"Un valeureux soldat napoléonien devenu percepteur à Saint Georges
Un jour de février 2015 est arrivée à la mairie, en provenance de Lille, un singulier message : l’Association pour la Conservation des Monuments Napoléoniens demandait qu’on veille à la sauvegarde de la sépulture de Louis Gabriel Armand DEMONTIERS. Rien de tel pour éveiller notre curiosité : qu’avait-il donc fait, ce brave Louis pour retenir ainsi l’attention d’une si remarquable association exactement 176 ans après son décès ?
Comme nous l’annonçait la missive, nous avons trouvé, dans la partie la plus ancienne du vieux cimetière, une de ces dalles plates en usage dans la première moitié du 19ème siècle. Une épitaphe particulièrement explicite nous renseignait sur l’homme : « Ici repose le corps de Louis Gabriel Armand DEMONTIERS décédé le 13 février 1839. Il fut brave capitaine, comptable irréprochable, bon citoyen. Passants, priez pour lui ». Il fallait en savoir plus, aussi sommes-nous partis à la recherche de son histoire : Internet a ses bons côtés !
L’état civil nous permit de reconstituer sa vie : né à Poitiers le 12 décembre 1769, Louis Gabriel Armand était le fils du concierge de la maison des « de CHASTEIGNER de la ROCHEPOZAY », famille poitevine de grande noblesse qui donna au 16ème siècle un évêque à Poitiers. C’est donc tout naturellement que cet enfant eut pour marraine Demoiselle Armande Léonore de CHASTEIGNER et pour parrain Monsieur le Marquis Louis Gabriel lui-même ! L’acte de baptême de notre Louis nous apprend que le Marquis était fièrement « officier de dragon au régiment d’AUTICHAMP (Charles Marie de BEAUMONT d’AUTICHAMP fut capitaine de l’Armée de Vendée sous la Révolution et le Premier Empire) ».
Marié à 29 ans avec Louise Victoire COURBE, originaire de Poitiers, il a eu deux enfants : en 1799 Louis Antoine qui fut avoué à Poitiers et en 1801 Adélaïde, épouse d’Etienne DUPOND, qui est enterrée dans la même tombe que son père.
On peut supposer que c’est son parrain qui l’orienta vers la carrière militaire. En 1787 simple soldat au régiment de ROHAN-SOUBISE, il fut nommé caporal l’année suivante à seulement 19 ans ! Puis les campagnes napoléoniennes se suivirent et notre Louis se distingua : il traversa l’Atlantique pour combattre à Saint Domingue et fut sergent au même régiment. Sa carrière ne s’arrêta plus : Il fit la campagne de Martinique puis retourna se battre en Vendée. Il fut nommé sous-lieutenant en 1792. L’année suivante, le Général en Chef ROCHAMBEAU l’emmena de nouveau outre-Atlantique. Devenu lieutenant dans la 1ère brigade légère, il se battit comme un lion et enchaîna les campagnes… et les mauvais coups : blessé à la jambe droite d’un coup de feu à l’assaut du Fort l’Epée en Guadeloupe, blessé au bras droit d’un éclat de bombe à Pointe-à-Pitre, au bras gauche à Sainte-Lucie, à la main gauche et au ventre d’un éclat d’obus au siège de Morne Fortuné… Remarqué par ses supérieurs pour sa bravoure au combat, il est entre temps devenu capitaine de la 1ère brigade légère et c’est en cette qualité qu’il accomplit en 1797 un exploit noté dans son dossier militaire : « le 6 prairial an 5 (27 mai 1797) a emporté la cravate du drapeau des mains des Anglais au moment de la capitulation du Morne Fortuné ». Fait prisonnier par les Anglais, il rentra en France, mais n’abandonna ni les voyages, ni les combats, ni les glorieuses blessures : on l’a retrouvé en Espagne sous les ordres du Maréchal SOULT, au Portugal avec le Maréchal MASSENAT, où un coup de feu lui perfora la cuisse et un autre l’oreille. Il traversa la France pour prendre part en 1873 à la bataille de Lützen, en Allemagne où il fut blessé à la jambe droite « d’un coup de Biscayen » (mousquet). Tous ces coups d’éclat, tous ces actes de bravoure lui valurent le 14 juin 1813 d’être élevé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur. Il termina sa carrière militaire en 1814, capitaine au 37ème léger.
C’est très certainement à cette période que notre si brave Louis – âgé de 45 ans – se retira dans son Poitou natal où il se vit confier la charge de percepteur à Saint Georges-lès-Baillargeaux. Il habita alors avec sa fille Adélaïde et son gendre Etienne DUPONT à qui plus tard il transmettra sa charge. Il s’est éteint parmi les siens le 13 février 1839 à l’âge de 70 ans et il repose toujours parmi nous, quasi anonyme après une vie passée au service de sa patrie" (Article parue dans le bulletin trimestriel « l’Echo baillargeois » de l'Association pour la Valorisation du Patrimoine Baillargeois, Mairie – 16 Place de la Liberté, 86130 – Saint-Georges-lès-Baillargeaux).
Etat civil :
* Né le 12 décembre 1769 à Poitiers (86); baptisé le 14 février 1769 paroisse Saint Paul à Poitiers (86), parrain le Marquis Louis Gabriel de Châteigner, officier de dragons au régiment d'Antichamps, marraine Armande Léonore de Châteigner; fils de Louis DEMONTIER – concierge de la maison du Marquis de Chateigner.
La famille poitevine de Chasteigner de La Roche Pozay donna un évêque à Poitiers (Henri-Louis 1577-1651) et d'Anne AYRAULT.
* Marié le 15 mai 1798 (26 floréal an 6) avec Louise Victoire COURBE, domicilié à Poitiers – section de la Fraternité - place de Larseau (?). Deux enfants :
– Adèlaïde Radégonde née le 14 août 1801 (25 thermidor an 9) à Poitiers (86), mariée avec Etienne DUPONT - percepteur à St Georges (cf. recensement de 1836), 2 filles en 1836 : Armande née vers 1833 et Adélaïde née en 1836, décédée à Poitiers en 1870 – enterrée avec son père à Saint-Georges.
– Louis Antoine né le 31 mars 1799 (11 germinal an 7) à Poitiers (86), avoué à Poitiers (cf. demande de liquidation de Légion d'honneur après décès).
* décédé à Saint Georges les Baillargeaux le 13 février 1839.
Carrière militaire : 1787 - Soldat au régiment Rohan-Soubise 87ème ligne; 1788 – caporal au régiment Rohan-Soubise 87ème ligne; 1790 – Sergent au régiment Rohan-Soubise 87ème ligne, Campagne St Domingue – général en Chef ROCHAMBEAU ; 1791 – Campagne Martinique – général en Chef ROCHAMBEAU; 1792 – Sous-lieutenant au régiment Rohan-Soubise 87ème ligne; La Vendée – commandement CHALBEAUX; 1793 – Campagne de Guadeloupe – général en Chef ROCHAMBEAU; 1794 – Lieutenant 1ère brigade légère, Campagnes d'Amérique 1794/1797 – commandement PELARDI & COTIN, St Domingue – 9 mai 1794 (20 floréal an 2) - blessé à la jambe droite d'un coup de feu à l'assaut du fort d'Epée en Guadeloupe, Pointe-à-Pitre – 22 juin 1794 (4 messidor an 2) - blessé au bras droit d'un éclat de bombe; 1796 – Capitaine 1ère brigade légère, île Sainte-Lucie, camp Rabot - 23 avril 1796 (4 floréal an 4) – blessé au bras gauche, île Sainte Lucie – 25 mai 1797 (6 prairial an 5) – blessé à la main gauche et au ventre d'un éclat d'obus au siège du Morne-Fortuné, 27 mai 1797 (6 prairial an 5) a emporté la cravate du drapeau des mains des Anglais au moment de la capitulation du Morne-Fortuné; Capitaine 5ème demi-brigade en ligne – rentrant des prisons d'Angleterre; 1808 – Capitaine 32ème léger, 1808/1809 campagne d'Espagne - Maréchal SOULT; 1810/1811 campagne du Portugal - Maréchal MASSENA; 17 septembre 1810 – blessé d'un coup de feu qui lui traversa la cuisse à l'offensive de Bussaco; 4 mai 1811 – blessé d'un coup de feu qui lui traversa l'oreille à l'offensive de Fuentes de Oñoro ; 1811/1812 Îles d'Hyères – Général NORMAND; 1813/1814 – Grande Armée S.M. L'Empereur, Maréchal MASSENA; 2 mai 1813 – blessé d'un coup de biscayen à la jambe droite à la bataille de Lützen; 14 juin 1813 – Chevalier de la Légion d'Honneur; 1814 – Capitaine 37ème Léger (32ème amalgamé).
Il termine sa vie active comme percepteur à Saint-Georges-les-Baillargeaux où il est enterré à sa mort dans l'ancien cimetière.