Le Régiment espagnol Joseph Napoléon
1808-1813
Avertissement et remerciements :
|
Le 5 décembre 1808, Napoléon, qui a un besoin croissant de soldats, pour assurer le blocus continental et lutter contre ses ennemis, écrit à son frère Joseph, afin d’organiser une armée destinée à rétablir l’ordre, et tout d’abord, un Régiment d’Infanterie baptisé Royal Napoléon, qui serait confié au Général Jean Ambroise de Kindelan, qui nous était resté fidèle et commandait une partie de la division de La Romana.
Le 7 janvier 1809, l’Empereur change d’avis et décide de prendre à sa charge les anciens soldats espagnols emprisonnés en France. Il écrit alors depuis Valladolid au Ministre de la Guerre, le Général Clarke : “Je crois qu’il y a bon nombre de soldats espagnols qui sont restés fidèles. Il faudrait voir le duc de Frias et vous entendre pour tâcher de composer un régiment à ma solde”.
Interrogé sur l’état d’esprit de ces hommes, Kindelan fournit un rapport peu optimiste, mais sincère, qui sera à la base de la méfiance chronique de Napoléon envers les espagnols. Le 24 janvier, de retour aux Tuileries, l’Empereur reçoit le Duc de Frias, Ambassadeur d’Espagne à Paris, qui lui présente Kindelan et son fils, alors son Aide de camp. L’Empereur décide alors la création d’un Régiment espagnol, qui devra être caserné en France en attendant que le calme soit rétabli en Espagne, et portera le nom de Royal Napoléon. Ce nom ne plaît guère au frère aîné de l’Empereur qui préfère l’appeler Régiment Joseph Napoléon.
La naissance officielle du Régiment date du 13 février 1809. Les hommes sont recrutés au sein des débris du Corps de la Romana, qui n’avaient pu s’embarquer à l’île de Langeland, notamment 3 Compagnies du Régiment des Asturies et 3 du Régiment de Guadalajara. D’autres corps, retenus prisonniers, fournissent également quelques détachements. De plus, afin de récompenser la fidélité des cavaliers de l’ex Régiment de Cavalerie des Algarves, le Ministre de la Guerre avait proposé de créer un Régiment de Chasseurs à cheval afin de former ainsi une véritable Légion espagnole, mais ce projet est repoussé par l’Empereur.
Le commandement et l’organisation sont confiés au Général Kindelan. Le Régiment se compose d’un Etat major et de cinq Bataillons dont un de dépôt. Tous les hommes sont volontaires ; les exercices et les manœuvres sont commandés en espagnols, mais le Major, deux Adjudants majors, le Quartier maître et un Sous officier par Compagnie doivent être français.
L’Etat major comprend : 1 Colonel, 1 Major. 4 Chefs de Bataillon, 5 Adjudants majors, 1 Quartier maître, 1 Officier payeur, 1 Aumônier, 1 Chirurgien major, 4 Aides chirurgiens, 5 Sous aides chirurgiens, 10 Adjudants sous officiers, 1 Tambour major, 1 Caporal tambour, 8 Musiciens, dont un Chef, et 3 Maîtres ouvriers (tailleur, cordonnier et armurier).
Chacun des quatre Bataillons de guerre, sous les ordres d’un Chef de Bataillon assisté d’un Adjudant major et de deux Adjudants sous officiers, comprend quatre Compagnies de Fusiliers, une de Grenadiers et une de Voltigeurs soit par Compagnie 1 Capitaine, 1 Lieutenant, 1 Sous lieutenant, 1 Sergent major, 4 Sergents, 1 Caporal fourrier, 8 Caporaux, 2 Tambours et une centaine d’hommes (le chiffre théorique étant de 121).
Le Bataillon de dépôt est commandé par le Major, assisté de l’un des Capitaines des quatre Compagnies de Fusiliers, d’un Adjudant major et de deux Adjudants sous officiers ; il n’y a ni Grenadiers, ni Voltigeurs. La formation d’une compagnie est absolument semblable à celle énoncée précédemment.
Après avoir choisi tout d’abord la ville de Montpellier, puis celle de Marseille, pour organiser le nouveau Régiment, Napoléon fixe le dépôt à Avignon. Joseph s’étant étonné que l’Etat-major ne comporte pas de Porte Aigle, le Ministre lui répond que le Régiment n’aura pas d’Aigle, mais des drapeaux, qu’il devra fournir.
Le total théorique du Régiment se monte à 107 officiers et 3220 hommes. Au mois de mai, le Général Kindelan choisit les Officiers et en envoie quelques uns en recrutement dans les divers dépôts de prisonniers. En juillet, 126 hommes sont recrutés. En septembre, le Régiment compte 857 hommes, Officiers compris. Les états d’effectifs du 11 octobre 1809 présentent 57 officiers et 1016 hommes, ce qui permet tout juste de constituer le 1er Bataillon. Les mesures les plus efficaces, et aussi les plus déloyales, sont prises pour décider les prisonniers espagnols à rejoindre les rangs français ; on va même jusqu’à faire intervenir des prêtres et notamment, l’Archevêque de Besançon, qui menace des foudres de l’enfer ceux qui resteraient fidèles aux Bourbons. Finalement, les cinq Bataillons sont définitivement organisés le 21 février 1810, et le 15 avril, l’effectif est de 4196 hommes. La plupart des soldats sont alors persuadés que le Régiment va bientôt partir pour l’Espagne ; Joseph lui-même prie le Duc de Feltre de faire hâter son départ.
Cependant, le Ministre de la Guerre présente à l’Empereur de nombreux rapports, rédigés par des officiers considérés comme sûrs, l’informant que de nombreux soldats du Régiment “sont animés d’un très mauvais esprit”. Aussi, le 25 avril 1810, Napoléon décide t’il de disperser les Bataillons et de les éloigner le plus possible de la frontière espagnole ; seul le Dépôt restera à Avignon. Le Ministre signale à l’Empereur que les 840 hommes du 1er Bataillon partiront le 11 mai 1810 pour Saint Jean de Maurienne où ils participeront à la réfection des routes. Les 800 hommes du 2ème Bataillon partiront le 14 mai pour Flessingue où ils seront employés aux travaux de fortifications. Le 3ème Bataillon, fort également de 800 hommes, partira pour Lyon le 17 mai afin de participer aux travaux de Perrache. N’étant pas totalement habillés et équipés, les 800 hommes du 4ème Bataillon partiront pour San Remo dès qu’ils seront prêts, afin de participer aux travaux de la Corniche. Le Duc de Feltre conclue en déclarant “...ce régiment est beau et les officiers ont été choisis avec quelques soins”.
Le 5 août 1810, l’Empereur ordonne la dissolution du 5ème Bataillon qui ne compte que 310 hommes. Le 16 août, ordre est donné pour que les espagnols de la Légion portugaise soient dirigés sur le Bataillon du Régiment Joseph Napoléon en garnison à Anvers. En octobre 1810, il ne reste plus un seul soldat du Régiment Joseph Napoléon en France, signe de la méfiance et de la suspicion de Napoléon vis à vis des anciens prisonniers espagnols qui servent dans son armée.
A cette époque, les quatre Bataillons de guerre et le Dépôt totalisent 95 officiers et 3806 hommes, dont 435 apprennent les maniements d’armes “à la française” à Maëstricht.
Les 1er et 4ème Bataillons :
Le 4ème, une fois habillé et équipé, se dirigea non pas sur San Remo, mais à Alexandrie, où avaient lieu d’importants travaux de fortifications. Le 1er Bataillon quitta la France pour se rendre à Marghera, près de Venise, et en décembre, il est à Mantoue et Palmanova.
Les 2ème et 3ème Bataillons :
En Décembre, le 2ème Bataillon est à Anvers. De son côté, le 3ème avait quitté Lyon pour Maëstricht, où il est rejoint par ce qui restait du Dépôt. Le 14 décembre 1810, le Général Kindelan passe la revue des 2069 hommes et officiers des 2ème et 3ème Bataillons, revêtus de leur grande tenue. A la fin de son rapport, Kindelan écrit : “l’esprit qui règne au second bataillon est généralement assez bon, mais parmi les officiers et sous officiers, si quelqu’un a de coupables intentions il se couvre du masque de l’hypocrisie”. La lecture de ce rapport n’a pas du atténuer la méfiance de l’Empereur. En effet, le 16 avril 1811, Napoléon écrit au Maréchal Davout, Commandant en chef de l’Armée d’Allemagne : “Je vous envoie deux beaux bataillons espagnols avec un général, ayez soin cependant de ne pas les mettre aux avants postes ni dans les places fortes de premier ordre”. Il s’agit du 2ème Bataillon stationné à Anvers (21 officiers et 1288 hommes) et du 3ème Bataillon cantonné à Maëstricht (19 officiers et 646 hommes).
Les 2ème et 3ème Bataillons sont encore stationnés au camp d’Utrecht au mois d’octobre où le 27, acclamé aux cris de “Viva el Emperador”, Napoléon accompagné du Général Kindelan passe ses soldats espagnols en revue.
Le camp d’Utrecht étant dissout le 30 octobre 1811, les deux Bataillons partent pour la Poméranie suédoise, à Minden, pour être confiés au Général de Division Friant. Le Maréchal Davout a bien recommandé à ce dernier de les accueillir fraternellement et d’organiser, tous les dimanches et fêtes, une messe militaire dite par l’Aumônier espagnol à laquelle les officiers français catholiques sont cordialement invités. La santé du Général Kindelan s’étant aggravée, celui ci est autorisé à rentrer en France le 12 décembre 1811. Le 19 janvier 1812, le Régiment Joseph Napoléon est confié au Baron de Tschudy. Le Dépôt sera placé sous les ordres du Major Kindelan, fils aîné du Général.
En attendant l’arrivée du nouveau Colonel, les relations entre les soldats français et les soldats espagnols se sont dégradées, et dans sa lettre du 2 janvier 1812, le Général Friant se plaint au Maréchal Davout et accuse un fantassin espagnol d’avoir tué un chasseur du 15ème Léger d'un coup de couteau. Il a interdit à tous les soldats et Sous officiers de porter une arme blanche sous peine de prison ; il termine sa lettre en écrivant “on remue ciel et terre pour découvrir l’auteur de ce crime, que je ferai fusiller de suite”.
Entre temps, l’Empereur a ordonné la formation d’une Compagnie d’artillerie régimentaire ; s’il est facile de réunir 5 Sous officiers, 23 Artilleurs et 41 Conducteurs, il n’en va pas de même pour trouver les canons, le matériel et surtout, deux Officiers d’Artillerie français comprenant et parlant couramment l’espagnol. Enfin, la compagnie est formée et instruite par le Lieutenant Labaig et le Sous lieutenant Montnel.
De même, le 13 mai 1812, un rapport du Général Clarke établit que le Régiment doit conserver les drapeaux qu’il possède, reçus à sa formation, qui sont tricolores et sur lesquels sont empreintes les armes de Sa Majesté Catholique.
Les 1er et 4ème Bataillons :
Le 25 avril 1811, Jean-Baptiste Doreille est nommé major en second du Régiment Joseph Napoléon. Le 24 mai, les 1er et 4ème bataillons, soit 37 officiers et 1527 hommes, sont affectés à la Division du Général Partouneaux du Corps d’Observation d’Italie, commandé par le Prince Eugène. Celui ci passe en revue les deux Bataillons à la fin du mois d’octobre au camp de Montechiaro. Ils sont ensuite dirigés sur Trente.
Le 23 février 1812, les 1500 hommes des 1er et 4ème Bataillons, sous les ordres du Major en second Doreille quittent leurs cantonnements italiens et prennent la direction de Nuremberg où ils arrivent le 15 mars 1812. Là se regroupent les Régiments de la Division du Général Broussier qui, le 1er avril 1812, fera partie du IVème Corps commandé par le Prince Eugène.
Commandement du Maréchal Davout, Prince d'Eckmühl au 1er mars 1812; 1er CORPS d’ARMÉE (encore dénommé : 1er CORPS D'OBSERVATION DE L'ELBE); 2e Division : Général Friant :
15e Léger, 5 Bataillons, à Stralsund et Ile de Rugen; 33e de Ligne, 5 Bataillons, à Preissewalde; 48e -, 5 Bataillons, à Wolgast; Régiment espagnol Joseph Napoléon, 2 Bataillons, à Stralsund (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
Commandement par intérim au 1er mars du Duc d'Abrantès; 4e CORPS d’ARMÉE (encore dénommé : CORPS D'OBSERVATION D'ITALIE); 14e Division : Général Broussier :
18e Léger, 2 Bataillons; 9e de Ligne, 4 Bataillons; Régiment espagnol Joseph Napoléon, 4 Bataillons; 35e de Ligne, 4 Bataillons; 53e de Ligne, 4 Bataillons; n marche sur le Danube, pour se diriger sur Glogau en suivant deux directions : l'une par Bayreuth, l'autre, par Nuremberg et Bamberg (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
La l4e division, qui est le 1er mars à Seefeld et Hall, se dirige par Munich sur Augsbourg (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
La 2e Division est en Poméranie, à Anclam, près de Stettin le 9 mars 1812 (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
La 14e Division est à Mottingen et environs le 15 mars 1812 (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
La 14e Division est à Erlangen et environs le 20 mars 1812 (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
La 14e Division est à Cronack et environs le 25 mars 1812 (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
La 2e Division quitte ses cantonnements fin mars 1812 pour se diriger sur Danzig (Margueron (Cdt) : « Campagne de Russie, première partie », tome 4, Lavauzelle, page 596).
A cette époque, les quatre Bataillons de guerre du Régiment ne sont plus séparés que par 250 kilomètres, puisque le Colonel Tschudy avec les 2ème et 3ème Bataillons, sont à Stettin, tandis que les 1er et 4ème du Major Doreille sont à Glogau où ils sont passés en revue le 12 mai 1812 par le Prince Eugène.
Le 19 juin, à Gumbinnen (près de Königsberg), les deux Bataillons du Colonel Tschudy sont également passés en revue par l’Empereur.
Le 24 juin 1812, le Ier Corps traverse le Niémen près de Kowno et pénètre en Russie. La Division Friant, où servent les deux Bataillons du Colonel Tschudy, est à l’avant garde que commande le Roi de Naples. L’effectif de ces deux Bataillon est de 47 Officiers, 1678 hommes. A la même époque, les 1er et 4ème Bataillon alignent 35 Officiers et 1294 hommes. Vilna est pris le 28 juin, le 23 juillet c’est le tour de Polotsk. En juillet 1812, à Vilna, Jean Roch Coignet, rendu célèbre par ses Cahiers, est chargé de conduire des traînards restés en arrière du Ier corps et, parmi eux, 133 soldats du Régiment Joseph Napoléon qui désertent et s’enfuient dans les bois à la première occasion, après avoir tiré sur Coignet. Secouru par des chasseurs à cheval, Coignet récupère ses espagnols dont la moitié seront passé par les armes.
Le 27, les espagnols sont à Witepsk où ils sont rejoints un instant par les 1er et 4ème bataillons qui se battent avec la Division Broussier. Le 3 août, les 2ème et 3ème Bataillons 46 Officiers et 831 hommes ; il y a également 716 hommes aux hôpitaux, et 456 hommes restés en arrière. Au IVème Corps, les 1er et 4ème Bataillons alignent 30 officiers et 691 hommes, plus 72 détachés. Le 17 août les soldats de Tschudy sont à Smolensk où l’artillerie russe leur cause de lourdes pertes.
Bien que placés sous deux commandements différents, les quatre Bataillons de guerre vont lutter presque au coude à coude, à la Moskova, le 7 septembre, où le Général Friant est grièvement blessé. Placés à la droite du dispositif, les soldats du Colonel Tschudy sont à peine à quelques centaines de mètres de leurs frères d’armes, commandés par le Major Doreille, qui se battent sur les glacis de la grande redoute de Borodino.
Commandée maintenant par le Général Dufour, la Division, dont dépend le Colonel Tschudy et ses deux Bataillons, est de nouveau placée à l’avant garde sous les ordres du Roi de Naples. Poursuivant les russes de Kutusow, nos soldats atteignent Mojaïsk le 10 septembre. Chargés par la cavalerie ennemie, bombardés par l’artillerie, les 2ème et 3ème Bataillons perdent 14 officiers et 340 hommes près du hameau de Zelkowo ; le Colonel Tschudy est lui même blessé au genou. Le 14 septembre 1812, la Division pénètre la première dans Moscou et s’empare du Kremlin. Mais le Général Rostopchine a donné l’ordre d’incendier la capitale. Menacé d’encerclement, ses propositions de paix étant restées sans réponse, son armée ayant perdu plus de la moitié de ses effectifs, Napoléon se décide à commander la retraite, d’autant plus que l’hiver approche. Le 19 octobre 1812, l’armée prend la route de Smolensk. Le 24 octobre, les 2ème et 3ème Bataillons sont à Malojaroslawetz, tandis que les 1er et 4ème sont détachés sur la route de Moscou à Mojaïsk.
Les survivants des deux Bataillons du colonel Tschudy, qui font partie de la Division Ricard, sont placés à l’arrière garde, commandée par le Maréchal Ney. Le 16 novembre, départ de Smolensk. Le 18, ils atteignent Krasnoë où les hommes des 1er et 4ème bataillons ont été pratiquement anéantis et leur chef, le Major Doreille, est mort. Là, ils perdent eux aussi 8 Officiers et 68 hommes. Brisant l’encerclement des 40000 russes de Miloradovitch, les 5200 fantassins de Ney franchissent le Dniepr et arrivent à Orcha le 20 novembre 1812.
Là, les 2ème et 3ème Bataillons (4 officiers et 110 hommes) retrouvent les débris des 1er et 4ème Bataillons. Le Régiment Joseph Napoléon est enfin réuni. Des 3200 hommes qui traversèrent le Niémen, il n’en reste plus que 160 commandés par 18 Officiers, dont le Colonel Tschudy. Le 29 novembre 1812, les espagnols passent la Bérézina sur deux ponts de fortune, le 10 décembre ils se battent dans les rues de Vilna. Le 27 décembre l812, ils se retrouvent à Erfurt où ils vont enfin pouvoir se reposer.
Entre temps, à Maëstricht, les prisonniers espagnols affluent au Dépôt ; aussi, le Ministre de la Guerre, dans sa dépêche du 2 septembre 1812, préconise la formation d’un 5ème Bataillon, formation autorisée le 16 septembre suivant, l’Empereur ayant grand besoin de soldats. Mais ce n’est que le 29 novembre 1812 que le Comte de Cessac, Ministre de l’Administration de la Guerre, met à la disposition du Régiment Joseph Napoléon les draps nécessaires à la fabrication de 1200 uniformes.
Le 4 février 1813, l’effectif est de 3 Officiers et de 156 hommes ; il y a aux hôpitaux 2 soldats. A Erfurt, les rescapés, qu’une poignée de traînards a rejoints, sont dirigés sur Glogau dès le 6 février afin de former les deux compagnies d’élite du 5ème Bataillon. Le 8 février, depuis Paris, l’Empereur écrit au Général Clarke : “Monsieur le Duc de Feltre, vous devez faire cesser sur le champ le recrutement des espagnols ; je ne veux point de ces régiments…Je ne pense pas qu’il reste de cadre suffisamment pour faire plus d’un bataillon ; et, comme le dépôt du régiment Joseph Napoléon, qui est à Maëstricht, est à 1200 hommes, cela est plus que suffisant. Il y a 12 officiers et 62 sous officiers ; faites en organiser 3 compagnies. Pour organiser ces 3 compagnies, il faudra 10 officiers, 3 sergents majors, 3 caporaux fourriers, 12 sergents, 24 caporaux ; total : 52 officiers et sous officiers. Complétez chacune de ces compagnies à 250 hommes et faites partir ces 750 hommes avec les 52 officiers et sous officiers, cela fera 802 hommes, sous les ordres d’un chef de bataillon français, et dirigez les sur Erfurt ; là, ils rencontreront les cadres et on en formera un bataillon ; je ne pense pas qu’on puisse en former d’avantage. Ce bataillon sera réuni au 4e corps et se rendra à Glogau, de sorte que le régiment Joseph Napoléon, qui est à 5 bataillons, sera réduit à un bataillon de guerre et un bataillon de dépôt. Les officiers et sous officiers qui n’entreraient pas dans ce premier bataillon se rendront à leur dépôt ; et s’il y en avait avec ce qui revient de l’armée de quoi faire un second bataillon, sur le compte que vous m’en rendriez, je décréterais ce second bataillon”.
Mais le 17 février, Napoléon interdit désormais de recruter des prisonniers espagnols qui, d’après lui, risquent de fomenter des troubles.
Le 6 mars 1813, l’Empereur renonce à reconstituer le Régiment Joseph Napoléon sur la base de 5 Bataillons ; ils seront réduits à 2 et un Dépôt. Le 1er Bataillon, placé sous l'autorité du Commandant Dimpre assisté de l’Adjudant major Cardonna, est organisé à Coblence par le Général Guérin, Baron de Walderbach. Il totalise 12 officiers et 816 hommes répartis dans quatre Compagnies de Fusiliers.
Ce Bataillon, conduit par le Colonel Tschudy arrive à Mayence le 7 avril 1813 où il est passé en revue par le Maréchal Kellermann qui le trouve “beau et très en état de faire la guerre”. Il doit se rendre à Fulda où se concentre la Division du Général Bonet qui fait partie du nouveau VIème corps de la Grande Armée, commandé par le Maréchal Marmont, à qui l’Empereur écrit le 17 avril 1813 : “Donnez des ordres pour que le bataillon espagnol ne soit point envoyé en détachement et qu’on l’ait toujours sous la main. Il ne faut point l’employer au service d’avant garde ni d’escorte, mais le tenir toujours ensemble au milieu des bataillons français…”.
Le 25 avril 1813, Napoléon arrive à Erfurt et prend la tête de sa nouvelle Grande Armée. Le nouveau 1er Bataillon du Régiment Joseph Napoléon est affecté à la Brigade du Général Coehorn. Il aligne 12 Officiers et 752 hommes. Le 2 mai 1813, à Lützen, les espagnols subissent le baptême du feu ; le 20 mai suivant, ils sont à Bautzen. Appuyé par l’infanterie du Maréchal Mac Donald, le VIème corps pénètre dans la ville sous le tir intense de l’artillerie russe. Le Colonel Tschudy et son Bataillon laissent 135 hommes et 3 Officiers dans le château transformé en hôpital. L’Autriche, qui joue encore la carte de la neutralité, se pose en médiatrice et propose la signature d’un armistice de deux mois à dater du 4 juin 1813 : les belligérants acceptent, chacun espérant ainsi recevoir des renforts en vue du coup de boutoir final. Jusqu’au 15 août, le temps s’écoule en revues, exercices de tir, manœuvres etc.
Pendant ce temps, au dépôt de Namur, le conseil d’administration du Régiment Joseph Napoléon pense à reconstituer la musique qui a été entièrement détruite en Russie et, le 28 juillet 1813, le Major Kindelan engage pour deux ans un clarinettiste espagnol, le sieur Manchado, qui s’engage à former une nouvelle musique vêtue de drap vert galonné d’or. Le 11 août 1813, le Duc de Feltre est très mécontent car il a apprit que plusieurs prisonniers espagnols se sont évadés du camp de Philippeville pour s’engager dans le Régiment Joseph Napoléon. Le Major Kindelan les a acceptés, alors que depuis le 17 février, l’Empereur a interdit tout nouvel engagement. Aussi les prisonniers doivent ils être remis sur le champ entre les mains des gendarmes et le Duc de Feltre termine en disant “Je vous rend responsable des mesures indiquées dans cette lettre dont vous m’accuserez réception, j’ai l’honneur de vous saluer...”.
En Saxe, le Colonel Tschudy a enfin été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Le 12 août 1813, l’Autriche baisse enfin le masque et déclare la guerre. Le 16 août, les hostilités reprennent, le Bataillon Joseph Napoléon, qui fait partie de la Division Friederichs, est placé à l’arrière garde du VIème corps. Le 24 août, les espagnols se barricadent dans Gorlitz pendant que l’Empereur remporte une grande victoire à Dresde, en partie gâchée par la capitulation du Général Vandamme à Kulm. Le 30 septembre 1813, le Bataillon rejoint la Division Friederichs ; la Brigade est commandée par le Général Jamin. Le Maréchal Marmont et son VIème corps se rendent dans les environs de Leipzig sous une pluie battante. Les hommes sont trempés jusqu’aux os et meurent littéralement de faim. Le 18 octobre, les Espagnols se battent à un contre quatre, affrontant les prussiens de Blücher, et les Suédois de Bernadotte.
Sur les 500 hommes présents le matin, le Colonel Tschudy n’en compte plus que 150 lorsque le soir tombe. Le Général Friederichs, la cuisse gauche broyée, est transporté à l’hôpital de Leipzig où il meurt des suites de son amputation. Laissant derrière lui près de 60000 tués, blessés ou prisonniers, Napoléon donne l’ordre de la retraite. Le 23 octobre, les survivants se regroupent enfin à Erfurt ; des 20000 hommes du VIème corps, il en reste à peine 2000 ! Le 1er Bataillon du Régiment Joseph Napoléon fait partie de la Brigade du Général Jamin avec les hommes du 37ème Léger ; la Division est placée sous les ordres du Général Lagrange. Le 28 octobre 1813, ils sont à Fulda et le lendemain, ils apprennent que 52000 Austro Bavarois, commandés par le Général de Wrede, ont la prétention de leur barrer la route. Ils sont balayés par l’Armée française ; la route de Mayence est dégagée, et les troupes y parviennent le 1er novembre.
Le 25 novembre, depuis les Tuileries, Napoléon promulgue un décret qui licencie et désarme tous les Régiments étrangers, à l’exception des Suisses et des trois Régiments Etrangers levés en 1803 et 1805 :
“Article 10 : Le régiment Joseph Napoléon est supprimé, il en sera formé deux ou trois bataillons de pionniers”.
Un mois plus tard, encadrés par une quarantaine d’Officiers, dont le Colonel Tschudy et le Major Kindelan, près de 500 hommes du Régiment, y compris ceux du dépôt, sont alignés sur le champ de manœuvres de Sedan, face aux autorités de la 2ème Division Militaire entourant le Général de Division Tilly, Inspecteur général de la cavalerie. Après avoir lu le décret impérial, que Kindelan traduit en espagnol, il leur annonce que le Régiment est licencié, que tous les soldats et Sous officiers doivent rendre leur fusil et leur sabre, et font désormais partie d’un Régiment de Pionniers espagnols, composé d’un Etat major et de deux Bataillons de 6 Compagnies placés sous le commandement du Major Kindelan. Le Colonel Tschudy est provisoirement affecté à l’Etat major de la 2ème Division Militaire, puis nommé Colonel du 131ème de Ligne (ancien Régiment de Walcheren) le 12 janvier 1814, en remplacement d’Henry Maury, élevé au grade de Général de Brigade.
Le Général Tilly, qui s’est rendu compte du désespoir de ces hommes, écrit à la fin de son rapport du 24 décembre 1813 : “Le désarmement s’est opéré avec facilité, mais la dénomination de pionniers donnée à ce régiment, a produit sur les officiers, sous officiers et soldats, une impression qui tenait du désespoir. C’est ainsi que d’anciens soldats couverts de blessures reçues lors des dernières campagnes se plaignent qu’on leur donne ce nom de pionnier pour récompenser les services qu’ils ont rendu et disent hautement qu’ils ne prendront jamais la pioche”.
Entre temps, le 21 avril 1813, le Colonel Delorme, commandant le Département de Sambre et Meuse, s’était rendu à Namur afin d’organiser le 2ème Bataillon placé sous les ordres du Commandant Vasquez. Fort de 822 hommes, dont 242 Grenadiers et Voltigeurs, ce Bataillon qui, pour l’instant, ne compte que 9 Officiers, dont 3 capitaines, part pour Magdeburg le 10 août 1813 afin de renforcer la Division d’Observation commandée par le Général Girard. Bloqué dans la forteresse après la défaite de Leipzig, le 2ème Bataillon quitte Magdeburg le 16 mai 1814 et rejoint Strasbourg, sous les ordres du Général Lemarois. Le 30 juillet, ce qui reste du Bataillon arrive à Perpignan : les hommes de troupe rentrent en Espagne, tandis que les Officiers sont envoyés dans un Dépôt de réfugiés à Montauban.
Le 1er Bataillon est envoyé à Saint Maixent, le 2ème à Niort. Le Régiment, qui aligne 36 Officiers et 2048 hommes, est licencié à Niort le 17 avril 1814.
Sources :
- Achard C. : “Organisation militaire des prisonniers espagnols, 1808-1814”, Le Briquet.
- Boisselier : “Contribution à l’étude de l’armée espagnole sous Joseph Napoléon, 1808-1813”.
- Boppe (Commandant P.) : “Les Espagnols à la Grande Armée”, Editions Berger Levrault, 1899.
- Bucquoy : “Les Uniformes du Premier Empire : Gardes d’Honneur et Troupes Etrangères”.
- Martinien A. : “Tableaux par corps et par batailles des officiers tués et blessés pendant les guerres de l'Empire (1805-1815)”.
- Rigo, “Le Régiment Joseph Napoléon”, Tradition N°88, mai 1994.
- Notes personnelles de l’auteur.
Uniformes :