essaient encore de prendre l'offensive, mais ils y renoncent bientôt devant l'énergique attitude des troupes françaises. Après deux nouvelles tentatives, ils se fortifient dans Castella où ils ne sont plus inquiétés.

Après les échecs de yécla, de Villena et de Biar, les Anglais décident de forcer les Français à se disperser et tentent de les surprendre par un débarquement. Les ordres de Suchet ramènent le 1er Léger à Perello, au nord de Tortose. Ce point avait été sérieusement menacé par une flotte anglaise qui, partie d'Alicante le 2 juin, longea la côte jusqu'au delà de l'Ebre, fut dispersée par une tempête et rentra piteusement à Alicante le 25 juin. Malheureusement les échecs des autres armées forcent les Français à quitter le Royaume de Valence; le 1er Léger attend à Perello.

Figs. 51aa et 51ab 1814 ? Fig. 51 1815?

Situation de l'Armée d'Aragon en date du 15 juin 1813 (SHAT) :

1ère Division Musnier; 1ère Brigade Robert ; 1er Léger (Colonel Pillet) :

1er Bataillon (Ehrard) : 21 Officiers, 640 hommes

2e Bataillon (...) : 14 Officiers, 628 hommes

Le 16 juillet, la Division Musnier à laquelle appartient toujours le Régiment (Brigade Robert) passe l'èbre à Mora et se rend à Barcelone.

Le 4 août 1813, l'Empereur, depuis Dresde, ordonne : "TITRE PREMIER. — Formation d'un XIVe corps.
Article premier. — Il sera formé un XIVe corps d'armée sous les ordres du maréchal comte Gouvion Saint-Cyr.
Art. 2. — Le quartier général du XIVe corps se réunira à Freyberg le 7 du présent mois ...
Art. 4. — L'ordonnateur et toutes les administrations du corps de Bavière seront attachés en la même qualité au XIVe corps et s'y rendront en poste, de manière à être arrivés le 7 prochain à Freyberg.
Art. 5. — Le maréchal Saint-Cyr proposera un général de brigade ou un adjudant commandant pour faire les fonctions de chef d'état-major.
Art. 7. — Le XIVe corps sera composé :
De la 42e division qui sera rendue le 7 à Freyberg ; de la 43e division qui sera rendue le 8 à Chemnitz ; de la 44e division qui sera rendue le 8 à Auma ; de la 45e division qui sera rendue le 8 à Schleiz.
Art. 7. — Les quatre divisions du XIVe corps seront composées de la manière suivante :
... 44e division
1er léger, 2e bataillon.
2e léger, 2e bataillon.
34e demi-brigade provisoire : 16e léger, 2e bataillon; 18e léger, 1er bataillon.
64e de ligne : 3e bataillon, 4e bataillon.
Commandé par un major : 54e de ligne, 3e bataillon; 95e de ligne, 3e bataillon.
19e demi-brigade provisoire : 50e de ligne, 2e bataillon; 75e de ligne, 2e bataillon.
Commandé par un major : 24e de ligne, 3e bataillon; 39e de ligne, 3e bataillon.
12 bataillons ...
Art. 20. — Notre major général fera toutes les dispositions nécessaires pour l'exécution du présent ordre
" (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 9). Le 2e Bataillon du 1er Léger, finalement, semble être resté en Espagne.

Le 20 août, le 1er Léger est envoyé à Sabadell, où les jours de répit sont employés à la confection de gabions, fascines et autres engins destinés à compléter les moyens de défense de la capitale de la Catalogne.

Les cantonnements de Sabadell sont conservés jusqu'à la fin de la présence française en Espagne. Parmi les nombreuses excursions ou petites expéditions auxquelles participe le 1er Léger en rayonnant autour de ces cantonnements, figure en premier lieu l'affaire de Saint Filin en Catalogne le 7 septembre, où est blessé le Lieutenant Vaumairis. Puis la poursuite donnée à l'armée anglaise qui s'était rassemblée à Villafranca. Toute l'Armée d'Aragon se concentre le 12 et franchit le Llobrégat; le 13, l'ennemi est battu à Ordal. Le 1er Léger s'établit ensuite en position à San Cugat, y reste jusqu'au 15, puis rentra à Sabadell. Vient ensuite le fourrage du 16 octobre, vers Monistrol, au cours duquel le Régiment perd 15 prisonniers et 2 tués, parmi lesquels le Capitaine Mosseron (blessé et mort le 15 novembre); et enfin le fourrage du 15 novembre qui coûta 4 tués et 1 prisonnier. Dans ce petit combat de San Feliu de Cudinas, une forte reconnaissance anglo-espagnole est maintenue pendant plusieurs heures et définitivement repoussée par le 1er Léger dont "la conduite fut au-dessus de tout éloge" dit le rapport sur l'affaire.

Composition de l'Armée d'Aragon, novembre 1813

1° division, général Musnier, 1ère Brigade, 1er Léger 2 Bataillons, 1214 hommes.

Le 25 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, en attendant l'état en 100 colonnes qui tardera encore à être rédigé, je désirerais que vous m'envoyassiez un état détaillé pour l'infanterie de ligne, comme je vais commencer à le faire pour l'infanterie légère :
1er régiment d’infanterie légère
1er bataillon, 2e bataillon à l’armée d’Espagne. Il a été pourvu à leur recrutement ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37289).

Martinien cite également le Sous lieutenant Gosselin, blessé le 23 décembre au cours de la défense de Barcelone (mort le 26).

Le 22 janvier à 11 heures du soir, le Duc d'Albufera, commandant l'Armée de Catalogne et d'Aragon, reçoit du Ministre de la Guerre deux lettres en date du 14, lui prescrivant de détacher une partie des troupes sous ses ordres pour les envoyer à l'Armée du Rhône. Comme la situation n'est pas des plus heureuses en Espagne, Suchet ne se hâte pas d'affaiblir son armée. Mais le 24 au matin, une nouvelle lettre lui donne formellement l'ordre de diriger sur Lyon, par Perpignan, 8 à 10000 hommes. En conséquence, le 1er léger, qui fait partie de la 1ère colonne d'Infanterie renvoyée vers la France, se met en marche le 4 février pour Perpignan, quittant ainsi la péninsule où il a combattu pendant cinq rudes années.

J/ Campagnes du 4e Bataillon et du Dépôt en Italie et en Allemagne (1809-1813)

1/ A l'Armée de Sicile en 1809

Au départ des trois premiers Bataillons du 1er Léger pour l'Espagne, le Dépôt et les 4e et 5e Bataillons du Régiment étaient restés en Italie. Nous avons vu qu'en 1811, le 5e Bataillon, sous le nom de Bataillon provisoire, a rejoint les trois premiers en Aragon; il nous reste à suivre les opérations auxquelles ont pris part le 4e Bataillon et le Dépôt, jusqu'au moment où tout le 1er Léger sera de nouveau réuni en 1814 à l'Armée de Lyon.

Dès la fin de 1808, l'Autriche, voulant profiter des embarras de la France en Espagne pour recommencer la lutte, poursuit ses armements avec une activité croissante. L'orage ne devait pas tarder à éclater. Napoléon, laissant à ses Lieutenants le soin de pacifier la péninsule, revient brusquement à Paris pour prendre ses dispositions. En mars, il prescrit au Prince Eugène, Vice-roi d'Italie, de se préparer à entrer en campagne et lui traçe comme ligne de conduite de faire observer la route de la Carniole, et de marcher lui-même sur Vienne par le col de Tarvis avec le gros de son armée.

Le 16 février 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon Fils ... Mettez en ligne le 4e bataillon du 1er d'infanterie légère, qui est à Novare ; il peut très-bien être complété à 840 hommes ; celui du 42e également ; ces deux bataillons pourraient être joints, l'un à la division Grenier, l'autre à la division Lemarois ; il tiendrait lieu, à cette dernière, du àe bataillon du 112e, ce régiment n'étant qu'à trois bataillons. Je vois que les dépôts des douze régiments de cavalerie française qui sont en Italie ont 3,000 hommes et 2,000 chevaux. Ils doivent pouvoir mettre en ligne, sur ce nombre-là, au moins 1,200 chevaux. Je ne sais pourquoi vous ne faites pas entrer dans la division Severoli les 3e et 4e bataillons du 3e d'infanterie légère italien ; cela augmenterait cette division de deux bataillons ...
Faites passer la revue des 5es bataillons, pour vous assurer qu'il n’y manque pas d'officiers, car il ne faut pas qu'il y ait une place vacante, à la fin de mars, dans ces bataillons
" (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 340 ; Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14784 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20051).

Le 4e Bataillon du 1er Léger (Chef de bataillon Huguet, 13 officiers et 809 hommes, presque tous de jeunes soldats qui n'ont jamais fait la guerre mais qui ont reçu une solide instruction militaire au Dépôt) est désigné pour la 3e Division de l'Armée d'Italie (Général Grenier).

Dans une note datée du 5 avril 1809, le Général Grenier écrit : "... Par lettre du 26 février, le général de division a été prévenu que le 4e bataillon du 1er léger ferait partie de sa division ..." (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 37. Page 84).

Le 1er mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène, Vice-Roi d'Italie : "Mon fils ... Il me semble que j'avais mis les 4es bataillons des 1er léger et 42e dans une division ; cependant je les vois toujours, dans l'état de situation, portés à Milan. Il me tarde bien de voir les bataillons du 9e et des autres régiments français de l'armée d'Italie aux ba taillons de guerre, et que chacun de ces bataillons ait 840 hommes effectifs ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.4, page 356 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20174).

En mars 1809, le 4e Bataillon quitte Novare où il laisse le 5e Bataillon et le Dépôt du Régiment (Major Stielair) et se rend à Vérone où se forme la Division Grenier.

Napoléon décide également la création de 16 Régiments provisoires. L'Empereur écrit, le 3 mars 1809, depuis Paris, au Général Clarke, Comte d'Hunebourg, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Général Clarke, je vous envoie le projet de formation d’une réserve de régiments provisoires, sur lequel je désire que vous me fassiez un rapport. Faites-moi connaître si je n'ai rien oublié et s'il y a des changements qu'il soit convenable de faire pour épargner des marches aux troupes. Enfin présentez-moi des états qui m'apprennent si les 5es bataillons pourront fournir ces quatre, trois ou deux compagnies pour concourir à ladite formation. Les 10,000 hommes de réserve que forme ma Garde sont destinés à compléter les 5es bataillons et à les mettre à même de fournir les hommes nécessaires. Il faut donc qu'une colonne des états que vous ferez dresser indique le nombre d'hommes qui leur manquera, après avoir épuisé tout leur monde ; cette colonne sera la colonne de distribution des 10,000 hommes de la Garde. Il ne vous échappera pas que, par ce moyen, j'aurai 6,000 hommes à la Rochelle, 3,000 en Bretagne, 9,000 à Paris, 5,000 au camp de Boulogne, 2,500 pour la défense de l'Escaut, 2,500 pour garder Wesel, 5,000 à Strasbourg, 2,500 à Metz et 10,000 Français en Italie; total, 45,500 hommes.
NAPOLÉON
Annexe
PROJET DE FORMATION D'UN CORPS DE RÉSERVE
1
Il sera formé une réserve de seize régiments provisoires composée des compagnies des cinquièmes bataillons qui seront complétés avec les conscrits de 1810;
2
... Le 13e régiment sera composé de 3 bataillons formés de la manière suivante :
... 3e bataillon : 2 compagnies du 5e bataillon du 1er léger, 2 compagnies du 5e bataillon du 13e de ligne, 2 compagnies du 5e bataillon du 42e de ligne.
Chaque compagnie sera de 140 hommes, chaque bataillon de 840 hommes, et le régiment de 2 500 hommes. Ce régiment se réunira à Milan ...
Ces 4 derniers régiments (13e, l4e, 15e, et 16e) formeront la réserve de notre armée d'Italie, et seront réunis 3 à Alexandrie et un à Milan.
Les 9 régiments de l'armée italienne formeront un régiment composé de même, lequel sera fort de 2 500 hommes et se réunira à Milan.
Ainsi la réserve de l'armée d'ltalie sera composée de 2 brigades, l'une de deux régiments qui se réunira à Milan, l'autre de 3 régiments qui se réunira à Alexandrie, l'une et l'autre commandées par un général de brigade, et qui seront prêtes à se porter partout où les circonstances l'exigeront
" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 14838 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20195).

Le 4 mars 1809, le Général de Division Grenier écrit au Général Charpentier, à Milan : "Mon intention est, mon cher général, de diriger le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère aussitôt après son arrivée ici à Legnago pour être sous la surveillance du général Teste avec le 102e régiment.
Mandez-moi si S. A. I. autorise ce mouvement qui devient nécessaire par le peu de facilité que j’ai à loger ce bataillon ici et qu’étant à Vicence il se trouverait naturellement à sa place
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 9 page 30).

Le 5 mars 1809, le Général de Division Grenier écrit au Général Charpentier, à Milan : "... Je désire aussi être autorisé à envoyer à Vicence le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère, c’est naturellement sa place et il sera sous les yeux du général Teste qui va s’y établir ; répondez moi je vous prie de suite à ces demandes" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 10 page 31).

Le 15 mars 1809, le Général de Division Grenier écrit au Général Teste, à Vicence : "Je vous préviens mon cher général, que le 52e régiment d’infanterie partira de Mantoue le 17 courant pour se rendre à Bassano et Cittadella où il arrivera le 21. Le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère partira de Vérone le 22 mars et arrivera le 26 à Feltre. Ces deux Corps, avec le 4e escadron des dragons Napoléon et la 5e compagnie du 4e d’artillerie à cheval composeront votre brigade. Les dragons arriveront à Vicence le 30 et la compagnie d’artillerie légère le 18 mars, ces deux corps resteront provisoirement à Vicence d’où je vous les enverrai lorsqu’il sera temps. Etablissez votre quartier général à Bassano ou à Cittadella et ayez la complaisance de faire faire le mien à Vicence où j’arriverai le 20 mars" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 15 page 43).

Le même 15 mars 1809, le Général de Division Grenier écrit également à S. A. I. le Prince Vice-Roi : "En conformité des ordres de S. A. I. que m’a transmis l’adjudant commandant Barthier le 14 du courant, le 52e régiment partira de Mantoue le 17 et arrivera à Cittadella et Bassano le 21.
Le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère partira de Vérone le 22 et arrivera le 26 à Feltre.
Le 4e escadron des dragons Napoléon arrivant à Mantoue le 26 sera rendu le 30 à Vicence.
Le 4e bataillon du 13e de ligne recevra à son arrivée à Mantoue l’ordre d’en partir le 19, il sera rendu le 22 à Padoue pour y recevoir les ordres du général Lamarque.
Je fais prévenir aussi que les deux compagnies d’artillerie qui doivent faire partie de la division que V. A. I. daigne me confier arriveront à Vicence le 18 de ce mois ; l’adjudant commandant Barthier ne m’a rien annoncé sur les mouvements de la 2e compagnie de sapeurs du 1er bataillon de cette arme qui doit arriver à Mantoue le 26 ; comme elle est également attachée à ma division, je compte lui laisser ici entre les mains du commandant de la place l’ordre de venir me rejoindre le 31 mars à Vicence. Si V. A. I. désapprouvait cette disposition, le commandant d’armes de Mantoue pourra être avisé à temps de regarder cet ordre comme non avenu et retenir cette compagnie à Mantoue.
Le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère, le 52e régiment, l’escadron des dragons Napoléon et la compagnie d’artillerie légère formeront ma 1ère brigade ; les deux autres corps la 2e et ma réserve.
Mon quartier général sera le 20 de ce mois à Vicence, j’y recevrai les ordres de S. A. I.
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 15 page 43).

Le 22 mars 1809, on informe l'Empereur que "M. Marie, sous-lieutenant au 1er régiment d'infanterie légère, prisonnier sur parole, rentré en France après s'être évadé des prisons d'Angleterre, demande à rejoindre son corps qui est en Espagne" ; Napoléon répond : "Accordé, l'envoyer à son dépôt en Italie" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 2, lettre 2986).

Le même 22 mars 1809, le Général de Division Charpentier, chef de l’Etat-major général, écrit, depuis Milan, au Général de Division Grenier à Vicence : "Il est dans l’intention de son Altesse impériale, mon cher général, que le 28 du courant, les troupes de votre division commencent l’exécution du mouvement ci-après indiqué :
Le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère, qui est à Feltre, ira s’établir à Spilimbergo, sur la rive droite du Tagliamento.
Le 102e de ligne qui est à Vicence ira s’établir à Pordenone.
Le 1er de ligne qui est à Vérone occupera Sacile.
Et le 52e de ligne qui est à Bassano et Cittadella ira prendre cantonnement à Conegliano.
L’artillerie et les sapeurs iront occuper Sacile où devra pareillement se rendre le 4e escadron des Dragons Napoléon.
S. A. I. vous laisse le soin de régler vous-même la marche de ces troupes, et de faire prévenir de leur mouvement et de leur force les autorités chargées de la subsistance et du logement. Le 28 du courant, votre quartier général devra être établi à Sacile.
Comme les troupes du général Barbou doivent remplacer les vôtres dans leurs cantonnements de Cittadella, Bassano et Feltre, je vous prie de lui faire connaître l’époque à laquelle vous les aurez évacués, aussitôt que vous aurez arrêté vos itinéraires. Le général Barbou est à Trévise.
J’ai l’honneur de vous saluer avec amitié
" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 32. Page 74).

Cette lettre est suivie de l'annotation suivante : "... Le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère aura séjour à Bassano le 25, en partira le 26 pour Cornuda, le 27 à Conegliano, le 28 à Pordenone et le 29 à Spilimbergo destination ...".

Dans une note datée du 5 avril 1809, le Général Grenier écrit que le 4e Bataillon du 1er Léger "... est arrivé le 24 mars à Bassano ..." (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 37. Page 84).

Le 24 mars 1809 justement, le Général de Division Grenier écrit au Général Teste : "Le mouvement ordonné pour la division portant, mon cher général, le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère à Spilimbergo, j’ai cru devoir ne pas lui laisser continuer sa route sur Feltre, d’autant plus que ce régiment a besoin d’être inspecté avec rigueur pour s’assurer de ce qui lui manque. Je le laisse en conséquence le 25 et le 26 à Bassano, et vous prie d’en passer la revue dans le plus grand détail. Vous m’en ferez parvenir votre rapport le 26 au plus tard à midi afin que je puisse faire connaître la situation de ce bataillon à S. A. I. avant mon départ de Vicence. Votre revue comprendra la situation du personnel, les emplois vacants, l’espèce d’hommes, l’habillement, l’instruction, l’armement, le grand le petit équipement et les finances.
J’ai entrevue ce bataillon à son passage à Vicence. Je n’en ai pas une très haute opinion. Il manque généralement de capotes et n’a pas d’ustensiles de campement. Comme vous connaissez les officiers de ce bataillon, mandez mois si le plus ancien capitaine est en état de commander le bataillon, ne croyant par le chef de bataillon très propre à faire la guerre.
Vous devez être sûr que si ce bataillon ne convient pas à la 1ère brigade, je le remplacerai par un meilleur aussitôt que nous passerons le Tagliamento. Soyez donc à cet égard sans inquiétude
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 20 page 53).

Toujours le 24 mars 1809, le Général de Division Grenier écrit également au Général Charpentier, à Milan : "J’ai reçu ce matin vers les 3 heures, mon cher général, votre lettre du 22 courant. Le mouvement qui m’est prescrit sera exécuté à l’époque fixée.
Le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère sera le 29 mars à Spilimbergo ...
J’ai vu passer hier ici le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère ; il s’en faut de beaucoup que ce bataillon soit ce que vous avez bien voulu m’en dire ; il n’a pas 50 hommes ayant fait la guerre, y compris les sous-officiers ; il manque de tous les effets de campement puisqu’il n’a pas même un bidon ; il n’existe point de capotes au bataillon et il n’a aucun moyen de s’en procurer. Je lui ai donné séjour demain à Bassano et j’ai chargé le général Teste d’en passer une revue sévère et de me faire connaitre ses besoins en tout genre. Je m’empresserai de vous en adresser le rapport pour que vous puissiez le mettre sous les yeux de S. A. I. le général en chef ; le chef de bataillon me parait peu propre à le commander et n’inspire pas de confiance, je pense même que les officiers de ce bataillon ont besoin d’être rassurés ; au reste, s’il ne convient pas de le laisser à la 1ère brigade je le remplacerai par un autre bataillon et le garderai pendant quelques temps à la 2e ...
les corps sous mes ordres ont environ 20 cartouches par homme ; je viens d’en demander au colonel Pellegrin pour les compléter à 50 ; faites en sorte que l’approvisionnement outre celles que porte le soldat, soit au moins d’un caisson de cartouches par bataillon ... Je reviens encore à la charge pour l’ambulance, les matériels et le personnel des administrations. S. A. I. doit peu compter au moins dans cette division sur le service du caisson d’ambulance attaché à chaque corps, ces caissons ne sont pas faits et ne le seront pas d’ici à 12 jours. Les régiments n’ont pas encore de chevaux et n’en trouvent pas et si le matériel des équipages des vivres n’est pas en mesure au moins de marcher, on doit craindre des désordres et des vexations même dans le royaume d’Italie jusqu’à notre sortie. Attachera-t-on un bureau de poste à la division ? Nous donnera-t-on des fourgons et des chevaux pour les trainer ? Répondez, je vous prie à ces questions d’une manière positive. Vous m’aviez promis aussi un second adjoint à l’état-major, vous tardez bien à me l’envoyer
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 21 page 56).

Le 26 mars 1809, le Général de Division Charpentier, chef de l’état-major général, écrit depuis Milan, au Général de Division Grenier à Sacile : "Voici, mon cher général, la composition et l’emplacement de l’armée au 1er avril prochain :
3e division : Général de division Grenier à Sacile, généraux de brigade Teste, Abbé, colonel Gifflengua ; capitaine du génie Tournade.
1er d’infanterie de ligne, 52e idem, 102e idem, 4e bataillon du 1er léger, 2e compagnie du 1er bataillon de sapeurs, 13e compagnie du 2e régiment d’artillerie à pied, 3e compagnie du 4e régiment d’artillerie à cheval, à Sacile et environs ...
" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 34. Page 78).

Le 27 mars 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le général Clarke ... Il y a en congé onze officiers des 35e, 53e et 66e ; il y en a onze des 9e de ligne, 84e et 92e ; deux du 1er léger et des 52e et 102e ; et sept des 8e et 18e légers et des 5e, 11e et 23e de ligne et des 60e, 79e et 81e. Donnez ordre que tous ces officiers en congé rejoignent leur corps sans délai. Cela peut se mettre à l'ordre de la gendarmerie sans en faire un article de journaux" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20563).

Dans une note datée du 5 avril 1809, le Général Grenier écrit : "... Ensuite des ordres de S. A. I. transmis par le chef de l’état-major général en date du 22 mars, la division a commencé les 27 et 28 dudit mois les mouvements suivants, savoir :
Le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère est parti de Bassano le 27, et est allé s’établir à Spilimbergo où il est arrivé le 30 mars ...
" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 37. Page 84).

Situation de l'Armée d'Italie au 1er avril 1809 : Sous le commandement du prince Eugène.

3e Division Grenier, 1ère Brigade Abbe : 4e Bataillon du 1er Léger (835 hommes; garnison Palmanova)

Note : Situation également donnée par Nafziger 809DAH

Le 1er avril 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Sacile, à S. A. I. le Prince Vice-Roi : "J’ai l’honneur d’adresser à Votre Altesse Impériale mon rapport sur le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère. La situation dans laquelle ce bataillon se trouve ne m’a pas permis d’attendre que je puisse y joindre ceux des autres corps que j’aurai l’honneur d’envoyer à Votre Altesse sous quelques jours.
J’ai vu ce bataillon lors de son passage à Vicence et le premier coup d’œil m’a fait juger qu’il avait besoin d’être examiné dans le plus grand détail. Je chargeais en conséquence le général Teste d’en passer une revue de rigueur. Il en résulte que l’instruction des hommes qui le composent a été peu soignée, que la tenue est généralement mauvaise et que le chef de bataillon Huguet ( ?) n’est pas du tout propre à relever l’esprit de ce bataillon qui a cependant de très bons éléments.
Parmi les capitaines, trois se trouvent assez anciens, mais le premier d’entre eux a été envoyé d’un autre corps et cet ordre de passer sans avancement ne milite pas en sa faveur, les deux autres passent pour être de bons capitaines, mais il faut les voir de plus près lorsqu’il s’agit de les proposer pour être à la tête d’un bataillon où il y a beaucoup à faire.
Votre Altesse Impériale verra aussi qu’il y a plusieurs emplois vacants, il est très urgent d’y nommer ; qu’il n’existe aucun effet de campements et que ce bataillon n’a pas une capote. J’ose la supplier de donner des ordres les plus sévères pour que ces différents objets lui soient envoyés du dépôt sans délai
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 23 page 60).

Le 4 avril 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Sacile, au Général Charpentier : "Comme je vous l’ai annoncé, mon cher général, aucun des corps de ma division n’est en mesure pour les caissons qu’ils ont du se procurer.
Le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère ne peut en avoir puisqu’il n’y a qu’un caisson par régiment, que d’ailleurs il ne touche que la solde de masse et l’indemnité d’ordinaire et que les autres masses et l’indemnité d’ordinaire et que les autres masses sont au dépôt du régiment ...
Je vais presser autant qu’il dépendra de moi la confection des caissons et l’achat des chevaux ; il faut convenir que les sommes allouées sont bien faibles, surtout dans un moment où tous les corps doivent se pourvoir de cet attirail ; et les chefs des corps craignent que le Ministre directeur ne voudra pas leur passer ce que les caissons et les chevaux couteront en plus que le prix alloué ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 25 page 64).

Dans une note datée du 5 avril 1809, le Général Grenier écrit : "... Le 5 avril envoyé l’ordre au 4e bataillon du 1er léger de partir de Spilimbergo pour aller à Palma Nova, ce bataillon ne fait plus partie de la division ..." (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 37. Page 84).

Ce même 5 avril 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Sacile, au Général Charpentier : "Votre lettre du 1er avril, mon cher général, renfermant l’ordre au 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère de partir le 5 de Spilimbergo pour se rendre à Palmanova ne m’est parvenue que cette nuit et je l’ai fait partir de suite, mais il ne peut arriver à Spilimbergo que ce soir en supposant encore que les torrents de la Zelina permettent de passer, ce dont je ne réponds pas. Il en résulte que l’ordre provenant aujourd’hui, ce bataillon aura toujours un retard d’un jour et ne pourra arriver à Palmanova que le 7 …" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 26 page 65).

Toujours le 5 avril 1809, le Général de Division Grenier écrit aussi, depuis Sacile, au Général Teste : "Je vous adresse ci-joint, mon cher général, un ordre de départ pour le 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère, que je vous prie de lui faire tenir sur le champ à Spilimbergo et me faire connaitre l’heure à laquelle il aura été remis à l’officier qui le commande" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 26 page 66).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"- Nouvelle guerre avec l'Autriche
Les détails que les journaux nous donnaient sur l'Espagne, avec la circonspection usitée pour tout ce qui avait rapport à la politique, étaient sufiisans pour nous persuader que Joseph, roi d'Espagne, put jamais dépasser les limites de sa capitale.
En effet, les généraux français gémissaient des efforts impuissans qu'ils faisaient pour vaincre la vive résistance d'un peuple qui défend ses droits les plus sacrés, et des désastres innombrables qu'entraîne une guerre opiniâtre. Toute l'Espagne ne présentait plus qu'un immense monceau de ruines. Les femmes mêmes et les enfans combattaient aussi au nom de Dieu, pour le roi, et recevaient la mort avec héroïsme sur le corps de leurs pères, de leurs époux. Cette guerre aussi funeste pour la France qu'elle l'était pour l'Espagne, entreprise pour satisfaire uniquement l'ambition d'un seul homme qui visait à posséder l'empire de Charlemagne, réduisant les armes françaises à la plus grande nullité. Par surcroît d'embarras, bientôt Napoléon fut détourné de la direction de la guerre pour s'occuper plus sérieusement des affaires de l'Allemagne. L'Autriche prenait en secret ses mesures pour attaquer nos troupes en Bavière et pour les vaincre; son empereur avait été réduit à une trop grande humiliation pour qu'il ne saisit pas le plus léger prétexte de reprendre les armes à la première occasion ; l'occupation que les Espagnols donnaient à Napoléon qui, avec plus de 150.000 hommes ne pouvait établir sa domination sur aucun des points conquis et occupés par ses troupes, paraissait favoriser ses grands desseins. Il s'était refusé officiellement à reconnaître Joseph comme roi d'Espagne ; il avait protesté contre la ruine de la confédération germanique, détruite par Napoléon après avoir été reconnue ct conservée par le traité de Presbourg.
Ainsi tout se disposait à la guerre de ce côté, une nouvelle campagne allait s ouvrir. En effet, le prince Charles fut nommé généralissime de l'armée autrichienne; il déclara, par une proclamation adressée aux Français, aux Wurtembergeois et aux Bavarois, qu'il allait se porter en avant et qu'il traiterait comme ennemies toutes les troupes qui lui feraient résistance.
Dès le 9 avril 1809, il commença les hostilités, chaque jour fut marqué par un combat. Les princes de la confédération furent fidèles, ils combattirent avec zèle et courage; bientôt Napoléon arriva avec sa garde, avec une armée nombreuse, et une suite de batailles glorieuses illustrèrent encore les armes françaises; et déjà, le 14 octobre suivant, la paix avait été signée à Vienne.
Napoléon ayant planté ses aigles sur les remparts de Vienne put croire que désormais rien ne lui serait impossible. II considéra les rois et autres princes souverains qui lui étaient restés fidèles, et qui l'avaient aidé dans cette mémorable campagne, comme ses lieutenans; et pour récompenser leur zèle à le servir, il leur accorda à chacun une augmentation de territoire qui affaiblissait d'autant la puissance autrichienne. Les provinces illyriennes reculèrent au delà de leurs limites, les frontières du grand empire furent portées jusqu'à la limite de la Turquie; il se déclara médiateur de la Suisse; il érigea la Hollande en royaume en faveur de son frère; il arracha le Saint Père de son siège pontifical, le retint prisonnier à Savone, et fit des états de ce pontife des provinces françaises; enfin, il se crut l'arbitre de l'Europe qu'il vit à ses pieds.
Dans cette circonstance le 1er régiment d'infanterie légère ne fut point étranger à ces grands événemens; il fournit par cette brillante campagne deux bataillons de nouvelle formation qui combattirent sous les ordres du vice roi à l'armée d'Italie, notamment à Raab en Hongrie.
Ainsi, le régiment était déjà composé de 6 bataillons : le 3e avait rejoint ses deux premiers en Espagne; le 4e et le 5e formés expressément pour cette nouvelle expédition, étaient en ligne à l'armée d'Italie, et le 6e ou de dépôt, se trouvait maintenant de garnison dans la place d'Alexandrie.
A cette époque, presque tous les officiers présens, soit aux bataillons en Espagne, soit à ceux en Allcmagne, eurent de l'avancement ; et, beaucoup de ceux employés à cette dernière armée furent décorés, tandis que ceux en Espagne depuis 1808, faisant une guerre désastreuse sous tous les rapports, n'obtenaient qu'à peine une mention honorable. Alors aussi je passai de la 3e classe de capitaine à la 2e, puis de celle ci à la 1re, sans autre espoir d'avancement que celui qui m'était promis par le ministère
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Carabinier 1813-1814 1er Léger
Fig 52b 1814 ? Fig. 52a 1814 ? Fig. 52 1815 ?
Fig. 52aa Carabinier en 1813-1814 d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). Source : Carl et Boeswilwald

La Division Grenier est en marche depuis des jours, et le 4e Bataillon du 1er Léger est arrivé à Spilimberg, sur le Tagliamento, lorsque le 10 avril, l'Archiduc Jean, à la tête des 8e et 9e Corps autrichiens, attaque les avant-postes français aux débouchés des Alpes Carniques et Juliennes, sans autre déclaration de guerre que l'envoi d'un trompette, porteur d'un avis du Prince autrichien annonçant son intention d'entrer en Italie, avec menace d'employer la force si l'on s'oppose à son passage. Le Prince Eugène, surpris par cette brusque irruption, fait rétrograder ses premières Divisions et opère une première concentration derrière le Livenza, aux environs de Sacile.

Le Prince Eugène n'a, par ailleur, pas perdu de vue Palma-Nova, située entre Udine et l'embouchure de l'Isonzo. Dans les circonstances où il se trouve, Palma-Nova peut devenir une place importante. Elle a pour garnison 3560 hommes appartenant aux 1er Léger, 35e et 42e de Ligne français et 3e Léger italien, deux Compagnies d'artillerie, une de Sapeurs et quelques Hussards ; 132 bouches à feu sont en batteries sur ses ouvrages, et elle se trouve approvisionnée pour trois grands mois, mais ses fortifications exigent toutefois de promptes réparations. Le Colonel du Génie Moydier est chargé de ce soin, et le Général de Brigade Schilt de son commandement (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 8).

Le 16 avril au matin, la Division Grenier est déployée en avant de Fontana Fredda, le 4e Bataillon du 1er Léger occupant la gauche et se reliant à la Division Broussier. Le Prince Eugène, cédant aux désirs de ses soldats qui n'aiment pas battre en retraite, se décide à livrer bataille. La Division Grenier a ordre de se former sur la route de Fontana Fredda à Pordemone et d'y attendre que les troupes à sa droite aient renforcé le 8e Corps autrichien. Eugène accepte la bataille avec 35000 hommes contre 45000 sur un mauvais terrain. Après une lutte sanglante dans les marais de la droite et les plaines de la gauche, la retraite est ordonnée, avant que le centre ait été sérieusement engagé.

Le soir, la Division Grenier repasse le pont de Sacile; le Bataillon a eu 2 hommes tués et une dizaine de blessés. Dans la nuit, l'Armée est mise en route sur Conigliano, pour aller prendre position derrière la Piave. Des pluies torrentielles retardent cette marche; mais elles arrêtent aussi les Autrichiens qui ne poursuivent les Français que mollement. Signalons que Martinien donne à la date du 18 avril 1809, le Capitaine Saint Pierre et le Sous lieutenant Lamarre blessés au cours de l'attaque du fort Pradel en Italie.

Le 21 avril 1809, le Général de Division Charpentier, chef de l’état-major général écrit, depuis le Quartier général à Vicence, au Général de Division Grenier à Vicence : "Au lieu de vous rendre à San Bonifacio et Villanova, ainsi que vous en avez reçu l’ordre, mon cher général, vous établirez votre division à Caldiero et cantonnements voisins ..." (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 54. Page 117).

L'armée se reforme derrière la Piave. Au même moment, elle est rejointe par le Maréchal Macdonald. Sur son conseil, le Prince Eugène continue sa marche rétrograde jusqu'à l'Adige pour se donner le temps de rallier toutes ses forces afin de reprendre ensuite l'offensive avec chance de succès. L'arrivée de l'illustre Général, qui devait être le mentor du Prince Eugène, décide celui-ci à organiser, le 22 avril, son armée en 3 groupes ou Corps d'armée. L'aile droite est confiée à Macdonald, le centre à Grenier, l'aile gauche à Baraguey d'Hilliers. Le 4e Bataillon du 1er Léger reste sous les ordres de Grenier (Corps formé des Divisions Séras et Durutte) et fait partie de la 1ère Brigade (Moreau; cette Brigade est formée des 53e de Ligne, et des 4e Bataillons du 1er Léger et du 42e de Ligne) de la 1ère Division (Séras; cette Brigade est formée des Brigades Moreau et Roussel. Cette Division (ancienne Division Grenier) a d'abord été commandée par le Général Pacthod).

L'Archiduc Jean s'est avancé à la suite des français jusqu'à l'Adige, sans oser toutefois en tenter le passage. Les deux Armées sont ainsi en présence, séparées par le grand fleuve lorsque, le 1er mai, à la grande joie des soldats, on voit les troupes allemandes se retirer précipitamment. C'est un signe certain des succès de l'Armée française qui opère sur le Danube. "Victoire en Allemagne! s'écrie Macdonald en s'élançant au galop vers le Prince Eugène, c'est le moment de marcher en avant!". Les ordres sont immédiatement donnés : le Corps Grenier au centre prend la grande route du Frioul par Vicence, Citadella, Castel Franco. Le 1er mai, le 4e Bataillon du 1er léger compte dans ses rangs 15 Officiers (2 Officiers absents au moment du départ de Novare ont rejoint le Bataillon à Vérone) et 766 hommes présents.

Figs. 53aa et 53ab 1814 ? Fig. 53 1815 ?

Le 8 mai, le 4e Bataillon du 1er Léger passe à gué la Piave dont les Autrichiens ont détruit tous les ponts et contribue à repousser les arrière-gardes autrichiennes qui s'efforcent de ralentir la poursuite. Le 9, il traverse Conigliano et couche à Sacile qu'il avait dû évacuer le 16 avril; le 10, il atteint le Tagliamento; le 11, il remonte le cours du fleuve et le franchit à Spilimberg.

Le 11 mai 1809, le Général de Division Charpentier, chef de l’état-major général de l’armée, et l’Adjudant commandant sous-chef d’état-major général de l’armée Bartin, écrivent, depuis le Quartier général à San Daniele : "Ordre de mouvement du 12 mai 1809
… La division Séras se rendra à Udine, où elle sera jointe par les détachements du 35e, par les quatre bataillons des 1er léger, 42e de ligne et 53e. Il prendra du pain ou biscuits pour quatre jours …
" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 76. Page 161).

Le mouvement en avant se continue ainsi par Osopo, Pontebba, le col de Tarvis.

Après le beau combat de Tarvis le 17 mai, le Général Séras reçoit l'ordre de prendre le fort de Predel devant lequel sa Division est arrêtée depuis trois jours. Le Général Séras l'a fait canonner toute la journée du 17, la sommation faite au commandant a été rejetée ; le Prince lui donne l'ordre de l'enlever d'assaut. Le Général Séras part à cet effet d'Ober-Pret le 18, à trois heures du matin, s'établit sur la route de Predel, appuyant sa gauche au mamelon qui domine le village. En débouchant sur le fort, quatre Compagnies de Voltigeurs et le 4e Bataillon du 1er Léger français doivent se porter à l'angle rentrant de la route, et gravir la colline qui domine la gauche, pendant que les Grenadiers réunis de sa Dvision se logeront sur la hauteur qui flanque sa droite en longeant le ravin aboutissant au blockhaus élevé sur la grande route. Ce mouvement s'exécute sous le canon dans le plus grand ordre et avec le plus heureux ensemble. Une pièce de 6, placée à l'angle de la route, protége les troupes et tire sur le fort jusqu'à 9 heures du matin. Les approches étant faites et le fort se trouvant entièrement cerné, le Général Séras, pour éviter les suites d'un assaut, fait encore offrir au commandant une capitulation honorable ; mais elle n’est point acceptée. A 10 heures, il donna l'ordre à un Bataillon du 53e Régiment de gravir la montagne qui couvrait la gauche, et à un·Bataillon du 35e de déboucher par l'angle de la route aussitôt que celui du 53e sera descendu sur les ouvrages de l'ennemi. A 5 heures, le signal de l'assaut est donné, les troupes s'avancent sur la grande route en colonnes serrées par division. La charge est battue, les Sapeurs, qui ont été répartis dans les différentes colonnes d'attaque, coupent les palissades. En moins de vingt minutes, tous les ouvrages de l'ennemi sont enlevés. Les deux Bataillons du 60e, placés sur la route de Tarvis, se sont en même temps précipités sur le fort. Toute la garnison est passée au fil de l'épée, et un seul Officier et 8 hommes sont épargnés. Les troupes qui défendaient le blockhaus, loin d'être intimidées par la scène de carnage qui vient de se passer sous leurs yeux, continuent à opposer à celles du Général Séras la plus vive résistance. En vain les Grenadiers leur offrent ils la vie, ils répondent à leur sommation par un feu roulant, qui ôte tout espoir de les voir venir à composition. Ne pouvant parvenir à s'y loger, les Grenadiers de la Division Seras y mettent le feu, et tout ce qui s'y trouve est brûlé sans qu'un seul homme puisse échapper. On trouve dans le fort 8 canons. Après ce coup de main, la Division Séras marcha sur Tarvis (Mémoires du Prince Eugène, t.5, page 112).

Le mouvement se poursuit ensuite sur Villach, Klagenfurth, Saint-Veit, Friesach, le col de Neumach, Jüdenberg, Kniettelfeld, Léoben et Bruck où l'Armée d'ltalie fait sa jonction, le 30 mai, avec l'Armée d'Allemagne. Pendant cette marche difficile à travers un pays très accidenté et habité par un peuple hostile, l'Armée d'Italie a eu à livrer de nombreux petits combats, soit pour enlever les postes qui lui barraient la route, soit pour couper la retraite aux corps détachés du gros de l'Archiduc Jean, soit enfin pour faire à l'armée poursuivie tout le mal possible et l'empêcher d'opérer sa jonction avec la principale armée autrichienne qui, sous les ordres de l'Archiduc Charles, est aux prises avec Napoléon dans les environs de Vienne. La part du 4e bataillon du 1er léger a du être importante (passage de la Piave et attaque du Malborguetto le 17 mai, combat de Saint-Michel le 25 mai), si l'on se base sur son effectif en date du 5 juin : 11 Officiers et 522 hommes.

Parallèlement, le 18 mai 1809, l'Inspecteur aux revues Villeminot écrit depuis Toulon, au Capitaine Duthilt :
"8e Division Militaire
N° 563
Toulon, 18 mai 1809.
L'inspecteur aux revues Villeminot, à monsieur le capitaine de recrutement des Alpes Maritimes à Nice.
Monsieur,
Je vous fais le retour, par ce courrier et dans un paquet séparé de la présente, des deux registres et des pièces de comptabilité que vous m'avez adressés précédemment.
j'ai arrêté le 4e trimestre de 1808 et le 1er de 1809. J'ai trouvé tout en ordre, et je désirerais que tous les corps ou portions de corps confiés à mon inspection fussent ainsi, mon travail serait plus prompt et moins pénible.
J'ai l'honneur de vous saluer avec une parfaite considération.
L'inspecteur aux revues, VILLEMINOT
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Situation de l'Armée d'Italie au 1er juin 1809 : Sous le commandement du prince Eugène.

Centre sous le commandement du Général de Division Grenier, 1ère Division Serras, Brigade Moreau : 1er Léger (1 Bataillon).

Etat nominatif des officiers du 4e Bataillon et du Dépôt au 1er juin 1809 (collection particulière - S.E.H.R.I.) :

Bassod Denis Joseph, sous aide chirurgien major au 5e bataillon
Bauwens Hubert, lieutenant de la 4e compagnie du 4e bataillon
Bouvier Louis Jean Baptiste, capitaine de la 1ère compagnie du 4e bataillon
Cauche Paul, lieutenant de la 1ère compagnie du 5e bataillon
Danvers Louis Athanase, sous aide chirurgien major au 4e bataillon
Dehaech Charles, lieutenant à la suite employé au recrutement
Delambre Charles Antoine, officier payeur
Delambre Joly Louis Joseph, quartier maître au 5e bataillon
Dubessé François, sous-lieutenant à la suite employé au recrutement dans le Royaume de Naples
Dumarché Jean Louis, capitaine de la 2e compagnie du 5e bataillon
Duthilt Pierre Charles, capitaine à la suite employé au recrutement
Fréjacques Mathieu Nicolas, lieutenant de la 2e compagnie du 5e bataillon
Henrion François, capitaine de la compagnie des carabiniers du 4e bataillon
Herwegh François, capitaine au 5e bataillon
Hollert Isidore, lieutenant de la 1ère compagnie du 4e bataillon
Hugues Richard Vincent, chef du 4e bataillon
Labarre Jean Baptiste, sous-lieutenant de la 3e compagnie du 4e bataillon
Lecomte Pierre, adjudant major au 5e bataillon
Lejeune Pierre Jacques, lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 4e bataillon
Loritz Hyacinthe Simon, sous-lieutenant à la suite employé au recrutement
Lumerechtz Martin, capitaine de la 4e compagnie du 4e bataillon
Marie Louis Henry, sous-lieutenant de la 1ère compagnie du 5e bataillon
Messmer François, capitaine de la 3e compagnie du 5e bataillon
Meyfret Hypolite Antoine, sous-lieutenant de la 4e compagnie du 4e bataillon
Michaud Charles, sous-lieutenant de la 2e compagnie du 4e bataillon
Moutin Louis, capitaine de la compagnie des voltigeurs du 4e bataillon
Nadreau Charles Joseph, sous-lieutenant à la suite employé au recrutement
Regnard Jean Baptiste, sous-lieutenant de la 1ère compagnie du 4e bataillon
Saint-Pierre Gervais, capitaine de la 3e compagnie du 4e bataillon
Serrat Jean Baptiste, capitaine de la 2e compagnie du 4e bataillon
Tassin Charles Nicolas, sous-lieutenant de la compagnie des carabiniers du 4e bataillon
Tillet Pierre Jean Marie, adjudant major au 4e bataillon
Vanderhecren Charles, capitaine de la 1ère compagnie du 5e bataillon
Wibert Louis, sous-lieutenant de la compagnie des voltigeurs du 4e bataillon

L'Archiduc Jean s'est replié derière le Raab. Il y rallie les débris de Jellachich, battu à Saint-Michel le 25 mai, et les forces de l'insurrection hongroise que lui amène son frère l'Archiduc palatin. Le Prince Eugène, après avoir donné à son Armée quelques jours de repos, recommence la poursuite, afin d'empêcher l'Archiduc Jean de prendre part à la grande bataille (Wagram) où va bientôt se décider le sort de la monarchie autrichienne.

Le 5 juin, la marche est reprise de Neustadt à Oldembourg; le 8, le Corps Grenier se porte à Stein-am-Anger, la Division Séras pousse jusqu'à Bulogfa; le 9, cette même Division Séras prend position à Schanas; le 10, les Autrichiens sont culbutés à Karako (le Bataillon du 1er Léger n'est pas engagé).

Le 10 juin 1809, l'Empereur, qui vient de décider d'une importante levée de Conscrits, sur la classe 1810, mais aussi sur les classes 1806 à 1809, afin de compenser les pertes du début de la campagne, et renforcer l'Armée, écrit depuis Schönbrunn au Général Clarke pour lui donner le détail de cette opération particulièrement complexe; lettre accompagnée de 3 Etats différents très détaillés. Par ailleurs, une annexe intitulée "Répartition des 40 000 conscrits de l'appel supplémentaire de 1810" donne la composition de la 14e Demi-brigade provisoire : 35e de ligne qui reçoit 40 hommes; 53e id.; 106e id. qui reçoit 110 hommes; 9e id.; 84e id. qui reçoit 80 homems; 92e id. qui en reçoit 60; 1er léger; 13e de ligne qui reçoit 150 hommes; 42e·id.; au total donc, 440 hommes. Il est par ailleurs précisé que l'on doit porter "les 18 compagnies à 2520 hommes" (Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21182).

Le 11, les deux Divisions du Corps Grenier bivouaquent en avant de Karako; le 12, le Corps Grenier marche sur Kerta et prend position, le soir, sur la route de Raab; le 13 au soir, la Division Séras s'établit en avant et à droite de Kis-Barath.

Voltigeur 1er Léger 1813-1814
Fig. 54b 1814 ? Fig. 54a 1814 ? Fig. 54 1815 ?
Fig. 54aa Voltigeur 1813-1814, d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). Source : Carl et Boeswilwald

Le 14 au matin, l'Archiduc Jean se met en bataille, à l'est et en arrière de la ville de Raab sur le plateau de Kis-Megger; sa droite à Czabadeggy; son centre au village de Kis-Megger; sa gauche, à la ferme dite maison Carée. Le canon de la place de Raab flanque de son feu tout le front de la position. Celle-ci est encore rendue plus difficile à enlever par 1e ruisseau profond et marécageux qui coule au pied du plateau et baigne complètement les abords de la fameuse maison Carrée de Kis-Megger contre laquelle le 4e Bataillon du 1er Léger doit porter tous ses efforts.

L'armée du Prince Eugène ayant sa gauche à la rivière de Raab se porte à l'attaque par échelons de Division, la droite en avant, l'échelon de droite étant formé de la Division Séras. Après de brillantes charges de cavalerie fournies par le Général Montbrun, la Division Séras s'élançe vers midi et demi, ayant comme objectif la maison Carrée. Le 4e Bataillon du 1er Léger, conduit par le Commandant Huguet, arrive bientôt jusqu'au ruisseau, malgré le feu ajusté et très vif de tirailleurs braves et adroits. Devant cet obstacle imprévu, les Chasseurs sans hésiter entrent résolument dans l'eau et abordent le plateau à l'est de la ferme. Cette ferme arrête longtemps les troupes déployées sur la gauche française. Après de grandes pertes, elles finissent par y pénétrer de vive force. La marche du 4e Bataillon, ralentie par cet épisode, se poursuit ensuite avec l'entrain du premier choc après une vive fusillade sur les défenseurs de Kis-Megger contraints de se retirer.

Le soir, l'Armée autrichienne est en pleine retraite. Le 4e Bataillon du 1er léger campe au delà du plateau de Kis-Megger. Selon Martinien, a été blessé au cours de la bataille le Capitaine Serras (mort le 15).

Le lendemain de cette brillante journée, le 4e Bataillon est détaché de l'Armée du Prince Eugène pour escorter des prisonniers qu'il ramène en Italie jusqu'à Cividale. Cette mission spéciale, qui n'est marquée par aucun incident digne d'être rapporté, empêche les Chasseurs de prendre part à la bataille de Wagram.

La "Situation des troupes composant le corps du centre au 1er juillet 1809" indique : "1ère division M. le général Séras ...
1ère brigade M. le général Moreau
1er d’infanterie légère, 4e bataillon, 1ère et 2e compagnies en avant de Batsgha : 2 Officier et 150 hommes présents, 5 hommes détachés à Cividale, 1 officier et 30 hommes aux hôpitaux, 1 officier prisonnier de guerre, 27 hommes en jugement ou égarés ; total 216 ...
" (Papiers du général Paul Grenier. V Papiers relatifs à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 177. Page 364).

A noter que Martinien donne le Chef de Bataillon Huguet blessé le 6 juillet au cours d'un combat devant Presbourg.

Les Chasseurs du 4e Bataillon ne rejoignent la Grande Armée que le 10 juillet.

A son retour d'Italie, le 4e Bataillon du 1er Léger est placé à la Brigade Teste de la Division Severoli du Corps Baraguey d'Hilliers. Il occupe Presbourg jusque après l'armistice de Znaïm qui met fin aux hostilités.

Le 14 juillet 1809, l'Empereur écrit, depuis Schoenbrunn, à Alexandre, Prince de Neuchâtel, Major général de l'Armée d'Allemagne, à Schönbrunn: "Mon Cousin, l'armée d'Italie sera organisée de la manière suivante :
1re division, commandée par le général Broussier, les. 9e, 84e et 92e.
2e division, commandée par le général Lamarque, les 13e, 29e, 32e et 53e.
3e division, commandée par le général Durutte, les 23e léger, 62e et 102e.
4e division, commandée par le général Pacthod, les 1er de ligne, 52e, 106e et 112e ;
Division Severoli, tous les Italiens.
Les 4es bataillons du 1er léger et du 42e, avec le parc, au quartier général.
Deux brigades de cavalerie légère, composées chacune de deux régiments ; un des cinq régiments continuera à rester avec la brigade Thiry.
Enfin, les deux divisions de dragons des généraux Grouchy et Pully.
Les 3es et 4es bataillons des régiments de l'armée de Dalmatie rejoindront le maréchal Marmont.
Vous donnerez ordre que le maréchal Macdonald, avec deux divisions et une brigade de cavalerie légère, se porte sur Graetz ; que la division Severoli se porte sur Klagenfurt. Vous donnerez ordre que les deux autres divisions, une brigade de cavalerie légère et les deux divisions de dragons restent jusqu'à nouvel ordre sur la March
" (Correspondance de Napoléon, t.19, lettre 15522 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 21494).

Le 16 juillet 1809, au Quartier général à Presbourg, "Son Altesse Impériale le prince vice-roi d’Italie, général en chef, donne l’ordre du jour de l’organisation de l’armée d’Italie, arrêtée par S. M. l’Empereur le 15 courant, savoir.
... Troupes attachées au quartier-général, 4e bataillon du 1er léger, 4e idem du 42e de ligne, parc du quartier général ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 137 page 290).

L'Ordre de mouvement pour l’Armée aux ordres de Son Altesse Impériale le Prince Vice-roi, établi au Quartier général à Presbourg le 19 juillet 1809, indique :"… … Le quartier général de S. A. I. partira de Presbourg le 21 pour Parndorf et s’établira le 22 à Eseinstadt ; le 4e bataillon du 1er léger et les dragons du 24e suivront son mouvement …" (Papiers du Général Paul Grenier. XVII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 138 page 291).

A la paix, le 1er Léger passe à la Division Durutte, Brigade Pastol, et campe aux environs d'Oldembourg jusqu'à la fin d'octobre.

Le 27 septembre 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Oedembourg, au Général Vignolle à Eisenstadt : "Au reçu de votre lettre du 26, mon cher général, relative aux boulangeries existant dans les corps des divisions Durutte et Pacthod, j’en ai demandé l’état aux généraux de division ; je m’empresserai de vous le transmettre aussitôt qu’il me sera parvenu. J’ai reçu l’avis de votre circulaire aux colonels, relativement au mauvais état dans lequel se trouve l’habillement des corps ; malheureusement, les 1er, 52e, 106e, 102e régiments et le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère sont dans le nombre de ceux qui n’ont que des pantalons de toiles et ils n’auront de culottes ou pantalons de drap que sur les fournitures que leur fera faire S. A. I., attendu que l’éloignement des dépôts renvoie ce qu’ils en attendent à des termes très éloignés" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 67 page 148).

Le 30 septembre 1809, le Général de Division Grenier écrit, depuis Oedembourg, à S. A. I. le Prince Vice-Roi, Général en chef à Vienne : "Monseigneur, j’ai l’honneur d’adresser à V. A. I. les lettres cachetées de MM. les colonels et officier supérieurs des divisions sous mes ordres, pour la présentation des militaires jugés dignes d’obtenir les décorations de la Toison d’or, comme commandants et chevaliers des régiments.
Ces lettres sont au nombre de ...
Division Durutte : 1 pour le 4e bataillon du 1er d’infanterie légère, 5 pour le 23e léger, 5 pour le 62e, 4 pour le 102e ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 70 page 154).

Le 8 octobre 1809, le Général de Division Grenier écrit au Général Durutte, à Oedembourg : "Je vous prie, mon cher général, de donner l’ordre au commandant du 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère d’envoyer à Stein am Anger un officier pour y prendre 100 aunes de drap bleu, mesure de France ; cet officier sera porteur d’un récépissé du conseil d’administration pour cette quantité ; il s’adressera dès son arrivée au général Debroc qui doit avoir reçu du général Vignolle l’ordre de faire délivrer les 100 aunes de drap bleu à ma disposition. Si l’ordre n’était pas parvenu au général Debroc lors de l’arrivée de l’officier, il l’attendra et devra vous en donnez avis. Ce bataillon recevra incessamment du magasin d’Oedembourg 310 aunes brun pour capotes" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 74 page 162).

Le 5 novembre 1809, le Général de Division Grenier écrit au Général Durutte, en route pour Gratz, venant de Gleesdorf : "Ayant voulu, mon cher général, que votre division soit entièrement cantonnée à Gratz et ses faubourgs, à l’exception du bataillon du 1er d’infanterie légère, il en résulte que dans plusieurs maisons, il y aura 5 et 6 soldats ; il est donc nécessaire que pour y être bien, ils y apportent leur pain, leur viande et leur vin ; veuillez donner les ordres nécessaires pour que les commandants de compagnies surveillent cette disposition afin d’éviter les plaintes et les querelles des habitants" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 79 page 171).

A noter que Martinien donne le Lieutenant Cuvellier blessé le 8 novembre au cours d'un combat dans le Tyrol.

Il rejoint ensuite le Dépôt en Italie.

Le 12 février 1810, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Duc de Feltre : "Je reçois votre lettre du 11 ... J'approuve que les 4e et 5e bataillons du 1er léger se rendent à Alexandrie ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.3, lettre 4019).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"A cette époque, 10 juillet 1810, je reçus l'ordre de me rendre à la cour impériale d'Aix en Provence, pour y prêter serment en qualité de juge militaire à la cour criminelle des Alpes maritimes séante à Nice, nommé à cet effet par le grand juge ministre de la justice. Je prêtai serment à la cour d'Aix" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 4 janvier 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, je désire lever la conscription. Proposez-moi un état de situation de l'armée au 1er janvier, qui puisse me servir de base pour le recrutement. Mon intention est d'employer 30 000 hommes de la conscription de l'année à recruter, les 16 régiments du corps du prince d'Eckmühl et tous les régiments qui ont leurs bataillons de guerre en France, en y joignant les 2 bataillons du 5e d'infanterie légère, les 3e et 5e du 6e léger, et les 4e et 5e du 1er léger ; en formant un 6e bataillon au 15e léger, 25e de ligne, 19e, 2e, 37e, 46e, 56e et 93e de ligne, ce qui ferait 8 nouveaux bataillons. On joindrait également les 4e et 5e bataillons du 51e, les 3e et 4e du 44e, les 3e et 4e du 113e et les 3e et 4e du 55e. Tout cela ferait un total de 154 bataillons que mon intention est d'avoir au complet de 140 hommes par compagnie. J'emploierai 20000 hommes à porter l'armée d'Italie au grand complet ; et enfin 35000 hommes à porter au complet les 131 cinquièmes bataillons, ce qui fera l'emploi de 85000 hommes ...
Par ce moyen, j'aurais 9 armées que je composerais selon les circonstances et qui m'offriraient 154 bataillons pour l'armée d'Allemagne, 100 bataillons pour l'armée d'Italie, et enfin une armée de réserve de 131 5es bataillons. J'emploierais la conscription de 1812, que j'évalue à 120000 hommes, à recruter 150 bataillons des cadres de l'armée d'Espagne que je ferais venir en France, ce qui me ferait une 4e armée. En supposant donc qu'il dut y avoir guerre en 1812 j'aurais disponibles pour le continent près de 550 bataillons complétés.
Je désire que les états que vous me présenterez soient faits dans l'ordre suivant :
1° le corps du prince d'Eckmühl
2° les régiments qui sont en France
3° tous les corps qui sont au-delà des Alpes soit de l'armée d'Italie, soit de l'armée de Naples, soit des divisions militaires, sans parler de composition d'armées sur lesquelles il est impossible de rien arrêter actuellement
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 4952; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 25633).

Le 29 janvier 1811, le Ministère de la Guerre adresse au Capitaine Duthilt la lettre suivante :
"MINISTèRE de la GUERRE
Paris, le 29 janvier 1811.
Le conseiller d'Etat, directeur général, à M. le capitaine de recrutement du département des Alpes Maritimes.
Monsieur le Capitaine,
Les états que vous m'avez adressés, en exécution de ma circulaire du 11 octobre dernier, m'ont paru avoir été faits avec soin. La précision que j'y ai remarquée m'a donné lieu de penser que vous aviez établi dans votre bureau un ordre tel qu'il serait à désirer de le voir régner dans ceux de tous vos collègues. Quelques uns d'entre eux n'ont pu dresser ces états qu'avec beaucoup de peine et qu'après des recherches multipliées. J'ai été forcé de leur renvoyer, pour faciliter ces recherches, les contrôles de signalement qu'ils m'avaient fait passer lors des levées, et dont ils n'avaient pas d'expéditions.
Il est extrêmement important et j'ai le plus grand désir d'arriver à tracer un mode uniforme de travail dans les bureaux des capitaines de recrutement. J'ai besoin, pour atteindre ce but, de recueillir les observations de ceux dont les opérations sont le plus régulières.
Je vous prie donc, monsieur le capitaine, de me faire connaître le plus promptement possible, qu'elle est l'organisation intérieure de votre bureau; vous m'enverrez les modèles des registres, cahiers, ou états que vous y faites former; vous y joindrez vos vues particulières sur les moyens d'obtenir que la comptabilité en hommes, dont les capitaines sont chargés, soit partout établie de la même manière.
Je compte dans cette circonstance, monsieur le capitaine, sur votre zèle pour le bien du service de la conscription ; les détails dans lesquels vous entrerez avec moi sur cette partie essentielle de vos fonctions, me seront d'un grand secours, surtout s'ils me parviennent sans délai.
J'ai l'honneur de vous saluer.
Signé : comte DUMAS.
Nota. - Les renseignemens que je me suis empressé de donner à monsieur le Directeur général ont été favorablement accueillis, car la plupart ont effectivement été repris dans l'instruction générale qu'il fit imprimer, à l'usage des préfets, sous préfets, maires, capitaines de recrutement, officiers de gendarmerie et autres, concourant au recrutement de l'armée
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 7 mars 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Donnez ordre aux dépôts des 24e, 23e, 22e, 18e, 13e, 10e, 7e et 1er légers de verser ce qu'ils ont de disponible dans le 4e bataillon ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5136 ; Correspondance générale de Napoléon, t.10, lettre 26122).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"- Le Roi de Rome
Le Roi de Rome naquit le 20 mars 1811. Le 1er mai suivant était indiqué pour célébrer par tout l'empire la naissance de ce roi appelé alors à recueillir l'héritage de tant de gloire.
La ville de Nice, admise au nombre des bonnes villes de l'empire, se signala dans cette circonstance par de grandes distributions d'argent et de comestibles aux pauvres; par des mariages dotés ; de brillantes illuminations dans la cité, au port et sur des vaisseaux en rade vis à vis la côte et la ville; et plus singulièrement encore par le spectacle d'un boeuf rôti à la broche sur la place de l'Hôtel de Ville autour duquel dansait toute une population, en attendant le moment de le dépecer. Le temps était magnifique, doux et l'air embaumé des émanations des fleurs semées de toute part. Le ciel bleu et éclatant comme celui d'Italie, et l'enthousiasme au comble firent que rien ne manqua à la magnificence de ce beau jour que la certitude de la continuation de la paix.
Pendant mon premier séjour à Nice, est né mon quatrième enfant, le 7 octobre 1811, inscrit au registre civil des actes de naissance sous les noms de Napoléon François, baptisé à la paroisse Saint Augustin; son parrain a été M. Branchiforte, sicilien, garde magasin des vivres de la guerre, et sa marraine fut Madame Bellegarde, épouse du capitaine adjudant major de place à Nice
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 13 juillet 1811, à Trianon, on informe l'Empereur que "On propose à Sa Majesté d'admettre à la retraite M. Huguet, chef de bataillon au 1er régiment d'infanterie légère" ; "Approuvé", répond ce dernier (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 4, lettre 5770 - Non signée ; extraite du « Travail du ministre de la guerre avec S. M. l’Empereur et Roi, date du 10 juillet 1811 »).

Le 12 novembre 1811, le Capitaine Duthilt reçoit la lettre suivante du Ministère de la Guerre :
"MINISTèRE de la GUERRE
Paris, le 12 novembre 1811
Le conseiller d'Etat, Directeur général de la conscription militaire, à Monsieur le capitaine de recrutement dans le département des Alpes Maritimes.
Monsieur le Capitaine,
Je me suis fait rendre compte des travaux extraordinaires que vous avez eu à faire en 1810 et 1811. Prenant en considération les résultats de vos efforts, et désirant vous donner une marque de satisfaction de votre zèle, je vous ai compris dans un état de répartition que je viens d'arrêter, pour une indemnité de cinq cent cinquante francs. (Indemnité pour dépenses faites et non récompense en argent).
Comme cette somme sera acquittée sur des fonds divers, il sera expédié plusieurs ordonnances dont il vous sera en même temps adressé des lettres d'avis, sur la représentation desquelles vous pourrez toucher le montant.
J'ai l'honneur de vous saluer
Comte DUMAS" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 16 décembre 1811, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène Napoléon, Vice-Roi d'Italie, à Milan : "Mon Fils, voici l'organisation que je désirerais donner au corps d'observation d'Italie ...
On laisserait en Italie les régiments suivants :
RÉGIMENTS FRANÇAIS. — 22e d'infanterie légère, six bataillons ; 6e de ligne, trois ; 14e léger, trois ; 112e de ligne, cinq ; 13e, cinq ; 23e, deux ; les 5es bataillons des six régiments français composant les 13e et 14e divisions, six bataillons ; 10e de ligne, deux bataillons ; 20e, deux ; 7e, un ; 12e, un ; 1er léger, deux ; 3e, un ; 67e de ligne, un ; régiment illyrien, un ; 52e de ligne, cinq ; 102e, deux ; ce qui ferait en deçà des Alpes quarante-huit bataillons français, formant 30,000 hommes d'infanterie, lesquels seront complétés par la levée de la conscription qui va être faite, celle de 1812 ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t. 7, p. 233 ; Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18340; Correspondance générale de Napoléon, t.11, lettre 29370).

LES DEMI-BRIGADES PROVISOIRES DE JANVIER 1812

Dans la vaste réorganisation que Napoléon coordonne pour la Grande Armée qui va entrer en Russie, de nombreuses unités dites provisoires vont être levées, formées de détachements de divers Régiments : Bataillons de marche, Demi-brigades de marche, Bataillons de marche de tel ou tel Corps. Parfois versées dans leurs unités d’origine ou organisées en Divisions de Réserve.

Les Demi-brigades provisoires en 1812 sont formées à partir des 4ème Bataillons disponibles des Régiments d’infanterie. Elles vont peu à peu gagner l’Allemagne (ou l’Espagne ou l’Italie), remplacées sur leurs lieux de formation par les Cohortes de Gardes Nationales. Elles sont commandées par des Majors. On y réunit soit des Bataillons d’infanterie de Ligne, soit des Régiments d’infanterie légère entre eux, pour que les unités soient homogènes. Elles seront incorporées dans la seconde Ligne de l’Armée tandis que la force principale franchira le Niémen. Les 2e, 3e, 4e et 5e DB provisoires serviront sur la frontière espagnole et les 14e, 15e et 16e en Italie.

15e DB provisoire à Alexandrie : 4e du 1er Léger, 4e du 3e Léger, détachements des 7e, 101e et 102e de Ligne

Le Capitaine Duthilt écrit :
"- Guerre avec la Russie
Dès le 11 janvier 1812, un décret impérial prescrivit une levée extraordinaire sur le premier ban de la garde nationale, comprenant un réappcl sur les classes de 1806 à 1812, de 350.000 hommes; cette levée qui pesait sur 7 classes qui avaient déjà fourni de nombreux contingens porta la désolation dans les familles, mais elle donna des hommes de la plus belle espèce, sous le rapport de la taille et de tout ce qui constitue le soldat; elle servit à former les cohortes qui ne devaient être employées que dans l'intérieur de l'empire, mais qui, plus tard, prirent rang à la suite des régimens et comme tels, furent employés dans l'armée active.
La majeure partie des lieutenans, sous lieutenans, sergens et caporaux, attachés aux divers détachemens de recrutement furent appelés pour faire partie de l'organisation de ces corps, conjointement avec des officiers et sous officiers des compagnies départementales, et des officiers en solde de retraite remis en activité.
Le règne si glorieux de Napoléon ne pouvait se consolider que par la guerre, et cette fois, elle devait se porter sur un immense théâtre, à l'extrémité de l'Europe, et plus d'un million d'hommes devaient y prendre part.
Une malheureuse mésintelligence s'était élevée entre la France et la Russie; dès 1811, la France reprochait à la Russie la violation du système continental établi contre l'Angleterre, auquel l'empereur de Russie avait accédé. La Russie exigeait une indemnité pour le duché d'Oldenbourg, et élevait encore d'autres prétentions auxquelles Napoléon ne voulut point consentir ; ainsi la paix du globe était en Russie, il fallait vaincre cette puissance chez elle pour contraindre aussi l'Angleterre à la paix et pour rendre le repos au monde.
En conséquence, l'empereur Napoléon était le 26 mai 1812, à Dresde ; les conférences d'Erfurt s'ouvrirent en présence de plusieurs souverains de l'Allemagne ; l'empereur d'Allemagne et le roi de Prusse approuvèrent les projets de Napoléon contre la Russie. Cette entrevue fut réellement l'époque de la plus haute puissance de Napoléon : il y parut le Roi des Rois. Il se mit bientôt à la tête d'une armée de 500.000 hommes, dont 400.000 d'infanterie et 60.000 de cavalerie et 1.000 bouches à feu; les alliés n'entrant que pour un quart dans la composition de cette formidable armée
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 2 avril 1812, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, à Berthier : "... 15e DEMI-BRIGADE. Le 4e bataillon du 1er léger, le 4e du 3e léger et le 3e bataillon du 7e de ligne (qui le 16 février est parti de Valence pour revenir à Alexandrie) formeront la 15e demi-brigade qui se réunira également à Alexandrie ...
Par ces dispositions, toutes les côtes de l'Empire seront suffisamment pourvues, en attendant la formation des cohortes de gardes nationales. Il devient pressant que les cadres de ces bataillons soient complets en officiers ; qu'ils aient leurs chefs de bataillon, et que vous nommiez les 15 majors en second qui devront commander ces demi-brigades. Vous ferez partir le 15 avril ces majors en 2nd pour visiter les dépôts qui fournissent aux demi-brigades.
Vous aurez soin de prévenir le ministre de l'Administration de la guerre afin qu'il donne des ordres, et prenne des mesures pour que l'habillement ne manque pas.
Vous autoriserez les majors en 2nd à faire partir le 30 avril les 4es bataillons à 600 hommes. Les 200 autres hommes viendront un mois après ...
Ces demi-brigades ne doivent rien déranger à la comptabilité. Les bataillons qui les composent doivent correspondre avec leurs dépôts pour l'administration
Annexe
Formation des demi-brigades provisoires, de l'Intérieur et des côtes
15e demi-brigade à Alexandrie
1er bataillon : 4e bataillon du 1er léger (dépôt à Alexandrie) : 276 conscrits de la Lozère, 616 des Hautes-Pyrénées ; total 892 ; 192 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
2e bataillon : 4e bataillon du 3e léger (dépôt à Parme) : 220 conscrits des Basses-Alpes, 434 de l’Aude, 276 de la Haute-Garonne ; total 930 ; 230 conscrits de 1812 non employés dans cette organisation.
3e bataillon : 3e bataillon du 7e de ligne (dépôt à Turin) : 375 conscrits de la Haute-Loire ; total 375 ; manque 325.
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7057 (extrait d’un ordre de l’Empereur daté de Saint-Cloud le 2 avril 1812) ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30370 (intégrale)).

Quelques jours plus tard, Napoléon renforce ses Divisions de réserve; il écrit, le 18 mai 1812, depuis Dresde, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, je reçois le travail qui était joint à votre lettre du 11 mai. Voici quelles sont mes intentions définitives, donnez des ordres pour leur prompte exécution ...
Brigades d’Espagne, d’Alexandrie et de Toulon
... La 15e demi-brigade sera formée ainsi qu'il suit : 1er bataillon, le 4e bataillon du 1er d'infanterie légère ; 2e bataillon, le 4e bataillon du 3e léger ; 3e bataillon, deux compagnies du 3e bataillon du 7e, deux compagnies du 5e bataillon du 102e, deux compagnies du 5e bataillon du 101e.
Ainsi la brigade d'Alexandrie se composera de deux demi-brigades ou sept bataillons ...
" (Correspondance de Napoléon, t.23, lettre 18701 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30633).

Le 22 mai 1812, le Général de Division Grenier écrit au Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Par sa lettre du 4 de ce mois, V. E. me demande des renseignements sur la conduite de M. Huguet, chef du 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère, employé en 1809 sous mes ordres. J’ai peu connu cet officier supérieur, attendu qu’aussitôt après la formation de la 3e division qui m’était confiée, ce bataillon fut désigné pour faire partie de la garnison de Palmanova ; après la retraite de l’armée autrichienne, ce bataillon fit partie de la Division Durutte et se retrouva indirectement sous mes ordres, comme faisant partie d’une division de mon corps d’armée ; ce bataillon n’a jamais été employé très activement, il a été presque pendant toute la campagne, destiné à la garde du parc d’artillerie et le sieur Huguet, personnellement, n’inspirait pas beaucoup de confiance. Il est déjà âgé, très indolent, s’occupant, par suite, peu de son métier. Je ne crois pas qu’on puisse lui reprocher quelque chose contre la moralité" (Papiers du Général Paul Grenier. XVIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 233 page 486).

Le 25 juillet 1812, le Ministère de la Guerre adresse au Capitaine Duthilt la lettre suivante (annotée par ce dernier) :
"MINISTERE de la GUERRE
Paris, 25 juillet 1812.
Le Général de division, baron de l'Empire, Directeur général de la conscription, à Monsieur le Capitaine de recrutement du départememt des Alpes Maritimes.
Monsieur le Capitaine,
Je vous préviens qu'en suite des ordres de son Excellence le Ministre de la Guerre, vous avez été désigné pour remplir les fonctions de capitaine de recrutement dans une des provinces Illyriennes.
Veuillez bien, à la réception de cette lettre, faire les dispositions nécessaires pour vous rendre à votre nouvelle destination.
Vous devez être arrivé dans les quinze premiers jours de septembre à Laybach, résidence de M. le Gouverneur général des provinces Illyriennes.
Le lieutenant employé au recrutement, sous vos ordres, remplira, après votre départ, les fonctions de capitaine.
Je ne doute pas, du reste, que, dans votre nouveau poste, vous ne continuiez à donner des preuves de votre zèle et de votre dévoûment ; je me réserve de solliciter près de Son Excellence le Ministre de la Guerre, l'avancement que vous méritez par vos services.
Je vous prie de m'accuser réception de cette lettre.
J'ai l'honneur de vous saluer avec une parfaite considération.
Signé : Baron d'HASTREL
Nota. - De quelque manière que l'on commente la promesse faite, par le cinquième paragraphe de cette lettre, d'une demande d'avancement en ma faveur, il ne pouvait être question que de ma promotion au grade de Chef de bataillon, dont l'époque ne pouvait être indéterminée quoique la promesse ne soit faite que conditionnellement; mes services antérieurs avaient été déclarés bons et rémunérés. Dans mon nouveau poste, dans les provinces Illyriennes, où tout était à créer, j'ai certainement acquis de nouveaux droits aux grâces du gouvernement, aussi S. E x. le Ministre de la Guerre fit il un mémoire de proposition d'avancement en ma faveur; proposition qui fut effectivement adressée à l'Empereur, alors en Russie et peut être au milieu de ses plus grands désastres. Le fait est d'autant plus certain que j'ai vu et lu, la lettre d'avis adressée au Préfet, par M. le général baron d'Hastrel, concernant la demande faite en ma faveur par le Ministre de la Guerre ; et qui ne put être renouvelée, soit à la fin de 1813, soit au commencement de 1814, l'Empereur étant alors trop occupé à repousser les efforts incessans des alliés, courant sans cesse d'un point à un autre. Ainsi la catastrophe qui mit fin à son règne mit aussi fin à mon avancement et à mes services
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"- Recrutement de la Carniole
- De Nice à Laybach

Le 1er août 1812, j'ai reçu du général de division, baron d'Hastrel, directeur général de la conscription militaire, l'ordre de me rendre à Laybach, pour y prendre le commandement du recrutement de la Carniole. Je partis de Nice le 12 ..." (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 12 août 1812, le Sous-inspecteur aux revues Regnier écrit depuis Marseille au Capitaine Duthilt :
"8e Division Militaire
N°11.615
Marseille, 12 août 1812.
A M. Duthilt, capitaine de recrutement du département des Alpes Maritimes, le sous inspecteur aux revues, faisant fonctions d'inspecteur.
Monsieur le capitaine,
Je mets aujourd'hui au courrier votre registre de comptabilité, j'ai arrêté le deuxième trimestre.
Je vous prie de remplir les relevés sommaires ci joints, pour le deuxième trimestre et de signer ceux du premier.
Je vous renvoie aussi la minute de la feuille d'appel du deuxième trimestre; elle est exacte.
Vous m'annoncez, monsieur, par lettre du 9 de ce mois, votre prochain départ pour Laybach, en Illyrie. Si ce changement de destination a lieu pour votre avancement je m'en réjouirai; votre manière de servir doit vous le mériter; je regrette que nos relations de service soient interrompues; c'est une perte pour un inspecteur lorsqu'un administrateur honnête et distingué comme vous cesse d'être sous son inspection.
Si je puis vous être utile en quelque chose, je serai toujours empressé de me rendre à vos désirs.
Agréez, monsieur le capitaine, les sentiments de la considération très distinguée de votre serviteur.
Le sous inspecteur aux revues faisant fonction d'inspecteur,
(Signé) : REGNIER
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 20 août 1812, le Général Eberlé écrit depuis Nice au Capitaine Duthilt :
"Nous, Général de brigade, l'un des Commandeurs de la Légion d'Honneur, commandant d'armes de Nice et commandant le département des Alpes Maritimes, certifions que, pendant tout le temps que monsieur Duthilt, capitaine au 1er régiment d'infanterie légère, est resté à Nice chargé du recrutement du département des Alpes Maritimes, il a constamment donné des preuves de zèle, d'activité et d'intelligence dans l'exercice de ses fonctions, où il s'est toujours fait distinguer par une conduite irréprochable et par toutes les qualités précieuses du coeur et de l'esprit dont il est doué.
Que c'est à son application au travail et à ses connaissances dans toutes les parties du service, que les opérations de la conscription dans ce département ont toujours été couronnées d'un plein succès; enfin, que le capitaine Duthilt est un excellent officier qui réunit à des principes solides d'honneur, de probité et de délicatesse, une douceur et une amabilité de caractère qui le font généralement aimer et estimer; qu'il emporte en partant de Nice les regrets de tous ceux avec qui il était en relation et autres qui l'ont connu, et particulièrement les nôtres.
C'est pourquoi nous lui avons délivré le présent certificat comme un témoignage de notre satisfaction particulière et pour lui servir et valoir au besoin.
A Nice, le 20 août 1812.
Le général de brigade EBERLE
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 30 août 1812, le Préfet Dubouchage écrit depuis Paris au Capitaine Duthilt :
"Paris, 30 août 1812.
Le Préfet Dubouchage à M. Duthilt.
C'est avec un extrême regret, monsieur le capitaine, que j'ai appris par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 16 de ce mois, et qui m'a été envoyée de Nice, votre changement de destination pour aller remplir les fonctions de capitaine de recrutement dans les provinces Illyriennes; quoi que ce soit, comme je n'en doute pas, une marque de confiance de la part de S . Ex. le Ministre de la Guerre, qui sait apprécier votre mérite et vos talens, mon département y perd trop pour que je n'en éprouve pas un sentiment pénible ; vous connaissez, monsieur, mon estime, ma confiance et mon attachement pour vous, ils vous sont bien justement acquis, et quelque part que vous soyez, je désirerais bien vivement les occasions de vous en donner de nouvelles preuves. Veuillez bien, à votre tour, me conserver toujours quelque part dans votre souvenir.
Je vais remplir avec l'intérêt que vous méritez ce que vous désirez de moi dans cette circonstance ; je joins ici une lettre de recommandation pour monsieur le comte Bertrand, avec la conviction que les qualités qu'il vous reconnaîtra bientôt, vous recommanderont mieux encore ; je fais des voeux bien sincères pour qu'elles vous fassent incessamment obtenir l'avancement et les grâces qui vous sont dûes.
Agréez, monsieur le capitaine, l'assurance des sentiments de l'inviolable attachement avec lesquels j'ai l'honneur d'étre,
Votre très humble et affectionné serviteur,
Baron DUBOUCHAGE, prêfet des Alpes-Maritimes.
Hôtel d'Orléans, rue des Petits-Augustins, à Paris.
NOTA. - La lettre de recommandation que M. le préfet Dubouchage me remit pour M. le comte Bertrand, gouverneur général en Illyrie, était trop flatteuse pour que ma modestie me permît de la remettre à M. le comte Bertrand, et d'ailleurs, j'en fus si bien accueilli à mon arrivée que je crus pouvoir me passer de toute recommandation ; je ne la remis pas.

PREFECTURE DU DéPARTEMENT DES ALPES MARITIMES
Nice, le 18 août 1812.
Le préfet du département des Alpes Maritimes, baron de l'Empire et membre de la Légion d'Honneur, atteste et certifie que M. Duthilt, capitaine au 1er régiment d'infanterie légère, a commandé, depuis dix-huit cent huit jusqu'à ce jour, le recrutement du département des Alpes Maritimes, et que pendant ce long espace de temps, cet officier a donné journellement la preuve qu'il réunissait dans un degré éminent toutes les qualités nécessaires pour l'exercice des fonctions aussi importantes que délicates qui lui ont étê confiées.
C'est par une conduite irréprochable sous tous les rapports, les principes les plus délicats, un zèle sans bornes, l'activité et l'exactitude les plus soutenues, par beaucoup de goût pour le travail, de moyens et de connaissances que cet officier s'est fait distinguer pendant la durée de son commandement, sous lequel les différentes parties des opérations de la conscription se sont infmiment améliorées par ses soins, et ont été portées au point que le département est, au moment où il le quitte, à jour sous le rapport quelconque des opérations relatives aux levées.
Ces circonstances ont été appréciées, d'après le travail de monsieur Duthilt, par monsieur le Général de division, directeur général de la conscription militaire, auquel le Préfet s'est fait dans ses comptes annuels un devoir de donner de justes éloges au mérite et à la conduite de cet officier, et de solliciter en sa faveur la bienveillance du gouvernement et son avancement. Détails qu'il se plaît à rappeler ici pour donner à monsieur Duthilt un témoignage authentique de satisfaction, de son estime particulière et du regret qu'il éprouve de le voir quitter un commandement pendant lequel il a rendu les plus grands services à son administration.
Donné à l'Hôtel de la Préfecture, à Nice, le 18 août 1812.
Pour monsieur le Préfet, absent par congé,
Le Conseiller de Préfecture,
Signé : SAUVAIGUE.

Nous, Général de brigade, l'un des Commandeurs de la Légion d'Honneur, commandant d'armes de Nice et commandant le département des Alpes Maritimes, certifions que, pendant tout le temps que monsieur Duthilt, capitaine au 1er régiment d'infanterie légère, est resté à Nice chargé du recrutement du département des Alpes Maritimes, il a constamment donné des preuves de zèle, d'activité et d'intelligence dans l'exercice de ses fonctions, où il s'est toujours fait distinguer par une conduite irréprochable et par toutes les qualités précieuses du coeur et de l'esprit dont il est doué.
Que c'est à son application au travail et à ses connaissances dans toutes les parties du service, que les opérations de la conscription dans ce département ont toujours été couronnées d'un plein succès; enfin, que le capitaine Duthilt est un excellent officier qui réunit à des principes solides d'honneur, de probité et de délicatesse, une douceur et une amabilité de caractère qui le font généralement aimer et estimer; qu'il emporte en partant de Nice les regrets de tous ceux avec qui il était en relation et autres qui l'ont connu, et particulièrement les nôtres.
C'est pourquoi nous lui avons délivré le présent certificat comme un témoignage de notre satisfaction particulière et pour lui servir et valoir au besoin.
A Nice, le 20 août 1812.
Le général de brigade EBERLE
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Fig. 55

Le Capitaine Duthilt écrit :
"... et je suivis isolément l'itinéraire ci-après :
Lescarène, Sospello, Breglio, Tende, le col de Tende, Limon, Coni, Fossano, Carmagnole, Turin, Chivasso, Fogliano, Verceil, Novare, Magenta, Milan, Cassano, Chiari, Brescia, Lonato, Peschiera, Vérone, Montebello, Vicence, Castelfanco, Sacile, Pordenone, Valvasone, Palmanuova, Gorice, Heidenschaft, Wippach, Prewald, Adelsberg, Planina, Lohitsch, Oberlaybach et Laybach, où j'arrivai le 7 septembre.
Les provinces illyriennes, conquises dans la campagne de 1809, et cédées par l'Autriche à la France, étaient à mon arrivée sous le commandement militaire du lieutenant général comte Bertrand gouverneur militaire, et sous l'administration civile du comte Chabrol intendant général; leur résidence d'été était Laybach, et celle d'hiver Trieste.
Ces provinces se composaient des intendances de la Carniole, chef lieu Laybach; de la Carinthie chef lieu Trieste ; de l'Istrie chef lieu Villach, de la Croatie civile et militaire, chef lieu Karlstadt pour la partie civile, et de la Dalmatie chef lieu Raguse. Chaque intendance se subdivisait en sous intendances ou districts, et celles ci en cantons et communes.
La Dalmatie était spécialement affectée à la marine, et n'avait pas de recrutement ; elle entretenait seulement un régiment d'infanterie. La Croatie militaire n'était pas non plus assujetie au recrutement ordinaire : son régime militaire et administratif était resté tel que l'avait formé, de temps immémorial, le gouvernement autrichien qui, du côté de la Turquie est entouré d'une limite toute militaire, c'est à dire d'une bande de terre, constamment occupée par une force armée appelée les graentzer ou soldats de frontière; ils sont mariés, possèdent et cultivent les terres ; mais ils sont à la fois soldats et paysans de ces districts. C'est un cordon permanent contre les brigands, les vagabonds et la peste.
Chacune des autres provinces ou intendances, avait un fort détachement de recrutement, composé d'un capitaine, de 2 lieutenans, de 4 sous lieutenants, de 6 sergens et de 12 caporaux, tirés par moitié des régimens français et des deux régimens illyriens dont le dépôt était à Turin. En même temps que je remplissais à Laybach la fonctions de capitaine de recrutement pour la Carniole, j'etais encore chargé de celle de rapporteur près du premier conseil de guerre de la division militaire dont Laybach était le chef lieu.
Dans une tournée de recrutement faite en conseil, dans le district d'Adelsberg, j'allai visiter le fameux lac de Zirknitz, qui se remplit en certains temps et qui, en d'autres, se tarit ou se perd sous des montagnes, de manière qu'il est quelquefois propre au labour ; ainsi les habitans ont le plaisir d'y naviguer, d'y récolter, d'y chasser et d'y pècher alternativement. Dans ce même district, j'allai aussi voir la mine de mercure d'ldria, dont le produit était alors affecté à la dotation de la Légion d'Honneur. Les hommes de ce canton sont exempts de tout service militaire pour se livrer exclusivement au travail des mines. Ces malheureux mineurs sont livides, plombés et édentés, et généralement ils meurent jeunes.

- Moscou, Mallet, la Bérésina

L'armée française commença les hostilités en Russie à Kovno, le 13 juin. Les divers corps poursuivirent les Russes dans leur retraite destructive et de victoire en victoire elle arriva le 14 septembre à Moscou, après avoir gagné la célèbre bataille de la Moskova, le 7 précédent qu'illustra le maréchal Ney créé prince de la Moskova ; elle éprouva ensuite des revers inouïs, amenés par les effets d'un hiver terrible. L'incendie de Moscou, le climat rigoureux de ces contrées nous laissèrent quelque temps sans la moindre nouvelle, les bulletins de la grande armée avaient cessé d'arriver, ainsi que les correspondances particulières; l'Empereur et la grande armée semblaient perdus à l'extrémité du monde; le gouvernement se taisait, il semblait ne rien savoir. Pour comble d'effroi, une conspiration, la plus singulière qu'on eût jamais vue, celle du général Mallet, éclata tout à coup.
Puis arriva le 29e bulletin, la Bérésina - quelques débris
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 8 octobre 1812, l'Empereur écrit, depuis Moscou, au Général Clarke : "Monsieur le duc de Feltre ... Les divisions actives des 27e et 28e divisions militaires seront pour le printemps prochain composées de la manière suivante :
2e DIVISION ACTIVE ...
22e demi-brigade provisoire
1er bataillon (4e bataillon du 1er léger) 900
3e bataillon (4e bataillon du 67e). 900
3e bataillon (3 compagnies du 5e bataillon du 1er léger, 3 compagnies du 5e bataillon du 3e léger). 900
Total 5400 ...
TOTAL de la 2e division. 8.600
RÉCAPITULATION.
1re division. 6.600 hommes
2e division. 8.600 –
Ce serait donc. 15.200 hommes actifs, prêts à se porter sur Gênes ou sur un point quelconque de l'Italie qui serait attaqué. Il faudra donner, en conséquence, des hommes de la conscription de cette année à tous ces régiments
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 5, lettre 7598 ; Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 31875).

Le 25 octobre 1812, le Ministre de la Guerre, le Duc de Feltre, écrit, depuis Paris (Ministère de la Guerre, 3e Division, Bureau du Mouvement des Troupes), au Général Grenier, commandant la 35e Division d’infanterie de la Grande Armée, à Vérone : "Général, l’Empereur vient de me faire connaître, que son intention est, que la division que vous réunissez en ce moment, à Vérone, et qui prendra le numéro de la 35e division d’infanterie de la Grande Armée, soit composée de trois brigades savoir, deux brigades françaises et une brigade italienne.
1ère brigade française : 4 bataillons du 22e d’infanterie légère, 2 bataillons du 14e idem.
... D’après l’intention de Sa Majesté, chaque bataillon français devrait être complété à 900 hommes présents sous les armes, et chaque bataillon italien à 1000 hommes présents, officiers non compris.
En conséquence ... Je donne ordre ... aux quatrièmes bataillons des 1er et 3e d’infanterie légère, le 1er fort d’environ 750 hommes, l’autre de 650, de partir d’Alexandrie, pour arriver le 14 novembre à Vérone, où vous incorporerez les soldats dans les quatre bataillons du 22e léger ; le général Vignolle renverra pareillement les cadres à leurs dépôts respectifs ...
Vous m’adresserez les procès-verbaux de toutes ces incorporations ...
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 9 page 29).

Le 3 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général Comte Vignolle, à Milan : "J’ai reçu, ce matin, votre lettre du 1er de ce mois, relative à la 3e brigade de ma division et j’ai reçu hier matin les instructions de S. E. le Ministre de la Guerre concordantes avec l’extrait de la lettre que vous m’avez envoyée ...
Le 22e Régiment d’infanterie légère n’a que 1984 hommes présents sous les armes, ne recevant plus le bataillon du 3e léger, il sera porté, au moyen des 750 hommes du 1er à 2734. Il lui manquera donc encore 926 hommes pour être au complet voulu ; j’ai remarqué par les instructions du Vice-Roi qu’il pourrait être complété au moyen d’un bataillon du 8e léger qui est en Illyrie ; si vous êtes autorisé à donner cet ordre, on pourrait faire arriver ce bataillon à Brixen le 29 de ce mois et l’incorporer le 30, jour de séjour dans cette ville pour le 22e. J’en fais au reste la demande à S. E. le Ministre de la Guerre et j’espère ainsi qu’il nous rentrera environ 200 hommes de ce régiment d’ici à la fin de ce mois sur ceux restés aux hôpitaux
" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 7 page 26).

Le 11 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Vignolle, à Milan : "J’ai fait adresser à S. E. le Ministre de la Guerre l’état des sabres manquant aux 14e régiment d’infanterie légère, 6e et 112e de ligne, par chacun des conseils d’administration, en établissant leurs demandes dans les formes voulues par les règlements sur l’armement ...
Le 22e devant recevoir en incorporation un bataillon complet du 1er d’infanterie légère, je pense que la compagnie de carabiniers de ce bataillon se trouvera armée, dans tous les cas je ne peux faire de demande pour ce régiment qu’après son incorporation ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 17 page 46).

Le 12 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général Vignolle, à Milan : "Pour éviter l’encombrement qui aurait lieu à Vérone par l’arrivée le 14 des 4e bataillons des 1er et 3e légers, par celle des 800 hommes qui viennent de l’Ile d’Elbe et des 360 que vous m’envoyez des 53e et 106e régiments que je suppose devoir arriver le même jour, j’ai donné l’ordre au bataillon du 3e léger, faisant partie de la 3e brigade, d’aller cantonner à Castel Nuovo jusqu’au 20, jour du départ de la première colonne. J’ai fait donner les avis nécessaires pour y assurer le pain et le logement ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 19 page 49).

Le 13 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général de Brigade Stedman, à Alexandrie : "J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 6 de ce mois pour m’informer du départ du 4e bataillon du 1er léger et des deux demi-brigades provisoires qui doivent se rendre à Vérone ; le bataillon du 1er léger, qui doit être incorporé dans le 22e est bien faible et a 200 hommes de moins que l’on ne m’avait annoncé. S. E. le Ministre de la Guerre le portait à 850 hommes ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 20 page 52).

Toujours le 13 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général de Division Vignolle, à Milan : "... Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, je ne peux faire de demande pour le 22e qu’après l’arrivée du 4e bataillon du 1er léger, qui doit être incorporé dans ce régiment ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 20 page 52).

Le 17 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au Général Comte Vignolle, à Milan : "Je n’ai reçu que le 16 votre lettre du 11, mon cher général ...
Le 4e bataillon du 1er léger fort de 660 hommes a été incorporé le 15 dans le 22e ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 24 page 59).

Au final, ce sont 698 hommes provenant du 4e Bataillon du 1er Régiment d’infanterie légère, qui sont incorporés dans le 22e Léger (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 152 page 318).

Le 18 novembre 1812, le Général de Division Grenier écrit au sous-inspecteur Jullien (l’ainé), à Vérone : "Pour le prier de faire payer aux officiers du 4e bataillon du 1er régiment d’infanterie légère qui ont conduit le détachement de ce régiment qui a été incorporé dans le 22e de la même arme la 1ère quinzaine de novembre, ces officiers devant retourner incessamment à Alexandrie" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 25 page 62).

2/ Campagne du 4e Bataillon en Allemagne (1813)

Le 4e Bataillon du 1er Léger ne prend part à aucune nouvelle opération jusqu'en 1813. Il fait alors partie de la Division Pacthod (1ère Division du 12e Corps Oudinot) qui, tirée de l'Armée d'Italie où elle portait le numéro 13, rejoint la Grande Armée six jours avant la bataille de Bautzen.

Situation du 12e Corps de la Grande Armée (Oudinot) au 25 avril 1813 :

13e Division Pacthod, 1ère Brigade Ponrailly : 1er Léger, 1 Bataillon comprenant 18 Officiers, 836 hommes.

Le 2 mai 1813, selon Martinien, le Chirurgien Adjudant major DUCASTAING est blessé à la bataille de Lutzen.

Le 14 mai, le Bataillon (commandant Machon, 18 Officiers et 737 hommes présents) est placé à la Brigade Vergès de la Division Pacthod. Après la victoire de Lutzen (2 mai), le prestige de la Grande Armée semble revivre. Les alliés, coupés de Berlin, débordés par leur droite, se sont concentrés dans le camp de Bautzen.

Le 20, l'Empereur ordonne l'attaque. Le 4e Bataillon du 1er Léger passe la Sprée à Sinkwitz vers une heure avec la Division pachtod qui se déploie après le passage en chassant l'ennemi devant elle. Le Bataillon se trouve en ligne en avant de Budwitz, à l'extrême droite de la Division qui, le lendemain soir seulement, est prolongée à droite par la 2e Division (Lorencez). Selon Martinien, ont été blessés le 20 le Lieutenant Adjudant major Tillet (mort le 21) ; les Capitaines Tassin, Godefroy et Dehaeck ; le Lieutenant Bouttet et le Sous lieutenant Crette.

Le 21, dans l'attaque générale, le 4e Bataillon du 1er Léger garde sa place à la droite de sa Division et enlève le plateau de Pilitz. Dans ce mouvement, le Capitaine adjudant major Tettel est tué et le Sous-lieutenant Godefroy blessé. Les Chasseurs couchent à Bloesa.

Après quelques jours de repos aux environs Bautzen, le 12e Corps (Oudinot) reprend sa marche sur Berlin, tandis que Napoléon chasse devant lui le gros de l'ennemi jusqu'à l'Oder.

Le 26 mai, le 12e Corps descend le cours de Schwartz-Elster; la Division Pacthod arrive à 4 heures du soir à Hoyerswerda où elle enlève un détachement de Cosaques. Le 27, elle prend position sur la rive droite, près des routes de Spremberg, pendant que la 2e Division garde la rive gauche.

Le 28, à 8 heures du matin, un hourra de Cosaques sur les avant-postes annonçe une attaque des Russes. Tout le 12e Corps prend position face au nord et à l'ouest; la Division Pacthod enlève les villages de Zeiden et de Vinken qui, occupés la veille par une grand'gardes, ont évacués par suite d'un malentendu. Le 4e Bataillon du 1er Léger prend part à la prise de Zeiden, qui est "enlevé à la baïonnette avec beaucoup d'élan". L'ennemi se replie par le pont de Neuvike et va prendre position en arrière dans les plaines marécageuses de Luckau, entre l'Elster et la Sprée, pour couvrir Berlin.

Le 4 juin au matin, le 12e Corps est en marche sur Luckau, ayant à l'avant-garde la 1ère Brigade de la Division Pacthod (cette Brigade est composée du 4e Bataillon du 1er Léger et de six Bataillons des 7e, 12e et 23e de Ligne), lorsqu'on aperçoit les Russes à Garranichen. Quelques coups de canon suffisent pour déterminer l'ennemi à se replier. Les Russes se reforment à hauteur de Fressdorf d'où l'avant-garde française les déloge encore sans peine.

Les alliés défendent alors leur véritable position de résistance : Luckau et le long plateau qui s'étend au nord de la ville. C'est là que les Généraux Hopp et Bülow se déploient. Le Maréchal Oudinot fait avancer la 1ère Brigade de la Division Pacthod en échelons par Bataillon, le 4e Bataillon du 1er Léger formant le 1er échelon (celui de droite), tandis que les autres Brigades et la Cavalerie prolongent le front à droite et à gauche afin de tourner la ville.

Les premiers efforts pour enlever les faubourgs sont arrêtés par le large fossé qui entoure Luckau et dont le pont a été détruit. Le Sous-lieutenant Crète est blessé en s'élançant vers les premières maisons (Martinien indique également le Capitaine Dehaeck). Le Maréchal ordonne alors à la Division Pacthod de prendre position en face de Luckau sans chercher à pénétrer dans la ville, impossible à conserver tant que l'ennemi occupe le plateau des moulins.

A la nuit, il fait filer à gauche la 2e Division. La première se retirant ensuite sans bruit prend la même direction. Revenant alors sur Luckau, par la route de Sonnenwalde, Oudinot se prépare à enlever le plateau des moulins, le 5 juin. L'attaque va commencer, lorsque l'armistice de Parchwitz dont la nouvelle vient d'arriver, suspend les hostilités. Le Bataillon du 1er Léger cantonne à Witmansdorf, près de Luckau, et prend part jusqu'au 16 août aux travaux que l'Empereur a prescrit pour fortifier la position de Luckau.

A la rupture de l'armistice, le 17 août, Oudinot continue à manoeuvrer contre Berlin avec les 4e, 7e et 12e Corps.

Le 21, la 1ère Brigade de la Division Pacthod se porte sur Trebbin à moins de 40 kms au sud de la capitale prussienne. Après une vive fusillade, les faubourgs sont emportés d'assaut. Le Bataillon se distingue en enlevant à la baïonnette le redan que les Prussiens ont construit en avant du front sud. En même temps, la cavalerie tourne à l'ouest les marais qui couvrent la ville de ce côté.

Craignant d'être coupé de sa ligne de retraite, l'ennemi se décide à abandonner Trebbin et se retire par la route de Potsdam. Les troupes françaises pénétrent dans la ville qui est presque déserte. Il n'y reste que des vieillards, des femmes et des enfants. Les proclamations du Roi de Prusse, appelant sous les armes tous les hommes valides pour la formation de la Landsturm, expliquent le départ des habitants.

Déjà l'alarme est grande à Berlin, lorsqu'un échec du 7e Corps à Grossbeeren le 23 août, oblige à la retraite. Elle commençe à 1 heure du matin, dans la nuit du 23 au 24, et s'effectue avec ordre par Gottow, Riesdorf et Jutterbock. Là, le 12e Corps prend position, le 27 août. De Jutterbock, on se dirige sur Vittemberg où les 3 Corps d'armée avaient été concentrés, les 2, 3 et 4 juin.

A cette date, Oudinot cède le commandement en chef au Maréchal Ney et se remet à la tête du 12e Corps. C'est une nouvelle campagne qui va commencer.

Le 5 septembre, Ney reprend l'offensive. Le 4e Bataillon du 1er Léger passe l'Elbe et bivouaque aux environs de Seyda.

Le 6, le 12e Corps reçoit l'ordre de partir à 10 heures et de se rendre à Jutterbock par Ohna. Pendant que le déploiement commençe à s'effectuer à la faveur d'un bois dans la grande plaine qui conduit à Ohna, on entend sur la gauche une vive canonnade. C'est le 7e Corps qui se bat à Dennewitz contre des forces supérieures. La 2e Division du 12e Corps se porte immédiatement sur Dennewitz; la Division Pacthod suit le mouvement et déjà ces deux Divisions ont pris position à gauche du 7e Corps, lorsque l'ordre arrive au 12e Corps de se porter en réserve. L'exécution de cet ordre se fait avec le plus grand calme, mais l'ennemi s'enhardit. Prenant ce changement de disposition pour un commencement de retraite, il redouble la violence de son feu et lançe sur les flancs français sa cavalerie. Les Saxons se débandent; c'est le signal de la véritable retraite.

Dans cette situation grave et périlleuse, le 4e Bataillon du 1er Léger soutient résolument la réputation du Régiment. Il se replie lentement et par échelon, se formant en carré pour repousser les charges de cavalerie, se déployant en bataille derrière chaque pli de terrain et ne cédant la place qu'au signal de ses chefs.

Le Capitaine Labarre et le Lieutenant Lebailly sont blessés et le Lieutenant Gouilly reste au nombre des morts. Quand on se compta, il manquait dans les rangs 143 hommes tués, blessés ou prisonniers (1 Officier et 78 hommes prisonniers).

Selon l'Historique régimentaire, c'est le dernier combat auquel participe le 4e Bataillon du 1er Léger. L'Armée du Maréchal Ney se replie derrière l'Elbe à Torgau.

Pendant la retraite, le Maréchal Ney écrit, le 10 septembre, au Maréchal Berthier, Major général : "... c'est un devoir pour moi de déclarer à Votre Altesse Sérénissime qu'il m'est impossible de tirer un bon parti des 4e, 7e et 12e corps d'armée dans l'état actuel de leur organisation ... Chacun des généraux en chef fait à peu près ce qu'il juge convenable pour sa propre sûreté; les choses en sont au point qu'il m'est très difficile d'obtenir une situation. Le moral des généraux et en général des officiers est singulièrement ébranlé.
Commander ainsi n'est commander qu'à demi et j'aimerais mieux être grenadier. Je vous prie, Monseigneur, d'obtenir de l'Empereur ou que je sois seul général en chef ayant seulement sous mes ordres des généraux de division d'aile, ou que Sa Majesté veuille bien me retirer de cet enfer ...
Dans l'état actuel, la présence de l'Empereur pourrait seule rétablir l'ensemble, parce que toutes les volontés cèdent à son génie et que les petites vanités disparaissent devant la majesté du trône ...
". Cette lettre se passe de commentaire.

Le 17 septembre 1813, l'Empereur, depuis Peterswalde, ordonne : "Article premier. — Le XIIe corps est dissous ...
Art. 4. — La 14e division est supprimée et les troupes qui la composaient sont incorporées dans la 13e.
Art. 5. — En conséquence, la 13e division sera composée comme il suit :
1re brigade, commandée par le général Gruyère :
1er régiment d'infanterie légère; 18e régiment d'infanterie légère; 7e régiment de ligne; 42e régiment de ligne; 156e régiment de ligne ...
Art. 6. — La 13e division sera commandée par le général Guilleminot. L'adjudant commandant Tromelin sera attaché à cette division ...
Art. 9. — La 13e division fera partie du VIIe corps ...
Art. 19. — Le major général est chargé de prendre toutes les dispositions pour la prompte exécution du présent ordre
" (Chuquet A. : Lettres de l'empereur Napoléon, du 1er août au 18 octobre 1813, non insérées dans la correspondance, p. 169).

L'Historique régimentaire nous dit que c'est fin septembre qu'a lieu la dissolution du 12e Corps dont les éléments ont des sorts différents; l'Historique régimentaire dit également que le 4e Bataillon du 1er Léger a cessé d'exister; les hommes de troupe, réduits au nombre de 228, sont versés au 2e Bataillon du 18e Léger; les cadres rentrent en France. Remarquons cependant que Martinien indique curieusement après la date du 6 septembre les pertes suivantes : le 28, le Lieutenant Bouttet, blessé au cours d'un combat prés de Dessau et le 17 octobre, le Capitaine Fauche, blessé aux avants postes devant Leipzig ; ainsi que le lendemain, à la bataille de Leipzig, le Capitaine De Brea, blessé.

Notons aussi cette anecdote mentionnée par le Capitaine Duthilt :
"En 1813, après une affaire où l'empereur commandait en personne, huit décorations furent accordées à chacun des bataillons de l'armée; quatre pour les officiers, une pour les sous officiers, une autre pour les caporaux et deux pour les soldats et tambours, sur la présentation d'une liste des plus méritans formée par chaque chef de corps.
Un des nouveaux bataillons du 1er régiment d'infanterie légère, faisant partie du corps d'armée organisé à Erfurt en 1812, compris dans cette libéralité, avait pour chef monsieur Huguez, ancien chef de bataillon qui avait fait partie de l'expédition du général Leclerc à Saint Domingue, et qui, depuis sa rentrée en France jusqu'en 1812, était resté en non activité. Pour former la liste demandée par l'ordre de l'armée, monsieur Huguez assembla son Conseil d'administration et fit décider que lui d'abord, qui n'était pas décoré, serait porté en tête de la liste; après lui, le plus ancien capitaine, le plus ancien lieutenant, le plus ancien sous lieutenant, l'adjudant sous officier, puis un caporal et deux chasseurs, d'après les indications que fournirent les capitaines.
Ainsi établie, cette liste des plus méritans allait être envoyée à l'état major, lorsque la confirmation de monsieur Regnard à l'emploi de capitaine lui ôtant l'avantage d'être le plus ancien lieutenant et faisant de lui le moins ancien des capitaines, nécessitait la radiation de son nom sur cette liste, à moins qu'il ne voulut opter en faveur de la décoration et renvoyer son brevet; mais mieux conseillé, monsieur Regnard accepta son brevet, espérant bien se prévaloir plus tard de ce sacrifice, en s'appuyant de son inscription sur la liste des plus méritans et il n'attendit pas longtemps
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

L’ordre de formation et de réorganisation de l’armée arrêté par l’Empereur le 7 novembre 1813, indique : "ARTICLE PREMIER.
L'armée sera organisée de la manière suivante :
Le onzième corps, commandé par le duc de Tarente, sera composé de la trente et unième et de la trente-cinquième division …
ART. 2.
Tous ces corps seront successivement portés à quatre divisions ...
QUATRIÈME CORPS D'ARMÉE ...
Art. 11. La treizième division sera composée ainsi qu'il suit :
Un bataillon du 1er léger ...
" (Mémoires du Maréchal Marmont, tome 6, page 105 et page 415).

Le 17 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Saint-Cloud, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le Duc de Feltre, le 4e corps est composé :
1° De la division Morand ...
2° De la division Guilleminot, qui comprend le 4e bataillon du 1er léger, le 3e du 7e de ligne, le 3e du 52e, le 3e et le 4e du 67e, le 5e et le 6e du 82e, le 2e et le 3e du 101e, le 1er du 156e ; ces dix bataillons ont aussi leurs dépôts en Italie ; il faut pour le 4e bataillon du 1er léger, 500 hommes ; pour le 3e du 7e de ligne, 500 ; pour le 3e du 52e, 500 ; pour le 3e et le 4e du 67e, 1,000; pour les 2e et 3e du 101e, 1,000 ; et pour le 1er du 256e, 500 ; total, 6,000 hommes;
3° De la division Durutte ...
Ainsi donc, les bataillons du 4e corps, qui ont leurs dépôts en Italie, ont besoin, ceux de la division Morand, de 7,000 hommes, ceux de la division Guilleminot de 4,000, et celui de la division Durutte de 500 ; total, 11,500 hommes, qu'il faut envoyer à ces corps.
Ces 11,500 hommes seront dirigés sur Mayence, où le ministre de l'administration de la guerre les fera tous habiller et équiper ; vous pourvoirez à leur armement.
Le 4e corps étant destiné à rester à Mayence, ces hommes y seront dirigés ainsi tout naturellement. Indépendamment de ce, les dépôts situés en deçà des Alpes enverront à Mayence tout ce qui est nécessaire pour compléter leurs bataillons ...
" (Correspondance de Napoléon, t. 26, 20907 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37093).

Le 25 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, en attendant l'état en 100 colonnes qui tardera encore à être rédigé, je désirerais que vous m'envoyassiez un état détaillé pour l'infanterie de ligne, comme je vais commencer à le faire pour l'infanterie légère :
1er régiment d’infanterie légère
... 4e bataillon, Grande Armée, 4e corps. Il a été pourvu à son recrutement par 500 hommes des départements de Seine-et-Oise et de la Lys, dirigés sur Mayence ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37289).

Le 4 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, mon intention est de réunir les bataillons qui sont à la Grande Armée et qui ont leurs dépôts en Italie, pour en former des régiments, afin de simplifier l'administration et de donner plus d'ensemble à ces bataillons.
En conséquence :
1° Il sera formé un 19e d'infanterie légère ; ce régiment sera composé :
Du 1er bataillon du 22e léger qui deviendra le 1er du 19e
Du 2e bataillon du 22e léger qui deviendra le 2e du 19e
Du 3e bataillon du 14e léger qui deviendra le 3e du 19e
Du 1er bataillon du 35e léger qui deviendra le 4e du 19e
Du 3e bataillon du 3e léger qui deviendra le 6e du 19e
Enfin, du 1er bataillon du 1er régiment qui deviendra le 7e du 19e
Le 19e régiment aura donc 6 bataillons au 11e corps. Il sera formé un autre bataillon, sous le numéro 5, lequel sera composé de 4 compagnies tirées de ces différents bataillons ; ce bataillon se portera à Liège, comme dépôt.
... Le 1er régiment d'infanterie légère ayant perdu son 4e bataillon par la formation du 19e léger, le 6e bataillon actuel deviendra 4e bataillon, et le 1er d'infanterie légère ne sera désormais composé que de 6 bataillons, savoir : le 1er, le 2e, et le 6e bis devenant 6e, le 3e et le 4e bataillon ; enfin, le 5e bataillon qui sera le dépôt ...
Ainsi, le 11e corps sera formé :
Du 5e de ligne (3e bataillon), du 11e de ligne (3e bataillon), du 70e (2e et 3e bataillons), du 19e léger composé de 6 bataillons, et du 104e composé également [sic] de 4 bataillons.
Le 4e corps n'aura plus rien des 35e et 1er légers, 101e, 42e et 5e de ligne ; il aura le 104e.
Présentez-moi un projet de décret pour opérer tous ces changements. Vous l'accompagnerez d'un état qui me fera bien connaître l'opération, la nouvelle situation des régiments, et la direction à donner en conséquence aux conscrits sur les nouveaux régiments
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37385).

Le 20 décembre 1813, à Paris, l'Empereur écrit à Berthier : "Le 19e d'infanterie légère et le 107e seront formés au 11e corps. En conséquence, le 1er bataillon du 35e léger et le 4e du 1er léger se rendront au 11e corps. Les bataillons du 6e, du 10e, du 20e et du 102e se rendront également au 11e corps, et vous chargerez le duc de Tarente de faire former ces deux régiments à son corps d'armée. Instruisez de cette décision le ministre de la guerre" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.4, lettre 6311 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37608).

Sont ce les hommes du 4e Bataillon du 1er Léger qui sont signalés à nouveau par Martinien comme ayant combattu, à la date du 3 février 1814 à Chalons sur Marne (Lieutenants Lebley et Vergnole blessés) ? Le même auteur donnant à la date du 27 février, au combat de Bar sur Aube, le Chef de Bataillon Vidal de Lauzun et le Capitaine Baud blessés.

Fourrier de Chasseurs 1813-1814 1er Léger
Fig. 56
Fig. 56a Fourrier de Chasseurs 1813-1814, d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). Source : Carl et Boeswilwald

3/ Campagne du Dépôt en Italie

Fig. 57a 1814 ? Fig. 57 1815 ?

Depuis le départ du 1er Léger pour l'Espagne en 1808, le Dépôt du Régiment, successivement transporté à Mantoue, Vérone, Novare, Alexandrie (emplacement en date du 1er janvier 1812) et Mondovi, a employé toute son activité à l'éducation des nombreux conscrits avec lesquels se sont alimentés les Bataillons actifs. Il a constitué de plus, dès 1808, un 4e et un 5e Bataillon que nous avons vus à l'oeuvre et enfin un 6e Bataillon en 1813.

Pendant ce long séjour en Italie, le Dépôt du 1er Léger a aussi eu plusieurs fois l'occasion de réprimer des émeutes populaires qui étaient d'ailleurs sans gravité.

Les exercices sous le climat italien ne sont pas toujours aisés; ainsi, durant l'été 1809, alors que le 1er Léger est à Legnago, ceux ci sont supendus car il fait trop chaud; par ailleurs, le soldat Claude Marie Grand note amèrement "Je ne tire point de paye depuis que je suis arrivé à Legnago" (cité dans l'ouvrage de Jérôme Croyet "Soldats de napoléons").

Le 7 mars 1812, le Prince Eugène adresse à l'Empereur d'un état de situation exacte des troupes qui restent en Italie. Voici le résumé de la force destinée à protéger le Royaume :
1900 hommes des 1er, 3e, 19e Léger, 7e, 10e, 20e, 31e, 42e, 52e, 67e, 101, 102e de Ligne, répandus dans les vingt-sept et vingt-huit Divisions Militaires territoriales (Mémoires du Prince Eugène, t. 8, p. 120).

Le 6 Janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre, à Paris : "... Vous verrez par la lettre que je vous ai écrite la formation de quatre corps : un corps d’observation de l'Elbe, un corps d'observation d'Italie et deux corps d'observation du Rhin ...
Il me faut, pour le corps d'observation d'Italie, sans y comprendre les bataillons italiens, 28 bataillons, et 40 bataillons pour chacun des corps d'observation du Rhin, 80 bataillons ; total des bataillons nécessaires, 108.
Il sera formé, à cet effet, 34 régiments provisoires, chaque régiment composé de 2 bataillons ; ce qui fera 68 bataillons. Il ne me faudra donc plus que 40 bataillons que j'ai en France, savoir : 2 bataillons du 1er léger, 2 du 9e, 2 du 32e, 2 du 34e (je ne compte jamais le bataillon de dépôt), 2 du 7e de ligne, 5 du 13e, 2 du 15e, 3 du 22e, 4 du 23e, 2 du 42e, 2 du 52e, 2 du 70e, 3 du 101e, 2 du 113e, 2 du 121e ; total, 37 bataillons.
Il est nécessaire que vous me présentiez sur-le-champ un projet de décret pour porter ces 37 bataillons, et davantage si j'en avais oublié, à 840 hommes par bataillon, en prenant d'abord dans les 5es bataillons et ensuite dans les dépôts les plus voisins ...
" (Correspondance de Napoléon, t. 24, 19425 ; Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32215).

Le 7 janvier 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris : "Monsieur le duc de Feltre, il sera réuni à Vérone un corps d'observation d'Italie, composé de 3 divisions, 2 françaises et une italienne. Ce corps sera commandé par le général de division Bertrand, gouverneur général des Provinces Illyriennes ...
2e division : la 2e division sera composée :
1re brigade :
1er d'infanterie légère 2 bataillons ...
Si j'avais omis quelques ordres, celui des 2 ministres que cela concernerait me les représenterait sans délai.
Le ministre de la Guerre et le ministre de l'Administration de la guerre correspondront fréquemment avec le général Bertrand afin d'accélérer les mesures, et de tirer du pays toutes les ressources possibles pour la formation de ce corps d'observation que je désire réunir à Vérone du 15 au 20 février, et avoir prêt à partir alors, s'il est nécessaire, un corps fort de plus de 40 000 hommes dans le courant de mars
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32226).

Le 10 janvier 1813, l'Empereur, à Parie, adresse au Général Clarke, Duc de Feltre, Ministre de la Guerre, à Paris, ses "Observations sur la composition du Corps d'Observation d'Italie.
Je n'accepte point la proposition de tirer 800 hommes du 35e régiment d'infanterie légère, attendu que ce sont des conscrits réfractaires. Je ferai marcher ce bataillon, mais je vois que l'on a besoin de 800 hommes pour le 1er léger, et que l'on a également besoin de compléter les bataillons des 7e, 10e, 20e, 42e, 101e etc., qui sont au-delà des Alpes. Mon intention est de pourvoir à ce déficit ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.13, lettre 32251).

Le 4 juillet 1813, Eugène écrit, depuis Padoue, à Napoléon : "Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté de mon arrivée à Padoue. J'ai pensé devoir commencer mon inspection par ici, pour voir de suite les dépôts qui s'y trouvent, afin d'activer les confections. Je ne verrai les divisions de Vérone et de Vicence que vers le 12 ; et cela donnera le temps aux derniers bataillons d’arriver. Il y en aura pourtant encore trois en retard parmi ceux qui viennent du Piémont, savoir : un des deux du 42e, un du 10e·de ligne et un du 1er léger. Le prince Borghèse m'annonce qu'il a encore besoin de quelques jours pour achever leur armement et équipement. Je verrai demain la division italienne qui est ici. J'irai passer deux jours à Venise pour y voir les travaux des fortifications, et continuerai mon inspection par Trévise, Udine, Bassano et Vérone. J'aurai l'honneur de faire à Votre Majesté, pour chaque division que j'inspecterai, un rapport détaillé ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 188).

Le 20 juillet 1813, Eugène écrit, depuis Monza, à Napoléon : "Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté les rapports des différents régiments composant la 1re division de l'armée d'observation d'Italie. Il ne manque au complet de ces régiments que ceux du 1er léger et du 10e de ligne. Mais 4 de ces corps, ainsi que je l'ai précédemment annoncé à Votre Majesté, ne sont point encore partis du Piémont, manquant même de beaucoup d'effets d'équipement. Je crois pourtant qu'il serait en mesure de se mettre en mouvement et particulièrement le bataillon du 1er léger, que j'ai fait passer par Parme pour pouvoir le compléter avec le dépôt du 3e léger. Il me reste à faire à Votre Majesté le rapport sur les corps de cavalerie ; mais il ne m'est pas possible de voir ces régiments avant la fin de ce mois. Tout est en sensation en ce moment, et j'espère que Votre Majesté voudra bien croire qu'on ne perd pas un moment" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 209).

En août 1813, le Dépôt est mobilisé ainsi que le 6e Bataillon récemment formé et conduit avec lui par le Prince Eugène à la frontière autrichienne.

Le Dépôt est alors commandé par le Chef de Bataillon Pantolini.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"A cette même époque, le commandant du dépôt du régiment à Alexandrie, reçut l'ordre d'envoyer de suite à Turin deux sergens pour être à la disposition du gouverneur général des départemens français au delà des Alpes; le dépôt s'était absolument épuisé par la formation successive des nouveaux bataillons de guerre, de sorte qu'il ne lui restait plus qu'un ancien sergent instructeur, qui n'avait jamais été déplacé parce qu'il ne savait que signer son nom. Mais il y avait encore le maître armurier qui, ne travaillant plus depuis longtemps, faute de soldats, faute d'ouvrage, touchait chaque jour à ses économies; pour sortir d'embarras, il se présenta comme sergent, de sorte que le commandant du dépôt se trouva fort heureux de pouvoir obtempérer à l'ordre qui lui était intimé.
Monsieur Leroi et monsieur Demanche furent donc envoyés à Turin. Ces deux sous officiers reçurent aussitôt leur arrivée à l'état major du gouverneur général, une feuille de route au grade de sous lieutenant pour aller à Erfurt où ils furent placés dans une cohorte au grade de lieutenant et avant que ces corps ne fussent mis en ligne ils étaient capitaines l'un et l'autre. Le premier fut retraité en cette qualité après le licenciement de l'armée sur la Loirc, mais le second fut tué à la malheureuse affaire de Leipzig
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

C'est à cette époque également que Charles Thomas Marchau, alors Sergent, se voit promu au grade de Sous lieutenant (voir les états de service de ce soldat natif de l'Indre et Loire, passé au 2e de Ligne le 1er juillet 1814 - document collection particulière - S.E.H.R.I.).

Le Capitaine Duthilt écrit : "- Défection de l'Autriche
Hostilités en Styrie
Le 15 août 1813, au moment où nous célébrions la fête de l'empereur Napoléon, le duc d'Otrante (Fouché) alors gouverneur civil des provinces illyriennes depuis le départ du comte Bertrand, chargé de l'organisation d'un nouveau corps d'armée à Erfurt formé des cohortes devenues régimens après les désastres de la Russie, reçut avis des brigades de gendarmerie et des douanes établies sur les frontières de la Croatie et de la Styrie, qu'un rassemblement de troupes autrichiennes parties des points de Klagenfurt, de Cilly, de Ranne et de la Croatie militaire, s'approchait de Villach, de Krainbourg, de Stein, de Landstrass et de Karlstadt, menaçant de passer la Drave et la Save, quoique la dénonciation de l'armistice convenu le 4 juin à Plesswitz, ne pouvait pas encore nous être connue puisqu'il ne fut dénoncé que le 8 août, indiquant que les hostilités ne seraient reprises que le 17 sur tous les points.
Dans ce moment critique, il n'existait aucun bataillon français ou italien dans les provinces; elles ne possédaient que quelques compagnies de Croates, sur lesquelles on ne pouvait plus compter dès qu'il serait question de les employer contre l'armée autrichienne; elles occupaient Villach, le château de Laybach, les villes de Fiume et de Trieste; un régiment dalmate, qui avait tenu garnison à Raguse et à Zara, était en route pour Laybach. Ainsi, la force réelle à opposer à l'ennemi ne consistait que dans quelques compagnies de Croates, un régiment dalmate, quatre compagnies de douaniers, quatre escadrons de gendarmerie répartis dans l'Istrie, la Carniole, la Carintie, la Dalmatie et la Croatie ; on pouvait opposer, momentanément, ces corps avec quelque confiance, quoique près de la moitié des soldats fussent indigènes, en attendant que l'Italie nous fît passer quelque secours, sinon l'envahissement était certain.
Malgré l'active surveillance et l'astuce de l'ancien chef de police de l'empire, qui niait farouchement le danger, on n'en était pas moins partout dans un grand embarras. Les journaux d'Italie annonçaient parfois des nouvelles sinistres, que l'adroit Fouché s'empressait de démentir dans la feuille de Laybach, rédigée alors par Charles Nodier, toute à sa disposition; et, il renvoyait à leur poste les fonctionnaires civils que l'ennemi en avait expulsés; c'était les livrer à l'Autriche pieds et poings liés. Peut être espérait il calmer, par cette conduite, les craintes que manifestaient les habitans qui s'étaient montrés favorables aux Français, et intimider ceux qui leur étaient contraires, quoique dans ce pays on n'avait à redouter aucun mouvement hostile de la population, toujours bonne et paisible, supportant le joug du vainqueur sans regimber.
Enfin, l'armée sous les ordres du vice roi d'Italie commençait à se rassembler sur la Piave, et bientôt elle fut assez importante pour qu'on pût compter sur sa force
(Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Rapport du Major Verhorst, commandant la 30e Demi-brigade provisoire, rédigé au bivouac le 7 septembre 1813, et adressé au Général de Brigade Baron de Campi, raconte au sujet de la journée du 6 septembre : "Mon général, d’après vous ordre je marchai avec la Demi-brigade que j’ai l’honneur de commander, dans le ravin au bas duquel je trouvais un abattis que l’ennemi y avait fait, afin d’arrêter notre marche ; je donnai aussitôt l’ordre au bataillon du 10e de ligne de débarrasser la route de cet abattis, ce qui fut exécuté sur le champ, tandis que les bataillons des 1er léger et 14e idem passaient dans le fond du ravin l’un après l’autre. Arrivés au-dessus de la montagne le bataillon du 1er léger rencontra l’ennemi embusqué derrière des maisons, l’en chassa de suite et le poussa dans le chemin qui conduit le long de la montagne, chemin à l’entrée duquel l’ennemi avait fait un très grand abattis d’environ cent pas de longueur et d’une très grande profondeur ainsi que la route qui était coupée et flanquée à la gauche par un ravin inaccessible et à la droite par la montagne qui est dans ce lieu-là très escarpée. Néanmoins cet obstacle presque insurmontable n’a pas empêché au bataillon du 1er léger commandé par M. le chef de bataillon Santolini de vaincre toutes ces grandes difficultés. Trois compagnies furent aussitôt détachées sur la droite pour chasser quelques pelotons ennemis qui s’était portés sur mamelon très élevé d’où ils furent culbutés et chassés de l’autre côté ; alors ces trois compagnies se rejetèrent à gauche en gravissant la montagne qui flanquait la route afin de tourner l’ennemi qui faisait mine de vouloir résister derrière l’abattis, tandis que les trois autres compagnies marchaient de front, au pas de charge, contre l’ennemi suivi des bataillons des 14e léger et 10e de ligne. L’ennemis après avoir laissé quelques morts derrière son embuscade fut renversé et mis en fuite et chassé tout le long du défilé de la montagne jusqu’à ce qu’il eût rejoint ses colonnes qui étaient dans la plaine. La compagnie de carabiniers du 14e léger fut détachée par le commandant Santolini d’après l’ordre qu’il en avait reçu de moi pour soutenir ses tirailleurs. Le capitaine Bezas de cette compagnie s’aperçut qu’il y avait à sa droite vers la montagne quelques soldats autrichiens, il détacha de suite le sergent Decisier avec 12 carabiniers qui se portèrent de suite vers ce lieu où ils rencontrèrent 42 autrichiens qui à leur approche déposèrent les armées et se rendirent ; néanmoins le sergent commandant ce détachement, voyant que le sergent de carabiniers n’avait que ces douze hommes, voulut faire prendre les armes à ses troupes, mais le sergent fit aussitôt coucher en joue les soldats ennemis qui furent de nouveau intimidés et amenés prisonniers de guerre, après avoir cassé leurs armes, au quartier général qui se trouvait dans le villages en avant des redoutes de l’ennemi c'est-à-dire de ce côté-ci du ravin.
Le soir vers les huit heures M. le commandant Santolini reçu l’ordre de se porter avec son bataillon à Kapel et de s’y établir militairement ; mais quand il fut arrivé à environ un quart de lieue en-avant du 92e régiment, il reçut une très forte fusillade à laquelle il répondit ; mais la nuit étant très obscure et son bataillon n’ayant presque plus de cartouches, il se retira après en avoir reçu l’ordre et alla se placer en seconde ligne, il a eu dans la journée 25 hommes tués et blessés. M. Le commandant Santolini fait les plus grands éloges des officiers et sous-officiers pour la conduite qu’ils ont tenue pendant toute la journée.
Vers le soir le bataillon du 10e de ligne reçut l’ordre de longer la montagne qui était à notre droite afin de prendre l’ennemi en flanc ; arrivé à hauteur des tirailleurs du 84e qui étaient dans la plaine, il se porta sur le village de Saint-Jean, village à travers duquel passe un chemin très étroit qui était défendu par des troupes d’élite de l’ennemi ainsi qu’un ravin qui se trouvait à sa droite, il fallait vaincre ces difficultés pour pouvoir pénétrer dans le village ; à l’instant où M. le commandant Poirrier faisait ses dispositions pour charger l’ennemi il reçut l’ordre de M. le général de division baron de l’Empire Quesnel d’enlever le village, ce qui fut exécuté au pas de charge avec la plus grande intrépidité de la part de MM. les officiers, sous-officiers et soldats sans qu’aucun de ces derniers, quoique jeunes militaires, ne reculât d’un pas, l’ennemi fut chassé du village et le bataillon alla prendre proposition à 400 pas en avant dans la plaine où il fut rejoint par le 84e avec lequel il se plaça en ligne ; ce bataillon a eu dans cette affaire trois officiers blessés, dont deux avec fracture au genou, 7 hommes mort sur le champ de bataille, 36 blessés, sept prisonniers de guerre et 12 hommes que l’on soupçonne manquer à l’appel. M. le commandant Poirrier fait de grands éloges des officiers et sous-officiers de son bataillon pour la fermeté qu’ils ont montré pendant tout le temps qu’a duré l’engagement. Il loue principalement MM. Godefroy adjudant-major qui a eu son cheval tué sous lui, Auhik capitaine, Elie sous-lieutenant de grenadiers et le sieur Chevalier sergent de grenadiers.
Je ne puis que trop louer, mon général, les officiers en général de la demi-brigade sous mes ordres pour la fermeté, le courage et le sang-froid qu’ils ont montré dans la journée du 6, je vous prie d’en faire le rapport à M. le général de division baron de l’empire Quesnel afin qu’il ait la bonté de les recommander à la bienveillance de son A. I. et R. le Prince Vice-roi. Ci-joints les rapports particuliers des 1er léger et 10e de ligne ainsi que le certificat de l’adjudant du 10e qui constate la perte de son cheval
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 87 page 188).

De son côté, le Général de Brigade Baron Campi écrit, dans son Rapport sur la marche de sa brigade dans la journée du 6, rédigé à Gorschach le 8 septembre 1813 : "Mon général, dans la journée du 6, votre première brigade a reçu l’ordre de remonter le ravin de Feistritz et de tourner la position de l’ennemi ; à neuf heures du matin la colonne s’est mise en marche, et un quart d’heure après elle a rencontré les premiers postes ennemis qui ont été poussés au pas de charge jusque de l’autre côté du moulin de Lutzmann. Le chemin étant mauvais la colonne n’a pu marcher que par le flanc ; malgré cet inconvénient l’ennemi a été poussé jusqu’au village de Mattchach, où il a présenté environ trois compagnies qui ont fait un feu assez vif sur la tête de la colonne ; mais la compagnie de voltigeurs du 1er léger s’étant formée, a obligé l’ennemi d’évacuer Mattchach, et de se retirer par le ravin de Feistritz.
A onze heures, j’ai pu former un bataillon devant Mattchach ; je l’ai dirigé sur les hauteurs du château de Feistritz, afin d’occuper l’ennemi qui paraissait faire un feu très vif sur le 84e régiment ; en effet l’ennemi a fait une assez vive canonnade sur ce bataillon qui avait ordre de ne montrer que des postes.
A midi j’ai laissé un bataillon à Mattchach, et je me suis mis en marche pour remonter le ravin ; les chemins devenaient toujours plus difficiles et on avait de la peine à marcher sur trois rangs ; à un quart de lieu de Mattchach, sur une hauteur, l’ennemi avait un poste de 50 hommes ; dès qu’une section de voltigeurs a pu se former on l’a déposté et poursuivi jusqu’à Olipitz.
D’Olipitz, j’ai reconnu l’ennemi qui était placé sur la montagne de Stornig derrière un double abattis ; depuis Olipitz la route va en tournant jusqu’au milieu du ravin, où l’ennemi avait fait un premier abattis, en sortant du ravin on monte pendant trois quarts d’heure par un chemin où il ne peut passer qu’un homme, et on arrive à Stornig qui est placé sur un plateau au bout duquel est un autre petit ravin ; c’est là que l’ennemi avait fait un double abattis. Il faut observer qu’en sortant de Olipitz on est sous le feu de l’ennemi ; la route passe constamment sous la protection de Stornig.
A une heure et demie cinq bataillons étaient formés sur les hauteurs d’Olipitz ; j’ordonnai à une compagnie du 10e régiment d’établir un passage sur la route, tandis que les bataillons du 1er et 14e léger passaient homme par homme de l’autre côté de l’abattis, et montaient à Stornig ; ce n’est qu’au bout de trois-quarts d’heure que deux compagnies du 1er léger sont parvenues à se former sur le plateau et à s’emparer des maisons de Stornig. Cela a facilité le passage du premier abattis, et a donné le temps au restant du bataillon du 1er de se former. Aussitôt le double abattis a été attaqué au pas de course ; l’ennemi était d’un côté de l’abattis et nous de l’autre ; le feu a été très vif, et à trois heures nous étions maitres de la position, et l’ennemi était en désordre. Il m’a fallu une demi-heure pour faire un passage, et malgré que toutes mes troupes ne fussent pas établies entièrement sur la rive droite du ravin, j’ai fait marcher et pousser tout ce qui se trouvait devant nous jusqu’à la hauteur de Feistritz ; malheureusement on ne pouvait marcher que par le flanc ; l’ennemi se voyant tourné a placé un bataillon sur le plateau de Feistritz et a fait jouer le canon dans cette direction. Cela a arrêté la tête de nos tirailleurs pour pouvoir se former. Pendant ce temps l’ennemi a effectué sa retraite. Nous avons fait une cinquantaine de prisonniers.
Aussitôt que j’ai pu former les colonnes je n’ai eu en vue que de déborder la gauche de l’ennemi ; j’ai dirigé les bataillons sur le revers de la montagne ; mais la difficulté du terrain m’a toujours empêché de me déployer et je n’ai pu présenter peu de tirailleurs. A Saint-Johann l’ennemi paraissait vouloir tenir, j’ai ordonné au bataillon du 10e régiment de passer par la droite et de prendre l’ennemi en flanc ; en même temps, mon général, vous avez ordonné à ce bataillon de dépasser le village, ce qui a été exécuté et l’ennemi a été déposté.
Notre perte est de 12 hommes morts ; 3 officiers et 60 soldats blessés ; 7 prisonniers et 12 égarés.
Je ne saurais trop vous faire l’éloge, mon général, de la conduite des troupes qui étaient sous mes ordres ; officiers et soldats ont fait leur devoir ; je nommerais particulièrement les chefs de bataillon Santolini du 1er léger et Poirrier du 10e régiment de ligne, Godefroy adjudant-major du 10e et Chevalier sergent-major du 10e régiment.
Ci-joint le rapport du major
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 90 page 196).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Dès le 17 août, le prince Schwarzenberg avait déjà fait forcer la frontière sur quelques points, et fait enlever quelques brigades de douane et de gendarmerie ; il aurait pu même envahir sur le champ les provinces sans grande opposition, s'il eut brusqué son mouvement; il se serait emparé de Laybach, de la trésorerie, du secrétariat de l'intendance générale, il se serait établi sur l'Isonzo, avant que le vice roi ne fût arrivé. Enfin l'armée vint reprendre Villach, les hauteurs de Feistritz, Stein et Weichselbourg" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 10 septembre 1813, le Général Grenier écrit, depuis le Quartier-général à Neumarkt, au Général Quesnel : "Les intentions de S. A. I. étant que votre division occupe Crainbourg par une brigade et par l’autre Neumark, le Leobel et les environs d’Unterberg, vous aurez à donner les ordres suivants et des instructions en conséquence :
... Votre 1ère brigade composée pour le moment de cinq bataillons et de la batterie d’artillerie à cheval sera établie demain 11 dans l’ordre ci-après. Le 1er léger entre Oberferlach et Unterberg, sa gauche assez rapprochée de la grande route ...
La position d’Unterberg devant être considérée comme le point de réunion de la 1ère ligne de cette avant-garde on devra y établir au moins 2 compagnies en réserve pour chaque bataillon ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 17 page 45).

Le 13 septembre 1813, le Lieutenant général écrit, depuis Laybach, au Général Quesnel à Kraimbourg : "Mon cher général, j’ai reçu vos différents rapports ...
Je vous préviens aussi que le général Verdier à l’ordre de pousser des postes jusqu’à hauteur de Unterberg, ayant deux bataillons à Saint-Jean en arrière de Capel ; aussitôt que le général Campi connaîtra leur arrivée il se repliera sur Neumark avec les bataillons des 1er et 14e léger, laissant le bataillon du 10e en échelons depuis Unter-Leobel inclusivement jusqu’à Saint-Léonard pour correspondre avec les troupes du général Verdier qui seront dans les environs d’Unterberg ...
Donnez mon cher général toutes les instructions que vous jugerez nécessaires pour l’exécution de ces dispositions ...
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 113 page 242).

Le 17 septembre 1813, le Lieutenant-général Comte Grenier écrit, depuis Laybach (pas de destinataire indiqué - sans doute au Général Quesnel) : "Mon cher général ... Je vois par le rapport du général Campi, que vous m’avez adressé aujourd’hui, qu’il a des inquiétudes sur la route de Wendisch-Capel qui vient aboutir à la grande route entre Neumarkt et Naklas. Je crois que vous pouvez sans inconvénients détacher 2 compagnies du 1er léger pour occuper le point que le général Campi jugera convenable de garder et qu’il pourra renforcer par une compagnie du 14e.
J’ai reçu aussi votre rapport sur votre reconnaissance d’hier ; je vais le communiquer à S. A. I. qui le lira avec plaisir et s’empressera de dire quelque chose de flatteur aux dragons de la Reine et à toutes les troupes de votre division.
Il est nécessaire mon cher général que vous envoyez souvent des partis dans la plaine pour savoir ce qui se passe dans les directions de Stein et de Mansbourg
" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 28 page 67).

Le 18 septembre 1813, à 6h30 du matin, le Général de Division Baron Quesnel écrit, depuis Krainburg au Lieutenant général Comte Grenier : "Mon général, j’ai l’honneur de vous adresser un rapport que je viens de recevoir du général Campi. Je viens de donner ordre à deux compagnies du 1er léger, de se rendre sur le champ à Pristina, pour être à la disposition du général Campi, à qui je prescrits de leur adresser des instructions. Je lui prescrits de même d’employer tous les moyens qui sont en son pouvoir pour savoir d’une manière positive si effectivement le pont d’Hollenburg est rétabli et si les postes du 9e régiment existent toujours à leur même position et quel est le motif de la fusillade que l’on a entendu hier.
Je fais porter ma dépêche par un officier qui restera près le général Campi, pour me rapporter le résultat de la reconnaissance que je le charge de faire faire sur ces deux faits très importants.
Veuillez adresser vos ordres sur les dispositions à prendre, dans le cas où le général Campi serait attaqué à Neumarkt
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 146 page 308).

Le même jour, 18 septembre 1813, le Lieutenant-général Grenier écrit, depuis Laybach, au Général Quesnel : "Mon cher général, je pense que le mouvement de l’ennemi sur Neumarkt et environs est exagéré ; vous avez fait couper tous les ponts sur le Kawker excepté celui de Saint-Osvald ; je ne vois donc pas que l’ennemi puisse avoir beaucoup de troupes dans cette partie ; néanmoins il est bon de prendre toutes les précautions possibles pour éviter des alertes ou des surprises, et les deux compagnies du 1er que vous avez envoyé à Pristava doivent rassurer un peu sur cette partie ; le point le plus important est le Leobel ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 30 page 71).

Le 19 septembre 1813, le Lieutenant-général Comte Grenier écrit, depuis Laybach (pas de destinataire, sans doute le Général Quesnel) : "Je reçois à l’instant vos rapports, mon cher général, je pense que le 10e aura le temps de se réunir au Leobel, surtout si le poste de Saint-Léonard a repoussé comme il a dû le faire, l’attaque qui s’est faite au poste intermédiaire de Deutsch Peter, et que les officiers ne perdent pas la tête ; il est impossible que l’ennemi puisse présenter assez de forces partout pour empêcher la réunion de ce bataillon, le général Campi a bien fait d’envoyer au secours comme vous avez bien fait de lui envoyer le 1er léger, au moyen de ce renfort il faudra défendre le Leobel par tous les obstacles possibles" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 32 page 75).

Le même 19 septembre 1813, le Lieutenant-général Comte Grenier écrit encore, depuis A Laybach, au Général Quesnel : "J’ai reçu à 5 heures 1/2 du soir, mon cher général, vos premiers rapports de ce jour auxquels étaient joints ceux du général Campi ; je me suis empressé d’y répondre en approuvant l’envoi du 1er léger à Neumarkt et des secours envoyés de ce point au Leobel par le général Campi. J’ai lieu de croire que ses premières dispositions suffiront pour arrêter l’ennemi et se maintenir s’il est possible au grand Leobel.
Votre second rapport de 4 heures après midi m’est parvenu à 8 heures du soir chez son A. I. Je me suis empressé de le mettre sous ses yeux comme j’avais déjà fait des précédents, elle pense que si le 10e a été attaqué sur tous ses débouchés ce bataillon ayant connaissance des localités aura pu se retirer par portion séparée dans les différentes directions qui conduisent aux Bleyberg et sur les hauteurs qui dominent Assling et afin de donner au général Campi plus de moyens de soutenir ses avant-postes à St-Ana et aux grand Leobel, qu’il faut que le restant du bataillon du 92e régiment dont vous avez déjà envoyé deux compagnies à Naklas se portent sur Pristava à la disposition du général Campi ; enfin l’intention de S. A. I. est que dans le cas où il ne serait plus possible de se maintenir au grand Leobel, de défendre le terrain pied à pied et ensuite de réunir les troupes du 10e de ligne, 1er et 14e légers à Neumarkt pour en défendre tous les passages qui y aboutissent ; qu’en dernier résultat si le général Campi était encore forcé dans cette position, il devra venir se placer sur la rive droite de la Feistritzbach à la position que l’on retranche aujourd’hui, en défendant le pont qui est sur la Feistritz intermédiairement de la position indiquée, et de Krainbourg pour rester en communication par Naklas avec Krainbourg où il vous restera une brigade.
Si M. le général Campi était par les circonstances forcé à faire ce mouvement il aurait soin de faire couper tous les ponts sur la Feistritz, de gâter et obstruer tous les chemins et sentiers qui arriveraient à lui, en occupant en même temps au moins par un demi-bataillon le cimetière et l’église de Tabov. Il est entendu que le pont qui est sur la Save en arrière de Naklas sera conservé jusqu’au dernier moment afin de conserver la communication avec Krainbourg ; vous pourrez à l’avance disposer l’artillerie de cette brigade sur les plateaux en arrière de la Feistritzbach et tenir un autre bataillon du 92e encore disponibles pour l’envoyer sur le même point, et y recevoir le général Campi si les circonstances l’exigeaient.
Vous jugerez d’après ces dispositions que la brigade du général Campi composée alors de 5 bataillons et de la batterie d’artillerie légère serait chargée de couvrir la route d’Assling en même temps que votre autre brigade (sauf les bataillons détachés) défendrait la position en avant de Krainbourg et en dernier résultat le passage de la Save sur ce point. C’est d’après ces données que je vous ai engagé de vous assurer et de reconnaître des communications sur la rive droite de la Save pour reprendre en arrière s’il est nécessaire la route d’Assling, vous aurez, mon cher général, à faire vos dispositions en conséquence.
Donnez-moi je vous prie, souvent de vos nouvelles et tâchez d’avoir quelque chose de positif sur ce qui se passe au Leobel, je pense que vous serez encore tranquille pendant quelque temps à Krainbourg malgré l’augmentation des forces de l’ennemi sur le point de Stein, augmentation qui doit vous sembler à vous-même exagérée
" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 33 page 77).

Une "Situation des hommes présents seulement au 20 septembre 1813, époque de la formation du 2e corps, exception faite de la division de réserve du Tyrol", certifiée par l'Adjudant commandant chef de l’Etat-major général du second Corps d’armée Basin de Fontenelle, indique pour le 1er Léger : Brigade du Général Campi : 3e Bataillon, 22 Officiers, 715 Sous-officiers et Soldats ; total 737 (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 163 page 334).

Ce même 20 septembre 1813, le Lieutenant-général Comte Grenier écrit, depuis Laybach (pas de destinataire, sans doute le Général Quesnel) : "Mon cher général, je viens de recevoir votre lettre de ce jour 7 heures du matin ; c’est la Feistritz que j’ai voulu dire et non la Sawe, puisque c’est le pont qui se trouve sur la grande route de Naklas à Assling dont j’ai parlé.
Le mouvement de l’ennemi paraissait décidé sur la gauche, l’instruction de S. A. I. est que la brigade toute entière du général Campi passe cette nuit la Feistritz et vienne prendre position en arrière, vous donnerez les ordres en conséquence et ferez partir les bataillons du 92e avec la batterie d’artillerie légère, pour se rendre à Steinbrucken et y attendre la réunion de la brigade. Le bataillon du 92e qui est à Vissenwasser devra être mis en mouvement immédiatement après et suivre la même direction, enfin, toute la brigade du général Campi, savoir les bataillons des 1er et 14e léger, les 4 bataillons du 92e et la batterie d’artillerie à cheval, devront avoir passé la Feistritz avant le jour et être en position à Feistritz et Steinbrucken, où je donnerai directement de nouveaux ordres au général Campi. Je pense que l’on trouvera sur cette route jusqu’à Assling la majeure partie du bataillon du 10e qui se réunira de cette manière à sa brigade. J’ai toujours l’espoir que ce bataillon aura pu se sauver par les montagnes, le général Campi emmènera avec lui ce qui peut être à Neumarck ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 36 page 83).

Le 22 septembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Arnoldstein, au Général de Brigade Campi, à Langenfeld : "Monsieur le général, la brigade sous vos ordres occupera demain 23 septembre les positions suivantes.
Les bataillons des 1er et 14e léger à Langenfeld se gardant de tous les débouchés des montagnes et poussant fréquemment des partis sur Assling pour avoir des nouvelles de l’ennemi et savoir ce qui se passe sur la rive droite de la Save du côté de Rathmannsdorff. Si vous avez un piquet de … laissez le avec le major commandant ces deux bataillons ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 101 page 213).

Le 23 septembre 1813, à 11 heures du matin, le Général Baron Campi écrit, depuis Vurzen : "Mon général, conformément à vos instructions d’hier, je suis arrivé à Vurzen avec le 92e régiment dont deux bataillons sont en position sur le Krainberg et les deux autres devant Vurzen ; les bataillons des 1er et 14e léger sont à Paupenfeld ( ?), ainsi que le détachement des dragons de la Reine.
La route qui va de Vurzen à Rekensdorf passe continuellement dans un bois ; il serait facile de faire un abattis et de couper la route, mais alors les communications avec Rekensdorf seraient plus difficiles ; dites moi, général, si je puis faire faire ces ouvrages ; je ne les ferai commencer que lorsque j’aurai reçu votre réponse.
Il fait un temps horrible ; le soldat est constamment dans l’eau. Si vous avez de l’eau de vie à Tarvis, je l’enverrai prendre
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 176 page 363).

Le 24 septembre 1813, à 9 heures du matin, le Général Baron Campi écrit, depuis Vurtzen : "Mon général, je n’ai pas encore fait mettre de l’artillerie sur la montagne de Vurtzen, où sont placés les deux bataillons du 92e régiment, parce que on ne peut mettre en batterie que sur la route, et on ne découvre qu’à environ 80 toises devant soi. J’irai moi-même voir ce que l’on pourra faire et j’aurai l’honneur de vous en rendre compte.
Je désirerai savoir, mon général, si je puis faire détruire quelques petits ponts qui se trouvent sur la route qui vient d’Asling ; si vous m’autorisez cela, je rapprocherai les deux bataillons qui sont encore à Langenfeld.
Je n’ai pas encore reçu le rapport de la découverte qui a été ce matin vers Asling.
Permettez, mon général, que je vous entretienne un moment sur un objet que je crois important ; le bataillon du 14e régiment léger manque entièrement de cadre ; il n’y a que six officiers de compagnie, fort peu de sergents et presque pas de caporaux ; de manière que les soldats qui ont envie de lâcher le pied, n’ont personne pour les contenir dans les rangs ; l’autre jour au Leobel, six coups de fusil ont suffi pour mettre quatre compagnies dans le plus grand désordre ; on les a ralliées et on les a conduites deux fois à la charge, les soldats ont mieux été, mais pas franchement ; je vous assure, mon général, que je ne compte nullement sur ce bataillon. Les cadres des bataillons du 1er léger et du 10e sont au complet, et composés de vieux soldats ; s’il était possible d’incorporer les soldats du 14e dans le 10e et le 1er léger, on aurait deux bataillons sur lesquels on pourrait compter ; le major qui commandant la 30e demi-brigade est hors d’état de faire son service, parce qu’il entend tout de travers, c’est qu’il est constamment dans la vigne de notre seigneur ; il vaudrait beaucoup mieux de donner le commandement de cette demi-brigade à un chef de bataillon.
Ps. Je ne sais pas si la route qui de Radmansdorf va sur la grande route entre Canale et Caporetto en passant par Feistritz et Tolimino, est gardée par quelques troupes
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 184 page 379).

Le même 24 septembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Arnoldstein, au Général Campi, à Vürtzen : "J’ai trouvé en revenant de Feistritz, mon cher général, votre lettre de ce jour, 9 heures du matin ... Je sens comme vous, mon cher général, combien il serait urgent de donner une organisation plus solide au 6e bataillon du 14e léger, mais je doute que S. A. I. veuille permettre son incorporation dans les bataillons du 1er léger et 10e de ligne ; je pense donc qu’il vaudrait mieux proposer des sujets pris parmi les officiers, sous-officiers, caporaux et soldats tant de ces deux bataillons que du 92e régiment, en faisant obtenir à chacun des proposés un grade d’avancement ; faites-moi en conséquence rendre compte de tous les emplois vacants ; présentez-moi les sujets avec les mémoires de proposition, je suis persuadé que Son Altesse Impériale adoptera ce travail ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 106 page 224).

Un "Relevé numérique d’après les feuillets d’appel des présents sous les armes ou de service dans l’arrondissement du 2e corps au 25 septembre 1813", certifiée le 26 septembre 1813 à Arnoldstein par l'Adjudant commandant chef de l’Etat-major général du second Corps d’armée Basin de Fontenelle, indique pour le 1er Léger : Brigade Campi : 3e Bataillon, 80 Sous-officiers et Caporaux, 662 soldats, total 745 présents ; aux hôpitaux, 71 pour cause de maladie (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 189 page 389).

Le 26 septembre 1813 justement, le Général de Division Grenier écrit, depuis Arnoldstein, au Général Campi, à Vürtzen : "J’ai reçu cette nuit, votre rapport du 25. Tout prouve que l’ennemi a peu de monde devant vous ; il faut donc conserver Langenfeld ; une autre raison vient encore à l’appui de cette disposition ; j’ai reçu hier un courrier du Prince. S. A. parait avoir le projet de vouloir reprendre la ligne d’opération sur Villach, il faut pour cela qu’elle vienne passer par Rathmansdorff et Assling, aussitôt qu’elle m’aura fait connaitre positivement son mouvement, vous vous porterez sur Assling pour dégager ce point, en laissant au Vürtzen les 2 bataillons du 92e.
Si M. Leclerc ne peut continuer de servir, il faut bien l’envoyer à son dépôt, dirigez le donc sur mon quartier-général ; je viserai l’ordre du conseil d’administration, mais comment faire pour les officiers et sous-officiers de ce bataillon ; je pense qu’il faut sans hésiter, y placer provisoirement des officiers et sous-officiers des 1er léger et 92e qui seront dans le cas d’obtenir l’avancement d’un grade. Je vous autorise à les y envoyer provisoirement, en attendant que je reçoive les mémoires de proposition dont je vous ai parlé dans une de me dernières ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 110 page 231).

Le 29 septembre 1813, le Général de Division Grenier écrit au Général Vignolle, Chef de l’Etat-major général de l’Armée, à Laybach : "Le 8e bataillon du 14e léger se trouvant absolument sans cadre, puisqu’il n’y reste en tout que 5 officiers, j’ai dû, mon cher général, envoyer des officiers susceptibles d’obtenir l’avancement d’un grade pris dans le 92e et bataillon du 1er léger pour faire le service dans le 8e bataillon du 14e régiment d’infanterie légère qui, sans cette mesure, ne pouvait aucunement être utilisé ; j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint des mémoires de proposition en faveur de ces officiers pour passer définitivement dans ce bataillon. Veuillez, je vous prie, les soumettre à S. A. I. en demandant leur nomination. Il restera après ce travail encore 4 emplois vacants dans ce bataillon ...
Vous verrez, par les mémoires de proposition, que le 92e fournit au 14e léger 2 capitaine, 2 lieutenants et 2 sous-lieutenants ; le 1er léger, 1 capitaine, 1 lieutenant ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 117 page 249).

Le 4 octobre 1813, le Capitaine du Génie Callot écrit, depuis Tarvis, au Comte Grenier, Lieutenant général, à Arnoldstein : "D’après les ordres de votre excellence, en date le 25 et 27 septembre, je me suis occupé depuis mon arrivée à Tarvis, tant de l’étude de la position même, que de celle des chemins qui la tournent, en venant de la Weissenfels soit par Nesselthal (auj. Koprivnik) soit par la montagne même Pletz et Raibel, et voici le rapport de ce que j’ai pu découvrir.
De Weissenfels à Raibel par Nesselthal il n’y a qu’un chemin, qui derrière ce dernier village se divise en plusieurs sentiers, et va passer sur la montagne formant la gorge de Carnistra. J’ai fait couper ce chemin et les sentiers qui en sont les ramifications, dans un ravin en avant de Nesselthal, et dans ce moment une compagnie de sapeurs est encore occupée à faire dans le ravin même de nombreux abattis, et y créer tous les obstacles qui peuvent en rendre le passage impraticable.
Il y a en outre deux chemins ; l’un appelé Über der Lahnauf, qui de Weissenelfs passe le long du Weissenferlderlec, se prolonge jusqu’au fond de la gorge et monte dans un ravin, dont la montée extrêmement difficile exige 4 heures de marche, et doit être entièrement impraticable dans un temps pluvieux ou seulement couvert. Le haut de la montagne n’a guère plus de trois pieds d’épaisseur, et la descente également difficile et dangereuse, conduit, au bout de trois-quarts d’heure, dans un bois clair, où se trouvent deux huttes de forestiers ; le terrain continue à décliner rapidement, et après une descente totale de 2 heure un quart, on arrive sur la grand-route de Pletz, dans un rentrant, un peu au-delà du village de Pradiel. Cette route ou plutôt ce sentier n’est tout au plus praticable que pour des détachements d’infanterie, avec lesquels on voudrait inquiéter la route de Pletz, mais je considère comme impossible d’y faire passer une troupe un peu considérable. Il suffirait je crois d’un poste de trente hommes, qui se tiendrait dans le bois, et fournirait pendant le jour un petit poste sur la hauteur (sur laquelle on ne pourrait pas habiter constamment) pour fermer cette issue à l’ennemi le plus audacieux.
Ces réflexions sont également applicables au second chemin, appelé le Prinschenthal, dont la montée est dans une gorge en arrière de Nesselthal, nommée au commencement le Weissenbach et plus loin le Durrchbach, tandis que la descente est dans le même vallon et coïncide avec celle du premier chemin nommé.
Dans cette même gorge se trouvent sur la droite deux sentiers conduisant à Raibel, le premier nommé Über der merhlande in Alpel, le second Durch den Schuben graben in Alpel. Ces deux sentiers, qui ne sont que de simples ravines, ont été couverts d’abattis et détruits autant que possible à mi-côte de la montagne, où se trouvaient quelques bois parmi les rochers.
Au fond de la gorge, le ravin se divise. A gauche on a le Gamsenthal, qu’on m’a assuré être inaccessible pour un homme qui n’est pas armé de crampons ; et droits devant lui et le sentier appelé Carintra, plus accessible de tous ceux que je viens de nommer, et qui cependant est tel, que je suis resté en chemin avec le détachement qui m’accompagnait, les hommes étant épuisés de fatigue, quoiqu’ils fussent à une heure trente de marche du sommet. Dans la descente ce sentier se partage en deux, dont l’un va à Oberpret et l’autre à Raibel.
Voilà, Monseigneur, tout ce que j’ai pu découvrir sur ces sentiers, si peu connus que je n’ai trouvé dans les villages de Weissenfels et de Nesselthal qu’un seul paysan, ancien chasseur de chamois, qui les connut. Le peu de temps ne m’a permis d’en parcourir que deux entièrement, et trois à moitié. Les derniers sont sans danger tant que nous serons maitres des plateaux de Nesselthal et de la montagne qui le domine, tandis que si l’ennemi en était en possession, il aurait toutes les facilités imaginables pour tourner notre position par la droite, sans s’embarrasser du sentier presque impraticable que je viens de nommer. C’est donc sur ce point que j’appelle toute l’attention de Votre Excellence, comme étant celui d’où dépend toute la position. Les courses que j’ai faite sur les hauteurs et plus encore la vue d’une compagnie composée d’hommes de bonne volonté du 92e de ligne et 1er léger, venue de Weissenfels à Nesselthal par la forêt, sans suivre de sentiers, mais conduite par un homme du pays, ne m’a que trop prouvé qu’il y a bien peu de choses impossibles à une volonté bien décidée, et que les montagnes, quoique couvertes de forêts qui paraissent impénétrables, ne sont qu’un obstacle passager pour un ennemi déterminé. J’avoue ne pas avoir la possibilité de faire les immenses et pénibles travaux nécessaires pour établir dans toute la forêt des empêchements au passage de l’ennemi, et néanmoins ces travaux seraient illusoires s’il restait des endroits par où il put passer impunément. Cependant il me paraît également impossible que l’ennemi puisse passer en masse par un bois fourré et sans chemins frayés. J’ai cherché, mais inutilement sur le terrain, l’emplacement de la redoute dont Votre Excellence m’avait fait l’honneur de me parler. La pente de la montagne est trop rapide pour pouvoir se déplacer et plus bas elle serait aisément plongée par l’ennemi maitre des hauteurs. Je crois que tout ce qu’on pourra faire sera de multiplier les obstacles dans le ravin et les bois, en défendre le passage avec de l’infanterie, dont la retraite serait assurée par les batteries établies sur le plateau en avant Kraut, après quoi l’on peut disputer opiniâtrement et avec avantage le passage du ravin dit le Weissenbach ; mais l’ennemi se trouvant alors déjà derrière le flanc de la position, il me paraît que dès ce moment elle deviendrait dangereuse et peu tenable.
C’est d’après ces idées que j’ai tracé, et que je fais exécuter sur le plateau de Kraut, à droite de la redoute n°4, une redoute fermée et plusieurs batteries, qui outre l’avantage de battre le plateau en avant, ont celui de porter des feux sur le plateau de Nesselthal. Si les circonstances le permettent j’en porterais une autre encore plus en avant pour flanquer le ravin en avant de Nesselthal même. Espérant que Votre Excellence sera satisfaite des efforts que j’ai faits pour rendre cette reconnaissance complète, et quelle excusera la liberté avec laquelle je présente mes idées
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 244 page 499).

Le 5 octobre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Tarvis, au Général Campi : "Demain, mon cher général, vous continuerez votre mouvement et viendrez prendre position en arrière de Veissenfels et Nesselthal, savoir un bataillon du 1er d’infanterie légère à Nesselthal, gardant le 1er et 2e ravin en arrière de lui et connu sous la dénomination de Romischthal ; un autre bataillon 14e léger en 2de ligne sur le plateau en arrière et où l’on établit de nouvelles … se gardant particulièrement sur la gauche et voyant la vallée de Neissenfeld, qu’il gardera sur tous son front ; 2 bataillons du 92e placés à la droite de la position de Tarvis en arrière de la route de Veissenfeld et les défendant ; le 3e bataillon en 2de ligne placé de manière à pouvoir se porter sur Nesselthal ou au secours des 2 1ers bataillon. Vous verrez de placer 4 pièces en batterie sur le front du 92e et 2 sur le plateau où sera le 14e en face de Vesselthal …" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 134 page 284).

Le 11 octobre 1813, le Général de Brigade Baron Campi, écrit, depuis Caporetto, à 5 heures du matin, au Lieutenant général Comte Grenier, commandant le 2e Corps, à Gemona : "Mon général, hier vers cinq heures du soir, un officier autrichien se disant colonel, s’est rendu à nos avant-postes à Pletz, nous sommer de nous rendre, et nous offrir une capitulation honorable au nom du général en chef de leur armée ; il disait, pour justifier cette sommation, que les routes d’Udine et de Gorizia nous étaient coupées, et que nous étions entourés de tous côtés. Le chef de bataillon du 1er léger a renvoyé cet officier en lui disant qu’il n’avait rien à répondre un pareil langage ..." (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 273 page 557).

Le 11 octobre 1813 à 9 heures du soir, le Chef du 4e Bataillon du 53e, Dranguet, écrit, de Tarcento : "Mon général, deux détachements de 50 hommes chacun son parti ce matin ; le 1er pour aller à Xaga près Pletz ... afin de faire couper la route aux trois endroits susceptibles d’être fermés au moyen de ce travail. Le 2e doit ... se diriger vers Sterpennisa ou Cerpennisa, afin de voir et reconnaître les troupes de M. le général Campi que j’ai indiquées devant être des 1er et 14e léger et 92e de ligne …" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 277 page 563).

Le 12 octobre à 5 heures du matin, le Général de Brigade Baron de Campi écrit, depuis Caporetto, au Lieutenant général Comte Grenier, commandant le 2e Corps, à Gemona : "Mon général, l’ennemi qui nous avait sommé de nous rendre avant-hier, préparait une attaque le lendemain ; mais s’étant aperçu que les avant-poste profitaient de la nuit pour se retirer de Pletz à Saga, il a cru le moment favorable et a attaqué à deux heures après minuit ; la retraite s’est faite en ordre, malgré que la derrière garde fut constamment engagée ; arrivée à Saga la troupe a pris position, et a arrêté l’ennemi, qui a fait des efforts pour s’emparer de Saga ; au jour l’attaque est devenue générale, l’ennemi a déployé beaucoup de forces, mais il n’a jamais pu réussir à déposter le bataillon du 1er léger qui s’est conduit comme les meilleures troupes que je connaisse. A 11 heures du matin, l’ennemi, renonçant à son projet, a fait sa retraite en laissant sur le champ de bataille une partie de ses blessés ; nos tirailleurs ont poursuivi jusqu’auprès de Pletz. L’ennemi a eu 100 hommes tués ou blessés ; nous avons une quinzaine d’hommes hors de combat. L’ennemi a présenté environ 1400 hommes.
L’ennemi avait réparé les ponts que j’avais fait détruire, s’étant lié à Pletz avec six bouches à feu, deux bataillons de Chasteler, un bataillon de chasseurs, un bataillon de landwehr, un régiment de hussards et un régiment de lanciers. Il y avait deux colonels, deux généraux, et le général Hiller en personne. Vers Tolmino il y a deux mille hommes. Toutes ces troupes étaient à Graz il y a dix jours. J’ai déjà écrit plusieurs fois, mon général, au général Quesnel (car c’est ce général qui m’écrit au nom du prince) pour lui faire connaître le mouvement que l’ennemi fait vers les sources de l’Isonzo, et pour lui dire que l’ennemi a en vue d’établir ses lignes de communication par la route deux Tarvis à Gorizia ; pour cet objet il n’a besoin que de me forcer à Caporetto, chose qui est très facile puisqu’il peut m’attaquer par mes deux flancs.
Le colonel Pegaud qui observaient Canale et Volzano avec trois bataillons a fait le rapport qu’il n’avait que des postes devant lui ; sur ce rapport le général Quesnel a fait reployer ces trois bataillons, et n’a laissé que 150 douaniers pour observer depuis Canale jusqu’à Volzano ; par cette fausse manœuvre on a découvert ma droite, parce que l’ennemi ne craignant plus les troupes qui étaient à Volzano, peut venir par la rive gauche de l’Isonzo passer le gué qui est sous Caporetto ; si cela arrive mes deux bataillons qui sont à Saga sont pris. Le colonel Pegaud devrait savoir qu’il est de notre métier de ne montrer que des postes, et il n’y a que les maladroits qui montrent leurs mouvements.
Je suis ici comme indépendant ; je ne reçois des ordres de personnes, et le général Quesnel m’a écrit une fois depuis cinq jours. D’ailleurs vous connaissez, mon général, que dans la position que j’occupe, il faut que l’on m’envoie des ordres clairs et circonstanciés, et écrits par des personnes qui aient une juste connaissance du pays. Faites-moi le plaisir de m’écrire plus souvent. J’aurais bien besoin du bataillon du 16e régiment, si vous pouvez me l’envoyer pour me rendre service
" (Papiers du général Paul Grenier. VIII. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 286 page 587).

Le 12 octobre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Gemona, au Prince Eugène : "… Le général Campi m’annonce d’hier 5 heures du matin que le chef de bataillon du 1er léger a été sommé de se rendre à Pletz par un soi-disant colonel autrichien lui offrant une bonne capitulation, sous prétexte que sa retraite sur Udine était coupée ; on lui a répondu comme on le devait ; il importe à présent de savoir si c’est l’ennemi qui a fait usage du canon ou si ce sont nos troupes …" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 144 page 303).

Le même 12 octobre 1813 à 9 heures du soir, le Général de Division Grenier écrit aussi, depuis Gemona, au Général Campi : "… La conduite du 1er léger est superbe et lui fait beaucoup d’honneur, mais que pensez-vous du mouvement de l’ennemi qui, ayant tout ce qu’il fallait pour écraser ce bataillon, a fait un mouvement rétrograde et a même enlevé ses blessés ? …" (Papiers du Général Paul Grenier. XX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 147 page 310).

Le Capitaine Duthilt écrit : "Plusieurs combats furent livrés sur des points différens jusqu'au 30 septembre, tantôt à notre avantage et tantôt à celui de l'Autriche, qui avait sur nous la supériorité numérique. Cependant dans nos rangs tout était jeune, sans expérience ; levés à la hâte, nos soldats français, comme ceux italiens, tous à peine équipés, voyaient le feu pour la première fois ; l'hiver de la Russie, les batailles meurtrières de Lutzcn et de Bautzen, et les désastres de Leipzig avaient détruit les anciens soldats et les officiers expérimentés; les écoles militaires avaient livré leurs jeunes élèves, les régimens leurs sous officiers étonnés d'être parvenus en quelques mois du grade de caporal à celui de sous lieutenant, et de sous lieutenant à celui de capitaine; ils possédaient le courage, l'ardeur, mais l'expérience, le sang froid et la ténacité leur manquaient encore.
La supériorité numérique de Schwarzemberg prévalut et força le vice roi à évacuer Laybach, laissant un bataillon français et des artilleurs italiens dans le chateau élevé sur le mont autour duquel la ville est bâtie, et qui domine la plaine depuis Laybach jusqu'à la Save. Dans l'état déplorable où se trouvait ce château, il ne pouvait opposer aucune résistance efficace, aussi, dès le lendemain du départ de nos troupes, fut il forcé de capituler, malgré la bravoure et la fermeté du vieux colonel commandant de Laybach, à la garde duquel il fut confié. Les corps de l'armée du vice roi étaient à peine sortis de Laybach que la cavalerie autrichienne bravant le fort, passa au galop sous la volée de son canon, tandis que l'infanterie et l'artillerie défilaient abritées au pied du mont bien en dessous de la ligne du tir, n'ayant à redouter que la fusillade de notre infanterie. Dans cet état de choses, il eut été plus sage de ne point laisser de garnison au fort, puisqu'il ne pouvait empêcher l'ennemi de tenir la plaine et d'occuper la ville, et que lui même, en cas de retour de notre part, n'aurait pu y rester qu'à la condition de se constituer prisonnier de guerre dès notre rentrée
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le Dépôt reste aux environs de Pontebba pendant tout le mois d'octobre.

Selon Martinien, le Sous lieutenant Toulane est blessé le 21 octobre au cours de la défense de Zara (Illyrie).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Bientôt le régiment dalmate, venu de Zara, se trouvant en ligne, avec une brigade française et une autre italienne, à la hauteur d'Adelsberg, en présence d'un corps autrichien, se porta en avant sans l'ordre du général et sans que l'on put en ce moment deviner le motif de son mouvement ; on pouvait présumer qu'il allait attaquer l'ennemi, tellement il y avait de précision dans sa marche; mais après quelques cents pas en avant, les Dalmates s'arrêtèrent, firent front sur nous par le troisième rang, et les corps français et italiens qui instinctivement, avaient suivi leur mouvement, voyant la ligne autrichienne se rapprocher des Dalmates pour les appuyer, éprouvèrent d'abord une certaine hésitation, mais convaincus de la désertion des Dalmates, ils firent feu dessus, d'où il résulta un combat inégal et imprévu, la désertion venant d'augmenter la force des Autrichiens sur ce point. Dans cette circonstance, le vice roi se détermina encore à continuer sa retraite, s'arrêtant de temps à autre selon les localités, pour ne pas donner prise sur lui. Il évacua ensuite Gorizia, suivi de près par l'ennemi, traversa le pont de l'Isonzo, puis le fit détruire. Nous gagnâmes une marche sur l'ennemi, puis nous repassâmes le Taliamento, la Piave et l'Adige" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée d'Italie, 6 novembre 1813

1ère Lieutenance Grenier, 1ère Division Quesnel, 1ère Brigade Campi :

30e 1/2 Brigade à trois Bataillons, dont un du 1er léger.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Dépôt du 1er Léger
- Ma rentrée au dépôt du corps à Alexandrie
N'ayant plus de fonctions à remplir au recrutement, les officiers, sous officiers et caporaux de mon détachement étant retournés chacun à leurs corps respectifs, je me réfugiai d'abord au quartier général du vice roi et j'y restai attaché jusqu'au 30 octobre; je le quittai pour me rendre au dépôt de mon régiment, à Alexandrie, pour y attendre la décision du directeur général de la conscription sur ma destination ultérieure.
De Gorizia, j'allai à Palma Nuova, forteresse qu'on se hâtait bien inutilement de mettre en état de défense; de la je me rendis à Valvasone, puis à Pordenone, Sacile, Trévise et Mestre, où de suite, à mon arrivée, je m'embarquai pour Venise, désirant voir cette reine de l'Adriatique, déchue de sa splendeur primitive.
Les quatre chevaux de Corinthe, en bronze doré, enlevés de Constantinople par les croisés vénitiens et français, et qui se trouvaient au dessus du grand portail de l'église paroisssiale avaient été transportés à Paris par les Français lors de la prise de Venise par l'armée d'Italie, et ils couronnaient l'arc de triomphe du Carrousel, attelés au char de la victoire qui, en 1814, attendait encore la statue du triomphateur; et le lion ailé de Saint Marc enlevé en même temps que les chevaux de Corinthe, par les vainqueurs de l'Italie, décorait aussi la fontaine des invalides à Paris. En échange de ces deux monumens précieux, Napoléon empereur fit don à la ville de Venise de sa statue impériale en marbre blanc, chef d'oeuvre du célèbre Canova; et ses aigles, ses couronnes triomphales et son chiffre couronné ornaient les frises des portiques de la place de Saint Marc.
Une chose curieuse à Venise et que l'on voyait souvent, du moins au temps du gouvernement dogal, c'était de rencontrer sur la même place et à peu de distance l'un de l'autre, des prédicateurs religieux et des baladins, des escamoteurs, des chanteurs, qui se disputaient l'auditoire, et ces derniers l'emportaient sur les premiers.
Après m'être arrêté quelques jours à Venise, je retournai à Mestre pour y reprendre la route d'Alexandrie, que je continuai par Padoue, Vicence, Montebello, Vérone, Peschiera, Lonato, Brescia, Chiari, Cassano, Milan, Pavie, Voghera, Tortone, et j'arrivai à Alexandrie où était encore le dépôt du régiment, ou plutôt son 7e bataillon, créé pour remplacer son 6e en ce moment à l'armée du vice roi en Italie; les 4e et 5e étaient passés à l'armée d'Allemagne, et les trois premiers étaient toujours en Espagne.
Le général de division Despinois, au corps long et maigre, au visage cuivré, bilieux, homme impitoyable, impérieux, rusé, brutal et sordide, confiné dans cette place par l'empereur lui même, depuis la bataille de Marengo, sans qu'il put en sortir, subissait là un rude châtiment infligé à ses méfaits; il était généralement craint des habitans, et haï des militaires dont il était le tyran; et quoique général de division, gouverneur d'Alexandrie et de la citadelle, il n'en était pas moins, de fait, sous les ordres du général de brigade commandant le département de Marengo.
L'organisation et le personnel du régiment étaient entièrement changés depuis mon départ en 1808, ainsi que je l'ai dit précédemment; des officiers lui étaient venus de toutes parts, des conscrits de tous les départemens ; les chefs supérieurs étaient renouvelés; je ne savais ni leur nom, ni ne connaissais leur personne; mes camarades de grade étaient pour la plupart passés à d'autres corps avec avancement ; des lieutenans, même des sous lieutenans, m'avaient devancés dans l'obtention du grade supérieur et les grâces avaient été répandues sur eux, non selon leur mérite mais selon leur ancienneté relative; j'étais le plus ancien capitaine du régiment et le plus abandonné ; et je n'avais pas le droit de me plaindre, car à l'armée plus qu'ailleurs les absens ont toujours tort
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Par ordre du Vice-roi, l'Armée d'Italie prend de nouveaux emplacements sur l'Isonzo, puis se replie lentement en prenant successivement position derrière la Livenza (le 1er Léger au nord de Sacile), puis derrière la Brenta (le 1er Léger vers Bassano) et enfin derrière l'Adige (le 1er Léger à San Marco).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Là, le vice roi put encore se défendre avec des chances de succès, quoique les Autrichiens commençassent à descendre sur la droite de l'Adige, provenant du Tyrol par Trente et Roveredo ..." (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 1er Léger participe, pendant le mois de novembre, à plusieurs actions sur Roveredo.

Le 18 novembre 1813, le Général de Division Baron Quesnel adresse au Lieutenant-général Grenier, depuis Veronette, son "Rapport des mouvements et des opérations faites par la 1ère division dans la journée du 15 novembre
Armée d’Observation d’Italie, 1ère Lieutenance, 1ère Division
1ère brigade commandée provisoirement par M. le colonel Tissot du 92e régiment
La 1ère brigade composée de deux bataillons de la 30e demi-brigade (1er léger et 10e de ligne), des trois bataillons du 92e régiment de ligne, et de 60 chasseurs à cheval du 31e régiment, partit de Lavagno où j’avais rejoint cette brigade, le 15 à 7 heures du matin pour marcher sur Illasi que l’ennemi occupait avec à peu près 250 hommes. Les deux bataillons de la 30e demi-brigade avait ordre de tourner le village d’Illasi et le château, un bataillon par la droite et l’autre par la gauche, tandis que l’avant-garde de ces deux bataillons et des chasseurs à cheval soutenus par le 92e attaquèrent de front le village ; cette opération se fit avec autant d’impétuosité que de succès, dans un instant on fut maitre du village et bientôt après des hauteurs d’Illasi. Le 1er bataillon d’infanterie légère fit une centaine de prisonniers, dont trois officiers du régiment de Chatlair, le détachement de chasseurs en sabra quelques-uns et une compagnie du 2e bataillon du 92e en prit 10. L’ennemi ne se défendit point au château d’Illasi, il se retira fort en désordre sur Colognola, suivi avec vigueur par les tirailleurs du 1er léger. La brigade étant réunie sur les hauteurs d’Illasi, je m’aperçus qu’une forte canonnade et fusillade était engagée à Colognola entre l’ennemi est la 2e brigade la division et que ce premier défendait avec opiniâtreté cette forte position. Je crus alors qu’il était important de faire attaquer le village de Colognola par-derrière pour l’en chasser, afin de faciliter par ce mouvement les opérations de la seconde brigade. Le 1er léger et le 10e reçurent ordre d’attaquer l’ennemi qui se trouvait à la droite de Colognola et furent suivis par le 92e régiment ; la marche se fit par la crète de la montagne et bientôt l’ennemi qui s’aperçut du mouvement de la 1ère brigade commença à s’ébranler, ce qui facilita à la seconde la prise des positions de Colognola.
La 1ère brigade arriva à temps pour faire des prisonniers et les tirailleurs de l’une et l’autre brigade poursuivirent vivement l’ennemi, jusqu’au-delà du mont Bisson (dans ce moment je reçus un petit billet de M. le lieutenant général comte Grenier pour faire attaquer Colognola par deux bataillons, mais alors le mouvement de la brigade était totalement prononcé). Le 1er bataillon du 92e régiment donna dans une embuscade de l’ennemi, qui ne se montra pour faire son feu, que lorsque l’on était à brûle pourpoint, les grenadiers de ce bataillon se précipitèrent sur lui, tuèrent 14 hommes et mirent le reste en fuite. Le capitaine Hérisson se distingua par l’exemple et l’impulsion qu’il donna à ses grenadiers. Toutes les positions de Colognola et celles en arrière étant prises, la 1ère brigade descendit vers le mont Bisson où elle se réunit ; une heure après, elle se remit en mouvement pour aller occuper les auteurs de Soave ; elle avait peu de distance à parcourir, mais les routes été si mauvaises qu’on resta près de 7 heures en marche, avant que la queue de la colonne fût arrivée à Soave. Les soldats étaient exténués de fatigue, beaucoup étaient nu pied, quelques-uns avaient perdu leurs shakos et même leurs armes dans des fossés profonds et plein d’eau, dans lesquels ils étaient tombés. L’ennemi couronnait en force toutes les hauteurs en arrière de Soave et était maître du château. Je jugeai qu’il était impossible de l’attaquer dans ces positions pendant la nuit et je fis entrer en ville la 1ère brigade, elle fut placée dans la rue qui traverse la ville et j’ordonnai toutes les mesures de précaution que commandait la prudence afin d’être en mesure contre toute entreprise de la part de l’ennemi.
Le 16 à 5 heures du matin, la brigade se mit en marche ayant deux compagnies du 3e bataillon du 92e en arrière garde, elle se dirigea d’abord vers la grande route qui conduit à Villanova, elle prit ensuite une traverse à sa droite qui conduisait au mont Bisson ; les chemins étaient très mauvais, ce qui retarda considérablement le mouvement. L’ennemi alors descendit du château, et l’arrière garde fut attaquée, le capitaine Gaudin qui la commandait, tomba mort, ainsi qu’un caporal de voltigeurs. Une section de voltigeurs chargea l’ennemi à la baïonnette, lui tua quelques hommes et le fit rentrer en ville, d’où il ne ressortit plus. Nous arrivâmes au mont Bisson à 8 heures du matin, le 1er léger et le 10e de ligne prirent position, et trois bataillons du 92e se portèrent au château et sur les hauteurs de Illasi.
Le 17 la brigade s’est mise en marche pour rentrer à Veronette
" (Papiers du Général Paul Grenier. IX. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 152 page 317).

La défection de la Bavière et l'invasion du Tyrol ont motivé le mouvement de retraite. Le Prince Eugène, sollicité par les alliés, reste fidèle jusqu'au bout à son père adoptif. "Je tiens tout de Napoléon, répond t-il fièrement au Roi de Bavière dont il a épousé la fille, et si je suis réduit à aller demander l'hospitalité à Munich, mon père doit préférer recevoir un gendre sans couronne plutôt qu'un gendre sans honneur".

Selon Martinien, le 20 novembre, le Capitaine Menestrelle est blessé au cours d'un combat en Italie (mort le 25).

Situation de l'Armée d'Observation d'Italie, 20 novembre 1813 ; commandant en chef prince Eugène

1ère Lieutenance Grenier, 1ère Division Quesnel, 1ère Brigade Campi : 30e 1/2 Brigade à trois Bataillons, dont le 3e du 1er Léger : 21 Officier, 605 hommes et 2 chevaux présents; 198 absents sans solde (hôpitaux, ou congé) et 5 hommes prisonniers. Effectif total : 23 Officiers et 806 hommes.

Le 24 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Daru, Ministre directeur de l’Administration de la Guerre : "Monsieur le comte Daru, je reçois une lettre du prince Borghèse du 20, dans laquelle il me fait connaître que le 4e régiment d'artillerie, le 1er bataillon de sapeurs et le 3e idem ont ce qu'il leur faut pour leur habillement mais que le 1er léger, le 7e de ligne, le 20e, le 42e, le 52e, le 67e, le 101e et le 102e, qui reçoivent chacun 700 conscrits n'ont pas de quoi en habiller 400 ; moins la doublure et le drap pour les capotes ; que le 13e de ligne, le 9e, le 35e , le 53e, le 84e, le 92e et le 106e qui sont arrivés à Alexandrie et ont chacun 700 hommes à recevoir n'ont rien ...
Il n'était non plus rien arrivé pour l'habillement des 700 hommes du 3e léger et du 10e de ligne. Je désire que vous me fassiez un rapport sur cet objet important. Voilà 15.000 hommes qui arriveront avant le 15 décembre et pour l'habillement desquels il n'y a aucune disposition. Cependant il est nécessaire que ces 15.000 puissent au 15 de ce mois renforcer l'armée. Faites-moi connaître tout ce que vous avez envoyé et toutes les dispositions que vous avez prises pour compléter l'habillement de ces 15.000 hommes ...
Le 112e recevra des hommes en Toscane, le 6e de ligne et le 14e léger reçoivent des conscrits à Rome. Faites-moi connaître toutes les dispositions déjà prises pour l'équipement de ces hommes. Consultez vos bureaux pour savoir si le Piémont fournit tout ce qui est nécessaire pour les équipements et pour suppléer sur le champ aux mesures qui n'auraient pas été prises. Dans ce cas proposez-moi l'établissement d'une commission présidée par le prince Borghèse et composée du préfet du Pô et de l'ordonnateur. Cette commission sera chargée de prendre sur le champ toutes les mesures, mais elle aura besoin d'argent. Faites-moi connaître les fonds que vous pouvez mettre à sa disposition et si vous avez sur octobre et novembre les crédits suffisants pour faire face à ces dépenses, et si le Piémont, pouvant faire face à tout, vous expédiez des ordonnances, prévenez-m’en ; je les ferai payer. Il faut charger le général Miollis et la grande-duchesse de faire habiller ce qui arrive à Rome et en Toscane
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37262).

Le même 24 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes : "Mon cousin, je reçois votre lettre avec l'état qui y est joint. Vous ne me dites pas si les bataillons des 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e avaient ramené avec eux leurs dépôts, c'est-à-dire les maîtres tailleurs, quartiers-maîtres, majors et tout le matériel qu'ils pouvaient avoir aux dépôts.
Je vois que vous n'avez que 1 500 fusils. Écrivez au vice-roi qu'il vous en fasse passer, à Alexandrie, 4 000 de ceux qu'il a à Mantoue. J'ai ordonné au ministre de la Marine de vous en envoyer 10 000 par mer à Gênes. Ecrivez à Toulon qu'on vous instruise du moment où ils partiront.
Je vois que plusieurs bataillons ont déjà 400 habits, mais que les 6 dépôts de l'armée d'Italie n'ont rien : mon intention est que vous pourvoyiez à tout. Réunissez près de vous le préfet de Turin, qui est un homme habile, votre ordonnateur et les majors de tous les corps. Prenez, dans les 24 heures, les mesures nécessaires pour que tous les hommes qui arrivent au 4e d'artillerie, au 1er de sapeurs, au 3e de sapeurs, au 1er léger, au 7e de ligne, 20e, 42e, 52e, 101e, 102e, 9e de ligne, 35e, 53e, 84e, 92e et 106e soient habillés sur-le-champ de pied en cap, et qu'il ne leur manque absolument rien.
Toutes les dispositions que vous ferez seront approuvées. Tous les fonds que vous emploierez pour cet objet seront pris sur les centimes que doivent payer vos départements en conséquence de mon décret du 11 novembre dernier.
Mettez en réquisition tous les tailleurs du pays, de sorte qu'au 15 décembre au plus tard ces hommes soient habillés ...
Vous me rendez compte du procès-verbal de la séance que vous tiendrez et des mesures que vous aurez prises. Vous sentez l’importance dont il est, que ces 15 000 hommes soient armés, habillés et équipés dans le plus court délai. Vous devez pourvoir à tout. La seule chose à laquelle vous ne pourrez pas pourvoir vous-même, c'est les armes ; mais j'espère que cela ne vous manquera pas ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37251).

Le 25 novembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Peltre, en attendant l'état en 100 colonnes qui tardera encore à être rédigé, je désirerais que vous m'envoyassiez un état détaillé pour l'infanterie de ligne, comme je vais commencer à le faire pour l'infanterie légère :
1er régiment d’infanterie légère
... 3e bataillon, en Italie. Il a été pourvu à son recrutement ...
Ainsi donc, il n’est plus besoin, pour ce régiment, que de 200 hommes à prendre sur la levée des 300000 hommes et qui seront dirigés sur Alexandrie, et de 500 hommes à prendre sur la levée de 1815 pour le 5e bataillon.
Total 700 hommes ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37289).

Le 1er décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre ... Donnez ordre au vice-roi d'y former le 6e bataillon du 1er léger ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37340).

Le 2 décembre 1813, l'Empereur écrit, depuis Paris, à Eugène, Vice-Roi d'Italie, commandant en chef l'Armée d'Italie : "Mon fils, je reçois votre lettre du 25 novembre. Je vois avec plaisir que vous avez déjà formé vos 6es bataillons pour les 6 régiments qui sont dans le royaume d'Italie ...
Les autres régiments qui ont deux bataillons peuvent sans difficulté recevoir 700 hommes, mais vous devez remarquer que sur ces 700 hommes, 100 seront à réformer, plus de 50 seront malades ; qu'ainsi il n'en restera guère que 500 et que vous aurez à peine ce qui est nécessaire pour compléter tous vos régiments. Mais vous êtes parfaitement le maître de verser d'un bataillon dans un autre, pourvu que ce soit par un ordre du jour qui soit envoyé au ministre, et qui contienne tous les renseignements de détail nécessaires aux bureaux. Tous les régiments qui fournissent à l'armée d'Italie ont leurs cadres au-delà des Alpes, soit en Piémont, soit à Gênes ; ils ont leurs cadres de 5es bataillons complets ...
Je vous ai destiné en outre, sur la conscription de 1815, 30 000 hommes. Il est nécessaire d'avoir des cadres pour pouvoir renfermer ces 30 000 hommes. J'approuve donc tout à fait que vous formiez autant de cadres qu'il vous sera possible ...
Le 1er léger a un bataillon à votre armée ; son 6e bataillon est à Alexandrie ...
" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 470 ; Correspondance générale de Napoléon, t.14, lettre 37347).

Le 6 décembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général de Division Quesnel : "L’intention de S. A. I. est que votre 1ère brigade tienne à dater de demain et jusqu’à nouvel ordre la ligne des avant-postes à Saint-Michel et en arrière de Montorio ; vous ferez en conséquence établir demain à 6 heures du matin les 3 bataillon du 92e régiment et le bataillon du 14e léger à Saint-Michel avec M. le général Campy, pour aller relever le 35e et un bataillon du 1er étranger ; faites reconnaitre à l’avance les emplacements afin qu’en arrivant sur le terrain, les postes soient relevés de suite ; il conviendra de faire appuyer fortement le 3e bataillon du 92e sur la route de Montorio à Vérone, afin de bien lier ses postes avec ceux du 1er léger qui reste dans sa position actuelle ainsi que le 10e.
Les 3 bataillons du 92e seront, en conséquence, en 1ère ligne et le bataillon du 14e léger en réserve en arrière de Saint-Michel ; la brigade du général d’Arnaud, après avoir été relevée, rentrera à Veronette où elle logera, et sera chargée de tout le service intérieur et des portes de Vicence et du Tyrol. Comme un bataillon du 1er étranger sera au fort de Saint-Felice, il faudra que les postes du 10e et du 84e sur la grande route de Gazzano soient parfaitement liés ensemble pour empêcher la désertion dans ce bataillon ; aucun de ces hommes ne devra donc dépasser vos postes sous quelque prétexte que ce soit, à moins que ce ne soit en détachements armés commandés par des officiers. Votre compagnie d’artillerie légère relèvera celle du général Rouyer là où elle se trouvera placée, les deux pièces qui sont en arrière de Saint-Michel doivent rester constamment attelées mais vous pourrez les faire relever toutes les 24 heures.
Le général Campy s’établira à Saint-Michel, la cavalerie chargée du service des avant-postes restera sous ses ordres
" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 27 page 67).

Le 8 décembre 1813, Eugène écrit, depuis Vérone, à Clarke : "J'ai reçu, monsieur le duc de Feltre, vos huit dépêches des 21, 23, 25, 28 et 30 novembre dernier, et joint à la première les lettres de service pour l'adjudant commandant Ramel, à qui elles seront remises lorsqu'il sera arrivé au quartier général.
Vos sept autres lettres sont relatives :
... 7° Au décret de l'Empereur du 19 novembre qui a arrêté la formation de l'armée de réserve d'Italie, et par suite duquel les 9e, 35e, 53e, 84e, 92e, et 106e régiments d'infanterie de ligne fournissent deux cadres du bataillon (les 4e et 6e), ce dernier de nouvelle formation. Ainsi que vous le désirez, l'état de la composition de ces cadres vous sera adressé demain et presque immédiatement celui nominatif des officiers que l'on aura pu trouver dans les corps pour concourir à la formation des 11 bataillons désignés dans votre lettre comme devant composer la 2e division de l'armée de réserve dont il s'agit : tous les bataillons employés à l'armée sont appelés à y concourir, mais encore plus particulièrement ceux qui appartiennent aux corps dont un bataillon est destiné à entrer dans la composition de la 2e division, comme le 3e bataillon du 1er d'infanterie légère, le 3e du 10e de ligne, les 3e et 6e du 42e, également de ligne, et autres.
Les ordres et instructions sont donnés en conséquence, et vous serez tenu au courant du résultat
" (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 481).

Le 11 décembre, d'après Martinien, le Lieutenant Chapeaux est blessé aux avant-postes en Italie (mort le 12).

Le 12 décembre 1813, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vérone, au Général de Division Quesnel : "Comme S. A. I. l’a annoncé ce matin, mon cher général, la brigade d’Arnaud de la division Rouyer relèvera demain celle du général Campy en même temps que vous enverrez le bataillon du 1er léger en 2e ligne derrière Saint-Michel pour remplacer le 14e léger, après que ce dernier sera venu le relever dans la position et les postes qu’il occupe aujourd’hui ; le bataillon du 1er léger pendant qu’il sera à Saint-Michel recevra des ordres du général d’Arnaud, mais vous continuerez à lui donner ceux relatifs à votre division et ferez assurer ses subsistances.
Faites recommander au chef de bataillon Noël de bien faire surveiller la ligne des avant-postes qu’il va tenir ...
" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 30 page 72).

Vers la fin du mois, les troupes italiennes qui étaient en Espagne étant rentrées et les divers corps de l'armée ayant reçu un assez grand nombre de conscrits, armés, habillés, équipés, et assez bien instruits au dépôt d'Alexandrie, le Prince Vice-Roi réorganise son armée en 6 Divisions de la manière suivante :
... DEUXIÈME LIEUTENANCE. - Le Général VERDIER.
PREMIÈRE DIVISION. - Général Quesnel. Général de Brigade Campi, 92e de ligne, 3 Bataillons ; 30e Demi-brigade provisoire, 1er Léger, 1 Bataillon ; 14e Léger, 1 Bataillon ; 10e de Ligne, 1 Bataillon. Général de Brigade, Forestier, 35e Léger, 1 Bataillon ; 84e de Ligne, 3 Bataillons. Force, 7,384 hommes, et 12 bouches à feu (Mémoires du Prince Eugène, t.9, page 441).

L'Armée Franco-italienne au 1er janvier 1814

S.A.I le Prince Vice-Roi Eugène, commandant en chef.

2ème Lieutenance : Général Verdier.

1er Division : Général Quesnel.

Brigade Campi :

30ème Demi-brigade ; 1er Léger (3e Bataillon 15 Officiers et 1132 hommes), 14ème Léger, 10ème de Ligne.

Les soldats aiment leur Général en chef : ils se battent vaillamment. Sur l'Adige, ils font des prouesses pour arrêter l'invasion. Ils y seraient parvenu sans la défection de Murat qui, au lieu de leur amener le renfort de ses troupes de Naples, accueille les propositions des coalisés, prend position à Modène et devient bientôt pour le Prince Eugène une menace des plus dangereuses.

Le Vice-roi ordonne alors la retraite sur le Mincio. Pendant l'exécution de ce mouvement rétrograde, le 1er Léger est sérieusement engagé à Villafranca, dans la défense du pont du Tione, le 4 février 1814. Le Vice-roi cite à l'ordre de l'armée "pour avoir puissamment contribué au succès de la journée : le chef de bataillon Pantolini, les lieutenants Danane, Massare, Habon, l'adjudant Quenhal, les sergents Lamarque, Lacroix, Halard, Genetier, les carabiniers Michot, Martin et le chasseur Castagnolet ...".

Selon Martinien, le 8 février, au Mincio, les Sous lieutenants Hierthes et Maitrot sont blessés.>/p>

Hippolyte d'Espinschal, du 31e Chasseurs à cheval, donne le récit suivant de la bataille : "... L'armée se mit en mouvement sur trois colonnes : celle de droite composée des divisions Rouyer et Marcognet, de la garde royale et de la cavalerie légère du général Perreymont, sortit de Mantoue sous les ordres du général comte Grenier par la grande route de Vérone passant par San Brizio et se dirigeant sur Roverbella. Celle de gauche, formée de la division Fressinet, sous les ordres du général Verdier, et du 4e chasseurs italien, réunie sur les hauteurs de Mazinbona, devait passer le Mincio au pont de ce village et se diriger sur Villafranca par les hauteurs de Vallegio.
Le centre, où se trouvait le Vice-roi en personne, se composait de la division Quesnel et de la brigade du général Bonnemain, ayant sous ses ordres le 31e Chasseurs, deux bataillons du 1er léger et deux du 4e (sic; 14e ?) avec six bouches à feu.
Le point de réunion de la colonne de droite avec celle du centre était fixé au coude de la route, entre Marengo et Roverbella.
Celui de la colonne de gauche avec les deux autres, l'avait été à Villafranca ; c'était la que le prince Eugène avait compté trouver le corps d'armée ennemi et lui livrer bataille.
Telles étaient les dispositions du prince qui, dès la pointe du jour, se trouvait avec son état-major près du pont de Goïto pour voir défiler la colonne du centre, qui devait commencer l'attaque ; sa présence inspira une ardeur difficile à décrire ; sa figure était rayonnante d'espérance et de satisfaction.
Lorsque le 31e Chasseurs, fort de 1100 chevaux, chargé de former l'avant-garde de l'armée, défila devant lui dans une tenue magnifique et brandissant le sabre aux cris de « Vive l'Empereur », il nous fit, au colonel et à moi, un petit signe amical de la main qui me fit l'effet d'une commotion électrique.
Aussitôt que nous eûmes passé le pont, nos tirailleurs rencontrèrent l'ennemi, foncèrent dessus et enlevèrent tout un grand poste avec l'officier qui le commandait puis, traversant rapidement le défilé de Majoli, nous nous formâmes en ligne de bataille et nous nous mimes aussitôt en marche, en colonne d'attaque dans la direction de Marengo, afin de protéger le développement des troupes qui passaient le Mincio.
Ce fut en ce moment que je reçus l'ordre de prendre le commandement de l'avant-garde avec 300 chevaux et quatre compagnies du 14e léger, ayant l'injonction d'attaquer vigoureusement. Nous tardâmes peu à rencontrer quatre escadrons des dragons d'Hohenlohe, en colonne par pelotons, que nous chargeâmes avec une telle promptitude qu'ils n'eurent pas le temps de se déployer et furent culbutés, poursuivis le sabre dans les reins plus d'un quart de lieue jusqu'au village de Roverbella, d'où débouchait alors un bataillon autrichien ; l'aspect de cette troupe qui semblait vouloir nous éviter, animant les chasseurs, nous abandonnâmes les dragons pour foncer dessus, tandis que nos voltigeurs arrivaient au pas de course. Ce bataillon, abandonné par les dragons, chercha vainement à former le carré et mit en entier bas les armes, après nous avoir fait essuyer deux décharges qui tuèrent un maréchal des logis, quatre chasseurs et en blessèrent sept. Je le dirigeai aussitôt sur le pont de Goïto, sous l'escorte de 25 voltigeurs et 4 chasseurs, en écrivant au crayon au général Vignolles, chef d'état-major général de l'armée, que je le priais de dire à Son Altesse Royale que je lui envoyais un bataillon du régiment de Chateler, deux officiers et un drapeau puis, ralliant aussitôt ma troupe et continuant de marcher sur Marengo ainsi que j'en avais reçu l'ordre, nous tombâmes au milieu des équipages de l'armée ennemie, y portant le désordre et enlevant sans la moindre résistance plus de 60 chevaux de main, des fourgons, trois caissons et une centaine de prisonniers.
Déjà, je comptais pousser ma chance heureuse sur Vérone, lorsque le chef d'escadron Méjan, aide de camp du Vice-roi, arrivant à moi, m'apporta l'ordre de changer de direction en m'annonçant l'étrange événement qui se passait. Il m'apprit qu'au moment où nous passions le Mincio à Goïto, une partie de l'armée autrichienne le passait de son côté, sur notre gauche, à Vallegio, et attaquait la division du général Fressinet. Le maréchal de Bellegarde était loin de prévoir que le Vice-roi viendrait l'attaquer et lui livrer bataille ; il croyait au contraire que le prince pensait à abandonner le Mincio, ce qui l'avait décidé à passer cette rivière ainsi, par une de ces circonstances vraiment extraordinaires, presque incroyables et tout à fait imprévues, les deux armées ennemies exécutaient, dans le même moment et dans un sens opposé, un mouvement semblable, ce qui m'expliquait l'événement du bataillon de Chateler placé en observation à Roverbella avec les dragons d'Hohenlohe et la facilité avec laquelle nous avions enlevé les équipages de l'ennemi. Le commandant Méjan ajouta que le prince, en lisant mon billet, avait eu l'idée que j'allais me fourvoyer en suivant la direction qui m'avait été donnée, toutes les dispositions d'attaque se trouvant changées, et il me prescrivit en son nom de rejoindre le régiment en m'indiquant le lieu où il devait être.
Au moment où j'y arrivais, le centre et la colonne sortie de Mantoue, qui avaient fait leur jonction, firent un changement de direction à gauche en se dirigeant sur Pozzolo et laissant la garde royale en réserve près le pont de Goïto. Dans ce moment, le combat devint terrible, nous trouvant en face de plus de 25000 hommes auxquels nous en opposions tout au plus 12000. Le général Mermet, à la tête de la brigade Perreymont, voulut attendre la charge d'un régiment de hussards et de uhlans au lieu de la prévenir ; le 1er Hussards fut culbuté et mis en désordre ; le prince, qui se trouvait là dans ce moment, n'eut que le temps de se mettre dans un carré dont la contenance ferme arrêta la fougue du l'ennemi.
Le général Mermet, culbuté de cheval par un hussard, fut sur le point d'être pris et tiré de cette bagarre par un brigadier, lorsque le colonel Narboni, arrivant avec les dragons italiens de la Reine, charge avec furie et donne le temps au 1er Hussards de se rallier ; son intrépidité, qui répara la faute du général, fut achetée au prix d'un tiers de son brave régiment, mais il eut la gloire de rétablir le combat sur ce point. Dans ce même moment, le 31e Chasseurs était, à la droite, exposé sous le feu de trois bataillons hongrois et de 18 pièces d'artillerie vomissant la mort dans nos rangs. Le colonel Desmichels, voulant prévenir le désastre du régiment, ordonna la charge sur les Hongrois au moment où ceux- ci marchaient sur nous à la baïonnette : deux fois nous fûmes repoussés avec pertes, déjà le brave et estimable colonel Chevalier, commandant les hussards de la garde napolitaine, qui était venu se placer dans nos rangs, venait d'avoir la tête fracassée d'un coup de mitraille ; une partie de sa cervelle sauta sur mes habits ; plusieurs officiers et grand nombre de chasseurs venaient d'être frappés, lorsque le général Bonnemain, à la tête du 1er et du 14e léger soutenus de huit pièces, vint porter le ravage dans le carré et nous ordonna de charger sur deux régiments de cavalerie qui venaient à son secours ; la mêlée fut affreuse pendant quelques instants, mais les Autrichiens, forcés de tourner bride, se retirèrent en désordre et se rallièrent sous la protection de leurs batteries.
Il était alors cinq heures du soir ; le combat se soutenait avec acharnement sur tous les points, et rien n'était encore décidé, lorsque le Vice-roi, arrivant près du général Bonnemain, examina avec attention pendant quelques instants, puis ordonna au 31e Chasseurs de fournir une nouvelle charge et aux deux régiments d'infanterie légère de marcher à la baïonnette. La présence du prince au milieu de la fusillade et des boulets, son calme et cette confiance qu'il savait si bien inspirer, produisirent sur la troupe une exaltation difficile à rendre ; la musique des deux régiments, placée en arrière, se fait entendre, les tambours battent la charge, et le général Bonnemain, marchant en tête, se dirige sur l'infanterie ennemie avec son artillerie, tandis que le colonel Desmichels, quinze pas en avant du régiment, brandissant son sabre en nous montrant les dragons et les cuirassiers autrichiens qui commençaient à s'ébranler, lance le régiment avec impétuosité. Ce combat, qui fut, pour le centre, le dernier de la journée, décida de notre succès l'ennemi culbuté, poursuivi sans relâche pendant près d'une demi-heure se retira en désordre, laissant entre nos mains 1500 à 1800 prisonniers, 8 pièces de canon, 2 étendards, 3 drapeaux et le terrain jonché de cadavres. Une heure après, cette plaine, au milieu de laquelle avaient retenti pendant près de douze heures le bruit du canon, de la fusillade, les cris des mourants et des blessés, n'était plus témoin que de notre allégresse.
Nous restâmes sur le champ de bataille que nous venions de conquérir, où nous passâmes une partie de la nuit, harassés de fatigue, pendant que les voitures d'ambulance venaient enlever les blessés pour les transporter de l'autre côté du Mincio, ignorant encore si le combat ne recommencerait pas le lendemain ; mais nous tardâmes peu à apprendre que l'ennemi se retirait sur Vérone.
Ce brillant combat, dans lequel l'armée perdit près de 2000 hommes, en coûta 6000 à l'ennemi, 3000 prisonniers, en partie faits par le régiment, et 19 pièces de canon, résultat obtenu par le centre depuis le commencement de la journée ....
Nous eûmes, dans la matinée du 9, des détails sur le combat soutenu la veille par la division Fressinet. Ainsi que je l'ai dit plus haut, le feld-maréchal Bellegarde, persuadé que le Vice-roi abandonnait la ligne du Mincio, s'était déterminé à le passer précisément au même instant que-nous allions à lui pour le combattre, coïncidence vraiment extraordinaire et qui peut-être n'a jamais eu un exemple pareil ; il avait choisi pour le passage de la rivière le lieu de Borghetto, où il n'éprouva aucun obstacle, le général Fressinet ayant commencé le mouvement qui lui avait été prescrit. 18000 hommes passèrent à Borghetto, s'emparèrent des hauteurs de Volta et poussèrent des partis de cavalerie vers Cerlungo, qui enlevèrent une partie des équipages de la brigade Bonnemain restés dans ce village. (Ceux du colonel Desmichels et les miens furent sauvés par la présence d'esprit et la bravoure de nos ordonnances, que nous y avions laissés avec huit chasseurs.) Le Vice-roi, placé sur une hauteur près Monzenbano, vit l'ennemi derrière lui, occupant Volta et s'étendant dans la plaine de Goïto. II ne balança pas à livrer bataille à la partie de l'armée autrichienne qui était encore sur la gauche du Mincio ; ce fut alors qu'il ordonna un changement de direction et que se livrèrent les combats que j'ai décrits dans lesquels les Autrichiens finirent par succomber. Mais, dans ce même moment, le général Verdier avait à tenir tête, avec la division Fressinet forte de 9 000 hommes, à une masse deux fois plus forte il prit position en arrière du ruisseau de Monzenbano, appuyant sa gauche au village et occupant la tête de pont ; nos troupes se battirent avec la plus grande valeur et doublèrent de courage lorsque notre canon se fit entendre à Pozzolo ; par suite des mouvements opérés par le prince, l'incertitude se mit dans les rangs ennemis ; le général Verdier en profita pour ordonner une charge à la baïonnette qui força les Autrichiens à la retraite, se repliant dans le coude que forme la rivière à Borghetto et, pendant la nuit, ils repassèrent le Mincio, laissant quelques troupes pour garder le pont.
L'armée d'Italie n'eut, dans la journée, que 24000 hommes engagés sur les deux rives du Mincio, tandis que l'ennemi en avait 50000. Tel fut l'événement d'une des plus singulières batailles par la disposition des troupes qui se soit encore livrée : l'erreur de cette disposition ôta au comte de Bellegarde tout l'avantage qu'il aurait pu espérer de la supériorité numérique de son armée. La croyance où était le feld-maréchal que le Vice-roi avait abandonné, le Mincio peut bien expliquer le mouvement de ce premier, mais ne peut l'excuser ; car cette croyance portait sur un fait qu'il pouvait facilement vérifier. Ainsi, le comte de Bellegarde, sans aucune reconnaissance préalable, fit exécuter un passage entre les deux têtes de pont que nous occupions, se livrant de cette manière aux mouvements de flanc dont le prince, en militaire habile, s'était ménagé la possibilité ; il fallut toute la surprise que dut causer une opération tout à fait imprévue pour sauver l'armée autrichienne d'un désastre complet ; au reste, les conséquences de la bataille du Mincio furent telles que le comte de Bellegarde ne put plus reprendre l'offensive
" (Masson F., Boyer F. : « Hippolyte d’Espinchal, souvenirs militaires, 1792-1814 », Paris, 1901, t. 2, p. 234.

Le lendemain, le Capitaine Delamarre, qui est aux avant-postes du Mincio, est également blessé.

Hippolyte d'Espinschal raconte : "... Le Vice-roi pouvait, le 9, hasarder une nouvelle bataille dont le succès eût rejeté l'armée autrichienne en désordre de l'autre côté de l'Adige, mais il ne crut pas devoir abandonner sa forte position du Mincio, voulant attendre le résultat des grands événements qui se passaient en France. Cependant, il fit toutes ses dispositions pour refouler l'armée napolitaine, et il pensa avec raison que deux divisions françaises suffiraient pour cette opération. En conséquence, dans la matinée du 9, l'armée se mit en mouvement sur Goïto ; cette marche rétrograde se fit par échelons et lentement, ayant à l'arrière-garde le 31e Chasseurs avec deux bataillons d'infanterie légère et quatre pièces de canon, sans que les Autrichiens fissent mine de nous inquiéter.
Les positions furent prises sur la rive droite du Mincio, le quartier général du Vice-roi à Volta en arrière, le 31e Chasseurs au village de Cereta, la garde royale à Cerlungo et l'infanterie dans différentes positions le long de la rivière, appuyée de plusieurs détachements de cavalerie.
Dans la journée, le prince fit, par un ordre du jour, ses remerciements à l'armée sur sa brillante conduite ; il voulut bien ajouter mon nom à ceux du général Bonnemain et du colonel Desmichels, ainsi que de plusieurs autres officiers, et adressa d'une manière particulière les éloges les plus flatteurs aux 1er et 14e d'infanterie légère aussi bien qu'aux dragons de la Reine et au 31e Chasseurs, comme ayant le plus contribué au gain de la bataille
" (Masson F., Boyer F. : « Hippolyte d’Espinchal, souvenirs militaires, 1792-1814 », Paris, 1901, t. 2, p. 241).

Organisation Nouvelle de l'armée d'Italie, Ordre de bataille du 11 février 1814

Commandant en chef, le Vice-roi (Armée d'opération du Mincio)

1ère Lieutenance, le Lieutenant général Grenier

2ème Division, Général Royer :

2ème Brigade : Général D'Arnaud : 1er Léger, 1 Bataillon

Corps de droite, Général Gratien - Division Gratien :

Général Soulier : 1er Léger, 1 Bataillon

Le 17 février 1814, Porson écrit, depuis Turin, à Vignolle : "Mon général, ayant présumé que 1,200 hommes de plus ne pourraient pas être indifférents au général de division comte d'Anthouard, le prince Camille vient d'ordonner au 6e bataillon du 1er d'infanterie légère et au 4e du 42e de partir demain d'Alexandrie, pour se rendre à Plaisance, où ils arriveront le 21 du courant pour renforcer la division Gratien ..." (Mémoires du Prince Eugène, t.10, page 188).

Le 23 février 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Plaisance, au Vice-Roi : "… J’ai vu aujourd’hui la majeure partie de la division Gratien ... Il est arrivé hier deux bataillons de la division Vedel pour renforcer cette division, 6e du 1er léger et 4e du 42e. Le général Porson a écrit au général Gratien de les renvoyer à Alexandrie au premier mouvement que l’on sera dans le cas de faire ici. La division Gratien n’est pas encore en mesure de se présenter à l’ennemi ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 61 page 135).

Le 24 février 1814, Porson écrit, depuis Turin, à Vignolle : "… On nous annonce que le maréchal Augereau, après avoir emporté les retranchements de l'ennemi à Montluel, où il a fait 1,000 prisonniers et pris 8 pièces de canon, marche sur Genève ; d'après ce mouvement, Chambéry serait évacué ; mais, comme cette nouvelle n'est pas officielle, quoique répandue de toutes parts, je ne puis vous la donner pour certaine ; mais tout le monde y croit. La confirmation des succès obtenus par le maréchal Augereau venant d'arriver au moment· que je finissais cette lettre, je continue pour vous annoncer, mon général, que je transmets les ordres du prince Camille pour que les détachements ci-après, appartenant aux bataillons de guerre de l'armée d'Italie, rejoignent leurs corps en passant par Plaisance, où ils pourront être retenus, si Son Altesse Impériale le prince vice-roi veut les laisser au général Gratien pour renforcer sa division ...
Le 4e bataillon du 7e de ligne fort de 800 hommes, après avoir réuni ses détachements dans la vallée d'Oulx, partira de Turin le 1er mars ; le 4e bataillon du 137e se mettra également en route d'Alexandrie le 26 février pour Plaisance, où il arrivera le 1er mars, composé de 700 hommes.
Ce qui fera pour l'armée d'Italie un renfort de 2,525 hommes ...
Ces deux bataillons, partant l'un de Turin et l'autre d'Alexandrie pour Plaisance, ainsi que le 4e bataillon du 42e et le 6e du 1er léger qui sont déjà dans cette place, doivent faire partie de la 2e division de l'armée de réserve d'Italie, si tant y a que cette prétendue armée dût s'organiser, ce dont je doute, puisque nous ne recevrons pas assez de conscrits pour compléter les cadres ; qu'il n'y a point de cavalerie, autre que le 14e de hussards, qui s'organise, et auquel il faudra au moins deux mois pour présenter 500 chevaux ; il a en ce moment un détachement de 50 hussards montés à Alexandrie, que l'on avait envoyé dans cette place pour les découvertes ; si Son Altesse Impériale désire l'avoir à son armée, le prince Camille est prêt à le lui envoyer. Vous voyez que notre armée de réserve servira à peine à alimenter celle du prince vice-roi
" (Mémoires du Prince Eugène, t.10, page 190).

Selon l'Historique régimentaire, quelques jours après, par ordre de l'Empereur, le Dépôt et le 6e Bataillon du 1er Léger prennent la route de France par Brescia, Lodi, Milan, Turin, Suze et rejoignent à Grenoble les 1er et 2e Bataillons.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"... mais alors le roi Murat venant de Rome d'où il avait expulsé le peu de Français qui occupaient cette contrée, joignit ses troupes à celles de l'Autriche.
Cette lâche défection conseillée par une politique perfide, pour se conserver à ce prix le trône de Naples, lui porta malheur, car après avoir été abandonné de l'Autriche et chassé par l'ancien roi de Naples, il se réfugia en Corse d'où il se rendit en Calabre avec un petit nombre de partisans, arrêté de suite en débarquant, il fut livré à une commission militaire, condamné à mort et fusillé immédiatement.
On a dit aussi du prince Eugène Beauharnais, vice roi d'Italie, qu'ayant à regretter les démarches qu'il fut obligé de faire envers sa mère, l'impératrice Joséphine, pour la disposer à la volonté de l'empereur Napoleon lorsque, désirant un héritier direct, il chercha un prétexte pour la répudier, ce prince, jusque là si grand, si dévoué, ne fit plus tout ce qu'il pouvait faire pour conserver l'Italie à Napoléon, d'autant qu'ayant épousé une princesse de Bavière, quels que fussent les événemens qui pouvaient menacer l'empire, par suite des pertes irréparables faites en Russie, dans la Pologne, la Prusse, l'Allemagne, beau fils du roi de Bavière, sa fortune, comme prince, n'en était pas moins assurée. Il délaissa l'armée d'Italie et la France
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Armée d' Italie au 1er mars 1814

2ème Lieutenance, Général Verdier

1ère Division, Général Quesnel :

1ère Brigade : Général Campi : 30e 1/2 Brigade comprenant le 3e Bataillon du 1er Léger : 24 Officiers, 707 hommes et 2 chevaux présents; 376 absents sans solde (hôpitaux, ou congé) . Effectif total : 1107 hommes.

Corps de droite, Général Gratien. - Division Gratien :

Général Soulier : 1er Léger, 1 Bataillon

Le 22 avril 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Crémone, au Général Maucune : "… C’est par ordre que, dans ma précédente, je vous ai invité à diriger les bataillons du 1er léger et 42e demain sur Lodi ; c’est à Casalpusterlengo qu’ils devront loger pour se rendre le 24 à Pavie. Ces bataillons auront ainsi moins de chemin à faire ; ci-joint l’itinéraire qu’ils auront à suivre jusqu’à ce qu’ils reçoivent des ordres ultérieurs du Prince Borghèse" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 77 page 167).

Le même 22 avril 1814, le Général de Division Grenier écrit encore, depuis Crémone, au Général Maucune : "J’ai reçu ce matin votre lettre du 21. Je prévoyais en quelque sorte l’opposition que mettrait le général Nugent au passage des troupes sur la rive droite du Pô. Quoique j’ignorasse l’occupation de Stradella et de Casteggio par ses troupes ; l’art. 5 de la convention est mal rédigé et il l’interprète en sa faveur, malgré que le paragraphe relatif aux troupes sortant de Plaisance n’a été adopté que pour laisser le Prince maitre de les diriger vers la rive gauche du Pô, s’il le jugeait convenable. Quoi qu’il en soit, il ne faut plus penser à diriger des troupes par Stradella et vous donnerez en conséquence ordres aux bataillons (1er léger et 42e) de partir de Plaisance demain 23 pour arriver le même jour à Lodi et le 24 à Pavie où ces deux bataillons recevront leur continuation de route …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 77 page 167).

Toujours le 22 avril 1814, le Général de Division Grenier écrit également au Prince Camille : "S. A. I. le Prince Vice-Roi d’Italie en donnant les ordres pour le mouvement de l’armée française vers les Alpes, avait donné à la 1ère division de réserve la direction sur Turin par la rive droite du Pô ; depuis, présumant que l’intention de V. A. I. serait de renforcer la garnison d’Alexandrie, j’ai donné l’ordre au général Maucune de faire partir aujourd’hui les 6e bataillon du 1er léger et 4e du 42e pour aller coucher à Stradella et se rendre à Alexandrie aux ordres de V. A. I. ; mais j’ignorais que Stradella et Casteggio fussent occupés par l’ennemi. Le général Maucune m’en informe par lettre du 21 et me mande en même temps que le général Nugent s’est opposé formellement à ce passage, en vertu de l’article 5 de la convention ; le départ de ces troupes a donc été suspendu aujourd’hui. Je viens de lui prescrire de les faire partir demain 23 pour Lodi ; le 24, ces deux bataillons se rendront à Pavie d’où je compte les diriger par Mortara et jusqu’à hauteur de Casale où V. A. I. pourrait leur faire passer le Pô et les diriger de manière à arriver le 28 au soir ou le 29 de grand matin à Alexandrie, à moins que V. A. I. n’ait d’autres troupes dont Elle puisse en ce moment disposer pour compléter la garnison de cette place, sans prendre sur celles qui reviennent de Plaisance, ce qui vaudrait pour être mieux et éviterait toute réclamation . Les bataillons du 1er léger et du 42e pouvant être utilisés, soit à Fenestrelles, soit dans la citadelle de Turin …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 78 page 169).

Le 23 avril 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Lodi, au Prince Camille, à Turin : "… J’écris au général Maucune qui en donnera avis au général Gratien en lui prescrivant néanmoins que le départ des bataillons (1er léger et 42e) et celui de la 1ère colonne, composé des équipages et malingres et tenant le restant de sa division prête à partir le 27 au lieu du 28, sauf le bataillon qu’il devra laisser à Plaisance selon les nouveaux ordres qu’il recevra de V. A. …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 81 page 174).

Le même 23 avril 1814, le Général de Division Grenier écrit aussi au Général Maucune, à Plaisance : "J’ai reçu ce soir, mon cher général, vos deux lettres de ce jour. J’ai fait connaitre à S. A. le gouverneur général l’itinéraire que j’ai donné pour la division de réserve. Je pense qu’il n’y a plus d’inconvénient à ce que le général Gratien suive, pour le 1er léger et le 42e, ainsi que pour la colonne des équipages, l’itinéraire donné, et qu’il prépare, pour le restant de la division, le mouvement pour le 27 au lieu du 28, sauf pour le bataillon que le Prince Borghèse veut laisser dans la citadelle de Plaisance, et pour lequel le général Gratien recevra sans doute de nouveaux ordres …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 81 page 174).

Le 26 avril 1814, le Général de Division Grenier écrit, depuis Vigevano, au Prince Camille, à Turin : "… J’ai demandé aussi à M. de Neipperg le passage sur la rive droite du Pô pour la division de réserve ; j’ignore s’il y consentira. Les deux bataillons (1er léger et 42e) couchant aujourd’hui à Mortara, demain à Casal et le 28 à Alexandrie, je prie V. A. I. d’en faire donner avis au général D’Espinois …" (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 82 page 176).

D'après un "Bordereau des corps et détachements de l’armée d’Italie pour servir à la répartition définitive du résidu des fonds provenant de la gratification accordée par S. A. I. le Prince Eugène, calculée à raison d’environ 10 jours de solde pour chaque grade, et pour les hommes présents seulement, d’après les états adressés par les corps ; cette répartition est faite conformément aux intentions de son excellence le comte Grenier", il est prévu pour les 3e et 6e Bataillons du 6e de Ligne :

Présents sous les armes
Somme revenant à chaque corps pour
Total
Officiers
Sous-officiers et soldats
Officiers
Sous-officiers et soldats
44
843
965
2982
3947

"Plus pour les corps qui n’avaient pas touché les deux tiers dans le premier payement :
... 1er Régiment léger : 1133,29 ...
"; ce tableau a été certifié par le Chevalier de Saint-Charles, Inspecteur aux Revues de l’Armée d’Italie, à Manosque, le 20 juin 1814 (Papiers du Général Paul Grenier. X. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 133 page 278).

K/ Campagne de France en 1814 - Le 1er Léger, Régiment du Roi

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Deuxième recrutement des Alpes Maritimes
- Retour à Nice
Peu de jours après mon arrivée à A1exandrie, je reçus du directeur général de la conscription militaire, l'ordre de retourner derechef à Nice, pour y reprendre le commandement du recrutement. Je quittai de bon coeur le dépôt où je me trouvais déplacé, et le 28 novembre 1813, je me remis en route, passant par Alba, Cherasco, Coni, Limon, Tende, le col de Tende, Sospello, Lescarène, et j'arrivai à Nice le 6 décembre, où je fus reçu avec joie par les bons amis que j'y avais laissés.
Le 16 janvier 1814 naquit en cette ville mon cinquième enfant, Edouard Henri ; son parrain a été M. Barberau, capitaine au 29e régiment de ligne, représenté par mon fils Charles Emile; et sa marrraine, madame Bonnamie Thérèse Dénéchaux, épouse du maitre tailleur du 1er régiment d'infanterie légère, représentée par ma fille Marie Charlotte.
J'eus de suite à m'occuper de la levée de 1815, que le gouvernement aux abois appelait par anticipation. Dans ce moment, des événemens de la plus haute importance allaient accabler la France et apporter des changemens considérables dans nos relations avec les habitans des pays conquis; la guerre et la politique remuaient vivement les passions ; et les arrêts immuables du Destin, qu'aucune force humaine ne pouvait ni changer ni suspendre, allaient s'accomplir impérieusement. Les alliés pénétraient en Prance par les grands passages des Alpes que nous avions aplanis, et par les contrées du Nord qui étaient sans défenses ; et cette France que la République et l'Empire avaient faite si grande, était envahie par les hordes les plus reculées dans le Nord de l'Europe; les efforts de nos braves soldats dont le courage était indomptable, et le génie de Napoléon se montraient encore rapidement sur les points menacés, et gagnaient même des batailles, mais ils ne pouvaient plus suffire aux attaques multiples des colonnes nombreuses des étrangers de toutes les nations qui pullulaient sur toutes les routes et se poussaient sur Paris; les armées françaises, réduites à rien, se couvraient de gloire, mais elles ne pouvaient arrêter cette masse envahissante qui couvrait la France; il fallait qu'elles succombassent dans cette lutte inégale et acharnée; à son tour, cette noble France devait subir l'humiliation que la coalition voulait lui imposer. Les nouvelles qui nous parvenaient difficilement, tantôt bonnes et tantôt déplorables, nous mettaient dans des alternatives cruelles, dont nous ne pouvions présumer la fin sans frémir sur le sort de notre patrie dont l'existence était devenue problematique, surtout depuis que la trahison de quelques grands personnages de l'empire sccondait si bien la colère des potentats que la France avait si souvent fait trembler
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

1/ A l'Armée de Lyon

Nous avons vu précédemment que les éléments du 1er Léger en Espagne s'étaient mis en route pour Perpignan le 4 février 1814; de là, il passe par Narbonne, Mèze, Lunel, Vatiguère, Montélimart et Saint Vallier et arrive à Lyon entre le 10 et le 15 février selon les sources. L'effectif est alors de 1293 hommes (Colonel Pillet - 1er Bataillon Commandant Delaunay; 2e Commandant Buirette - 41 Officiers et 1250 hommes).

Le Maréchal Augereau organise à Lyon l'armée dont l'Empereur lui a donné le commandement. La situation n'est pas brillante; car, sauf les 10000 hommes de Catalogne qui viennent de le rejoindre, le Général en chef n'a près de lui qne des soldats trop jeunes et des cadres trop vieux, pas de magasins, pas d'artillerie, pas de chevaux. Il s'en plaint à l'Empereur et s'attire de celui-ci une lettre de reproche et d'exhortation : "Souvenez-vous de Castiglione, oubliez vos cinquante-six ans,... soyez le premier aux balles,... il faut reprendre ses bottes et sa résolution de 93. Quand les Français verront votre panache aux avant-postes, vous en ferez ce que vous voudrez....".

16 février 1814 : Armée de Lyon sous les ordres du Duc de Castiglione. Division de Catalogne, sous les ordres du Général de Brigade Pannetier; 1er Léger (Colonel Pillet) : 1er et 2e Bataillons : 38 Officiers, 1268 hommes et 185 aux hôpitaux.

Le 17 février, la Division Pannetier prend le nom de 2e Division d'Infanterie.

Fig. 58b 1814 ? Fig. 58a 1814 ? Fig. 58 1815 ?

Augereau se met en marche le 28 février en remontant le cours de la Saône. Le 1er Léger a été placé à la Division Pannetier (La première Division est commandée par le Général Musnier. La Division Pannetier se compose à cette époque de 3 Brigades : Gudin, Ordonneau et Estève; en mars, elle sera réduite aux Brigades Gudin et Estève), qui occupe successivement le 3e puis le 2e rang. Dans cette Division, le Régiment fait d'abord partie de la Brigade Estève; au commencement de mars, il passe à la Brigade Gudin, qui comprend également le 16e de ligne.

Le 11 mars, l'Armée prend position au nord de Villefranche et repousse les premières attaques de l'ennemi.

Le 15 mars, l'effectif des présents au 1er Léger (1er et 2e Bataillons) est de 1511 hommes. A cette date, Martinien indique que le Capitaine Bemond est tués et le Lieutenant Laforge blessé au cours d'un combat à Saint Georges.

Le 18 mars, la Division Pannetier, déployée sur la route de Mâcon en avant de Saint-Georges, résiste à tous les effort, Autrichiens et les contraint à la retraite. Le 1er Léger se fait remarquer à Saint-Georges par sa solidité éprouvée. "Dans cette journée, écrivait le lendemain le Général en chef, 10 000 hommes ont tenu en échec et battu complètement 25 à 30000 hommes. L'ennemi a eu 2000 tués, blessés ou pris. Le village de Saint-Georges était couvert de ses morts. Je dois des éloges à tous les généraux et à toutes les troupes.... Le colonel Pillet du 1er Léger s'y est particulièrement distingué".

Craignant d'être débordé et coupé de Lyon, Augereau se rapproche de cette place et s'établit à hauteur de Limonest, à cheval sur la Saône. Le 1er Léger, formant la droite de la Brigade Gudin, occupe la partie droite du village; il a à sa gauche le 16e, à sa droite la Division Musnier. Vers midi, l'ennemi prononçe d'abord deux attaques, dont une sur Limonest même et l'autre sur l'extrême gauche des lignes françaises. Cette dernière est menée très vivement et reçue avec non moins de vigueur. Malheureusement la violence du combat fait craindre au Général Pannetier d'être tourné et il ordonne d'abandonner Limonest, pour se reporter dans les faubourgs de Lyon. Le 1er Léger, obéissant à regret à cet ordre intempestif se replie lentement, mais non sans pertes, sur le faubourg de Vaise.

L'ennemi, profitant de cette faute et enhardi par ce mouvement de recul, se jette hardiment dans la trouée; mais les héros de Catalogne ne battent en retraite que par ordre, et tous les efforts des Autrichiens sur Vaise viennent se briser contre "leur opiniâtreté admirable" (rapport d'Augereau). L'obscurité de la nuit met fin au combat : on s'est battu un contre quatre. "Le soir, le maréchal revînt à Lyon, dit le journal des opérations. Il convoqua le sénateur comte Chaptal, le comte de Bondy, préfet du Rhône, le commissaire général de police et le conseil municipal de Lyon. Le maire le supplia d'épargner à ses concitoyens les calamités, suite inévitable d'une résistance inutile... Persuadé lui-méme de l'impossibilité d'une résistance efficace contre une armée qui avait mis la veille plus de 40000 hommes en ligne,... le maréchal ordonna l'évacuation de Lyon...". Le lendemain matin, avant le lever du jour, le Général en chef, ayant cédé aux prières de la municipalité de Lyon, évacue Lyon. Martinien signale qu'au cours de la défense de Lyon, le 20 mars, a été blessé le Lieutenant Balme.

L'armée se retire sans bruit et en bon ordre, d'abord sur Vienne, puis derrière l'Isère. Dans la nouvelle ligne de défense, le 1er Léger occupe Romans où il prend part, le 2 avril, à un combat de rues qui dure deux heures. Le Général Pannetier avait été remplacé à la tête de sa Division par le Général de Vedel, lorsque l'ennemi se présenta inopinément au nombre de 6 à 7000 hommes. La défense est organisée à la hâte; on élève des barricades, on crénelle quelques maisons, mais il faut céder au nombre et pour ne pas être cerné et pris, on évacue la ville. Le Capitaine Montossé a été blessé sur une barricade. C'est le dernier engagement auquel prend part le 1er Léger pendant cette campagne qui, du 20 mars au 2 avril, lui a coûté 7 à 800 hommes. La capitulation de Paris et l'abdication de Napoléon mettent fin aux opérations militaires : le 12, Augereau reçoit de Dupont, Ministre de la guerre du gouvernement provisoire, l'ordre de conclure une suspension d'armes définitive.

Situation de l'Armée de Lyon au 9 avril (SHAT) :

2e Division Vedel; 1er Léger (1er et 2e Bataillons) : 40 Officiers et 1101 hommes.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Toute la population de Nice et de ses environs fut bientôt agitée par un événement qui n'était que la conséquence de nos désastres; il contribua en ce moment à maintenir la tranquillité dans cette contrée en empêchant les agitateurs de nous nuire, en détournant de nous les mauvaises passions de la populace.
Par décret de Vienne, du 17 mai 1809, Napoléon avait réuni Rome à la France, et le pape Pie VII, par représaille, excommunia l'Empereur le 10 juin suivant; à son tour, le 10 juillet, l'empereur fit enlever le pape du Vatican et le fit detenir prisonnier â Savone, dans la riviere de Gênes, sous la garde du général César Berthier; lorsque les Autrichiens eurent pénétré en Italie, en 1813, que Murat se fut joint à la coalition, S. S. fut emmenée de Savone au château de Fontainebleau où sa captivité continua.
L'envahissement de la France par les coalisés, leur marche décidée sur Paris, déterminèrent Nupoléon à lui rendre la liberté. Le Pape allant de Savone à fontainebleau avait passé à Nice, mais presque incognito; quittant actuellement la France, pour rentrer dans ses Etats par le col de Tende, libre cette fois et déjà fatigué du voyage, il s'arrêta trois jours à Nice, admettant dans ses appartemens autant de personnes de toutes classes et de tout sexe qu'ils en pouvaient contenir, sans nuire à sa santé déjà bien affaiblie par l'âge, par sa détention et par le chagrin; chaque soir, au coucher du soleil, toute la population venait s'agenouiller sous son balcon pour y recevoir sa bénédiction papale. Ce respectable vieillard, chef de la religion du Christ, ne voyait autour de lui que des coeurs qui lui étaient dévoués, et il rendait à chacun tout l'amour qu'on lui portait.
Ainsi la présence de cet illustre voyageur occupa les esprits, et détourna l'orage que des esprits turbulens voulaient diriger contre le petit nombre des français encore employés ou résidant dans ce département, qui allait êtrc occupé par les coalisés descendus des Alpes à Lyon ; une conflagration sanglante entre les habitans et ce qui restait de l'armée française en Italie eût été amenée par la population maritime intéressée à la paix avec l'Angleterre, lasse de la guerre et qui commençait à se ruer sur les militaires qui traversaient leur quartier; mais leur attention ayant été attirée sur l'important voyage du souverain pontife leur fit perdre de vue tout autre intérêt ; aussi la ville était encore calme lorsque la nouvelle de l'abdication de Napoléon et la réduction de la France à ses limites de 1792, vint apprendre aux Niçois qu'ils étaient redevenus Piémontais. Cependant nous continuâmes à occuper Nice jusqu'après le passage de la portion de l'armée d'Italie qui devait rentrer en France par la route de Gênes; après le défilé des dernières troupes françaises, le Préfet Dubouchage sortit de Nice escorté par l'élite de la population qui l'accompagna jusqu'au Var devenu la limite des royaumes de France et de Piémont, recevant de tous l'expression de leurs regrets et des voeux qu'ils formaient pour son bonheur, en reconnaissance de sa longue et paternelle administration
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

2/ La première restauration

Fig. 59

Dans le Carnet de la Sabretache, 1909, page 513, G. Cottreau précise que “ le 1er Régiment d'infanterie légère avait été reformé sous le nom de Régiment du Roi après la campagne de France en 1814, avec le 1er Régiment de l'arme en entier et avec un problématique Régiment d'infanterie légère du Roi qui ne dut guère exister qu'en projet sur le papier. Ce Régiment fit partie de la garnison de Paris pendant toute la première Restauration.

Selon l'Historique régimentaire, un des premiers soins de Louis XVIII fut de s'occuper de l'armée pour la reconstituer sur un pied de paix convenable. Les dernières années de l'Empire avaient amené dans les corps une grande dispersion : ainsi le 1er Léger en 1813 avait son principal Dépôt en Italie, un petit Dépôt en France et ses Bataillons actifs, partie en Catalogne et partie en Prusse. Il fallait donc avant tout reconstituer les régiments : dès le 23 avril, le 1er Léger (1er et 2e Bataillons, soit 761 hommes au 25 avril) qui, à la cessation des hostilités, avait été dirigé sur Montbrison, reçoit l'ordre de partir sans retard pour Versailles, de manière à y arriver le 23 mai. Deux jours après, le Colonel Pillet est remplacé à la tête du 1er Léger par M. de Beurnonville. En même temps le Colonel de Cubières est mis à la suite du Régiment.

Etienne Martin de Beurnonville

(12 mai 1814 - mars 1815)

Services : Né à la Ferté-sur-Aube (Haute-Marne), le 10 mars 1787. Entré dans la marine comme novice, le 1er vendémiaire an XIII (24 septembre 1804). élève à l'école militaire, le 15 décembre 1806. Sous-lieutenant, le 27 février 1807. Lieutenant, le 24 novembre 1808; Aide de camp, le 18 avril 1809. Capitaine, le 26 juin 1810. Chef de Bataillon, le 13 avril 1813. Colonel le 28 mai 1813 : reçut le commandement du 19e Léger, le 1er janvier 1814, puis celui du 1er Léger, le 12 mai 1814, quitta ce commandement en mars 1815.

Campagnes, blessures, actions d'éclat et citations : 1807. Prusse. 1809, 1810, 1811. Espagne. 1812 - Russie. 1813 - Allemagne. 1814 - France.

Décorations et distinctions honorifiques : Membre de la Légion d'honneur, le 13 octobre 1809; Officier, le 29 juin 1813. Chevalier de Saint-Louis, le 1er octobre 1814.

Colonel de Cubières

Portrait du Colonel de Cubières, extrait de l'historique du Régiment (également donné en page 45 du "Gloire et Empire" N°20 consacré à la bataille de Waterloo)

Amédée Louis Despans, Marquis de Cubières

(26 mars 1815 - septembre 1815)

Sa jeunesse : Né à Paris, le 2 mars 1788 (Historique du 1er Léger) ou le 4 mars 1786 (Quintin), fils naturel du Marquis Simon Louis Pierre de Cubières, premier page de Louis XV, écuyer de Louis XVI, et de Michelle Sentuary, épouse Guesnon de Bonneuil. Baptisé le 6 à la paroisse Saint Eustache, comme étant le fils de Simon Amédée Despans, Chevalier, Capitaine d'Infanterie, et de Michelle Cécile de Blois.

Incarcéré à cause de ses origines nobles en 1794 (âgé de six ans) dans la prison où était détenue Madame la Duchesse douairière d'Orléans. Admis, en 1796, au nombre des Enfants de la Liberté réunis à l'abbaye Saint-Martin. Entra bientôt à l'hôpital, puis fut recueilli à Versailles par l'honorable famille Jordain qui se chargea de son éducation. Adopté par son père naturel, par acte passé à la mairie de Versailles le 25 septembre 1802 et autorisé à ajouter à son nom celui de Cubières. Le 18 septembre 1803, il s'engagea en tant que volontaire au 3e Cuirassier (Gloire et Empire); il fit ses études au Prytanée de Saint-Cyr (Historique du 1er Léger) et fut reçu en qualité d'élève du Gouvernement à l'école spéciale militaire de Fontainebleau le 6 avril 1804 (Quintin), d'où il sort avec le grade de Sous lieutenant. Marié à Aglaé Buffault le 3 avril 1813.

Services : Sous-lieutenant au 51e de Ligne, le 1er Brumaire an XIII (23 octobre 1804). Lieutenant, le 30 novembre 1806. Aide de camp du Général Morand le 29 décembre 1807. Capitaine, le 7 juin 1809, maintenu dans ses fonctions. Chef de Bataillon, le 8 octobre 1812. Il continue de servir en qualité d'Aide de camp du Général Morand avec solde de Capitaine, puis avec une commission de Chef d'Escadron le 27 janvier 1813. Il est alors âgé de 27 ans et compte 10 ans de services. L'Empereur, rapporte une biographie publiée en 1834, trouvait le Capitaine Cubières trop jeune pour l'avancer. "J'ai pourtant l'âge qu'avait le général en chef de l'armée d'Italie, ni plus ni moins !" s'écria Cubières, qui, par ce langage hardi, sut forcer la main de Napoléon. Colonel, le 19 novembre 1813. Après avoir obtenu un congé d'un mois avec appointements sur décision du Maréchal Berthier le 16 décembre 1813, il est désigné pour tenir l'emploi de Colonel du 18e Léger dont les débris se réunissaient à Grenoble le 2 février 1814 et en prend le commandement à l'Armée de Lyon. Mis à la suite du 1er Régiment d'infanterie légère (Régiment du Roi) le 16 novembre 1814; reçut le commandement de ce Régiment au retour de l'île d'Elbe, le 22 mars 1815. Participe avec l'Armée du Nord à la campagne de Belgique. Mis en non-activité, le 25 août 1815; directeur de la recette générale du département de la Meuse; membre du Conseil municipal de Bar-le-Duc par ordonnance du 27 novembre 1819; destitué pour des raisons politiques de la direction de la recette de la Meuse en 1823; reçut en compensation, le 3 mars 1824, le commandement du 27e de Ligne à Cadix, faisant partie du Corps d'occupation en Espagne (1824-1825) et du Corps d'expédition en Morée (1828-1829).

Maréchal de camp, le 22 février 1829. Mis en disponibilité, il siège au début de la Monarchie de Juillet à la commission d'examen des réclamations des anciens Officiers le 26 août 1830, à la commission chargée de donner un avis sur le projet de réunion des Corps d'Etat major et d'ingénieurs géographes le 16 octobre 1830, et à la commission créée pour former le jury d'examen des élèves de l'Ecole d'Etat major le 20 novembre 1830. Chef d'Etat-major de la 1ère division militaire, le 4 janvier 1831, et compris en cette qualité dans le cadre d'activité de l'Etat major général le 22 mars 1831. Il est ensuite envoyé en mission à Ancône et chargé du commandement des troupes le 9 février 1832. Lieutenant-général, le 31 décembre 1835, il est maintenu dans son commandement à Ancône le 2 février 1836 et est chargé d'inspecter pour 1836 les troupes sous son commandement le 6 juin 1836. Mis en disponibilité le 3 novembre 1836. Directeur général du personnel et des opérations militaires au ministère de la guerre, le 12 février 1837. membre du comité de l'infanterie et de la cavalerie le 8 avril 1837, il assume les fonctions de Ministre secrétaire d'état de la guerre, du 31 mars 1839 au 12 mai de la même année; fut le promoteur de la décision royale du 4 avril 1839 concernant la rédaction des historiques des Corps. A nouveau membre du comité de l'infanterie et de la cavalerie le 15 mai 1839, il est nommé Inspecteur géénral pour 1839 du 16e arrondissement d'infanterie le 17 juin 1839, et commandant de la division d'infanterie du camp de Fontainebleau le 2 août 1839. Pour la seconde fois ministre secrétaire d'état de la guerre, le 1er mars 1840, supprima "les honneurs du défilé, usurpés, dit-il, depuis la Restauration, par les hauts fonctionnaires de l'administration militaire chargés du contrôle de la solde et des confections sous le titre d'intendants"; créa 12 régiments d'infanterie, 9 bataillons de chasseurs d'Orléans et 4 régiments de cavalerie; démissionna, le 29 octobre 1840 et est mis en disponibilité le 30. membre du comité de l'infanterie et de la cavalerie le 6 novembre 1840 et du comité de l'infanterie le 26 décembre 1840. Il est inspecteur géénral de 1842 à 1846 des arrondissements d'infanterie ci après : 12e 22 mai 1842, 18e 11 juin 1843, 9e 25 mai 1844, 6e 24 mai 1845, 9e 27 mai 1846. Prononça d'importants discours à la Chambre des députés et à la Chambre des pairs, dont il était membre; eut ses dernières années obscurcies par un procès trop célèbre : accusé d'avoir corrompu en 1842 par ses offres, dons et présents le ministre des Travaux publics, Teste, pour faire obtenir à une société dans laquelle il était associé la concession d'une mine de sel gemme située à Gouhenans dans le département de la Haute Saône, il est condamné par la Chambre des Pairs à la dégradation civique pour crime de corruption d'un fonctionnaire public et à 10000 F d'amende le 17 juillet 1847 et rayé des cadres de l'armée comme ayant perdu son grade du fait de sa condamnation. Ayant obtenu de la cour d'appel de Rouen des lettres de réhabilitation le 25 août 1852, il est admis à bénéficier de sa pension de retraite par décision du Président de la République du 17 novembre 1852. Mort à Paris (2e arrondissement), rue de Boulogne n°11 le 6 août 1853; inhumé le 11 août à la Bréauté (Seine maritime) où le monument funéraire adossé au mur extérieur de l'église existe encore de nos jours.

Campagne; blessures; citations; anecdotes : An XIII (1804) - A l'armée des côtes de l'Océan; assista sur la prame la Ville de Montpellier au combat de Midelbourg où les détachements embarqués du 51e et du 7° Hussards enlevèrent à l'abordage un brick anglais.
An XIV (1805) - Au 3e Corps de la Grande Armée; combats de Greiffenberg, de Gemersheim, d'Elchingen, d'Ulm, de Marienzell, de Ried; bataille d'Austerlitz où il fut légèrement blessé; exécuta par ordre du Général Morand les levées des champs de bataille d'Allerheim, de Nordlingue, d'Hochstraedt, etc., que les souvenirs des guerres de Sept ans et de Trente ans recommandaient à l'étude. 1806 - Au 3e Corps de la Grande Armée; bataille d'Auerstaedt où il fut blessé à la jambe gauche; eùt été foulé aux pieds des chevaux par une charge de la cavalerie ennemie, sans le dévouement de l'intrépide cantinière du 51e, Marie Per, qui l'emporta sur ses épaules et l'abrita derrière une haie; concourut à l'établissement des ponts sur le Bug et sur le Narew; combat de nuit de Czarnovo; batailles de Pultusck et de Golimin. 1807 - Combat du passage de l'Alle; bataille d'Eylau où il fut blessé d'un coup de baïonnette à la poitrine et "n'échappa que par miracle au feu meurtrier qui détruisit le 51e presque tout entier"; reçut du Maréchal Davout la mission d'enlever le curé d'un village occupé par les Russes et y parvint à travers mille dangers; combat d'Heilsberg; bataille de Friedland. 1809. Combat de Rohr pendant lequel il pénétra avec quelques Cuirassiers du 10e Régiment dans un carré ennemi où le Général autrichien Thiéry, émigré français, lui rendit son épée; combat de Landshutt; batailles d'Eckmühl, de Ratisbonne, d'Essling et de Wagram; combat de Znaïm. Resta jusqu'en 1812 dans les villes hanséatiques avec le Général Morand. 1812 - Campagne de Russie avec le 1er Corps (Ney) : batailles d'Ostrowno et de Smolensk; dans cette dernière affaire, "à la tête du 5e bataillon du 13e régiment d'infanterie légère, enleva une batterie russe, pénétra un moment dans la ville et tint ferme toute la journée dans le grand magasin à sel situé à 75 mètres du rempart et d'où les Russes ne purent jamais le déloger; entra dans la ville avec 4 compagnies de voltigeurs qui passèrent le Dniéper, partie à la nage, partie sur un frêle radeau; attaqué par le corps du général Milarodowitsch, se retrancha dans le couvent des Jésuites où il ne se laissa pas forcer"; combat de Viazma; bataille de la Moskowa où il eut 3 chevaux tués sous lui; incendie de Moscou pendant lequel il sauva des flammes une femme (Mme Lavaud) et son enfant; deuxième combat de Smolensk; passage de la Bérésina et combat de Kowno. 1813 - Bataille de Lutzen où il dirigea, le 2 mai, le mouvement du Régiment croate d'Ogulin; "le 3 mai, à la tête d'un escadron de lanciers napolitains, se fit jour au travers d'une masse de Cosaques pour porter des ordres" au grand parc d'artillerie du 4e corps qui était resté à 24 kilomètres du champ de bataille; bataille de Leipzig; défenses de Lindenau et de Costheim. 1814 - Combats de Saint-Julien, de Voiron, et de Moirans. 1815 - Bataille des Quatre-Bras le 16 juin; reçut plusieurs coups de sabre à la tête et au bras gauche; bataille de Waterloo le 18 juin où il attaqua, avec le 1er Léger, le bois, la ferme et le château d'Hougoumont devant lequel il fut blessé d'un coup de feu à l'épaule gauche; ramena sous Paris les 1er et 3e Légers; combats du Bourget et de Vertus. 1828 - Expédition de Morée; reconnut Athènes, Nègrepont, Salamine. 1832 - Commanda les troupes de débarquement de la mission d'Ancône.

Décorations et distinctions honorifiques : Membre de la Légion d'honneur, le 7 juillet 1807; Officier, le 14 juin 1813; Commandeur, le 21 mars 1831. Grand Officier le 27 avril 1840. Chevalier de Saint-Louis, le 16 août 1820. Chevalier de l'ordre de Saint-Ferdinand 2e classe (Espagne), le 30 novembre 1824 et de 3e classe le 22 avril 1829. Commandeur de l'ordre du Saint-Sauveur de Grèce le 22 avril 1829. Pair de France le 7 novembre 1839.

Sources : Historique régimentaire et Quintin, Dictionnaire des Colonels de Napoléon

Le 7 mai 1814, le Préfet Dubouchage écrit depuis Nice au Capitaine Duthilt :
"PREFECTURE DU DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES
Nice, 7 mai 1814.
Le Préfet du département des Alpes Maritimes, voulant donner à monsieur Duthilt, Pierre Charles, capitaine au 1er régiment d'infanterie légère, un témoignage de sa satisfaction sur le zèle et l'intelligence qu'il n'a cessé de développer dans la mission qu'il a été chargé de remplir dans son département, comme commandant en chef le recrutement depuis le 8 octobre 1808 jusqu'à ce jour, et voulant le nantir d'un titre qui puisse prouver son extrême désintéressement et sa scrupuleuse probité, ce qui résulte par tous les rapports qui lui ont été faits et d'après lesquels tous les administrés n'ont jamais eu qu'à se louer de sa conduite et de son empressement à les obliger et à leur procurer tous les renseignements qu'il était en son pouvoir de leur donner.
Recommande particulièrement cet officier estimable, rempli de moyens et d'une moralité à toute épreuve, et dont les talents administratifs le rendent propre à toute espèce d'emploi, à la bienveillance des chefs militaires et aux bontés des ministres de Sa Majesté très chrétienne.
Donné à Nice, le 7 mai 1814.
Le préfet Dubouchage
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Le 12 mai, une Ordonnance royale limite à 15 le nombre des Régiments légers. Les hommes des Corps supprimés doivent être répartis entre les Régiments conservés. En exécution de cette Ordonnance, le 1er Léger incorpore dans ses rangs le 19e Léger, le 2e Bataillon du 14e Régiment de Tirailleurs (Jeune Garde), un Bataillon du 17e Léger (ex 1ère Légère de 1ère formation) et des détachements des 28e et 31e Légers. Il reçoit en même temps le titre de Régiment d'infanterie légère du Roi.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Le 20 mai 1814, la garnison de Nice composée du dépôt du 22e léger, de la compagnie départementale, de celle des canonniers garde côtes, des gendarmes du département, des douaniers, et des caporaux, sergens et officiers du détachement de recrutement du 1er léger, exception faite des hommes de ces corps, nés Piémontais, qui voulurent rester dans leur patrie, quittèrent cette ville pour rentrer en France, par le pont du Var, ayant en tête deux pièces de canon de campagne, commandés par le général Eberlé, se dirigeeant sur la place d'Antibes, en attendant une autre direction pour chacun des corps. Des hussards autrichiens qui, de Lyon, étaient remontés près de Nice et s'étaient cantonnés dans les villages de France, hors des grandes routes, vinrent, après notre départ, prendre possession du Comté au nom du roi de Sardaigne" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

On rallie ensuite les Bataillons dispersés (moins le 4e Bataillon dissous fin 1813) : le 21 mai, les débris des 3e et 6e Bataillons du 1er Léger (46 Officiers, 913 hommes) reçoivent l'ordre de partir de Grenoble, le 2 juin, de manière à rejoindre les 2 premiers Bataillons à Paris, le 27 juin.

Le 1er juin 1814, le Général de Division Grenier écrit au Ministre de la Guerre, à Paris : "Je n’ai reçu que le 27 mai la lettre de V. E. en date du 21 relative aux ordres qu’Elle a donnés directement aux généraux commandant à Embrun et à Valence, pour le départ des bataillons du 1er de ligne et 1er d’infanterie légère. J’ai donné les avis nécessaires pour la prompte exécution de ces ordres qui éprouveront néanmoins quelques retards, puisque la lettre de V. E. ne sera arrivée à Briançon ou Embrun que du 26 au 27, quoique le mouvement de ces troupes dût commencer le 26 ..." (Papiers du Général Paul Grenier. XXI. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 94 page 201).

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Le 24, je quittai Antibes, avec mon détachement, pour me rendre à Marseille, à l'effet de me réunir au petit dépôt du 1er léger qui y était arrivé depuis quelques jours sous le commandement du capitaine Henrion. Je fis donc mes adieux au brave général Eberlé, pour qui j'aurai toujours la plus grande vénération et le plus parfait attachement, gardant de lui le plus agréable souvenir.
J'embrasssai aussi son adjudant de place, le capitaine Bellegarde, mon dévoué ami, qui peu après fut employé activement à Saint-Malo. Dans cette route d'Antibes à Marseille, je passai par Cannes, Fréjus, Roquevaire et Aubagne.
J'ai visité sur ce point l'ermitage de la Sainte Baume. Un chemin âpre et difficile, taillé sur le flanc d'un roc, vrai chemin de pénitence, mène au sommet du mont sur lequel il est établi. C'est là, dit la tradition, que Madeleine, soeur de Marthe et de Lazare, vint se réfugier et mourir pour éviter les persécutions des Juifs, après l'ascension de Jésus Christ.
Poussée par un violent orage, immédiatement après s'être embarquée, elle fut jetée sur les côtes de la Provence. Elle vécut en ce lieu dix sept années repentante et pleurant les erreurs de sa jeunesse. Il lui fut beaucoup pardonné parce qu'elle avait beaucoup aimé.
Dès mon arrivée à Marseille, le 1er juin, je fis rentrer au dépôt les hommes de mon détachement ; je rendis compte du montant des masses du linge et de la chaussure, seule comptabilité en deniers dont j'avais à me libérer.
Pendant mon séjour à Marseille, j'y vis débarquer Louis Philippe, duc d'Orléans, la princesse son épouse et leur famille.
Le 3 juin, je quittai Marseille pour me rendre isolément à Paris, espérant y concourir à la formation du régiment du Roi, infanterie légère, conformément à l'ordonnance du 9 mai précédent; je parcourus l'itinéraire ci après : Aix, Pertuis, Avignon, Pont Saint Esprit, Vienne, Lyon, Villefranche, Mâcon, Tournus, Châlon sur Saône, Chagny, Arnay, Saulieu, Avallon, Vermenton, Auxerre, Joigny, Pont sur Yonne, Montereau, Melun, Corbeil, et j'arrivai à Paris le 18
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Les restes du 5e Bataillon (16 Officiers, 188 hommes) qui s'étaient arrêtés à Montpellier en quittant l'Aragon, reçoivent l'ordre d'en partir le 28 mai, pour rejoindre également à Paris, le 27 juin, les autres Bataillons. Avec tous ces éléments divers, le 1er Régiment d'Infanterie légère du Roi est définitivement formé à Paris, le 5 juillet, à trois Bataillons commandés par les Chefs de Bataillon Jolyet, Buirette et Burtin, ayant à leur tête le Colonel de Beurnonville et le Major de Montchoisy. Le nouveau Régiment reçoit le drapeau blanc semé de fleurs de lys d'or et portant au centre l'écusson de France. Chaque Bataillon a un fanion.

Le Capitaine Duthilt écrit :
"Ma non activité
- Le nouveau 1er Léger
L'organisation du régiment du Roi, 1er d'infanterie légère, était faite dès le 1er juin, le Ministre de la guerre ayant été contraint de déroger aux dispositions précitées pour les régimens qui devaient de suite former la garnison de Paris; les officiers qui ne se trouvèrent pas sur le lieu au moment de la formation qui fut avancée, n'eurent pas l'avantage d'y concourir; et parmi les présens, il y eut encore un choix irrégulier : la protection pour les uns, la jeunesse, la tournure et l'intrigue pour les autres prévalurent; et quoique possédant plus de six ans de grade de capitaine, je n'en avais pas moins l'espoir d'être conservé, soit en raison de mes connaissances militaires, soit en administration car sous ce rapport je fus inscrit des premiers, mais ne paraissant pas en temps opportun, je fus définitivement mis à la non activité. Il était écrit que les emplois de confiance que j'avais exercés me deviendraient funestes en tout temps.
Pour indemniser les officiers lésés par cette brusque et irrégulière opération, qui se fit pour tous les premiers et deuxièmes régimens de chaque arme, le Ministre de la guerre fit allouer aux officiers de ces corps, non employés, le traitement entier de la solde de dernière classe attribuée à leur grade.
Le nombre des officiers du régiment qui, dans cette circonstance, fut mis en non activité fut considérable. Il existait depuis quelque temps un autre 1er léger, commandé par le colonel Cubière, et ce régiment joint au nôtre pour former le nouveau 1er léger, étant de 4 bataillons, qui, avec les 7 qui composaient notre régiment, donna un total de 11 bataillons à réduire à trois; ainsi 208 officiers non employés pour un seul corps.
Le nouveau 1er léger eut pour colonel monsieur Beurnonville, neveu de l'ex ministre de la guerre de ce nom en 1793; de sorte que ni monsieur Pilet, colonel successeur de monsieur Charles Bourgeois, ni monsieur Cubière, colonel du second 1er léger, ne furent employés activemcnt. Cependant, à cause de la rentrée de l'Empereur en mars 1815, le colonel Beurnoonville ayant donné sa démission, le colonel Cubière fut rappelé à l'activité, et il eut le commandement du nouveau 1er léger qu'il conserva jusqu'au licenciement de l'armée sur la Loire, après les désastres de Waterloo.
Un ordre du lieutenant général commandant la place de Paris, Despinois, enfin, si connu généralement de l'armée par ses actes odieux et tyranniques, craignant tout ou du moins porté à tout craindre des officiers qu'il avait si souvent vexés dans tant de circonstances, s'empressa d'exclure de Paris tout officier qui n'y était pas né, ou dont les parens n'y résidaient pas, leur défendant, sous les peines les plus sévères, de s'y arrêter sous aucun prétexte, leur indiquant à tous Versailles pour lieu de résidcnce, et ne les autorisant à venir à Paris que nantis d'un appel du chef de leur conseil d'administration pour réglementer ses comptes avec lui.
Ayant été compris dans la catégorie non active, je fixai d'abord ma résidence à Marseille.
En désignant Marseille pour le lieu où je désirais me retirer, mon intention n'était pas de m'y fixer, mais seulement d'y attendre l'arrivée de ma femme et de mes enfans restés à Nice.
Mis à la non activité, je partis de Paris le 20 juin et le 5 juillet suivant j'étais à Marseille, établi, en quelque sorte, sur le port pour y voir débarquer ma famille, ma femme ayant préféré la traversée de mer au voyage par terre à travers la forêt de l'Estérel qui n'était pas sûre. Mais aucun bâtiment venant de Nice ou d'Antibes ne pouvait m'en donner de nouvelles. Après trois semaines d'une attente cruelle, me promenant sur le cours, vis à vis le port, je vis avec surprise toute ma famille renfermée dans un carossin qui venait d'arriver; toujours malheureuse sur mer, le vaisseau sur lequel ma femme avait entrepris la traversée de Nice à Marseille eut son grand mât brisé par un coup de vent, et, tourmenté dans sa marche au moment où il atteignait le port de Marseille, il fut contraint de rentrer dans celui de Nice où le vent le portait. Renonçant alors à la voie de mer, elle attendit une occasion pour se remettre en route par terre.
Après avoir reçu mon épouse et mes enfans, je repris le chemin de Paris qui était aussi celui de Saint Omer, ma ville natale, où j'arrivai le 10 octobre, après en avoir été absent plus de 21 ans, restant encore à la disposition du gouvernement. Jy rentrai avec le même grade que j'avais lorsque j'en suis parti en 1791 comme réquisitionnaire; je continuai à recevoir la solde entière de troisième classe jusqu'à la fin de décembre, après quoi je fus mis à la demi solde de non activité.

- La Restauration

Par suite de son abdication, l'Empereur Napoléon était relégué à l'île d'Elbe, sa nouvelle souveraineté. Les membres de sa famille, rois, reines, princes et princesses s'étaient rendus dans les Etats de l'église, en Allemagne et jusque dans l'Amérique septentrionale, où ils résidaient sous la protection des lois de ces pays. Les souverains alliés, satisfaits de leur expédition, qui après 23 années de coalition et de guerre infructueuse pour eux, par suite de nos revers inouïs en Russie et par l'abdication de l'homme qui les battit tant de fois et les domina si longtemps, puis du rétablissement de la famille des Bourbons sur le trône de France et du nouvel ordre qu'ils venaient d'y établir, avaient retiré leurs armées et nous laissaient jouir des avantages que procurent la paix et le commerce universel.
Cependant, de toutes les époques de ma vie, celle où j'etais arrivé était bien la plus bizarre sous tous les rapports : cette fois la politique seule s'en mêlait ; d'un côté une dynastie oubliée depuis plus de 20 ans, et dont pas un membre, même le plus influent, n'était plus connu de la génération actuelle, qui avait eu à penser à bien d'autres choses qu'à des princes qui s'étaient séparés d'elle ; cette famille revenait à la suite des baïonnettes étrangères, et son drapeau méconnu et souvent combattu par nous, était substitué à celui sous lequel nous avions soumis à nos armes les rois du continent européen; d'un côté, des nobles, des émigrés, des gens d'autrefois qui servaient d'escorte à cette dynastie rogue, usée, sans moyens, sans mémoire, gens imbus de leurs vieux préjugés, pressés de récupérer leurs privilèges à jamais abolis comme les droits féodaux, le coeur plein d'orgueil, de fiel et disposés à bouleverser la France d'aujourd'hui pour rétablir celle qu'ils ne pouvaient oublier; peu contents d'ailleurs de s'être réveillés, de nuls qu'ils étaient, les uns généraux, les autres préfets, tous rêvant encore des honneurs et des emplois nouveaux, en attendant qu'on leur rendit leurs biens vendus de par la loi comme traitres à leur patrie, ou bien le remboursement de leur fortune follement dissipée pendant l'émigration; puis un clergé, jusque là très humble, maintenant hautain, ambitieux, méconnaissant sa nouvelle origine, la condition de son existence actuelle et les lumières du siècle, prêt à replonger la France dans les ténèbres de l'ignorance, de la superstition et du fanatisme, d'où la Révolution l'a tirée; s'efforçant de reconquérir la direction des choses temporelles et surtout des richesses, ne pouvant plus se borner aux affaires spirituelles, à prêcher la religion du Christ, si tolérante, qui n'est que la charité.
Dans cet état de choses que pouvait devenir un pauvre soldat, fier de ses services honorables, sa seule gloire comme sa seule richesse; lui à qui de nouveaux convertis à la cause des émigrés faisaient un crime d'avoir sacrifié sa jeunesse et versé son sang pour sa patrie; lui à qui l'on disait que son long dévouement n'avait été qu'une longue révolte ? C'est ainsi que parlaient les hommes de cette prétendue restauration, qui, au lieu d'assurer le repos de la France, la ramener au calme et aux douceurs de la paix, ne cherchaient qu'à la replonger dans l'abyme des révolutions. La France, quoique affaiblie par ses pertes récentes et ses nombreux sacrifices, n'était pas facile à abattre, à subjuguer; quand ses nombreux ennemis, après que les neiges de la Russie eurent enseveli la grande armée impériale, quand il devint possible à la coalition européenne d'écraser les derniers tronçons du géant et de replâtrer une restauration bourbonienne avec un million de baïonnettes, alors que tout matériel de guerre manquait en France, ces empereurs, ces rois, entourés d'une force colossale, n'en furent pas mons forcés de la respecter, et qui plus est, de s'en éloigner, tellement sa force vitale leur inspirait de crainte; et des pygmées prétendaient la ramener sous le joug ancien, dans un moment surtout ou dans les villes comme dans les campagnes, il n 'existait pas un seul artisan, un seul laboureur, qui n'eût été soldat de la République ou de l'Empire et à qui le nouvel ordre ne déplaisait !
Sous une administration forte et sage, la France pouvait rétablir promptement ses finances épuisées, il ne fallait que la laisser se livrer avec sécurité à son active industrie, oublier les querelles politiques, éloigner les sangsues qui cherchaient à la dévorer, et se renfermer dans la stricte observation des articles de la Charte, devenue loi fondamentale du royaume, et reçue avec une sorte de reconnaissance, parce qu'elle consacrait la liberté individuelle, l'égalité devant la loi, le libre exercice des religions et la possession des biens et des droits acquis légalement.
Mais un malaise inexprimable, occasionné par l'insolence et la rapacité des partisans du nouveau pouvoir, qui remettaient journellement tout en question, qui troublaient l'intérieur, qui exerçaient sans frein une complète réaction, qui menaçaient les acquéreurs des biens nationaux de la dépossession de leurs nouvelles propriétés, qui éliminaient les uns après les autres les employés civils et les officiers de l'armée conservés par la nouvelle administration et leur emploi donné aux zélateurs, ou plutôt aux intrigans du gouvernement royal, partout le roi effacé, ses promesses annulées, partout la déception, l'humiliation aigrissaient les esprits et les disposaient à une lutte prochaine et inévitable
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

Vers le 1er août 1814, le Corps d'armée du Général comte Maison, Gouverneur de Paris et commandant de la 1re Division militaire, comprend deux Divisions d'infanterie, aux ordres des Généraux Ledru des Essarts et Claparède. La division des Essarts se compose des deux Brigades Fézensac (1er et 2e Régiments de ligne) et Conchi (1er et 2e Régiments d'infanterie légère) (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 3, p. 157).

Le séjour à Paris est pour le Régiment du Roi une période de plein repos. Ces loisirs ne vont cependant pas durer longtemps : le 1er mars 1815, Napoléon, s'échapppant de son île à travers les croisières anglaises, débarque à Cannes. G. Cottreau écrit "Au retour de l'île d'Elbe, les Régiments d'infanterie se trouvant à Paris n'allèrent pas plus loin que Charenton pour combattre l'usurpateur qu'ils accueillirent par des cris de joie". Le 20 mars, l'Empire est relevé.

Le 1er Régiment d'infanterie légère est le seul Régiment de la garnison de Paris à ne pas s'être ralié à Napoléon au moment de son entrée à Paris. Aussi, le 21 mars 1815, Napoléon écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Donnez ordre au comte de Lobau de prendre le commandement de la 1re division militaire et de toutes les troupes qui s'y trouvent. Appelez à d'autres fonctions le sieur Beurnonville, colonel du 1er régiment léger, et proposez-moi un bon colonel pour commander ce régiment ..." (Correspondance de Napoléon, t. 27, 21692 ; Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39038). Beurnonville est mis à la retraite.

L/ Campagne de 1815

1/ A l'Armée d'Observation

Lorsque Napoléon arrive à Paris, il comprend de suite que seule la victoire peut lui assurer la paix. Il se prépare donc sans retard à la guerre. Le 1er Léger, qui est à Paris, est un des premiers Régiments envoyés à la frontière. Il quitte la capitale avec ses deux premiers Bataillons, dès le 24 mars, et se rend à Valenciennes, point de réunion fixé pour la formation du 2e Corps d'armée confié au Général Reille, sous le nom de Corps d'observation. Napoléon donne ce nom aux premières troupes mobilisées, afin de ménager les susceptibilités de l'Europe et de bien montrer à la France qu'il ne fera la guerre que s'il y est forcé.

Fin mars 1815, un "Projet de répartition des militaires rappelés aux drapeaux en sept dépôts généraux où ils seraient armés, habillés et instruits. Fin mars 1815". Le 1er Léger à Paris fait partie de la 15e Division militaire; il doit être fourni par le Département de la Seine-Inférieure, et son Dépôt doit être établi à Amiens (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 2972).

Au départ de Paris, l'effectif total des trois Bataillons mobilisés s'élève à 1959 hommes. Le 1er Léger fait d'abord partie, dans le 2e Corps (Reille), de la 2e Division (Barrois). Le 31 mars, cette Division devient 6e. Elle se compose à cette époque des 1er et 2e Léger formant la 1ère Brigade (Général Bauduin) et des 1er et 2e de ligne formant la 2e brigade (général Soye). Le 3e Bataillon rejoint les deux autres le 31 mars.

Le 8 avril 1815, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, je vous envoie le tableau que j'ai rédigé pour la répartition des militaires rappelés. Vous y verrez que j'appelle dans la 1re division tous les hommes de 31 départements. Il y a aujourd'hui à Paris 8 régiments. Je fais venir 4 dépôts de la 8e et 4 de la seconde et de la 5e.
Il y aura donc 16 dépôts à Paris, auxquels 31 départements fourniront, ce qui fera près de 2 départements par dépôt ; mais la Jeune Garde ayant 12 régiments à compléter, tous ces hommes seront nécessaires. Pour tout le reste, j'envoie les hommes en droite ligne à un dépôt voisin. J'ai même pour principe de faire passer les hommes d'un département, dans un autre de la même division. Vous pourrez placer dans des villes voisines de Paris, les 8 dépôts qui doivent arriver. Il faut que ces régiments, avec leur dépôt, fassent partir les 3e, 4e, et 5e bataillons. On peut donc avoir de quoi compléter ici 2 bataillons par régiment ou 32 bataillons, ce qui fera une réserve.
Je fais venir ici tous les hommes de la Provence. Quelque inconvénient qu'il puisse y avoir, je pense que ce déplacement est nécessaire. Si nous venons à nous apercevoir qu'un département ne puisse pas fournir à 2 ou 3 régiments, comme il est porté au tableau, nous verrons à faire venir à Paris un de ces régiments.
II faut mettre un inspecteur à la tête des 16 dépôts de Paris. Donnez à chacun de ces régiments ce qui est nécessaire pour habiller 1 000 hommes et en outre, faire un marché pour avoir à Paris un magasin de 20 000 habillements complets ...
Annexe
Répartition des militaires rappelées aux drapeaux
Dépôt garnison ...
Dépôt à Amiens ...
15e division militaire ...
Seine-Inférieure : 89e de ligne à Abbeville ; 1er léger à Paris ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39235).

En même temps, par ordre de l'Empereur, on forme au dépôt à Paris un 4e, un 5e et même un 6e Bataillon destinés à réparer les pertes que les trois premiers pourraient subir.

De son côté, le Capitaine Duthilt écrit :
"Les Cent Jours
- Rappel des anciens militaires
Au moment où le gouvernement du roi s'y attendait le moins, un cri de guerre parti du golfe Juan, vint redonner à la population et à l'armée toute l'importance qu'on leur refusait, depuis que l'émigration s'était substituée à leur place; ce cri redoutable avait été poussé à Cannes, où Napoléon venait de débarquer le 1er mars avec un faible bataillon de
grenadiers de la vieille garde, compagnons de son exil à l'île d'Elbe, mais précédés par leur réputation méritée par cent victoires, marchant immédiatement sur Paris pour y rétablir le gouvernement impérial. A cette nouvelle alarmante, la cour de Louis XVIII et l'émigration furent atterrées ; 700 hommes firent trembler cette tourbe audacieuse qui s'était substituée au peuple français.
Dans cette circonstance critique, toutes les menées cessèrent, des démentis furent donnés aux tentatives les plus évidentes, aux prétentions les plus audacieuses, et des promesses mensongères furent prodiguées plus que jamais.
Le 9 mars, le roi Louis XVlll rendit une ordonnance qui enjoignait à tout militaire rentré dans ses foyers, par permission temporaire, congé illimité, avec demi solde, ou de toute autre manière sans libération du service militaire, de se rendre immédiatement au chef lieu de son département pour y former des bataillons provisoires, et le surplus des officiers non employés, une compagnie dite des gardes du roi. Dès le 18, j'étais à Arras, et je fus compris dans la compagnie des gardes, qui n 'eut pas le temps de se former, Napoléon ne rencontrant aucun obstacle dans sa marche à travers la France, ou plutôt attirant tout à lui, population et armée, était arrivé à Paris le 20.
Le Roi en était parti le 19, et dès le 23 il dépassait la frontière de Flandre, pour se rendre à Gand, laissant ses gardes du corps à Armentières très embarrassés de leurs personnes. Le nouveau gouvernement de fait, n'ayant point à lutter contre le gouvernement royal, se prépara promptement à la guerre étrangère devenue imminente par l'obstination des coalises à ne plus reconnaître Napoléon pour souverain de la France, et leur attitude d'ailleurs, étant restée menaçante, il fut enjoint aux soldats et aux officiers réunis au chef lieu de département, de se rendre directement au dépôt du corps dans lequel leur régiment respectif avait été incorporé, pour y être employés activement ou y recevoir une destination ultérieure.

- Aide de camp du Général Bourgeois

Je rentrai dans ma famille à Saint Omer, le 10 avril, me disposant à rejoindre le 1er léger à Paris, lorsque le 15 je dus au bon souvenir qu'il mc conservait et à son amitié de recevoir, chez moi, la visite de monsieur le maréchal de camp baron Bourgeois, mon ancien colonel, qui me décida à le suivre en qualité d'aide de camp; je fus commissionné par le ministre de la guerre le 29 et le lendemain de la réception de ma commission, le 2 mai, j'étais à Cassel près de mon général, occupé sur ce point à rassembler sa brigade.
Ainsi, après 22 ans d'intervalle je me retrouvai au même point où j'avais commencé ma carrière militaire, la France ayant encore les mêmes ennemis à combattre et la même frontière à défendre; alors aussi j'étais entré à Cassel avec le grade de capitaine, mais j'en étais sorti comme soldat
" (Lévi C. (Chef de Bataillon) : "Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909). Ici s'achève donc le parcours du Capitaine Duthilt au sein du 1er Léger.

La Division passe le mois d'avril aux environs de Condé et y reste jusqu'au 5 mai.

Dès les premiers jours de sa rentrée à Paris, Napoléon s'attache à donner à la France et à l'Europe un témoignage des sentiments plus libéraux avec lesquels il compte gouverner désormais. Il fait rédiger ce qu'il appelle l'acte additionnel aux constitutions de l'Empire. Ce document politique est soumis au vote de tous les citoyens, y compris l'armée. Le résultat doit en être solennellement proclamé dans la grande assemblée de la nation au Champ de mai.

Fig. 60 Fig. 61 Fig. 61a
plaque 1812 1er léger
Fig. 62 Fig. 62c
Fig. 62a
Fig. 62b : Shako de Chasseur modèle 1812. Fût en feutre noir. Bourdalou en cuir, hauteur 2 cm avec boucle de serrage à l'arrière. Calotte en cuir de vache ciré noir d'environ 23,5 cm de diamètre avec bordure extérieure repliée sur la partie supérieure du fût sur une hauteur de 4 cm. Visière en cuir noir de 5,5 cm de largeur. Coiffe intérieure en deux parties avec bandeau en cuir cousu à une grosse toile. Jugulaires en deux parties : mentonnière en cuir recouvert de 15 écailles en fer découpé et festonné, longueur 20,5 cm ; rosace de forme ronde en fer estampé du cor de chasse, diamètre 4 cm. Plaque en fer estampé représentant une aigle impériale tenant dans ses serres le fuseau de Jupiter posé sur un soubassement décoré d'un cor de chasse dont le centre est découpé du chiffre 1, et encadré de deux têtes de lion, hauteur 13,5 cm, largeur 11,7 cm. Cocarde en cuir peint tricolore, diamètre 6,2 cm. Pompon en laine verte. Hauteur totale sans le pompon 23 cm. Ancienne collection Monsieur Saint-Aubin vendue en 1936 (Document extrait de " L'HISTOIRE PAR LES OBJETS CATALOGUE 2009" - avec l'aimable autorisation de Mr Bertrand MALVAUX).
Fig. 63 Fig. 64
shako 1er Léger 1812
Fig. 62d
Fig. 64bis Fig. 65 Fig. 65b

Le 1er Léger vote le 2 mai : le Colonel réunit le Régiment en grande tenue dans la plaine de Fresne, près de Condé. Les registres d'acceptation établis par Compagnie et à deux colonnes, l'une approbative et l'autre négative, ont été disposés sur des tables pour la signature. Les trois Bataillons du Régiment se forment en masse par Divisions et se disposent sur les trois faces d'un carré dont la quatrième est abandonnée aux curieux. Le Colonel de Cubières entre à cheval dans l'espace resté vide, donne lecture de l'acte additionnel et prononçe d'une voix haute et ferme le discours suivant :
"élevés dans les camps, destinés de bonne heure à la défense de la patrie dont la gloire et le salut sont, depuis vingt ans, l'objet de nos voeux, le prix de nos travaux et du sang que nous avons versé pour elle, il en est peu parmi nous qui soient capables d'apprécier dans son ensemble, de juger dans ses détails l'acte constitutionnel qui nous est soumis et dont vous venez d'entendre la lecture. Pour la première fois, l'armée est appelée à délibérer, et il faut l'avouer, l'exercice de ce pouvoir tout nouveau pour nous ne serait qu'effrayant pour tous, si nous étions une armée moins nationale.
Dans cette circonstance, où vous devez agir comme citoyens, il ne serait pas convenable de souscrire aveuglément à ce qu'on vous propose, ce serait prouver votre dévouement à un seul homme, et non votre patriotisme; ce serait mal répondre à la confiance du peuple et même à celle du chef de l'état; ce serait enfin justifier toutes les calomnies de la haine et de l'esprit de parti qui s'obstinent à voir en vous les agents du despotisme, les instruments de tous les maux de la France.
Officiers, sous-officiers et soldats, votre opinion est libre; mais votre chef n'hésite pas à vous donner l'exemple d'un refus fondé sur la conservation des droits que, comme citoyens, nous ne nous laisserons jamais ravir.
L'on vous a dit que la noblesse ne s'acquérait que par des services rendus, qu'elle n'était point transmissible, et l'on vous propose l'hérédité des pairs. L'on vous parle d'une représentation nationale, et l'Empereur s'arroge le pouvoir de nommer seul les membres de la chambre des pairs, d'en rendre le nombre illimité, de dissoudre la chambre des députes; il stipule un président inamovible, à vie et à son choix, dans chaque collège électoral. Enfin lorsqu'il s'agit de partager les pouvoirs, de fonder la liberté, l'on se contente d'une addition à l'ensemble incohérent des constitutions de l'Empire, et cette addition est présentée à une acceptation pure et simple, sans avoir été soumise à aucune discussion.
Officiers, sous-officiers et soldats ! c'est par tant de motifs, c'est au nom de la Patrie et des maux qu'elle a soufferts que je vous engage à refuser unanimement votre acceptation à l'acte additionnel. Nous saurons défendre contre les ennemis extérieurs l'intégrité de notre territoire; mais nous voulons au dedans tout ce qui peut affermir l'indépendance nationale et consolider un gouvernement équitable
".

Fig. 65a

Le 1er Léger tout entier se range à l'avis de son Colonel : Non et Vive l'Empereur ! crient les Compagnies en signant les cahiers dans la colonne négatives. Cependant, le Capitaine Nimax, commandant la 2e Compagnie de Carabiniers qui n'inclinait point pour le refus, croit devoir haranguer à son tour ses soldats :
"Notre colonel est un brave homme, s'écrie-t-il, mais il dira tout ce qu'il voudra : l'Empereur, à mon avis, se connaît mieux que lui en constitution, car il en a fait plusieurs et le colonel Cubières n'y a jamais mis la main.
Moi je dis que Napoléon sait bien ce qu'il fait et que c'est pour le bonheur du peuple et des soldats que le ministre de la guerre veut qu'on signe oui
". En terminant, le Capitaine Nimax passe la plume, après avoir signé; mais toute sa Compagnie lui fait défaut et signe dans la colonne négative. Le Capitaine Nimax, en voyant son Carabinier de confiance, celui qui soignait son petit ménage, signer "non" comme les autres, ne peut s'empêcher de s'écrier : "Et toi aussi, Brideloup ! Mais le colonel les a donc ensorcelés tous!".

Le vote négatif et unanime, moins Nimax, est envoyé au Ministre. C'est le seul de ce genre. Tous les Corps de l'armée ont en effet signé oui, et c'est à peine si on compte trois ou quatre opposants dans deux ou trois Régiments. Le Maréchal Davout, alors Ministre de la guerre, connaissait particulièrement le Colonel Cubières, qui avait longtemps servi sous ses ordres dans le 1er Corps d'armée; en rendant compte à l'Empereur, il fait valoir les services de ce Colonel et ceux qu'il peut rendre encore et trouve dans sa jeunesse (il a à peine vingt-cinq ans), dans ses blessures, dans sa bravoure si souvent éprouvée, une excuse qui appaise Napoléon. Le Colonel Cubières n'est pas destitué et l'affaire est bientôt arrangée : le Ministre jette au feu les cahiers du 1er Léger, et l'on mentionne dans le dépouillement général des votes que ces cahiers se sont égarés. Le Colonel Cubières en est quitte pour une mercuriale ministérielle. Il reçoit du Secrétaire général de la Guerre, le Général de la Ville, une lettre qui l'engage à se défier des idéologues et à ne pas faire cause commune avec eux contre les mesures qui peuvent seules selon lui sauver le pays de l'avilissement et de la domination étrangère (tout ce récit est extrait textuellement du journal la Sentinelle en date du 8 mai 1844, qui reproduisit le discours de Cubières d'après une copie signée des Capitaines Capty et Sicard et certifiée par eux exacte et conforme au livre d'ordres du 1er Léger).

Le 3 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Général Mouton, commandant le 6e Corps de l’Armée du Nord : "… Faites-moi connaitre quand je pourrai voir le 4e bataillon du 2e de ligne, fort de 500 hommes ; 2 compagnies du 1er régiment, fortes de 200 ; 2 compagnies du 64e, fortes de 200 hommes ; 2 compagnies du 68e, fortes de 200 hommes ; le 4e bataillon du 1er léger, fort de 300 hommes ; le 2e du 2e, fort de 300 hommes ; le 4e, fort de 3 à 400 hommes …" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39523).

Le 5 mai, le Général Barrois est remplacé à la tête de la 6e Division par le Général Rottembourg. Le même jour, le 1er Léger quitte ses quartiers près de Condé pour se rapprocher d'Avesnes où le Général Reille vient de s'établir. Il prend d'abord ses cantonnements, l'Etat-major et le 1er Bataillon à Beaumont; les 2e et 3e Bataillons à Chaudeville; puis le 10 mai, à Sobre, sur la Sambre.

Le même 5 mai 1815, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Davout, Ministre de la Guerre : "Mon cousin, faites donner :
... Au 1er léger : 100 habits, 70 vestes, 135 shakos, 96 capotes, pour que la moitié du 4e bataillon puisse partir ...
" (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39534).

Le 15 mai, un détachement du Régiment (3 Officiers et 8 Sous-officiers) chargé de représenter le 1er Léger, se rend à la cérémonie du Champ de mai afin d'y recevoir des mains de Napoléon le nouveau drapeau impérial. C'est une imposante cérémonie que cette réunion du Champ de mai où la nation, par la voix autorisée de ses représentants, vient dire à son Empereur retrouvé : L'Europe a mis votre tête à prix, les armées des souverains menacent déjà nos frontières d'une invasion nouvelle : nous jurons de vaincre ou de mourir ! Napoléon, précédé des Princes de sa famille, en habit de soie avec la toque à plumes et le manteau impérial, arrive au Champ de mai dans la voiture du sacre attelée de huit chevaux, ayant à sa portière les Maréchaux à cheval. Une messe solennelle est dite et l'on chante le Te Deum, puis, après les discours, l'Empereur rejette son manteau, s'avançe sur l'estrade et distribue les aigles. Les 4e, 5e et 6e Bataillons du 1er Léger sont à leur place de bataille en tête d'une des colonnes de troupes. Ils défilent après la cérémonie devant le trône impérial. La députation des Bataillons mobilisés se tient à droite du trône sur les gradins disposés à cet effet. A leur retour à l'armée, les délégués racontent à leurs camarades ce qu'ils ont vu et font partager à tous les sentiments d'enthousiasme dont leurs coeurs sont encore remplis.

La formation des 4e, 5e et 6e Bataillons sont terminées avant le commencement des hostilités; le 1er Léger a même en plus un certain nombre d'Officiers à la suite, comme on peut le constater dans l'état ci-après, daté du 16 mai 1815 :

éTAT-MAJOR : Colonel : DESPANS, marquis DE CUBIéRES

Major : DE MONTCHOISY

Major (à la suite) : MARéCHAL

Capitaine d'habillement : BRUEL

Capitaine quartier-maître : BOLLEY

Officier-payeur : BéRARD

Porte-drapeau : TOMBEUR

1er BATAILLON
2e BATAILLON
Chef de Bataillon : JOLYET Adjudant-major : NACHOU Chef de bataillon : BUIRETTE Adjudant-major : SAILLARD
Compagnies Capitaines Lieutenants Sous-lieutenants Compagnies Capitaines Lieutenants Sous-lieutenants

Carabiniers

BOUILLET

BOUVIER

BACHELERIE

Carabiniers

NIMAX LAMARLE COUTURIER

1e Compagnie

HAYARD VILCOQ GUILLEMAIN

1e Compagnie

VIBERT REGNé ROUlèRE

2e

NANOT Théodore GOUIN GOUVOINE

2e

NANOT Prospère HENRY Pierre DUMOULIN

3e

DULUCHAPT BALME MARTIN

3e

POITAUX DORRé SICARD

4e

GAUCHé GRUNDELER LOUIS

4e

PHILIPPE COURT DUMESNIL
Voltigeurs DE GIMONT DE REYMECKERS BOUILLON Voltigeurs MOSARD DE GALLE HOFFMANN BOUTOUR Frédéric
3e BATAILLON
4e BATAILLON
Chef de Bataillon : BURTIN Adjudant-major : FRANçOIS Chef de bataillon : BOUILLET Georges Adjudant-major : GAILLARD
Compagnies Capitaines Lieutenants Sous-lieutenants Compagnies Capitaines Lieutenants Sous-lieutenants

Carabiniers

DE BRéA

DE Cussy COMBESCURE

Carabiniers

BLACHE BITANT PIGUéS

1e Compagnie

HUSSON FRUQUE .LEGROS

1e Compagnie

GRINNE ROYER CLéRICQ

2e

PRéVOS'I' PAMBRUN ISOUARD

2e

PONTCHARRA NAVETTE LACOUR

3e

FRèRE Jean BOUCHé GARGAT

3e

DEHAECH GANTORIS DAUNON

4e

CAPTY LAVILLE JACOB

4e

PITT Aubert HALTIER CAMPAGNOLLE
Voltigeurs LYON BOUTOUR DEVANGEUX Voltigeurs MOISCOURT BERDIN GASTALDY
5e BATAILLON FORMANT DéPOT
6e BATAILLON
Capitaine commandant le dépôt : DE BéRY
Chef de bataillon : DE LAUNAY Adjudant-major : BUZOT
Compagnies Capitaines Lieutenants Sous-lieutenants Compagnies Capitaines Lieutenants Sous-lieutenants

1e Compagnie

PROFILL SAPéTE et ZILLI

Carabiniers

STIEVENARD BERRA PERROUD

2e

HENRION et GIRAULT DUVAL MARIANI

1e Compagnie

GUILLOT VIGER MANANTE

3e

CHAVARIN FRéJACQUES GRIEU et SEIGNEUR

2e

GUILLEMANT LATOUR MAGNIN

4e

NICOLET GOIRAND CHAVARIN et CAIRE

3e

CRISSON LESBROS MOREL

4e

GUéPET VESPA SAVARIN
Voltigeurs HERPAIN BARDEL RIVIERRE
OFFICIERS A LA SUITE
Officiers supérieurs
Adjudants-majors

FAYANS, Major; DE NETTANCOURT, Chef de Bataillon; GENTIL, Chef de Bataillon

NACHON; LéTENDARD; LEJEUNE; NICOLET; RAULIN

Quartier-maître : PRIEUR
Capitaines : RAFFATI (a été à l'île d'Elbe avec Napoléon et est rentré en France avec lui), CISTERNES, TASSIN, ANDRéANI, GRUGEOT, GéRARD, DUCROT, BAILLY, PITHON
Lieutenants : JANOT, CASTAGNIER, DURAND, MARCELLIN DE GARCIN, FROMENT
Sous-lieutenant : VINCENT

Pendant que l'Empereur cherche à frapper les imaginations par des revues, des discours et des spectacles grandioses, les Alliés et les partisans des Bourbons cherchent de leur côté à provoquer les soldats à la désertion. Le 1er Léger que Louis XVIII avait appelé près de lui à Paris pour s'en faire en quelque sorte une garde d'honneur, est en butte à plus de sollicitations qu'aucun autre Régiment Voici ci-dessous une proclamation imprimée en gros caractères, qui fut envoyée en grand nombre à M. Paulin, contrôleur des douanes à Valcourt, avec ordre du Roi de la faire afficher; cette proclamation est signée de deux déserteurs du 1er Léger et s'adresse directement au Régiment :
"Soldats français de tout régiment et toute arme, et vous surtout, braves chasseurs du 4e, vaillants soldats du 1er d'Infanterie légère à qui naguère il était permis de se glorifier du nom de Régiment du roi, c'est à vous que nous nous adressons : ce sont vos camarades qui vous appellent, qui vous invitent à les rejoindre sous le drapeau blanc.
Osez suivre notre exemple, rentrez dans le chemin de l'honneur. Celui que vous suivez maintenant vous mène à votre perte.
C'est le brave marquis de Castries (nom que les chasseurs du 4° ne peuvent avoir oublié) qni nous commande maintenant. Bien accueillis, bien traités, bien nourris, bien payés, nous n'avons plus qu'un désir : c'est de voir nos camarades venir augmenter le nombre des fidèles serviteurs qui auront l'honneur d'entourer notre bon Roi à sa rentrée dans son royaume.
Signé : Mic.-Am. LEMAGNAN, maréchal des logis au 4e Chasseurs.
FRANçOIS COTTIN, sergent au 1er d'Infanterie légère.
ALEX. LEVASSEUR, sergent au 1er d'Infanterie légère..., etc
".

Un original de cette pièce a été envoyé au Ministre de la Guerre par le Général Vandamme; on y a ajouté à la main, à côté du nom de Lemagnan : "Cet homme n'a jamais été maréchal des logis; il était frater de la compagnie". Avant l'arrivée de cette proclamation, le 1er Léger avait cinq déserteurs ; il n'en a jamais eu davantage. Malgré son vote anticonstitutionnel du 2 mai, il sera l'un des régiments qui se battirent le mieux les 16 et 18 juin.

Le 21 mai 1815, l’Empereur écrit, depuis Paris, au Général Mouton, commandant le 6e Corps de l’Armée du Nord : "Faites-moi connaître combien les 1er, 2e, 3e, 14e, 29e, 33e, 40e, 69e, 70e de ligne, 1er, 2e, 4e léger, 3e étranger pourront faire partir d'hommes le 28 mai pour renforcer les bataillons de guerre ... ? ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.15, lettre 39733).

Le 3 juin 1815, à Paris, on informe l'Empereur d'un "Don d'une journée de solde adressé par le 1er régiment d'infanterie légère ..."; ce dernier répond : "Renvoyé au duc de Bassano" (Chuquet A. : « Inédits napoléoniens », Paris, 1913, t.2, lettre 3349).

La guerre devenant imminente, l'Empereur hâte le plus possible l'organisation des Dépôts et l'envoi des hommes de renfort aux Bataillons actifs qu'il tient à porter à 600 hommes au moins. Ainsi, le 1er Léger reçoit de Paris, le 19 mai, un détachement de 150 hommes et, le 1er Juin, un nouveau détachement de 98 hommes. Grâce à ces renforts, qui comblent les vides des premiers jours, l'effectif des trois Bataillons au 10 juin (deux jours avant l'arrivée de l'Empereur) est de 1948 présents dont 64 Officiers. Ce jour là, le Prince Jérôme Napoléon prend le commandement de la 6e Division; dans le même temps, la composition de la Brigade Bauduin change puisque le 2e Léger, passé à la 5e Division, est remplacé par le 3e de Ligne.

Ordre de bataille du 2e Corps le 10 juin 1815

Commandant Général : Lieutenant général Honoré comte Reille
6e Division : Lieutenant général S.A.I. Jérôme Bonaparte
1ère Brigade : Général de Brigade Bauduin
1er Léger (Colonel Despans Cubières), 3 Bataillons, 1888 Officiers et soldats

Sources : Gloire et Empire N°20, "1815 Hougoumont"

2/ Waterloo

Les alliés ont rassemblé deux armées en Belgique : l'armée anglo-hollandaise réunie au sud de Bruxelles, sous les ordres du Duc de Wellington, et l'armée saxo-prussienne s'étendant de Charleroi à Liège, sous le commandement de Blücher. Napoléon se propose de les battre séparément. Le 14 juin, le 1er Léger est rapproché de la frontière aussi près que possible ; il bivouaque à Laire. On distribue cinquante cartouches par homme, 4 jours de pain et une demi-livre de viande. L'ordre est donné de se tenir prêt à partir pour Charleroi, le lendemain à trois heures du matin.

Le 15 au matin, toute l'armée française se met donc en marche contre l'armée prussienne qui, ne se doutant pas qu'on puisse l'attaquer, est complètement surprise et repoussée sur tous les points.

Le 1er Léger franchit la frontière avec le gros de la colonne du 2e Corps, vers trois heures et demie du matin. L'avant-garde repousse l'ennemi à Thuin et dans le bois de Montigny, enlève Marchiennes et passe le pont, puis se déploie sur la rive gauche où tout le Corps d'armée prend position aux environs de Gosselies, le 1er Léger en arrière du bois. Le soir, le Maréchal Ney prend, par ordre de l'Empereur, le commandement de l'aile gauche formée des 1er et 2e Corps.

Le 16, toutes les troupes sont prêtes à se mettre en mouvement dès l'aurore. Elles attendent impatiemment le signal, quand enfin, à onze heures, l'ordre est envoyé au Maréchal Ney d'occuper les Quatre-Bras, noeud des routes de Nivelles à Namur et de Bruxelles à Charleroi, avec mission de contenir les Anglais pendant que Napoléon écrasera l'armée de Blücher sur le plateau de Sombref où elle a pris position en arrière de Ligny.

Les 5e et 9e Divisions commencent vers deux heures et demie l'attaque des Quatre-Bras par la route de Frasne. La Division du Prince Jérôme, partie plus tard, est dirigée sur la gauche. Vers trois heures et demie, elle aborde le bois de Bossu. Le Prince d'Orange a placé dans ce bois 4 Bataillons de la Division Perponcher qui sont successivement renforcés par les troupes de Brunswick, par celles de Bylandt et par les Anglais que Wellington amène lui-même sur le champ de bataille.

"En tête d'une de nos colonnes d'attaque marche, dit Charras, l'intrépide 1er Léger avec son jeune colonel, l'héroïque Cubières". Arrivé en face de l'ennemi, celui-ci se retourne vers son Régiment composé en grande partie de vieux soldats qui ont été prisonniers en Angleterre : "Camarades, dit-il, voilà les Anglais, souvenez vous des pontons !" Et aussitôt il les lance en avant au pas de course; 800 Anglo-Belges sont renversés. Les Uhlans de Brunswick chargent à ce moment et Cubières se voit tout à coup entouré par huit cavaliers anglais qui le somment de se rendre. Le Colonel du 1er Léger se défend opiniâtrement, reçoit cinq coups de sabre, mais blesse plusieurs Uhlans et parvient à se dégager et à rejoindre son Régiment. Le Lieutenant porte-drapeau Tombeur reçoit également un coup de sabre.

Pendant cette longue lutte qui se prolonge jusqu'à neuf heures du soir devant le bois de Bossu, "le capitaine Husson, de la 1re du 3, s'élançant en tirailleurs sur l'extrémité sud du bois, se trouva tout à coup en face d'une position d'où les Anglais nous faisaient beaucoup de mal. Le tambour de sa compagnie venait d'être tué; Husson, blessé lui-même, relève la caisse, bat la charge et arrive le premier sur la position avec 80 braves; il ramena 150 prisonniers" (Husson Eugène Alexandre, né à Reims, le 12 mars 1786, élève à l'école de Fontainebleau le 14 juin 1803, Capitaine au 8e Régiment provisoire d'Infanterie légère le 29 avril 1809; passé au 1er Léger le 1er mars 1814, Chef de Bataillon à la Légion du Loiret le 19 mai 1819; passé ensuite à la Légion des Ardennes, Colonel du 42e Régiment d'Infanterie le 1er janvier 1838; Maréchal de camp le 20 avril 1845). Martinien cite également les Lieutenants Court et Grundler blessés.

A la nuit, le 1er Léger se retire lentement sur Frasne, où la vaillante Division Jérôme est bientôt relevée de la première ligne par une Division du 1er Corps. On s'est battu un contre trois, et si l'on n'a pas pu dans ces conditions surmonter les obstacles naturels, on a fait éprouver à l'ennemi de grandes pertes et on n'est pas entamé. Par une fatalité inexplicable, le 1er Corps a marché toute la journée entre les deux batailles des Quatre-Bras et de Ligny, sans prendre part à aucune.

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Attaque de la grande porte d'Hougomont par le 1er Léger; d'après K. Rocco ; remarquons les chevrons des shakos

voltigeurs 1er Léger
Voltigeurs et leur Officier, 1er Léger d'après G. Rava; les tenues représentées ne correspondent à aucune de celles étudiées pour ce Régiment

Le 17, l'Armée anglaise prend position plus au nord, en avant de Mont Saint-Jean, l'aile droite à cheval sur les routes de Nivelles et de Charleroi. Ce mouvement de recul se traduit chez nous par une marche en avant des 1er et 2e Corps. Le 1er Léger passe la nuit du 17 au 18 à Genappes en seconde ligne. Le lendemain, tous les efforts du Régiment se portent contre le bois d'Hougoumont (Hougoumont, Hougomont ou simplement Gomont ou encore, d'après Victor Hugo, Hugomons, manoir bâti par Hugo, comte de Somerel) et contre le château et ses dépendances. Hougoumont, situé sur le versant septentrional du vallon dans lequel s'est décidé, le 18 juin, le sort de l'Europe se composait en 1815 d'un château avec chapelle (c'est devant cette chapelle qu'a été relevé le corps du Sous-lieutenant Legros, tenant encore à la main la hache avec laquelle il avait enfoncé la porte de la cour) et cour intérieure (au milieu de la cour est un puits où furent jetés le soir, 300 cadavres anglais et français, ces derniers presque tous du 1er Léger) et d'une ferme adossée au château. Une porte de la cour à gauche donne accès dans un verger situé au nord-est des bâtiments. "Le verger est terrible, dit Victor Hugo, il est en trois parties, on pourrait presque dire en trois actes. La première partie est un jardin, la deuxième est le verger, la troisième est un bois. Ces trois parties ont une enceinte commune du côté de l'entrée, les bâtiments du château et de la ferme, à gauche une haie, à droite un mur, au fond un mur. Le mur de droite est en brique, le mur du fond est en pierre; on entre dans le jardin d'abord. Il est en contre-bas, planté de groseilliers,... fermé d'un terrassement munumental en pierre de taille avec balustres à double renflement. C'était un jardin seigneurial dans ce premier style français qui a précédé le nôtre, ruine et ronce aujourd'hui. Les pilastres sont surmontés de globes qui semblent des boulets de pierre... On monte quelques marches et du jardin on passe dans le verger proprement dit" (Les Misérables).

Le mur sud, par lequel doit venir l'attaque principale, a été percé par les Anglais de trente huit créneaux; "il est couvert à l'extérieur par une haie vive, formée, dit Thiers, d'arbres très gros, fortement entrelacés et présentant une espèce de mur impénétrable". L'ensemble des bâtiments et du verger est précédé du côté sud par un bois "consistant en une haute futaie et dans un taillis épais placé au dessous de la futaie". Ce groupe d'Hougoumont forme un poste avancé à droite et en avant des positions anglaises. Wellington y a envoyé 1800 hommes. Un Bataillon de Nassau, plusieurs Compagnies hanovriennes gardent le grand bois du sud; 4 Compagnies des Gardes anglaises de Cooke gardaient les bâtiments et le verger.

Pendant la nuit du 17 au 18, un violent orage éclate, et la pluie, détrempant le sol, ne permet pas à l'artillerie d'être prête avant onze heures du matin. Wellington a résolu d'accepter la bataille.

A onze heures et demie, Napoléon donne le signal général de la marche en avant et en même temps l'ordre d'attaquer Hougoumont. Cette position est la première qui se présente devant nous; en l'attaquant, on doit attirer de ce côté l'attention de l'ennemi dont on se propose, comme action principale, d'enfoncer le centre et de déborder l'aile gauche.

Le 2e Corps, aile gauche de l'Armée française, se déploie dès neuf heures entre les routes de Genappes et de Nivelles. La Division Bachelu s'appuie à la route de Genappes; la Division Jérôme, ayant en tête la Brigade Bauduin composée des 1er Léger et 3e de Ligne, marche sur le bois d'Hougoumont; la Division Foy suit en arrière et à gauche.

Le 1er Léger, reçu à coups de fusil et ne pouvant tirer sur les Hanovriens qui se sont abrités derrière les arbres, se jette sur le bois à la baïonnette et y pénètre avec le plus grand entrain, mené par le Général Bauduin qui est tué. La mort du Général provoque un certain flottement, de courte durée : le Colonel Despans-Cubières en effet prend la tête de la Brigade, dont les Compagnies d'élite, après un temps d'arrêt, reprennent leur mouvement et continuent leur progression dans le bois dont elles finissent pas s'emparer entièrement. Continuant leur progression, elles commencent même à envahir le grand verger. Mais l'ennemi se défend et parvient à repousser à l'intérieur du bois ce premier assaut. Une contre attaque, menée par le Colonel Cubières, redonne l'avantage aux Français, qui demeurent à nouveau maître du bois. L'Historique du 1er Léger dit : "lorsqu'un mouvement tournant, exécuté par la 2e Brigade (Soye) l'oblige à se retirer dans la ferme et le verger. Les hommes atteignent aussitôt la lisière nord; ils sont maîtres du bois, mais cette conquête a déjà fait bien des vides dans leurs rangs. La prise définitive du bois a demandé deux heures". En fait, la Brigade Soye vient relever la 1ère Brigade dans le bois, tandis que cette dernière poursuit sa progression.

Reste à enlever la ferme et le verger. La haie vive et impénétrable qui borde cet ensemble et masque le mur crénelé de la face sud du verger, la vive fusillade qui part de tout le front semblent devoir s'opposer à toute tentative de la part des Français. Le Général Reille lui-même, après l'examen de la position, ordonne de s'en tenir à la prise du bois. Le véritable point d'attaque n'est pas là et la gauche française se trouve suffisamment protégée par l'occupation du bois; il est donc inutile de s'épuiser contre des constructions inexpugnables et dont la possession n'est pas indispensable au succès de la journée. L'ardeur de nos soldats ne peut être contenue.

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Le 1er Léger tente de forcer la porte nord; d'après V. Huen ; on notera que les shako ont des chevrons jaunes

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Document tiré de l'Historique régimentaire Dessin mis en couleur (avec l'aimable autorisation de Jérôme Croyet - SEHRI)

La Brigade Soye qui a tourné le bois se jette sur la droite de la haie vive, pendant que le 1er Léger s'élançe sur le côté voisin des bâtiments. Les premiers hommes qui s'approchent de la haie sont fusillés à bout portant. Qu'importe ! "Nos soldats, dit Thiers, se jettent sur la haie la hache à la main et tuent à la baïonnette tout ce qui n'a pas eu le temps de fuir". Mais, après avoir traversé la haie, les hommes se trouvent en présence du mur crénelé. C'est alors que Napoléon envoie vers Hougoumont quelques obusiers qui bombardent le château et la ferme et y mettent le feu.

Dans l'impossibilité d'escalader le mur, Cubières appuie à gauche, se rapproche des bâtiments et les contourne sous un feu épouvantable parti de l'extrémité ouest du plateau de Mont Saint-Jean. Wellington voyant l'opiniâtreté de cette attaque a fait renforcer les défenseurs par un Bataillon de Brunswick, et de nouveaux détachements de gardes anglaises; il a fait en même temps converger sur les Français le feu de plusieurs batteries.

Le Colonel du 1er Léger arrive jusqu'à la porte méridionale qui, située dans un angle rentrant, donne accès dans la cour du château. Il veut la forcer. "Le Sous lieutenant Legros, dit Thiers, ancien sous-officier du génie et surnommé par ses camarades l'Enfonceur, se saisissant d'une hache, avait abattu la porte et à la tête d'une poignée de braves avait pénétré dans la cour". Legros était Sous-lieutenant de la 1re Compagnie du 3e Bataillon. Piérart, en parlant du 1er Léger dans le drame de Waterloo, raconte ainsi la mort de Legros : "L'histoire a recueilli le dévouement d'un de ses officiers nommé Legros que de nombreux actes d'audace dans de précédentes campagnes avaient fait surnommer l'Enfonceur. Legros, comme le lieutenant Vieux à la Haie Sainte, eut le courage de s'avancer avec une hache contre la grande porte plus accessible qui donnait entrée dans la partie nord du château; il y fit une large brèche aidé de quelques braves qui l'avaient suivi. Mais au moment où il pénétrait dans la cour, une terrible décharge l'étendit mort. Il failli en être de même de son colonel...". "Quelques compagnies du 1er Léger, dit Charras, et une poignée de sapeurs du génie avaient passé jusqu'à la porte nord du château; et, malgré la mitraille, la fusillade du plateau, ils l'avaient enfoncée..." (Campagne de 1815, t. 1, p. 231). G. Cottreau (Carnet de la Sabretache) : "… Le 1er Régiment d'infanterie légère se distingua à Waterloo. A la Haie Sainte, un de ses officiers enfonça la porte et entra, mais il fut tué avec les hommes qui l'avaient suivi. Auprès de là, dans un jardin, six chasseurs du 1er Régiment tinrent longtemps en échec trois compagnies hanovriennes et se firent massacrer plutôt que de se rendre".

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Combat sur l'esplanade devant la porte nord d'Hougomont; d'après J. Augé

C'est à Victor Hugo avec son style imagé et saisissant, qu'il faut demander maintenant de nous donner la description de ces combats corps à corps et l'impression que leur souvenir a laissée : "Le château servit de donjon, la chapelle de blockhaus; on s' y extermina. Les Français, arquebusés de toutes parts, de derrière les murailles, du haut des greniers, du fond des caves, par toutes les croisées, par tous les soupiraux, par toutes les fentes des pierres, apportèrent des fascines et mirent le feu aux murs et aux hommes. La mitraille eut pour réplique l'incendie.... On s'est massacré dans la chapelle.... On n'y dit plus la messe depuis le carnage..." (Les Misérables, t. III, p. 12 et suiv.).

Ecoutons encore l'impression du poète en pénétrant dans cette cour où tant de héros du 1er Léger ont trouvé la mort des braves : "L'orage du combat est encore dans cette cour; l'horreur y est visible; le bouleversement de la mèlee s'y est pétrifié; cela vit, cela meurt; c'était hier. Les murs agonisent, les pierre tombent, les brèches crient; les trous sont des plaies; les arbres penchés frissonnants semblent faire effort pour s'enfuir".

Pendant l'assaut des bâtiments, quelques hommes s'aventurent jusque dans le jardin. Leur glorieuse agonie est une des plus belles pages du poète : "C'est dans ce jardin, plus bas que le verger, que six voltigeurs du 1er Léger ayant pénétré là et n'en pouvant plus sortir, pris et traqués comme des ours dans leur fosse, acceptèrent le combat avec deux compagnies hanovriennes dont une était armée de carabines. Les Hanovriens bordaient ces balustres et tiraient d'en haut. Ces voltigeurs ripostaient d'en bas, six contre deux cents, intrépides n'ayant pour abri que les groseilliers; ils mirent un quart d'heure à mourir". "Les plus intrépides, les plus audacieux, dit Charras, pénétrèrent par quelques ouvertures des haies, dans le verger, allèrent même, s'aidant les uns les autres pour l'escalade, jusqu'à franchir le mur du jardin, mais la mort fut le seul prix de leur tentative. Jamais hommes si braves ne furent si vainement sacrifiés...".

Waterloo
Document extrait de l'Historique régimentaire (également donné en page 45 du "Gloire et Empire" N°20 consacré à la bataille de Waterloo)

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Le Colonel Cubières blessé et mis à bas de son cheval par le Sergent Ralph Fraser

Après d'héroïques efforts, le petit détachement du 1er Léger, qui a réussi à entrer dans la cour, est sur le point de rester maitre des bâtiments, lorsque le Lieutenant-colonel Macdonell, acourrant à la tête des gardes anglaises, rend la lutte tellement inégale que les soldats ne peuvent la soutenir. Le château leur échappe; la porte de la cour est refermée et barricadée; elle ne sera plus franchie.

Dans cette retraite, le Colonel de Cubières, déjà blessé le matin d'une balle à l'épaule droite, à la sortie du bois, et couvert des pansements nécessités par ses blessures du 16 juin, a son cheval tué sous lui et dans sa chute perd connaissance. Les Anglais passent près de lui et le croient mort. Au moment où ils rentrent dans le château, Cubières se relève. Celui-ci, debout seul à quelques pas de l'ennemi, regarde fièrement du côté des Anglais pour recevoir la mort en soldat; mais les Anglais, paralysés par l'admiration devant la belle attitude de ce jeune Colonel couvert de blessures, ne tirent pas. Cubières les voyant relever les canons en l'air les salue, fait demi-tour et retourne tranquillement rejoindre son Régiment qui s'est retiré dans le bois. "L'état-major et les troupes anglaises battirent des mains" raconte le Général sir Charles Doyle, témoin oculaire. Ce même fait a été rapporté par divers auteurs avec de nombreuses variantes. D'après Thiers, les Anglais auraient eux-mêmes recueilli le Colonel du 1er Léger encore tout ensanglanté. Dans la biographie de Cubières et dans le drame de Walerloo, on retrouve exactement ce récit. Voici comment s'exprime Piérart : "Le brave Cubières avait suivi Legros et tomba sous son cheval mort lors d'une sortie des Anglais. Ceux-ci saisis d'admiration à la vue du courage de ce jeune chef que ses blessures reçues aux Quatre-Bras n'avaient pas empêché de combattre encore, relevèrent leurs armes au lieu de le tirer. Cubières se dégageant avec peine de dessous son cheval se retira en saluant les ennemis généreux qui avaient épargné son courage, générosité rare dans cette furieuse campagne de quatre jours et qui, plusieurs fois répété par les Anglais, leur a fait le plus grand honneur".

Voici la version donnée dans Gloire et Empire N°20 - 1815 Hougoumont : "Cependant, à cause de la soudaineté de l'attaque, un certain nombre de "Coldstream Guards", surpris, n'ont pas eu le temps de pénétrer dans la cour de la ferme. Ralph Fraser, un sergent de trente-trois ans, vétéran des campagnes d'Egypte, du Hanovre, de Copenhague et de la Péninsule, est parmi eux et se trouve soudain en face du colonel Cubières. Celui-ci veut lui donner un coup d'épée, mais Fraser, plus prompt, le frappe de son esponton et Cubières blessé et à moitié assommé par le choc tombe de cheval. Au lieu de l'achever, Fraser se hisse sur le cheval du colonel puis se fraie un chemin à travers les assaillants vers la porte de la ferme. Beaucoup de ses camarades profitent de la trouée qu'il laisse derrière lui pour le suivre, rentrer dans la cour et se mettre à l'abri des murs. C'est en tout cas ce que raconte la tradition, mais Fraser est sergent dans une compagnie légère, et n'est donc normalement pas armé de l'esponton mais bien d'une carabine. Cubières est donc plus que probablement blessé et jeté à bas de son cheval par un coup de feu que par un coup d'esponton.

C'est en tout cas ce que dit le Capitaine de Mauduit qui a une version différente des faits : "Le colonel de Cubières, témoin de la mort héroïque de Legros, fut lui même grièvement blessé d'une balle à la tête et tomba sous son cheval, qui venait d'être tué. Le courage de ce jeune colonel, combattant ainsi, malgré ses blessures reçues aux Quatre-Bras, excita l'admiration des Anglais et quand ils pouvaient, au moment où il se dégageait de son cheval mort, le fusiller à bout portant, ils relevèrent leurs armes, et pas un seul coup de feu ne fut tiré. Le colonel de Cubières se relevant avec peine, s'éloigna en saluant les ennemis généreux qui avaient épargné son courage"... Toujours est il que bien des années plus tard, en 1832, Cubières, alors au service du Pape en tant que gouverneur d'Ancône, aura l'occasion de témoigner sa reconnaissance pour cette attitude au chevaleresque colonel Woodford des "Coldstream Guards" lors d'une rencontre totalement fortuite".

D'autres versions du fait existent, sensiblement différentes de celles présentées ci-dessus : "A Waterloo, le colonel du 1er régiment d'Infanterie légère dont le régiment était écrasé par la mitraille, vit son porte drapeau tomber mort et le drapeau couché à terre devant la ligne anglaise. Des torrents de fumée dérobèrent à la vue des soldats le malheur qui frappait le régiment. Refoulés par les charges, ils battaient en retraite. Le colonel seul s'élance pour ressaisir son drapeau qui était presque au pied des Anglais sur le corps inanimé du lieutenant, entouré de sa garde morte aussi. Un général anglais voit l'héroïsme de ce colonel et se précipite au-devant des siens pour faire cesser le feu, afin que le colonel français puisse emporter son drapeau" (Général Ambert : "Le Soldat", page 440). "A l'attaque d'Hougoumont, sur la gauche de la ligne française, vers le commencement de la bataille de Waterloo, le porte-aigle du 1er Léger tombe mort avec la garde du drapeau. Le régiment bat en retraite. Et lorsque la fumée vint à se dissiper, le colonel Cnbières voit le drapeau de son régiment à terre, sous l'officier mort et près de tomber aux mains d'une colonne anglaise qui s'avance rapidement. Le brave Cubières s'élance aussitôt seul pour reprendre son aigle. Un officier anglais, témoin de cet acte d'héroïsme, fait cesser le feu et laisse le colonel emporter ce trophée" (Désiré Lacroix : Histoire du drapeau français). Ces deux versions semblent bien éloignée de la réalité des faits.

Après une mêlée héroïque, les Anglais parviennent à rester maîtres des lieux, et tous les Français qui ne sont pas parvenus à ressortir sont tués sur place. La légende dit que les Anglais n'épargnèrent qu'un jeune tambour que le soldat Matthew Clay aurait emmené à l'intérieur du château dans une salle où s'entassaient déjà des blessés en lui disant de ne pas bouger de là et que personne ne tenterait de lui faire du mal (Gloire et Empire N°20).

Il convient de rapporter un dernier épisode qui nous est encore raconté par Victor Hugo. Quand la cour de la ferme est envahie par les soldats du 1er Léger, les défenseurs s'égaillent et tentent de se réfudier dans les divers bâtiments et parmi eux, un officier allemand poursuivi par un sapeur français : "... au moment où le lieutenant hanovrien Wilda saisissait cette poignée, pour se réfugier dans la ferme, un sapeur lui abattit la main d'un coup de hache...". L'anecdote est séduisante et sans doute authentique, mais par contre, il n'y a jamais eu d'officier du nom de Wilda dans le contingent hanovrien. Il y a bien eu dans le bataillon de Lünebourg, un Lieutenant Völger qui a été blessé grièvement le 18 juin à Waterloo. Peut être Hugo, qui avait une certaine propensio à estropier les noms propres, a t'il transformé le nom du Lieutenant Völger en Wilda. Concernant cette annecdote, une autre source cite le Lieutenant Diederich von Wilder de la Compagnie de Grenadiers du 2e Régiment de Nassau (Gloire et Empire N°20).

Après les combats, l'effectif du Régiment se trouve réduit à 572. Le lendemain de la bataille, quand on fait l'appel, il manque 1316 noms. Les Capitaines Nanot et Papoux sont restés avec Legros sur le champ d'honneur. Le Sous-lieutenant Jacob meurt, le 1er juillet, des suites d'un coup de feu. Le Capitaine de Bréa (devenu Général, il fut assassiné par les insurgés le 25 juin 1848 : "Le général de Bréa marche sur la barricade de Fontainebleau. Après avoir réduit les insurgés à la dernière extrémité, le général s'avance seul avec son aide de camp, assez près pour s'en faire entendre, et les engage à se rendre. Ceux-ci font mine de vouloir parlementer; ils se rapprochent du général, se jettent sur lui et son aide de camp, et les entraînent. Alors ils veulent exiger de lui qu'il envoie par écrit à ses soldats l'ordre de livrer leurs armes et leurs munitions. Sur son refus, on lui arrache ses épaulettes, on déchire ses habits. Un homme l'ajuste à trois pas; le général est frappé au ventre, il tombe; ... enfin un troisième l'achève à coups de hache. On lui coupe le nez et les oreilles; on mutile sa tète à ce point qu'elle ne ressemble plus à une figure humaine". C. Mullié : Les Fastes de France, t. IV, p. 202), le Lieutenant de Carabiniers de Cussy (a pris sa retraite comme Chef de Bataillon), le Sous-lieutenant Sicard (Plus tard Capitaine d'Etat-major; il a fait un long séjour au Ministère de la guerre, où il a laissé sur l'armée française un travail historique très volumineux) et bien d'autres sont au nombre des blessés (selon Martinien : le Chef de Bataillon Jolyet; Capitaines Adjudants majors Vignal (mort le 30 août) et Husson; Capitaines Dogimont, Hagard, Prevost et Vibert, Lieutenants Boutour, Goin, Guillermain, Tombeur et Vilcoq ; Sous lieutenants Jacob (mort le 1er juillet), Bourillon, Combecure, Gouverne).

Le bois a été défendu jusqu'au bout. Quand tout fut perdu par les désastres de la droite, les débris du 1er Léger se replièrent par Genappes et le bois de Bossu. L'ennemi épuisé ne dépassa pas la Dyle. Néanmoins, on ne se crut en sûreté qu'après être revenu sur la rive droite de la Sambre.

Le 19 juin, on se rallie à Beaumont et la retraite commence. C'est pour les débris du 1er Léger une marche douloureuse; on se traine lamentablement de village en village, la tristesse dans l'âme et la rage au coeur, ne rencontrant sur le chemin que des regards inquiets et des fronts tristes. Pas un sourire pour éclairer la route et rallumer le feu sacré ! Et nos héros vaincus, couverts de poussière et de sang, s'en vont ainsi, la tête basse, presque honteux d'eux-mêmes, comme si dans la bataille suprême ils n'avaient pas fait leur devoir, tout leur devoir et bien au delà. Ils passent ainsi le 20 à Avesnes, le 21 à la Capelle, le 22 à Vervins, le 23 à Soissons où Grouchy prend la direction de l'Armée du Nord, pendant que Davout est investi du commandement en chef des armées. Napoléon a abdiqué pour la seconde fois.

On part de Soissons, le 25, pour aller défendre Paris. C'est une espérance, ou plutôt une illusion qu'on donne aux soldats pour les consoler. Le 1er Léger arrive le 26 à Compiègne, le 27 à Nanteuil, le 28 à Gonesse et le 30 à la Chapelle, où l'on fait quelques préparatifs de résistance. Le Dépôt du Régiment et les Bataillons restés à Paris se réunissent là à ceux qui se sont battus au bois du Bossu et à Hougoumont. On reste ainsi trois jours dans une activité factice, essayant contre toute espérance de tenter encore une bataille ! Dans la nuit du 2 au 3 juillet, le Régiment prend les armes. Ce n'est pas pour un combat. On se met en marche vers l'intérieur de Paris, puis, longeant les boulevards extérieurs, on prend la route de Saint-Maur. Là, on passe sur la rive gauche de la Seine. Le soir, le Régiment couche à Champigny. La lutte est bien finie. Le Gouvernement a traité avec l'étranger : l'Armée doit se retirer derrière la Loire et les "Brigands" qui, pendant vingt-trois ans, ont fait trembler l'Europe, vont bientôt être à jamais dispersés.

3/ Les derniers jours du 1er Léger

Le 6 juillet, l'Armée s'achemine vers la Loire. Le 1er Léger couche le 6 à Longjumeau, le 7 à étampes, le 8 à Angerville, le 9 à Arthenay, le 10 à Orléans et le 11 à Jargeau. C'est dans ce petit village et dans les fermes de la rive gauche que le Régiment attend l'ordre du licenciement.

Après deux longs mois d'une véritable agonie pendant lesquels les Officiers et les soldats, unis dans les mêmes pensées et les mêmes souffrances, resserrent de plus en plus chaque jour des liens qu'il va falloir bientôt briser, l'ordre arrive enfin de licencier le 1er Léger.

Les soldats sont renvoyés dans leurs foyers et presque tous les Officiers mis en demi-solde. Le fonds du Régiment est destiné à entrer dans la composition de la Légion départementale des Hautes-Pyrénées (64e Légion).

Il reste à ce moment dans la caisse du Corps une somme considérable. C'est la propriété du Régiment; elle appartient à tous : le Colonel la fait distribuer également entre tous, Officiers, Sous-officiers et soldats. Ce fait a été attesté par un Lieutenant du Régiment qui, à quelques temps de là, mandé précipitamment près de sa mère malade, et n'ayant pas l'argent nécessaire pour faire le voyage confia son embarras à son ancien Colonel : "Prenez, mon cher, dit le Colonel en ouvrant son secrétaire; ma bourse entière est à votre disposition". Trois mois après, l'Officier se présenta chez le Colonel Cubières pour rendre l'argent prêté. "Y pensez-vous, lieutenant? vous avez donc oublié la distribution faite au régiment, lorsque nous étions à l'armée de la Loire. Vous n'aviez pas eu votre part tout entière, j'ai dû vous rendre ce qui vous appartenait; vous ne me devez rien". Et le colonel ne voulut rien se laisser rendre (Voir le Recueil des discours du Général Cubières).

Le licenciement du 1er Léger est fixé au 24 septembre 1815. G. Cottreau déclare : "Le 1er Léger fut-il un des Régiments que la deuxième Restauration licencia avec le plus de hâte. Son colonel, de Cubières, prononça une curieuse allocution au moment de se séparer de ses officiers, où il dit que dans les époques troublées, le difficile est non de faire son devoir, mais de discerner où est le devoir". En effet, le Colonel de Cubières fait prendre les armes une dernière fois, pour revoir encore son cher Régiment, le passer en revue et faire ses adieux à ceux qui ss sont battus à ses côtés :
"Soldats, leur dit-il de sa voix claire et vibrante sous l'émotion, dans peu d'instants le 1er régiment d'infanterie légère n'existera plus!... Encore quelques moments, et cette famille dont l'union fut cimentée par vingt ans de travaux et de gloire, sous les mêmes drapeaux, sera éparse sans espoir de se réunir jamais. Ah ! sans doute, de tous les sacrifices que nous impose le malheur des circonstances, il n'en est pas pour nous de plus pénible que cette séparation. S'il est des hommes qui ignorent combien sont forts les liens de la fraternité d'armes, combien est vive et franche cette amitié contractée dans les camps, combien est durable l'estime acquise sur les champs de bataille, ceux-là seuls pourront nous reprocher les sentiments douloureux que ce triste instant nous fait éprouver, et la vive affliction que nous en conserverons longtemps. Aujourd'hui se terminent les faits militaires commencés par la Révolution, si féconde en grands hommes, en victoires, et dont l'éclat, longtemps si brillant, n'a été que faiblement obscurci par nos derniers malheurs. Les hauts faits du 1er régiment d'Infanterie légère, ainsi que les noms des braves que la tradition a conservés parmi nous, vont devenir l'apanage de l'histoire. Elle les citera avec honneur, lorsqu'elle parlera des batailles de Jemmapes, de Hondschotte, de Zurich, de Marengo, de Wagram; lorsqu'elle décrira la conquête de la Hollande, le passage du Rhin, celui de la Piave et du Danube. Elle n'oubliera point de les célébrer, lorsqu'elle racontera les sièges de Girone, de Tortose et l'assaut de Tarragone, où vous eûtes l'honneur de monter les premiers.
Vous êtes appelés, soldats, à former des légions départementales. Donnez-y l'exemple de la discipline sévère dont vous ne vous êtes jamais écartés. Portez surtout parmi vos concitoyens l'esprit d'obéissance et de soumission aux lois qui vous a toujours animés. Vous prouverez par là que vous n'étiez pas nés pour être les aveugles instruments du despotisme, vous deviendrez ainsi les plus fermes appuis du gouvernement constitutionnel, et des sujets utiles au monarque et à la patrie. Si le cri des partis se faisait entendre dans vos provinces, répondez-y par celui de Vive la France! Telle sera pour jamais la devise des braves soldats et de tous les bons citoyens. Puisse la modération des étrangers finir nos malheurs, puisse leur départ délivrer bientôt nos départements accablés! Si nos veux n'étaient point exaucés, si, contre nos espérances les maux de la France étaient sans terme et son humiliation sans bornes, lequel d'entre vous, soldats, hésiterait un jour à ressaisir ses armes et ne préférerait la mort à l'ignominie de sa patrie!.., Adieu!
".

Le Colonel Cubières était à cheval. Il piqua des deux pour s'éloigner et pour mieux maîtriser sa profonde émotion; mais elle avait gagné son auditoire : les vieux soldats s'étaient précipités en grand nombre sur les traces de leur chef; il répétaient en sanglotant : Adieu! adieu, colonel ! Cubières s'arrêta, mit pied à terre, et reçut dans ses bras, au risque d'être étouffé par tant d'étreintes, tout le 1er Léger. Cette scène tirait des larmes à toute la population qui encombrait le lieu où elle se passait. Les anciens soldats étaient les plus émus : "Vous autres, disait un vieux carabinier en s'adressant à des conscrits, vous ne sentez pas comme nous que le régiment est une famille". Ainsi se conclut l'histoire du 1er Léger.

II/ Sources iconographiques et commentaires

Dans les Mémoires du Capitaine Duthilt, nous trouvons des renseignements utiles quant à la tenue de la 14e Légère (1795) devenue 1ère Légère un an plus tard. Ainsi, apprenons nous qu'entre avril et mai 1795, alors que l'unité est stationnée en Hollande, des ateliers sont chargés de fournir l'habillement nécessaire à cette dernière (voir première partie de notre étude). La distribution des nouveaux effets a lieu un an plus tard (juin 1796) :

"Les journées des 6 et 7 (18 et 19 prairial) furent employées à la distribution générale de toutes les parties de l'habillement, de la coiffure, des guêtres, des sacs de peau, du linge, de la chaussure, de la buffleterie, de l'armement, et par surérogation d'un pantalon et d'un sarrau de toile blanche pour tenue de corvée.
Un uniforme dégagé, tel qu'il pouvait convenir à une troupe légère remplaça nos vieux habits et autres effets de toutes coupes et de toutes les couleurs, chargés de pièces grossièrement appliquées l'une à côté de l'autre ; à notre coiffure ronde, tricorne, basque, en feutre, en laine, chacun de nous ayant sa coiffure particulière, succéda un casque élégant pour les chasseurs : bombe vernissée garnie de chevrons en cuivre poli; un kolbach aussi en oursin, pour les carabiniers ; l'une et l'autre coiffure ornée d'un plumet vert ou rouge, distingué à son extrémité par la couleur affectée à chacun de nos bataillons; tenue admirable par son élégance ; plus de bigarrures ni d'indices de pauvreté; plus de bonnets rouges aux retroussis des pans de nos habits : des cors de chasse remplacèrent ce signe sanguinolant qui faisait dire plaisamment :
Le Français porte au cu (sic), pour plus de sûreté,
Le bonnet prhrygien, signe de liberté" (Lévi C. (Chef de Bataillon) :
"Mémoires du Capitaine Duthilt"; Tallandier, 1909).

L'Historique régimentaire quant à lui indique : "La nouvelle 1re Légère conserva son ancien uniforme jusqu'en 1797. Elle prit alors le pantalon collant en drap bleu, les demi-guêtres ornées d'un gland. L'habit resta bleu avec pattes et revers à pointes de même couleur. Les parements également bleus furent carrés; les retroussis des Grenadiers furent ornés d'une grenade; ceux des Chasseurs, d'un cor de chasse. Les boutons restèrent blancs et portèrent le numéro 1. Coiffure. Armement. - Les Grenadiers reçurent le bonnet à poil orné d'une grenade appliquée au-dessus du front, d'un plumet rouge placé sur le côté gauche, et d'une guirlande blanche surmontée d'une croix blanche appliquée sur un fond de drap rouge terminé par un gland plat. Les Chasseurs conservèrent le chapeau avec plumet vert jusqu'à l'adoption du schako. L'armement ne fut pas changé : on conserva le fusil modèle 1777 et le sabre briquet".

- Figure 1 : Tambour en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. Bien que daté de l'année 1797, ces types ont peut être été notés au moment du passage de la 1ère Demi-brigade légère dans la région de Strasbourg en février mars 1799. Le Tambour et les types qui suivent ont (en théorie) cinq boutons à la patte de parement. G. d'Ambert donne ce Tambour (Le Briquet N°2 de 1971) d'après “Collections Alsaciennes”, sans autre précision de source, avec trois boutons à la patte de parement qui a un passepoil blanc, et les épaulettes vertes à tournantes rouges, alors que le Fichier Carl ne mentionne pas leur couleur.

Quelques précisions s'imposent avant de continuer. Grâce à de nouveaux documents parvenus à notre connaissance, nous pouvons clarifier les divergences qui existent entre les types de Carl et ceux donnés par G. d'Ambert dans la revue du Briquet en 1971. Effectivement, tous les types qu'il présente ont trois boutons à la patte de parement, contrairement à ceux de Carl. Derrière l'expression "Collections Alsaciennes", nous pouvons mettre un nom : Boersch.

Boersch vivait à Strasbourg, où il exerçait le métier de farinier-boulanger. Né avant la Révolution, il a "épousé la nièce du peintre Benjamin Zix. Epris de dessin, Boersch notait au fur et à mesure tout ce qu'il pouvait voir de types et d'uniformes passant alors devant sa boutique. C'est ainsi qu'il constitua une collection importante de petits soldats peints et montés sur plots. Certes, il dut se servir de croquis et de documents de Benjamin Zix, mort sans héritiers en 1811. La collection Boersch fut achevée sous la restauration par son fils et, jouissant à l'époque déjà d'une importante renommée, passa entre les mains de la famille Kolb.

Exposée encore en 1903, à l'occasion de l'Exposition Militaire au Château des Rohan à Strasbourg par l'ingénieur Georges Kolb, elle disparut ensuite sans laisser de traces.

Un heureux hasard a permis de la retrouver en entier et, dans un éta de fraicheur et de conservation parfaite, constituant un ensemble de corps de troupes du Premier Empire de 4400 pièces.

Cette collection, comparée à la célèbre collection Würtz du Musée de l'Armée achevée par son auteur vers 1840, peut être considérée aujourd'hui comme une réalisation de première importance. L'exactitude des uniformes représentés, poussée jusqu'aux moindres détails, permet de classer la collection Boersch comme source indiscutable à laquelle ont puisé les nombreux collectionneurs et peintres de soldats de Strasbourg" (Paul Martin, Conservateur Honoraire des Musée de Strasbourg, in Catalogue Boersch - vente du Mercredi 10 mars 1971 à Angers).

"Boersch (Thiébaut) 1782-1824. Boulanger ou farinier à Strasbourg qui commence à dessiner vers 1800 tout ce qui a rapport à l'uniforme militaire plus particulièrement les troupes allant se battre en Allemagne et qui traversent la capitale alsacienne.
Né avant la Révolution Boersch réalise ainsi à la gouache quelques types des armées de la 1ère République, son fils contemporain de Napoléon 1er termine la collection sous la Restauration.
La légende veut que cet ensemble de 4500 pièces ait appartenu à Napoléon III. Rassemblée à Compiègne la collection disparaît entièrement pendant la tourmente de 1870. Retrouvée et exposée en 1903 à l'occasion de l'exposition militaire du château de Rohan à Strasbourg, la collection retourne chez son propriétaire d'alors : un architecte strasbourgeois.
A nouveau égarée, sans doute pendant la première guerre mondiale, elle n'est retrouvée qu'en 1971 et fera alors l'objet d'une vente publique à Angers le 10 mars de la même année
" (Catalogue vente Drouot de mars 2009).

"La collection commencée par Thiébaut Boersh vers 1800 sera terminée par son fils en 1818" (catalogue de vente du 3/11/2011 à Drouot).

Boersch a consacré au 1er Léger tout un ensemble de figurines dont le détail nous est donné dans le catalogue de la vente du 10 mars 1971 à Anger :

Lot 27 : 25 Musiciens et Tambour major.
Lot 28 : Tete de colonne, 11 personnages dont 6 Sapeurs et 5 Tambours.
Lot 29 : Compagnie de Grenadiers : 32 personnages, 2 Officiers, 3 Sous officiers, 2 Tambours, 25 Grenadiers.
Lot 30 : Compagnie de Voltigeurs : 29 personnages : 1 Officier supérieur, 1 Officier, 3 Sous officiers, 1 Porte drapeau, 23 Voltigeurs.
Lot 31 : Compagnie du centre : 30 personnages: 1 Officier supérieur, 2 Officiers, 3 Sous officiers, 24 fantassins.
Lot 32 : Compagnie du centre : 29 personnages : 2 Officiers, 3 Sous officiers, 24 fantassins.

Total : 157 figurines.

Que sont devenues ces figurines ? Et bien, nous savons que le Musée de Compiègne possède aujourd'hui un ensemble de 53 figurines (Compagnies du centre), information que nous devons à notre collègue Yves Martin. Les types sont clairement datés de 1797. Par ailleurs, le 3 novembre 2011, différents ensemble de figurines Boersch ont été mis en vente à Drouot. En voici le détail pour le 1er Léger :

- Lot n° 120 : Chasseurs : 4 Officiers, 4 Sous-officiers, le drapeau, 4 Tambours, 25 soldats soit 37 figurines.
- Lot n° 121 : Carabiniers : 2 Officiers, 1 Sous-officier, 2 Tambours, 24 soldats (dont un Caporal) soit 29 figurines.
Total : 66 figurines.

Si l'on ajoute les 53 de Compiègne aux 66 figurines vendues à Drouot, cela nous fait un total de 119; il manque donc 38 figurines : les Musiciens, le Tambour major, la tête de colonne (Sapeurs et Tambours) et très certainement les deux Officiers supérieurs.

Dans le catalogue de la vente du 3 novembre 2011 figure également au lot 122 (présenté de la manière suivante : Sapeurs de la 57ème demi-brigade de ligne) 1 Sous-officier, 6 Sapeurs; mais sur la photo publiée avant la vente, ce sont 12 Sapeurs que l'on peut voir, dont certains (au moins deux) sont de la Légère. Or, ils ne figurent dans aucun autre lot mis en vente. Par contre, dans le catalogue de la vente Boersch de 1971, un Sapeurs absolument identique apparait dans l'une des illustrations; il est présenté comme appartenant au 1er Léger. Il est donc fort probable que ceux vendus le 3 novembre 2011 appartiennent effectivement au 1er Léger. Ce qui nous porte donc à un total d'au moins 121 figurines.

Par contre, pour l'instant, nous ne savons pas ce que sont devenues les autres figurines.

H. Rommel, l'un des grands spécialistes des Collections Alsaciennes, pensait que les types de la 1ère Demi-brigade avaient été notés par Benjamin Zix, oncle par alliance de Boersch. A l'époque, Zix était dessinateur à l'Etat major de son protecteur, le Général Alexis Balthazar Henri Schauenburg (1748-1832), qui a commandé l'Armée d'Helvétie de mars à décembre 1798. Cette unité a été copiée avant 1870 d'après Boersch par Boeswilwald : "elle figurait exactement représentée sans aucune modification" (sic). Boersch et Boeswilwald "se connaissaient entre eux du fait de leur violon d'Ingres. D'après le commandant E. L. Bucquoy, qui avait encore tant soit peu connu dans son jeune âge Boeswilwald, qui était un ami de son père, il parait que son travail était très sérieux et ses sources excellentes" (H. Rommel).

Les divergences entre Boersch et Carl peuvent s'expliquer par ces copies successives, en admettant que Carl ait copié Boeswilwald en commettant quelques erreurs; à moins que ce dernier ait eu des informations différentes. Les types de Carl dans ce cas pourraient donc être légèrement postérieurs (1799) à ceux de Boersch (1797). Tout cela bien entendu n'est qu'hypothèses.

Pour en revenir à notre Tambour de Chasseurs, il porte le casque du modèle fixé en 1791; il en restait peut être en magasin en 1797-1799 ? Il est en cuir noir, avec bandeau en veau marin et garniture en cuivre. Selon G. d'Ambert = Boersch, le passepoil des pattes de parement est blanc. Sur la banderole porte caisse, le cor de chasse est remplacé par une grenade en cuivre (?). A noter que selon le Commandant Bucquoy, qui a semble t'il travaillé sur le 1er Léger, le galon (représenté en encadré sur le dessin) est d'un modèle légèrement différent de celui que nous voyons chez Carl. Autre remarque importante, le rouge du collet, des revers et des retroussis (pour l'ensemble de la tête de colonne) semble tirer sur le cramoisi selon les notes de H. Rommel.

A noter que sur les originaux de Boersch, conservés à Compiègne, le casque n'a pas de garniture en cuivre ni de cercle de visière; les pattes de parement, à trois boutons, n'ont pas de passepoil blanc; il y a deux boutons sous le revers droit (à gauche pour le lecteur). Concernant le collet et les revers, ils sont effectivement cramoisi comme mentionné par H. Rommel; le galon est effectivement du modèle donné par Bucquoy, mais avec zigzag rouge et points bleu céleste. Les épaulettes sont bien vertes à tournante rouge, et la banderole porte caisse est dotée d'un cor de chasse en cuivre.

Nous donnons en figure 1ab les Tambours de Chasseurs, figurines originales de Boersch (vente Drouot du 3 novembre 2011). Elles sont en tous points conformes à ce que nous avons vu pour les figurines de Compiègnes. Remarquons que sur la banderole porte caisse se trouve un cor de chasse et non une grenade. Il y a donc eu erreur de la part de G. D'Ambert qui a confondu avec les Tambours de Carabiniers.

Nous donnons en figure 1aa le Tambour de Chasseurs en 1797 de Ernest Fort d'après Boersch. Il s'agit d'un dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I." (Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1)). Ce Tambour de Chasseurs, ayant comme source indiquée Boersch, présente les mêmes caractéristiques que celui donné par Carl, mais avec les épaulettes vertes à tournante rouge; le cor de chasse de la banderole porte caisse a été remplacée par une grenade.

- Figure 1a : Tambour de Carabiniers en 1797 d'après Boersch. Remarquons la grenade en cuivre sur la banderole porte caisse (douteuse pour l'époque selon H. Rommel), ainsi que le galon de l'habit, qui est analogue à celui que nous voyons chez le Tambour de Chasseurs de Carl.

Nous donnons en figure 1ac les Tambours de Carabiniers, figurines originales de Boersch (vente Drouot du 3 novembre 2011). Elles sont en tous points identiques au type précédent (remarquons les boutons blancs sous le revers droit - à gauche pour le lecteur).

- Figure 2 : Sapeur en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. G. d'Ambert donne ce Sapeur (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes” = Boersch, sans ornements de banderoles. Par ailleurs, chez Boersch, le col et les revers de l'habits sont passepoilés de blanc, nous dit G. d'Ambert. Mais qu'en est il exactement ?

Si l'on se base sur le catalogue de la vente Boersch de 1971, le Sapeur du 1er Léger qui y figure en illustration (figure 2a) a effectivement les revers passepoilés de blanc, sauf que ces revers sont bleu foncé, et non rouges. Ce sont exactement les mêmes Sapeurs qui ont été exposés lors de la vente Drouot de novembre 2011 (figure 2b) . Il faut donc en déduire que chez Boersch, et en admettant que ces Sapeurs appartiennent bien au 1er Léger (ils pourraient en effet avoir été déclassés au cours d'une exposition), les Sapeurs portent la tenue de la troupe, et ne s'en distingue que par le port de haches croisées et grenades rouges, le tablier et la hache. Alors que pour Carl, les Sapeurs ont l'habit de la tête de colonne et des ornements sur les banderoles.

- Figure 3 : Musicien en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. G. d'Ambert donne ce Musicien (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes” = Boersch, avec “ haut plumet retombant rouge à sommet blanc ”. En fait, d'après Boersch, le plumet est rouge au sommet et à la base, blanc en son centre. De même, le passepoil des pattes de parements est blanc.

Ce Musicien est également donné par Ernest Fort d'après Boersch (figure 1aa). Il s'agit d'un dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I." (Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1)). Pas de différence notable à priori.

Précisons que nous n'avons pas vu de figurine originale de Boersch représentant un Musicien. Par contre, nous avons la chance de disposer, dans le catalogue de la vente Boersch de 1971, d'une représentation du Tambour major (figure 3a). Bien que l'illustration soit en noir et blanc, il nous paraît fort aisé de reconstituer la tenue dans ses couleurs : chapeau à aigrettes rouge, blanc et bleu , plumet de même (le rouge au sommet); galon, pompons dans les cornes, tirants et ganse de cocarde argent. Habit bleu à col et revers rouges; galon du col (deux galons), des revers, des retroussis (ces derniers bleu foncé) argent. Banderole rouge galonnée d'argent; grenades (or ?); galons de grade et épaulettes argent. Gilet blanc. Culotte bleu foncé, à trèfles et galon latéral argent; bottes galon et gland argent. Crispins blancs sans galon. Canne à cordon argent; pommeau sans doute de même; bout cuivre.

- Figure 4 : Officier de Carabiniers en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. Donné par G. d'Ambert (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes” = Boersch.

Nous donnons en figure 4a l'Officier de Carabiniers, figurine originale de Boersch (vente Drouot du 3 novembre 2011). Il diffère du type de Carl par la patte de parements, et les deux boutons blancs sous le revers droit (à gauche pour le lecteur).

- Figure 5 : Porte drapeau (sic) en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. Le "drapeau" est donné par G. d'Ambert (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes”= Boersch. Identique à Carl, sauf la patte de parement (trois boutons). Ce type figurait dans le catalogue de Bucquoy. Le casque est en cuir bouilli à garniture de cuivre; bandeau en peau de panthère. Il va de soit que le drapeau représenté ne correspond en rien à celui qui fut réellement en usage à l'époque. Les Collections Alsaciennes sur ce point soulèvent bon nombre d'interrogations et peut être doit on considérer qu'il s'agit ici plutôt d'un fanion, et non du drapeau de la Demi-brigade. H. Rommel a aussi noté que le coq a été très à l'honneur au moment de la révolution de 1848 qui "a été assez turbulente à Strasbourg" (sic). Doit on y voir une influence ?

Nous donnons en figure 5a le Porte drapeau extrait du catalogue de la vente Boersch de 1971, et en figure 5b le même porte drapeau exposé lors de la vente faite à Drouot en novembre 2011. La tenue diffère de celle donnée par Carl par le casque, et la patte de parement.

- Figure 6 : Carabinier en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. Donné par G. d'Ambert (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes” = Boersch. Identique à Carl, sauf la patte de parement (trois boutons).

Nous donnons en figure 6b le Caporal de Carabiniers, qui se distingue par le port d'un double galon blanc au dessus des parements, et en figure 6ba les Carabiniers dont certains ont des chevrons rouges sur le haut du bras gauche (à droite pour le lecteur). Tous ces personnages ont été exposés lors de la vente faite à Drouot en novembre 2011. La tenue diffère de celle donnée par Carl par les boutons sous les revers, et la patte de parement.

Le Sergent porte un galon argent au dessus du parement et deux chevrons rouges (voir figure 1ac). Le Sergent major a deux galons argent et un chevron rouge (figure 6bb - vente de 1971).

- Figure 6a : Carabinier en 1797 d'après un dessin de la Collection Vinkhuijzen, New York (id=1237580), tiré de l'Historique régimentaire du 76e de Ligne, ex 1er Léger (dessin à côté). Le type est différent de celui donné par Carl : cordon blanc au bonnet ; parements en pointe ; gilet bleu à passepoils blancs ; nœuds hongrois à la culotte. D'après l'Historique régimentaire, la nouvelle 1ère Légère a conservé son ancien uniforme jusqu'en 1797. C'est semble t'il celui qu'on a voulu représenter ici. Elle a ensuite adopté un habit avec pattes de parements : c'est celui donné par les Collections Alsaciennes. Concernant la représentation du Carabinier donné par l'historique, la source est des plus évidentes : il s'agit d'une des planches de Philippoteaux présentées sur le site Napoleon-online.de, que notre collègue et ami Markus Stein nous a autorisé à utiliser sur notre site (accès à l'image de Philippoteaux). La planche de l'Historique est donnée dans la revue Tradition N°163 (page 34).

- Figure 7 : Chasseur en 1797, d'après le Fichier Carl, planche 38. Donné par G. d'Ambert (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes” = Boersch. Identique à Carl, sauf la patte de parement (trois boutons). Le casque est du modèle 1791; bandeau en veau marin. Le type de Boersch a nettement un briquet, ce qui explique la présence de la deuxième banderole sur le type de Carl, dont le sabre n'est pas visible (peut être perdu au cours d'un accident). De toute manière, ce briquet ne doit pas surprendre; il a longtemps été en usage au sein des Compagnies du centre de la Légère. Les cheveux sont portés longs. A noter que sur les originaux de Boersch, conservés à Compiègne, le casque n'a pas de garniture en cuivre; les pattes de parement n'ont pas de passepoil blanc; et il y a deux boutons sous le revers droit (à gauche pour le lecteur). Certains Chasseurs de Boersch ont sur le bras gauche un, deux ou trois chevrons d'ancienneté rouges.

A noter également que sur les originaux de Boersch, conservés à Compiègne, se trouvent des Sous officiers de Chasseurs : les Caporaux ont deux galons blancs au dessus du parement; l'un a deux chevrons d'ancienneté rouges sur le bras gauche. Les Sergents un galon argent. Un des Sergents a sur son bras gauche trois chevrons d'ancienneté rouges. Les Sergents majors ont deux galons en argent; l'un a un chevron d'ancienneté rouge sur le bras gauche.

Nous donnons en figure 7b le Sergent de Chasseurs et en figure 7c le Caporal de Chasseurs exposés lors de la vente faite à Drouot en novembre 2011. En figure 7d, un Chasseur extrait du catalogue de la vente Boersch de 1971, et en figure 7e, des Chasseurs exposés lors de la vente faite à Drouot en novembre 2011.

- Figure 7a : Officier de Chasseurs en 1797, d'après par G. d'Ambert (Le Briquet N°2 de 1971), d'après “Collections Alsaciennes”= Boersch. Celui-ci n'est pas donné dans le Fichier Carl. Le casque est identique à celui du porte drapeau; il a sur le côté gauche une cocarde tricolore (bleu au centre, puis rouge puis blanche). Les cheveux sont selon H. Rommel noués en queue. Celui-ci indique également que les retroussis sont ornés de cors et grenades blancs. Les poches sont peut être placées horizontalement.

A noter que sur les originaux de Boersch, conservés à Compiègne, le casque de l'Officier de Chasseur n'a pas de garniture en métal ni cercle de visière; la patte de parement n'a pas de passepoil; il y a deux boutons argent sous le revers droit; enfin, l'Officier a à son oreille gauche un anneau jaune.

Nous donnons en figure 7aa l'Officier de Chasseurs exposé lors de la vente faite à Drouot en novembre 2011.

- Figure 8 : Chasseur en 1799, d'après un document contemporain suisse, faisant partie d'une série d'un dessinateur inconnu, réalisée en 1799-1800 et montrant des troupes françaises, russes, autrichiennes et bien sûr suisses; donation du collectionneur Léonard Ziegler aux collections graphiques de la Zentralbibliothek de Zurich où elle se trouve actuellement. Ce Chasseur a été donné en fac-similé par R. Petitmermet pour la S.C.F.H. N°3 de 1954, page 32. Cet auteur a modifié certains détails : métal devenu jaune sur le casque; absence de bouton au collet; passepoil et boutons du parement placés différemment; deux boutons blancs au dessus de la guêtre au lieu de trois.

- Figure 9 : Tambour major en 1800, d'après H. Boisselier (Série des Tambours Majors, planche 59). La base est selon cet auteur la Collection Boersch. Or, nous avons vu en figure 3a le Tambour major tel que donné par Boersch. L'on voit bien ici que certains détails ne concordent pas malgré des similitudes évidentes : le plumet, la couleur des retroussis, les gants à crispins noirs, et la banderole porte sabre.

Chose encore plus curieuse, H. Boisselier (Série des Tambours Majors, planche 57) donne un autre Tambour major vers 1800 (figure 10). Et là encore, la source indiquée est "d'après la Collection Boersch". Si l'on se réfère à l'ouvrage intitulé "Armée française... dont une partie est extraite de l'Album Paul Schmid de Strasbourg" (Bibliothèque du Musée de l'Armée, N°22"), ce Tambour major, qui y figure de manière absolument identique, est indiqué effectivement comme extrait de la collection Boersch, mais avec comme date l'année 1796. Le problème, c'est que cet Album a été réalisé par ... H. Boisselier.

L'on voit bien qu'il y a là deux types différents et qu'ils ne ressemblent que fort peu au Tambour major de Boersch présenté plus haut (même si le 2e en parait plus proche que le 1er); aussi, les deux types sont ils vraiment de Boersch ? Ne doit on pas plutôt y voir des types provenant d'autres sources telles que Carl ou Boeswilwald ? Ou tout simplement Henri Boisselier s'est il trompé au cours de copies successives ? Dans l'état actuel de nos connaissances, nous n'en savons rien.

D'après l'historique régimentaire, à partir de septembre 1803 (ou après puisque cet extrait parle des Voltigeurs qui, rappelons le, ont été institués par l'arrêté du 22 ventôse an XII ou 13 mars 1804), nous lisons que les Carabiniers "continuèrent à porter le bonnet à poil avec plumet rouge. Les voltigeurs prirent le shako plus large au sommet qu'à la base, orné de cordons natés, d'une jugulaire mobile en métal, et d'un plumet jaune et vert. Les grenadiers reçurent des épaulettes rouges, les voltigeurs des épaulettes jaunes. Les uns et les autres conservèrent la demi-guêtre portant au sommet de la tige deux glands tricolores (rouge, jaune et vert).

En 1806, les pans de l'habit furent raccourcis et, dans le corps expéditionnaire de Naples, on reprit la grande guêtre embottant le genou". Cette description va nous servir de base pour la suite de la description des tenues portées par le 1er Léger. Précisons cependant avant de continuer que les Carabiniers sont désignés ici sous le terme de Grenadiers, ce qui bien entendu est une erreur. Certains détails nous paraissent curieux et méritent d'être vérifiés, tels les glands tricolores des guêtres.

Le même historique régimentaire, nous l'avons vu, donne également des extraits du rapports du 19 juin 1805 qui déclare : "L'habillement du régiment est tout neuf" mais aussi : "l'armement médiocre". Dans celui du 4 juillet, il est dit : "Il manque 1076 sabres. Trois cent recrues n'ont encore rien reçu. Les compagnies de voltigeurs ne sont point encore armées suivant le réglement". Passons donc aux sources iconographiques concernant les uniformes portés à cette époque.

- Figure 11 : Chasseur en 1804-1806, d'après P. Haythornthwaite et B. Fosten ("Napoleon's Light Infantry", Men At Arms 146, Editions Osprey). Les auteurs expliquent que "Ce Chasseur porte le shako original avec le plumet droit sur le côté droit plutôt que la variété populaire pendante ; les parements en pointe étaient une distinction régimentaire". Dans l'ouvrage mentionné, il est indiqué que les Chasseurs et les Carabiniers portent les parements en pointe rouge, liserés de blanc. Les Chasseurs ont les épaulettes et le plumet sur le côté, verts, cor de chasse en cuivre sur le shako. Les Officiers avaient le pourtour supérieur du shako noir et des cordons argent. Les Voltigeurs avec le collet et les parements chamois ; épaulettes vertes avec tournante jaune ; plumet et cordons verts, cor de chasse sur le shako en cuivre ; les Officiers de voltigeurs avaient le pourtour supérieur du shako, le Cor de chasse et le cordon, argent, cocarde à gauche sans ganse. Les Carabiniers portent le bonnet avec cordon et plumet rouges (cordon argent pour les Officiers). Quelques précisions sur le shako : celui en usage en 1804 "devait être conforme à celui que décrit l'arrêté du 4 Brumaire AN 10 (26 octobre 1801). En feutre, avec dessus en cuir rabattu sur la forme, il comportait une cocarde, placée à gauche, maintenue par une ganse orange fixée par deux boutons en cuivre et masquant le gousset du plumet, une plaque en cuivre "découpée en forme de cor", dont on voit rarement la représentation, et une visière mobile attachée par des agrafes. Ce shako était orné d'un cordon vert, terminé par des raquettes et des glands, et d'un plumet vert de 21 pouces de hauteur (567 mm)" (Rousselot, planche 5).

- Figure 11a : Habit présenté comme étant celui d'un Sous lieutenant de Carabiniers entre 1805 et 1809 (Russie, Musée Historique d'Etat; ??? ????? ?????? . ??? -68257/10437, ? -109 ; Traduction hélas maladroite : GIM Division des tissus. GIM-68257/10437, T-109); communication d'un de nos correspondants russes. Cet habit fut acheté par le Grand Prince Michel en France pour sa collection. Aujourd'hui il se trouve au musée historique qui se trouve sur la Place Rouge. Sur cet habit, qui nous paraît plutôt être situé entre 1807 et 1809 en raison de la forme des parements notamment, l'on remarquera tout particulièrement les revers sur lesquels ne sont visibles que quatre boutons frappés d'un cor de chasse avec en son centre le chiffre 1. Les boutons au bas de chaque revers ont disparu. Au dessus de la pointe supérieure des revers, un peu en arrière, l'on distingue une bride argentée, destinée à maintenir épaulette et contre épaulette.

- Figure 11b : Carabinier en 1807 d'après Martinet, planche 24 (document communiqué par notre ami Edmund Wagner - Musée de l'Empéri ?). Celui ci porte l'habit aux basques raccourcies; le col est passepoilé de blanc. L'on remarquera la patte de parement, bleue à passepoil blanc, ainsi que le petit liseré blanc des guêtres. Le gilet est taillé droit sur le bas. A côté (figure 11bbis) , la même planche publiée dans la Galerie des Costumes de Bertrand Malvaux. On notera par rapport à la planche précédente que les cordon et gland du bonnet sont devenus blancs; l'absence de passepoil au collet, et de liseré aux guêtres. Enfin, voici en figure 11bter une autre version de ce Carabinier, extrait d'une suite de planches de Martinet conservée à la BNF ("Collection de tous les uniformes de l'armée de Buonaparte. 1807 à 1813", Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, 4-OA-108); quelques différences là encore : passepoil blanc au collet, passants bleus sur les corps d'épaulettes, et enfin, des liserés rouges aux guêtres.

- Figure 11c : Chasseur en 1807 d'après la planche 23 de Martinet (document communiqué par notre ami Edmund Wagner - Musée de l'Empéri ?). Reconnaissable à ses épaulettes vertes à tournantes rouges, ce Chasseur porte la même tenue que le Carabinier précédent, mais avec les pattes de parements rouges. Le plumet jaune à base verte ainsi que les cordon et raquettes blancs sont inhabituels. La plaque de shako, en forme de losange, ne comporte aucun motif. On remarquera à nouveau le liseré blanc aux guêtres. Quant au sabre briquet, il ne doit pas surprendre; on le retrouve fréquement en usage parmi les Chasseurs de la Légère. Une planche absolument identique est donnée dans la Galerie des Costumes de Bertrand Malvaux.

- Figure 11d : Shakos à partir de 1806, donnés par Job, "Tenue des Troupes de France". Il s'agit, si l'on se base sur la planche 5 de Rousselot consacrée à l'infanterie légère, de shakos du modèle 1804 "sans jugulaire, orné d'un cordon et muni d'une visière amovible". Au début de l'Empire, "la cocarde, ainsi que le plumet, peuvent être placés sur le devant du feutre". A gauche et au centre, shakos pouvant être attribués aux Chasseur et Voltigeurs; à droite, à un Carabinier. Il est à remarquer que Job donne une plaque de shako presque identique à celle du Règlement de 1810, mais le cor est inversé. Rousselot semble dire qu'à cette époque, "les plaques de shakos; en métal blanc, le plus souvent en forme de losange, portaient en leur centre un cor de chasse en relief et le numéro du régiment découpé à jour ou estampé". Ce qui est dommage, c'est de ne pas connaître l'origine des shakos donnés par Job.

- Figure 11e : shako postérieur à 1804; peut être de 1806, pouvant être attribué au 1er Léger - Collection Titeca, Bruxelles ? (photo collection privée). il ne semble pas qu'il s'agisse du modèle 1804 à visière amovible, ni du modèle 1806 à chevron; peut être un modèle 1806 modifié ? On notera en tout cas la plaque réglementaire (cor de chasse avec le 1 au centre, le cordon et le plumet porté sur le côté gauche, comme en 1804; ce dernier est fiché sur une olive.

- Figure 12 : Carabinier et Voltigeur vers 1807-1809, d'après la Collection E. Wagner. Tirés de l'ouvrage de J. Margerand, "Les coiffures de l'Armée Française", la source en est les Collections Alsaciennes.

- Figure 12a : Shako de Fusilier et plaque de shako du 1er Léger, vers 1806-1807, d'après l'ouvrage de Margerand : "Les coiffures de l'Armée française". Quelques remarques : En 1806 est introduit un nouveau modèle de shako, renforcé sur le côté de chevrons. Ce modèle ne fut guère porté que par quelques régiments. Plus probablement, le modèle en usage depuis 1804 fut remplacé à partir de 1807 par un modèle qui découlait de celui de 1806, mais sans les chevrons. Les corps y ont ajouté des jugulaires à écailles, en métal blanc, dont la rosace portait un corps de chasse estampé. Les plaques, en forme de losange, étaient ornées de l'aigle couronnée, posée sur un cor plus petit, renfermant le numéro du Régiment. Sur ce document de Margerand, nous constatons que pour la même période semble exister deux types de plaques de shako différente. Si l'on tient compte aussi du fait que l'on a continué de porter la plaque antérieure, ornée d'un simple cor de chasse avec le chiffre 1 en son centre, cela signifie que se sont cotoyés au sein du régiment, entre 1807 et 1812, trois modèles de plaques différents. Rousselot donne une explication plausible à ces divergences : les modifications de détails dans la tenue se faisaient au fur et à mesure du renouvellement de la tenue. Nous en voyons une autre, complémentaire à celle de Rousselot : la dispersion des Bataillons (n'oublions pas que seule une partie du 1er léger était en Espagne). Nous sommes donc à peu près convaincu que les documents Margerand se rapportent à la portion du Régiment restée en Italie. Quant aux plaques, celle isolée semble conforme au Réglement de 1806; celle que nou voyons sur le shako est quant à elle de facture plus grossière; l'aigle est représentée de manière naïve, ce qui lui vaudra souvent le surnom de "coucou".

- Figure 13 : Officier en Espagne , d'après Fort et El Guil, Bibliothèque Nationale, Cabinet des Estampes, Collection De Ridder. Donné par H. Boisselier ("Les Troupes Françaises en Espagne", planche 31) qui indique comme source : Dessins de El Guil, ancienne Collection Bezard. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 21). Nous donnons à côté un dessin original de Fort, qui a sans doute servi de base au précédent (extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493). Il n'y a semble t'il pas de différence entre les deux versions.

- Figure 13a : Officier du 1er Léger en Espagne, 1809; dessin de H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de monsieur Yves Martin). La source indiquée est une gravure de l'époque, conservée au Cabinet des Estampes, BNF, cote O.A. 493 (collection Artèche). En fait, il s'agit d'un album de dessins de E. Fort; le type qui y figure est indiqué comme appartenant au 4e Léger et non au 1er Léger. Nous ignorons donc pourquoi Boisselier a changé l'attribution de cet Officier que nous présentons toutefois au lecteur à titre informatif.

Ce document, qu'il s'agisse d'un Officier du 1er ou du 4e Léger, est intéressant à plus d'un titre : d'abord en raison de la source utilisée, qui nous change des El Guil habituels. D'autre part par l'aspect de la tenue, qui n'est pas encore complètement dégradée par la guerre en Espagne. Enfin, par des détails tout à fait intéressants : le parement en pointe et le collet, bleu; l'intérieur des basques rouges. Le gilet par contre est tout à fait surprenant : fabrication locale ou prise de guerre ? Remarquons aussi le manteau (ou une couverture ?) rouge roulé et passé par dessus l'épaule droite, épaule sur laquelle se trouve une épaulette argent. Il n'y a par contre pas de contre épaulette sur l'épaule gauche. Ce personnage est donc de toute évidence un Adjudant, dans une tenue fantaisie.

- Figure 14 : Chasseur en Espagne , d'après Fort et El Guil. Donné par H. Boisselier ("Les Troupes Françaises en Espagne", planche 32) qui indique comme source : Dessins de El Guil, ancienne Collection Bezard. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 21). Ce Chasseur a été donné par P. A. Leroux (figure 14a ; Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library, Etats Unis, avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington - voir également Gloire et Empire N°14, page 65) : curieusement, l'habit est devenu rouge à revers et pattes de parements bleu foncé ! On remarquera par ailleur la présence sur le côté du fourreau de la baïonette; l'absence de ceinture autour de la taille, tout le reste étant conforme à notre représentation. P. A. Leroux a certainement travaillé sur une des nombreuses copies falsifiée par Fort lui même, dont c'était assez la spécialité. A moins que ce ne soient Achard et Bueno qui ait rétabli une couleur qui leur paraissait non conforme ?

- Figure 15 : Chasseur en Espagne , d'après Fort et El Guil. Donné par H. Boisselier ("Les Troupes Françaises en Espagne", planche 32) qui indique comme source : Dessins de El Guil, ancienne Collection Bezard. La capote tire sur le gris et la gourde est devenue noire. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 20).

Un autre dessin de H. Boisselier (figure 15a) donne également ce Chasseur en Espagne (avec l'aimable autorisation de monsieur Yves Martin). Là encore, l'auteur indique comme source El Guil et ancienne Collection Bezard. Ce même Chasseur a aussi été donné par Pierre Albert Leroux (figure 15b ; Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library, Etats Unis, avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington); le type ne présente que quelques différences minimes au niveau du paquetage; boutons jaunes de la capote de couleur beige.

Donné par Funcken, dans la revue Uniformes N°111, page 14. Donné par J. M. Bueno (Los Franceses y sus Aliados en Espana, 1808-1814, volume I; planche 19 : pas d'erreur notable). Nous donnons à côté le dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493. La couverture roulée sur le havresac est blanche rayée de bleu; la marmite est en cuivre; la capote est grise; les épaulettes jaunes à tournante rouge, et non vertes à tournante rouge; la gourde est marron. L'homme semble par ailleurs porter des espadrilles, et non des guêtres.

- Figure 16 : Chasseur en Espagne , d'après Fort et El Guil. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 20). Donné d'après un dessin de H. Boisselier dans la revue Carnet de la Sabretache N°71, 1984, page 8. Ce Chasseur a été donné par P. A. Leroux (figure 16a ; Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library, Etats Unis, avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington - voir également Gloire et Empire N°14, page 29) sans différences notables. Nous donnons à côté le dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493. Le pompon du colback est bleu; le col de la capote est jaune; épaulettes jaunes à tournante rouge, et non vertes à tournante rouge; même chose pour la dragonne. Le pantalon est marron, parcourues de raies rouges, vertes et bleues horizontales et verticales.

- Figure 17 : Voltigeur en Espagne , d'après Fort et El Guil. Donné par H. Boisselier ("Les Troupes Françaises en Espagne", planche 33) qui indique comme source : Dessins de El Guil et de Soriel ; le passepoil de la patte de parement a disparu. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 21). Noté par Jean Pierre Perconte au Cabinet des Estampes, Bibliothèque Nationale, Collection de Ridder. Donné par J. M. Bueno (Los Franceses y sus Aliados en Espana, 1808-1814, volume I; planche 19 : pas d'erreur notable). Remarquons la plaque de shako, en losange, frappée du cor de chasse avec en son centre le chiffre 1. Ce Voltigeur a été donné par P. A. Leroux (figure 17a ; Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library, Etats Unis, avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington); parements et pattes de parements sont passepoilées de jaune. Il est également donné par H. Boisselier, pour un dessin isolé (figure 17b ; Voltigeur en Espagne, d'après H. Boisselier - reproduit en fac-similé par Mrs H. et C. Achard - avec l'aimable autorisation de notre ami Claude Achard) : ici, le sommet du plumet est bleu céleste. Nous donnons à côté le dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493. Le haut du plumet est plus bleu que vert; le collet a un passepoil blanc; parements et pattes de parements sont passepoilées de jaune.

- Figure 18 : Carabinier en Espagne , d'après Fort et El Guil. Donné par H. Boisselier ("Les Troupes Françaises en Espagne", planche 33) qui indique comme source : Dessins de El Guil et Soriel ; la capote tire sur le verdâtre, et la gourde est devenue noire. Un deuxième dessin de Boisselier (figure 18a, Collection privée) indique également "ancienne collection Bezard". Un troisième (figure 18b ; Carabinier en Espagne, d'après H. Boisselier - reproduit en fac-similé par Mrs H. et C. Achard - avec l'aimable autorisation de notre ami Claude Achard), daté de la période 1809-1813, et absolument identique au précédent, donne comme source El Guil. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 20). Ce Carabinier a été donné par P. A. Leroux (figure 18c ; Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library, Etats Unis, avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington); le cordon du shako est placé normalement et non en travers. Noté par Jean Pierre Perconte au Cabinet des Estampes, Bibliothèque Nationale, Collection de Ridder, sous le titre “ Carabinier blessé ”, avec une capote gris vert et boutons jaunâtres, d'après Soriel.

Nous donnons à côté le dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493. Sur ce dernier, l'on constate tout d'abord l'absence de shako; l'homme est blessé et a un mouchoir cadrillé rouge et blanc autour de la tête. Conformément à ce que nous avait indiqué Jean Pierre Perconte, la capote est verdâtre, avec au moins un bouton jaune.

- Figure 19 : Carabinier en Espagne , d'après Fort. Noté par Jean Pierre Perconte au Cabinet des Estampes, Bibliothèque Nationale, Collection de Ridder. Nous donnons à côté le dessin original qui a servi de base au croquis de Jean Pierre Perconte, extrait de "Uniformes de l'infanterie légère sous le 1er Empire"; Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-493. On remarquera que sur l'original, le col et la patte de parement n'ont pas de passepoils blancs; par ailleurs, les passepoils des revers et des retroussis sont rouges. Enfin, la culotte est d'une couleur tirant vert le gris vert plus que sur le marron.

- Figure 20 : Chasseur, tenue de campagne, 1809, d'après L. de Beaufort (Napoléon et l'Autriche, 1809). Celui-ci fait partie du 4e Bataillon, qui a servi en Italie puis en Autriche.

- Figure 21 : Major, grande tenue, 1809, d'après H. Knötel (Napoleonic Uniforms, tome I). Il est à la tête du 4e bataillon et du Dépôt en 1809.

- Figure 21c : Colonel en grande tenue, 1806-1810, tel que donné dans le tome IV de Charmy consacré à l'Infanterie et les Régiments étrangers. Les similitudes avec le Major de Knötel sont nombreuses; par ailleurs, nous pensons que l'auteur, dans son style maladroit, a reproduit des types qu'il a vu. Il suffit pour cela de regarder le Tambour major en arrière plan, qui ressemble assez étrangement à celui donné par Boisselier pour l'année 1800. Tout le problème maintenant est de préciser quelle est la source de ce Colonel. Il est fort à parier qu'elle se trouve à la bibliothèque du Musée de l'Armée. Pour terminer, le chiffre 1 à l'arrière du tapis de selle n'est pas anormal; on voit souvent le numéro du régiment figurer ainsi dans les Collections alsaciennes, notamment Wurtz.

- Figures 21a, 21b et 21bbis : Shako garni vers 1809, et plaque de shako selon le réglement de 1810. Pour la légère, il semble bien que le réglement de 1810 n'a fait qu'entériner un modèle de plaque déjà existant. En tout cas, le 1er Léger ne semble pas avoir eu de plaque en losange frappée de l'aigle avant 1810. Cette plaque à l'aigle a de toute manière existé puisque le catalogue du fabriquant de l'époque contenait une plaque d'Officier modèle 1810 (21bter).

- Figure 21d : Voltigeur en petite tenue, 1811; facsimilé d'un dessin de P. A. Leroux conservé dans la Collection Brown aux Etats Unis, ayant pour source un tableau de Hyppolyte Lecomte (1787-1851) conservé au Musée de l'Armée. Ce document, dont la source est quasi contemporaine, est intéressant dans la mesure où il confirme le port des guêtres blanches même en petite tenue; par ailleurs, l'aspect est assez semblable à ce que nous connaissons. Notons tout de même les épaulettes, vertes à corps et tournante jaunes.

- Figure 21e : Chasseur Pierre Morell, 1812. Lettre et aquarelle datées du 5 novembre 1812. La légende du document indique qu'il s'agit d'un Musicien; mais il y a semble t'il erreur. Le dessin, bien que de facture naïve, est cependant très précis dans ses détails. Notre hommes porte de toute évidence la tenue d'un Chasseur, comme le prouve le pompon vert et rouge, surmonté d'une houpette verte. Nous retrouvons ces couleurs aux épaulettes (vertes à tournante et passant rouges) et à la dragonne. Pour le reste, notre homme porte un habit semble 'il entièrement bleu (il n'est pas sans rappeler de ce fait l'Officier en Espagne de Boisselier d'après Artèche). Remarquons que le bleu du col, de la patte de parement et semble t'il des passepoils est plus foncé que le fond de l'habit. Peut être s'agit il d'un simple effet. Pour le reste, la plaque de shako est du modèle 1810 et la tenue est assez classique. Remaquons toutefois les guêtres découpées en pointe sur le devant de la jambe. Il est fort probable qu'il s'agit ici d'une tenue de sortie.

L'Historique régimentaire indique que selon la Décision du 12 janvier 1812 et le décret du 7 février 1812 modifiant la tenue, le 1er Léger prit "la veste à revers carrés substitués aux revers arrondis. Les carabiniers prennent le schako à chevrons rouges sans tresse, avec plaque et jugulaire en métal blanc, le même que les voltigeurs portaient depuis 1803, avec chevrons jaunes. Les guêtres s'arrêtèrent au-dessous du genou". Bien entendu, la réalité est un peu plus complexe.

- Figure 22 : Tambour major, 1812-1814, d'après Collection Knötel, W.G.M. Rastatt ; donné par H. Knötel dans Kaskett 11/12, 1924. Bien entendu, il s'agit d'une tenue portée à partir de 1813.

- Figure 23 : Chef de musique, 1812-1814, d'après Collection Knötel, W.G.M. Rastatt ; donné par H. Knötel dans Kaskett 11/12, 1924. Là encore, il s'agit d'une tenue portée à partir de 1813.

- Figure 24 : Sapeur, 1812-1814, d'après Collection Knötel, W.G.M. Rastatt ; donné dans la revue allemande Depesche N°4, page 21.

- Figure 24a : Carabinier daté de 1812, d'après Charlet. Dessin extrait de l'Historique régimentaire. Là encore, il s'agit d'une tenue dite du jour, qui n'a pu être portée qu'à partir de 1813, sans doute au sein du Dépôt et au sein des Bataillons qui n'ont pas servi en Espagne. L'aspect est globalement satisfaisant; on remarquera tout particulièrement la cocarde (bleu à l'extérieur et rouge au centre) ainsi que les chevrons rouges du shako, la patte de parement rouge (passepoilée de blanc ?) dont le haut est arrondi, et les guêtres blanches. La plaque de shako est frappée d'un cor contenant en son centre le chiffre 1. Elle n'est donc pas conforme au réglement, puisqu'à partir de 1813, les shakos sont théoriquement dotés d'une plaque à l'aigle avec soubassement. Les Collections Alsaciennes, on le verra, confirment le port de la plaque en losange. Signalons pour terminer que cette planche de l'Historique est donnée dans la revue Tradition N°163 (page 35). A droite, nous donnons à titre indicatif en fac-similé un Carabinier en 1812 qui de toute évidence est inspiré du précédent. Le dessin d'origine est de P. A. Leroux; il est conservé dans la Collection Brown aux Etats Unis. Sur ce dessin (qui a été publié en page 43 du "Gloire et Empire" N°20 et en page 27 du "Gloire et Empire" N°32, tous deux consacrés à la bataille de Waterloo), l'on remarquera quelques erreurs commises par l'auteur : le collet qui est devenu bleu, les pattes de parement de forme carrée, ou même le parement gauche qui est rouge, alors que le droit est bleu !

- Figure 25 : Officier de Voltigeurs en Espagne, 1813-1814, d'après la Collection du Général Vanson, Bibliothèque du Musée de l'Armée, Paris. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 137).

- Figure 26 : Voltigeurs en Espagne, 1813-1814, d'après la Collection du Général Vanson, Bibliothèque du Musée de l'Armée, Paris. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 137). Remarquons que ces Voltigeurs ont sur le shako le nouveau modèle de plaque en usage à partir de 1813.

- Figure 27 : Cornet de Voltigeurs en Espagne, 1813-1814, d'après la Collection du Général Vanson, Bibliothèque du Musée de l'Armée, Paris. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 138). Il paraît anormal que ce Cornet n'ait ni briquet, ni fusil ; peut être y a t'il eu un oubli au cours de l'établissement du dessin. A côté, nous avons reproduit le Cornet de Voltigeurs donné par Louis de Beaufort (Fig. 27a) dans sa série de planches consacrée aux Armée de Waterloo. Les similitudes sont frappantes, et nous sommes persuadé que cet auteur a réutilisé la source précédente en la modifiant quelque peu (rajout d'un pompon sous le plumet; présence de chevrons sur les bras, etc...)..

- Figure 27b : Cornet de Voltigeurs en Espagne, 1813, d'après Charlet. Dessin extrait de l'Historique régimentaire. On est loin de la tenue précédente. Par ailleurs, on remarquera la plaque de shako, en losange (les deux types de plaque ont pu se cotoyer) avec en son centre un motif en métal jaune. Ce Cornet a été donné par P. A. Leroux (figure 27ba ; Copyright : Anne S.K. Brown Military Collection, Brown University Library, Etats Unis, avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington); la patte de parement est verte, et les guêtres sont noires.

- Figure 28 : Sergent de Voltigeurs et Voltigeur en Espagne, 1813-1814, d'après la Collection du Général Vanson, Bibliothèque du Musée de l'Armée, Paris. Donné par Achard et Bueno (L'armée française en Espagne, planche 138). Donné par J. M. Bueno (Los Franceses y sus Aliados en Espana, 1808-1814, volume I; planche 19 : les guêtres sont données blanche; pour le reste, pas d'erreur notable). Ces Voltigeurs ont sur le shako le nouveau modèle de plaque en usage à partir de 1813.

- Figure 29 : Caporal sapeur, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 75). "Nicollet a peut être vu ces types en 1815, lors de la défense de Strasbourg car il y a paraît il du 1er Léger en Alsace en 1815. Il est également possible qu'il ait connu Boeswilwald et Carl avant 1865, et ait peut être confié certains détails à Boeswilwald. Le Régiment était en garnison à Strasbourg, et les Sapeurs avaient été vus en colback à Bayonne en 1812. Dans ses figurines sur plots, Carl a également représenté le 1er Léger. C'est une excellente copies des figurines de la Collection Nicollet (Vitrine du Cabinet noir du Musée Historique de Strasbourg en 1956). Bucquoy n'a pas eu le temps de sortir cette unité dans ses cartes. En ce qui concerne ce type et les suivants, dans l'ensemble, c'est un mélange formé d'une part de l'uniforme de 1812 et d'autre part de l'application d'une partie du Règlement de Bardin commencée en 1813" (notes extraites des Petits Soldats d'Alsace).

Note : Commence ici toute une série de dessins tirés des Collections Alsaciennes. Alors que nous avions établi les types extraits de l'ouvrage "Petits soldats d'Alsace", d'autres documents nous sont parvenus, eux aussi tirés des collections Alsaciennes. Au premier abord, il s'agissait de la même série, mais en y regardant de plus près, nous fûmes surpris de constater quelques différences inattendues, qui nous ont amené à présenter tous ces types en les classant par ordre "chronologique" (mais aussi, il faut bien le dire, de manière arbitraire). Voici cette classification :

- Une première série de dessins, non coloriés, communiqués par Millot, et qui semble avoir pour origine des soldats de la Collection Carl (la légende indique clairement "Documents Carl communiqués à M. Millot"). Tous ont la patte de parement, et un passepoil au collet. Nous les avons datés de 1813 car c'est la date qui est clairement indiquée sur ces dessins. Ces types sont donnés à l'identique dans l'ouvrage intitulé "Armée française... dont une partie est extraite de l'Album Paul Schmid de Strasbourg" (Bibliothèque du Musée de l'Armée, N°22); là encore, la date de 1813 est maintenue. Des notes de H. Rommel indiquent : "D'après cette planche, il s'agit de documents Carl. Il est à remarquer que contrairement à cette dernière, Carl donne pour sa collection les parements en pointe, et non des parements droits avec pattes. D'autre part, en 1813, le 1er Léger n'était sans doute pas à Strasbourg. Par contre, pendant les Cent-jours, je crois qu'il a participé à la défense de cette ville". Cette note est intéressante à plus d'un titre : d'une part, elle montre clairement que Carl a eu entre les mains deux représentations distinctes du 1er Léger; d'autre part, que l'historique du 1er Léger est mal connu par les différents chercheurs car, si l'on se base sur l'historique régimentaire, le 1er Léger n'a pas été à Strasbourg à cette époque.

- Une deuxième série de dessins, établis d'après les Collections Carl et Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (sic). Le parement est maintenant en pointe (avec un bouton de part et d'autre du passepoil), mais le passepoil du collet est maintenu. Sur les documents qui nous ont été fournis, la datation donnée est 1813-1815. Pour notre part, nous avons daté ces types de l'année 1814.

- La troisième série est celle tirée de l'ouvrage "Petits Soldats d'Alsace"; la source indiquée est "Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet". Les parements sont toujours en pointe (mais avec un seul bouton sur le parement), et le passepoil du collet a par ailleurs disparu. De plus, par rapport à la source précédente, chaque type a pu évoluer. Là encore, la datation donnée est 1813-1815. Mais nous préférons les dater de l'année 1815.

Nous disposons aussi, depuis peu, de quelques figurines originales de la Collection Carl, que le Musée historique de Strasbourg a eu l'heureuse idée de publier dans une Brochure consacrée aux Régiments de Papier, les Petits Soldats de Strasbourg. Ces dernières présentent des caractéristiques que ne figurent pas sur les 2e et 3e séries de dessins mentionnées ci-dessus.

Notre objectif n'est pas ici de trancher entre l'une ou l'autre de ces différentes sources, afin de définir laquelle est la plus fiable. Simplement, nous pensons que ces différences ne sont pas toutes le fruit du hasard ou des copies successives. L'idéal serait bien entendu de remonter au document source, c'est à dire Nicollet, puis ensuite d'étudier dans le détail les types originaux de Carl et de Boeswilwald. Dans l'immédiat, nous nous contenterons des informations dont nous disposons, relativement fiables malgré quelques contradictions, puisqu'elles émanent des travaux de H. Rommel.

- Figure 29a : Sergent Sapeur (1813) d'après la Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg. Ici, notre personnage porte le colback avec une flamme rouge à gland argent. Tous les ornements sur l'habit (haches croisées, grenades, galons de grade) sont du même métal. On notera la buffletterie chamois, avec ornements en cuivre (haches croisées, grenades, bouclerie). Sur le devant, ceinturon chamois avec plaque en cuivre, et deux pistolets. On notera également que le tablier est entièrement en peau blanche et a sur la poitrine une grenade jaune (mais il n'y en a pas sur le bas du tablier). Gants chamois à crispins blancs.

- Figure 30 : Sapeur, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 75). Le bonnet n'a pas de flamme. Collet sans passepoil. Gants chamois à crispins blancs. Buffletterie croisée et ceinturon porte giberne chamois (mais bretelles de havresac, et courroie du fusil blanches). Galon et gland des guêtres jaunes (?).

En figure 30a, un Sapeur que nous avons daté 1814. Le bonnet est doté d'une flamme rouge passepoilé blanc. Collet passepoilé blanc. Toute la buffletterie est chamois. Gants à crispins blancs. Les ornements du tablier (grenades) sont sur fond bleu. Galon et gland des guêtres rouges. En figure 30b, un Sapeur daté de 1813, qui se rapproche assez sensiblement de celui donné par notre ami Edmund Wagner (fig. 24). Outre le passepoil blanc au collet, on remarquera les ornements sur les bras (grenade rouge posée sur haches croisées rouges), ainsi que la grenade en cuivre sur le tablier, au dessus de la ceinture. Celles du bas du tablier sont par contre absentes.

Les Sapeurs (fig. 30c) (1813) de la Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg, présentent semble t'il les mêmes caractéristiques que celui tiré des "Documents Carl communiqués à M. Millot". On retrouve le colback à flamme rouge à passepoils et gland blancs. Les passepoils blancs au collet; les haches croisées et grenades, ainsi que les chevrons rouges. La buffletterie est chamois avec ornements en cuivre (haches croisées, grenades, bouclerie). Sur le devant, ceinturon chamois avec giberne noire ornée de 4 grenades en cuivre. Tablier de peau blanche ayant au niveau de la poitrine une grenade jaune (mais il n'y en a toujours pas sur le bas du tablier). Gants chamois à crispins blancs.

- Figure 31 : Tambour major, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 75). Donné par H. Boisselier (Série des Tambours Majors, planche 60). Pour ce Tambour major, les éléments les plus significatifs sont les boutonnières sur les revers, et la banderole porte sabre de couleur chamois. Le Tambour major (1814 ?) représenté en figure 31a est quasiment identique, mais il n'y a pas de boutonnières sur les revers, et la banderole porte sabre est blanche. En figure 31b, nous avons un Tambour major daté de 1813, dont l'habit est identique au précédent, mais avec semble t'il un seul galon de grade sur les bras et pas de chevrons d'ancienneté; il n'y a pas de piques sur la culotte; enfin, la canne n'a pas de cordons (oublis ?).

Nous donnons en figure 31c le Tambour major de Ernest Fort, daté de 1812; cet auteur indique comme source la Collection Carl. Le type est assez semblable à celui donné en figure 31a, mis à part les galons et chevrons, entièrement argent, les trèfles sur les ponts de la culotte, et le sabre. S'agit 'il d'un Carl véritable ? Ou d'un type établi sur la base de notes communiquées à Fort. Nous n'en savons rien. Ce qui est sûr, c'est que cela nous fait 4 types pour ce Tambour major. Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I." (Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1)).

En figure 31d, un autre Tambour major d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de monsieur Yves Martin), qui indique comme source Carl et Boeswilwad. Ce Tambour major est absolument identique à celui donné en figure 31. Seuls les crispins et la banderole sont un peu plus clairs.

- Figure 32 : Tambour maître, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 75).

- Figure 33 : Chef de musique, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 76). Donné par la Collection Knötel, Rastatt ; donné par H. Knötel et Elting in “Napoleonic Uniforms”, Tome I. Le shako rouge ne s'invente pas. Et la plaque en losange pendant les cents jours ne doit pas surprendre car on en a retrouvé à Waterloo (2ème et 9ème de Ligne, etc.). Les Collections Alsaciennes l'attribuent à tout le régiment. Elle est d'un modèle simplifié.

Nous donnons en figure 33a le Chef de Musique de Ernest Fort. Le type est assez semblable à celui donné en figure précédente. Les seules différences se trouvent dans la ganse cocarde, absente, le col ouvert, et le ceinturon, en cuir noir. Tout le reste est identique. Dessin original extrait de "Uniformes de l'infanterie légère en France depuis Louis XVI jusqu'à Louis-Philippe. I." (Aquarelles par Ernest Fort (1868-1938); Ancienne collection Gustave De Ridder, (1861-1945); Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, PETFOL-OA-499(1)).

En figure 33b, voici le Chef de Musique (1813) de la Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg. Au premier regard, il parait similaire à celui donné par Boeswilwald d'après Nicollet. Mais si on y regarde de plus près, il y a quelques différence entre les deux types. Tout d'abord, collet et parements en pointe sont bordés de galons argent eux même passepoilés de blanc; les parements ayant deux boutons répartis de part et d'autre du passepoil. Ensuite, les galons de grade n'ont pas de passepoils rouges. Au niveau des épaulettes, le passant est également rouge. Deux autres différences pour terminer : l'instrument de musique, et la banderole porte épée, passée par dessus l'uniforme.

- Figure 34 : Grosse caisse, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 76). Le type 1814 (figure 34a) est, en dehors de l'absence de ganse de cocarde au shako, absolument semblable à celui de 1815. Par contre, le type (1813) de la Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg (figure 34b) donne un modèle de caisse complètement différent, entièrement bleu ciel, avec aigle sans faisceaux de drapeaux, et avec une banderole au dessus. La tenue est celle du Chef de Musique, mais sans galons de grade.

- Figure 35 : Chapeau chinois, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 76). En figure 35a, le même vers 1814 ; on notera que la forme du haut de l'instrument est différentes; il y a également quelques différences dans la tenue, telles que le gilet, entièrement blanc, la présence de trois boutonnières et d'un galon blanc sur le retroussis droit du personnage, ou la forme de la partie haute des bottes, découpées en coeur. Pour Carl (1813) (figure 35b - Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg), la tenue du Chapeau chinois est anlogue à celle des autres Musiciens, et l'intrument est légèrement différent de ceux utilisés par les deux autres types.

- Figure 36 : Caisse claire, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 76). Ganse de cocarde au shako; pas de passepoil au collet. Les types de 1814 donné en figures 36b et 36c sont quasiment semblables : ils ne se distinguent du précédent que par l'absence de ganse de cocarde et les deux boutons du parement. En figure 36a, un Fifre daté de 1813 : on notera tout particulièrement l'absence de ganse au shako, la présence du passepoil (galon) au collet, et surtout la patte de parements (de quelle couleur ?). Les Musiciens donnés en figure 36d permettent de se faire une idée des différences entre les types de Carl (Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg) et les autres sources.

- Figure 37 : Tambour de Carabiniers, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 77). Le shako est doté d'une ganse de cocarde; il n'y a pas de passepoil au collet; sur le bras gauche, deux chevrons d'ancienneté rouges; grenade en cuivre sur la banderole de caisse. En figure 37a, Tambour de Carabiniers, que nous avons daté 1814 : pas de ganse de cocarde au shako; collet passepoilé de rouge; un seul chevron sur le bras gauche; pas d'ornement sur la banderole de caisse.

- Figure 38 : Fifre de Carabiniers , (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 77). Shako à ganse de cocarde blanche; pas de passepoil au collet. En figure 38a, Fifre de Carabiniers, que nous avons daté 1814. Pas de ganse de cocarde au shako; collet passepoilé blanc.

- Figure 39 : Tambour de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 77). Ganse de cocarde au shako; pas de passepoil au collet; sur la banderole porte caisse, un cor de chasse. En figure 39a, un Tambour de Chasseurs que nous avons daté de 1814 : pas de ganse au shako; passepoil (ou galon) blanc au collet; un chevron d'ancienneté rouge sur le bras gauche; pas de cor de chasse sur la banderole porte caisse. Enfin, en figure 39b, un Tambour de Chasseurs en 1813 : cette fois, le shako n'a pas de plumet; le parement est doté d'une patte à trois boutons; pas de chevron d'ancienneté.

Nous donnons en figure 39aa un Tambour de Chasseurs, daté 1813-1814, d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de monsieur Yves Martin). La source indiquée est Carl et Boeswilwald. Le type est analogue à celui représenté en figure 39, mais sans ganse de cocarde au shako.

- Figure 40 : Fifre de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 77). Ganse de cocarde et pompon rouge au shako; pas de passepoil au collet. En figure 40a, un Fifre de Chasseurs, que nous avons daté 1814 : pas de ganse de cocarde; le pompon est vert (erreur ?); passepoil (ou galon) blanc au collet.

- Figure 41 : Cornet de Voltigeurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 77). Ganse de cocarde et cercle de visière au shako; pas de passepoil au collet; deux chevrons d'ancienneté rouges sur le bras gauche. En figure 41a, un Cornet de Voltigeurs, que nous avons daté de 1814 : pas de ganse ni de cercle de visière au shako; passepoil blanc au collet; un seul chevron sur le bras gauche.

- Figure 42 : Cornet de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 77).

- Figure 43 : Colonel, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 78). Nous donnons à côté (figure 43a) un Officier supérieur, d'après Carl (Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg).

- Figure 44 : Adjudant Sous officier, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 78).

Nous donnons en figure 44bis le portrait en buste d'un Officier, vendu le 3 novembre 2011 à Drouot, et présenté comme étant un Chef de Bataillon du 1er Régiment d'Infanterie légère en 1813. Le portrait est un miniature carrée sur ivoire avec encadrement carré en bois naturel. Il est signé "Mengin 1813". L'Officier représenté est en surtout; celui-ci est entièrement bleu. Ce surtout est fermé sur le devant par une rangée de boutons argent. Notre hommes est présenté comme étant un Chef de Bataillon; curieusement, il porte l'épaulette et la contre épaulette de manière inversée. Il ne peut s'agir alors que d'un Adjudant. Remarquons aussi que l'épaulette et la contre épaulette sont dorées. Notre homme vient-il de la Ligne et n'a t'il pas eu le temps de les changer ? Est ce une fantaisie ? Ou bien ce portrait est il mal attribué ? Pour finir, il est décoré de la croix de la Légion d'honneur. Il ne nous reste maintenant plus qu'à mettre un nom sur ce portrait.

- Figure 45 : Officier de Carabiniers, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 78). Pas de passepoil au collet, le pompon est argent et le shako est doté d'une ganse de cocarde; sur le type représenté en figure 45a (que nous avons daté 1814), le pompon est rouge, il n'y a pas de ganse de cocarde, et le collet a un passepoil blanc.

- Figure 46 : Chef de Bataillon, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 78). Nous donnons à côté (figure 46a) un Chef de Bataillon, d'après Carl (Collection de figurines sur plot de Carl, Musée historique de Strasbourg).

- Figure 47 : Officier de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 78). Le shako est doté d'un pompon, d'une ganse, de cordons et raquettes argent. Pas de passepoil au collet. hausse col doré; dragonne argent.

L'Officier de Chasseurs, représenté en figure 47a, que nous avons daté 1814, a un shako dont le pompon est rouge; ganse de cocarde, mais pas de cordons ni raquettes. Collet passepoilé de blanc. Hausse col entièrement argent. Dragonne dorée.

Nous donnons en figure 47aa un Officier de Chasseurs, 1813-1814, d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). La source indiquée est Carl et Boeswilwald. C'est l'Officier représenté en figure 47, mais avec un pompon tulipe argenté.

- Figure 48 : Officier de Voltigeurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 78). Le shako a une ganse de cocarde et un pompon argent; l'absence de cordons et raquettes est peut être un oubli ? Pas de passepoil au collet; Légion d'Honneur; dragonne argent. L'Officier de Voltigeurs représenté en figure 48a (1814 ?) a le shako doté de cordons et raquettes mais sans ganse; le pompon est jaune. Passepoil rouge au collet. Pas de Légion d'Honneur, et dragonne or.

- Figure 49 : 1er et 2ème Porte Aigle, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 79). Le grade indiqué est celui de Sergent-major. Le shako a une ganse de cocarde; le collet est passepoilé; la plaque de ceinturon est blanche (erreur ?). Sur le type représenté en 49a, le shako n'a pas de ganse de cocarde, le collet est passepoilé, la plaque de ceinturon est jaune, et le grade indiqué est celui de Sergent.

- Figure 50 : Officier Porte Aigle, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 79). L'épaulette à droite est sans doute une erreur (note dans l'ouvrage Petits Soldats d'Alsace). En 1812, il y a une aigle en service, restée au dépôt. Napoléon n'avait accordé aucune inscription de bataille. En 1815, le Régiment est doté d'une aigle et d'un drapeau modèle 1815, détruits à Bourges. La tenue est sensiblement celle de l'Officier de Carabinier (fig. 45). La banderole porte drapeau est entièrement blanche, et le drapeau paraît être celui du modèle 1815. L'épaulette a gauche semble indiquer le grade d'Adjudant. Le type représenté en figure 50a a pour l'essentiel les mêmes caractéristiques que le précédent, mais le shako est doté d'un cordon argent placé en travers; il a également une ganse de cocarde argent. Le collet est passepoilé de blanc. L'épaulette est placée sur l'épaule gauche. La banderole porte drapeau est rouge frangée argent (ou bordé d'un galon argent ?). Le drapeau représenté semble ici être du modèle 1812. Le type représenté en figure 50b, que nous avons daté de 1813, n'est pas tiré de la suite communiquée par Millot, mais semble être une copie du type précédent; cependant, l'on remarquera que le parement en pointe a été remplacé par un parement droit à patte de parement. Erreur ou source différente ?

- Figure 51 : Sergent de Carabiniers Porte fanion, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 80). Il porte un shako classique, à ganse de cocarde blanche. Pas de passepoil au collet. Galon de grade passepoilé de rouge. Le type représenté en figure 51ab (daté 1814) a pour sa part le shako sans ganse, le collet passepoilé. Galon de grade et chevrons d'ancienneté, argent passepoilés de rouge. La dragonne est visible, entièrement rouge. Le fanion est le même dans les deux sources.

A côté, en figure 51aa, nous avons représenté un Sergent major de Carabiniers (daté 1814) dont le shako est entièrement garni d'argent. Pas de ganse. Collet passepoilé blanc. Le corps des épaulettes est argent. Galons de grade et chevrons d'ancienneté entièrement argent. Le gland de la dragonne est rouge (et la tête ?).

- Figure 52 : Carabinier, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 80). Tenue classique : ganse de cocarde et absence de passepoil au collet. A côté, en figure 52a, le type version 1814, sans ganse de cocarde, et avec passepoil au collet. Enfin, en figure 52b, le Carabinier version 1814 en tenue de sortie (sic) : par rapport au précédent, le shako est différent puisque la visière est cerclée, et qu'il y a une ganse de cocarde. On notera également les trois chevrons rouges, et le port du sabre briquet.

Nous donnons en figure 52aa un Carabinier en 1813-1814 d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). La source indiquée est Carl et Boeswilwald. C'est le Carabinier donné en figure 52.

- Figure 53 : Sergent major de Voltigeurs Porte fanion, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 80). Ganse de cocarde. Pas de passepoil au collet. Galon de grade passepoilé de rouge. Le type représenté en figure 53ab (daté 1814) a pour sa part le shako sans ganse, le collet passepoilé de rouge. En plus du galon de grade (ici, il s'agit d'un Sergent), il y a aussi des chevrons d'ancienneté, argent passepoilés de rouge. La dragonne est visible, entièrement jaune. Le fanion est le même dans les deux sources.

A côté, en figure 53aa, nous avons représenté un Sergent major de Voltigeurs (daté 1814) dont le shako a le pourtour supérieur argent. Pas de ganse au shako. Passepoil rouge au collet. Le corps des épaulettes est argent. Galons de grade et chevrons d'ancienneté entièrement argent. La dragonne est entièrement jaune.

- Figure 54 : Voltigeurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 80). Tenue classique : ganse de cocarde et absence de passepoil au collet. A côté, en figure 54a, le type version 1814, sans ganse de cocarde, et avec passepoil rouge au collet. Enfin, en figure 54b, le Voltigeur version 1814 en tenue de sortie (sic) : par rapport au précédent, le shako est légèrement différent puisqu'il y a une ganse de cocarde. On notera également les deux chevrons rouges, et le port du sabre briquet.

Nous donnons en figure 54aa un Voltigeur en 1813-1814 d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). La source indiquée est Carl et Boeswilwald. C'est le Carabinier donné en figure 54.

- Figure 55 : Sergent de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 81).

- Figure 56 : Fourrier de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 81).

Nous donnons en figure 56a un Fourrier de Chasseurs 1813-1814, d'après H. Boisselier (avec l'aimable autorisation de Mr Yves Martin). La source indiquée est Carl et Boeswilwald. C'est le Fourrier représenté en figure 56.

- Figure 57 : Caporal de Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 81). Ganse de cocarde au shako; collet sans passepoil; galon de grade blanc passepoilé de rouge. A côté, en figure 57a, un Caporal que nous avons daté 1814. Le shako est aboslument identique à celui du Caporal précédent. Collet passepoilé de blanc. Galon de grade blanc sans passepoils. Dragonne entièrement blanche.

- Figure 58 : Chasseurs, (1813-)1815, d'après la Collection Boeswilwald, ayant pour source Nicollet (Petits soldats d'Alsace, planche 81). Shako avec ganse de cocarde; pompon bleu ciel. Pas de passepoil au collet. A côté, en figure 58a, un Chasseur que nous avons daté de 1814. Son shako est identique à celui du précédent, mais le pompon et rouge. Passepoil blanc au collet. Dragonne blanche. Enfin, en figure 58b, le Chasseur version 1814 en tenue de sortie (sic) : par rapport au précédent, le shako est légèrement différent puisqu'il a une visière. On notera également les deux chevrons rouges.

- Figure 59 : Chasseur pendant les Cent Jours, 1815, d'après un dessin de Genty, donné par G. Cottreau dans le Carnet de la Sabretache, 1909, page 513. Le texte d'accompagnement apporte quelques précisions sur cet uniforme, expliquant que les "Régiments destinés à tenir garnison à Paris avaient été habillés à neuf et avec soin. L'infanterie légère, dans sa tenue strictement à l'ordonnance de 1812, avait cependant quelque coquetterie, ainsi qu'on le voit à ses guêtres bordées d'écarlate et ornées du gland vert et rouge.

Les parements de l'habit de notre chasseur sont taillés à l'ordonnance, en pointes passepoilées de blanc, sans patte, et la manche boutonnant au moyen de trois gros boutons. Il avait fallu la paix pour qu'on se décidât à respecter un peu le règlement, car le parement porté par la plupart des régiments d'infanterie légère, de 1806 à 1814, est rond comme celui de la ligne, passepoilé de blanc et orné d'une patte à trois boutons écarlate et parfois jonquille pour les voltigeurs; ce parement était un des plus audacieux défis à l'ordonnance qu'on ait vus à cette époque où, pourtant, ils étaient fréquents.

En effet, depuis le commencement de la Révolution, toutes les ordonnances sur l'habillement s'évertuaient à prescrire le parement bleu en pointe, passepoilé de blanc et sans patte ; et celui de janvier 1812 répète cette disposition et indique la hauteur de la pointe du parement dans sa partie la plus élevée, alors qu'effrontément les gouaches de Bardin qui sont au ministère de la Guerre donnent le parement rond à patte écarlate, disposition répétée par les gravures et dessins français, anglais, allemands de l'époque. On compte les rares documents donnant pour l'infanterie légère le parement en pointe porté religieusement par la cavalerie légère de l'armée, chasseurs et hussards, et par l'arme des chasseurs à pied de la vieille Garde avec ses dérivés, fusiliers chasseurs, conscrits chasseurs, voltigeurs, flanqueurs, etc.

Notre chasseur du 1er Léger est inédit. Ce dessin colorié, fait pendant les Cent Jours pour l'éditeur Genty, ne fut pas gravé parce que le désastre de Waterloo eut lieu avant qu'on eût eu le temps de le faire paraître. Genty, cependant, avait fait ce tour de force de publier une partie de l'armée des Cent Jours, précédée d'un portrait en pied de l'Empereur sur le quai de Porto Ferrajo (île d'Elbe) qui est rare, car en quarante ans, je n'en ai vu que deux exemplaires. On dut effacer la planche et cacher ou déchirer les épreuves à la deuxième Restauration".

Soulignons que ce type a été repris par W. Aerts, qui le dote d'une capote brune roulée sur le havresac ("Soldats de Waterloo", Suite d'aquarelles conservée au Cabinet des Estampes du Musée Royal de l'Armée et d'Histoire Militaire de Bruxelles ; aquarelle 1034). Il est également donné par Louis de Beaufort, dans sa suite de planches consacrées aux Armée de Waterloo (Armée française, Infanterie légère, figure 4), planche reprise dans les ouvrages de Tranié et Carmigniani : "Les Guerres de l'Ouest" et "Waterloo". Nous le voyons enfin dans le tome IV de Charmy consacré à l'Infanterie et les Régiments étrangers (planche 25 page 128) mais avec une plaque de shako qui est devenue jaune.

Remarquons justement la plaque de shako ; elle correspond à la plaque réglementée en 1812, mais on notera l'absence de cor de chasse sur le devant. Cela ne doit pas surprendre car il existe effectivement des exemplaires de ce type de plaque, qui paraît avoir été simplifié. Le Hors Série N°04 de Uniformes, en page 60 (travail de C. Blondiau) présente un modèle de plaque pouvant être attribué au 1er Léger (fig. 62), identique à celui que nous voyons sur le type de Genty. Un exemplaire absolument identique de cette plaque est donné dans l'Encyclopédie des Uniformes Napoléoniens (fig. 62c) : la légende indique simplement "Plaque réglementaire 1812, de Chasseur (Collection J. N.).

Par ailleurs, un de nos correspondants nous a communiqué un shako pouvant être attribué au 1er Léger, qui présente la même caractéristique (fig. 65). Une autre photo de shako (fig. 65b), apparemment le même, et conservé semble t'il dans un Musée Espagnol (celui de Vitoria) vient un peu compliquer les choses; en effet, cela sous entendrait que ce type de plaque a été porté en Espagne, et donc dès avant février 1814 (puisque c'est à cette époque que le 1er léger a quitté l'Espagne). Que doit on alors déduire ? Que plusieurs modèles de plaques ont pu circuler au sein d'un même Régiment (c'est possible avec la dispersion des Bataillons, ce qui a été le cas pour le 1er léger). Que ce modèle a aussi perduré puisqu'il est représenté par Genty pour 1815. Quant aux autres modèles de plaques, dans une première hypothèse, nous avions écrit "toutes les autres plaques et shakos sont peut être antérieurs, c'est à dire portés en 1813 et 1814" ; celle ci est toujours possible, mais dans ce cas, ne doit on pas y voir ce qui a été porté au sein des Bataillons se trouvant hors d'Espagne ?

Figure 60 : Plaque de shako de troupe , modèle 1812, donné dans La Giberne, 8ème année, page 162 (ancienne collection G. Cottreau). Un original de ce modèle (figure 61) est donné dans l'ouvrage de P. Haythornthwaite et B. Fosten ("Napoleon's Light Infantry ", Men At Arms 146, Editions Osprey). Un exemplaire est conservé au Musée de Delft - Pays Bas (Fig. 61a ; photo Collection Privée). Par ailleurs, il existe un shako de troupe (figure 62a) pouvant être attribué au 1er Léger - Collection Titeca, Bruxelles ? (photo collection privée). Un autre exemplaire de ce shako absolument identique figure dans le catalogue de Mr Bertrand Malvaux : "L'Histoire par les objets - Catalogue de vente 2009" (figure 62b).

Un autre shako, communiqué par un de nos correspondants, se rapproche de ce modèle (figure 62d) ; il a été vendu par Maitre Osenat lors de la vente des Collections Mik Henler, Aublin de La Barre et diverses autres. La plaque est identique à celle du shako précédent. Sur le dessus du shako, se trouve un pompon rouge, surmonté d'une houpette rouge mêlée de blanc. Bien que présenté comme étant un shako de Carabiniers dans le descriptif de la vente, il s'agit plus vraisemblablement d'un shako de Chasseur. La description de ce shako est la suivante : "Fut en feutre. Calotte, bourdalou et visière en cuir. Plaque à l'aigle modèle 1822 en fer au chiffre 1 découpé. Jugulaires à écailles et rosaces à étoiles en fer. Cocarde tricolore en cuir. Coiffe intérieure en cuir et toile. Pompon flamme tricolore. Bon Etat".

Figure 63 : Shako d'Officier de Voltigeurs d'après Job (Tenues des troupes de France), postérieur à 1812, sans pompon ni plumet, mais avec la plaque du Règlement de 1812. Là encore, le cor est inversé. Le sommet du shako est orné d'une frise de feuillages argentée.

Figures 64 et 64 bis : Le shako d'Officier de Job est à rapprocher d'une autre modèle, donné par Laurent Mirouze dans la revue Tradition numéro 8 (août 1987). Le shako, conservé au Musée Napoléonien d'Histoire Militaire de Fontainebleau, a son pourtour supérieur argent. La plaque de shako est du modèle 1812, mais les lions ont été remplacés par des grenades ; le cor est également remplacé par une grenade, portant le numéro 1. Il s'agit donc d'un shako d'Officier de Carabiniers. Le cercle de visière, bien que décoré de feuillages, est en cuir noir. Sur la 2e vue (figure 64 bis), extraite de l'Encyclopédie des Uniformes de V. Bourgeot, a été rajouté un pompon rouge qui n'est sans aucun doute pas d'origine.

- Figure 65a : Musicien en 1815, d'après Louis de Beaufort (Armée de Waterloo, Armée française, Infanterie légère, figure 1), planche reprise dans les ouvrages de Tranié et Carmigniani : “ Les Guerres de l'Ouest ” et “ Waterloo ”. Ce type nous paraît curieux et en contradiction avec ceux donnés plus haut, en raison du galon de grade, du galon blanc au collet, et des tournantes d'épaulettes, données blanches.

III/ Drapeaux et fanions

a/ Drapeaux de 1802

Selon P. Charrié ("Drapeaux et Etendards de la Révolution et de l'Empire"), l'arrêté consulaire du 10 juin 1802 accorde trois drapeaux à toutes les demi-brigades légères. La distribution a lieu au Carrousel le 14 juillet 1802. Dimensions : 162 x 162 cm. Taffetas de soie dans lequel est inscrit un losange blanc. Chaque pointe du losange porte un triangle bleu orné d'un cor peint en or. Les quatre angles en forme de triangles rouges ont le numéro peint en or ombré de noir. A l'avers au centre sur fond de rayons peint en lettres d'or/LE PREMIER CONSUL/A LA ...DEMI-BRIGADE/LéGERE LE/25/MESSIDOR AN 10/. Cette légende est entourée d'une couronne de lauriers verts dont les deux branches sont liées par un ruban rouge. En haut banderole argent doublée de bleu RéPUBLIQUE FRANçAISE. En bas banderole argent doublée de bleu ... me BATAILLON.

Au revers au centre un trophée composé d'un glaive à garde dorée la pointe en bas, de deux sabres et deux fusils croisés le tout réuni par un noeud de rubans tricolores. Ce trophée est entouré par une couronne de laurier et chêne dont les branches sont nouées par un ruban bleu. En haut banderole argent avec RéPUBLIQUE FRANçAISE. En bas banderole argent avec ...me BATAILLON. Hampe peinte en bleu surmontée d'un pique en cuivre doré modèle 1794. Etoffe rattachée à la hampe par un fourreau blanc. Cravate cordons et glands du modèle 1794.

Au moment de la remise de ces drapeaux, le 1er Consul adresse une allocution aux détachements représentant l'infanterie légère : "Soldats de l'infanterie légère de l'armée française, voilà vos drapeaux ; ils vous serviront toujours de ralliement. Ils seront partout où le Peuple français aura des ennemis à combattre ; ils imprimeront la terreur aux ennemis du Gouvernement, quels qu'ils soient.
Soldats, vous défendrez vos drapeaux ; non, jamais ils ne tomberont au pouvoir des ennemis. Vous jurez d'être prêts à les défendre aux dépens de votre vie !
" (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 6182).

Ces drapeaux sont restés en service jusqu'au 5 décembre 1804. Le fournisseur était la maison Watrin, au prix unitaire de 350 F sans cravate ni cordon.

b/ Drapeaux de 1804

En 1804, le Régiment a reçu 3 aigles et drapeaux modèle Picot, dont aucun original ne nous est parvenu. Dimension des étoffes : les drapeaux mesurent 80 X 80 cms. Selon une facture de Picot, le prix d'un drapeau est de 168 F., celui de la caisse 12 F tandis que la caisse pour l'aigle coute 3 F. Description du drapeau : taffetas de soie d'une seule épaisseur avec inscriptions et ornements peints en or sur enduit à l'huile. Au centre un losange blanc de 425 mm de côté bordé à cheval d'une suite de feuilles de laurier régulières alternant avec des grains. Ce décor de feuilles est doré. Dans la bordure du losange blanc central, les feuilles de laurier sont plus étroites. Elles sont séparées au milieu de chaque côté par une petite rosace et les deux moitiés de feuillages sont en sens opposé. Il y a en principe sur chaque côté, 24 paires de feuilles soit 12 de part et d'autre de la rosace. Les angles sont rouges ou bleus en opposition. A l'avers sur le côté hampe, l'angle du haut est bleu, celui du bas rouge. Sur le côté flottant, les couleurs sont inversées. Les nuances exactes sont un rouge assez clair et un bleu de Prusse pâle. Dans chaque angle se trouve le numéro du régiment entouré par une couronne de laurier presque fermée, nouée par un ruban. Le tout est peint à l'or. Le fond des couronnes de lauriers sur lequel est disposé le numéro régimentaire est peint en argent. Sur le losange blanc sont disposées les légendes :

A l'avers : /L'EMPEREUR/DES FRANÇAIS/AU .me RÉGIMENT/ D'INFANTERIE LÉGÈRE.
Au revers : /VALEUR/ET/DISCIPLINE/..me/BATAILLON.

Les lettres mesurent 3 cm de haut sur 2,5 cm de large. Les étoffes sont sans franges, ni cravate, ni cordons.

Les étoffes sont maintenues à la hampe par deux rangs de clous de cuivre doré sur une hauteur variable. Le nombre exact de clous n'est pas connu. Quelle était la hauteur des hampes ? En réalité il n'existe aucun règlement. Les dimensions varient de 190 cm à 250 cm. Elles sont terminées par un sabot de cuivre dont la forme et la hauteur sont variables. Le plus souvent ce sabot mesure 10 cm, parfois moins. D'une façon générale, les hampes sont peintes en bleu foncé. Nous rappelons que les drapeaux et étendards de 1804 à 1812 ne comportent pas de cravate. Toutefois, certains chefs de corps font confectionner à leurs frais des cravates tricolores. Les aigles et drâpeaux ont été remis au cours d'une cérémonie sur le champ de mars. Contrairement à ce qui est affirmé dans l'historique régimentaire, le 1er léger selon Pierre Charrié fait partie des Régiments dont la délégation était réduite (entre 3 et 6 hommes); il avait été prescrit que ce type de délégation n'emporterait pas leurs drapeaux, le Ministre de l'Administration étant invité à les faire parvenir directement aux régiments concernés.

Autre information importante : le 1er Régiment de la Garde de Paris s'est vu remettre ce jour là l'aigle et le drapeau du 2e Bataillon du 1er Léger.

En ce qui concerne les anciens drapeaux, suivant les Mémoires de Thiébault, il avait été prescrit aux délégations de venir au Champ de mars avec les drapeaux en service. Ceux ci devaient en principe être déposés à Notre Dame de Paris. Une lettre de Berthier au Cardinal de Paris du 18 décembre 1804 précise : "... ces drapeaux seront placés en trophées et à demeure dans cette même église et que jusque-là ils doivent rester en faisceaux dans le choeur...". Nous savons que la mesure fut retardée et peut-être jamais exécutée, car un très grand nombre de ces anciens emblèmes se trouvait au Musée de l'Artillerie à Saint-Thomas-d'Aquin.

L'Empereur avait vu grand en accordant autant d'aigles et de drapeaux. La pénible campagne de 1807 en Pologne où plusieurs aigles tombent aux mains de l'ennemi, va l'inciter à pratiquer des réductions importantes. Ainsi, le 26 mars 1807, à Osterode, est établi par l'Empereur l'ordre suivant : "Sa Majesté ordonne que les régiments d'infanterie légère n'auront pas d'aigles à l'armée, et que les aigles de ces régiments seront envoyées aux dépôts, cette arme ne devant pas avoir d'aigle devant l'ennemi" (Correspondance de Napoléon, t.14, lettre 12183). Cet ordre fut plus ou moins suivi dans la pratique. Qu'en est il au 1er Léger ?

Par suite d'une fausse interprétation, le Ministre de la Guerre décide en 1807 pour l'Infanterie légère, que les Régiments ne doivent avoir que des enseignes ou fanions.

Surtout, par le décret du 18 février 1808, il décide qu'il ne doit plus y avoir qu'un drapeau par Régiment confié à un porte-aigle officier. L'aigle doit marcher avec la portion la plus importante du corps, là où se trouve le Colonel. Les Régiments d'infanterie ayant à cette époque trois ou quatre Bataillons de guerre, plus un de dépôt, l'aigle doit suivre en principe le 1er Bataillon. Les autres devront recevoir des fanions. En attendant ces "nouvelles enseignes", il est prescrit que l'aigle des deux premiers Bataillons est maintenue. Celle du 3e Bataillon également s'il se trouve à l'armée. S'il n'y est pas, elle sera portée par le 4e Bataillon. Ces dispositions sont appliquées à l'ouverture de la campagne de 1809. Cependant le 8 avril 1809, l'Empereur toujours changeant écrit, depuis Paris, à Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "...j'approuve que tous les corps renverront leurs aigles en France hormis une qu'ils garderont. En attendant qu'ils aient des enseignes, vous les autoriserez à faire faire pour chaque bataillon des enseignes très-simples, sans devise et le tiers de celles qu'ils avaient autrefois. Ces enseignes sont pour leur servir de ralliement ; elles n'auront aucune décoration de bronze, elles porteront seulement le numéro du régiment et du bataillon ..." (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 15030 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20750). Cet ordre est inexécutable pour les Régiments déjà en marche. Une lettre d'Oudinot à Berthier datée de Leopolstadt le 23 juillet 1809 signale : "...les régiments de ligne de la division Grandjean ont tous deux aigles, les autres trois, les colonels de ces corps ont déjà plusieurs fois manifesté le désir de se réduire à une seule conformément à un décret impérial dont la date ne m'est pas présente. Ils sollicitent l'autorisation de renvoyer l'excédent en France...". L'Empereur le 28 juillet 1809 répond : "...Accordé de garder l'aigle à l'armée, renvoyer les autres en France au Ministre de la Guerre...".

Extrait du Décret du 18 février 1808 :

"Article XVII. Chaque régiment aura une aigle qui sera portée par un porte-aigle ayant le grade de lieutenant ou de sous-lieutenant et comptant au moins dis ans de service ou ayant fait les quatre campagnes d'Ulm, d'Austerliz, d'Iéna et de Friedland. Il jouira de la solde de lieutenant de 1re classe.
Deux braves soldats, pris parmi les anciens soldats non lettrés, qui pour cette raison n'ont pu obtenir d'avancement, ayant au moins dix ans de service avec titre, l'un de second porte-aigle et l'autre de troisième porte-aigle, seront toujours placés à côté de l'aigle. Ils auront rang de sergent, et la paye de sergent-major. Ils porteront quatre chevrons sur les deux bras.
L'aigle restera toujours là où il y aura le plus de bataillons réunis. Les porte-aigle font partie de l'état-major du régiment. Ils sont nommés tous les trois par nous et ne peuvent être destitués que par nous.
Article XVIII. Chaque bataillon de guerre aura une enseigne portée par un sous-officier choisi par le chef dans une des compagnies de ce bataillon. Le bataillon de dépôt n'aura aucune enseigne.
Article XIX. Les régiments de ligne ont seuls des aigles pour drapeaux, les autres corps ont des enseignes....
".

Un rapport de Clarke du 16 juin 1808 signale la confusion du terme "régiments de ligne" qui ont seuls des aigles aux drapeaux. Le 21 août 1808, l'Empereur écrit que l'expression "infanterie de ligne" doit signifier les Corps numérotés, les autres troupes étant désignées sous le nom de Corps auxiliaires ou hors ligne.

Le 8 avril 1809, l'Empereur écrit, depuis Paris, au Maréchal Berthier, Major général de l'Armée d'Allemagne : "... j'approuve que tous les corps renverront leurs aigles en France hormis une qu'ils garderont. En attendant qu'ils aient des enseignes, vous les autoriserez à faire faire pour chaque bataillon des enseignes très-simples, sans devise et le tiers de celles qu'ils avaient autrefois. Ces enseignes sont pour leur servir de ralliement ; elles n'auront aucune décoration de bronze, elles porteront seulement le numéro du régiment et du bataillon. Quant au corps du général Oudinot, il faut que chaque bataillon fasse faire un petit drapeau d'un simple morceau de serge tricolore, portant d'un côté le numéro de la demi-brigade et de l'autre le numéro du bataillon, comme, par exemple, 4e bataillon du 6e d'infanterie légère d'un coté, et de l'autre 1re demi-brigade légère, etc. Il faut faire pour cela très-peu de dépense. J'en ferai faire de très-belles, que je donnerai moi-même aussitôt que possible" (Correspondance de Napoléon, t.18, lettre 15030 ; Correspondance générale de Napoléon, t.9, lettre 20750).

Le 28 juin 1809, depuis Schönbrunn, Napoléon ordonne : "Article 1er. Les 1er et 2e porte-aigles de chaque régiment seront armés d'un esponton formant une espèce de lance de cinq pieds, auquel sera attachée une banderole, qui sera rouge pour le premier porte-aigle, blanche pour le second. D'un côté sera le nom du régiment, de l'autre le nom de l'Empereur.
Art. 2. Ces espontons seront fournis par le ministre de la guerre mais, en attendant, les régiments seront autorisés à s'en procurer. Cet esponton sera une espèce de lance dont on se servira comme d'une baïonnette. Les banderoles blanche et rouge serviront à marquer le lieu où se trouve l'aigle.
Art. 3. Le premier et le second porte-aigles porteront, indépendamment de l'esponton, une paire de pistolets, qui seront dans un étui, sur la poitrine, à gauche, à la manière des Orientaux
" (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 3, lettre 3281).

Tous les régiments de l'Armée d'Allemagne et d'Italie exécutent l'ordre du 18 février 1808 et celui du 8 avril 1809, à la fin 1809. Par contre, à la même époque, les corps engagés en Espagne (ce qui est le cas pour le 1er Léger) ont réglementairement une aigle par Bataillon même pour le 4e Bataillon de formation récente. En 1810, lors de la création de nouveaux régiments, c'est désormais une aigle par régiments qui est accordée. A cette époque, le prix de l'aigle est de 165 F, celui des drapeaux de 148 F. Il est amusant de noter que depuis 1804, le prix des aigles a augmenté, tandis que celui des drapeaux a baissé.

A préciser que jusqu'au décret du 15 janvier 1812, la fourniture et la confection des drapeaux relevaient de l'Administration de la Guerre pour passer ensuite à la Direction de l'Artillerie.

c/ Drapeaux de 1812

A la suite d'une réclamation du 9e d'Artillerie à pied demandant d'avoir deux aigles en octobre 1811, l'Empereur non seulement n'accepte pas cette requête, mais il profite de l'occasion pour faire connaître à Clarke ses projets touchant les drapeaux et étendards de l'Armée. Le 20 octobre 1811 d'Amsterdam, il adresse la note suivante : "Il faut me faire un projet de règlement pour les aigles. Une par régiment suffit pour l'infanterie et la cavalerie, comme pour l'artillerie. Les régiments de cuirassiers que j'ai passé en revue en ont quatre, c'est trop. Il n'y a qu'un conseil d'administration, qu'un chef de corps, il ne faut qu'une aigle. Le bâton actuel peut rester, mais il faudrait refaire les banderoles, les broder et les rendre plus solides qu'on pourra. On pourra mettre sur les banderoles le numéro du régiment, les batailles où il s'est trouvé depuis Ulm... il faudrait aussi adopter un modèle pour les hallebardiers qui escortent le porte-aigle, il faudrait que ce fut des armes dont on put se servir...".

Outre ces modifications, l'Empereur songe un moment à changer la couleur du fond. Une lettre de Berthier à Clarke du 23 octobre 1811 dit : "...l'Empereur désire que l'on fasse faire différents dessins de l'espèce de tablier ou enseigne à mettre sous l'aigle. Soit carré, en losange ou en rond. Cela est à étudier. La couleur serait verte et les lettres en or. La cravate que l'on ferait légère et sans glands pourrait être aux trois couleurs. Les compagnies de gendarmerie, Gardes d'honneur, Gardes départementales, les bataillons isolés ne pourraient sous quelques prétextes que ce soit prendre l'aigle. Aucun aigle ne pourra être porté par un régiment s'il n'a été envoyé officiellement par le ministre de la Guerre. L'aigle est la marque distinctive du régiment, il n'y en aura qu'un parce qu'il n'y a qu'un seul colonel. Il faut faire des dessins d'un beau modèle pour les tabliers, une étoffe légère et qui soit durable. Au cadre du tablier on pourra broder des abeilles d'or. Les grandes batailles depuis le camp de Boulogne sont Ulm, Austerlitz, Iena, Vienne, Berlin, Eylau, Friedland, Varsovie, Madrid, Eckmuhl, Raab, Essling, Wagram...".

Challiot de Prusse exécute un certain nombre de dessins officiels : drapeaux verts avec losange blanc au centre, drapeaux verts à croix blanche les quartiers étant semés de treize abeilles d'or, au milieu un aigle couronné entouré par EMPIRE FRANÇAIS VALEUR ET DISCIPLINE le BATAILLON, le numéro aux extrémités de la croix. On trouve aussi un drapeau à losange blanc avec triangles de couleurs différentes pour chaque arme. etc. L'Empereur ne donne aucune suite à ces drapeaux verts.

Le 16 novembre 1811, il adresse encore des instructions à Clarke : "... je crois vous avoir fait connaître que mon intention était qu'on envoyat aux différents corps un tablier portant pour inscription sur un côté L'Empereur Napoléon à tel régiment. Sur l'autre les batailles où s'est trouvé le régiment savoir Ulm, Austerlitz Iena, Eylau, Friedland, Eckmuhl, Essling Wagram et Madrid. Ce tablier doit être à peu près de la grandeur du tablier que l'on met aux aigles. La plupart n'en ont plus. On les renouvellera tous les deux ou trois ans. Faite faire le projet de ce tablier et rédiger le détail de ce qui doit être mis pour chaque régiment... Enfin mon intention est que chaque bataillon ait un guidon sans aucun signe, ni inscription... Il n'y aura qu'une aigle pour chaque régiment de cavalerie...". Le 30 novembre 1811, l'Empereur confirme ses instructions à Berthier et le charge personnellement de mettre au point ce projet et d'établir particulièrement la liste des batailles de chaque régiment. Il précise également que toutes les aigles supplémentaires devront être renvoyées à Paris et déposées aux Invalides. Il rappelle également l'existence des couronnes d'or offertes par la ville de Paris et demande à Berthier de s'informer auprès du préfet afin de savoir où elles se trouvent. Le 25 décembre 1811, un décret officiel confirme les dispositions suivantes : "Art. 1 - Aucun corps ne peut porter pour enseigne l'aigle française s'il ne la reçue de nos mains et s'il n'a prêté le serment.
Art. 2. - L'aigle n'est donnée qu'à des corps d'infanterie d'un complet supérieur à 1200 hommes et qu'à des corps de cavalerie de plus de 600 chevaux.
Art. 6. - Tous ceux de nos régiment d'infanterie, de cavalerie, d'artillerie, légions de gendarmerie, bataillons de pontonniers, compagnies départementales et autres corps, sous quelque dénomination que ce soit qui ont pris l'aigle pour enseigne et l'ont arborée sans qu'elle ait été donnée de nos mains au corps ou à ses députés, en instruiront notre ministre de la Guerre et lui renverront la dite aigle.
Art. 7. - Un régiment d'infanterie ou de cavalerie n'aura qu'une seule aigle.
Art. 8. - Lorsque l'étendard qui est actuellement attaché aux aigles sera usé par le temps et au plus tôt tous les deux ans, notre ministre de la Guerre nous proposera l'envoi au corps d'un nouvel étendard sur lequel sera brodé d'un côté l'Empereur Napoléon à tel régiment et de l'autre les noms de batailles de la Grande Armée auxquelles ce régiment se sera trouvé, savoir les batailles d'Ulm, Austerlitz, d'Iena, d'Eylau, de Friedland, d'Eckmuhl, d'Essling et de Wagram.
Art. 9. - Le premier bataillon de chaque régiment d'infanterie portera pour enseigne l'aigle du régiment, les autres bataillons auront des fanions sans inscriptions et auxquels il ne sera attaché aucune importance, ni rendu aucuns honneurs.
Art. 10. - Le fanion du 2e bataillon sera blanc, celui du 3e sera rouge. Celui du 4e sera bleu, celui du 5e sera vert et celui du 6e sera jaune.
Art. 12. - Le 2e et 3e porte-aigle auront un casque et des épaulettes défensives, ils seront armés d'un épieu avec flammes ou esponton de parade et de défense avec une paire de pistolets.
Art. 13. - Les régiments d'infanterie et de cavalerie qui ont plus d'une aigle, les enverront sans délai à notre ministre de la Guerre
".

Un décret du 15 janvier 1812 confie au ministre de la Guerre le service des drapeaux et à l'artillerie celui de leur confection. Au début février 1812, rien n'est encore fixé d'une manière absolue au sujet de la couleur et du dispositif. Le 8 février 1812, une décision règle les principaux détails concernant la forme, les ornements, les inscriptions du nouveau drapeau, dont le modèle, sauf pour les dimensions était uniforme pour toutes les armes. Toutefois, il est curieux de noter que la disposition des trois couleurs en bandes verticales est due à la seule initiative du commissaire ordonnateur Barnier. Le 9 février 1812 ce dernier adresse le rapport suivant :
"...l'Empereur ayant ordonné que le pavillon à attacher à la hampe des aigles continue d'être aux trois couleurs et les inscriptions à y mettre ne permettant pas que ces couleurs soient coupées angulairement, j'ai l'honneur de proposer au ministre de décider que les trois couleurs seraient par bandes égales et verticales dans l'ordre ci-après partant de la hampe : bleu, blanc, rouge. C'est ainsi qu'est fait le pavillon qui flotte sur le palais des Tuileries lorsque l'Empereur est à Paris. Cette décision est la dernière qui soit nécessaire pour me mettre à portée de fournir à la division de l'artillerie les modèles, dessins et renseignements qui doivent servir de base pour la confection des aigles et l'équipement des porte-aigles....".

Selon une pièce comptable de la direction de l'Artillerie c'est le sieur Guerin qui a confectionné ces drapeaux et non Mme Challiot comme l'indiquait Hollander. Description : Etoffe de soie en double épaisseur, dont les deux faces sont cousue l'une sur l'autre. Dimensions des drapeaux : 80 X 80 cm. Frange or de 2,5 cm. Cravate de 106 cm de long et 18 cm de large. Cordons de 66 cm de long, terminés par deux glands de 16 cm de haut. Il faut préciser que les dimensions ne sont pas rigoureuses. D'après des originaux, on trouve par exemple des drapeaux ayant une soie plus grande de 1 à 3 cm. La hauteur des lettres est variable, soit en moyenne 4 à 5 cm pour les drapeaux. Les mots L'EMPEREUR NAPOLÉON étant légèrement plus hauts que le reste de la légende. La hampe est peinte en bleu impérial. Elle a 245 cm de haut y compris le talon de 5 cm.

L'étoffe formée des trois bandes verticales (bleu à la hampe, rouge au flottant) est encadrée par une large broderie dont le dessin est identique à l'avers et au revers. La partie horizontale supérieure est décorée à chaque angle d'une couronne impériale dont les branches et les bandeaux sont ornés d'imitations de pierres, l'intérieur du bandeau de la couronne étant doublée de soie écarlate. Chaque couronne est surmontée de deux étoiles. La partie horizontale inférieure porte à chaque angle une aigle dont les têtes se font face. Dans les quatre espaces compris entre les couronnes impériales et les aigles, sont placées à égales distances, quatre couronnes de laurier entourant la lettre N. Tous ces motifs sont reliés entre eux horizontalement par une triple rangées d'abeilles et verticalement par des palmettes et arabesques. Tous les ornements et inscriptions sont brodés en fils d'or. A l'avers /L'EMPEREUR/NAPOLÉON/AU ...RéGIMENT/D'INFANTERIE/LÉGÈRE/. Au revers, les noms de batailles propres au régiment. La disposition varie selon le nombre. Il n'y a pas plus de deux noms par ligne. Les noms sont séparés par une virgule.

L'étoffe est fixée à la hampe de la façon suivante : sur une hauteur correspondant à celle du drapeau, la hampe est recouverte d'un fourreau de soie bleue auquel est cousue la bande de même couleur. Ce fourreau est garni à ses deux bouts d'un coulissé dans lequel est passé un cordonnet de soie bleue dont les extrémités sont enroulées à double tour et nouées autour de la hampe de manière à maintenir l'étoffe en place. La cravate est formée d'une bande de soie tricolore ornée à ses extrémités d'une broderie de palmettes et d'abeilles et garnie d'une frange à torsades de 7 cm pour les drapeaux et de 5,5 cm pour les étendards. Les trois couleurs sont disposées de sorte que la bande blanche est bordée de chaque côté de deux bandes bleu et rouge, qui repliées se rejoignent pour former un revers uniquement bleu et rouge. La cravate est attachée au-dessous du caisson de l'aigle sur la douille et maintenue en place par la cordelière enroulée par-dessus. Cordons en or avec rosette et coulant terminés par deux glands or. La durée légale est de 12 ans pour les drapeaux d'infanterie, chiffre purement théorique...

L'ordre de 1807 décidant que l'Infanterie légère n'aurait pas d'aigles à l'armée (décision peu suivie il est vrai) ne fut pas rapportée en 1812. Au contraire, l'Empereur insiste pour ne rien modifier aux ordres antérieurs. Une demande faite par Berthier au nom du colonel du 7e léger le 22 mars 1812 afin que l'aigle de ce régiment laissée au dépôt suive désormais la troupe, est refusée par l'Empereur.

Le 24 mars 1812, à Paris, à la question : "Les régiments d'infanterie légère doivent-ils faire revenir leur aigle qui, par une disposition spéciale de l'Empereur, se trouve à leur dépôt ?", ce dernier répond encore une fois : "Puisque les aigles de ces régiments sont aux dépôts, il faut que les régiments les y laissent" (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.3, lettre 5028).

Cette disposition est maintenue jusqu'à la fin de l'Empire. Clarke le 3 mai 1813 écrit au Conseil d'administration du 26e léger : "... Elle (l'aigle) doit rester au dépôt ainsi que les porte-aigles. C'est par inadvertance qu'on a omis de faire cette différence entre les régiments d'infanterie de ligne et légère dans ma circulaire du 30 avril ...". La majorité des Régiments se plie à cette mesure. Est ce le cas au 1er Léger ?

Distribution des nouveaux drapeaux : Contrairement à l'article 8 du décret du 25 décembre 1811, on ne devait pas attendre l'usure des anciens drapeaux. La campagne de Russie étant imminente, l'Empereur donne des instructions pour faire confectionner les drapeaux, d'abord pour les Régiments qui composent la Grande Armée. La date d'envoi est fixée au 1er mars. Dans les faits, les premiers drapeaux terminés durent joindre les Régiments en marche sensiblement après cette date. Pour les Régiments de l'armée d'Espagne, il est très probable qu'ils ne reçurent jamais leurs nouvelles étoffes.

Procès verbaux sur les aigles et les drapeaux en service : A l'époque de l'adoption du nouveau modèle, il règne une grand confusion parmi les emblèmes. Les règlements étant loin d'être observés, certains Régiments ont plusieurs aigles, tandis que d'autres n'en possèdent qu'une et quelques uns même aucune. Pour mettre un peu d'ordre et obliger les Colonels à suivre les règlements, l'Empereur ordonne une enquête afin de connaître le nombre exact d'emblèmes dans chaque Régiment. Le Ministre de la Guerre envoie dès lors un questionnaire à chaque Conseil d'administration en date du 1er avril 1812. Les renseignements portent sur le "nombre de pavillons avec ou sans aigles", sur la date de réception, sur les batailles où le Régiment a assisté. A la lecture des réponses au questionnaire, on s'aperçoit que de nombreux Régiments en 1812 n'ont plus que l'aigle et son bâton. Les étoffes modèle 1804 peu solides ont mal résisté à huit années de campagnes. Néanmoins, beaucoup venant surtout de régiments d'artillerie, du train, de légions de gendarmes, de cavalerie légère sont déposées au Musée de l'Artillerie à Saint-Thomas-d'Aquin ainsi que les aigles excédentaires. A la rentrée des Bourbons en 1814, on ne touche pas ces reliques, tandis que l'on fond les aigles et brûle systématiquement tous les drapeaux et étendards tricolores en service. Durant l'occupation, certains généraux prussiens tentent de piller Saint-Thomas d'Aquin, mais le général russe Sacken s'y oppose. En 1815, les collections sont emballées et cachées grâce à M. Montenay plus perspicace que le Maréchal Sérurier aux Invalides... Malheureusement, un triste individu devait pour 462 F. dénoncer la cachette aux autorités alliées. Dès lors le Feldmaréchal Blücher devait sans vergogne déménager ces glorieuses dépouilles sur Berlin.

Précision : d'après un état datant de l'année 1810, il n'était pas prévu de faire figurer sur le drapeau du 1er Léger, modèle 1812, de noms de batailles puisque ce Régiment n'a pris part à aucune des batailles de la Grande Armée, étant employé ailleurs. Pierre Charrié indique que le 1er Léger a en 1812 une Aigle en service. Le drapeau modèle 1812 est resté au Dépôt.

d/ Distributions de 1813

Après le désastre de la campagne de Russie, l'Empereur s'emploie à rétablir l'Armée et l'ensemble de son organisation. Pour les emblèmes, le Ministre de la Guerre procède à une enquête sur la situation des aigles dans les Régiments de la Grande Armée. Les réponses arrivent fin mai début juin et le 15 juin 1813, l'Empereur approuve de donner de nouvelles aigles avec drapeaux aux unités les ayant perdus ou détruits. Il fait de même pour des régiments ayant perdu leur aigle en Espagne.

L'Empereur est toujours très attaché à l'idée de remettre lui-même les aigles et drapeaux, et ne néglige jamais une occasion de remise officielle. Par ailleurs, en 1813, il s'intéresse tout particulièrement aux questions d'emblèmes. Connaissant le manque de cohésion de certaines unités mal aguerries, il s'attache à les exalter par la présence des aigles. Il écrit par exemple : "... le corps de Mayence (futur 9e Corps) n'aura ni aigles ni musiques. Il serait utile d'y envoyer une aigle et une musique par brigade et cela sans rien déranger en ce qu'on enverrait simplement l'aigle aux régiments quand ils seraient partis, tout comme on enverrait des aigles et des musiques à raison d'une par brigade aux régiments de la Grande Armée tels que ceux de la division Souham ou autres qui sont composés de régiments provisoires...". A la lecture de ce texte, il semble que la pensée de l'Empereur était qu'une aigle retirée au dernier Bataillon d'un Régiment resté en Espagne, rejoigne le ou les Bataillons de ce même Régiment à la Grande Armée et devienne enseigne d'une Brigade entière formée de Bataillons détachés. En Espagne justement, à Ascain le 16 août 1813, le Maréchal Soult adresse l'ordre du jour suivant :
"...l'intention de l'Empereur étant qu'il n'y ait dans chaque brigade qu'une aigle pour servir de ralliement et une musique, cette disposition recevra immédiatement son exécution. En conséquence, les Régiments désignés ci-après seront les seuls qui conserveront leur aigle et leur musique... les Régiments dont les aigles et musique ne se trouvent pas conservées par le tableau ci-joint, les renverront de suite à leurs dépôts respectifs, les aigles seront encaissées et adressées au directeur des Postes à Bayonne qui sera tenu d'en donner reçu et l'a faire parvenir...". Question : le 1er Léger, dans la mesure où il aurait gardé ses drapeaux et aigles depuis 1807, était il concerné par cette mesure ?

e/ Les drapeaux de la première Restauration pour l'Infanterie légère (D. Davin).

Le gouvernement provisoire du 1er Avril 1814 abolit les emblèmes impériaux. Le principe d'un drapeau par Régiment est conservé au 1er Bataillon, porté par un Officier, les autres Bataillons ayant des fanions. Les drapeaux sont blancs, 150 sur 150 cms, sur les bords un feston avec fleurs de lys et rosaces alternées en doré. Dans chaque angle, un carré avec le numéro du Régiment. Franges or sur les bords, cravate de taffetas blanc avec broderie de palmettes et fleurs de lys et franges or. Cordon et glands dorés. Hampe de 2,50m surmontée d'une pique dorée, ornée d'une fleur de lys découpée.

A l'avers : au centre, en or bordé de noir, l'inscription :
Pour les neuf premiers Régiments :
LE ROI/
AU REGIMENT/
DE (suit leur titre pour les 9 premiers Régiments de l'arme. Note A)
Xme D'INFANTERIE/
LEGERE.
(Note A) : les neuf premiers Régiments d'Infanterie légère portent le titre : 1er du Roi, 2ème de la Reine, 3ème du Dauphin, 4ème de Monsieur, 5ème d'Angoulême, 6ème de Berry, 7ème d'Orléans, 8ème de Condé, 9ème de Bourbon.
En janvier 1815, on rétablit le titre de Colonel Général de l'Infanterie légère, le 7ème Léger en prend la dénomination et a un drapeau spécial (voir historique du 7ème Léger).
Exemple : LE ROI/ AU REGIMENT/ DE CONDE/ 8EME D'INFANTERIE/ LEGERE.

Pour les Régiments n'ayant pas de titre, l'inscription devient LE ROI/ AU Xème/ REGIMENT/ D' INFANTERIE/ LEGERE.

L'inscription centrale est encadrée à droite par deux branches de chêne, à gauche par deux branches de lauriers, les branches liées par un ruban rouge où pendent les croix de St Louis et de la Légion d'Honneur.

Au revers : les armes de France couronnées entourées par les colliers des ordres du St Esprit et de St Michel, avec sceptre et main de justice, encadré par une branche de chêne et de laurier liées par un ruban rouge.

La première distribution des drapeaux d'Infanterie a lieu à Paris le 19 septembre 1814 pour les Régiments de la 1er Division militaire aux ordres du Général Maison. Auparavant, la Garde Nationale avait reçu les siens. Le 1er Régiment Léger du Roi et le 4ème de Monsieur, les 12ème et 15ème reçurent leurs drapeaux à Paris en septembre 1814. Le 8e Léger reçut le sien à Bordeaux le 23 octobre 1814. Certains drapeaux furent cachés durant les Cent Jours.

f/ Drapeaux de 1815

Un arrêté du gouvernement provisoire du 4 avril 1814 prescrit la suppression de tous les emblèmes, chiffres, armoiries qui "ont caractérisé le gouvernement de Bonaparte". A l'origine, aigles et drapeaux devaient être envoyés à Paris. En fait ils restent aux Régiments jusqu'en août/septembre. Il semble que les drapeaux impériaux ont été brûlés à l'issue de la remise des nouveaux drapeaux royaux. La question n'est pas claire, les procès verbaux pratiquement muets. Dans les Souvenirs Militaires du général Lahure, nous voyons que les anciens drapeaux des 3e, 9e, 21e sont bien brûlés le jour de la distribution des nouveaux drapeaux, opération discrète effectuée seulement en présence de quelques officiers. Au 50e de ligne, le 15 juillet 1814 on substitue curieusement une lance à l'aigle et l'ancien drapeau n'est détruit que le 17 août lors de la remise du drapeau royal. Dans un certain nombre de Régiments, il est avéré que des Officiers réussissent à dissimuler leurs aigles qui échappent ainsi à la destruction.

L'Empereur dès le 24 février 1815, soit deux jours avant son débarquement au golfe Juan, ordonne aux troupes de la 23e division militaire de reprendre leurs aigles. Le 9 mars à Grenoble, la cocarde et le drapeau tricolore sont rétablis. Le 28 mars, ordre est donné de retirer les drapeaux aux insignes royales. Pourtant il n'y a pas d'ordre immédiat de destruction. C'est seulement le 8 juin que le Ministre indique : "...Les drapeaux, étendards et guidons qui ont été donnés l'année dernière seront envoyés dans une boîte au ministre de la Guerre".

Fig. 66

C'est le 9 avril 1815 que l'Empereur annonce la prochaine distribution de nouvelles aigles. La cérémonie se déroule le 1er juin 1815 sous le nom de Champ de Mai. Il est prévu 132 aigles et drapeaux pour les troupes à pied, dont 105 pour l'infanterie de ligne et légère. Description (fig. 66): Etoffe de soie en double épaisseur. Dimension des drapeaux : 120 X 120 cm. Formé de trois bandes verticales tricolores (le bleu à la hampe) avec frange or de 2,5 cm. Cette frange est cousue entre les deux bords de l'étoffe. Sur le pourtour, broderie d'or composée d'une guirlande de feuilles et branches de lauriers séparée au milieu de chaque côté par une petite rosace et reliées aux quatre angles par une palmette. Cette broderie est encadrée par un mince galon doré. Les lettres et inscriptions sont brodées en fils d'or sur drap noir découpé et rapporté sur l'étoffe en vue d'une exécution plus rapide. A l'avers L'EMPEREUR/NAPOLÉON/AU ..RÉGIMENT/DE ... Le mot EMPEREUR en lettres de 4 à 4,5 cm, les autres mots ont 3,5 cm. Au revers : La liste des noms de batailles. Ce sont les mêmes que ceux adoptés en 1812. Certains régiments ont ajouté des noms de batailles relatifs aux campagnes de 1812-1813-1814 comme LA MOSKOWA-MONTMIRAIL-LUTZEN. Un ordre général a été donné, mais c'est encore un document capital à retrouver. Cravate tricolore du modèle 1812 avec broderies de palmettes et abeilles et franges à torsades. Cordons et glands.

Durant la campagne de 1815 la question s'est posée de savoir si les prescriptions habituelles pour certaines armes de laisser leurs aigles au dépôt devaient rester en vigueur. Nous lisons dans un rapport du 5 juin 1815 : "...Dans les dernières correspondance, V.M. avait ordonné que les aigles d'infanterie légère, dragons, cavalerie légère seraient envoyées aux bataillons ou escadrons de dépôt. J'ai l'honneur de prier V. M. de daigner faire connaître ses intentions...". Réponse de l'Empereur : "Il est bon que les aigles rejoignent les régiments et y soient reçues. On pourra après les renvoyer...". On rédige en conséquence l'ordre suivant : "A l'arrivée de la députation aux bataillons de guerre des régiments d'infanterie, aux escadrons de guerre des régiments de troupes à cheval et au dépôt des régiments d'artillerie et génie, l'aigle enfermée dans son étui sera déposée chez le colonel... après la cérémonie, les aigles des régiments d'infanterie légère seront envoyées conformément aux précédentes décisions de l'Empereur aux dépôts...". Dans la pratique, vu la précipitation des événements en juin 1815, il n'est pas impossible que notamment les régiments d'infanterie légère n'aient pas eu le temps de renvoyer leurs aigles. Certains même les ayant portés à Waterloo. Ainsi le Capitaine Duthilt du ler léger écrit dans ses Mémoires : "... le 21 juin 1815 j'entrai à Cambrai où commandait le colonel Denis précédé de quelques militaires blessés dont un tambour porteur de l'aigle ramassée sur le champ de bataille...".

Il faut signaler que faute de temps, les Régiments n'ont pas reçu de fourreaux, ni d'espontons de 2e et 3e porte aigle.

Après la 2e abdication, l'armée dite de la Loire est progressivement licenciée. Au début de septembre 1815, chaque conseil d'administration reçoit une circulaire signée par Fririon rédigée ainsi : "L'intention du Roi est de donner aux légions départementales qui vont remplacer les anciens régiments d'infanterie de nouveaux drapeaux. Ceux qui peuvent en conséquence exister au régiment quand même ils auraient été donnés précédemment par Sa Majesté, ne doivent plus servir. Vous voudrez bien au moment du licenciement des diverses portions du corps s'effectuera, réunir les drapeaux et les aigles au dépôt, vous déposerez ces divers effets dans une caisse que vous adresserez par la diligence du ministre de la Guerre division de l'artillerie, les bâtons des drapeaux et des aigles devront être brisés et brûlés". En fait depuis le 23 août, la direction de l'Artillerie de Bourges a déjà reçu aigles et drapeaux.

D'après un état datant du 22 septembre 1815, le 1er Léger a déposé le 30 août 1815 dans les magasins d'artillerie de Bourges, 1 Aigle et 1 drapeau (O. Hollander). Ils sont détruits à Bourges (Pierre Charrié).

Les cravates tricolores débarassées de leurs franges et torsades d'or sont détruites à part le 22 octobre 1815. Après avoir flottés aux quatre coins de l'Europe, l'épopée des aigles aux drapeaux tricolores était définitivement close.

Fig. 67

- Figure 67 : Fanion attribué au 1er Léger, Collection C. D. V., donné par A. Pigeard dans Tradition 152. Dimensions : 50 cm x 40 cm.

V/ Sources générales

Ressources bibliographiques

- Charrié P. : "Drapeaux et étendards de la Révolution et de l'Empire"; Editions Copernic, 1982.

- Fresnel (Cdt du) : "Un Régiment à travers l'Histoire : le 76e, ex 1er Léger"; Flammarion, Paris , 1894.

- Martinien : "Tableaux par corps et par batailles des officiers tués et blessés pendant les guerres de l'Empire (1805-1815)", Editions Militaires Européennes, Paris.

- Méganck P. : "1815, Hougoumont, la bataille de Waterloo"; Gloire et Empire N°20.

- Napoléon : Correspondance.

Ressources numériques en ligne

- Tony Broughton : "Armes d'Honneur Awarded to the Regiments d'Infanterie legere " : http://www.napoleon-series.org

- Site de R. Darnault : http://darnault-mil.com/Militaires/regiments/infanterie_ligne.php

- Collection de situations Nafziger : http://usacac.army.mil/cac2/CGSC/CARL/nafziger

Accès à la liste des Officiers, cadres d'Etat major, Sous officiers et hommes du 1er Léger

Accès à la liste des hommes du 1er Léger à partir de 1805

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