Le 68e Régiment d'Infanterie de Ligne
1789-1815
Accès à la liste des Officiers, cadres d'Etat major, Sous officiers et hommes du 68e de Ligne
Avertissement et remerciements :
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La 68e Demi-brigade de deuxième formation a été formée en 1796 (arrêté du 18 Nivôse an 4) des unités suivantes:
- 65e Demi-brigade de Bataille
Avant le décret du 28 janvier 1794, les troupes d’infanterie de la République se composaient des anciens Régiments français, de Bataillons de Volontaires numérotés par département, de Compagnies franches … Ce Décret supprime les anciens Régiments et ordonne la formation de l’infanterie en 198 Demi-brigades de ligne et 14 Demi-brigades légères. Chaque Demi-brigade doit être constituée par l’amalgame d’un Bataillon provenant d’un ancien Régiment et de deux Bataillons de volontaires départementaux.
La 65e Demi-brigade est formée à Hassloch le 2 juin 1794 avec :
- 1er Bataillon du 33e (ancien Régiment de Touraine)
Touraine (33e), créé en 1625; 34e Régiment en 1789; 33e Régiment en 1791.
Le 1er Bataillon du 33e est envoyé à l’Armée du Rhin en 1792. Il fait d’abord partie du Corps d’observation sur la Birse et se fait remarquer par sa bonne discipline, au milieu de la désorganisation générale à cette époque de transformation ; une lettre du Général marquis de Custine au Ministre de la Guerre Servan le constate.
A la fin d'avril 1792, le 33e de ligne coopère à la prise des gorges de Porentruy où les Autrichiens se sont établis à la demande du Prince-évêque de Bâle.
En septembre 1792, le 33e passe à l’aile gauche du Corps de Bataille et cantonne à Ziegelseur.
"(Sur parchemin.)
AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE.
BREVET DE LIEUTENANT.
Détails des services pour le sous-lieutenant Jules-Alexandre-Léger Boutrouë, né le 20 avril 1760,
Soldat dans le régiment de Rohan-Soubise depuis le 12 janvier 1777 jusqu'au 12 février 1782, sous-lieutenant le 12 janvier 1792.
Le Conseil Exécutif provisoire, établi en vertu de la loi du quinze août mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an quatrième de la Liberté, prenant une entière confiance dans la valeur, bonne conduite, zèle et fidélité envers la Patrie, dont a donné des preuves, dans toutes les occasions, le sous-lieutenant Jules Alexandre Léger Boutrouë, l'a nommé à la place de lieutenant de la compagnie du capitaine Roumilhat dans le trente-troisième régiment d'infanterie, vacante par la nomination du lieutenant Maiviere-Dartois à une compagnie (à dater du 15 juin dernier), pour en faire les fonctions, sous l'autorité du Conseil Exécutif provisoire et sous les ordres des officiers généraux employés auprès des troupes.
Mande et ordonne, le Conseil Exécutif provisoire, au colonel et, en son absence, à l'officier qui commande le trente-troisième régiment d'infanterie de le recevoir et faire reconnoître en ladite
qualité.
Donné à Paris, le vingt-unième jour du mois de novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an premier de la République française une et indivisible.
Le Conseil Exécutif provisoire,
DALBARADE.
Pour duplicata expédié le 23e brumaire, l'an 2e de la République une et indivisible.
Le ministre de la guerre,
J. BOUCHOTTE" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 168).
Le 15 avril 1793, le Lieutenant Alexandre Boutrouë, du 33e Régiment d'infanterie, écrit, depuis le Camp d'Oberville (Oberweil), près Reinach, département du Mont-Terrible, à son frère, membre de la Convention nationale, à Paris : "Mon cher ami,
Depuis dix jours nous sommes campés à Oherville. Nous formons l'avant-garde de notre armée. Notre position est très bonne. Nous défendons les gorges du Mont-Terrible. A notre droite est le canton de Soleure et devant nous celui de Bâle. Il y a, à notre gauche, un camp à Hoesingen et ces jours-ci on va en former un autre à Reinach.
Nous sommes bien décidés à défendre le poste important qu'on nous a confié.
Les Suisses, à qui je ne me fie pas, vont former un camp entre le nôtre et celui des Impériaux pour s'opposer, disent-ils, au passage des Autrichiens; ils veulent conserver la neutralité qu'ils nous ont promis d'assurer. Nos grand'gardes sont placées aux poteaux qui nous séparent d'avec eux et je t'assure que nous les observons bien. Nos patrouilles se rencontrent toutes les nuits, et quand l'une passe ses limites, l'autre l'avertit de se retirer sur son territoire.
Le général Custine arrive demain ici; nous ne savons pas ce qu'il vient faire. Dans ce moment, c'est le général Déprécassier qui nous commande; il n'a pas notre confiance.
J'ai reçu ta lettre et les décrets de la Convention nationale que tu m'as envoyés. Je les reçois toujours avec plaisir. Le premier, concernant les officiers et les soldats revenant de l'armée, ne nous avait pas encore été communiqué. Du reste, n'étant, pour le moment, ni malade ni blessé, je ne pense pas à m'absenter du corps. Quant aux autres décrets, relatifs au ci devant général Dumouriez, nous les connaissions déjà, à l"exception de l'adresse de la Convention à l'armée de Belgique. Notre colonel l'a communiquée le jour même à la troupe, bien que nous ne fassions pas partie de cette armée, et il a flétri le conspirateur.
Dans ma dernière lettre, je te mandais que j'avais été obligé de rentrer à Porentruy quelques jours après le départ de notre régiment et que nous devions aller à Delemont. Le régiment a reçu contre-ordre en route pour venir camper ici.
Je t'ai envoyé vingt francs en assignats; tu voudras bien me réabonner pour six mois à mon journal. Il y a longtemps que je n'ai reçu de nouvelles de Duhamel. Tu m'as dit, je crois, qu'il avait été fait prisonnier; a-t-il réussi à se faire échanger ? Je ne sais pas non plus ce qu'est devenu mon ancien bataillon de volontaires de la Sarthe depuis l'évacuation de la Belgique.
Adieu, mon cher ami, je t'embrasse de tout mon coeur et suis bien sincèrement ton frère et ami"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 1).
Le département du Mont-Terrible est un l'ancien territoire du Prince-évêque de Bâle, réuni à la France en 1792. Boutrouë est à cette époque à l'extrême aile droite de l'Armée du Rhin, sous les ordres de Dietmann commandant en chef. Custine, commandant en chef de l'Armée de Rhin-et-Moselle, fait une simple tournée d'inspection de sa ligne, de Bâle à Thionville. A la suite de cette inspection, il sollicite sa mise à la retraite; mais le Gouvernement rejette sa demande, et l'envoie en Flandre prendre le commandement de l'Armée du Nord.
Le 22 mai 1793, le Lieutenant Alexandre Boutrouë, du 33e Régiment d'infanterie, écrit, depuis le Camp d'Hoesingen, à son frère, membre de la Convention nationale, à Paris : "J'ai reçu ta dernière lettre, mon bon ami, où tu me parles des individus dont la République vient de se débarrasser. J'en
suis bien aise et je t'en félicite ainsi que le Comité de Salut public.
Il y a huit jours que nous avons quitté le camp d'Oberville pour nous rendre à celui d'Hoesingen, qui est actuellement composé de 10,000 hommes environ. Le général Beauharnais vient de prendre le commandement à la place de Déprécassier qui est, dit-on, demandé à Paris pour y rendre compte de sa
conduite. Est-ce vrai ? tu dois en savoir quelque chose.
Je te dirai, mon bon ami, que ce dernier vient de me faire assigner devant le juge de paix d'Huningue. Tu dois bien t'imaginer comme je vais l'arranger. Toute l'armée, dont il n'a jamais eu la confiance, rit beaucoup de cette assignation. Aussitôt que j'aurai comparu devant le juge; je t'écrirai le résultat. Sans doute Déprécassier a oublié que l'an dernier notre régiment a fait destituer deux généraux: d'Aiguillon et Martignac, et que c'est moi qui ai arrêté ce dernier lorsqu'il se disposait à passer à Bâle.
Tu sais que tous les officiers des ci-devant troupes de ligne doivent être habillés en bleu pour le 17 juin. Comme dans ce pays-ci nous n'avons pas de drap bleu, tu me feras plaisir d'aller chez un marchand, honnête homme, et de lui demander ce qui suit :
2 aunes l/3 de drap bleu foncé, teint en laine, du prix de 40 à 42 francs l'aune;
1/4 de drap écarlate, de 45 à 50 francs l'aune;
l/4 de drap blanc, de 36 à 40 francs l'aune;
3 aunes de voile blanc pour doublure;
2 aunes de futaine de coton pour les manches et le dos.
Tout ceci est pour me faire deux habits. Si je me trompais de quelque chose, le marchand aurait la bonté d'y suppléer. Si, pour avoir du beau et du bon, il fallait passer de quelque chose les prix ci-dessus, tu pourras le faire. Enfin; je m'en rapporte bien à toi. Je t'envoie la somme de cent soixante livres qui, je crois, peut suffire à payer cette emplette.
Les décrets de la Convention nationale des 16 et 26 avril ont été lus et commentés à la troupe. Les soldats sont contents et pleins de confiance.
Si tu vois l'abbé Lémane et Rougemont, députés du département du Mont-Terrible, tu leur diras bien des choses pour moi.
J'ai reçu des nouvelles de Porentruy; on me dit que l'on pense toujours à moi pour la place de commandant du bataillon qu'ils vont former sous peu.
Adieu, mon ami, je t'embrasse de tout mon coeur ainsi que ma soeur"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 2 - Notes : Beauharnais, décapité deux mois après, pour n'avoir pas réussi à débloquer Mayence. Le Duc d'Aiguillon, l'année précédente, avant d'émigrer, a remplacé un moment Custine dans le commandement de l'armée).
Le 13 juin 1793, le Lieutenant Alexandre Boutrouë, du 33e Régiment d'infanterie, écrit, depuis le Camp d'Hoesingen, à son frère : "Je te fais passer, mon bon ami, mes états de service pour mon brevet. Ces nouveaux brevets sont sur parchemin et au nom du Peuple français. N'oublie pas mes services comme capitaine des volontaires de la Sarthe, dont je t'envoie le certificat.
Je ne sais pas si tu reçois toutes mes lettres, car on en intercepte beaucoup venant de l'armée. Les 190 francs en assignats que tu m'as annoncés ne me sont toujours pas parvenus; ils auraient dû cependant m'arriver en même temps que l'exemplaire du décret du 23 mai que tu m'as envoyé. Cette adresse de la Convention nationale a enflammé les soldats.
Il nous arrive tous les jours des déserteurs autrichiens. On leur fait entendre, nous disent-ils, que nous les pendons dès qu'ils mettent le pied dans nos lignes, mais ils voient bien qu'on leur en impose. Je crois que, quand ils auront connaissance des derniers décrets de la Convention nationale, ils viendront en bien plus grand nombre encore.
Adieu, je t'embrasse et suis ton ami."(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 3.
Le 22 Vendémiaire an 2 (13 octobre 1793), après la perte des lignes de Wissembourg, il se retire en bon ordre sur Gotzenbrück, près de Bitche. Il prend ensuite part au combat de Saverne (23 octobre), et de Bouxwiller (18 novembre), et de Reischofen (22 décembre) ; à l’affaire de Neustadt (28 décembre), et à la reprise du Fort-Vauban.
En février 1794, il fait partie de l’Armée de la Moselle (Division Hatry) et campe aux environs de Pirmasens.
Le 1er Germinal an 2 (21 mars), il est à Kaiserslautern, sous les ordres du Général Ambert.
Enfin, il prend part le 29 Germinal (18 avril) à l’enlèvement des hauteurs d’Arlon.
- 3e Bataillon de la Gironde (Bec d’Ambez)
Formé le 25 septembre 1791, son Chef est Girard, dit Vieux.
- 1er Bataillon du Mont-Terrible.
Formé le 10 août 1793.
Le 5 janvier 1794 (16 Nivôse an 2), Alexandre Boutrouë, Chef du 1er bataillon du Mont-Terrible, écrit, depuis Strasbourg, à son frère, membre de la Convention nationale, à Paris : "Mon cher ami,
Depuis trois semaines je t'ai écrit plusieurs lettres; il paraît que tu ne les reçois point puisque tu n'y réponds pas.
Dans la première, datée du 25 frimaire, je te disais que les représentants du peuple, à la demande du bataillon du Mont-Terrible, m'avaient nommé chef de ce bataillon.
Dans une autre lettre, datée de Porentruy, je te faisais la demande d'une paire d'épaulettes de chef de bataillon en or. Il y avait aussi une lettre pour mon père.
Si tu reçois celle-ci, réponds-moi à Neuf-Brisack, où est mon bataillon.
Adieu, je t'embrasse ainsi que ta femme.
P. S. - Je suis ici pour les besoins de mon bataillon. Tu me diras sur quelle place publique on doit ériger le monument du Peuple."(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 4.
Le 1er Bataillon du Mont-Terrible est à la Division Méquillet.
Le 19 janvier 1794 (30 Nivôse an 2), Alexandre Boutrouë, Chef du 1er bataillon du Mont-Terrible, écrit, depuis Neuf-Brisack, à son frère : "Mon cher ami,
J'ai reçu deux de tes lettres. Tu m'annonces, dans l'une, trois aunes de drap bleu et mes épaulettes en or, et tu me demandes s'il en faut deux; tu dois pourtant savoir que les chefs de bataillon portent une seule épaulette à corde de puits et une contre-épaulette. Dans une lettre de Porentruy, je t'expliquais tout cela et je te demandais aussi mon brevet et mon certificat de civisme que tu as chez toi. Tu voudras bien me l'envoyer le plus tôt possible, parce qu'étant plusieurs chefs de bataillon, le plus ancien de service commande les autres et qu'il faut produire ses services pour obtenir le commandement.
Je reçois mes journaux.
Que fait donc l'ami Rouault à Paris ? Est-ce que l'envie ne lui prendra pas bientôt de servir sa patrie comme militaire ? S'il se décidait, il peut venir se ranger sous le drapeau du Mont-Terrible. Tu lui diras bien des choses de ma part; engage-le à m'écrire, car bien qu'éloignés l'un de l'autre, nous n'en sommes pas moins amis.
J'attends tous les jours le représentant du peuple et l'adjudant général chargé de l'encadrement de la première réquisition qui doit entrer dans nos bataillons. Lorsqu'ils arriveront, j'enverrai au devant d'eux mes musiciens qui leur joueront la Carmagnole et Ça ira. Je dois bien cela à Lémane, qui a tout fait pour mon bataillon, car aucun de la République n'est mieux armé ni habillé, et puis moi, particulièrement, je lui dois beaucoup pour mon avancement.
Adieu, mon cher ami, je t'embrasse ainsi que ta femme et ma nièce.
P. S. - Les soirées me devenant pénibles à passer depuis le départ de deux de mes amis, j'ai pris parti dans un club républicain de la ville, le club de l'Egallté. Mon civisme ne s'éteindra pas dans ce sanctuaire sacré de la liberté"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 5.
Le 6 février 1794 (18 Pluviôse an 2), Alexandre Boutrouë, Chef du 1er bataillon du Mont-Terrible, écrit, depuis Neuf-Brisack, à son frère : "Mon cher ami,
J'arrive de Strasbourg où je suis resté dix jours pour les besoins de mon bataillon.
J'ai vu Lémane; il a passé en revue mon bataillon Terrible. Il a été très content de sa tenue et de son instruction; aussi j'espère que sous peu ton frère cadet ira avec ces lurons-là brûler la moustache aux Autrichiens.
J'ai reçu mon drap, mes épaulettes en or, mes brevets, 425 livres en assignats et tes lettres. Je te remercie de ta peine et suis content du tout.
Je crois que je vais me brouiller avec ma maîtresse de Ferrette. Son père est en arrestation pour aristocratie et ses deux frères sont émigrés. Ainsi, juge si Boutrouë le républicain voudra s'allier avec une pareille famille ! J'ai pourtant reçu aujourd'hui une lettre bien tendre de ma future, mais il n'y a ni tendre ni dure, il faut y renoncer. J'en suis fâché pour elle et pour moi, car elle est belle, caressante et aime le plaisir.
Adieu, je t'embrasse ainsi que ta femme et ma nièce"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 6.
Le 10 mars 1794 (20 Ventôse an 2), Alexandre Boutrouë, Chef du 1er bataillon du Mont-Terrible, écrit, depuis Neuf-Brisack, à son frère : "J'ai reçu avec plaisir, mon cher ami, ta lettre en date du 18 de ce mois.
Je suis bien content de ce que tu as écrit pour moi au général. Le citoyen qui te remettra ma lettre s'appelle Rifflet, chef de brigade du 21e régiment de cavalerie. C'est mon ami. J'espère qu'à ce titre tu voudras bien lui faire bon accueil. Il te remettra aussi une lettre du citoyen Méquillet, notre général de division, en réponse à la tienne.
Tu me feras plaisir de m'acheter une aune de beau et bon drap bleu dans le prix de 40 à 50 livres et trois aunes de doublure blanche. Je ne voudrais pas de voiles. Je ne sais pas au juste comment on appelle cette autre étoffe-là, mais le marchand saura bien ce que je veux dire. Pourvu que ce soit fin et bien blanc, voilà tout ce que je désire. Je voudrais aussi un quart de drap écarlate dans le prix de 70 à 80 livres. Tu voudras bien m'envoyer le tout le plus promptement possible, car je me trouve dans ce moment-ci réduit à une seule culotte de drap. Je n'ai pu me faire habiller avec le drap bleu que tu m'as envoyé, faute d'avoir du drap blanc et de la doublure. Tu me feras le
mémoire de ce que je te dois.
Adieu, mon cher ami, je t'embrasse ainsi que toute ta gênatrée
P. S. - Nous allons avoir à Neuf-Brisack le 2e bataillon d'Eure-et-Loir. Le chef est de Châteaudun, il s'appelle Sévin; le chef en second est de Chartres, il s'appelle Lefebvre-Pinguet. C'est avec lui que je me suis engagé. J'y retrouverai aussi beaucoup d'autres jeunes gens de Chartres et de la Beauce.
J'ai toujours oublié de te demander ce qu'était devenu le citoyen de la Haye de Montmirail.
Tu ne manqueras pas de me faire connaître le résultat de tes démarches auprès du ministre de la guerre. Pour moi, je reste fort tranquille et suis sûr d'être confirmé dans mon grade"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 7.
Le 26 Ventôse an 2 (16 mars 1794), le Général de Division Méquillet écrit, depuis Neuf-Brisach, au Représentant du Peuple Boutrouë du département de la Sarthe : "Je ne connais d'autre ambition à ton frère que celle de bien remplir ses devoirs et de mettre le bataillon à la tête duquel il se trouve en état de rendre à la République les secours qu'elle a droit d'en attendre; ses sentiments républicains et son civisme m'ont lié d'amitié avec lui, et c'est à ce seul titre que je l'accorde.
Son zèle et son activité auront bientôt mis son bataillon dans le cas d'atteindre les anciens, et dans tous les temps et à tous les moments il disposera de moi pour en obtenir les conseils qu'une expérience de quarante années m'a mis dans la cas de donner à ceux qui, comme lui, savent si bien en profiter.
Charmé, citoyen, que cette circonstance m'ait mis dans le cas de correspondre avec toi, et dans toutes les circonstances je te prierai de disposer de moi.
Salut, amitié et fraternité" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 173).
Le 28 Ventôse an 2 (18 mars 1794), Xavier Audouin, Adjoint au Ministre de la Guerre, écrit, depuis Paris, au citoyen Boutrouë, Représentant du Peuple, Député à la Convention nationale : "Je m'empresse, citoyen, de te faire passer copie d'une lettre que j'avais en effet écrite au commandant du 1er bataillon du 33e régiment d'infanterie; j'y joins aussi une réponse pour ton frère qui y servait précédemment comme lieutenant et qui maintenant est commandant du bataillon de volontaires du Mont-Terrible, poste dans lequel le Ministre vient de le confirmer, comme il le devait, puisqu'il y a été nommé par un arrêté du représentant du peuple Leman.
Ces deux pièces te feront connaître pourquoi j'ai été en doute sur la légalité de l'avancement de ton frère ; que, d'après les explications qu'il m'a données, il n'existe plus de difficultés et qu'enfin tout se termine à votre commune satisfaction.
Je te prie en conséquence, citoyen, de vouloir bien faire passer ma réponse à ton frère, lorsque tu en auras pris communication.
Salut et fraternité,
Xavier AuDOUIN.
Copie de lettre écrite par le citoyen Audouin, adjoint au Ministre de la guerre, au citoyen commandant le 1er bataillon du 33e régiment d'infanterie, le 24 pluviôse, 2e année de la République
une et indivisible.
Par les derniers mémoires que tu viens de m'adresser tu proposes le citoyen Lami à une lieutenance en remplacement du lieutenant Boutrouë à une place de chef de bataillon. Je t'observe que cette nomination est illégale sous tous les rapports, car ledit Boutrouë ne peut être promu au grade de chef de bataillon sans avoir obtenu celui de capitaine, à moins que ce ne soit dans un bataillon de réquisition et, dans ce dernier cas, la loi du 2 frimaire, article 3, s'y oppose formellement, car elle ordonne à tous les officiers promus à de nouveaux emplois dans les bataillons de réquisition de rentrer dans leurs corps respectifs pour occuper les places desquelles ils étaient en possession; d'après cette loi, le citoyen Boutrouë doit rentrer dans l'emploi de lieutenant et le mémoire de proposition que tu viens de m'envoyer doit être regardé comme non avenu.
Pour copie : Xavier AUDOUIN" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 174).
- 1794, campagne de la 65e Demi-brigade de Bataille
Boutrouë est nommé Chef de Brigade le 22 Floréal (11 mai 1794) suivant.
"Quartier général de Kurnweiller, le 22 floréal l'an 2e de la République française, une, indivisible et démocratique.
Le Représentant du peuple près l'armée du Rhin pour l'embrigadement.
D'après les témoignages avantageux du civisme, du zèle, de la bonne conduite et des talents militaires du citoyen Jules-Alexandre-Léger Boutrouë, chef de bataillon au 1er bataillon du
Mont-Terrible,
Nomme ledit citoyen Boutrouë chef de la 65e demi-brigade pour en faire le service et jouir des prérogatives et émoluments attachés à ce grade.
(Cachet de cire.) ROUGEMONT" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 175).
"Bivouac en avant d'Essingen, le 5 messidor, l'an 2e de la République françoise une et indivisible.
LIBERTÉ. - ÉGALITÉ. - FRATERNITÉ OU LA MORT.
Infanterie. CERTIFICAT. 65e demi-brigade.
Nous, membres composant le Conseil d'administration, certifions que le citoyen Jules-Alexandre-Léger Boutrouë, chef de la 65e demi-brigade, natif de Chartres, département d'Eure-et-Loir, est en activité de service depuis le 3 septembre 1791 (v. s.) et qu'il n'a cessé de donner des preuves du plus pur patriotisme par son attachement à la Révolution républicaine et par son exactitude à faire son service.
Au bivouac, en avant d'Essingen, le 5 messidor, l'an deux de la République française, une, indivisible et impérissable.
(Suivent les signatures.)
Vu par le général de brigade, LAMBERT.
Vu par moi, général de division, GOUVION-SAINT-CYR" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 176).
"LIBERTÉ. ARMÉES DE TERRE. ÉGALITÉ.
Au nom de la République française.
Brevet de chef de brigade.
Détails des services pour le citoyen Jules-Alexandre-Léger Boutrouë :
Né le 20 avril 1760
Soldat dans le régiment de Rohan-Soubise le 18 février 1778
Congédié le 12 février 1780
Capitaine au 1er bataillon de la Sarthe le 3 septembre 1791.
Sous-lieutenant au 33e régiment d'infanterie le 12 janvier 1792
Lieutenant le 25 juin 1793
Chef du 1er bataillon du Mont-Terrible le 27 frimaire an 2
Le Directoire exécutif, établi en vertu de la Constitution, nomme le citoyen Jules-Alexandre-Léger Boutrouë à l'emploi de chef de brigade vacant et non pourvu dans la 65e demi-brigade d'infanterie, à dater du quatorze prairial deuxième année.
L'officier qui commande la 65e demi-brigade demeure chargé de le recevoir et faire reconnaitre en ladite qualité de tous les officiers, sous-officiers et soldats de ladite demi-brigade.
A Paris, le troisième jour du mois de germinal, l'an quatre de la République française, une et indivisible.
LE TOURNEUR.
Par le Directoire exécutif,
Le Secrétaire général : LAGARDE.
Le Ministre de la guerre : PETIET. (Cachet.)" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 176-177).
Il prend, dès sa formation, le commandement de la 65e qui vient d'être constituée, et qui fait partie de l’Armée du Rhin, commandée en chef provisoirement par le Général Michaud. Elle appartient à la 2e Division (Général Ferino) et se trouve sous les ordres immédiats du Général de Brigade Lambert.
Le 11 juin 1794, ses trois Bataillons sont cantonnés à Kneringen et Ober-Essingen, en avant de Landau, place sur laquelle l’armée vient de se replier. Son effectif est de 74 Officiers et 3.491 hommes de troupe, dont 2.557 présents. C’est la plus forte unité de l’armée du Rhin.
"Bivouac en avant d'Essingen, le 5 messidor, l'an 2e de la République françoise une et indivisible.
LIBERTÉ. - ÉGALITÉ. - FRATERNITÉ OU LA MORT.
Infanterie. CERTIFICAT. 65e demi-brigade.
Nous, membres composant le Conseil d'administration, certifions que le citoyen Jules-Alexandre-Léger Boutrouë, chef de la 65e demi-brigade, natif de Chartres, département d'Eure-et-Loir, est en activité de service depuis le 3 septembre 1791 (v. s.) et qu'il n'a cessé de donner des preuves du plus pur patriotisme par son attachement à la Révolution républicaine et par son exactitude à faire son service.
Au bivouac, en avant d'Essingen, le 5 messidor, l'an deux de la République française, une, indivisible et impérissable.
(Suivent les signatures.)
Vu par le général de brigade, LAMBERT.
Vu par moi, général de division, GOUVION-SAINT-CYR" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 176).
- Combat d'Edesheim
Le 13 juillet, le 65e prend part au combat d’Edesheim. Dans cette affaire, la 2e Division, dont le Général Gouvion Saint-Cyr vient de prendre le commandement, chargée de contenir les Prussiens sur le revers oriental des Vosges, combat avec ardeur.
La 65e aurait aussi combattu à Schänzel le 13 juiller, et Kürweiler le 14 juillet
Le 21, elle passe à la 4e Division (Général Früentzolz), qui vient d’être formée, et s’établit en arrière du bois d’Hassloch.
En août, elle prend part à plusieurs engagements de peu d’importance.
Dans les premiers jours de septembre, elle rentre à la 2e Division (Gouvion Saint-Cyr) et occupe Deidesheim.
A la suite de la débendande de la 14e dans la nuit du 16 au 17 septembre 1794 à Kaiserslautern, la 65e doit abandonner ses positions.
A la suite du succès des Prussiens dans les Vosges et à Kaiserslautern, la Division se replie le 21 septembre (5e sans-culottides an 2) sur les hauteurs en avant de Muschbach et de Neustadt, en renforçant les lignes d’Hassloch sur le Spirbach ; la 65e est à Neustadt.
Le 6 octobre 1794 (14 Vendémiaire an 3), Alexandre Boutrouë, Chef de la 65e Demi-brigade d'infanterie, écrit, depuis Neuf-Brisack, à son frère, député à la Convention nationale : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre datée de Chartres. Tu me demandes pourquoi je n'ai pas accusé réception à mon père de toutes ses lettres. Je n'en ai reçu qu'une, comme je l'ai mandé à ma soeur dans ma lettre du 30 fructidor, et encore ne m'est elle parvenue que près de deux mois après sa date.
Depuis le 30 fructidor, nous avons eu plusieurs affaires avec l'ennemi. Le premier jour des Sans-Culottides, notre gauche fut attaquée, et la lâcheté d'une demi-brigade força l'armée de se retirer et d'abandonner la position de Kaiserslautern. Notre division fut obligée, de crainte d'être coupée par les gorges, de prendre les hauteurs en arrière de Neustadt; mais, deux jours après, l'ennemi reçut une belle frottée : notre gauche put reprendre sa première position et nous nous portâmes une lieue en avant de Muschbach, où l'ennemi fut battu par notre division et poursuivi par la cavalerie.
Depuis quatre jours nous avons réoccupé notre position de Deidesheim, d'où je t'écris. Nous n'y resterons sûrement pas longtemps. L'ennemi est à moins de deux lieues de nous et il reste une lettre de change à acquitter par l'armée du Rhin.
Mayence, Coblentz, Worms et Manheim seront à nous sous peu. Les troupes brûlent d'impatience de prendre leurs quartiers d'hiver dans ces villes.
Il s'est tenu ces jours derniers, à Neustadt, un conseil de généraux où étaient les représentants du peuple. Quoique rien n'ait transpiré, nous pensons bien que le résultat sera de faire passer le Rhin à ces messieurs. D'ailleurs, les pièces fortes qui nous arrivent tous les jours nous démontrent bien que c'est pour faire un siège.
Adieu, mon cher ami, je me porte bien malgré le mal que j'ai eu aux Sans-Culottides; les bottes ne m'ont point quitté les jambes pendant huit jours. Mais le mal ne prend pas sur de vrais républicains. Ecris-moi souvent, car je reçois toujours tes lettres avec un nouveau plaisir. Je souhaite que la première que je t'écrirai soit datée de Manheim.
Tu me feras plaisir de m'acheter des cartes du théâtre de la guerre. Je veux de bonnes cartes et qu'elles soient collées sur de la toile, pour qu'elles puissent se plier sans se déchirer; surtout n'oublie pas celle du Palatinat et que toutes les montagnes y soient bien tracées.
Nous avons tous été étonnés de la conspiration de Robespierre; le foutu gueux n'avait gagné la confiance du peuple que pour le tromper"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 8.
Le 10 octobre 1794 (18 Vendémiaire an 3), Alexandre Boutrouë, Chef de la 65e Demi-brigade d'infanterie, écrit, depuis Deidesheim, en Palatinat, à son frère : "Je te fais passer, mon cher ami, la proclamation des représentants du peuple à notre armée. La fête a eu lieu le 16 du présent mois, sur la route de Manheim. Toutes les musiques des demi-brigades étaient réunies et n'ont pas cessé de jouer des airs patriotiques pendant la cérémonie. Les troupes ont défilé devant le drapeau que la Convention a envoyé à notre armée.
Tu verras, par cette proclamation, que notre tâche n'est pas encore remplie et qu'il faut que nous terminions la campagne par la prise de tout le Palatinat. Nous justifierons ainsi la devise de nos médailles dont je t'ai parlé. Toutes les troupes brûlent d'impatience de marcher au pas de charge sur la canaille coalisée et d'en faire une déconfiture. C'est après cela que nous prendrons
nos quartiers d'hiver.
Je compte sous peu écrire au représentant du peuple Rougemont. En attendant, je te prie de lui dire bien des choses de ma part. Veuille me donner des nouvelles de Paris. On répand ici le bruit que quelques agitateurs cherchent encore à troubler la tranquillité. Je pense bien que l'énergie de la Convention les aura bientôt arrêtés.
Adieu, je t'embrasse et suis bien sincèrement ton frère et ami"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 9.
Le 15 octobre, le Général Desaix prend le commandement des 2e et 4e Divisions qui, quelques jours après, n’en forment plus qu’une sous son commandement, la 1re. Les troupes de Desaix se portent sur Gründstadt, la droite à Heidesheim, la gauche à Eberstheim.
Le 17, la 65e prend part à un petit engagement d’avant-garde entre Kleibockheim et Griesheim.
Le 19, la Division Desaix s’empare de la position de Phederheim, en avant de Worms, et s’établit la droite au Rhin, la gauche à Vackenheim.
Le 24, la 65e Demi-brigade est à Oppenheim.
- Siège de Mayence
Le 1er novembre, l’Armée du Rhin est toute entière sous Mayence dont elle va faire le siège. Elle a sa droite à Laubenheim, le centre à Marienborn et la gauche vers Drais, où appuie la droite des trois Divisions de l’Armée de Moselle. La Division Desaix a sa droite appuyée au Rhin.
Le 6, cette Division commence la première à travailler à la ligne de circonvallation. Le 18, la 65e Demi-brigade attaque le village de la Weissenau, fait à l’ennemi 80 prisonniers et lui tue ou blesse beaucoup de monde.
A la date du 20 (30 Brumaire an 3), la Division a déjà construit en avant de la ligne neuf redans et deux batteries qui gênent beaucoup le travail de l’ennemi.
Le 13 décembre, Desaix fait de nouveau attaquer, pendant la nuit, le village de la Weissenau, d’où l’ennemi contrarie nos opérations. On lui fait 13 prisonniers, on lui tue ou blesse quelques hommes, mais l’obscurité ne permet pas de tirer de cette attaque tout le succès qu’on s’en promet.
- 1795, campagne de la 65e Demi-brigade de Bataille
Le mois de janvier 1795, se fait remarquer par une température extrêmement rigoureuse ; les soldats manquent de tout ou à peu près, le Rhin gelé n’oppose plus sa barrière aux incursions de l’ennemi. Kléber, qui commande le siège, et le Conseil de guerre, décident que la pénurie de matériel et de munitions rendent impossible jusqu’à nouvel ordre une attaque de vive force.
Le 5 janvier, la Division Desaix repousse avec vigueur une attaque de ses avant-postes.
A la fin du mois d’avril, elle a complètement terminé sa ligne de circonvallation et elle travaille à retrancher le village d’Echtsheim.
Dans le courant de ce même mois (Floréal an 3), Pichegru remplace le Général Michaud dans le commandement de l’Armée de Rhin et Moselle.
Le 1er mai, la 65e et les autres troupes de la Brigade se portent à la 3e Division, qui est attaquée vigoureusement, pour la soutenir et l’aider à reprendre une position qu’elle a perdue. Dans cette affaire, la Brigade a 90 hommes tués ou fait prisonniers et 116 blessés.
Le 24 août 1795 (7 Fructidor an 3), Alexandre Boutrouë, Chef de la 65e Demi-brigade d'infanterie, écrit, depuis Deidesheim, en Palatinat, à son frère : "Mon cher ami, voilà déjà deux lettres que je t'écris depuis que nous sommes dans le Haut-Rhin sans recevoir de tes nouvelles. Peut-être ne te sont elles pas parvenues.
Dans ma première lettre je te parlais du peu de valeur qu'ont les assignats, mais actuellement c'est encore bien pire. On n'en veut plus du tout et le louis monte toujours. Dernièrement un maréchal n'a pas voulu ferrer mon cheval pour un assignat de 500 livres, il a préféré 3 livres 12 sols en numéraire. Ainsi, juge de ce que nous pouvons faire avec nos appointements. Je viens de renvoyer un de mes domestiques ne pouvant plus le nourrir.
La Convention ignore, sans doute, la misère du militaire, car si elle savait notre triste position, elle viendrait à notre secours. Elle vient, il est vrai, d'accorder aux sous-officiers et volontaires deux sols en numéraire au-dessus de leur paye, ce qui leur fera beaucoup de bien; mais l'officier ne touche pas un sol. Elle devrait savoir que nous avons les mêmes besoins que nos hommes, et, par conséquent, nous accorder du numéraire en proportion de nos grades.
Tu me diras peut-être que si toute la troupe recevait une partie de sa solde ou appointements en numéraire, cela ferait tomber tout à fait les assignats; mais nous nous trouvons malheureusement dans un pays où ils sont déjà tout à fait tombés.
Jusqu'à ce jour, les officiers ont reçu du sel comme les volontaires; mais actuellement on parle de nous retirer cette denrée de première nécessité. Comment pourrons-nous avoir du sel avec nos assignats ? Nous serons obligés de nous servir de notre poudre comme devant Mayence. Tu ne peux pas te faire une idée de notre malheureuse situation. Je voudrais toujours être dans une armée active; du moins, en se battant, on oublie ses misères.
Je viens de voir dans les Nouvelles qu'il serait accordé deux congés pour cent hommes présents sous les drapeaux. Si tu voulais bien t'employer pour moi auprès du Comité de salut public pour me faire avoir un congé de deux ou trois mois, tu me ferais plaisir. Je crois que tu pourrais l'obtenir facilement. Depuis quatre ans, je n'ai pas quitté mon corps un seul jour. Je ne demanderais pas de congé si je n'étais pas actuellement dans une armée où il n'y a pas grand'chose à faire.
Je te serais aussi obligé de vouloir bien m'envoyer quelques louis en or, pour que je puisse payer quelque chose que je dois en numéraire. Je te les rendrai, quand je pourrai, dans la même monnaie.
Ce qui m'engage encore à demander un congé pour quelque temps, c'est que, depuis le siège de Mayence, j'ai toujours mal aux yeux. Quelques jours de repos pourront me guérir.
Je fais en ce moment les fonctions de général de brigade aux lieu et place du général Siscé, qui se retire. Je me trouve le plus ancien chef de brigade de la division.
On parle ici de la paix avec l'empereur. Je souhaite que ce soit bientôt, et que nous puissions nous voir réunis encore une fois à Gréez ou à Chartres.
Adieu; porte-toi bien. Je suis, en attendant le plaisir de te voir, bien sincèrement ton ami"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 10).
Au commencement d’octobre, la Division Desaix, qui a quitté le camp devant Mayence, se trouve sur le Haut-Rhin ; elle a sa droite appuyée sur sa gauche à La 65e Demi-brigade qui est à Ottmarsheim.
Quelques jours après, le Général Michaud, qui a commandé en chef l’armée, vient remplacer Desaix dans le commandement de la Division.
Le 21 octobre, la Division prolonge sa gauche jusqu’à Neuf-Brisach ; c’est la 65e qui est établie à Brisach.
Dans les premiers jours de décembre, la 65e est à Lauterbourg. Elle a quitté la 1re Division, et est affectée à la 3e (Général Bourcier) qui est sur le Rhin, la droite à Strasbourg, la gauche à Southern.
Le 25 du même mois, un armistice est conclu entre Pichegru et Wurmser, le généralissime autrichien.
- 1796
Au 15 janvier, la 3e Division ayant resserré son front, la 65e est cantonnée à Sultz.
Le mois suivant, elle passe à la 4e Division (Général Delmas), qui prolonge la 3e et a sa droite à Lauterbourg et sa gauche à Germersheim. La 65e est établie à Hagenbach.
A la fin de février, elle est à Woerth. On a versé dans ses rangs la 182e Demi-brigade, ce qui porte son effectif présent à 2.725 hommes.
L’état des Officiers à cette date est le suivant:
Les Citoyens Boutroüe, Jules Alexandre, Chef de Brigade; Serre, Chef du 1er Bataillon; Castels, Chef du 2e Bataillon; Dieu, Chef du 3e Bataillon; Catalogne, Quartier-maitre trésorier; Félémez, Adjudant-major.
Capitaines : Les Citoyens Latour, Marthe, Fajol, Bellemain, Roger, Mondenard, Simon, Schouse, Besse, Cadilhon, Chapatte, Caillet, Idrac, Boyer, Monin, Fontaine, Saunier, Dorey, Chague.
Lieutenants: Vidal, Merguain, Willet, Crépon, Fressard, Kessler, Ossan, Mairet, Johnston, Guenat, Gigon, Dejens, Lanis, Thévenat, Portier, Woyat, Petiniaud, Hool, Bonnet.
Sous-lieutenants : Sanssue, Bonneval, Heberson, Pilippe, Lembert, Theurillat; Mailhot, Dubail, Ithier, Simonin, Choffat, Pillatte, Valade, Ouron, Croisaz, Gaubric, Frepp, Bousquet, Jolissaint, Courtat, Daignan, Henry
Pendant les mois de mars et d’avril, la 65e cantonne successivement à Kandel, Kurtzenhausen et Sultz. Elle occupe cette dernière localité lorsque Morau vient prendre le commandement de l’Armée de Rhin et de Moselle et préparer sa brillante campagne de 1796.
Mais la 65e n'aura pas avoir la joie d’y prendre part. Un nouvel amalgame a été décidé. Au commencement du mois de mai, le tirage au sort des numéros la fait disparaître : elle devient 68e Demi-brigade de nouvelle formation. L'amalgame est exécutée à l'Armée de Rhin-et-Moselle à partir du 4 mai, et se fait tranquillement, à la faveur de l'armistice avec les Autrichiens, qui dure depuis le 21 décembre 1795, et qui ne sera rompu que le 20 mai suivant, les hostilités devant recommencer le 1er juin.
- 182e Demi-brigade de 1ère formation
La 182e demi-brigade de première formation avait été formée des unités suivantes :
- 2e Bataillon du 103e Régiment d’infanterie
Un des trois Régiments formés suite au Décret du 3 août 1791 (28 août 1791) transformant les Compagnies soldées de la Garde nationale de Paris (ex-Gardes françaises) en Corps de ligne.
- 2e Bataillon des Côtes-du-Nord
Formé le 12 avril 1792, son Chef est Négrié.
- 7e bataillon du Bas-Rhin.
Formé le 15 août 1792
- 1er et 2e Bataillons de la Demi-brigade des Landes
- - 1er Bataillon des Hautes-Pyrénées
Formé le 12 février 1792, son Chef est Darnaud (J.-B.)
- 2e Bataillon des Landes
Formé le 19 octobre 1791, son Chef est Labeyrie.
- 7e Bataillon de Lot-et-Garonne.
Formé le 1er juillet 1793, son Chef est Villeneur.
A la réorganisation de 1796 (18 Nivôse an 4) les 1er et 2e Bataillons sont entrés dans la composition de la 68e Demi-brigade de seconde formation, et le 3e Bataillon dans la composition de la 10e Demi-brigade légère de seconde formation.
- 25e Bataillon des réserves
Formé le 4 octobre 1792; son chef est Fouquet, tué au camp de Fontaine en 1793. N'a pas été amalgamé lors du 1er amalgame.
- 6e Bataillon de la Somme
Formé le 13 octobre 1792, son Chef est Bisson; non amalgamé lors du 1er amalgame.
- 10e Bataillon de la Meurthe
Formé le 19 août 1792, son Chef est Jordy; non amalgamé lors du 1er amalgame.
- 3e Bataillon de Mayenne-et-Loire (Maine-et-Loire)
Formé le 19 septembre 1792, son Chef est Guynut; non amalgamé lors du 1er amalgame.
/ 1796, campagne de la 68e Demi-brigade de Ligne
La 68e Demi-brigade conserve Boutrouê pour Chef et reste à l'Armée de Rhin-et-Moselle, commandée alors par Moreau. Elle fait partie de la 4e Division, Général Delmas; Corps du centre, Général Desaix.
Le 8 juin 1796 (20 Prairial an 4), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie, écrit, depuis le Bivouac d'Holzmuhl, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre et celle de mon père.
Je m'empresse de vous répondre.
Je n'ai pas encore mon brevet de chef de brigade de la 68e, mais je n'en suis pas inquiet. Mon ancien titre de la 65e m'en tiendra lieu en attendant; du reste, il est établi par le Directoire. Je l'ai reçu il y a une quinzaine de jours seulement ; il est signé de notre ami Le Tourneur.
Le 2 courant, l'armistice a été rompu, et, le 6, nous sommes partis de nos cantonnements pour nous porter sur la ligne de la Queich. Nous sommes dans un pays désolé par la guerre, nous n'avons ni pain ni viande, et nos chevaux ne sont pas plus heureux que nous. En un mot, nous sommes dans la misère, et nous ne demandons qu'à battre l'ennemi pour en sortir.
C'est ce que nous avons déjà fait dans plusieurs petites rencontres avec lui depuis le !2, jour où l'on a recommencé les hostilités, et j'espère que sous peu nous serons sous les murs de Mayence. Ainsi, tu vois que l'armée de Rhin-et-Moselle commence à acquitter la lettre de change que celle d'Italie avait tirée sur nous.
Lorsque je t'avais prié d'engager le citoyen de la Haye à me faire obtenir un petit congé, après la réorganisation de ma demi-brigade, pour aller vous voir, je ne m'attendais pas à la rupture de l'armistice ; mais maintenant que nous revoilà aux prises avec ces messieurs, il n'y faut plus penser. L'honneur, le devoir me commandent de rester à mon poste, et j'y reste.
Tous les jours, il nous arrive des déserteurs de l'autre côté. Ils nous disent qu'ils sont las de toujours recommencer la guerre, et qu'ils voient bien qu'il n'y a rien à gagner avec des républicains.
Les succès que nous venons d'avoir dans l'armée de Sambre-et-Meuse et les nôtres vont sûrement décider Monsieur l'empereur à nous demander la paix. Les bruits courent déjà qu'il travaille à cela.
Dans le moment où je t'écris, l'ennemi est en pleine déroute. Nous allons à leur poursuite; je ne sais pas où nous pourrons Je rejoindre. Adieu, je pars demain. Je te dirai ce que nous avons
fait. Ton ami"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 11).
Le 16 juin 1796 (28 Prairial an 4), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie, écrit, depuis le Bivouac, en avant de la Rehutte, à son frère : "Hier, mon bon ami, nous avons encore battu l'ennemi. Ma demi-brigade s'est distinguée, et l'a chassé des marais de la Reebach. Nous leur avons fait beaucoup de prisonniers. Ce matin, nous l'avons poursuivi sans pouvoir le joindre, tant il courait. Le temps me presse. Je suis à cheval depuis minuit, et n'en puis plus.
Je t'embrasse, et suis ton frère et ami"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 12).
Boutrouë obtient à cette affaire une citation inscrite en ces termes sur ses états de services : "Le 27 prairial an IV, pour s'emparer de la forte position de la Rehutte, le chef de brigade prend le commandement de son troisième bataillon, traverse un bois de la largeur d'un quart de lieue tout inondé et coupé de marais; suivi de ses soldats, encouragés par l'exemple de leur chef, il surmonte tous les obstacles, affronte tous les dangers s'élance dans la redoute au milieu du feu de l'ennemi, qui est enfin forcé à la retraite, après un combat opiniâtre et sanglant".
Après le passage du Rhin par l'Armée de Rhin-et-Moselle, la 4e Division, Général Delmas, tout en restant sous le commandement de Desaix, passe du centre à la gauche de l'armée. Mais la 68e Demi-brigade ne va pas jusque sur le Danube à la poursuite de lAarchiduc Charles.
Après les affaires de Knübis (2 juillet), de Freudenstadt, de Rastadt (5 juillet) et la bataille d'Ettlingen (9 juillet), elle se trouve dans les environs de Stuttgard quand elle reçoit de Moreau l'ordre de couvrir la gauche de l'armée et de se porter du côté de Philippsbourg pour en contenir la garnison. Un corps de cavalerie lui est adjoint. Ce détachement mixte, composé de la 68e Demi-brigade et du 19e Dragons, est placé sous les ordres du Général Scherb, et part vers le milieu du juillet.
Si, dans la pensée du Général en chef, la gauche et les derrières se trouvent menacés, il est étonnant qu'en confiant au Général Scherb la mission de les protéger, le Général Moreau lui donne des moyens d'exécution aussi insuffisants. Quoi qu'il en soit, le petit Corps du Général Scherb tient bravement tête à l'orage qui va s'abattre sur lui.
Attaqué, le 7 septembre, dans ses positions de Bruchsal par les troupes de la garnison de Philippsbourg réunies à celles de la garnison de Manheim, et auxquelles se joignent 4,000 paysans insurgés et armés de fusils, il se maintient dans ses positions jusqu'au 13 septembre. Mais l'arrivée d'un nouveau Corps de troupes autrichiennes, commandées par le Général Petrasch, le force à se retirer. Il exécute sa retraite en combattant jusqu'à Kehl, où il parvient à se jeter après avoir culbuté les troupes de Petrasch, qui l'ont déjà débordé et se placent sur ses derrières.
Pendant cette pénible retraite, qui fait le plus grand honneur à la 68e Demi-brigade, seule troupe d'infanterie du petit Corps de Scherb, Boutrouê n'a pas le temps d'écrire longuement à son frère. Tout au plus quelques lignes dans lesquelles il fait connaître que "à Grumback, sa demi-brigade, coupée et entourée plusieurs fois, s'est fait jour, à la baïonnette, à travers un nombre quadruple d'ennemis, a conservé son drapeau, ses canons qui lui étaient confiés, 80 voitures de son convoi, est arrivée à temps pour préserver Kehl, et s'est vue, par cette action de guerre, réduite à moins de moitié de son effectif".
A peine réfugiée sous le canon de Kehl, la Brigade Scherb y est vigoureusement attaquée par le corps de Petrasch, le 18 septembre.
La place, un moment évacuée, est reprise par la 68e, et conservée grâce à l'énergie de cette demi-brigade. Dans cette chaude affaire, Boutrouë est blessé et fait prisonnier sur le champ de bataille.
Le 3e jour complémentaire an 4 (19 septembre 1796), le Général de division à la 5e Division militaire Moulin, écrit, depuis son Quartier général à Strabourg, au Directoir exécutif "Hier matin, à la pointe du jour, l'ennemi nous a attaqués à Kehl avec toutes les forces qu'il a pu réunir; les habitants des communes voisines qui travaillaient aux fortifications, conduisaient les différentes colonnes de l'ennemi qui s'y portaient avec une telle impétuosité que les avant-postes ont été forcés. Au même instant, l'ennemi a pénétré dans la place, qu'il a traversée, et est arrivé jusqu'à la tête de l'ancien grand pont sur le Rhin, où il a été arrêté et culbuté par le feu des batteries de la tête du pont dans l'isle du Rhin.
Ce succès n'a eu lieu qu'un moment. Le général Siscé et l'adjudant général Ramel, avec la 68e demi-brigade commandée par le chef de brigade Boutrouë, n'ont pas quitté les ouvrages et faisaient le feu le plus vif.
L'ennemi, repoussé, s'est établi dans plusieurs redoutes près de la place, ainsi que dans le village de Kehl, d'où il a été successivement repoussé avec une perte considérable, car les rues et les abords de Kehl étaient absolument jonchés d'hommes et de chevaux.
Un corps de Hongrois, formant l'avant-garde, a principalement souffert.
Nous avons fait environ 300 prisonniers, dont 30 officiers" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 178).
Dans ses Mémoires, le Maréchal Gouvion Saint-Cyr raconte : "Nous avons vu que Petrasch avait suivi la brigade de Scherb ; le 16 septembre, il était arrivé à Bischofsheim ; le 17, il fit ses dispositions d'attaque. Par une bizarrerie qu'on ne peut expliquer, Scherb avait ses troupes sur la rive droite de la Kintzig, au lieu de les avoir sur la rive gauche et dans Kehl ; ces troupes se composaient de la 68e demi-brigade, de 2 escadrons du 19e de dragons, et d'un petit détachement formé de quelques carabiniers et cavaliers du 15e ; un seul bataillon et un dépôt de la 104e demi-brigade formaient la garnison du fort.
Petrasch aurait pu culbuter dans la Kintzig les troupes de Scherb placées en avant, et entrer avec elles dans le fort ; il préféra les tourner. Dans la nuit du 17 au 18, il fit passer la Kintzig à Willstett à trois bataillons et deux escadrons, ensuite la Schutter à Eckertsweier, pour venir, par Simdhein, tourner l'ouvrage à corne du Haut-Rhin, tandis que quatre bataillons et deux escadrons étaient destinés à faire une fausse attaque sur Scherb.
Au point du jour, la colonne qui avait tourné nos ouvrages, s'en empara après avoir surpris et mis en fuite le bataillon qui s'y trouvait. Elle poussa jusqu'à la culée d'un pont qui avait encore existé l'avant-veille et négligea de chercher le nouvel emplacement de ce pont pour le détruire. Dans le même temps, Scherb, qui s'était aperçu que le fort et la ville de Kehl avaient été enlevés derrière lui, descendait la rive droite de la Kintzig pour trouver, vers son embouchure, un passage par les iles qui pût lui permettre de rentrer dans les ouvrages les plus rapprochés de cette rivière, car il se croyait dans l'impossibilité de pénétrer dans le fort par la ville.
Sa cavalerie seulement essaya de s'y ouvrir un passage, mais la plus grande partie y fut tuée ou prise ; la 68e demi-brigade parvint à rentrer dans une partie des ouvrages de Kehl et les défendit avec un grand courage. Elle avait à sa tête le général Siscé qui, par trois fois, essaya de pénétrer dans la grande rue de Kehl sans pouvoir y réussir, l'ennemi étant fort supérieur et disposant de quatre pièces d'artillerie qui enfilaient cette rue. Enfin, vers sept heures du matin, il parvint à reprendre le fort, dans lequel on fit 200 prisonniers du régiment de Ferdinand. Le général Schawenburg accourait de Strasbourg avec quelques dépôts ; il rallia le bataillon qui avait repassé le Rhin dès le commencement de l'attaque et le ramena à l'ennemi.
Le commandant de Strasbourg, Moulin, avait fait battre la générale ; cette ville était sans garnison, mais on réunit les ouvriers des différentes administrations militaires, on en forma un petit bataillon que l'on arma à la hâte. On disposa aussi des compagnies de grenadiers et de chasseurs de la garde nationale de Strasbourg, ville dont le patriotisme ne s'est jamais démenti. Ces secours assurèrent la conservation de Kehl, surtout contre les attaques que l'ennemi aurait pu renouveler. Notre perte s'est élevée à 1100 hommes, dont 800 blessés; celle de l'ennemi a été estimée à 1500 tués ou blessés et 300 prisonniers. Heureusement qu'après s'être emparés du fort, les Autrichiens s'étaient amusés à piller la ville et à boire, au lieu de chercher à détruire le pont, ce qui eût empêché tous les secours".
"1796. - Retraite de l'armée de Rhin-et-Moselle sur le Rhin. Prise et reprise des ouvrages de la tête de pont de Kehl, à l'exception du fort Carré. Le 18 septembre à quatre heures du matin, les Autrichiens, après un combat qui dure jusqu'à huit heures, s'emparent de la tête de pont, qu'ils perdent bientôt après, à l'arrivée à Strasbourg du général Schauenburg, qui, franchissant le Beuve par le pont conservé, arrive au secours de la 68e demi-brigade encore aux prises avec l'ennemi et le chasse des ouvrages de la tête de pont. (Journal historique de Legrand, n° 69, A, p. 59-60. Dépôt des archives.)" (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 1, p. 315).
Au mois de décembre 1796, après la retraite de Moreau sur le Rhin, Kehl est à nouveau assiégée par l'armée autrichienne. Desaix, qui alterne avec Gouvion Saint-Cyr dans le commandement des troupes chargées de la défense dont fait encore partie la 68e Demi-brigade, se souvient de la brillante conduite de cette Demi-brigade dans la journée du 18 septembre. Il lui adresse, lors de sa prise de commandement, un ordre du jour des plus flatteurs, dans lequel il la propose en exemple aux autres troupes de la garnison.
Le 18 Frimaire an 5 (8 décembre 1796), le Général Desaix, commandant en chef les troupes au service de
Kehl, écrit, depuis son Quartier général à l'ile du Rhin "aux citoyens composant la 68e demi-brigade.
Vous donner, citoïens, un témoignage de mon estime est pour moi une bien grande satisfaction.
Quel agrément de se rappeler souvent que la France vous doit la conservation du poste important de Kehl. Je vous déclare que c'est encore vous qui devez le défendre.
Votre courage, votre bravoure à toute épreuve vous désignent. Or, mon choix est fondé : je compte sur vous" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 177).
Le 1er Nivôse an 5 (21 décembre 1796), Le Général de division E. Reynier, chef de l'Etat-major général, écrit, depuis le Quartier général de Schiligheim, au citoyen Delahaye, Représentant du Peuple au Conseil des Cinq-Cents, rue Honoré, n° 46 : "J'ai l'honneur de vous prévenir, citoyen représentant, que, d'après la demande que vous avez faite au général en chef, je viens d'écrire à la commission chargée de l'échange pour l'engager à négocier celui du chef de brigade Boutrouë et au moins sa rentrée sur parole.
J'espère que si cet officier se trouve guéri des blessures honorables qu'il a reçues, il sera bientôt rendu à l'armée et aux désirs de sa famille.
Salut et fraternité,
E. REYNIER.
Quelques rapports annoncent que le citoyen Boutrouë est mort de ses blessures. Je vous ferai part de la réponse qu'on me fera" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 179).
Le 30 janvier 1797 (11 Pluviôse an 5), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Phalsbourg, au citoyen Boutrouë, président du canton de Montmirail, à Gréez, près la Ferté-Bernard : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre en date du 3 courant et je m'empresse d'y répondre.
Tu me demandes des détails sur ma captivité. Il faudrait au moins une rame de papier pour t'en faire un récit détaillé. Je me bornerai seulement à te marquer les principaux événements, me réservant ùe t'en dire plus long quand j'aurai le plaisir de te revoir.
Je fus fait prisonnier à Kehl, le deuxième jour complémentaire dernier, après avoir reçu le feu de plusieurs pelotons autrichiens au milieu desquels j'étais tombé. On me criait toujours de me rendre; j'hésitai un moment si je le ferais, mais me voyant entouré de plus de trois cents Autrichiens et dans l'impossibilité de lutter ou de me sauver, je finis par me rendre et remis mon sabre au chef de la troupe qui me fit transporter aussitôt sur les derrières. Les soldats qui m'accompagnaient firent l'inventaire de ce que j'avais sur moi et s'approprièrent tout mon argent, mes épaulettes, etc. Pendant cette petite cérémonie, j'eus l'adresse de faire glisser ma montre dans mes bottes et par ce moyen je réussis à la sauver. Le général ennemi me fit bien soigner et eut pour moi tous les égards que l'on doit à un officier supérieur qui s'est distingué.
Je pus partir quelques jours après pour Heidelberg, où nous restâmes sept à huit jours; nous fûmes dirigés ensuite sur Wurtzbourg, capitale de la Franconie, où nous ne séjournâmes que deux jours. De là, nous fûmes conduits au fort de Theresienstadt, en Bohême: j'y restai quinze jours. Après ce temps, le prince Charles me permit de rentrer, sur parole d'honneur de ne servir qu'après avoir été échangé.
Ainsi, tu vois que je ne suis pas resté longtemps en captivité. J'ai été très bien traité par l'ennemi. J'oubliais de te dire que nous étions 900 prisonniers français, dont plus de 60 officiers.
Ma demi-brigade est en ce moment à Kaiserslautern, et moi je reste à mon dépôt jusqu'à mon échange. Si tu voulais écrire ou faire écrire au ministre pour me faire avoir un congé, cela me ferait plaisir. Il sera, je crois, facile de l'obtenir, puisque tous les officiers qui sont rentrés de captivité sur parole ont eu des congés pour se rendre dans leur famille en attendant leur
échange.
Je prie aussi mon père de vouloir bien m'envoyer six ou huit louis, dont j'ai le plus pressant besoin dans ce moment-ci, attendu qu'il n'y a pas de fonds pour me payer l'état de mes pertes. J'ai heureusement pu conserver mes chevaux, mais la plus grande partie de mes effets a été pillée à Kehl.
Adieu, je t'embrasse de tout coeur.
P. S. - La liste de tous les endroits par où j'ai passé en revenant de Theresienstadt serait trop longue à te donner. Voici seulement le nom des villes où j'ai fait séjour : Prague, Eger, Bamberg, Wurtzbourg, Heidelberg, Darmstadt, Mayence, Coblentz et Luxembourg"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 13).
"De par Sa Majesté l'Empereur et Roi.
La commission militaire, établie pour les échanges des prisonniers de guerre, déclare que M. Boutrouë, chef de la 68e demi-brigade au service de France, fait prisonnier par les Autrichiens en 96 et rendu le 21 décembre 96 à Ehrenbreistein, a été échangé contre M. Mahowatz, colonel du 2e régiment autrichien bannat, fait prisonnier par les Français. Et que par conséquent le premier est dégagé de sa parole d'honneur qu'il a donnée de ne point porter les armes jusqu'à son échange.
Fait à Rheinfeld le 30 du mois d'avril 1797.
Le chev. DE WACHENBOURG, colonel.
PREMMIGER, Commissaire des guerres.
(Timbre impérial.)" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 180).
En juillet 1797, la 68e Demi-brigade fait partie de la Brigade Ducomet, Division Sainte-Suzanne, Corps de Gouvion Saint Cyr, formant la gauche de l'Armée de Rhin-et-Moselle, en correspondance avec la droite de l'Armée de Sambre-et-Meuse.
Le 9 juillet 1797 (20 Messidor an 5), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, Landau, à son frère : "Mon cher ami, je suis arrivé à ma demi-brigade le 13 de
ce mois. C'est avec la plus vive sensibilité et la joie la plus sincère que je me suis rapproché d'un corps d'où m'avaient éloigné de malheureux événements et ma captivité à l'ennemi.
J'ai reçu de ma demi-brigade tous les témoignages que peuvent inspirer le respect et l'attachement; tant d'empressement et de reconnaissance ont rempli mon coeur des plus vives émotions. J'y ai trouvé bien des changements, à cause de l'incorporation des nouveaux bataillons, mais j'y ai retrouvé aussi ce bon ordre et cette discipline qui l'ont toujours caractérisée.
Je suis resté quinze jours à mon dépôt pour m'y faire habiller et m'y reposer des fatigues de la route.
Nous attendons de jour en jour l'ordre de nous rendre à Strasbourg pour y passer la revue de l'inspecteur général. Je voudrais bien rester encore ici quelque temps pour remettre au courant
toutes les affaires qui sont à la traine; je n'y vois pas encore bien clair, mais j'espère sous peu m'y reconnaitre tout à fait.
Le général en chef vient de me faire passer la déclaration de la commission impériale qui constate mon échange.
Adieu, mon cher ami, je t'embrasse ainsi que ta femme et ma nièce"(D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 14).
Le 4 Fructidor an 5 (4 août 1797, Reynier écrit, depuis Offenburg, à Gouvion-Saint-Cyr : "Je suis instruit, général, que la 68e demi-brigade est encore en garnison à Landau, tandis qu'on ne devait avoir dans cette place que le nombre des compagnies nécessaires pour faire le service; et que ces compagnies devraient être relevées souvent par d'autres, afin de faire supporter ce service et les privations des troupes en garnison par tous les corps. La 68e demi-brigade a déjà fait du bruit à Landau par le retard des payements de la solde; et, dans notre situation, on doit toujours s'attendre que les troupes casernées seront plus faciles à travailler par les malveillants, lorsque le manque de solde se joint aux mauvaises fournitures en vivres et en logement. C'étaient ces motifs qui avaient engagé, il y a un mois, le général en chef, à vous écrire de changer la 68e demi-brigade et d'organiser le service de Landau de manière qu'il n'y eût que le moins de troupes possible; j'ignore pour quel motif cela n'a pas été exécuté.
Maintenant que tous les services manquent, qu'on est obligé de faire nourrir les troupes chez les habitants, et qu'on ne peut qu'avec peine assurer le service des places, il importe encore plus de diminuer la garnison de Landau; je vous invite à en donner l'ordre sur-le-champ, etc." (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 180-181).
Le 21 août 1797 (4 Fructidor an 5), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, Landau, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre en date du 30 messidor. Mes grandes occupations m'ont empêché d'y répondre plus tôt.
Nous n'avons pas encore passé la revue de l'inspecteur général et je ne sais pas quand nous irons à Strasbourg pour la passer. Mon état-major est toujours ici; j'ai treize compagnies cantonnées dans les villages voisins.
Je n'ai pas encore touché les indemnités de mes pertes d'effets. En attendant, je vais toujours acheter un cheval dont j'ai le plus grand besoin. Ma troupe, dont l'instruction avait été un peu négligée pendant ma captivité, commence à bien manoeuvrer. Je t'assure que depuis ma rentrée au corps elle a été bien exercée; aussi je ne crains pas de paraître devant l'inspecteur général.
Il y a plus de deux mois que nous n'avons été payés. Personne n'est satisfait. Je ne sais pas où passe l'argent. En attendant, il faut toujours vivre; si de mes créanciers ne m'avaient pas remis quelques fonds, je serais très embarrassé. Si ces deux mois arriérés et mes indemnités de pertes m'étaient payés, je serais à mon aise et je pourrais t'envoyer quelque acompte sur la somme que tu as eu la complaisance de me prêter.
Il y a environ un mois, j'ai été parrain de l'enfant d'un capitaine de ma demi-brigade. Ma commère est une demoiselle de Bruchsal, qui est dans un de ses biens à une lieue de Landau. Je crois t'en avoir déjà parlé. Cette demoiselle est la fille d'un conseiller; elle était ma maitresse lorsque j'étais sur la rive droite du Rhin et elle l'est encore dans ce moment. Elle n'est pas très jolie, mais elle est fort bien faite, fraicbe et jeune. Je ne te parle pas de son caractère, tu as pu en juger par ce qu'elle fit pour moi pendant ma captivité. Tous les deux jours je vais partager sa couche et de ces assiduités-là il est résulté un petit chef de brigade, du moins il y a tout lieu de le croire, puisqu'elle n'a rien vu depuis plus d'un mois. Loin d'être fâchée de cette maladresse, elle en est très contente et moi de même.
Adieu, je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 15).
Le 10 septembre 1797 (24 Fructidor an 5), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Turkheim, à son frère : "Depuis quinze jours, mon cher ami, nous occupons une quarantaine de villages dans le Palatinat. Mon état-major est à Turkeim. Nous ne passerons sûrement pas de sitôt la revue de l'inspecteur général, puisque nous voilà encore éloignés de Strasbourg. Cependant nous venons de passer la revue d'un général, mais cette revue avait pour but de s'assurer de l'effectif des hommes présents.
Depuis plus de trois mois, ma troupe n'a pas été payée; nous ne recevons plus de vivres, et les habitants sont obligés de nous nourrir. Grand Dieu ! quand donc sortirons-nous de cette affreuse
misère ! Je broie du noir, comme tu vois, mais que diable broyer par le temps qui court !
J'ai acheté, ces jours-ci, une jolie jument courte-queue pour la somme de dix-huit louis; elle en vaut au moins vingt-quatre. Je vais vendre mon petit blanc, qui est totalement ruiné; ma jument noire est encore très bonne, aussi je la garderai pour mon domestique. Dès que j'aurai reçu quelque argent, j'achèterai un troisième cheval en remplacement du petit blanc; après cela, je serai bien monté. Je n'ai pas encore été payé de mes pertes.
Je t'ai écrit le 4 du courant. Je ne sais si tu as reçu cette lettre.
Adieu; je t'embrasse, ainsi que ta femme et ma nièce" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 16).
Le 3 octobre 1797 (12 Vendémiaire an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Turkheim, à son frère : "Mùn cher ami, je t'ai écrit plusieurs fois sans avoir de réponse; je pense que tu n'as pas reçu mes lettres. Ma soeur m'a appris le malheur qui était arrivé à ta fille; je suis inquiet, écris-moi vite pour me tranquilliser. Elle m'a aussi appris que mon père avait été décoré de l'écharpe tricolore. J'en suis bien aise; c'est rendre justice à son patriotisme.
Depuis plus de trois mois, nous n'avons pas été payés; je n'ai pas non plus reçu mon indemnité de perte d'effets. Dès que je l'aurai reçue, je te ferai passer les cinquante écus que tu as bien voulu me prêter.
On parle ici de paix, de guerre. Je crois plutôt que nous allons encore faire une campagne. Notre armée est sur un pied si respectable, qu'il nous assure déjà de la victoire.
J'ai été, ces jours derniers, à Manheim, où j'ai diné avec des officiers autrichiens. Nous avons fait bombance. Ils craignent tous une nouvelle campagne. Les émigrés font, dans cette ville, une triste figure ; ils se disposent tous à passer en Russie, où on leur promet plus de beurre que de pain.
Tous les jours, il passe par ici des Polonais qui vont à l'armée d'Italie, et, de là, au service de la République cisalpine. L'un d'eux a passé huit jours avec moi; il se nomme Victorini; il m'avait tellement pris en affection, qu'il ne voulait plus me quitter. C'est un homme très aimable et très patriote. Il parle cinq à six langues. Il voulait à toute force me faire accepter une bourse de cent louis, en souvenir de notre rencontre. J'ai refusé, comme tu dois bien penser. J'oubliais de te dire qu'il est prince; sa principauté se trouve dans la partie de la Pologne qui appartient maintenant à l'empereur d'Autriche, qu'il déteste cordialement. Ce bon prince espère toujours que la Pologne redeviendra ce qu'elle était, et il compte sur les Français pour lui en fournir les moyens.
Le 1er de ce mois, nous avons célébré la fête de la République. Il a été prononcé plusieurs discours patriotiques. Nous avons fait de belles évolutions. Le tout s'est terminé par un hon diner. Au moment où je t'écris, je reçois l'ordre que toute communication doit cesser avec l'ennemi. En conséquence, aucun des habitants du pays que nous occupons ne doit plus avoir la liberté de dépasser nos avant-postes, aucun officier autrichien ne doit plus être reçu dans nos cantonnements. Le service des postes aux lettres avec les pays occupés par l'ennemi doit pareillement cesser ; la liberté du commerce sur le Rhin et sur la Moselle ne doit plus avoir lieu. Ainsi, tu vois, mon cher, que tout cela n'annonce pas la paix.
Adieu; je t'embrasse, ainsi que ta femme et ta fille" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 17).
/ 1798
Le 17 janvier 1798 (28 Nivôse an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Landau, à son frère : "Je viens, mon ami, de recevoir ta lettre en date du 17 courant; je n'ai pas reçu les autres lettres dont tu me parles.
Nous sommes restés deux mois et demi à Strasbourg, pour passer la revue de l'inspecteur général. Nous avons été retournés sous toutes les coutures. Je m'y attendais. J'ai fait manoeuvrer deux fois ma demi·brigade devant le général en chef Augereau.
Si le temps n'avait pas été mauvais, j'aurais eu l'honneur de manoeuvrer devant le héros d'Italie.
Depuis vingt jours, ma demi-brigade occupe les villes de Landau, Bitche, Lauterbourg et Wissembourg. Sous peu de jours, nous irons vers Mayence; d'autres nous assurent que nous devons faire partie de l'armée d'Angleterre. Si cela est, je te marquerai la route que nous tiendrons. Je crois que nous ne passerons pas loin de mon pays.
Deux des aides de camp du général en chef sont de notre connaissance. Le premier est le fils de Levasseur, ton ancien collègue à la Convention; l'autre, le fils de Richer de Maintenon. Nous avons dîné ensemble chez le général en chef. J'ai rencontré aussi à Strasbourg, Maignet, jeune homme du Mans, qui était mon lieutenant lorsque j'étais capitaine dans le 1er bataillon de la Sarthe. Le jeune Joliet, neveu de Maison-Guillard, est venu me voir ici; il est élève dans un des hôpitaux de Strasbourg.
Un officier de mon ci-devant régiment, arrivant des prisons de l'ennemi, m'a assuré que Saint-Simon, mon sous-lieutenant, qui demeurait chez Le Tourneur, est rentré en France. Tu sais qu'on l'avait dit tué. Je souhaite que les bruits de la mort de Duhamel se trouvent pareillement faux.
Dans le temps, je te mandais que j'avais été assez adroit ou maladroit de faire un enfant à ma maîtresse, et je me rappelle très hien que tu me plaisantais là-dessus. Eh hien, mon cher, ce n'est plus un doute. Elle est maintenant grosse de près de six mois. J'aurai donc enfin de ma race. Ma maîtresse, qui, dans le commencement de sa grossesse, était si contente, ne l'est plus autant à présent. Sa maman n'en sait encore rien, mais une de ses soeurs est dans la confidence. On m'a parlé mariage, mais je n'y pense pas encore. En attendant, nous nous voyons comme par le passé.
Je suis bien satisfait d'apprendre que le bras de ma petite nièce est parfaitement guéri.
Je n'ai pas encore reçu l'indemnité de mes pertes depuis la fin de l'an IV !
Adieu, mon ami; je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 18).
Le Directoire ayant eu à plusieurs reprises, pendant la dernière campagne, des sujets de plainte contre la Suisse, notamment à cause de la protection accordée aux émigrés par le gouvernement de la Confédération helvétique; il ordonne à Augereau, dès la signature de la paix à Campo-Formio, de s'emparer des vallées de l'Erguel et de Moustiers-Grandval, dépendant de l'ancienne Principauté ecclésiastique de Bâle, et de les réunir au département du Mont-Terrible.
Cette annexion est exécutée sans difficulté; mais ce n'est que le prélude d'un bouleversement complet du corps helvétique, résolu depuis longtemps déjà par le Directoire, et qu'il accomplit en moins de trois mois, en transformant, par la force des armes, cette Confédération, qui devient, à l'image de la République française, une République indivisible et démocratique, de fédérale et oligarchique qu'elle était..
Les opérations auxquelles prend part la 68e Demi-brigade contre les cantons du Nord sont dirigées par le Général Schauenburg.
Le 27 janvier 1798 (8 Pluviôse an 6), un Rapport du Ministre de la Guerre (Armée du Rhin, Département de la Guerre, 2e Division, Bureau du mouvement) indique : "Il existe en ce moment à l’Armée du Rhin, treize demi-brigades, dont deux sont destinées pour l’armée d’Angleterre et trois pour l’armée de Mayence ...
Reste encore disponible pour le service des garnisons 11 bataillons qui pourraient être répartis de la manière qu’il suit :
à Strasbourg, 8 bataillons (3 de la 97e demi-brigade, 3 de la 68e idem, 2 de la 16e légère) ..." (L’invasion de 1798 : Documents d’archives françaises concernant la liquidation de l’Ancien Régime en Suisse par la France – SHAT, B 2 63).
Entre le 31 janvier 1798 et le 1er février 1798 (12-13 Pluviôse an 6, le Général Duvignan expédie de nombreux ordres "Aux troupes aux ordres du général Schauenburg.
Copie des ordres et lettres écrits par le général Duvignan, sous-chef de l'état-major général les 12 et 13 pluviôse relatives aux mouvements des troupes aux ordres du général Schauenburg.
Noms des corps | Forces | Dates du départ | Cantonnements qu'ils occupent | Lieux où ils se rendent | Obs. |
68e l/2 Brigade | 2614 | le 16 pluviôse | Landau et environs | à Neufbrisack & Huningue | Le 1er bataillon à Neufbrisack et les 2 autres à Huningue. |
Certifié véritable
Le Général de Brigade, sous-chef de l'état-major général
[signé] Duvignan
"Au général Ste-Suzanne, commandant la 4e division
D'après les ordres du général en chef et du Ministre de la guerre vous voudrez bien, citoyen général, donner ceux nécessaires pour que la 68e demi-brigade parte de ses cantonnements le 16 du courant [4.02.1798] pour se rendre, le premier bataillon à Neuf-Brisack, le 2e et le 3e à Huningue. Il sera nécessaire que vous me préveniez à l'avance du jour où ces bataillons devront arriver à leur destination ...".
"Au commissaire ordonnateur en chef.
Vous avez été prévenu, citoyen ordonnateur, par le Ministre de la guerre, du mouvement qui doit avoir lieu dans les divisions de l'armée du Rhin qui fournissent 21 bataillons d'infanterie et 8 escadrons pour la composition d'un corps d'armée commandé par le général Schauenburg et dont le rassemblement doit avoir lieu à Delémont ...
4e division
La 68e demi-brigade forte de 2488 hommes part de Landau ou environs le 16 et se rend le
1er bataillon à Neuf-Brisack et le 2e et 3e à Huningue ...
5e division militaire
... Un bataillon de la 68e va à Neuf-Brisack et les deux autres à Huningue.
Signé Duvignan
Certifié conforme
Le général de brigade sous-chef de l'état-major général de l'armée du Rhin
[Signé: Duvignan]" (L’invasion de 1798 : Documents d’archives françaises concernant la liquidation de l’Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 483/19).
Le 23 février 1798 (5 Ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit au citoyen Mengaud, Ambassadeur : "Pour bien remplir vos intentions, relativement aux inquiétudes que vous désirez donner au canton de Berne et appuyer efficacement les dispositions que j'ai faites afin d'attaquer vigoureusement lorsque j'en recevrai l'ordre, je viens d'ordonner au général Nouvion de faire appuyer jusqu'à Laufon la 76e demi-brigade que j'avais demandée au commandant d'Hu ningue comme réserve dans le cantonnement de Reinach et villages en arrière de cette posi tion. L'on m'a dit que la 68e demi-brigade est à Huningue et environs. Je pense qu'il serait bien avantageux pour la sûreté de l'exécution de mes projets, et pour remplir votre but, de faire passer la 68e dans les cantonnements que je viens d'indiquer à la 76e, mais comme je n'ai point de pouvoir au delà du corps d'armée que je commande et qu'une réquisition de v otre part au général commandant la 5e division militaire à Strasbourg opérerait le résultat avantageux, il est nécessaire que vous veuillez bien lui adresser de suite un courrier, pour lui demander de mettre ces deux corps à ma disposition et en même temps de faire connaître cette demande aux commandants d'Huningue et Neufbrisach et que l'on remplace ce corps par ceux les plus voisins de ces 2 places afin que le mouvement s'exécute plus rapidement ..." (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 470/122).
Le 4 mars 1798 (14 Ventôse an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Soleure, à son frère : "Tu auras sûrement appris par les Nouvelles, mon cher ami, que l'armée du Rhin avait été licenciée, ce qui a occasionné des mouvements parmi les troupes qui la composaient.
La demi-brigade que je commande a reçu l'ordre de quitter le Palatinat, où elle était, pour se diriger sur la Suisse, en laissant des détachements à Huningue et à Brisack, et nous occupons ces
parages depuis près d'un mois.
L'armée ennemie est commandée par le général d'Erlach, ci-devant maréchal de camp au service de la France.
Dans la nuit du 10 au 11, mon troisième bataillon eut ordre de s'emparer du château d'Ornac appartenant aux Suisses; ils l'ont évacué dans la nuit du 12. Nous y avons trouvé six pièces de canon et deux gros obusiers, des munitions de guerre en quantité, etc. Cette expédition ne nous a coûté qu'un homme tué et trois blessés.
Dans la journée du 13, nous nous sommes emparés du poste important de Lengnau, entre Buren et Soleure, après un combat acharné où nous avons tué à l'ennemi plus de 200 hommes; nous leur en avons pris aussi près de 200 avec 9 officiers, dont 1 colonel. A la suite de cette affaire, nous sommes entrés dans Soleure après une seule sommation du général Schawenburg.
Ainsi, voilà déjà un des cantons de mis à la raison; on va marcher maintenant sur celui de Berne, le seul qui ne veuille pas suivre le plan de constitution envoyé de France par le Directoire, car tu sais que les autres cantons ne veulent plus entendre parler de république fédérative.
Messieurs las descendants de Guillaume Tell se croyaient invincibles; ils ont appris, et à leurs dépens, que les Français sont les premiers soldats de l'Europe.
Adieu, mon ami, je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 19).
Le 13 mars 1798 (23 Ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit au Commandant du 2e Bataillon de la 76ème de Ligne : "Le Directoire exécutif a des sujets de plainte contre les moines de l'abbaye de Notre-Dame de la Pierre, dite Maria-Stein, située dans la partie du canton de Soleure voisine de Landseron. Le territoire de cette abbaye est un repaire des émigrés et des prêtres réfractaires.
D'après les ordres que j'ai reçus, je vous charge citoyen chef, de faire évacuer cette abbaye par tous les moines qui la composent et de les faire transporter dans l'intérieur de la Suisse. Vous leur déclarerez que ceux qui rentreront dans leur abbaye ou qui seront trouvés sur le territoire français, seront traités comme espions. Vous mettrez tout ce qui se trouvera dans cette abbaye et qui en seront la propriété sous les scellés. Vous en confierez la garde à un détachement de la 68e demi-brigade qui vous sera envoyé par le commandant de Huningue.
J'ai mandé au général Nouvion de faire réunir à Zwingen demain quatre compagnies de votre bataillon à la tête desquelles vous marcherez contre cette abbaye. Vous leur ferez observer la discipline la plus sévère et vous éviterez d'employer la voix des armes s'il y a moyen de terminer l'affaire autrement.
Après l'expédition vous rejoindrez avec les quatre compagnies le restant de votre bataillon aux environs de Lentzbourg.
Rappelez à vos troupes, citoyen chef, que cette expédition n'est dirigée que contre l'abbaye de Maria Stein et que les propriétés des communes environnantes doivent être respectées par elles.
Les biens de l'abbaye deviendront une propriété nationale, ou celle du pays qui nous accueillis. Que vos troupes se contentent d'en tirer leur subsistance le temps qu'elles emploieront à cette expédition. Vous serez responsable que le reste soit intact et que les fournitures que vous en exigerez soient faites régulièrement.
Je crois inutile de vous donner aucune instruction sur les dispositions militaires. Les circonstances vous les dicteront. Soyez toujours prêt à vous défendre contre les habitants, s'ils se portaient à la défense de l'abbaye.
Vous me rendrez compte par écrit de votre opération" (L'invasion de 1798 : Documents d'archives françaises concernant la liquidation de l'Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/239).
Le même 13 mars 1798 (23 Ventôse an 6), le Général Schauenburg écrit, depuis Soleure au Commandant de Huningue : "Pour lui mander d'envoyer une compagnie de la 68e à Zwingen" (L’invasion de 1798 : Documents d’archives françaises concernant la liquidation de l’Ancien Régime en Suisse par la France – BNUS, MS 471/241).
Du 24 mai au 12 novembre 1798 et particulièrement à la fin de mai et au commencement de juin, l'hospice du Mont Saint-Bernard fournit des subsistances à des colonnes "allant à Milan" et on estime le nombre d'hommes ayant passé le col à "43,000 environ, consistant en 15 demi-brigades, 2 régiments de hussards, 3 de dragons, 1 de cavalerie, outre divers corps d'artillerie légère, chasseurs à cheval, sapeurs, etc."; parmi ces Corps figure la 68e Demi-brigade. Les rations distribuées aux troupes sont entièrement aux frais de l'hospice, bien que le Général Lorge ait donné l'ordre positif de les nourrir et qu'il ait fixé la quantité de viande, fromage et vin allouée à chaque soldat (Archives du Grand-Saint-Bernard - cité par De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.1, p. 302).
Le 13 juin 1798 (25 Prairial an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Tortone, à son frère : "Je suis arrivé ici, mon cher ami, après vingt-quatre jours de marche. Nous avons traversé la Suisse et les États du roi de Sardaigne, mais on prétend que nous n'y ferons pas long séjour. Les uns disent que nous allons à Gênes pour nous embarquer, les autres disent que nous allons à Rome. Mais je n'attache pas grande importance à tous ces on-dit.
La ville de Tortone et le fort Saint-Victor appartiennent au roi de Sardaigne. Nous devons les occuper, aux termes du traité de paix fait entre lui et la République française.
A deux lieues d'ici, il y a des rassemblements de patriotes piémontais; ils se battent tous les jours avec les troupes du roi sarde. Ces patriotes veulent, disent-ils, former une république des Etats du roi. Ils portent sur leur drapeau ces mots : République piémontaise - Guerre aux tyrans ! Leur attitude devient de jour en jour plus imposante. Ces jours derniers, ils ont eu un avantage sérieux sur las royalistes. Quant à nous, nous sommes spectateurs oisifs de leur querelle, du moins pour le moment.
Dans ta lettre du 10 floréal, tu m'annonçais ta nomination au Conseil des Cinq-Cents; mais, dans le Bulletin des Lois en date du 22 du même mois, j'ai vu que le Directoire avait déclaré nulle ta nomination. Dis-moi donc ce qui a pu donner lieu à cette déclaration de nullité.
Si tu veux connaître les lieux par où nous sommes passés pour nous rendre à Tortone, en voici la liste : Soleure, Bienne, Nidau, Morat, Avenche, Payerne, Moudon, Lausanne, Vevey, Villeneuve, Saint-Maurice, Martigny, Saint-Pierre sous le Saint-Bernard, Aoste, Verrès, fort de Bard, Ivrée, Santhia, Verceil, Novare, Trécale, Vigevano, Pavie, Voghera et Tortone.
Demain j'irai visiter la ville d'Alexandrie; nous n'en sommes qu'à quatre lieues.
Adieu, mon ami, je t'embrasse ainsi que ta femme et ma nièce" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 20).
Le 5 août 1798 (18 Thermidor an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Tortone, à son frère : "Dans les premiers jours de mon arrivée à l'armée d'Italie je t'ai écrit, mon cher ami, et je n'ai pas encore reçu de tes nouvelles.
J'ai écrit dans le même temps à mon père et à ton neveu, qui m'ont répondu. N'aurais-tu pas reçu ma lettre ou bien tes occupations t'ont-elles empêché de m'écrire ?
J'arrive de Gênes où je suis resté quelques jours. Cette ville, capitale de la République ligurienne, est située au couchant de l'Italie et sur le penchant d'une montagne qui fait partie des Apennins. Elle est bâtie en demi-cercle autour du port. L'inégalité du terrain sur lequel elle est construite lui donne la forme d'un amphithéâtre, et, vue du centre du port à un mille en mer,
elle offre un coup d'oeil magnifique.
Le plus beau quartier de la ville est traversé par la rue Neuve ; les autres rues sont très étroites et les maisons très élevées. La population s'élève à 90,000 âmes, y compris les faubourgs de Saint-Pierre d'Arena et de Bisagno.
L'église Saint-Laurent, revêtue de marbre noir et blanc est fort belle. L'église de l'Annonciade est d'une décoration plus brillante; elle est partagée en trois nefs soutenues par des colonnes de marbre blanc et rouge. La voûte est peinte et ornée de riches dorures.
Saint-Ambroise est aussi une église magnifique; on y admire de superbes tableaux de Rubens.
Le palais où résidait le doge sert maintenant aux réunions des conseils, tant des Soixante que des Trente. Les murailles de la Salle du Grand-Conseil sont en marbre jaune d'une admirable coloration. La salle du Conseil des Anciens n'est pas aussi bien décorée, mais ils ne sont là que provisoirement. Le Directoire, qui est actuellement à Carignan, va être installé dans un palais; il y en a tant et de si beaux dans cette ville, que les directeurs n'auront que l'embarras du choix.
Les palais les plus curieux sont : celui de Marcellino Durazzo; il renferme une précieuse collection des plus beaux tableaux, on y admire surtout celui de la Madeleine aux pieds de Jésus, les Pharisiens et un autre grand tableau qui a pour sujet Achille traînant Hector attaché à son char; il y a aussi un buste antique de Vitellius, d'un rare travail. Le palais Doria, d'une architecture grandiose; il renferme un chef-d'oeuvre de sculpture, la statue de Neptune, dieu des mers, en marbre blanc. Les palais Balbi, Brignole, Spinola, ne le cèdent en rien aux précédents. Enfin, il y a tant d'autres palais superbes, qu'il faudrait dix ans pour en faire une description complète avec toutes les merveilles qu'ils renferment.
La loge de Bianchi sert de Bourse; c'est une grande salle publique où s'assemblent les marchands de toutes les nations. L'écusson de la République est peint au plafond : d'argent à la croix de gueule, avec la cocarde nationale, rouge et blanc.
Les montagnes des environs de Gênes fournissent toutes les variétés des plus beaux marbres.
Je n'ai point trouvé les femmes aussi belles qu'on me les avait vantées; comme elles sont fort riches, elles se parent de beaucoup de diamants et autres bijoux, et elles portent de très belles étoffes. Les hommes sont mis plus simplement, mais avec élégance et sont d'une propreté rare.
Le port est assez joli; il n'y a que des vaisseaux marchands et des galères. Pendant mon séjour dans cette ville, il y est venu des vaisseaux grecs et espagnols. Les premiers sont obligés à une quarantaine. Cela est forcé pour tous ceux qui viennent du Levant.
Les Liguriens n'ont point de marine pour protéger leur commerce, aussi leur enlève-t-on des bâtiments à la sortie du port. Les vaisseaux barbaresques, qui savent qu'on ne leur donne pas la chasse, sont toujours aux aguets et ils ne perdent pas leur temps.
Leur troupe de terre est encore mal organisée. S'ils prennent modèle sur les troupes françaises qui sont en garnison dans leur pays, ils auront bientôt de bons soldats.
Les alentours de Gênes sont de toute beauté; toutes les maisons de campagne ressemblent à des palais.
J'oubliais de te dire que jai vu les Directeurs. J'ai causé avec eux une demi-heure; ils m'ont tranquillisé sur un bruit malveillant que des gens intéressés se plaisaient à répandre à la Bourse : on disait que nos directeurs Barras et Rewbel étaient condamnés à la déportation, que Paris était soulevé, les faubourg en armes et autres mauvaises nouvelles de cette espèce. Heureusement, il n'est rien de tout cela.
En allant à Gênes, j'ai visité Novi, petite ville d'environ 6,000 âmes, appartenant à la République ligurienne. Elle est assez bien bâtie.
Je compte faire sous peu le voyage de Milan, une des plus grandes et des plus belles villes de toute l'italie. Elle n'est qu'à une quinzaine de lieues de Tortone. Après ce voyage, je ferai
celui de Turin. Nous sommes tranquilles pour le moment, j'en profite pour voir ce qu'il y a de plus curieux dans nos environs.
Ma collection de monnaies anciennes ou étrangères, tant en or qu'en argent, est bien augmentée; elle commence à devenir intéressante.
Adieu, crois à mon amitié" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 21).
Le 18 août 1798 (1er Fructidor an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Tortone, à son frère : "Je reçois à l'instant, mon cher ami, ta lettre du 8 thermidor. Elle a mis bien longtemps à me parvenir, et cependant les voies sont sûres en ce moment.
Tu me demandes si je fais des progrès dans la langue italienne ; ma foi, non ! je crois que j'en saurai tout juste autant qu'en allemand. La raison en est que presque tout le monde parle français dans ce pays-ci.
Nous donnons de temps en temps des bals et des concerts aux belles dames de Tortone. Je suis logé chez la marquise de Cavalchini, jeune femme jolie, aimable, spirituelle, et ayant beaucoup de relations. Elle est, dans ce moment, à sa maison de campagne; elle veut pourtant, à son retour, m'apprendre l'italien, mais je doute qu'elle puisse jamais y réussir. Je suis si bête !
Je ne me rappelle plus si, dans ma dernière lettre, je t'ai dit que j'avais été à Alexandrie, qui n'est qu'à quatre lieues d'ici. C'est une assez jolie ville, mais un peu triste.
Mon dépôt, qui était resté à Phalsbourg, est en route pour se rendre à Chambéry, département du Mont-Blanc, ce qui me fait croire que nous resterons longtemps encore à l'armée d'Italie. Je t'avais dit, dans le temps, que j'avais fait un petit chef de brigade à la citoyenne Louise Catti. Eh bien, mon cher, elle est accouchée, il y a trois mois, d'une très jolie petite fille, qui, dit-on, ressemble à son père comme deux gouttes d'eau. Elle est maintenant mariée à un capitaine de ma demi-brigade, qui a bien voulu prendre la vache et le veau. Comme elle est assez riche, il a passé par-dessus le préjugé qui retient tant d'hommes. Mais elle n'a pu se marier qu'avec mon consentement. Tu dois bien croire que je n'ai pas hésité à le lui donner, car la mère me poussait l'épée dans les reins pour épouser sa fille. Je l'aurais cependant fait, si j'eusse su la réunion de toute la rive gauche du Rhin à la France.
Adieu, je te prie d'agréer l'assurance de ma sincère amitié" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 22).
Le 19 septembre 1798 (3e jour complémentaire an 6), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Tortone, à son frère : "Je te disais, mon cher ami, dans l'une de mes dernières lettres, que mon projet était de faire le voyage de Milan. J'en arrive, et c'est avec bien du plaisir que je vais te faire le récit des choses les plus curieuses que j'ai vues pendant mon séjour dans cette ville.
Milan, comme tu sais, est la capitale de la Lombardie, et maintenant celle de la République cisalpine. Elle est située dans une des plus belles contrées de l'Italie, fertile et salubre. La population de la ville est d'environ 130,000 âmes. Les rues y sont assez belles et bien pavées, mais les maisons n'ont pas la magnificence de celles de Gènes.
L'église métropolitaine, le dôme est tout en marbre blanc tant au dehors qu'en dedans; aussi l'appelle-t-on avec raison une montagne de marbre. Il y a, à la vérité, beaucoup de reliefs et de statues fort médiocres ; mais, dans le nombre, il y en a de remarquables. Le saint Barthélemy, de Marco Agrate, derrière le choeur, est admiré de tous les connaisseurs, soit pour la musculature du corps, soit pour l'impression de douleur que donne l'aspect des muscles et des nerfs; tu sais que ce martyr avait été écorché vif. Dans une chapelle souterraine, on voit le corps de saint Charles Borromée; il est enfermé dans un sarcophage formé de grands morceaux de cristal de roche. Il y a aussi plusieurs beaux tableaux peints par les meilleurs artistes. Le toit est aussi recouvert de marbre, et, du haut de la coupole, on embrasse d'un coup d'oeil la ville, les plaines de la Lombardie, avec la chaîne des Alpes à l'horizon.
L'église de la Passion est une des plus belles, mais sa façade présente plus de magnificence et de richesse que de goût véritable. Des tableaux estimés ornent les chapelles de cette église; j'ai surtout remarqué : une Descente de croix, le Sauveur avec la Vierge, saint François, etc. Ces tableaux sont des meilleurs peintres. Le tombeau de l'archevêque Birago, fondateur de l'église, est superbe et tout en marbre blanc.
J'ai visité plusieurs autres églises, toutes très belles; je ne me rappelle plus leurs noms, ayant perdu toutes mes notes. Aussi, tout ce que je t'écris est de souvenir.
J'ai assisté à une séance du Grand-Conseil. La salle n'a rien de remarquable ; celle du Conseil des Anciens est aussi trop peu de chose pour en parler. Le Directoire tient ses séances au ci-devant palais de l'archiduc Charles; c'est le seul palais de Milan qui soit vraiment d'un bon style. Les directeurs y logent tous.
La bibliothèque est très riche; on y compte plus de 90000 volumes. L'observatoire, qui se trouve dans le même endroit, est abondamment fourni d'instruments tels que cercle mural, télescopes, pendules de correction, etc. Un des professeurs nous a fait voir la planète Vénus. C'est là aussi que les professeurs de peinture, sculpture, architecture font leurs cours. le jardin botanique est assez bien garni de plantes, tant indigènes qu'exotiques.
Le grand hôpital est un bâtiment immense; c'est un des établissements les plus vastes du monde; il peut contenir plus de 8,000 malades. Les dortoirs sont spacieux, et l'air y circule aisément. Le lazaret, construit au XVe siècle pour les pestiférés, a aussi de magnifiques proportions : quatre grands portiques de 1,200 pieds de long chacun, soutenus par de petites colonnes, entourent la cour. Il y a trois cents chambres séparées l'une de l'autre. Au milieu, il y a une rotonde où l'on peut entendre la messe.
Le jardin public est de toute beauté. Le cours de la porte de Venise est très fréquenté par le monde élégant; on y voit une foule d'équipages et de voitures.
La salle de spectacle de la Scala est aussi grande et aussi belle que celle de Paris; elle est richement décorée. La toile du théâtre, qui représente l'Olympe, est d'un artiste fameux. Si les changements de décors s'exécutaient aussi bien qu'à Paris, j'aurais été plus satisfait; mais les Italiens, qui excellent dans tous les arts, n'entendent rien à la mécanique. Leur orchestre est très bon ; leurs danseuses valent, à peu près, les nôtres.
Les femmes de Milan sont belles, mises avec beaucoup d'élégance, et je puis t'assurer qu'elles ne sont pas cruelles; mais lorsqu'elles vous font un cadeau, on s'en souvient longtemps. Il ne faut pas leur en vouloir, c'est le climat qui veut ça.
La force armée est à présent peu de chose ; on est en train de l'organiser, et elle sera mise sur le même pied qu'en France.
Pendant mon séjour à Milan, on a procédé à une réduction de moitié pour les deux Conseils. Le Directoire n'est plus composé que de trois membres. J'ignore ce qui a pu engager notre gouvernement à faire ces réductions; mes connaissances en politique ne s'étendent pas assez loin pour le deviner.
De Milan, j'ai été visiter Lodi. La ville est assez bien bâtie, les rues y sont larges, et presque toutes alignées. Je n'ai pas manqué de voir de près le fameux pont sous lequel passe l'Adda, et dont il est tant parlé dans les campagnes de Buonaparte. Je l'ai examiné de très près et de toutes les positions, et je n'y ai rien trouvé d'extraordinaire. Des habitants et des militaires, qui ont assisté à ce combat, m'ont assuré que l'importance de ce pont n'avait été que dans le rapport sur l'affaire.
De Lodi, je me suis rendu à Pavie, où j'ai vu un de mes bataillons. La ville est très ancienne, grande et de belle apparence. Il y a une célèbre université et un cabinet d'histoire naturelle intéressant. La salle de spectacle est très jolie; elle ressemble, pour la disposition, à celle de Milan, mais elle est beaucoup plus petite.
Pour entrer dans la ville du côté du sud, il y a un superbe pont de pierre, dont la longueur est de 518 pieds; c'est un pont couvert, sous lequel passe le Tessin. A un quart de lieue, du même côté, coule une autre rivière, sur laquelle est un pont de bateaux. Elle sert de limite aux Cisalpins et aux Piémontais.
A une lieue et demie, sur la roule de Milan, est située la célèbre Chartreuse (la Certosa). L'église est bâtie en marbre, l'extérieur est admirable par la magnificence de ses reliefs. A l'intérieur, il y a vingt chapelles de chaque côté, faisant face à la porte d'entrée. Moitié des autels est en reliefs du plus beau marbre, moitié en marbre uni de différentes couleurs, ce qui fait un effet merveilleux; le tout est incrusté d'agates, topazes, lapis-lazuli, jaspes et autres pierres précieuses. Le maître-autel est surtout remarquable par sa beauté et sa richesse. Parmi les plus beaux tableaux, je te signalerai celui qui représente le massacre des Chartreux à Londres, sous le règne de Henri VIII. Le tombeau de Jean Galéas Visconti, fondateur de ce monastère, est un
chef-d'oeuvre. Enfin, il faudrait un in-folio pour te décrire toutes les merveilles qu'on voit dans ce couvent. Il manque plusieurs tableaux, qui ont été enlevés par Buonaparte pour le musée de
Paris.
A une lieue de Pavie, la route de Voghera traverse le Pô sur un pont de bateaux long de 1,204 pieds. Je n'ai rien vu de bien remarquable dans cette ville. Après ce voyage, je suis rentré à
Tortone, où je suis toujours avec mon état-major. Sous peu, je me propose d'aller visiter aussi Parme et Plaisance.
On vient de découvrir une conspiration qui ne tendait à rien moins qu'à égorger tous les Français en Italie. Nos chefs ont été heureusement avertis à temps et toutes les mesures propres à faire échouer ce projet ont été prises.
J'oubliais de te dire qu'étant à Milan, j'ai été voir le général en chef. Il m'a fort bien reçu et m'a retenu à dîner. Il m'a fait son compliment sur la bonne tenue, la discipline et l'instruction de ma demi-brigade. Je vois avec plaisir qu'elle jouit dans cette armée de la même réputation qu'à l'armée du Rhin. L'inspecteur général m'a fait les mêmes éloges.
Adieu, mon ami, je t'embrasse ainsi que ta femme et ma nièce." (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 23).
Le 30 octobre 1798 (9 Brumaire an 7), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis la citadelle de Turin,, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre en date du 6 vendémiaire. J'ai écrit aussitôt à mon cousin Petit pour lui indiquer comment il doit s'y prendre pour faire venir son fils dans le corps que je commande. Dès qu'il sera ici, je pousserai son instruction et je le ferai entrer, aussitôt que possible, soit à mon bureau, soit à celui du quartier-maître. Tu vois que ce sera pour lui un service bien doux.
Nous occupons la citadelle de Turin depuis quinze jours. Je n'ai pas encore pu voir les beautés de la ville, parce que depuis plus d'un mois je souffre des fièvres. Je suis encore très faible et peux à peine marcher. Dès que ma santé m'aura permis de trotter par la ville, je te ferai la description de tout ce que j'aurai vu.
Je ne sais pas encore de quelle armée mon corps fera partie; je désirerais bien être de celle qui doit aller en Sicile.
Ma collection de monnaies s'augmente tous les jours. Elle vaut dans ce moment-ci plus de douze cents livres, valeur de francs. J'ai une pièce d'or qui, à elle seule, vaut six louis. Elle est de la grandeur d'un écu de six livres.
Je suis fâché d'apprendre que mon père n'ait pas fait une meilleure vendange. Dans ce pays-ci, la récolte a été abondante et le vin ne coûte presque rien. Nos soldats s'en donnent tant et tant.
Adieu, ton sincère ami" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 24).
Le 3 décembre 1798, Grouchy écrit, depuis Turin, à Joubert : "Je suis en mesure, quoi que vous ordonniez. La 68e demi-brigade brûle de zèle : votre ordre du 1er l'a enflammée" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 182).
Le 8 décembre 1798 (18 Frimaire an 7), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis la citadelle de Turin, à son frère : "Dans ma dernière lettre, mon cher ami, je te disais que j'avais attrapé les fièvres et que j'en étais très éprouvé. Je suis rétabli depuis une huitaine de jours et peux m'occuper de la défense de la citadelle. On croit que les affaires vont tout à fait se brouiller avec le roi sarde, car il paraît que nos ambassadeurs vont
quitter la ville et venir habiter avec nous à la citadelle, ainsi que tous les Français de la ville.
Le général Ménard, qui commandait ma division, a été renvoyé à Milan. C'est le général Grouchy qui le remplace. Il est arrivé le 11 de ce mois et nous a lu une proclamation du général en chef. Notre nouveau général a toute notre confiance.
Depuis plus d'un mois et demi que je suis ici, je n'ai pas encore pu visiter la ville; je ne puis rien t'en dire.
Tous les Piémontais et les autres étrangers qui étaient employés à la citadelle ont été renvoyés en ville. J'ai été obligé de congédier aussi mon domestique qui est de Livourne; il était dévoué et m'avait été utile pendant ma maladie, mais c'est l'ordre. Un de mes bataillons est détaché dans la province d'Albe ; il a mis les royalistes à la raison.
Adieu et reçois mon salut amical" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 25).
Le 11 Nivôse an 7 (31 décembre 1798), Bertrand Clauzel, Adjudant général, Chef de l'Etat-major de la Division du Piémont écrit, depuis le Quartier général de Turin : "D'après les dispositions arrêtées par le général Grouchy, commandant en Piémont, le chef de brigade Boutrouë prendra sur-le-champ le commandement de la place de Turin. Il viendra à l'état-major pour y recevoir les instructions du général Grouchy" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 183).
/ 1799
Le 2 janvier 1799, Grouchy écrit, depuis Turin, à Joubert : "Mon général, l'insurrection des provinces d'Albe et d'Asti est apaisée ; les chefs principaux sont arrêtés et en ce moment plusieurs doivent déjà être jugés et fusillés, conformément aux lois françaises contre les royalistes. Le désarmement de toutes les communes rurales s'effectue avec rapidité, les cloches de celles où le tocsin avait sonné se brisent, les arbres de la liberté se replantent, la soumission et l'ordre renaissent.
Les points principaux sur lesquels les révoltés se sont portés le plus en force sont Albe, Asti et Acqui ; ils étaient cinq à six mille à Asti, et sept à huit mille à Albe et Acqui. On les a vigoureusement repoussés partout ; mais c'est à l'affaire du 7, à Asti, qu'ils sont venus attaquer une seconde fois après un premier échec, qu'ils ont perdu le plus de monde, ayant été entourés par mes diverses colonnes et chargés par le 7e régiment qui les a écharpés.
L'adjudant général Flavigny, commandant la division de l'Est, dont Albe et Asti font partie, s'est bien conduit ; il a exécuté et exécute encore avec énergie et prudence les ordres et instructions que je lui ai donnés. Je dois louer aussi la conduite du chef d'escadron Lavran, commandant la colonne mobile formée du 7e dragons et d'un bataillon de la 68e demi-brigade.
Les troupes piémontaises ont montré les meilleures dispositions partout et ont marché avec les patriotes. Sous huit jours, j'espère que le désarmement le plus complet sera achevé dans ces deux provinces ; je vous ai déjà annoncé qu'on leur avait pris drapeaux et tambours.
Je vais faire rentrer le 7e de dragons et vous l'envoyer ; mais, mon général, ne songez pas, d'ici à quelque temps, à tirer de cavalerie de ce pays. Si je n'avais eu les dragons, cette insurrection prenait un tout autre caractère.
Les diverses opérations sur le papier de la monnaie sont des prétextes et on s'en sert toujours avec succès pour agiter le peuple, je vous l'ai marqué déjà. Je m'attends que d'autres mouvements partiels auront lieu ; mais, en me laissant des moyens, je réponds de les réprimer à l'instant ..." (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 18 ; cité par D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 182).
Le 16 Nivôse an 7 (5 janvier 1799), le Chef de Brigade Boutrouë fait la proclamation suivante : "Le commandant de place de Turin à ses concitoyens.
Sur le rapport qui vient de lui être fait par la municipalité de cette ville, que les ennemis du bon ordre et de la tranquillité publique s'étaient permis, au mépris des lois, de susciter des troubles aux différents théâtres, par des cris injurieux et significations qu'il répugne à répéter; que lorsque le peuple piémontais a conquis sa liberté, tous ceux qui appartenaient à des castes qui ont disparu avec l'ancien gouvernement, lorsqu'ils respectent les lois, doivent également être protégés par elles ; considérant qu'il est du devoir de sa place de réprimer de tels désordres et prévenir ceux qui pourront être occasionnés, déclare que dès le moment que la tranquillité publique sera troublée et qu'un citoyen sera insulté, les auteurs, instigateurs, fauteurs et complices seront sur-le-champ arrêtés et punis suivant la rigueur des lois; en conséquence, il est ordonné aux officiers de police des spectacles d'arrêter et faire conduire sous bonne et sûre garde toute personne qui contreviendra aux dispositions du présent arrêté, pour être statué ce qu'il appartiendra.
Le commandant de la place,
BOUTROUË.
Approuvé par le général Grouchy, Commandant en chef en Piémont" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 185).
Le 6 janvier 1799, Grouchy écrit, depuis Turin, à l'Adjudant général Flavigny : "... Le général en chef vient d'envoyer le général de brigade Musnier pour commander une forte colonne mobile dans le Piémont ; réunissez pour la lui former tout ce que vous avez de la 68e demi-brigade ; il emmènera d'ici un détachement de dragons et se rendra demain au soir ou après-demain à Asti. Préparez les choses de manière à ce qu'il puisse se mettre de suite en mouvement ..." (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 20).
Le 7 janvier 1799 (18 Nivôse an 7), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne et Commandant de la place, écrit, depuis Turin, à son frère : "Je reçois à l'instant ta lettre, mon cher ami; tu as dû voir par les Nouvelles que la guerre avec le roi de Sardaigne a été vite terminée.
J'étais bien loin de savoir, je t'assure, ce qui se passait si près de moi, relativement aux affaires de Naples, de Toscane et du Piémont. Le plus grand secret a régné pendant toute la durée des mouvements que faisaient les troupes; elles ignoraient les motifs et le but de leurs marches et contremarches. Nous apprimes enfin que ma demi-brigade était désignée pour l'expédition sur la ville. Je t'en dois le récit. En voici, en quelques traits, le tableau fidèle :
Dès le 15 du mois dernier, le général en chef nous avait adressé les instructions relatives à notre mission; tout l'honneur de l'expédition sur la capitale devait revenir à un détachement de ma demi-brigade. La troupe demeura quatre jours consignée à la citadelle, qui fut mise: en état de faire une défense opiniâtre : canons et obusiers en garnissaient les murs. Mais ces préparatifs de résistance furent inutiles.
Nous sortîmes de la citadelle et je me présentai à la tête de trois compagnies de grenadiers à l'arsenal de la place et m'en rendis maitre. Ce premier pas ne fut que le prélude de nos succès. Sans perdre de temps, je m'emparai aussi des portes de la ville occupées par les troupes sardes. Nous times notre entrée dans la ville où un morne silence régnait partout. Les habitants, encore indécis, portaient sur nous des regards remplis de défiance; mais devant nos ménagements et notre modération, le peuple nous combla bientôt de sa reconnaissance. Devenu libre, il nous salua du titre glorieux de libérateurs. Cette opération, hardiment conduite, ne fit qu'exciter l'enthousiasme du peuple et j'eus l'avantage d'entendre les cris mille fois répétés de : Vive la République française! Vive la 68e demi-brigade ! Vive nos libérateurs !
Le soir, à onze heures, le roi est sorti de la ville pour se retirer dans l'ile de Sardaigne, sous l'escorte d'un piquet de cavalerie sarde et d'un pareil nombre de troupes françaises.
Turin est dans ce moment le symbole de l'union et de la concorde. Le drapeau tricolore flotte sur les remparts, la cocarde aux trois couleurs est devenue la décoration nationale. Le 21, nous avons planté l'arbre de la Liberté; une illumination générale a été ordonnée et elle a été exécutée avec le meilleur goût.
Les rois doivent trembler pour eux; ils peuvent voir avec quelle facilité on renverse un gouvernement monarchique.
On vient d'organiser la garde nationale. Un gouvernement provisoire est établi, ainsi qu'une nouvelle municipalité.
L'ordre ayant été troublé à plusieurs reprises, surtout dans les salles de spectacle, par le patriotisme trop exalté de quelques citoyens, j'ai adressé aux habitants de la ville une proclamation que je t'envoie. Elle a produit tout l'effet que j'avais lieu d'en attendre.
Tu vois, par là, que je commande pour le moment la place de Turin. Ce n'est pas peu de chose, surtout dans un moment de révolution. Je ne tiens pas à être investi longtemps de cet honneur.
Palatin est fort sensible à ton souvenir. Il est dans ce moment couché fort mollement sur un sopha de soie cramoisie. François est toujours à mon service.
J'oubliais de te dire que ces jours derniers le général en chef m'a fait présent d'un joli cheval de quatre ans et demi.
Adieu, je t'embrasse ainsi que ta femme" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 26 - Note : Boutroue a donné le nom de Palatin à son chien, en souvenir de la campagne du Palatinat, où il l'avait accompagné).
Le 27 février 1799, le Général Grouchy écrit au Général en Chef : "Je vous instruis, général, qu'une insurrection vient d'éclater dans la province d'Acqui ; elle a éclaté à Strévi. L'arbre de la liberté a été abattu ; des proclamations royalistes et appelant le massacre des Français ont été répandues ; le commandant d'Acqui, le brave capitaine Bloyet, s'est porté dans cette commune avec tout ce qu'il avait de disponible du bataillon de garnison de la 29e légère, consistant en trente-six chasseurs et les officiers. Le commandant a été tué sur la place, un officier et sept chasseurs grièvement blessés, et le défaut de force a empêché que l'ordre ne fût rétabli.
J'ai pris sur-le-champ tous les moyens propres à ramener la tranquillité, punir d'une manière éclatante cette commune rebelle et venger le sang français. Comptez sur des mesures également énergiques et sages.
Toutefois, général, je l'ai déjà dit et je le répète, l'état du Piémont, les manœuvres constantes des royalistes et des ennemis de la liberté, l'esprit haineux et fanatique des Piémontais, rendent difficile qu'avec aussi peu de Français la tranquillité soit maintenue. Je n'ai dans ma division que deux bataillons de guerre de la 68e. Le reste n'est que bataillons de garnison, qui, ainsi que vous le voyez, ne fournissent pas plus de trente à quarante hommes disponibles.
Si des mouvements insurrectionnels se manifestaient dans plusieurs points à la fois, je serais gêné. Je n'ai d'ailleurs presque personne à Oneille ni sur les côtes, qui d'un moment à l'autre peuvent être insultées" (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 46).
Le même 27 février 1799, le Général Grouchy écrit encore au Général en Chef : "Général, l'insurrection royaliste et antifrançaise de la province d'Acqui prenant des accroissements, je me hâte de vous en faire part par un courrier extraordinaire. Les insurgés se sont emparés d'Acqui ; ils ont fait prisonnière la garnison, composée de bataillons de paix de la 29e demi-brigade et ont arrêté tous les patriotes.
Ainsi que je vous l'ai déjà marqué, j'ai pris toutes les mesures répressives et dirigé contre eux une colonne composée de deux bataillons de la 68e demi-brigade et deux escadrons du 12e dragons. Il ne reste à Turin qu'un bataillon de guerre de la 68e et deux escadrons de dragons ; on ne peut faire aucun fond sur les bataillons de garnison, seules troupes qui existent dans les provinces. Vous voyez, général, leur absolue nullité.
Cette insurrection n'est pas la seule qui soit au moment d'éclater ; une fermentation sourde existe dans plusieurs points et notamment dans la partie d'Aoste ; il faudrait être peu clairvoyant pour ne pas s'apercevoir que le moment des hostilités autrichiennes sera celui d'un soulèvement, sinon général, du moins dans diverses provinces ; les manœuvres de l'aristocratie, du royalisme, des prêtres et du parti antifrançais ne permettent pas de doutes à cet égard.
Il est possible alors, général, que le Piémont soit aussi funeste aux communications de l'armée avec la France que la Romanie l'a été à celles de Naples.
Je vous renouvelle donc avec instance la demande d'une demi-brigade et surtout de quelques officiers généraux capables. Je ne suis pas secondé, je dois vous le dire. Des moyens suffisants dans ces premiers instants préviendront des maux réels et rendront disponibles pour l'armée des forces qu'occupera ce pays si on ne les châtie maintenant.
Le commissaire civil Aymard se joint à moi pour vous assurer de la vérité de cette assertion.
Je suis informé que les manœuvres de quelques Liguriens entrent pour beaucoup dans les événements d'Acqui ; ils sont accusés d'avoir armé les insurgés et même de marcher avec eux. Je vous invite, général, à écrire à ce sujet au directoire de cet État". (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 48).
Le 3 mars 1799, le Général Grouchy écrit au Général en chef Delmas : "Je me hâte de vous rendre compte, général, des mesures que j'ai prises jusqu'à ce moment pour arrêter l'insurrection et des résultats qui en ont été la suite.
Aussitôt que j'ai eu des données certaines relativement à ce mouvement, voyant qu'il s'étendait à presque toute la division de l'est, qui comprend tout le pays situé entre le Pô et les frontières de la Ligurie, je me suis occupé des moyens de l'empêcher de s'étendre davantage ; j'ai donné ordre à l'adjudant général Séras, commandant la division du midi, de ramener tout ce qu'il pourrait et d'occuper ou renforcer Céva, Mondovi, Béné, Chérasque ; je lui ai en outre prescrit de se rendre avec le surplus de ce qu'il avait de forces à Albe, afin d'agir de là contre les insurgés des deux vallées de la Bornida. Il a été ordonné à l'adjudant général Mollard, commandant la division du nord, d'occuper, soit avec des gardes nationales sûres, soit avec ses meilleurs conscrits, Crescentino, Tria, Casale et autres points sur les bords du Pô, afin que l'insurrection ne gagnât point de l'autre côté de ce fleuve.
Espérant que vous m'enverriez quelques secours du côté d'Alexandrie, j'ai compté sur eux pour la partie de Tortone, où je n'avais personne à envoyer.
Ces dispositions faites, je suis parti de Turin avec deux bataillons de la 68e et 400 chevaux.
Arrivé à Asti, la moitié de ces forces, conduite par l'adjudant général Flavigny, a été dirigée sur Alexandrie, que menaçaient les insurgés ; l'autre a été destinée à marcher sur Acqui, où le bataillon de la 29e légère avait été pris et où les insurgés étaient aussi en grand nombre, menaçant et pillant les communes qui n'avaient point voulu prendre part à l'insurrection.
Le 1er, les insurgés s'étant présentés devant Alexandrie, quelques volées de coups de canon les ont éloignés ; une sortie, dans laquelle le 2e régiment de dragons piémontais et la garde nationale d'Alexandrie se sont parfaitement montrés, a chassé ce rassemblement ; plusieurs rebelles ont été tués ou faits prisonniers, entre autres le médecin Porta, chef de cette bande ; il a été fusillé à Alexandrie, ainsi que vingt-cinq autres rebelles pris les armes à la main. Par un mouvement combiné, la colonne de l'adjudant général Flavigny a dû se porter vers Acqui, où je marchais d'Asti, Flavigny passant par Cantalupo, où étaient les brigands en force, et moi par Nizze-la-Paille, où une colonne de révoltés était aussi et où j'espérais la joindre ; ils avaient évacué l'un et l'autre de ces points, de sorte qu'on n'a atteint que des partis qui ont été détruits, tous ceux pris les armes à la main ayant été tués sur la place. Strévi, où un détachement et le capitaine Blayat avaient été lâchement assassinés, a été livré aux flammes.
Les colonnes sont arrivées simultanément à Acqui ; cette commune a ouvert ses portes et le bataillon de la 29e a été mis en liberté ; j'en ai fait arrêter le chef, car, quoique cet ancien militaire ait eu jusqu'à ce jour une réputation sans tache et des actions honorables, sa conduite à Acqui, où il s'est rendu sans brûler une amorce, est bien étonnante.
J'ai fait arrêter à Acqui tous les membres d'une nouvelle municipalité et les commandants nommés par les rebelles ; ils subiront leur sort. La colonne mobile d'Albe opère en ce moment dans la vallée de la Bornida ; les révoltés ne tiennent nulle part, ce qui est fâcheux.
Le 3e régiment de cavalerie en a cependant rencontré un assez grand nombre entre Tortone et Alexandrie ; il les a attaqués avec audace et intelligence, les a dispersés, en a tué une trentaine, et pris dix ou douze.
Demain, je marche vers le Tortonais, où je présume que les insurgés peuvent encore être rassemblés, ainsi que du côté de Valence. Je les poursuivrai sans relâche" (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 53).
Le 18 Ventôse an 7 (8 mars 1799), Gouvernement provisoire piémontais écrit, depuis le Palais national à Turin, au Chef de Brigade Boutrouë : "Citoyen commandant,
Le Gouvernement apprend avec peine, citoyen, la perte qu'il fait de vous dans l'exercice honorable de vos fonctions de commandant de cette place.
La tranquillité que vous y avez constamment maintenue et le bon ordre qui y a régné méritent les regrets du Gouvernement, qui vous prie d'en agréer le témoignage et qui ne saurait assez rendre les éloges qui vous sont dus sous tous les rapports.
Salut républicain. BERTOLOTTI, président; PELLISSIER, sous-secrétaire général" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 187).
Le 22 Ventôse an 7 (12 mars 1799), la Municipalité de Turin écrit au Chef de Brigade Boutrouë : "La voix de la Patrie vous rappelle, citoyen, à vos fonctions primitives; elle ne vous permet plus de partager votre activité à la commune de Turin.
L'entrée de la 68e demi-brigade dans Turin formera toujours une époque consolante aux amis de la Liberté ; son chef aura toujours des droits à l'estime et à la reconnaissance de la municipalité.
Elle n'oubliera pas que quand Boutrouë veillait pour latranquillité, les réjouissances publiques ne laissaient craindre aucun événement funeste; elle n'oubliera pas que les soins et les mesures actives ont éventé les espérances des ennemis du bien-être commun et individuel.
L'abandon des droits attachés à la place vous assure d'autres droits à l'estime et à la reconnaissance de la municipalité; elle désirerait de pouvoir donner à ses sentiments la plus grande publicité. Sa situation et votre délicatesse ne lui permettent pas de vous le prouver autrement.
Les voeux de la municipalité de Turin vous accompagneront dans la carrière de l'honneur et feront écho à ceux que votre dévouement à la cause de la République vous auront mérités.
Salut et fraternité.
RIVA, président.
GIOBERTI" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 186).
Le 25 Ventôse an 7 (15 mars 1799), depuis le Quartier général de Turin, Emmanuel Grouchy, Général de Division, commandant en Piémont : "Certifie que le citoyen Boutrouë, chef de la 68e demi-brigade de bataille, tant en cette qualité que comme président du Conseil de guerre et comme commandant de la place de Turin, fonctions auxquelles il a été successivement appelé depuis l'entrée des troupes françaises en Piémont jusqu'à ce jour, a constamment montré du civisme, du zèle et de l'intégrité; qu'ainsi il a acquis des droits à l'estime des vrais républicains" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 186).
Le commandant en chef Schérer établit son Quartier général dans à Pizzighitone et écrit de là, le 14 avril 1799, à Grouchy : "La position de l'armée exige, mon cher général, que je fasse porter des troupes sur Plaisance et dans le Ferrarois, et je suis forcé d'en tirer encore de votre commandement pour cette destination. Faites partir de suite un bataillon de la 68e demi-brigade avec deux escadrons du 12e régiment de dragons sous les ordres du général Clauzel pour se rendre à Plaisance, que ces troupes seront chargées de défendre ; elles s'y rendront à grandes marches.
Je vais faire diriger de même deux autres bataillons avec un régiment de cavalerie sur le Pô. Toutes ces troupes réunies sous les ordres du général de division Montrichard seront destinées à agir sur le Pô et à observer les mouvements de l'ennemi et à réprimer en même temps les mouvements insurrectionnels qui se sont manifestés dans le Ferrarois ..." (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 72).
Le 21 Floréal an 7 (10 mai 1799), le Général de Division Victor Perrin écrit, depuis le Quartier général d'Alexandrie, au Chef de Brigade Boutrouë : "Je vous préviens, citoyen commandant, que je vous ai choisi pour commander le corps de réserve de ma division. Il est composé du bataillon de Polonais qui se trouve dans Alexandrie, du 2e bataillon de la 68e demi-brigade, du 18e régiment de cavalerie et de 4 pièces de canon.
Vous l'assemblerez aujourd'hui à midi sur la place de cette ville pour partir et vous rendre en bon ordre à Villa del foro, où il restera cantonné jusqu'à nouvel ordre" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 188).
Le 11 juillet 1799 (23 Messidor an 7), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne et Commandant de la place, écrit, depuis Campo frcdo en Ligurie, à son frère : "Nous avons quitté Turin, mon cher ami, pour l'armée active le 17 floréal. J'avais conservé le commandement de la place jusqu'à la fin de ventôse, ce qui ne m'a pas empêché de présider le conseil de guerre de la division pendant un mois. Tu vois que les occupations ne m'ont pas manqué. La municipalité de Turin et le gouvernement provisoire, par l'organe de leurs présidents, m'ont témoigné leurs regrets de me voir quitter la place.
Tu me dis que mes lettres de Turin ne te sont pas toutes parvenues; les communications avec la France n'étaient pas bien sûres, elles vont le devenir moins encore.
Depuis mon départ de Turin, j'ai toujours été dans l'impossibilité de t'écrire, au milieu de toutes les marches que nous avons été obligés de faire. Pendant ce temps, j'ai reçu le commandement d'un corps important composé d'infanterie, de cavalarie et d'artillerie. A présent, nous sommes un peu plus tranquilles; j'en profite pour te donner de mes nouvelles.
Ma demi-brigade est toute dispersée. Mon premier bataillon est à l'armée de Toscane, mon second est avec moi; quant à mon troisième, il occupait la citadelle de Turin, mais on vient de m'assurer que la citadelle s'était rendue et que mon bataillon avait été fait prisonnier de guerre. Il doit être maintenant rentré en France. La capitulation porte, dit-on, que les corps emmèneront leurs équipages. Je le souhaite, car j'avais laissé toutes mes malles à la citadelle. Mon premier bataillon doit venir me rejoindre; j'ignore s'il a beaucoup souffert dans sa retraite, mais je sais qu'il a été très éprouvé à la bataille de la Trebbia.
Le deuxième, que je commande, s'est trouvé à plusieurs affaires importantes, notamment à celle du 2 de ce mois, où il s'est couvert de gloire ainsi que toute la brigade. Depuis très longtemps je n'avais vu une affaire aussi chaude. L'ennemi a perdu, dans cette journée, 3,000 hommes tués ou blessés, 2,000 prisonniers et 5 pièces de canon. Si la nuit ne fût venue, nous eussions certainement pris toute son artillerie et ses hagages. Ma perte s'est montée à 212 hommes, tant tués, blessés que faits prisonniers, ce qui est beaucoup pour un seul bataillon. A l'affaire du 27 floréal, j'avais déjà perdu 94 hommes.
Si nos revers ne nous eussent pas forcés d'abandonner le Piémont, je serais maintenant marié à Turin, à la ci-devant comtesse de Ricaldone, jeune veuve de trente ans et très fortunée; nous sommes toujours en relations. Si les renforts qui doivent nous arriver de France viennent bientôt, nous ne tarderons pas sûrement à reprendre le Piémont. C'est alors, mon ami, que j'irai à Turin tenir l'engagement que j'ai pris de m'unir à ma maîtresse.
J'ai laissé en dépôt chez cette dame la somme de 3,466 livres, argent de France, tant en pièces d'or que d'argent; ma collection de monnaies et médailles, huit paires de bas de soie neufs, six gilets blancs, six cravates et trois culottes; j'ai la reconnaissance du tout. Je lui ai donné l'adresse de mon père et la tienne, et, s'il m'arrivait un événement fâcheux pendant la campagne, vous pourriez lui réclamer cette somme et mes effets.
Mon cousin Petit, que j'avais laissé à Turin avec mon 3e bataillon, a été fait prisonnier dans cette ville; il est maintenant en France, et viendra me rejoindre s'il parvient à se faire échanger.
Adieu, mon ami; je t'embrasse ainsi que ta femme, et suis bien sincèrement ton ami.
P. S. - L'adresse de ma maîtresse est: Madame Agliaga, Camille, Montegrone, veuve Ricaldone, près le théâtre Carignan, à Turin." (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 27).
- Bataille de Novi, 15 août 1799
L'aile gauche, vivement pressée par Kray, se retire en désordre, par Pasturana, à une très-grande distance de Novi. Dans cette bataille, entièrement perdue pour nous, le 6e Hussards, que commande le Chef d'Escadron Bordesoul, depuis le départ du Général Laroche, combat à l'aile gauche. Lors de la retraite, ce Régiment, réduit à 300 chevaux, est chargé de faire l'arrière-garde, avec un Escadron du 1er Hussards, un Escadron de Cuirassiers et un Bataillon de la 68e Demi brigade. En arrivant au défilé de Pasturana, où l'artillerie encombre la route, Bordesoul essaie vainement de contenir l'ennemi ; il doit céder au nombre et chercher à s'échapper. Les chemins étant impraticables, sa petite troupe est enveloppée dans Pasturana, où les Autrichiens en prennent une forte partie, ainsi qu'un grand nombre de canons et de soldats de différents Corps. Les Généraux Grouchy, Pérignon et Colli y sont faits prisonniers (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 96).
Grouchy raconte : "… La division Lemoine fut spécialement chargée de couvrir la retraite. Une portion de la 68e demi-brigade, à la tête de laquelle se mit le général Colli, eut ordre de retarder et d'amuser autant que possible les Russes, en tenant jusqu'à la dernière extrémité dans la position qu'elle avait si bien défendue pendant toute la journée…" (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 127).
Grouchy raconte : "… Le général Colli, qui, avec un bataillon de la 68e demi-brigade, combattait toujours en se retirant, contribuait efficacement aussi, par sa fermeté et par un feu des plus vifs, à arrêter les Russes et à les éloigner de notre arrière-garde. Arrivé à hauteur de Pasturana, il y prit encore position ; mais, notre armée étant déjà éloignée, l'impossibilité d'emmener l'artillerie étant reconnue, il n'eut plus qu'à sauver les braves qui l'accompagnaient. Il prescrivit les dispositions nécessaires, et, favorisée par la nuit, qui était déjà obscure, la majeure partie de ce bataillon parvint à rejoindre l'armée. Malheureusement le général Colli eut son cheval tué sous lui et fut fait prisonnier après avoir reçu plusieurs coups de baïonnettes …" (Grouchy (Marquis de) : « Mémoires du Maréchal de Grouchy », Paris, Dentu, 1873, t. 2, p. 127).
Boutrouë est fait fait prisonnier avec Colli, son Général de Brigade, en protégeant la retraite de l'armée. "Il ne restait plus que la faible brigade Colli. La réserve de cavalerie, après des prodiges de valeur sur le plateau en avant de Pasturna, avait cédé au torrent; néanmoins, Colli, ignorant le désastre de l'aile gauche, suivit à la lettre ses premières instructions: il arriva, en combattant, à l'entrée du village, et s'y maintint jusqu'à neuf heures, faisant face de toutes parts. Instruit alors de la retraite de l'armée il allait opérer la sienne, lorsqu'il fut pris à dos par le prince Bagration. Cette attaque inopinée dispersa ses troupes fatiguées, et il resta seul avec la 68e, déterminé à vendre chèrement sa vie. Ces braves gens, enveloppés, succombèrent sous les coups redoublés des Russes ; le petit nombre qui survécut à la défaite fut fait prisonnier avec l'intrépide Colli, qu'on releva du champ de bataille grièvement blessé" (Jomini).
"A la bataille de Novi, le 28 thermidor an VII, le chef de brigade, chargé de soutenir la retraite avec son 1er bataillon, fut enveloppé de toutes parts et séparé du reste de l'armée. Il ne cessa de donner l'exemple du courage le plus intrépide, comme celui du dévouement le plus héroïque" (Extrait des états de services du colonel Boutrouë).
Fin août 1799, la Division Laboissière se compose de la Brigade Quesnel (14e et 68e Demi- brigades de Ligne, à Montenotte ; 24e Demi-brigade de Ligne, à Pian del Merla ; 63e Demi-brigade de ligne, à Santo-Bernardo ; 6e Hussards, à Arbizola) et de la Brigade Gardane (17e et 18e Demi-brigades légères, à Sassello ; 21e Demi - brigade de ligne , à Stella) (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 97).
Le 22 septembre 1799, Championnet arrive au Quartier général de Gênes pour prendre le commandement en chef. A cette date, la 24e et la 68e de Ligne occupent Dego (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 99).
L'attaque de Mondovi, que les Autrichiens occupent en force, présente de sérieuses difficultés. Championnet prescrit à Laboissière d'envoyer provisoirement à la Division Lemoine la Brigade Gardanne. La Division Laboissière ne comprend plus que la seule Brigade Quesnel, formée de la 18e Légère, des 14e, 21e, 24e et 68e de ligne, et du 6e hussards, réduit aux 80 hommes que commande le Chef de Brigade Pajol (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 100).
Le 29, la Brigade Quesnel détache la 14e de Ligne à Calissano, Melogno et Sette-Pani, afin de garder les débouchés de Finale ; et la 68e, à Millesimo, pour couvrir ceux de Savone (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 100).
Le 6 octobre 1799 (11 Vendémiaire an 8), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Limoge, à son frère : "Tu auras, sans doute, appris par mon père, mon bon ami, que j'avais été fait prisonnier de guerre à la bataille de Novi, le 28 thermidor dernier, à la dernière heure de la lutte avec messieurs les Husses. J'ai été rendu sur parole le 4 fructidor, et, depuis cette époque, je suis en route pour me rendee à Niort, dans le département des Deux-Sèvres, où est maintenant mon 3e bataillon, celui qui a été fait prisonnier à Turin. J'y resterai jusqu'à mon échange. En attendant ce moment, je me propose d'aller vous voir, si toutefois ma présence n'est pas nécessaire dans ce nouveau pays, où la chouannerie se fait encore sentir.
Pour que tu sois à même de voir sur ta carte la route que j'ai tenue jusqu'ici, je vais te donner les noms des principales villes par où je suis passé : Novi, Gênes, Savone, Oneglia, San-Remo, Nice, Draguignan, Toulon, Marseille, Avignon, Montélimart, Vienne, Roanne, Clermont, Aubusson, Bourganeuf.
Le commissaire des guerres ne m'ayant pas encore fait ma continuation de route pour Niort, je ne sais pas par où je passerai.
Les événements qui sont survenus à Paris pendant le courant de l'été auraient dû, dans d'autres temps que ceux-ci, produire d'heureux résultats. Mais je vois qu'ils ont passé sans amener aucun changement favorable, par la raison que l'aveuglement dont sont affligés les arbitres de nos destinées est tel qu'aucun d'eux n'aperçoit le gouffre qui s'ouvre sous ses pas. Jamais la postérité ne pourra croire aux facilités que trouvent aujourd'hui les méchants et les aigrefins pour réussir. Il semble que chacun s'empresse à leur aplanir les difficultés, et pourtant, quoiqu'il y ait assurément bien des gens corrompus, nous ne sommes pas dégénérés à ce point ; la masse de la nation, au fond, est bonne, ou, du moins, si elle ne l'est pas effectivement, activement, elle ne demande qu'à l'être; je puis te l'affirmer, car j'ai observé bien des choses en traversant nos départements du Midi. Il faut naturellement conclure de tout cela que ceux qui, par leur position, pourraient chàtier, anéantir les uns et protéger les autres sont véritablement bien coupables, et qu'ils assument sur leur tête une grande et terrible responsabilité. Cependant, il ne faut pas perdre tout espoir, parce que, d'un moment à l'autre et à l'instant où l'on s'y attend le moins, il peut arriver des événements qui changent totalement la face des affaires. Au surplus, dussions-nous être les dupes d'éternelles illusions, ne fermons jamais nos coeurs à l'espérance.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt tous les détails de ta dernière lettre. J'approuve d'autant plus les travaux que tu as fait faire cet été dans ta maison, qu'ils donnent plus de valeur à ta propriété, et qu'ils augmentent encore tes modestes jouissances.
Je t'écrirai aussitôt arrivé à Niort.
Adieu, mon ami; je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 28).
Le 21 octobre 1799, la Division Laboissière établit la 68e, en arrière de Gavi, et le 6e Hussards, fort de 93 hommes, à Gavi (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 101).
Le 25 octobre 1799, le Général Duhesme adresse, depuis Oulx, au Général Grenier, pour la 2e Division de l'aile gauche de l'Armée d’Italie, un Etat certifié et signé à Oulx le 3 Brumaire an 8 (25 octobre 1799) : "Etat des recettes et dépenses faites, d’après les ordres du Général de Division Duhesme, par le préposé à la recette des contributions de cette Division ...
16 vendémiaire an 8 68e demi-brigade d’infanterie de bataille pour avance à titre de prêt 200 livres ..." (Papiers du général Paul Grenier. II Pièces se rapportant à l'armée d'Italie. 1768-1827, BNF, Paris. Doc 144 pages 301-302).
La Division Laboissière n’est pas inquiétée dans ses positions d'Acqui ; mais elle se trouve considérablement réduite par suite du départ, le 25 novembre, des 14e et 68e Demi-brigades d'infanterie et du 6e Régiment de Hussards, qui sont acheminés vers la France, pour faire partie de l'Armée du Rhin (Pajol (Cte de) : « Pajol, Général en chef », Firmin Didot, Paris, 1874, t. 2, p. 104).
Le 4 décembre 1799 (13 frimaire an 8), le Consul Bonaparte fait écrire, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Le ministre de la guerre réunira chez lui les généraux Moreau et Clarke, pour arrêter ensemble un plan d'opérations pour la nouvelle armée du Rhin.
Les Consuls désireraient que, vers la fin de décembre, l'armée du Rhin se portât en Bavière. Elle sera renforcée, 1° des 4e, 15e, 56e, 42e, 51e, 68e, de deux demi-brigades bataves et deux demi-brigades françaises de l'armée qui est en Batavie, du 21e régiment de chasseurs, qui est à Paris, et de trois régiments de cavalerie, qui sont en Batavie; 2° de tous les bataillons de conscrits qu'il sera possible d'y envoyer et qu'on incorporera au moment de leur arrivée.
Le ministre de la guerre retirera de l'intérieur tous les régiments de cavalerie qu'il pourra, afin de les envoyer à l'armée du Rhin. Il y enverra particulièrement le 11e de hussards, qu'on équipera à cet effet le plus promptement possible" (Correspondance de Napoléon, t.6, lettre 4413 ; cité par De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1800, t.1, p. 7).
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Le 7 février 1800 (18 Pluviôse an 8), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Fontenay-le-Peuple, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre en date du 5 pluviôse. Il paraît que tu n'as pas reçu ma dernière, en date du 1er nivôse. Je t'accusais réception de la lettre de ma maîtresse de Turin, que tu m'as renvoyée. Je ne t'ai pas écrit depuis ce temps; l'aurais-je fait, que mes lettres ne te seraient pas parvenues, car toutes nos correspondances étaient interrompues par messieurs les Chouans.
Avant la paix faite avec eux, nous occupions les Sables d'Olonne, Saint-Gilles, la Roche-sur-Yon, les Herbiers et Fontenay. Tous ces endroits sont très éloignés les uns des autres, et mes détachements ne pouvaient correspondre entre eux. Maintenant que nous avons la paix,je le donnerai plus souvent de mes nouvelles.
Quelques jours avant la pacification de la Vendée, nous leur avong donné une belle frottée près les Sables ; nous leur avons tué beaucoup d'hommes et en avons noyé une soixantaine dans les marais des Sables. Nous leur avons fait, en outre, 300 prisonniers, mais on leur a fait grâce, même à ceux que nous avons pris déguisés.
Nous sommes assez tranquilles, et il paraît que tous les habitants sont très contents d'être en paix. Dieu veuille que cela dure. Je crains pourtant que, quand nous irons les désarmer, ils ne fassent un peu la grimace. C'est après cette opération que nous pourrons compter sur une paix solide.
Je suis charmé que messieurs les Chouans n'aient pas pu réaliser leurs projets dans notre pays, et qu'enfin tes propriétés soient restées intactes.
J'ai oublié jusqu'à ce jour de te parler de mon brave Palatin; il a été fait prisonnier de guerre à l'affaire du 23 floréal, devant Valence; depuis ce temps je n'ai pas entendu parler de lui; mais il n'a pas dû s'habituer avec les Russes, car il ne les aimait pas beaucoup. Comme j'ai encore une vingtaine de mes officiers prisonniers qui ne tarderont pas à rentrer en France, j'espère encore que quelqu'un d'entre eux me le ramènera. En attendant, j'ai un autre chien; il est tout jeune et je ne négligerai rien pour lui donner une brillante éducation. Ces jours-ci je lui donnerai des maîtres. Il s'appelle Souvarow.
J'ai reçu dernièrement une lettre de l'ami Pasquenot, capitaine commandant la gendarmerie dans le département de la Charente, à la résidence d'Angoulême. C'est par hasard que j'ai appris sa présence dans ce pays. Je comptais bien lui écrire, mais il m'a prévenu en écrivant le premier. Il a su mon retour en France par un grenadier de mon corps, de passage à Angoulême.
La pacification de la Vendée va me décider à demander au ministre de la guerre un congé de quelques décades pour aller voir ma famille; j'espère qu'il ne me le refusera pas. Je ferai en sorte de n'obtenir ce congé que dans les premiers jours du printemps.
J'ai toujours François à mon service. J'avais avec lui un autre domestique qui était Piémontais, mais le gaillard n'a pas pu s'accoutumer à coucher en plaine; aussi m'a-t-il bien vite quitté. Je l'ai remplacé par le frère de François, qui était au service d'un de mes chefs de bataillon tué à la bataille de la Trebbia, près de Plaisance.
Je suis sensible au souvenir de mes amis de La Ferté-Bernard. Veuille bien leur dire mille choses honnêtes de ma part.
Je t'embrasse et suis ton ami" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 29).
Le 11 février 1800 (22 pluviôse an 8), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Faites-moi connaître où sont les 3e bataillons des 7e, 8e, 16e et 17e légères, des 24e, 72e, 68e et 93e de ligne ..." (Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1911, t.2, lettre 1156 ; Correspondance générale, t.3, lettre 4963 ; le 14 février 1800 (25 pluviôse an 8).
Le 14 février 1800 (25 pluviôse an VIII), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Faites-moi connaître où sont les troisièmes bataillons :
... les 34e, 68e, 72e, 93e de ligne ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 4982).
Le 30 Pluviôse an 8 (19 février 1800), le Général Travot écrit au commandant de Fontenay : "... Le départ de tout ce que j’ai de la 19e légère m’oblige de vous retirer les 3 compagnies de la 68e que vous avez présentement ; après que vous les aurez fait remplacer par d’autres troupes donnez-leur l’ordre de se rendre, 2 compagnies à Mortagne et l’autre compagnie à Tiffauges. Dans ces nouveaux cantonnements elles seront sous les ordres immédiats du chef de bataillon Dieu qui tiendra sa résidence à Montaigu. J’adresse directement à la demi-compagnie qui est à Chantonnay l’ordre de passer à Rocheservière. Comme je me trouve dans l’impossibilité de faire occuper Bournezeau par les troupes de la Roche-sur-Yon, je vous invite de vouloir bien y placer un détachement. Il pourrait être fourni par les compagnies que vous placeriez à Chantonnay.
Ordonnez tous ces mouvements sur le champ.
Vous voudrez bien toujours informer le commissaire des guerres des changements que vous opérez dans l’étendue de votre arrondissement ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot (15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 30 Pluviôse an 8 (19 février 1800), le Général Travot écrit : "Donné les ordres nécessaires pour que les grenadiers du 3e bataillon de la 70e partent des sables le 2 ventôse pour se rendre aux Herbiers. Que les compagnies de la 68e qui sont à Chantonnay, Bournezeau, Saint-Florent-des-Bois et au Tablier, passent à Rocheservière. Que la compagnie de la 68e qui est à Montchamp se rende à Saint-Fulgent. Que la demi-compagnie de la 70e qui est à Saint-Fulgent se rende aux Essarts. Les ordres sont également donnés pour que les listes des individus rentrés avec armes soient laissées sous enveloppe avec les instructions pour les cantonnements qui doivent être occupés tels que Chantonnay, Bournezeau et Saint-Fulgent, et qu’elles me soient envoyées directement pour ceux qui resteront sans troupes momentanément" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot (15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 8 Ventôse an 8 (28 février 1800), le Général Travot écrit au Commandant Dieu de la 68e : "Après que vous aurez délivré aux grenadiers de la 70e sur le bon que je leur ai versé, cinquante paires de souliers, vous prendrez pour votre bataillon ce qui restera en magasin à Montaigu.
Un officier du 2e bataillon de la 17e légère, chargé par son chef de bataillon d’aller à Nantes recevoir des souliers pour ce corps, doit en laisser 149 paires en magasin à Montaigu ; vous aurez la complaisance de les y faire déposer lors du passage de cet officier de de les garder à ma disposition.
Depuis un très grand laps de temps, je n’entends plus parler de la 234e compagnie de vétérans, aurait-elle reçu directement de l’état-major de la division l’ordre de quitter Montaigu ? Mandez-moi ce qu’il en est, s’il vous plait.
Adressez-moi régulièrement vos rapports et états de situation décadaire conformes au modèle que vous aura sans doute laissé le Citoyen Levieu" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot (15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 12 Ventôse an 8 (3 mars 1800), le Général Travot écrit au Général Muller : "Je vous adresse, ci-jointe, citoyen général, des pétitions faites au général en chef par deux officiers de la 68e. Ils vous prient de vouloir bien la viser et la lui faire passer. C’est dans cette bonté de votre part qu’ils fondent tout espoir de droit à leurs réclamations …" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 6 mars 1800 (15 ventôse an 8), Bonaparte écrit, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Faites-moi connaître la situation du troisième bataillon de la 68e de ligne, qui est [à] l’armée de l'Ouest. Est-il dans le cas de faire la guerre ?" (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 5051).
Le 25 Ventôse an 8 (16 mars 1800), le Général Travot écrit au commandant de Fontenay : "Donnez l’ordre au capitaine Caron de se rendre avec les deux compagnies dans les cantonnements suivants pour y opérer le désarmement conformément aux instructions contenues à son adresse que vous voudrez bien lui remettre 1 Officier 40 hommes à Mareuil, 1 officier 65 à Bouvacque ( ?), 2 officiers et 72 hommes au Tablier, donnez en en même temps à la compagnie de la 56e qui est à … ( ?) l’ordre de se rendre où vous le croirez utile dans votre arrondissement. D’après cette disposition, vous aurez de disponible pour le désarmement de votre arrondissement les deux bataillons de la 56e, le dépôt de la 68e et la compagnie franche, plus que suffisants pour occuper Fontenay. Parlez au commissaire des guerres pour qu’il assure les subsistances dans les communes où vous placerez vos troupes" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 26 Ventôse an 8 (16 mars 1800), le Général Travot écrit : "Veuillez donner sur le champ à 200 hommes de la 56e l’ordre de se rendre directement et promptement à Mortagne, où la tranquillité publique me parait sérieusement menacée, d’après les rapports que je viens d’en recevoir. Je me rends dans cette partie-là, je serai à portée de pénétrer dans peu d’heures dans votre arrondissement avec les 200 hommes que vous allez m’envoyer, si le désarmement donnait lieu à quelque rumeur. Vous pouvez, pour remplacer le vide que ce départ va laisser dans votre territoire, disposer et faire partir de Fontenay tout ce que le dépôt de la 68e peut fournir d’hommes en état de marcher ; enfin, usez de tous les moyens qui vous paraitront les plus propres à assurer au désarmement un prompt et entier succès ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 9 Germinal an 8 (30 mars 1800), le Général Travot écrit aussi au Commandant de Fontenay : "Vous voudrez bien, conformément aux dispositions arrêtées par le général en chef, ordonner à tout ce que vous avez de la 56e de ligne dans votre arrondissement de passer à Niort pour y être sous le commandement immédiat du général Dufresse. Vous préviendrez ce général du jour où ces troupes lui arriveront.
Je me trouve bien malgré moi forcé à vous réduire, pour tout votre arrondissement, à la 3e compagnie franche et au dépôt de la 68e. Il vous faut faire en sorte que cela vous suffise. Il me semble que vous ferez bien de vous en tenir à faire occuper simplement Pouzauges par la compagnie franche et la Chataigneraie par les hommes dans le cas de marcher du dépôt de la 68e. Il convient d’après cela que vous fassiez rejoindre de suite toutes les permissions de la compagnie franche.
Profitez du court séjour que la 56e a encore à faire dans votre arrondissement pour presser la remise des armes. Il ne faudra cependant pas en trop retarder le départ, parce que le général Dufresse va se trouver tout aussi embarrassé que moi.
Sur le rapport que vous me ferez, que le désarmement sera plus ou moins parfait dans votre arrondissement, je pourrai bien y faire paraitre momentanément une partie du 3e bataillon de la 68e.
Mandez-moi souvent où en est l’opération concernant la levée des chevaux de remonte, car très souvent, le chef de l’état-major me demande des renseignements à ce sujet.
Je vous enverrai incessamment des cartouches" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 9 Germinal an 8 (30 mars 1800), le Général Travot écrit au Chef de l’Etat-major de la 12e Division : "J’ai reçu par une ordonnance pressée votre lettre du 7 courant ... Vous devez voir par mon état de situation qu’il ne me reste plus qu’un bataillon de la 68e fort de 647 hommes officiers compris, pour faire le service actif que peut exiger ma subdivision et 748 hommes provenant tant du dépôt de la 68e que des compagnies franches, des vétérans, des canonniers de terre et des chasseurs de la Vendée pour le service des places. Vous devez convenir que c’est tout à fait trop peu, dans ce moment-ci surtout ou depuis peu de jours seulement on s’occupe du désarmement. Je ferai cependant en sorte de faire avec aussi peu de moyens, face à tous les besoins de troupes que va éprouver ce département. Ce sera une tâche bien difficile, je ne me le dissimule point ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Toujours le même 9 Germinal an 8 (30 mars 1800), le Général Travot écrit aussi au Chef de Brigade Dieu, de la 68e, à Montaigu : "Vous voudrez bien ordonner aux détachements de la 56e de ligne qui occupent La Vérie, La Gaubertiere et Saint-Laurent de partir sans être relevés pour se rendre à Niort passant par Fontenay, et le prévenir que les bataillons auxquels ils appartiennent passent en totalité dans le département des Deux-Sèvres. Mes détachements de La Vérie et de Saint-Laurent enverront les armes qui leur auront été remises à Mortagne et celui de la Gaubertiere les enverra aux Herbiers et à Tiffauges avec les états des hommes qui les auront déposées. Pressez le désarmement dans votre arrondissement, car on m’enlève une partie de Pouzauges. Ne parlez pas de cette extrême réduction dans les forces de ma subdivision à qui que ce soit, afin que le peuple l’ignore" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 13 Germinal an 8 (3 avril 1800), le Général Travot écrit au Citoyen Boutroüe, Chef de la 68e : "Je vous autorise d’envoyer aux Caux les militaires de votre dépôt auxquels ils viennent d’être reconnus nécessaires, vous les ferez marcher isolément ou par détachement, suivant qu’il vous paraitra plus convenable. Je ne puis accéder à la demande que vous avez faite de faire rejoindre les militaires de vos deux premiers bataillons, le nombre en est trop considérable pour que je me détermine à affaiblir d’autant les forces de ma subdivision déjà extrêmement réduites par le départ des canonniers marins, la 56e et la 70e de ligne"" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 13 Germinal an 8 (3 avril 1800), le Général Travot écrit au Capitaine Champion, de la 68e : "Vous voudrez bien, citoyen, faire partir sur le champ une de vos compagnies pour se rendre aux Herbiers y relever les grenadiers de la 70e qui doivent se rendre le 17 à Fontenay.
Je préviens de cette disposition votre chef de bataillon. Je m’adresse à vous pour son exécution, par ce que je présume que le citoyen Havran ( ?) n’est plus à Mortagne.
Vous ordonnerez à l’officier qui commandera cette compagnie de poursuivre dans l’arrondissement qui était déterminé pour le poste des Herbiers, l’opération du désarmement. Celui qu’il remplacera lui remettra toutes les instructions qui lui seront nécessaires" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 13 Germinal an 8 (3 avril 1800), le Général Travot écrit au Capitaine de Grenadiers de la 70e, aux Herbiers : "Il vous est ordonné de partir des Herbiers le 16 du courant pour arriver le 17 à Fontenay où vous recevrez de nouveaux ordres de votre chef de bataillon. Prenez la route la plus directe, en vous pourvoyant de vivres pour vos deux jours de marche.
Une compagnie de Mortagne doit venir vous relever aux Herbiers ; vous voudrez bien remettre à l’officier qui la commandera tous les renseignements qui lui sont nécessaires pour achever le désarmement ; vous lui ferez aussi une remise exacte des armes déposées et des registres que vous avez dû tenir des individus désarmés" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Toujour le 13 Germinal an 8 (3 avril 1800), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Dieu, de la 68e, à Montaigu : "Le départ des 56e et 70e de ligne me réduit à votre seul bataillon pour toute ma subdivision. Je viens déjà d’ordonner au capitaine Champion de faire partir de Mortagne une compagnie pour venir relever aux Herbiers les grenadiers de la 70e.
Il faut que vous envoyiez sur le champ la plus forte des compagnies que vous avez à Montaigu, pour occuper les cantonnements de Palluau, du Luc et du Poiré et que vous donniez à une autre compagnie de se rendre, les 2/3 aux Essarts et l’autre tiers à la Chaize. Ces deux compagnies seront sous les ordres immédiats du capitaine Lacroix qui commandera l’arrondissement de la Roche-sur-Yon.
D’après ces dispositions, votre bataillon se trouvera placé ainsi qu’il suit :
2 compagnies à Montaigu, 1 à Tiffauges, 1 à Mortagne, 1 aux Herbiers ; 1 à Saint-Fulgent, 1 à la Chaize et aux Essarts, 1 à Palluau, au Luc et au Poiré, et 1 à Rocheservière.
Pressez le désarmement et faites en sorte qu’il s’effectue parfaitement. Il serait à propos que vous feriez dès à présent transporter à Montaigu toutes les armes déposées jusqu’à ce jour dans les cantonnements" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 21 Germinal an 8 (11 avril 1800), le Général Travot écrit au Général commandant la Division : "J’ai l’honneur de vous rendre compte, citoyen général, que le 18 courant, dans la matinée, il y a eu à Fontenay du désordre occasionné par les grenadiers de la 70e qui voulaient absolument, qu’avant de se mettre en marche, on leur paye tout ce qui leur était dû. On est cependant parvenu à les ramener à la raison par la promesse qu’on leur a faite qu’ils seraient payés de tout leur arriéré à Niort. Depuis près de trois ans que ce corps était sous mes ordres, c’est le premier sujet de mécontentement que j’ai eu contre cette compagnie de grenadiers. Il faut qu’elle ait été fortement stimulée par quelques malveillants pour s’être oubliée à ce point.
Le soir du même jour, la 56e qui devait aussi partir le lendemain pour Niort, en a fait autant que les grenadiers de la 70e, pour avoir ce qui lui était dû ; il a fallu pour la ramener à l’ordre, épuiser toute la caisse du receveur du Fontenay, pour lui donner un acompte ; il lui est dû encore considérablement.
Il est essentiel, citoyen général, que je vous observe que depuis dix mois, la rentrée des contributions est presque nulle dans toute la partie ci-devant insurgée, et que conséquemment, ce département n’a offert jusqu’à ce jour, en raison du grand nombre de troupes qui s’y trouvaient que des ressources bien insuffisantes ; il a fallu abandonner le service des vivres viandes, celui du bois et lumières, et laisser cumuler l’arriéré qui se trouve énorme puisqu’à la 68e seule, il est dû plus de 44 mille francs et qu’à la 70e et à la 56e, il était dû avant leur départ plus de 60 mille francs. Malgré cette insuffisance reconnue des ressources du département de la Vendée, le payeur général a reçu des ordres du général en chef pour acquitter à vue des mandats pour le service de la marine, jusqu’à une somme de 31250 francs. Vous sentez que de semblables traites, ajoutées au titre du produit des contributions que l’on détourne pour la subsistance des troupes, absorbent entièrement les fonds qui devraient de préférence être employés à la solde des troupes du corps de la subdivision. Je vous serai infiniment reconnaissant d’en faire une observation au général en chef" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 21 Germinal an 8 (11 avril 1800), le Général Travot écrit au Commandant de Fontenay : "Je rends compte au général de division des excès auxquels se sont livrés les grenadiers de 70e et une partie de la 56e avant leur départ de Fontenay ; tâchez d’empêcher que cet exemple soit suivi par les troupes qui vous restent, et qui malheureusement se trouvent avoir les mêmes sujets de mécontentement ; quoique vos forces soient infiniment réduites, il ne faut pas pour cela abandonner le désarmement, il est possible de le continuer encore et même avec beaucoup d’efficacité. Les plus mutins ont déposé leurs fusils, c’était contre ceux-là seuls que le déploiement des mesures de vigueur a pu être nécessaire. Nous n’avons plus présentement à désarmer que des personnes que l’on ne peut supposer absolument insensible à la persuasion …
Lorsque toutes les communes des environs de Pouzauges seront parfaitement désarmées, vous pourrez placer ailleurs la compagnie franche. Il vous faut aussi faire en sorte de tirer parti du dépôt de la 68e et d’en avoir un détachement pour aller désarmer sur un autre point" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 15 avril 1800 (25 Germinal an 8), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Fontenay-le-Peuple, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre en date du 24 du mois dernier. Je n'ai pas pu y répondre plus tôt, parce que j'ai été faire une tournée à La Rochelle et à Rochefort. Dans ce dernier port, j'ai vu lancer le Du-Guay-Trouin, vaisseau de 80 pièces de canon; il y en a un autre de 120 pièces sur le chantier, c'est la République, Sous peu, je vais faire une tournée dans les départements de l'Ouest, en passant par Nantes.
J'ai reçu une lettre de mon père qui m'annonce la triste nouvelle de la mort de ma soeur; j'en ai été bien vivement affecté. Mon père désiremit me voir aller en congé à Chartres. Je vais, en conséquence, demander un congé au ministre; j'espère l'obtenir, attendu que je ne suis pas encore échangé, malgré tes démarches, et que nous venons de terminer le désarmement de ce département. Cette opération m'a encore coûté un sergent et quelques grenadiers qui ont été assassinés par ces brigands.
Le préfet du département est ici depuis une dizaine de jours; j'ai été lui faire visite; le soir, je lui ai fait donner une sérénade par les musiciens de mon corps. Il est venu me voir quelques jours après. C'est un homme aimable et d'un physique assez heureux. Il organise dans ce moment les différents services de son département. Ses administrés le voient avec plaisir.
Je pense que le printemps t'aura guéri de ton indisposition. Pour moi, je suis toujours bien portant, malgré les fatigues de la dernière guerre et quelques petites galanteries attrapées dans
le cours de mes voyages.
Adieu, je t'embrasse ainsi que ta femme" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 30).
Le 3 Floréal an 8 (23 avril 1800), le Général Travot écrit au Général en chef Brune : "... Je viens de recevoir l’ordre de porter principalement mon attention sur la côte. Puis je y placer les troupes prisonnières sur parole ? Je crois que la 68e et la 31e se trouvent dans ce cas-là" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 7 Floréal an 8 (27 avril 1800), le Général Travot écrit au Chef du 3e Bataillon de la 68e : "Vous voudrez bien, conformément aux intentions du général en chef, partir avec la totalité de votre bataillon pour vous rendre à La Rochelle où vous recevrez des ordres pour votre destination ultérieure qui, je crois, sera l’Ile de Ré, et celle d’Aix. Le point de réunion le plus convenable pour votre bataillon serait Luçon, à cause des deux compagnies que vous avez dans l’arrondissement de la Roche-sur-Yon ; je leur fais en conséquence expédier l’ordre de se rendre à Luçon où elles attendront votre passage. Vous ne partirez cependant pas de Montaigu avant l’arrivée du citoyen Lacroix, capitaine de la 2e compagnie franche de la Vendée, à qui je donne l’ordre d’aller vous remplacer dans le commandement de l’arrondissement de Montaigu, afin que vous lui transmettiez tous les renseignements que vous les croirez nécessaires, et que vous lui fassiez remise de toutes les armes déposées dans l’étendue de votre arrondissement.
Vous voudrez bien informer directement le chef de l’état-major de la division à Nantes du jour de votre départ de Montaigu.
Vous aurez soin de faire rentrer toutes les armes à Montaigu, attendu que je ne prévois pas quand je pourrai envoyer des troupes dans les cantonnements, et vous m’adresserez les registres qu’ont dû tenir les chefs militaires des individus désarmés" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 7 Floréal an 8 (27 avril 1800), le Général Travot écrit au Capitaine Lacroix, commandant la 2e Compagnie franche de la Vendée, à La-Roche-sur-Yon : "Vous voudrez bien expédier sur le champ aux 2 compagnies du 3e bataillon de la 68e, qui se trouvent dans votre arrondissement, l’ordre de partir de suite pour se rendre à Luçon où elles attendront le passage de sept autres compagnies dont elles suivront la destination.
Le 9 de ce mois, vous partirez avec le détachement que vous avez près de vous pour arriver le 11 à Montaigu où vous êtes destiné à remplacer le chef de bataillon Dieu dans le commandement de cet arrondissement. Vous recevrez de cet officier tous les renseignements qui vous seront nécessaires. Il doit aussi vous faire réunir toutes les armes provenant du désarmement dans cette partie de la subdivision ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Toujours le 7 Floréal an 8 (27 avril 1800), le Général Travot écrit au Chef de la 68e, à Fontenay : "En exécution des ordres du général en chef, vous voudrez bien partir de Fontenay avec le dépôt de votre demi-brigade pour vous rendre à La Rochelle, où vous recevrez de nouveaux ordres.
Votre 3e bataillon part de Montaigu pour se rendre aussi à La Rochelle, je crois que sa destination est pour les Isles d’Aix et de Ré" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 7 Floréal an 8 (27 avril 1800), le Général Travot écrit à Petitlaurent : "Je vous préviens que j’expédie directement au chef de brigade Boutroue l’ordre de partir avec le dépôt de sa demi-brigade pour se rendre à La Rochelle. Veuillez donner avis de cette disposition au commissaire Gonnet et prévenez-le en même temps que j’envoie aussi au 3e bataillon de la 68e l’ordre de se rendre aussi à La Rochelle ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 30 mai 1800 (10 Prairial an 8), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis La Rochelle, à son frère : "J'ai reçu, mon ami, avec bien du plaisir, ta lettre en date du 9 de ce mois. Je n'ai pas pu y répondre plus tôt, à cause des mouvéments que nous avons faits dans la région.
Nous sommes à poste fixe pour quelque temps et je m'empresse de te répondre.
Nous étions destinés à aller tenir garnison dans les îles de Ré, d'Oléron et d'Aix, mais on n'y envoie qu'un bataillon. Pour mon compte, je n'en suis pas fâché. J'aime beaucoup mieux rester à La Rochelle. C'est une ville très jolie où il y a une bonne société. Je compte pourtant aller aux îles pour m'y promener; elles sont peu éloignées d'ici.
J'espérais avoir un congé pour aller vous voir, mais je ne pourrai pas l'obtenir. Le ministre ne veut pas me l'accorder dans ce moment. Je le solliciterai de nouveau dans quelques mois pour me trouver avec vous aux vendanges.
Il y a près de deux mois que je n'ai pas reçu de nouvelles de mes deux bataillons qui sont encore en Italie. Je pense qu'ils sont toujours bloqués dans Gênes; mais grâce à l'armée de réserve qui est en train de prendre les Autrichiens à dos, ils seront bientôt délivrés.
Bonaparte est en Piémont et sous peu il sera à Turin.
Je n'ai pas reçu de nouvelles de ma belle future depuis les dernières lettres d'elle que tu m'as fait passer. Je pense en recevoir sous peu, surtout si, comme on le dit, les passages sont
redevenus libres.
Adieu, je t'embrasse et suis bien sincèrement ton ami" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 31).
Le 12 Floréal an 8 (2 mai 1800), le Général Travot écrit au Chef de l’Etat-major divisionnaire : "... Conformément aux ordres du général Sahuguet, que vous me transmettez par votre lettre du 4 courant, je fais partir pour La Rochelle le dépôt et le 3e bataillon de la 68e ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 19 Prairial an 8 (8 juin 1800), le Général Beaufort, commandant la subdivision de la Charente-Inférieure, écrit, depuis le Quartier général de la Rochelle, au Chef de Brigade Boutrouë : "Le général se rend à Saintes, y étant appelé par le général Hédouville, lieutenant du général en chef. Il charge, pendant son absence, du commandement de la subdivision, le chef de brigade Boutrouë. Cet officier est autorisé, en conséquence, à décacheter toutes les lettres à l'adresse du général, venant des iles et autres arrondissements.
Le citoyen Boutrouë aura soin d'envoyer à Saintes une ordonnance pressée dans le cas où il surviendrait quelque chose d'extraordinaire.
Le présent sera lu à l'ordre, afin que tous les officiers composant la garnison en soient prévenus" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 188).
Le 4 Messidor an 8 (23 juin 1800), à Milan, Bonaparte, Premier Consul de la République, arrête : "ART. 1er. – L'armée d'Italie sera composée des demi-brigades et régiments ci-après, savoir :
... Infanterie de ligne. – 1re, 2e, 3e, 10e, 11e, 22e, 24e, 26e, 28e, 29e, 30e, 34e, 40e, 41e, 43e, 44e, 58e, 59e, 60e, 67e, 68e, 70e, 71e, 72e, 74e, 78e, 91e, 96e, 97e, 99e, 101e, 105e, 106e, 107e, 102e ...
ART. 3. – Les dépôts des demi-brigades d'infanterie légère et de ligne, ainsi que des régiments des troupes à cheval et autres troupes qui restent à l'armée d'Italie, auront ordre de rejoindre l'armée.
ART. 4. – L'ordonnateur en chef et tous les agents des administrations qui ne seront pas jugés nécessaires pour le service de l'armée d'Italie retourneront à l'armée de réserve à Dijon.
ART. 5. – Le Ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent arrêté" (De Cugnac (Cpt) : Campagne de l'Armée de Réserve en 1800, Paris, Chapelot, 1900, t.2, p. 521).
Le 9 juillet 1800 (20 Messidor an 8), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, chargé de la levée et organisation des réquisitionnaires et conscrits du département de la Charente, écrit, depuis Saintes, à son frère : "Tu n'auras pas appris sans plaisir, mon cher ami, la nouvelle de la fameuse bataille de Marengo, heureuse journée où l'on a vu ce que peut la valeur française secondée par le génie et enflammée par la présence d'un homme comme le Premier Consul.
D'autres batailles ont été plus brillantes, mais nulle n'a eu de suites plus décisives, puisque d'un seul coup toutes les places du Piémont et des Apennins, Gênes, Coni, Turin, etc., sont retombées en notre pouvoir par suite de la capitulation. Nous marchons à pas de géant, par la victoire, à la paix qui est l'objet bien constant des voeux de notre gouvernement.
Je viens d'écrire à Turin à ma belle. Tu sais que lors de notre retraite du Piémont je lui avais laissé en dépôt argent, bijoux et effets. Par suite des heureux événements qui viennent de s'accomplir, je vais me voir un peu dédommagé de mes pertes.
Je t'ai écrit de La Rochelle il y a plus d'un mois; je ne sais si tu as reçu ma lettre. Je t'annonçais que je n'avais pas pu obtenir de congé du ministre. Je viens enfin d'en obtenir un de quatre décades pour me rendre à Chartres, mais je ne vais pas encore pouvoir en profiter, le général en chef de l'armée de l'Ouest m'ayant chargé de la levée et organisation des réquisitionnaires et conscrits du département de la Charente-Inférieure. Dès que ma mission sera terminée, je compte en profiter, à moins qu'un ordre supérieur ne vienne encore à m'appeler ailleurs.
J'ai commandé dans ces derniers temps la subdivision de la Charente-inférieure, c'est sans doute ce qui aura engagé le général en chef à m'employer à cette besogne-là.
Je t'embrasse ainsi que ta femme. Ton ami" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 32).
Le 2e jour complémentaire an 8 (19 septembre 1800), le Général de Division Chabot, commandant la 12e Division militaire, écrit, depuis le Quartier général à Nantes, au Chef de Brigade Boutrouë, chargé de la levée des réquisitionnaires et conscrits : "J'ai reçu, citoyen, votre lettre en date du 23 fructidor, par laquelle vous m'annoncez sous peu l'envoi total des pièces relatives au travail dont vous êtes chargé.
Je ne puis vous dissimuler que parmi celles que vous m'avez fait passer jusqu'à présent j'ai remarqué que vous aviez accordé avec une trop grande facilité des congés provisoires (à des citoyens non indigents et incapables de servir), sur le simple versement de 300 francs.
Cependant, la loi est formelle; elle n'ouvre la faculté de verser 300 francs qu'à ceux qui étaient porteurs de congés ou d'exemptions définitives à l'époque de la loi du 17 ventôse.
J'ignore, citoyen, ce qui a pu vous déterminer à admettre au versement des 300 francs les citoyens qui ne se trouvent pas dans ce cas, surtout après avoir reçu de moi les ordres du ministre de
la guerre contenus dans sa lettre du 5 messidor.
Le préfet n'avait aucunement le droit de modifier ces dispositions, et je prévois que l'inexécution des ordres du ministre néeessitera, pour ainsi dire, un second travail.
Pour vous mettre à même de terminer votre mission aussitôt que le contingent d'hommes demandé par le gouvernement sera fourni et pouvoir vous employer au conseil de guerre de la division, je prends le parti de renvoyer les pièces qui ne sont point en ordre au préfet du département, qui sera chargé d'ordonner aux réquisitionnaires et conscrits de se conformer à mes décisions" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 189).
Le 28 septembre 1800 (6 Vendémiaire an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Saintes, à son frère : "Je viens, mon ami, de recevoir ta lettre en date du 17 du mois dernier, avec celle que tu m'as fait passer de mon amie de Turin.
J'arrive de tournée où je suis resté un mois. Les pays de Marennes et de Rochefort sont si malsains, que j'y ai attrapé les fièvres; depuis huit jours seulement elles ont bien voulu me lâcher. Je suis encore très faible. Je te suis bien obligé des nouvelles démarches que tu as bien voulu faire pour mon échange qui tarde bien.
Mon ennuyeuse besogne ne s'est pas passée sans quelques petites difficultés ; elle touche heureusement à sa fin. Ainsi j'espère bien aller vous voir au commencement de brumaire.
Tu dois connaître à présent les bonnes nouvelles de l'armistice continué et du gage de paix donné par l'Empereur. On attend la réponse de l'Angleterre; la voilà entre deux feux et peut-être la chauffe-t-on encore en Portugal; elle finira, j'espère, comme elle le mérite, si elle ne se hâte d'accéder au traité général ou particulier. On est ici, dans les villes comme dans les campagnes, ivre de joie et d'espérance. Du reste, il est visible que le gouvernement s'affermit, s'épure et avance chaque jour vers des améliorations de toute espèce.
Adieu, je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 33).
Le 26 octobre 1800 (4 Brumaire an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Saintes, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta dernière lettre, et si je n'y ai pas répondu plus tôt, c'est que, de jour en jour, je comptais partir pour Paris.
Ma mission est terminée, et je suis encore à attendre l'ordre du ministre pour me rendre auprès de vous; mais je crains bien que ce nouveau retard ne m'amène un ordre du gouvernement pour opérer la conscription de l'an IX. Ce ne serait pourtant pas trop de mon goût; mais tu sais que, dans notre métier, on ne fait pas souvent à sa volonté.
Tu n'es sûrement pas sans avoir appris la réforme de généraux et officiers de tout grade qu'on fait dans l'armée. Déjà 41 demi-brigades sont réduites à deux bataillons, ce qui met une trentaine d'officiers à la suite dans chaque demi-brigade. Celle que je commande n'est pas de ce nombre, heureusement. Les deux bataillons que j'ai encore en Italie vont, je pense, rentrer en France pour se réorganiser; ils sont réduits à peu d'hommes.
Mon 3e bataillon, qui est assez fort, est revenu à La Rochelle, après un court détachement aux îles de Ré et d'Oléron. Je t'assure que la réunion de tout mon corps est l'objet de tous mes voeux, et me fera un vif plaisir.
J'ai écrit, ces jours derniers, au Premier Consul, pour le félidter d'avoir échappé au couteau des assassins. Voici le contenu de ma lettre :
"En partageant la joie universelle sur l'événement qui vous a soustrait aux coups du crime, et l'indignation publique sur l'attentat qui allait priver la France de son premier magistrat et du plus illustre de ses citoyens, et la replonger, sans doute, dans les troubles dont il a fallu tout votre génie pour l'en sortir, je n'ai pas cru que mes félicitations, confondues dans la lettre collective que vous adressent les citoyens de Saintes (où une mission essentielle me retient), auraient suffisamment rempli mon devoir dans cette circonstance.
"J'ai voulu vous en transmettre de plus positives, d'abord en ma qualité de chef de corps, et, en second lieu, parce que je tiens à être le fidèle interprète de la partie de ma troupe qui se trouve à La Rochelle, et qui sait apprécier un mérite aussi élevé que le vôtre et la perle qu'elle allait faire.
"Salut et respect".
J'ai écrit à mon père ces jours derniers; je ne sais ce qu'il aura eu de pièces de vin cette année.
Je me trouve quelquefois avec tes anciens collègues de la Convention : Bernard et Garnier, de Saintes, et Ruaux, de Surgère. Ils te font leurs amitiés.
Le préfet François est nommé conseiller d'État; nous ne connaissons pas encore son successeur" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 34 - Note : Les jacobins De merville, Arena, ancien membre des Cinq-Cents, le peintre Topino-Lebrun et le sculpteur Ceracchi avaient projeté d'assassiner le Premier Consul à l'Opéra. La conspiration fut découverte à temps par Fouché; les quatre complices furent arrêtés et exécutés le 10 octobre 1800).
Le 13 Brumaire an 9 (4 novembre 1800), le Préfet du Département de la Charnete-Inférieure, écrit, depuis Saintes, au Chef de Brigade Boutrouë, chargé de la levée des réquisitionnaires et conscrits : "J'accepte bien volontiers et avec beaucoup d'empressement, citoyen commandant, l'assurance que vous me donnez de vous entretenir quelquefois avec moi. J'attache infiniment de prix à votre estime et à votre confiance, et la plus grande preuve que vous puissiez m'en donner, c'est de me fournir l'occasion de vous prouver à mon tour la haute considération que vous m'avez inspirée.
Les opérations auxquelles vous vous êtes livré sous mes yeux ont mérité plus d'une fois mon approbation, et plus d'une fois aussi je me suis empressé de faire connaitre au Ministre de la guerre les succès que vous avez obtenus.
Je vous salue cordialement,
FRANÇOIS." (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 190).
Le 6 novembre 1800 (15 Brumaire an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Saintes, à son frère : "J'ai reçu ta lettre en date du 2 de ce mois, mon cher ami; tu dois, dans ce moment, en avoir une de moi, nos lettres s'étant croisées.
La mission dont m'avait chargé le général Hédouville est enfin terminée. J'ai, sur ma demande, obtenu l'ordre de rejoindre mon 3e bataillon à La Rochelle. J'y attendrai le congé que j'ai sollicité du ministre de la guerre; celui que j'avais obtenu de lui, il y a six mois, ne peut plus me servir.
Mes deux premiers bataillons sont encore à Lucques; ils ne tarderont pas à quitter l'Italie; je les attends dans deux mois tout au plus.
Depuis mes fièvres, j'ai conservé une grande faiblesse d'estomac, qui me fait sentir que j'ai plus de quarante ans et neuf campagnes sur le corps. Mon médecin m'assure que c'est la suite ordinaire de ces maladies, et qu'avec un peu de régime, je me rétablirai. Je souhaite qu'il dise vrai; car, pour un chef de corps, la vigueur physique est une des premières qualités. Le régime ne me coûte point, étant sobre par tempérament ; mais je compte beaucoup plus sur l'air natal pour le rétablissement complet de ma santé.
T'ai-je dit que notre préfet était nommé conseiller d'Etat ? Son successeur est le citoyen Guillemardot, ex-ambassadeur en Espagne. Je regrette le préfet François, avec qui j'avais d'excellents rapports. Il m'a écrit hier une lettre fort honnête.
Adieu ; je t'embrasse, en attendant le plaisir de te revoir" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 35).
Le 11 novembre 1800 (20 Brumaire an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Je suis arrivé à Nantes, mon cher ami, en très bonne santé. Cette ville, depuis vingt ans, est si changée, que je ne la reconnaissais plus. Il y a des quartiers entiers qui ont été bâtis depuis ce temps. Une salle de comédie, sur la place de la Liberté, a été la proie des flammes ; les débris laissent encore une idée de ce que pouvait être ce superbe édifice. Je n'ai pas encore eu le temps de visiter la ville, mais je me propose, un de ces jours, de la parcourir, ainsi que les environs. Je t'en ferai alors une description exacte.
Avant mon départ de Saintes pour La Rochelle, je te disais que j'avais écrit au ministre de la guerre pour obtenir de lui un congé de quelques décades. Il paraît que la rupture de l'armistice l'empêche d'adhérer à ma demande, puisqu'il ne m'a pas répondu.
Le général Chabot, commandant la 12e division militaire, vient de me nommer président du 1er conseil de guerre de sa division. J'en suis d'autant plus flatté, que mes deux premiers bataillons rentrent en France et viennent ici en garnison. Je serai sur les lieux pour la réorganisation de ma demi-brigade.
J'ai fait obtenir un congé de quatre décades à mon cousin Petit; il sera sous peu dans le sein de sa famille. Je suis fâché de ne pouvoir l'accompagner jusqu'à Paris, où l'on m'attend depuis longtemps. Je n'ai cependant pas tout à fait perdu l'espoir d'aller vous voir celte année, mais il n'y faut pas penser pour le moment. Quand la réorganisation de ma demi-brigade sera terminée, je pourrai plus facilement m'absenter de mon corps.
Je dîne, le 24 du courant, chez le généràl Chabot. J'y rencontrerai le préfet du département, notre ami Le Tourneur, de la Manche, ex-directeur. Mon brevet de chef de brigade est signé de lui ; il était alors président du Directoire.
L'horizon politique n'est pas encore éclairci. On parle de paix, d'alliances; on parle aussi de la continuation de la guerre. Toutes ces conjectures si diverses sont bien hasardées ; le plus sage est, je crois, de ne pas en former. Quant à moi, mon désir particulier est celui d'une bonne paix. Je me joins en cela aux amis de l'humanité. Ce qui doit nous flatter, c'est la pacification de la Vendée; ses habitants bénissent le nouvel ordre de choses, qui leur assure la tranquillité. Cette guerre était, suivant moi, un chancre politique qui aurait infailliblement rongé les fondements
de la République, et amené la chute du plus bel Etat du monde.
Je t'embrasse, ainsi que ta femme et ma nièce" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 36).
Le 16 Frimaire an 9 (7 décembre 1800), le Général Travot écrit au Préfet de la Vendée : "... On m’enlève les deux bataillons qui sont dans ma subdivision, l’un le 2e bataillon de la 107e va à Grenoble ; l’autre le 3e de la 5e légère à Ostende. On m’annonce en remplacement des troupes de la 68e qui arrive de l’Italie …" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 27 Frimaire an 9 (18 décembre 1800), le Général Travot écrit au Général Chabot : "Conformément aux dispositions prescrites par votre lettre du 23 courant, j’ai donné à la 107e l’ordre de se mettre en marche de Fontenay le 8 nivôse prochain pour se rendre à la destination qui lui sera donnée dans la feuille de route que lui remettra le commissaire des guerres après avoir passé sa revue.
J’ai pareillement expédié au premier de la 68e l’ordre de partir de Fontenay le 1er nivôse pour arriver à Nantes le 5.
Le 3e bataillon de la 5e légère partira d’ici pour aller se réunir à Machecoul et se rendra ensuite à Nantes aussitôt que le 2e bataillon de la 68e me sera arrivé, je vous informerai de sa marche" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 28 Frimaire an 9 (19 décembre 1800), le Général Travot écrit au Commandant du 2e Bataillon de la 68e : "D’après les ordres du général Chabot commandant cette division, le bataillon que vous commandez doit rester dans le département de la Vendée, pour y être à ma disposition ; voici en conséquence l’emplacement que je lui destine. L’état-major et grenadiers à Fontenay, une compagnie à Montaigu, une à la Roche-sur-Yon, les 6 autres aux Sables. Les compagnies partiront le 1er nivôse pour se rendre à leur destination et prendront toutes le pain nécessaire pour toute leur route excepté celle qui va à Montaigu qui pourra le prendre à Chantonnay.
Vous voudrez bien après vous être installé à Fontenay que j’ai trouvé être l’emplacement qui vous convenait le mieux à cause de votre comptabilité, en prendre le commandement ainsi que celui de tout l’arrondissement qui comprend les deux ci-devant districts de Fontenay et de la Chataigneraie. Le capitaine Fougier vous remettra tous les renseignements et tous les papiers qui pourront vous être utiles.
L’officier qui sera à Montaigu, en commandera l’arrondissement lequel comprend les deux ci-devant districts de Montaigu et la Roche-sur-Yon. Il recevra de l’officier qu’il remplacera toute les notions qu’il pourra désirer pour l’exercice de ses fonctions. Vous et lui correspondrez directement avec moi, vous aurez soin l’un et l’autre de contresigner vos lettres avant de les mettre à la poste. Vous voudrez bien m’envoyer régulièrement chaque décade un état de situation de tout votre bataillon, conforme au modèle ci-joint. Je vous recommande surtout d’apporter beaucoup de justesse dans la balance de l’augmentation et de la diminution" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 28 Frimaire an 9 (19 décembre 1800), le Général Travot écrit : "D’après les ordres du général Chabot, commandant la 11e division militaire, il est ordonné au premier bataillon de la 68e de ligne, de partir de Fontenay le 1er nivôse prochain pour se rendre à Nantes en suivant la direction ci-après. Partant de Fontenay où il prendre le pain pour deux jours ira loger le 1er nivôse à Hermines, le 2 à Chantonnay où il prendra le pain pour 3 jours, le 3 à Saint-Fulgent, le 4 à Montaigu, le 5 à Nantes où il recevra de nouveaux ordres du général Chabot" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Toujours le 28 Frimaire an 9 (19 décembre 1800), le Général Travot écrit au commandant Janvier (ou Janvieu ?) : "Prévenu des différents mouvements qui ont lieu dans ma subdivision et de l’arrivée des deux bataillons de la 68e ainsi que de leur marche et l’ai prévenu que Chantonnay était le lieu où devait prendre le pain les troupes qui se rendent à Nantes" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 28 Frimaire an 9 (19 décembre 1800), le Général Travot écrit au Capitaine Cazenave, du 107e de Ligne, commandant à Montaigu : "Le 4 nivôse prochain arrivera à Montaigu une compagnie du 2e bataillon de la 68e de ligne avec ordre d’y tenir garnison, vous voudrez bien remettre à son chef le commandement de la place et de l’arrondissement avec tous les renseignements que vous croirez lui être nécessaires. Vous lui ferez aussi remise des ordres généraux et instructions qui le concerneront ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Et puis, toujours le 28 Frimaire an 9 (19 décembre 1800), le Général Travot écrit au Commandant de Noirmoutier : "Je vous préviens, citoyen, que le six ou le sept du mois prochain, il vous arrivera deux compagnies du 2e bataillon de la 68e de ligne que je vous enverrai en remplacement des deux compagnies de la 5e légère ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 30 Frimaire an 9 (21 décembre 1800), le Général Travot écrit au Citoyen Emmery, Sous-inspecteur : "... Les 1er et 2e bataillons de la 68e ont dû arriver hier à Fontenay. Le 1er bataillon part pour Nantes, et le 2e reste dans cette subdivision, l’emplacement de son état-major sera Fontenay" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 1er Nivôse an 9 (22 décembre 1800), le Général Travot écrit au commandant de l’Arrondissement de Fontenay : "Je vous préviens que j’ai donné à votre compagnie qui se trouve à Montaigu l’ordre d’en partir aussitôt qu’elle sera remplacée par les grenadiers de votre 3e bataillon pour aller établir cantonnement à Pouzauges commune dépendante de votre arrondissement.
Je vous avertis que l’intérieur du pays a besoin d’être surveillé, que l’on cherche encore à y allumer les troubles ; vous voudrez bien, quoi que je le lui ai déjà recommandé, ordonner à ce nouveau cantonnement de se garder soigneusement, et de faire tout ce qu’il pourra pour être averti de tout ce qui se passera de contraire au bon ordre dans les communes qui l’environnent afin de vous en informer toujours assez à temps pour que vous puissiez y porter remède" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 1er Nivôse an 9 (22 décembre 1800), le Général Travot écrit au Commissaire des Guerres : "Je vous préviens que d’après l’avis que m’en a donné le général Chabot, il doit m’arriver à la Rochelle 5 compagnies du 3e bataillon de la 68e de ligne. Je leur envoie à Luçon l’ordre de se diriger de suite, une sur Montaigu (ce sont les grenadiers), une aux Monts, une à Saint-Fulgent, une aux Herbiers, et l’autre à Mortagne.
D’après cette disposition, la compagnie du 2e bataillon de la 68e que j’avais envoyée à Montaigu ira aussitôt qu’elle sera relevée, établir cantonnement à Pouzauges ; ayez la complaisance de faire pourvoir à la subsistance de ces troupes dans le poste qu’elles vont occuper" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 1er Nivôse an 9 (22 décembre 1800), le Général Travot écrit à l’Officier du 2e Bataillon de la 68e commandant à Montaigu : "Vous voudrez bien après avoir remis à l’officier du 3e bataillon de votre demi-brigade porteur de la présente tous les papiers et renseignements concernant le poste et l’arrondissement de Montaigu, vous mettre en marche avec votre compagnie pour vous rendre à Pouzauges où vous établirez cantonnement et serez sous le commandement immédiat de votre chef de bataillon.
Vous vous garderez militairement, vous surveillerez les communes qui vous environnent, et tâcherez d’être instruit de tout ce qui s’y passera de contraire au bon ordre afin d’en informer toujours à temps votre chef. Vous pourrez aussi si vous n’y trouvez aucun danger pour vos militaires, mettre des garnisaires à disposition des perceptions de l’an neuf, il faut aussi que ce service-là ne préjudicie en rien à celui de votre cantonnement" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Toujours le 1er Nivôse an 9 (22 décembre 1800), le Général Travot écrit à l’Officier commandant la 5e Compagnie du 3e Bataillon de la 68e à Luçon : "Au lieu de vous rendre aux Sables, comme le porte votre ordre, vous voudrez bien vous diriger sur les points ci-après désignés, savoir :
La compagnie de grenadiers à Montaigu, une compagnie à Mortagne, une aux Herbiers, une à Saint-Fulgent, et une aux Essarts.
Vous vous tiendrez à Montaigu pour en commander l’arrondissement sous mes ordres immédiats ; cet arrondissement comprend les deux ci-devant districts de Montaigu et de la Roche-sur-Yon, les troupes qui y seront stationnées consisteront dans vos cinq compagnies et une du 2e bataillon de votre demi-brigade qui se trouve à la Roche-sur-Yon.
Vous recevrez d’ailleurs de l’officier que vous relèverez à Montaigu et à qui vous remettrez l’ordre ci-inclus, tous les renseignements et ordres généraux qui pourront vous être utiles.
Vous recommanderez à tous vos cantonnements de se garder militairement, de se tenir soigneusement en garde contre toute surprise et de surveiller les communes qui les environnent afin de connaitre tout ce qui s’y passe. Vous leur ordonnerez aussi de fournir à la demande des percepteurs de l’an 9 des garnisaires lorsqu’ils jugeront qu’ils seront en sureté dans les communes où ils seront appelés. Je vous invite vous-mêmes à vous entendre pour ce dernier objet avec le receveur de l’arrondissement à Montaigu. Vous pourrez faire prendre à Chantonnay le pain à votre troupe, s’il lui en manque pour achever sa route" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 3 Nivôse an 9 (24 décembre 1800), le Général Travot écrit au Commandant de l’Arrondissement des Sables : "Je vous préviens qu’il doit arriver aujourd’hui en cette place six compagnies du 2e bataillon de la 68e que je fais venir de Fontenay pour remplacer dans votre arrondissement les troupes de la 5e légère et de la 107e de ligne qui partent les 4 et 7 du courant pour Nantes.
Vous les répartirez ainsi qu’il suit, savoir : les 2 plus fortes compagnies à Noirmoutier, une à Saint-Jean et la Barre-de-Monts, une à Saint-Gilles, une à Palluau et une aux Sables, vous leur donnerez l’ordre de partir dès demain pour leur destination ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 5 Nivôse an 9 (26 décembre 1800), le Général Travot écrit au Chef du 2e Bataillon de la 68e commandant de à Fontenay : "L’intention du ministre de la guerre exprimée par sa lettre du 27 pluviôse dernier, est que si les chevaux levés pour la remonte ne peuvent partir, faute de détachement de cavalerie, on dispose pour la conduite de ces chevaux, des volontaires des demi-brigades qui se trouvent dans l’arrondissement de la division en observant de choisir ceux qui se connaissent en pansements et que dans le cas où il n’y aurait pas de volontaires, on ait recours à l’administration centrale qui sur la demande du général divisionnaire, devra procurer des hommes à la tête desquels on mettrait un brigadier de gendarmerie pour escorter les convois jusqu’aux point d’arrivée. C’est pour se conformer à ces dispositions que jusqu’à ce jour, j’ai ordonné que les corps de cette subdivision aient à fournir les détachements nécessaires pour la conduite des chevaux aux dépôts désignés par le ministre ; aujourd’hui le nombre des troupes sous mon commandement étant beaucoup diminué, et bien insuffisant pour les besoins de la subdivision, je vais écrire au général Chabot pour qu’il me dispense de fournir plus longtemps des militaires pour la conduite des chevaux de remonte, et pour le prier de faire usage de la faculté que lui laisse le ministre de faire remplacer les militaires par des habitants" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 5 Nivôse an 9 (26 décembre 1800), le Général Travot écrit au Général Chabot : "L’intention du ministre de guerre, exprimée dans la lettre qu’il vous a écrit le Pluviôse dernier est que si les chevaux levés pour la remonte ne peuvent partir faute de détachement de cavalerie, on dispose pour leur conduite, des volontaires des demi-brigades qui se trouvent dans la division, en observant de choisir ceux qui s’entendent au pansement et que dans le cas où il n’y aurait pas de volontaires, on ait recours à l’administration centrale qui, sur la demande du général divisionnaire devra procurer des hommes à la tête desquels on mettrait un brigadier de gendarmerie pour escorter les convois jusqu’aux points d’arrivée.
C’est pour me conformer aux dispositions de cette lettre qui me dans le temps transmise par votre chef d’état-major que jusqu’à présent j’ai fait fournir par les corps de la subdivision les détachements qui ont été demandé pour la conduite de ces chevaux.
Vous savez qu’aujourd’hui les troupes sous mon commandement ont été considérablement diminuées puisque le 2e bataillon de la 68e n’est que de 255 sous-officiers et soldats, cette force est bien au-dessous de ce qu’exigent nos besoins ; c’est pour qu’elle ne soit pas réduite davantage que je vous prie de vouloir bien user de la faculté que vous avez de faire remplacer par des habitants les militaires qu’on pourrait encore me demander pour la conduite des chevaux" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 6 Nivôse an 9 (27 décembre 1800), le Général Travot écrit au Chef du 2e Bataillon de la 68e à Fontenay : "Malgré que vous ayez déjà écrit au commissaire ordonnateur et au payeur général de la division à Nantes, vous ne ferez pas mal de solliciter l’intervention du sous-inspecteur Emmery résidant à la Rochelle. Comme la solde le regarde particulièrement, il peut plus que tout autre vous indiquer la marche que vous avez à tenir pour vous faire payer ce qui est dû de l’an 9. Je pense que je ne vous suivrai pas en écrivant moi-même au général divisionnaire pour qu’il s’intéresse à votre position, par le premier courrier je lui en dirai deux mots. Si la carte que vous trouvez ci-jointe vous est de quelque utilité, vous pouvez vous en servir" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 9 Nivôse an 9 (30 décembre 1800), le Général Travot écrit des Sables, au Général Chabot : "Par ma dernière, je vous ai rendu compte, citoyen général, des excès auxquels se sont portés des habitants de la commune de Saint-Fulgent ; pour les réprimer et empêcher qu’ils se propagent, le préfet a arrêté le 4 de ce mois que cette commune serait contrainte par la voie des garnisaires militaires à acquitter de suite, indépendamment du 3 douzième échu de l’an 9 sur la réquisition des années 7 et 8. Je viens en conséquence d’y envoyer une compagnie du 2e bataillon de la 68e …" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 9 Nivôse an 9 (30 décembre 1800), le Général Travot écrit au Préfet du département : "Les trente garnisaires militaires que vous m’engagez à envoyer à Saint-Fulgent pour y assurer l’exécution de votre arrêté du 4 de ce mois y arriveront dans deux jours. Aussitôt leur arrivée, ils commenceront de concert avec le maire et le percepteur, les poursuites qu’il est dans votre intention de faire pour la rentrée des contributions antérieures à l’an 9.
Afin que vous avisiez à d’autres moyens pour activer la rentrée des contributions courantes, je dois vous prévenir que tant que je n’aurais que le 2e bataillon de la 68e qui n’est que de 255 hommes, il me sera impossible de continuer aux percepteurs l’usage des garnisaires militaires. S’il m’arrive d’autres troupes, comme le général Chabot me le fait espérer, je vous en donnerai avis, alors si vous le jugez à propos, je pourrai en affecter une partie aux poursuites à venir contre les communes qui seront le plus en retard" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 9 Nivôse an 9 (30 décembre 1800), le Général Travot écrit au commandant de Montaigu : "Je vous préviens, citoyen, que j’envoie à la 3e compagnie du 2e bataillon de la 68e stationnée à la Roche-sur-Yon l’ordre de se rendre le 11 du courant à Saint-Fulgent où, conformément aux dispositions de l’arrêté du préfet du 4, elle fera le service de garnisaires militaires jusqu’à parfait payement par ladite commune de ses impositions des années 7 et 8" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Toujours le 9 Nivôse an 9 (30 décembre 1800), le Général Travot écrit au Commissaire des Guerres Sauveur : "... La 3e compagnie du 2e bataillon de la 68e partira de la Roche-sur-Yon le 11 du courant pour se rendre à Saint-Fulgent ; ce mouvement est d’après la réquisition du préfet du département ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Et puis, le 9 Nivôse an 9 (30 décembre 1800), le Général Travot écrit au Commandant de la Roche-sur-Yon : "Vous voudrez bien, citoyen, vous mettre en marche avec votre compagnie le 11 du courant pour vous rendre à Saint-Fulgent où vous établirez cantonnement et où vous serez uniquement chargé d’assurer l’exécution de l’arrêté du préfet du 4 de ce mois dont vous trouverez ci-joint un extrait ; vous vous concerterez à cet effet avec le maire et le percepteur de la commune et me rendre compte directement à chaque courrier du résultat des mesures que vous aurez employés. Aussitôt arrivé à Saint-Fulgent, prévenez en le garde des magasins de Montaigu en lui faisant connaitre la force de votre compagnie, afin qu’il pourvoie à sa subsistance.
Le payement des journées des garnisaires indépendamment de la nourriture et du logement, est fixé à un franc" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Et encore, le 9 Nivôse an 9 (30 décembre 1800), le Général Travot écrit au Chef Oudet : "Je vous préviens, citoyen, que j’envoie à votre 3e compagnie stationnée à la Roche-sur-Yon, l’ordre de se rendre à Saint-Fulgent où elles arriveront le 11 du courant" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
/ 1801
Le 18 Nivôse an 9 (8 janvier 1801), le Général Travot écrit au Commissaire Sauveur : "La 8e compagnie du 3e bataillon de la 68e forte d’un officier et 56 hommes présents, partie de la Rochelle, est arrivée avant-hier aux Sables ; elle se met en marche ce matin pour aller cantonner à la Roche-sur-Yon d’où elle détachera 25 hommes aux Essarts.
Elle est pourvue de pain pour 4 jours. Vous voudrez bien faire en sorte que la fourniture lui en soit continuée dans ses nouveaux cantonnements" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 18 Nivôse an 9 (8 janvier 1801), le Général Travot écrit au Général Chabot : "Le capitaine de la gendarmerie me rend compte que le nommé Berthaud, l’un des auteurs de l’assassinat commis l’an dernier sur deux volontaires du 3e bataillon de la 68e envoyés en garnisaires dans la commune de Lavérie, près Mortagne, a été arrêté le 8 de ce mois par les habitants de Bazoges ; qu’ils l’ont remis à une patrouille de gendarmerie à pied, laquelle rentrant à Saint-Fulgent et passant entre la gite du Plessis et un bois futaie, à 7 heures du soir, a été obligée de se mettre en défense contre les complices du prisonnier qui s’étaient embusqués dans les côtés du chemin et que Berthaud s’étant évadé, il a été tué d’un coup de feu. Toute la gendarmerie de Saint-Fulgent a été aussitôt fouiller les bois qui avoisinaient ce passage et n’a pu rien découvrir" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 21 Nivôse an 9 (11 janvier 1801), le Général Travot rédige le Rapport de la 2e décade de Nivôse an 9 : "Le 8 de nivôse les habitants de la commune de Bazoges ont arrêté le nommé Berthaud, l’un des auteurs de l’assassinat commis l’an dernier sur deux volontaires du 3e bataillon de la 68e envoyé en garnisaire pour la rentrée des contributions dans la commune de la Vérie. S’étant évadé des mains de la gendarmerie, à l’instant même où des hommes apostés sur le chemin parurent pour le faire élargir, il a été tué d’un coup de feu. On s’est mis à la recherche de ces hommes, mais c’était de nuit, on n’a pu en arrêter aucun.
D’après tous les rapports, il parait certain qu’un nommé Leverrier et un nommé Pons, tous deux ex chefs dans les deux guerres de la Vendée, ont reparu dans les environs de Venansault où ils ont fait tous leurs efforts pour exciter de nouveaux troubles" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 22 Nivôse an 9 (12 janvier 1801), le Général Travot écrit au Commandant de Saint-Gilles : "Je ne puis obliger les habitants ni l’administration de vous fournir le bois pour le chauffage des corps de garde, ce service est, à compter du 1er de ce mois, à la charge des corps. Vous me dites que si la garde nationale faisait le service, l’administration pourvoirait à la fourniture du bois et de la chandelle ; vous ne pouvez essayer ce moyen, vous avez le droit de requérir l’administration de vous fournir un détachement pour le service journalier de la place, je vous engage à le faire. Vous voudrez bien me marquer si cela aura contribué à adoucir le sort de vos soldats.
Ps. Ne permettez pas qu’on caserne vos troupes sans que le service de chauffage ne soit assuré" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 22 Nivôse an 9 (12 janvier 1801), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Oudet : "D’après l’avis que vous m’avez donné que la troupe de Saint-Gilles en cessant d’être logée chez l’habitant, éprouverait des difficultés insurmontables pour se procurer son chauffage, j’ai fait défense à l’officier qui la commande, de permettre qu’elle soit casernée sans qu’auparavant le service du chauffage soit assuré.
Je ne connais plus aucun moyen de faire fournir le bois aux corps de garde, des invitations ont été faites partout aux administrations qui avaient seules, quelques moyens de soutenir ce service, elles ont toutes été infructueuses. Je pars demain pour Nantes, j’en parlerai au général Chabot et peut être que d’accord avec l’ordonnateur on prendra un parti relativement à ce service" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 7 Pluviôse an 9 (27 janvier 1801), le Général Travot écrit au Général Chabot : "4 individus de Fontenay accusés d’avoir projeté l’enlèvement de la caisse du receveur général, ont été arrêtés par la gendarmerie dans la nuit du 4 au 5 du courant. Il parait que pour l’exécution de leur dessein, ils comptaient sur la complicité du factionnaire qui est fourni à ce poste par la garde nationale. On présume qu’il y a beaucoup d’autres complices ; les informations que l’on prend en ce moment en feront probablement découvrir quelques-uns.
Malgré le besoin de troupes dans l’intérieur non pour y maintenir le bon ordre, la tranquillité y est parfaite en ce moment, mais pour y faire payer les contributions, je me détermine à faire rentrer à Fontenay deux compagnies du 2e bataillon de la 68e afin que le service y soit fait par la troupe de ligne seule. On ne peut compter sur la garde nationale pour des postes de quelque importance, la facilité qu’a chaque habitant de se faire remplacer en payant fait que le maintien de la police est confié, pour ainsi dire exclusivement à des hommes qui, n’ayant que ce salaire pour vivre, sont susceptibles de se laisser séduire par l’appât de l’argent et de prêter la main soit à l’élargissement des prisonniers, soit à l’enlèvement des caisses mises sous leur garde" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 8 Pluviôse an 9 (28 janvier 1801), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Oudet : "J’ai reçu votre lettre du 5 courant, où vous m’annoncez l’arrestation de quelques individus accusés d’avoir projeté l’enlèvement de la caisse du receveur général, et où vous me demandez que je porte la force de la garnison à 100 hommes afin que la troupe de ligne puisse y faire le service sans le concours de la garde nationale.
Pour remplir vos désirs, j’ai expédié hier à la compagnie Trecol l’ordre de se rendre à Fontenay où elle arrivera le 11, et je vous autorise à faire rentrer la compagnie Lemasson qui dot être en ce moment à Pouzauges, avec ces 2 compagnies et vos grenadiers vous aurez suffisamment de troupes pour assurer le service de votre place.
Les rapports qui doivent exister entre vous et les agents de la police font que vous déférez aux réquisitions qui vous seront faites par eux pour le maintien du bon ordre, la commune de Fontenay étant en état de paix, l’autorité militaire n’y est plus que passive. Il n’est est pas de même du surplus du département où l’état de siège subsiste toujours, les agents de la police sont immédiatement subordonnés aux chefs militaires. Voilà l’explication que vous me demandez. Cependant, je vous observe que pour la partie où l’état de siège existe encore, je n’apprendrai pas avec plaisir que dans ce moment de tranquillité, quelques chefs militaires prétendent user de leurs droits, surtout lorsqu’il sera reconnu que les administrations civiles sont dans de bons principes. S’il se manifestait quelques troubles, c’est alors que le militaire prendra directement des mesures pour rétablir l’ordre, mais puisqu’il ne s’agit que de le maintenir, laissons en le soin à l’autorité civile qui en parait jalouse. Ayez la complaisance de prévenir le commissaire des guerres de l’arrivée de vos deux compagnies" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 10 Pluviôse an 9 (30 janvier 1801), le Général Travot écrit au Receveur de Montaigu : "La longue absence que je viens de faire a seule empêché que vous receviez réponse à votre lettre du 21 nivôse dernier, elle ne m’a été remise que le 7 du courant, jour de mon arrivée aux Sables.
Je puis vous assurer qu’en ce moment il n’est aucun des receveurs de ce département qui ait à sa disposition autant de moyens que vous pour faire payer les contributions ; les 4 compagnies qui me sont arrivées depuis quelques jours ont toutes été placées dans l’étendue de votre arrondissement et ont reçu avant de s’y rendre l’ordre de déférer à vos demandes pour le placement des garnisaires ; sous peu il arrivera encore à Montaigu 12 ou 15 grenadiers. J’ai écrit qu’on les y envoie, au moyen de ce léger renfort le commandant de Montaigu pourra mettre à votre disposition un second détachement, car il m’a mandé vous en avoir déjà fourni un pour les Herbiers. Les deux compagnies qui sont au Essarts et à Saint-Fulgent pourraient bien aussi détacher quelques hommes dans les communes environnantes, voyez pour cela le citoyen Bellemain à qui j’écrie de nouveau pour l’engager à prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer au moins le payement des contributions de l’an 9" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 10 Pluviôse an 9 (30 janvier 1801), le Général Travot écrit au Commandant de l’arrondissement de Montaigu : "Le citoyen Oudet vous enverra sous peu de jours 12 à 15 grenadiers du 3e bataillon qui se trouvent en ce moment en subsistance dans son bataillon à Fontenay, à leur arrivée vous pourriez former un détachement que vous enverriez d’après l’indication du receveur de l’arrondissement dans les communes les plus en retard dans le payement de leur contribution de l’an 9.
Vous pourrez aussi tirer quelques détachements des compagnies des Essarts et de Saint-Fulgent et de les envoyez en garnisaires dans les communes ou cantons les plus à proximité.
Au surplus, vous pouvez prendre toutes les dispositions qui vous paraitront nécessaires pour vaincre l’opiniâtreté que mettent les communes à se refuser au payement de leurs contributions, et pour obtenir des rentrées abondantes.
Pour cet effet, il est nécessaire que vous vous entendiez avec le citoyen Duboy receveur" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 13 Pluviôse an 9 (2 février 1801), le Général Travot écrit au Général Chabot : "J’ai reçu hier vos lettres du 11 où vous me dites de vous envoyer cent hommes pour l’escorte des déportés. J’ai de suite expédié des ordres pour que ce détachement soit fourni par les 3 compagnies du 3e bataillon de la 68e, cantonnées aux Essarts, Saint-Fulgent et Montaigu et qu’il parte sans retard" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 20 Pluviôse an 9 (9 février 1801), le Général Travot écrit, depuis Les Sabres, au Chef de Bataillon Oudet, de la 68e Demi-brigade : "Si vous m’eussiez témoigné le désir d’avoir près de vous votre 4e compagnie, lorsque vous m’avez informé de l’évènement qui nécessitait une augmentation de troupes dans la place de Fontenay, il m’eut été indifférent de vous l’envoyer parce qu’alors je l’aurais fait remplacer à Noirmoutier par la compagnie Trecot ; mais en ce moment il m’est impossible d’opérer ce changement, parce que vos six compagnies qui me restent sont bien loin de me suffire pour le service qu’exige la sureté de la côte et que si j’en faisais partir une, je serais forcé d’abandonner un poste important. Il n’y aurait d’autre moyen de vous satisfaire que d’envoyer à Noirmoutier une des deux compagnies que vous avez à Fontenay y relever la 4e, mais en cela, il y aurait infiniment plus d’inconvénient qu’il résulterait d’avantage du retour de cette compagnie à Fontenay : le moindre serait les frais qu’occasionnerait à la république le transport des équipages de ces deux compagnies.
Si votre compagnie vous parait plus utile à Pouzauges qu’à Fontenay, je ne puis dans ce cas que vous engager à ne pas la déplacer ; mais si nécessairement il vous faut encore une augmentation de troupes, je ne puis mettre que celle là à votre disposition. J’ai promis à l’officier qui commande à Montaigu de lui envoyer les grenadiers du 3e bataillon que vous avez à Fontenay, si déjà vous ne les avez fait partir je vous engage à leur donner l’ordre de suite" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 9 février 1800 (20 Pluviôse an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "11 y a un siècle, mon cher ami, que je n'ai reçu de tes nouvelles; je commence à m'inquiéter et à craindre que quelque maladie ne t'empêche de m'écrire.
Mes deux premiers bataillons, enfin revenus d'Italie, sont dans la division depuis près de deux mois. Juge du plaisir que cela m'a fait de voir tout mon corps réuni. Tous mes officiers m'ont témoigné la plus vive satisfaction de me revoir. Je vais maintenant m'occuper de recompléter ma demi-brigade, où il y a beaucoup de vides en cadres et en soldats. Mon déficit va encore s'augmenter par un détachement de cent et quelques hommes, qui sont destinés à passer à bord de la frégate la Chiffonne et de la corvette la Flèche, pour servir d'escorte aux individus condamnés à la déportation. J'ignore encore leur destination ; les uns prétendent qu'ils vont à Madagascar, d'autres à Cayenne.
Par contre, plusieurs militaires sortant d'un dépôt de marine viennent d'être incorporés dans ma demi-brigade. De ce nombre se trouve Chevallier, mon ancien camarade de Chartres. Il a eu bien des malheurs, sa vie a été un tissu de mauvaises chances ; il est vrai qu'il n'a jamais rien fait pour les combattre, au contraire. Il a encore eu le malheur de se casser la jambe en sautant d'une voiture; il est ici à l'hôpital, où j'ai été le voir. Sa situation est triste; il manque absolument de tout. Voilà où mène le plus souvent l'inconduite. Quoi qu'il en soit, je vais lui procurer les soins que son état exige. 11 est mon ami et malheureux, raison de plus pour ne pas l'oublier. Il m'a chargé d'écrire à ses parents, ce que j'ai fait de suite en leur dépeignant sa triste situation; je les ai priés aussi de m'envoyer de l'argent pour lui, je ne le lui remettrai qu'au fur et à mesure de ses besoins.
Adieu; je t'embrasse, ainsi que ta femme, et suis bien sincèrement ton ami" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 37).
Le 21 Pluviôse an 9 (10 février 1801), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Oudet, de la 68e Demi-brigade : "Je vous prie de prendre connaissance des plaintes que porte contre un capitaine un sergent de votre corps ; la lettre que vous ferez ci-incluse, de faire venir par devant vous ces deux militaires, de leur en faire lecture et de me transmettre les réponses qu’ils vous auront faites pour leur justification.
Vous aurez la complaisance de me retourner la plainte avec les pièces y jointes" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 8 Ventôse an 9 (27 février 1801), le Général Travot écrit au Commandant de Montaigu : "Je vous préviens que je viens de permettre au citoyen Stavelot, capitaine commandant à Saint-Fulgent, de se rendre à Nantes pour y passer une décade.
Les grenadiers que je vous avais promis de vous envoyer, ne se rendront point à Montaigu. Sur des observations que me fait le citoyen Oudet relativement à l’administration de ce détachement, j’ai ordonné qu’il resterait à Fontenay" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 9 Ventôse an 9 (28 février 1801), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Oudet, de la 68e Demi-brigade : "D’après les observations que vous me faites par votre lettre (sans date), vous regarderez comme non avenu l’ordre que je vous donnais de faire partir pour Montaigu les grenadiers du 3e bataillon. Lorsque les raison qui s’opposent aujourd’hui à leur départ ne subsisteront plus, vous voudrez bien m’en instruire.
Depuis quelques décades, je remarque que vous ne portez plus sur votre état de situation que 8 chevaux d’officiers, tandis que précédemment, vous en portiez 10, avec un cheval de fourgon. D’où provient cette différence ? Sur les états que je fournis à l’état-major, je suis obligé de rendre raison du plus léger mouvement" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 9 Ventôse an 9 (28 février 1801), le Général Travot écrit au Percepteur des contributions au Poiré : "J’ai pris des informations sur la conduite des citoyens Trecol, l’un capitaine et l’autre sergent à la 68e de ligne ; il en résulte ainsi que vous le verrez par le rapport qui m’a été fait, qu’ils n’ont point employé la violence ni les menaces, comme vous avez bien voulu le dire pour faire payer les journées de garnisaires dues au militaires sous leurs ordres.
Quant à l’opinion où vous êtes que c’est par une prétention mal fondée qu’ils ont exigé l’indemnité, la nourriture et le logement pour les journées où ces militaires n’ont pas été envoyés en contrainte, je suis fortement porté à croire que vous êtes dans l’erreur ; n’étant point envoyés dans votre commune pour y activer la rentrée des contributions, ils doivent être logés, nourris, et recevoir chacun un franc par jour, dès l’instant de leur arrivée jusqu’à celui de leur départ, et à mon avis ces frais doivent être supportés par tous les contribuables qui, par leur retard, se sont mis dans le cas de recevoir des garnisaires" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 12 Ventôse an 9 (3 mars 1801), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Oudet : "Je vous préviens que d’après l’ordre que j’en ai donné hier soir au commandant de l’artillerie de cette place, cet officier doit ce matin expédier pour Fontenay deux canons de 4 avec leurs agrès et cent cartouches à poudre d’une livre chaque, qui m’ont été demandées par le préfet pour la célébration de la fête de la paix au chef-lieu du département.
Vous voudrez bien user de toutes les précautions nécessaires pour la conservation de ces divers objets" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 12 Ventôse an 9 (3 mars 1801), le Général Travot écrit encore au Chef de Bataillon Oudet : "Je vous retourne la lettre du percepteur du Poiré au citoyen Trecol. J’en ai pris connaissance et j’ai eu lieu de me convaincre que les plaintes qui m’ont été portées étaient dénuées de fondement" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 14 Ventôse an 9 (5 mars 1801), le Général de Division Chabot, commandant la 12e Division militaire, écrit, depuis Nantes, au Chef de Brigade Boutrouë : "Les dispositions prises par le Gouvernement appelant l'adjudant commandant Lantal dans la 22e division militaire, je vous préviens, citoyen commandant, que je vous ai choisi pour le remplacer provisoirement dans le commandement de la Loire-Inférieure, en attendant l'arrivée de l'adjudant commandant Fabre, qui m'est annoncé.
En conséquence, vous voudrez bien vous rendre auprès du brave général Lantal, qui mérite à tous égards nos regrets, pour recevoir de lui tous les papiers et renseignements relatifs à ce commandement.
Je suis flatté de trouver cette occasion, citoyen commandant, de vous donner une nouvelle preuve de ma confiance et de mon estime.
Je vous salue,
CHABOT" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 191).
Le 18 Ventôse an 9 (9 mars 1801), le Général Travot écrit : "Conformément aux ordres du général commandant la 12e division militaire, le citoyen Mongin, lieutenant à la 68e, incorporera dans la compagnie qu’il commande les deux militaires ci-après dénommés, dont on ignore l’emplacement des corps auxquels ils appartiennent.
Le citoyen Jacques Périer, hussard à la 9e compagnie du 1er régiment des hussards à pied.
Le citoyen Etienne Robton, volontaire à la 6e de ligne.
Il sera donné avis de cette incorporation aux conseils d’administration de ces deux corps par celui de la 68e de ligne qui pour cet effet s’adressera au ministre de la guerre" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 18 Ventôse an 9 (9 mars 1801), le Général Travot écrit : "La directrice de l’hôpital civil et militaire des Sables ne considérera plus comme prisonniers les citoyen Perrier et Etienne Robton, dont elle a donné des décharges au concierge de la maison d’arrêt, mais bien comme faisant, dès aujourd’hui partie de la 8e compagnie du 2e bataillon de la 68e de ligne, stationnée aux Sables.
Il sera donné avis de cette incorporation aux conseils d’administration de ces deux corps par celui de la 68e de ligne qui pour cet effet s’adressera au ministre de la guerre" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 19 mars 1801 (28 ventôse an 9), Bonaparte écrit depuis Paris au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Donnez l'ordre aux seconds bataillons des 72e et 73e, qui sont à Tours et à Angers, et au troisième bataillon de la 68e, qui est à Nantes, de se compléter à 420 hommes et de se rendre à Saintes, pour faire partie du corps de la Gironde.
Prévenez le général Leclerc que ces trois bataillons, les bataillons francs de l'Ouest, feront le fond de la deuxième brigade, destinée à s'embarquer avec l'amiral Bruix ... " (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 5474; Correspondance générale, t.3, lettre 6141).
Le 6 Germinal an 9 (27 mars 1801), le Général Travot écrit au Capitaine Bellemain, commandant les Grenadiers, 4e, 7e et 8e Compagnies du 3e Bataillon de la 68e à Montaigu : "A lui donné ordre de partir avec ses 4 compagnies le 8 du courant pour Fontenay où il devra faire en sorte d’arriver le 9 et où il trouvera entre les mains du commandant de la place de nouveaux ordres pour sa destination ultérieure" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 6 Germinal an 9 (27 mars 1801), le Général Travot écrit au Capitaine Mairet, à Palluau : "A lui donné l’ordre de faire rentrer tous ses garnisaires dans les journées des 7 et 8 et de partir le 9 avec sa compagnie pour Montaigu où il tiendra garnison. Il trouvera entre les mains du maire un paquet qu’y aura laissé son prédécesseur, lequel contiendra les ordres généraux et ceux particuliers qui concernent ce poste" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 6 Germinal an 9 (27 mars 1801), le Général Travot écrit au Maire de Montaigu : "A lui fait invitation de faire fournir journellement par la garde nationale, jusqu’à l’arrivée de la 1ère compagnie du 2e bataillon de la 68e un détachement pour la garde du fort et celle des prisons" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Puis, le même 6 Germinal an 9 (27 mars 1801), le Général Travot écrit ensuite au Général Chabot :"A lui rendu compte que les ordres sont donnés pour le départ des 4 compagnies du 3e bataillon de la 68e et qu’elles seront remplacées à Montaigu par la 1ère et la 2e compagnie du 2e bataillon de la même demi-brigade lesquelles se trouvent à Palluau et Pouzauges" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Et encore, le 6 Germinal an 9 (27 mars 1801), le Général Travot écrit au Chef du 2e Bataillon de la 68e à Fontenay : "A lui donné l’ordre de faire passer à Montaigu la compagnie qui est à Pouzauges et de rendre à leurs compagnies respectives, à leur passage à Fontenay, les hommes du 3e bataillon qu’il a en subsistance dans le sien" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 7 Germinal an 9 (28 mars 1801), le Général Travot écrit à l’Ordonnateur : "A lui donné avis de tous ces mouvements" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 31 mars 1800 (10 Germinal an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, commandant par intérim la subdivision de la Loire-Inférieure, écrit, depuis Nantes, à son frère : "J'ai reçu, mon cher ami, ta lettre du 5 ventôse dernier. Je t'assure que j'étais bien inquiet de ta santé, car, depuis plus de six mois, je n'avais plus entendu parler de toi.
Comme tu me le fais fort bien observer, le traité de paix conclu avec l'Autriche fait rentrer en pleine activité tous les prisonniers de guerre. Je n'ai donc plus à me préoccuper de mon échange.
Mon 3e bataillon est à peine rentré de Turin, où il avait été fait prisonnier à la citadelle, et déjà le ministre de la guerre vient de m'envoyer l'ordre de le faire partir de suite pour se rendre à l'armée d'observation. Cette armée, comme tu le sais, doit opérer contre messieurs les Portugais, s'ils s'obstinent toujours à rester les fidèles alliés de l'Angleterre. Je m'attends de jour en jour à partir pour cette armée avec les deux autres bataillons sous mes ordres.
Ainsi, tu vois, mon cher ami, que, de quelque temps, je ne puis espérer un congé pour aller vous voir. Dans ce moment, mon départ en congé serait tout à fait impossible, car, outre mes fonctions de chef de corps et celles de président du 1er conseil de guerre de la division, le commandement de la subdivision de la Loire-Inférieure vient de m'être déféré depuis un mois. Je t'assure que je ne manque pas de besogne.
Nous célébrons aujourd'hui la fête de la Paix. La joie est peinte sur toutes les figures. Voilà donc enfin assuré le prix de nos victoires ! Elles nous ont donné la paix continentale. Puisse-t' elle bientôt être suivie de la paix générale.
Si tes affaires te le permettent, tu ferais fort bien de venir faire un tour à Nantes; tu retrouverais dans cette ville plusieurs de tes anciens collègues de la Convention; ils seraient heureux de te voir.
Je t'embrasse de tout mon coeur, ainsi que ton épouse et ta fille" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 38).
Le 28 Germinal an 9 (18 avril 1801), Bonaparte écrit, depuis la Malmaison, au Chef de Brigade Savari, son Aide de camp : "Pour les quinze cents hommes de l'amiral Bruix,
Cent canonniers avec leurs 6 pièces ;
Cent cinquante hommes du 9e de dragons ;
Un bataillon de la 90e, à six cents hommes ;
Un de la 68e ;
Et aux canonniers du général Leclerc, aussi à la disposition de l'amiral Bruix, joint aux ouvriers de la marine.
Envoyer un état très exact de tout ce qui sera embarqué, pour que je sache toujours à quoi m’en en tenir" (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6226).
Le 5 Floréal an 9 (25 avril 1801), le Général Travot écrit au Capitaine Mairet, commandant à Montaigu : "Le citoyen Maulde m’a communiqué le lettre que vous lui avez écrite le 25 germinal dernier pour lui demander ses ordres sur votre placement. Je suis d’avis qu’attendu que la 1ère compagnie n’est commandée que par un sous-lieutenant, vous restiez à Montaigu pour commander le poste, jusqu’à l’arrivée d’un officier de votre grade" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 13 Floréal an 9 (3 mai 1801), Bonaparte écrit, depuis la Malmaison, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, ... De compléter à 600 hommes le bataillon de la 68e qui est aux ordres de l'amiral Bruix ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6249).
Le même 3 mai 1801, le Ministre de la Guerre ordonne à l'Amiral Bruix de rassembler à Rochefort des éléments du 1er Bataillon de la Légion de la Loire, du 3e Bataillon de la 68e et du 3e Bataillon de la 90e Demi-brigades de ligne, qu'il portera à un total de mille six cents hommes (Berthier à Bruix, 3 mai 1801, S.H.A.T. B7 1 - cité par M. Brevet).
Le 8 mai 1801, Bernadotte écrit à Berthier, que seuls les Bataillons des 31e et 68e Demi-brigades de ligne, ainsi que de la 30e Légère, sont des troupes véritablement expérimentées : trois bataillons sur neuf, à peine le tiers ! (S.H.A.T. B7 1 - cité par M. Brevet).
Le 26 Floréal an 9 (16 mai 1801), le Général Travot écrit au Citoyen Michel, commandant de Saint-Gilles et Montaigu : "Donné ordre au citoyen Michel de faire rendre ici les compagnies de la 68e aussitôt relevées par la 21 de même qu’au capitaine Piqueret de rendre ici sa compagnie aussitôt remplacée.
Ordre au commandant de Montaigu de se diriger sur Fontenay aussitôt l’arrivée de la 21e" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 27 Floréal an 9 (17 mai 1801), le Général Travot écrit au Général Chabot : "... Aussitôt que les compagnies du 2e bataillon de la 68e auront été relevées par celles de la 21e je les dirigerai sur la Rochelle, j’aurai soin de vous informer vous et le général Paradis du jour où elles arriveront à leur destination, je ne puis vous le dire en ce moment attendu que j’ignore si les compagnies de Noirmoutier pourront en sortir le même jour où arriveront celles qui les remplacent …" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 27 Floréal an 9 (17 mai 1801), le Général Travot écrit au Commissaire des Guerres Cotty : "Le 1er bataillon de la 21e de ligne, venant de Nantes, est arrivé hier soir à Saint-Gilles ; il est mis à ma disposition en remplacement du 2e bataillon de la 68e que j’ai ordre de faire partir pour la Rochelle ...
Les compagnies de la 68e relevées par celles n°1, 2, 3, 4, 5 et grenadiers de la 21e ont ordre de se réunir aux Sables, d’où je les ferai partir au nombre de sept pour la Rochelle. La 1ère qui est à Montaigu se rendra à Fontenay où elle atteindra avec la 3e compagnie et l’état-major que je leur envoie leur ordre de départ.
Par une autre lettre, je vous informerai du jour où le 2e bataillon de la 68e se mettra en marche de Fontenay et des Sables pour se rendre à la Rochelle, avis que je ne puis vous donner aujourd’hui, attendu que je suis incertain si les compagnies de Noirmoutier pourront en sortir le même jour où arriveront celle de la 21e" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 28 Floréal an 9 (18 mai 1801), le Général Travot écrit au Chef du 1er Bataillon de la 21e aux Sables : "Vous voudrez bien prendre le commandement de la place des Sables et vous transporter demain dans la matinée chez l’officier de la 68e qui en est investi pour avoir de lui tous les renseignements qui vous seront nécessaires tant pour le service de la place que pour celui des forts extérieurs qui en dépendent ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 28 Floréal an 9 (18 mai 1801), le Général Travot écrit au Capitaine Fontaine, commandant aux Sables : "Je vous préviens que le chef du 1er bataillon de la 21e de ligne a reçu de moi l’ordre de commander cette place ; vous voudrez bien lui remettre les ordres généraux dont vous pouvez être dépositaire et lui donner tous les renseignements qui lui seront nécessaires sur le service de la place et des forts qui en dépendent.
Votre bataillon doit se mettre incessamment en marche pour se rendre à la Rochelle ; vous pouvez faire tous vos préparatifs car je n’attends que l’arrivée des compagnies de Noirmoutier pour expédier l’ordre de départ.
Il est nécessaire qu’avant de vous démettre du commandement, vous en donniez avis à tous les corps de la garnison et que vous les instruisiez en même temps quel est l’officier qui vous remplace" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 1er Prairial an 9 (21 mai 1801), le Général Travot écrit au Capitaine de la Chef du 2e Bataillon de la 68e à Fontenay : "Les sept compagnies que vous aviez détachées sur la côte partiront d’ici le 3 de ce mois et iront coucher le même jour à Talmont, le 4 à Luçon, et le 5 à Marans. Vous prendrez vos dispositions pour arriver le même jour avec votre état-major et vos 2 compagnies à Marans ou s’effectuera la réunion de votre bataillon et le 6, vous vous rendrez à la Rochelle où vous recevrez les ordres du général Paradis qui y commande.
Vos compagnies d’ici auront le pain pour toute leur route, usez de la même précaution pour celles qui partiront de Fontenay" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 1er Prairial an 9 (21 mai 1801), le Général Travot écrit au Général divisionnaire : "A lui donné avis que le 2e bataillon de la 68e partira des Sables et Fontenay, de manière à arriver, réuni, le 6 à la Rochelle ..." (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Encore le 1er Prairial an 9 (21 mai 1801), le Général Travot écrit au Chef de Bataillon Oudet : "A lui envoyé l’ordre de remettre au capitaine de la 21e le commandement de la place et de l’arrondissement de Fontenay, et de partir avec son état-major, 1er et 3e compagnies de son bataillon de manière à arriver le 5 à Marans où se trouveront les 7 autres compagnies et d’où il continuera sa route le 6 pour se rendre à la Rochelle à la disposition du général Paradis.
A lui donné ordre de se pourvoir de pain pour toute sa route" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Puis, encore le 1er Prairial an 9 (21 mai 1801), le Général Travot écrit au Général Paradis, à la Rochelle : "A lui donné avis que le 2e bataillon de la 68e de ligne, fort de 19 officiers et 334 sous-officiers et soldats arrivera le 6 à la Rochelle" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Enfin, le même 1er Prairial an 9 (21 mai 1801), le Général Travot écrit au Commissaire des Guerres : "Donné avis de toutes les dispositions qui concernent le départ du 2e bataillon de la 68e de ligne pour la Rochelle" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 2 Prairial an 9 (22 mai 1801), le Général Travot écrit au Commandant des 7 compagnies du 2e Bataillon de la 68e aux Sables : "A lui donné ordre de partir demain avec ses sept compagnies pour aller loger le 3 à Talmond ; le 4 à Luçon ; le 5 à Marans et le 7 à la Rochelle où il prendra les ordres du général qui y commande. On le prévient en même temps qu’il doit se pourvoir de pain pour sa route, et qu’il trouvera à Luçon, ou à Marans, le surplus du bataillon qu’alors chaque compagnie prendra son rang et de bataille et qu’elles continueront leur marche sous le commandement du chef de bataillon" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le même 2 Prairial an 9 (22 mai 1801), le Général Travot écrit au Sous-préfet des Sables : "Donné avis du départ des sept compagnies du 2e bataillon de la 68e et de leur itinéraire pour qu’il a faire pourvoir aux besoins de cette troupe dans les lieux de passage" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 1er juin 1801 (12 Prairial an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Je reçois à l'instant, mon cher ami, ta lettre qui m'annonce que sous peu j'aurai le plaisir de te voir ici. Je vais avoir bien de l'impatience jusqu'à ce que ta promesse soit réalisée. Tu sais combien je t'aime, ainsi tu peux croire combien ta visite me flattera.
Ma demi-brigade n'est plus ici depuis quinze jours. Elle est partie pour aller occuper La Rochelle, Rochefort, l'île d'Aix. etc. Mon troisième bataillon, qui faisait partie de l'armée d'observation,
est placé sous les ordres de l'amiral Bruix. Il est, dit-on, destiné à une expédition maritime. Moi, je reste à Nantes pour y commander la subdivision de la Loire-Inférieure et présider le conseil de guerre de la division, attendu que mon corps ne quitte pas l'armée de l'Ouest, du moins mes deux premiers bataillons. Ainsi, tu vois, mon cher ami, que je ne puis aller te voir, puisque je suis attaché à ce département. Raison de plus pour que tu viennes le plus tôt possible.
Je ne sais si de vos côtés l'esprit public est meilleur que dans ce département. Ici, le gouvernement n'a de partisans sincères que parmi les fonctionnaires; on peut compter aussi sur une
faible partie de la population des cités, principalement parmi les habitants de Nantes, du Croisic et de Paimboeuf.
Les habitants des campagnes sont égarés par les suggestions des prêtres. Peu de ces derniers se sont soumis, dans cette région, à la loi qui les appelle tous à une promesse de fidélité au gouvernement; ils s'en targuent en public et ne craignent pas d'insulter à tout ce qui a servi la Révolution ou fait des voeux pour ses succès. Ils ne croient pas à l'existence de la République, surtout depuis la rentrée des émigrés. Aussi ambitieux que turbulents pour la plupart, ils exploitent contre l'autorité une faveur que les émigrés ne doivent qu'à la clémence nationale ; ils représentent hautement cette mesure généreuse comme une preuve de faiblesse de la part de nos gouvernants qui, disent-ils, reconnaissant enfin que la France ne peut se maintenir en république, veulent, par gradation, la ramener aux formes anciennes.
Malgré régarement et le fanatisme de ces campagnards, il n'y a plus de soulèvement sérieux à redouter, encore bien qu'ils y soient conviés par les hommes qui ont su capter leur confiance.
Le brigand Dessole qui, pendant les derniers troubles, pénétra dans ce pays à la tête de sa bande, ne put, malgré la terreur qu'il répandait, recruter au delà d'une centaine de jeunes gens, et encore l'abandonnèrent-ils à la première occasion.
Dans les villes, les émigrés rentrés sont plus tranquilles, mais les jeunes gens qui n'ont pas émigré et qui ont été amnistiés après la pacification du Morbihan, se montrent fort arrogants. Comme ils ont tous des permis de port d'armes, ils se réunissent par groupes de sept à huit et se promènent d'un lieu dans un autre, en traînant avec affectation de grands sabres à la hussarde. Pour ne pas leur donner d'importance, on ne s'inquiète pas de leurs allées et venues, tant qu'ils n'ameutent personne; c'est ce qu'il y a de mieux à faire.
Je t'envoie mon adresse : rue Contrescarpe, n° 2; ainsi, tu ne pourras pas te tromper quand tu arriveras à Nantes. Du reste, tout le monde dans la ville te renseignera; j'y suis assez connu.
Je suis ton ami" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 39).
Le 3 Messidor an 9 (21 juin 1801), le Général Travot écrit au Chef de l’Etat-major : "Je viens de remarquer une erreur dans mon dernier état de situation. Elle se trouvera rectifiée si vous avez la complaisance de porter deux hommes et deux chevaux de plus dans la force du détachement de dragons ...
Il y aussi dans ce même état une omission à l’article du passage de troupes sur le territoire de la subdivision. Je viens à l’instant seulement d’être instruit que le 26, il est passé par Montaigu, se rendant de l’ile de Ré à Nantes, un détachement de la 68e demi-brigade de ligne, composé d’1 officier, 4 sous-officiers et 36 caporaux, soldats et tambours.
De semblables omissions peuvent se renouveler souvent, attendu qu’il est impossible que je sois informé de tous les passages des troupes qui ont eu lieu pendant le cours de la décade, pour l’époque à laquelle je suis obligé de vous faire l’envoi de mon état de situation" (SHD 1 I 52-1 - Correspondance du général Travot, 15 févr. 1800-13 avril 1805).
Le 26 Messidor an 9 (15 juillet 1801), le Général de Division Chabot, commandant la 12e Division militaire, écrit, depuis le Quartier général de La Rochelle, au Chef de Brigade Boutrouë, à Nantes : "En exécution des dispositions du général en chef, vous voudrez bien, citoyen chef, remettre à l'adjudant commandant Lantal le commandement de la subdivision de la Loire-Inférieure que je vous avais confié provisoirement. Vous lui remettrez également tous les ordres et papiers y relatifs.
Je saisis cette occasion pour vous témoigner ma satisfaction de la manière distinguée dont vous vous êtes acquitté de cet emploi. Vous continuerez de remplir les fonctions de président du 1er conseil de guerre.
Je vous salue,
CHABOT" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 191).
Le 4 août 1801 (20 Brumaire an 9), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Je suis charmé, mon cher ami, de l'arrangement que nous avons fait avec notre père. Il sera plus tranquille que s'il avait continué son commerce. Mais une chose m'inquiète, c'est la crainte que cette somme de 800 francs ne puisse suffire à ses besoins. Tu sais comme moi, mon bon ami, qu'à son âge il est bien dur d'avoir des privations, et j'aurais toujours à me reprocher, s'il devait en être ainsi, une ingratitude envers un père qui me fut toujours cher et surtout dans ce moment où la fortune nous met tous les deux à même de nous acquitter d'une dette aussi sacrée envers lui. Tant que j'aurai mon état, je ne suis point en peine, mais je puis être tué dans une action ou mourir dans mon lit. Cette idée-là me fait faire des réflexions, non pas pour moi- tu me connais assez pour savoir que la mort ne m'effraye pas - mais pour mon père. En conséquence, mon intention est d'y parer en faisant une autre petite acquisition dont le revenu augmenterait d'autant celui de 800 francs que nous nous obligeons de lui faire annuellement.
Si, de ton côté, tu peux faire aussi quelque chose, il sera plus à son aise. Dans quatre ou cinq mois, j'aurai sûrement des fonds qui me sont dus. Tu voudras bien te charger de les employer pour l'usage qui me tient à coeur.
Je suis débarrassé depuis la fin de messidor du commandement de la subdivision, mais je continue à présider le conseil de guerre de la division.
Je te suis bien reconnaissant du désir que tu me renouvelles de faire faire la connaissance de ma femme à la tienne. Ce sera pour un peu plus tard, quand mon fils pourra être du voyage. Si j'avais obtenu un congé l'année dernière, je vous l'aurais amenée, car c'est dans les commencements du ménage qu'on doit se donner du bon temps. Les femmes ! les femmes !
je les plains autant que je les aime ! A peine ont-elles passé quelques mois en ménage, que la ceinture s'arrondit, on devient mère, nourrice, etc., et on ne peut plus quitter la maison. C'est toujours dès le principe du ménage qu'une femme devrait faire ses voyages. Tu dois reconnaître la précision de mon raisonnement.
Adieu et reçois mon salut amical" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 40 - Note : Le colonel Boutrouë a épousé, dans le courant de l'an VIII, une demoiselle de La Rochelle).
Le 28 septembre 1801 (6 Vendémiaire an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Je viens de recevoir ta lettre du 3e jour complémentaire, mon cher ami, par laquelle tu m'annonces que tu vas tirer à vue sur moi pour la somme de 500 francs. Je te préviens que je ne puis pas te payer ce mois-ci : 1° parce que je viens d'éprouver une terrible maladie; 2° parce que depuis deux mois nous ne sommes pas payés.
Je vais écrire au Ministre pour avoir une convalescence de deux mois; j'ai besoin de respirer l'air natal pendant quelque temps.
Les médecins de Nantes m'avaient tous abandonné; ils prétendaient que je devais en mourir. Du reste, ils ont fait tout ce qu'il fallait pour me conduire au tombeau : j'ai été saigné, purgé, drogué, baigné, etc. Je viens de leur prouver en ressuscitant qu'ils étaient des f .... bêtes. Je suis hors d'affaire, mais mes jambes sont de la chiffe.
Pendant les 5 jours complémentaires je suis resté sans connaissance.
Je t'embrasse de tout mon coeur ainsi que ta femme" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 41).
Le 4 octobre 1801 (12 Vendémiaire an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "J"ai reçu, mon cher ami, ta lettre du 9 de ce mois. Tu parais désirer connaître le genre de ma maladie. En deux mots je vais te satisfaire.
Je suis tombé sérieusement malade il y a un mois ; pendant les trois premiers jours j'ai été incommodé par une très grande quantité de bile. J'ai passé ensuite quatre jours sans connaissance ou plutôt dans un assoupissement continuel; j'avais les extrémités froides et les dents si serrées qu'on était obligé de me faire ouvrir la bouche de force pour m'introduire des calmants de quart d'heure en quart d'heure ; avec cela le hoquet de l'agonie. J'ai enfin recouvré la parole, et depuis ce moment, je me trouve aussi bien qu'une grande faiblesse peut le permettre.
Mes officiers m'ont entouré de soins. Leurs femmes, qui se connaissent mieux à gouverner un malade, se sont empressées autour de moi et ont passé les nuits à me veiller avec la mienne.
Dès que j'aurai reçu mon congé du ministère, je t'en ferai part. Je t'embrasse avec amitié" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 42).
Le 7 octobre 1801 (15 vendémiaire an 10, date présumée), Bonaparte établit à Paris une "Note pour l'organisation des troupes coloniales : "Il sera formé deux demi-brigades légères et cinq demi-brigades de ligne pour le service des îles d'Amérique, sous les numéros 5e et 11e légères, et 7e, 86e, 89e, 82e et 66e de ligne.
Les 5e et 11e légères, et les 7e, 86e, 89e, seront destinées pour le service de Saint-Domingue; la 82e, pour le service de la Martinique; la 66e, pour le service de la Guadeloupe ...
La 7e de ligne sera composée de
La 7e de ligne actuelle 640 hommes.
La 20e de ligne 600
La 23e de ligne 600
La 68e de ligne 500
La 79e de ligne 346
La 31e de ligne 362
3,048 ..." (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 5785).
Le 8 octobre 1801, Berthier écrit au commandant de la 12e Division militaire, que le 3e Bataillon de la 68e reçoit en renfort "... les 117 hommes qui composent le dépôt des Antilles établi aussi à l'Île de Ré ..." (S.H.A.T. B7 1 - cité par M Brevet).
Le 21 Vendémiaire an 10 (13 octobre 1801), Bonaparte écrit, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je désire, citoyen ministre, que vous donniez les ordres pour que le corps d'armée qui doit s'embarquer à Rochefort soit complété à 3 000 hommes ; à cet effet on complètera jusqu'à 1 000 hommes le bataillon de la 68e qui est à l'île d'Aix ..." (Œuvres complètes de Napoléon, Stuttgart et Tubingue, 1822, t.4, p. 305 ; Chuquet A. : « Ordres et apostilles de Napoléon, 1799-1815 », Paris, 1912, t.3, lettre 3096 ; Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6567).
Le 1er novembre 1801 (8 Brumaire an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Ma santé est maintenant tout à fait bonne, mon cher ami. Je crois que de ma vie je ne me suis si bien porté.
Dans le cas où le Ministre m'enverrait mon congé, je ne partirais toujours que dans les premiers jours de frimaire. Je ne sais pas encore comment je me rendrai chez toi. si ce sera à cheval ou en voiture : au surplus, je me déciderai quand j'aurai mon congé en poche.
1000 hommes de ma demi-brigade sont destinés pour Saint-Domingue ; ils doivent partir sous peu de jours avec la flotte de Rochefort. J'ai déjà 200 hommes de mon corps à Madagascar.
Mon fils qui va avoir ses neuf mois me fait endiabler; il crie presque continuellement. Les commères disent que tous les enfants en sont là quand ils font leurs dents. Que ne les a-t-il déjà toutes !
Nous faisons ici de grands préparatifs pour la fète des préliminaires de la paix, qui aura lieu le 18 du courant. Je pense bien qu'à Grées la garde nationale sera sous les armes ce jour-là, banquet et bal ensuite, et que les illuminations de ta maison attireront les habitants des communes environnantes.
Je t'embrasse, ainsi que ta femme et ma nièce" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 43).
Le 25 Frimaire an 10 (16 décembre 1801), Bonaparte écrit, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Une grande partie de ces créances, citoyen ministre, doivent être envoyées au ministre des Finances pour être converties en inscriptions conformément à la loi du 30 ventôse. Le ministre pourra solder les autres sur les 200 000 francs qui lui sont donnés pour Nivôse pour solde de l'an VIII. Il faudra joindre la réclamation de la 68e qui a été ajoutée aux pièces.
Les différents fonds qui ont été mis à la disposition du ministre pour solder les créances de l'an VIII qui n'excèdent pas 300 francs, on n'a pas cru [devoir] un écrit pour cet objet ; mais le ministre peut toujours en faire donner l'état. On lui ouvrira pour pluviôse un crédit de 200 000 francs pour cet objet" (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6680).
/ 1802
Le 12 janvier 1802 (22 Nivôse an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Ma demi-brigade est réduite à zéro, mon bon ami, depuis que l'escadre de Rochefort est partie; 1200 hommes, joints à 200 que j'ai fournis pour escorter les déportés qui étaient destinés à Cayenne, nous laissent sur le continent environ 70 à 80 hommes, sans compter les officiers et les sous-officiers. Ainsi tu peux juger par ces chiffres qu'il y a autant d'officiers que de soldats. Voilà un corps qui, au complet, doit être porté à 3,200 et tant d'hommes !
Nous attendons de jour en jour le général qui doit nous inspecter, mais j'ignore s'il sera question de la réorganisation de ma demi-brigade à sa revue. Dans tous les cas, je pense bien que s'il y a des réformes, elles ne peuvent m'atteindre, puisque je suis un des plus anciens chefs de brigade de l'armée, et que plusieurs fois j'ai refusé le grade de général de brigade. Au surplus, je me résigne aux décrets de la Providence : avec 1500 fr. de retraite un soldat peut vivre.
Nous avons ici les grandes eaux. Les quais sont submergés, les îles du fleuve ont, en partie, disparu. On va, dit-on, aller en bateau dans les rues qui avoisinent la Loire; ce sera un spectacle curieux. Je suis heureusement dans un quartier où l'eau ne peut pas monter.
Mon fils qui est sur sa première année se porte à merveille ; il commence à devenir intéressant; il parlera, je crois, avant d'avoir ses dents. Il est très grand pour son âge ; des personnes prétendent qu'il sera plus haut que son père, ce qui n'est pas peu dire. Ce qui me fait plaisir, c'est qu'il rit dès qu'il voit un sabre ou un fusil. Avec un goût pareil il ne peut devenir que bon soldat. A sa naissance je l'ai enveloppé dans les drapeaux de ma demi-brigade, c'est sans doute ce qui lui aura donné l'âme martiale. Ces jours-ci je lui avais donné pour jouer une gravure représentant un père capucin; il était sur mes genoux auprès du feu; il la regarda un moment et puis la jeta au feu, après avoir craché dessus. Il s'est amusé ensuite avec mon sabre pendant plus d'une heure et s'est mis à crier dès que j'ai voulu le lui retirer. Qualis pater, talis filius.
Adieu. Madame me charge de vous faire ses civilités" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 44).
Le 27 février 1802 (8 Ventôse an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Je suis toujours en bonne santé, mon cher ami, ainsi que ma petite famille. Il n'y a pas d'apparence que j'aille à Saint-Domingue; d'un côté cela ne me fait pas de peine, car je n'aime pas infiniment l'eau.
Il n'y a pas d'autres changements dans la réorganisation des demi-brigades que leur réduction à 2,054 hommes, tout compris ; elles étaient auparavant de 3,260 hemmes. Quelques-unes ont été réduites à deux bataillons ; la mienne est conservée à trois. Le Ministre, qui vient de me l'annoncer, me donne l'espoir de la voir bientôt au complet. J'en serai bien aise, car il ne me reste plus sur le continent que l'état-major, le cadre des officiers, celui des sous-officiers et environ 80 soldats.
Je compte aller le mois prochain à l'île de Rhé où se trouvent les débris de ma demi-brigade. Je n'ai pas encore de nouvelles des !500 hommes que j'ai fournis pour l'expédition de Saint-Domingue.
Tous mes projets de congé sont évanouis. Je ne compte même plus avoir le plaisir de vous voir cette année ; le premier consul veut qu'aucun chef de corps ne s'absente pendant l'an X.
J'ai dîné dernièrement chez le préfet; j'y ai rencontré le citoyen Joubert, commissaire ordonnateur; il m'a chargé de ses amitiés pour toi.
Adieu. Je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 45).
La 68e Demi-brigade à Saint-Domngue passe aux ordres du Général Pampbile-Lacroix, qui remplace le Général Boudet, grièvement blessé, le 11 mars, à l'assaut du fort de la Crête-à-Pierrot, défendu par Dessalines.
Le 8 Germinal an 10 (29 mars 1802), Bonaparte écrit, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "... Vous mettrez à la disposition du ministre de la Marine pour être embarqué :
... 2° Vous ferez former dans chaque demi-brigade qui a un bataillon à Saint-Domingue un piquet de 120 hommes envoyé pour le rejoindre. Ce piquet sera commandé par un capitaine, un lieutenant ou un sous-lieutenant.
Les compagnies de dépôt des 71e, 79e, 31e et 38e légères (il faut lire de Ligne) seront embarquées à Brest.
Celles des 21e, 56e, 68e, 90e de ligne et 15e légère seront embarquées à Rochefort ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6835).
Le même 8 Germinal an 10 (29 mars 1802), le Premier Consul écrit, de Paris, au Contre-Amiral Decrès, Ministre de la Marine et des Colonies : "Nous avons, Citoyen Ministre, sur les différents points d'Italie, des troupes que je destine pour Saint-Domingue ...
Il est également convenable de faire partir des renforts des ports de l'Océan ...
La 15e légère, la 21e de ligne, la 56e, la 68e, la 90e fourniront chacune 120 hommes, qui s'embarqueront à Nantes ou à Rochefort ...
Les hommes revenant des hôpitaux ou de semestre, appartenant à des bataillons qui se trouvent à Saint-Domingue, s'embarqueront dans les ports d'où sont partis leurs bataillons" (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 6017 ; Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6836).
Le 31 mars 1802 (9 Germinal an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Les Nouvelles ont dû t'instruire, mon bon ami, de la conduite qu'a tenue mon 3e bataillon devant la capitale de Saint-Domingue. Tu peux juger par là que partout où s'est trouvé mon corps, il a toujours fait parler de lui d'une manière distinguée.
Je n'ai pas encore pu me rendre à l'ile de Rhé, comme je te l'avais annoncé, le général étant parti pour Paris; mais j'espère toujours que le mois prochain ne se passera pas sans que j'aie rejoint mon corps.
Je t'embrasse, ainsi que ta famille" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 46 - Prise de Port-au-Prince, le 6 février 1802, par les troupes de la Division Boudet).
Le 1er Prairial an 10 (21 mai 1802), Bonaparte écrit, depuis Paris, au Contre-Amiral Decrès, Ministre de la Marine et des Colonies : "... A Rochefort, vous avez à embarquer 480 hommes des 21e, 56e, 68e et 90e, plus 800 hommes de canonniers gardes-côtes ; ce qui fait 1,280, conformément aux dispositions qui ont déjà été prises. Je donne l'ordre qu'un bataillon de la 83e s'y rende de Bordeaux ; sa force sera de 700 hommes. Vous aurez donc 1,980 hommes à faire partir de Rochefort ; vous pourrez vous servir de deux vaisseaux de guerre de Brest pour vous aider à ce transport ..." (Correspondance de Napoléon, t.7, lettre 6089 ; Correspondance générale de Napoléon, t.3, lettre 6899).
Le 11 Prairial an 10 (31 mai 1802), l'Adjudant commandant Ricard, Chef de l'Etat-major de la 12e Division militaire, écrit, depuis le Quartier général de Nates, au Chef de Brigade Boutrouë, Président du 1er Conseil de Guerre : "Sur votre demande, citoyen chef, et d'après les motifs que vous opposez, le général de division vient de pourvoir à votre remplacement dans les fonctions de président du 1er conseil de guerre.
Il me charge de vous transmettre les témoignages de sa satisfaction pour la manière infiniment distinguée avec laquelle vous avez rempli ces fonctions. Il aurait désiré que les intérêts de votre corps vous eussent permis de les prolonger encore.
Agréez les assurances de mes sentiments affectueux" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 192).
Le 4 juin 1802 (15 Prairial an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Nantes, à son frère : "Mon ami, je viens encore de fournir 120 hommes de ma demi-brigade pour Saint-Domingue. Tu vois qu'on ne m'épargne point. Les dernières nouvelles de ce pays ont dû t'instruire que mon corps s'y distingue toujours.
J'ai enfin obtenu du général d'être relevé de mes fonctions de président du conseil de guerre. Je vais donc pouvoir me rendre à l'ile de Rhé où se trouvent les débris de ma demi-brigade.
Je pars demain, mais je compte rester quelques jours à La Rochelle, chez les parents de ma femme; elle y est déjà rendue avec son fils.
Je t'embrasse, ainsi que ta famille" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 47).
Le 5 août 1802 (17 Messidor an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis l'lie de Rhé, à son frère : "J'ai reçu ta lettre, mon cher ami, avec bien du plaisir. J'étais inquiet sur ta santé et sur celle de notre père qui, par sa dernière, me faisait part de sa maladie et de ton indisposilion. Je suis bien tranquille sur ton compte, mais je le suis moins sur celui de notre père. Il commence à n'être plus jeune et sa maladie est sérieuse; il faut espérer que notre ami Compain qui le gouverne pourra le tirer d'affaire, ce que je désire bien sincèrement.
Je suis arrivé ici le 26 du mois dernier, après être resté dix jours à La Rochelle chez les parents de ma femme. Le passage de la mer, quoique court, m'a un peu bouleversé la bile; il n'y paraît plus maintenant. D'ailleurs, la belle réception que m'ont faite les officiers de mon corps n'a pas peu contribué à me rendre la santé. Les fêtes qu'ils m'ont données ont duré huit jours. Ma femme et mon fils ont été bien accueillis par les dames du corps.
Je ne suis pas en fonds pour le moment, mais dans un mois ou deux je pourrai envoyer à mon père une centaine d'écus et plus si je le puis. Je vais lui écrire à ce sujet.
Je crois t'avoir dit dans le temps que j'avais fourni un détachement à bord de la frégate la Chiffonne et un autre à la corvette la Flèche. La première a été prise par les Anglais et la seconde a été coulée bas. Les équipages ont été sauvés. Cela s'est passé au combat du 1er fructidor an IX. Plusieurs hommes ont été tués, d'autres ont perdu des membres. Le capitaine commandant ces détachements qui ont été à Madagascar, à l'ile de France, etc., est rentré au corps ces jours derniers avec 36 hommes bien portants et 10 estropiés. 5 hommes sont encore à l'île Mahé, archipel des Seychelles, 12 autres sont restés à l'ile de France avec le commandant de la corvette; ils doivent revenir en France dès qu'ils seront relevés. Le capitaine m'a rapporté un singe très bien apprivoisé. Mon fils est dans la joie; il en a fait son ami.
Mon troisième bataillon est toujours à Saint-Domingue. Il a beaucoup souffert dans ces derniers temps. Le chef a été tué avec plusieurs autres officiers; les blessés sont très nombreux; la fièvre jaune a fait aussi de grands ravages.
Ne peux-tu pas disposer de quelques jours et venir me voir ici. J'ai un lit à te donner et plusieurs choses curieuses à te montrer dans l'île. Cela me ferait bien plaisir ainsi qu'à ma
femme. Elle vous dit mille choses honnêtes. Je t'embrasse" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 48).
Le 24 août 1802 (6 Fructidor an 10), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Saint-Martin, ile de Rhé, à son frère : "Nous sommes à Saint-Martin, mon cher ami; la place est entourée de fortifications faites sur le plan que Vauban en avait donné. Le port est oblong et coudé vers le milieu; les vaisseaux y sont en sûreté. Une compagnie occupe la citadelle.
L'île a cinq lieues trois quarts de longueur; sa largeur est irrégulière; le contour est de quatorze lieues et demie, sans compter les marais salants. Il y a beaucoup de vignobles qui produisent communément, dit-on, 25,000 tonneaux de vin (le tonneau fait 4 poinçons de notre pays) et presque le double dans les années de grande abondance. Le vin est médiocre, mais on en fait des eaux-de-vie excellentes. Le pays est bien peuplé; il comprend six paroisses et plusieurs villages. On y compte 2,000 habitants environ. La population est belle, les femmes sont fortes et robustes. Le climat est sain et on y vit moins chèrement que dans aucun pays du continent.
Nos plaisirs ne sont pas très brillants, surtout dans cette saison; mais l'hiver, paraît-il, c'est bien différent : les concerts, les bals que la garnison donne aux habitants et que ceux ci lui rendent font passer le temps agréablement. Mes occupations se bornent, pour le moment, à faire arpenter chaque jour à ma troupe l'esplanade de la citadelle. Nos recrues arrivent lentement; mon effectif n'est encore que de 509 hommes. On nous en annonce une grande quantité pour le mois de vendémiaire.
Mon fils, qui marche et parle bien, devient chaque jour plus intéressant. Il est tous les jours à voir exercer les soldats ; la musique lui plaît beaucoup. Quand les officiers lui demandent : "A qui sont ces soldats-là ?" il répond : "C'est à papa !" - "Et ces fusils-là ?" - "C'est à papa !" Enfin, tout m'appartient. Dès qu'il est rentré à la maison, il répète à tue-tête tous les commandements qu'il a entendus. Sa mère a toutes les peine du monde à l'empêcher de répéter tous les jurons qu'il entend à l'exercice. Ce qui le frappe le plus, ce sont les grenadiers, surtout quand ils ont leur bonnet à poil. Dès qu'il aura ses deux ans, je le ferai encadrer dans une de ces compagnies.
Si tu vois l'ami Rouault, dis-lui bien des choses de ma part. S'il veut entreprendre un voyage cette année, il peut venir me voir dans mon île; nous mangerons d'excellents poissons de mer et des coquillages exquis. Enfin, j'aurai bien du plaisir à le revoir. Accompagne-le, si tu peux.
Il paraît que mon troisième bataillon de Saint-Domingue va former le noyau d'un des régiments coloniaux que l'on doit organiser là-bas. Ma demi-brigade resterait ainsi à deux bataillons; j'en serais fâché.
Adieu, je t'embrasse ainsi que ta femme et ta fille" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 49).
Le 21 Vendémiaire an 11 (13 octobre 1802), l'Adjudant commandant Ricard, Chef de l'Etat-major de la 12e Division militaire, écrit, depuis le Quartier général de Nantes, au Chef de Brigade Boutrouë : "En me chargeant de vous transmettre l'ordre ci-joint, mon cher commandant, le général de division me charge de vous assurer que l'absence à laquelle il vous oblige sera au plus de quinze jours.
Il s'agil d'une affaire majeure renvoyée par le tribunal de cassation à un conseil de guerre et dans laquelle les deux présidents des deux conseils ne peuvent juger, attendu qu'ils sont l'un et
l'autre mariés dans le pays.
Vos lumières et l'expérience que vous avez acquise dans la jurisprudence militaire pendant un long exercice, ont fait tomber sur vous le choix du général de division. Il en prévient le Ministre de la guerre et lui fait part de ses motifs qui sont tous extrêmement flatteurs pour vous.
Pour ce qui me regarde, je serai fort aise que cette circonstance me fournisse l'occasion de vous revoir.
Recevez l'assurance de mon estime et de mes sentiments affectueux.
RICARD.
P. S. Je viens de quitter votre chef de bataillon qui revient
de Saint-Domingue; il part demain pour Paris. Il m'a chargé de vous présenter ses respects" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 192).
Le 24 Vendémiaire an 11 (16 octobre 1802), le Général de Brigade Fuzier écrit, depuis le Quartier général de La Rochelle, au Chef de Brigade Boutrouë, à l'Ile de Ré : "Je viens de recevoir une lettre du chef de l'état-major divisionnaire qui me donne avis qu'il vous écrit par le même courrier de vous rendre à Nantes, par ordre du général Dumuy, pour présider un conseil de guerre dont l'affaire est renvoyée devant ce tribunal par celui de cassation. Il me prescrit aussi que l'intention du général est de vous renvoyer à votre poste actuel aussitôt le jugement rendu.
Vous voudrez bien, d·après ces dispositions, remettre le commandement de la place à un chef de bataillon à votre choix et vous rendre à Nantes pour les fonctions auxquelles vous êtes appelé. Je vous verrai revenir avec autant de plaisir que j'ai de peine à vous voir vous absenter. Je vous observe que les chefs de brigade qui ont présidé l'affaire dont il s'agit sont récusables et que l'expérience consommée, en matière de jurisprudence militaire, que le général Dumuy vous connait, l'a décidé à vous appeler audit conseil.
Je vous salue" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 193).
Le 25 novembre 1802 (4 Frimaire an 11), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, commandant l'île de Rhé, écrit, depuis Saint-Martin, île de Rhé, à son frère : "J'arrive de Nantes, mon cher ami, où je suis resté un mois plein pour y juger une affaire des plus importantes.
On vient de me remettre ta lettre du 23 brumaire, celle du juge de paix du canton de Chartres-Nord et une autre du citoyen Collin, notre ami commun, qui m'annoncent toutes la perte que nous venons de faire du meilleur des pères. Cette affligeante nouvelle m'a causé une telle révolution que ma santé s'en trouve encore éprouvée.
Je ne crois pas pouvoir me rendre à Chartres à cause du commandement que j'exerce en ce moment dans l'île de Rhé. Tu te serviras de ma procuration pour arranger nos affaires. Je te prie seulement de ne pas faire vendre l'argenterie de notre père ; mon intention est d'en avoir la moitié, et si tu peux t'en passer, je m'arrangerais bien du tout avec toi, car j'en ai besoin, tenant maison.
C'est pour juger le nommé Mac Carthy que j'ai été appel à Nantes. Cette affaire a rempli six séances du conseil de guerre et cinq à six mille habitants y assistaient.
J'ignore s'il est de la famille des Mac Carthy qui sont de nos côtés. Tout ce que je sais, c'est qu'il se nomme Jean-Baptiste Mac Carthy, fils de Dermat Mac Carthy et de Honorée O'Connor, né dans la paroisse d'Ennistimond, diocèse de Kilfennora, comté de Clare, en Irlande, âgé d'environ 37 ans, prêtre catholique. Nous l'avons condamné, le 22 du mois demier, à la peine de mort; il s'est pourvu en révision, le 23 dudit, et le conseil de révision, qui est le régulateur de nos conseils, et qui ne juge que sur la forme, a confirmé notre jugement, le 2 frimaire courant. Le jugement a reçu son exécution le lendemain, sur la place du Bouffay, à trois heures de l'après-midi.
Ce scélérat, avant de mourir, a écrit deux lettres à l'évêque. Le premier jour de sa comparution à nos audiences, il s'est confessé, et depuis ce moment jusqu'à sa mort, messieurs ses bons confrères ne l'ont point abandonné. Ils lui ont fait faire tout ce qu'ils ont voulu et entre autres choses ses deux lettres à l'évêque. Ils craignaient sans doute que, conservant son ton récriminatoire, il ne dévoilât publiquement quelques-uns de leurs secrets et surtout leurs intrigues avec le fameux Allot. Cet Allot est un prêtre de ses amis qui a figuré dans le procès et qui, avant cette époque, était en odeur de sainteté à Nantes où ses dupes lui ont plus rapporté que les rois Mages à Jésus de Nazareth. Depuis il a décampé.
Si tous les charlatans de son espèce pouvaient être ainsi démasqués, le règne de l'imposture et de la scélératesse sacerdotales ne serait pas de longue durée. Il faut vivre dans l'espérance qu'un jour cette secte impie et sanguinaire, qui a fait le malheur du genre humain, verra ses crimes mis à jour, et que le bon peuple, qui croit encore à ses discours, ouvira les yeux et rougira de s'être prosterné si longtemps devant ses bourreaux ! Heureusement que notre Premier Consul sait les apprécier; le plus haut magistrat de la République les contraindra bien à se renfermer dans les bornes de la saine morale.
Je ne te citerai qu'une phrase d'une des lettres écrites par Mac Carthy à l'évêque : "Lorsque la présente vous sera remise, je serai probablement jugé par mon Dieu ... Je tremble, mais j'espère; accordez à mon âme défunte cette bénédiction que je sollicite et implore les larmes aux yeux". Ne trouves-tu pas comme moi, mon bon ami, que ce prêtre soi-disant catholique a des expressions bien matérialistes ?
Cette affaire-là nous avait été renvoyée par le tribunal de cassation. Figure-toi que le défenseur officieux de Mac Carthy ne nous trouvait pas compétents pour le juger. Voici ce que je lui ai répondu comme président du conseil : "Je ne connais pas vos règlements civils; les règlements militaires me sont mieux connus; ils me disent : tu as reçu l'ordre de te rendre ici pour juger un prévenu. Cet ordre, citoyen défenseur, nous rend compétents".
Mon intention est de me fixer de vos côtés, si je venais à me retirer du service. Si tu trouves quelque petite métairie qui puisse me convenir, je te prie de m'en donner avis.
Je t'embrasse, ainsi que ta femme" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 50 - Note Mac Carthy, Prêtre suspect "ayant trempé dans la chouannerie, prévenu de guet-apens nocturne et de tentative d'assassinat dans les landes de Treillières". Allot, autre prêtre suspect éayant pris une grande part aux horreurs de la chouannerie, ayant assassiné de sa propre main et tenant des cérémonies extravagantes, soi-disant religieuses" (Archives départementales de la Loire-Inférieure)- Archives départementales de la Loire-Inférieure).
/ 1803
Le 25 février 1803 (6 Ventôse an 11), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis l'île de Rhé, à son frère : "Non, mon cher ami, il ne faut pas compter que j'aille vous voir. Je ne puis dans ce moment m'absenter de mon corps, et, quand je le pourrais, j'y regarderais à deux fois, à cause de la dépense que m'occasionnerait ce voyage. Tu vas en juger.
Je suppose que j'obtienne un congé de deux mois :
Appointements de ces deux mois, 833 fr.
Logement 100 -
Fourrages 100 -
Supplément de solde 450 -
Pour aller et revenir, à peu près 500
TOTAL 1,983 fr.
Mon absence, tu le vois, me coûterait 2,000 francs. J'aime beaucoup mieux consacrer une partie de cette somme à un placement sur le prix d'une petite métairie, comme je te l'ai déjà dit. D'ailleurs mes intérêts sont entre tes mains, et je suis tranquille là-dessus.
Quant à mon argenterie, tu peux toujours la mettre à la diligence à La Ferté-Bernard; elle passera à Nantes et de là à La Rochelle et ici.
Adieu, je t'embrasse, ainsi que ta femme et ma nièce" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 51).
Le 24 mars 1803 (3 Germinal an 11), le Premier Consul écrit, depuis Paris, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Donnez ordre, citoyen ministre, à la 88e de se rendre en garnison à Strasbourg, ... à la 68e id. dans la 6e division militaire, ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.4, lettre 7533).
Le 15 avril 1803 (25 Germinal an 11), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis l'ile de Rhé, à son frère : "J'adresse par le même courrier, mon cher ami, une lettre de change de trois mille livres tournois sur Paris à ton neveu Jacques Avenant, pour servir au premier payement de la terre de la Bretêche, que tu as eu la complaisance d'acheter pour moi. Me voilà propriétaire, et je voudrais bien que tu me dises en quoi consiste ma métairie de la Bretêche ; cela m'intéresse, tu le comprends. J'aurais bien désiré pouvoir faire passer à Avenant une somme ronde de 5,000 francs, mais il m'a fallu faire l'achat d'une berline de voyage et de deux chevaux pour transporter ma petite famille à la suite de ma demi-brigade jusqu'à notre nouvelle destination, car nous partons d'ici le 30 du courant pour nous rendre à Bourg-en-Bresse, département de l'Ain, où nous arriverons le 26 floréal.
J'ai reçu ta lettre du 1er germinal. Je crains bien de ne pas pouvoir emporter avec moi l'argenterie que tu m'annonces. Au surplus, le directeur de La Rochelle la fera diriger sur Bourg; je lui laisserai des indications en conséquence.
Les préparatifs de ce départ m'occupent beaucoup. Je ne t'en écris pas plus long.
Adieu, nous vous embrassons" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 52).
Par l'Arrêté du 12 Floréal an 11 (2 mai 1803) "relatif à l’organisation de plusieurs demi-brigades dans les colonies", le 3e Bataillon de la 68e Demi-brigade entre dans la formation de la nouvelle 7e Demi-brigade.
Le 24 mai 1803 (4 Prairial an 11), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Bourg-en-Bresse, à son frère : "Je suis arrivé ici, mon cher ami, le 26 du mois dernier. Nous avons eu continuellement du froid et de la pluie, ce qui n'est guère de saison. Malgré cela, ma demi-brigade a très bien fait cette longue route et nous nous portons tous à merveille.
Le pays que nous occupons est assez joli. Nous sommes à 12 lieues de Lyon, 18 de Genève et 24 de Besançon; cette dernière ville est le chef lieu de la 6e division militaire dont nous faisons partie.
Tu m'as demandé notre itinéraire, le voici : le 1er floréal, La Rochelle; le 2, Rochefort; le 3, Saintes; le 4, Cognac; le 5, Jarnac; les 6 et 7, Angoulême; le 8, La Rochefoucault; le 9, Chabannais; le 10, Saint-Junien; le 11, Limoges; les 12 et 13, Saint-Léonard; le 14, Bourganeuf; le 15, Guéret; le 16, Gouzon (Creuse); les 17 et 18, Montluçon; le 19, Montmarault, le 20, Moulins; le 21, Bellevue-les-Bains; les 22 et 23, Digoin; le 24, Charolles; le 25, Mâcon; le 26, Bourg-en-Bresse.
Ma femme et moi nous vous souhaitons une bonne santé. Monsieur Emile, qui est devenu un peu méchant pendant la route, en fait autant" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 53).
Le 18 Messidor an 11 (7 juillet 1803), Bonaparte écrit, depuis Lille, au Général Berthier, Ministre de la Guerre : "Je vous prie, citoyen ministre, de donner ordre ... À la 73e de se rendre à Aix pour y être à la disposition du général commandant la 8e division militaire. À la 68e de se rendre à Genève, elle enverra deux compagnies dans le Valais pour relever les détachements de la 73e ..." (Correspondance générale de Napoléon, t.4, lettre 7789).
Le 20 août 1803 (2 Fructidor an 11), Alexandre Boutrouë, Chef de la 68e Demi-brigade d'infanterie de ligne, écrit, depuis Genève, à son frère : "Mon cher ami, notre séjour à Bourg-en-Bresse n'aura pas été de longue durée. Nous sommes ici depuis le 1er thermidor.
L'ordre de quitter Bourg nous est parvenu le 27 messidor à neuf heures du soir, pour partir le lendemain matin. Tu vois qu'on ne nous a pas laissé le temps de la réflexion.
La route de Bourg à Genève est très pittoresque, mais la chaleur nous a un peu gâté la beauté des sites.
Je n'ai que deux compagnies détachées de Genève; elles sont à Sion, Martigny et au Simplon. Ces localités dépendent de la République valaisienne. Mes compagnies y sont employées pour la police et la surveillance des travailleurs de la nouvelle route du Simplon. Je ne puis encore te faire la description de la ville de Genève et de ses environs, n'ayant pas eu le temps de me reconnaître. Tu dois bien penser que je ne manquerai pas d'aller visiter Ferney-Voltaire, qui est à deux lieues d'ici.
Je viens de recevoir l'avis que ma demi-brigade est une de celles qui doivent être portées à 1,000 hommes par bataillon (pied de guerre). Voilà encore pour moi de la besogne dont je ne me plaindrai pas. Malgré toutes ces dispositions-là, je compte toujours sur la paix avec l'Angleterre. Au surplus, nous sommes prêts à marcher.
Mon fils a été reçu dans les grenadiers à la revue du général inspecteur; il touche sa paye et ses vivres depuis cette époque. Toute ma ménagerie est en bonne santé. L'air est si pur ici, qu'on y mangerait le diable.
Si tu étais bien aimable, tu viendrais me voir cette année. Ce pays mérite d'être visité. Lors de ma campagne de l'an VI, j'avais déjà vu le lac Léman, mais dans sa partie orientale. Si tu viens,
nous pourrons aller voir la Tarentaise, qui est proche d'ici.
Nous vous embrassons tous. Ton ami.
P. S.- Avant de quitter Bourg-en-Bresse, j'ai reçu un nouveau brevet de chef de brigade, signé du premier Consul" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, lettre 54).
Par l'Arrêté du 1er Vendémiaire an 12 (24 septembre 1803), la 68e Demi-brigade prend le nom de 68e Régiment d'infanterie de ligne. Ce régiment contribue ensuite à renforcer le 56e de Ligne.
Le 17 Vendémiaire an 12 (10 octobre 1803), le Ministre de la Guerre Berthier, écrit, depuis Paris, au Chef de Brigade Boutrouë : "Le bien du service a nécessité, citoyen, quelques changements
dans l'organisation de l'armée.
Le régiment que vous commandez va être incorporé dans le 56e régiment.
Ces changements ont fourni au gouvernement l'occasion de vous donner un nouveau témoignage de sa confiance et de la satisfaction qu'il éprouve de vos services : il vous a nommé colonel de ce régiment qui sera composé de 4 bataillons.
Je donne avis de votre nomination au Conseil d'administration et lui mande de vous faire recevoir dans l'emploi qui vous est conféré.
Je vous salue" (D'Hauterive A. : "1793-1805, Lettres d'un Chef de Brigade, 33e de ligne, 65e et 68e Demi-brigades, 56e de Ligne", Paris, Baudoin, 1891, p. 194).
Alexandre Boutrouë va désormais prendre la tête du 56e Régiment d'infanterie de ligne.
Le 28 Ventôse an 13 (19 mars 1805), Napoléon écrit, depuis La Malmaison, au Maréchal Berthier, Ministre de la Guerre, Major général des Camps : "Le 66e régiment, en conséquence de l'article 6 de l'arrêté du 10 floréal an XI, doit être organisé à la Guadeloupe et composé des 2e et 3e bataillons de la 66e de bataille, du 3e bataillon de la 15e de bataille et d'un détachement de la 79e de bataille.
Le 82e, en conséquence de l'article 7 du même arrêté (note : arrêté du 10 floréal an XI), doit être organisé à la Martinique et composé du 3e bataillon du 82e de bataille, du 3e bataillon du 37e, du 3e bataillon du 84e, du 2e bataillon du 107e et d'un détachement du 90e.
C’est donc à tort que le ministre de la Guerre, par sa lettre du 25 thermidor an XII, a ordonné que le 66e se réunirait à la Rochelle et que le 82e aux Sables...
Le 7e régiment de ligne doit être aussi conformément à l'article 5 composé des 1er et 2e bataillons de la 7e, du 2e bataillon de la 20e, du 3e bataillon de la 23e, du 1er bataillon de la 31e, du 3e bataillon de la 68e et 2e bataillon de la 79e ..." (Picard E. et Tuetey L. : « Correspondance inédite de Napoléon 1er conservée aux Archives de la Guerre », Paris, 1913, t. 1, lettre 59 ; Correspondance générale de Napoléon, t.5, lettre 9702).