UN SOLDAT COLONIAL A SAINT DOMINGUE

1791-1809

 

Avertissement et remerciements : Cet article nous a été adressé par notre collègue du Bivouac, Didier Davin, que nous remercions tout particulièrement pour sa disponibilité et son érudition.

 

Son nom n'est pas passé à la postérité de la Révolution et de l'Empire, et pourtant, il a tout pour mériter cet honneur. Car son parcours est assez exceptionnel : voila un soldat qui a passé 17 ans au milieu de la pire guerre coloniale de son époque, y a survécu aux combats, au massacres et aux épidémies. C'est un soldat napoléonien ...

Nicolas Ourblain est né le 2 Février 1775, dans ce qui n'était pas encore le département de la Marne. A 15 ans et quelques mois, il s'engageait dans le régiment Royal Comtois qui allait devenir le 73e Régiment d'Infanterie au début de 1791.

 

I/ SAINT DOMINGUE : LE SUCRE ET LE SANG

Carte de Saint-Domingue
Carte de Saint Domingue

Avant la Révolution, l'île de Saint Domingue est séparée en deux. La partie la plus riche, à l'Ouest, appartient à la couronne de France et fait l'essentiel de toute sa richesse coloniale. A l'Est, la partie espagnole est beaucoup moins peuplée et essentiellement tournée vers l'élevage. La société coloniale est très hiérarchisée, avec en haut de l'échelle sociale de grands propriétaires terriens et négociants et tout en bas les esclaves. Entre les deux tout un monde de petits planteurs, de noirs affranchis et de métis, commerçants et artisans divers.

Tous les blancs ont, pour des raisons diverses, un intérêt commun : obtenir plus de libertés de la Métropole. Les uns pour augmenter leurs profits, bridés par des monopoles imposés par Paris, mais bien sur en maintenant le "système de castes". Les autres veulent améliorer le système social archaïque sans cependant aller jusqu'à abolir l'esclavage sur lequel toute l'économie de l'île est basée. Les métis et les noirs libres veulent accéder aux même droits que les Blancs et les esclaves désirent, à juste titre, la Liberté tout court.

La situation est très instable, accentuée par le déséquilibre démographique : environ 40.000 Blancs, 30.000 métis et 400.000 esclaves. Toutes ces aspirations vont tenter de se réaliser en même temps, profitant du choc de la Révolution en France, amenant bientôt le chaos… d'autant plus que face à la situation, la Métropole va réagir souvent à contre temps.

Entre 1789 et 1791, s'appuyant sur les évènements en France, les Blancs se déchirent entre autonomistes réactionnaires et partisans de la Révolution, tandis que les métis accèdent par la violence à l'égalité des droits et que des révoltes d'esclaves éclatent un peu partout, avec leur lot de massacres.

En Novembre 1791, avec trois commissaires envoyés par la Métropole (Mirbeck, Roume et Saint- Léger) arrivent des troupes pour tenter de rétablir l'ordre. Parmi elles, un détachement du 2e Bataillon du 73e d'Infanterie où Nicolas Ourblain découvre les colonies… En pleine anarchie politique locale, entre l'Assemblée Coloniale et les commissaires métropolitains, les troupes débarquées sont envoyées dans des camps malsains où elles sont immédiatement décimées par les fièvres dont la plus terrible d'entre elles : la fièvre jaune (1). Elles assistent cependant le gouverneur de Blanchelande dans ses tentatives infructueuses pour vaincre les esclaves révoltés, aux ordres de Biassou et Jean François, dans la première moitié de 1792. Le 73e Régiment stationne alors au Cap Français.

Des bataillons de volontaires nationaux, envoyés de France, viennent combler les rangs en Septembre 1792, accompagnés par une nouvelle commission civile où s'imposent bientôt les Commissaires Sonthonax et Polverel. Ils se partagent le territoire en dissolvant les assemblées coloniales et en déportant le gouverneur Blanchelande.

La révolte des esclaves gagne insensiblement mais sûrement du terrain, tandis que les Espagnols envahissent l'Est de la partie française. Des troupes d'insurgés, comme celles de Biassou et de Toussaint Breda qui sont passés au service de l'Espagne, en guerre avec la France, s'emparent de larges portions du territoire. Les colons royalistes et esclavagistes entrent en contact avec les Anglais et s'emparent un temps de Port au Prince. Un nouveau Gouverneur plutôt royaliste, le Général Galbaud, arrive en Mai 1793 et s'oppose militairement aux Commissaires républicains. Sous leur autorité, des esclaves sont armés pour défendre leur pouvoir. La ville du Cap Français est incendiée au cours des combats. En Août 1793, les Commissaires décrètent, seuls, l'abolition de l'esclavage dans l'île et l'égalité des droits.

Entre l'exécution du Roi, les exactions commises par les nouveaux auxiliaires des Commissaires, la fin de l'esclavage, de nombreux Blancs passent en territoire espagnol tandis que les Royalistes livrent les villes côtières à l'Armée Anglaise. C'est ainsi que Jeremie et le Môle Saint Nicolas et d' autres s'ouvrent aux britanniques. Des détachements de troupes métropolitaines s'y rallient.

 

II/ L' OMBRE DE TOUSSAINT 1794-1802

Toussaint Louverture
Un des multiples portraits de Toussaint Louverture

Tousssaint Breda, qui se fera surnommer Louverture, est né en vers 1743 à l'habitation (la plantation) Breda. Fils d'esclave, il reçoit une certaine éducation puis une «liberté de savane» (semi affranchissement) qui lui permettent de devenir surveillant de plantation. Il rejoint la rébellion servile en 1791 et va rapidement s'imposer comme un chef. En 1793, il passe au service espagnol, puis au service français après l'abolition officielle de l'esclavage en 1794. Car c'est fait, la Métropole a voté l'abolition, le 4 Février 1794. Trois députés de St Domingue, un Blanc, un métis et un Noir, siègent à la Convention ...

Les troupes de révoltés noirs, qui n'ont plus de raison de l'être et sont très nombreuses, sont intégrées dans le dispositif militaire de l'île par le Gouverneur général Laveaux, aux cotés des faibles restes des troupes métropolitaines encore loyales à la Métropole où Nicolas Ourblain est passé Caporal dans ce qui subsiste de son Bataillon. Désormais, officiellement, l'ennemi commun, c'est l'Anglais, qui s'empare de Saint Marc et de Port au Prince, malgré les contre-offensives de Rigaud et de Toussaint dont les troupes indisciplinées laissent un sillage sanglant sur leur route … La situation militaire est tellement catastrophique que les territoires encore sous contrôle français sont répartis sous l'autorité de Toussaint, Rigaud et Desfourneaux.

1795 : grâce à un certain nombre de succès militaires sur les Anglais et les Espagnols, Toussaint est promu Général de Brigade avec Rigaud, Beauvais et Villatte, tous hommes de couleur. Le Gouverneur général Laveaux le nomme même comme son "bras droit". La Paix vient d'être signée avec l'Espagne qui doit nous céder sa partie de l'île. Un an plus tard, alors qu'une troisième Commission arrive sur l'île avec des troupes fraîches, Toussaint est nommé Général de Division. Il contrôle déjà l'Armée républicaine composée essentiellement de troupes noires, et a bientôt l'appui du Commissaire Sonthonax. C'est sans grand problème qu'il se fait nommer Général en chef et expulsera bientôt les Généraux qui lui font de l'ombre, puis son protecteur. En 1797, Toussaint est le véritable maître, tandis que les combats continuent avec les Britanniques. Ce n'est pas le malheureux Général Hédouville, envoyé de France en 1798, qui pourra le contredire : il sera chassé comme les autres.

Cette même année, Toussaint obtient l'évacuation des points côtiers que les Anglais tenaient depuis 1793-1794. Il faut dire que, ravagées aussi par les maladies, les troupes britanniques ne sont plus que des fantômes soutenues par des milices locales, cédées toutes équipées à Toussaint qui en profite aussi pour signer un traité secret avec son ex-ennemi et les Américains. 1799 sera pour lui l'occasion d'éliminer un de ses grands rivaux : le Général métis Rigaud qui tient la partie Sud de l'île. Une véritable guerre ethnique opposant Noirs et métis éclate. Elle tourne à l'avantage de Toussaint. La Métropole, désormais bien incapable de contrôler quoi que ce soit sur l' île, entérine la situation en le confirmant comme Général en Chef pour Saint- Domingue. Représentant légal de la Métropole, il reste paternaliste vis-à-vis des quelques blancs qui sont restés à son service, à coté d'une élimination systématique et définitive de ses opposants.

Parmi les Européens survivants (moins de 600 !) des différentes expéditions métropolitaines dans l'île, la majorité est rassemblée dans un Bataillon Européen , le reste dans les armes "techniques" (2). On ne connaît pas le moral de ces soldats mais on peut penser qu'ils sont résignés. Parmi eux, le Sergent de Grenadiers Ourblain, nommé en novembre 1799 et qui deviendra Tambour Major un an plus tard.

Le Consulat a succédé au Directoire et confirme Toussaint dans ses fonctions faute de pouvoir intervenir. Celui-ci s'empare de la partie espagnole de l'île en Janvier 1801, à l'encontre des ordres de Bonaparte, fait adopter une constitution d'autonomie vis à vis de la Métropole, puis se proclame Gouverneur à vie. Il restaure l'économie en instaurant "le travail forcé".

Toussaint Louverture
L'Armée de Tousaint et de ses Généraux. Elle mêle régiments réguliers, avec un uniforme inspiré des armées européennes, et miliciens simplement armés. Aidée par le milieu, elle fait mieux que résister au corps expéditionnaire.

 

III/ L'EXPEDITION LECLERC 1802-1803

Armée anglaise à Saint-Domingue
Les forces anglaises à Saint Domingue, 1793-1798

La Paix étant signée avec la Grande Bretagne, Bonaparte peut envoyer des expéditions Outre Mer pour exercer l'autorité de la Métropole et faire repartir l'économie en rétablissant l'esclavage. Ce qui est une erreur politique et humaine tragique. Saint Domingue mérite un sort particulier, puisque c'est à son beau frère qu'il donne le commandement des troupes envoyées à la fin de 1801.

Si le Corps expéditionnaire est formé de quelques unités de vétérans, comme par hasard (?) assez républicaines, à leur coté on trouve un certain nombre d'unités disciplinaires, de déserteurs, d'étrangers qui sont envoyées là sans grande motivation et qui déserteront plus facilement. D'autant plus que la solde sera très aléatoire.

Soldat de la Légion du Cap Saint Domingue 1802
Soldat d'infanterie légère à Saint Domingue, selon les ordres du Général Leclerc en 1802, d'après un dessin d'André Jouineau. Sans doute tenue portée par la Légion du Cap à Santo-Domingo jusqu'en 1809

L'équipement est mal adapté à une guerre coloniale; le climat humide, les nuées d'insectes, les épidémies vont faire des ravages et l'adversaire saura se défendre impitoyablement, massacrant les civils blancs en masse dans ses retraites successives. Ce qui entraînera des représailles non moins atroces sur les prisonniers des troupes de Toussaint.

Le débarquement des premières troupes françaises se fait le 4 Février 1802 à Fort Liberté (ex Fort Dauphin) et Port au Prince. Leclerc lui-même prend le Cap Français le 7, détruit par les rebelles. Le Général Kerverseau s'empare de Santo Domingo avec l'aide de sa population, dans l'ex territoire espagnol, le 21 Février. Toussaint s'est réfugié dans les régions montagneuses de l'intérieur, formidablement et naturellement retranché par le relief.

Tandis que les colonnes se préparent lentement à converger vers lui à partir de leurs points de débarquements et vont avoir à livrer de difficiles combats, plusieurs Généraux noirs font leurs soumission à Leclerc. Ce qui permet au Bataillon Européen, stationné au Sud Ouest de l'île (aux Cayes) sous l'autorité du Général Laplume, de retrouver les troupes françaises … Le 25 Mars, les dernières lignes de défense sérieuses de Toussaint (Crête à Pierrot) sont prises au prix de lourdes pertes. Il continue à tenir la campagne avec ses principaux lieutenants. Mais ceux-ci, vers la fin Avril, font leur soumission l'un après l'autre. Toussaint se soumet le 6 Mai avec l'espoir de pouvoir continuer le combat. Arrêté en Juin 1802, il est transféré en France où il mourra en captivité. Cependant, la rébellion reste latente malgré le ralliement des troupes noires et de leurs Généraux, alors que les Européens commencent à être décimés par la fièvre jaune …

Le Bataillon Européen a été versé dès Avril dans la Légion du Cap (ou ci devant Légion de la Loire), une unité créée spécialement pour l'expédition (3). En Mai, on la retrouve à la division Boudet.

A la fin de l'année, les troupes noires se révoltent de plus en plus, avec les rumeurs fondées du rétablissement de l'esclavage à la Guadeloupe. Les troupes françaises, en nombre insuffisant, se replient sur les zones côtières. La Légion de la Loire, en Septembre 1802, fait alors partie de la Division Rochambeau, qui va succéder à Leclerc après le décès de celui-ci le 2 Novembre. La fièvre jaune qui a emporté Leclerc a aussi décimé l'unité.

Le 3 Janvier 1803, Rochambeau est nommé Capitaine Général de la colonie. Sa conduite des opérations après la mort de Leclerc sera sanguinaire, puisqu'il se lancera dans une politique de "Terreur" sur les populations noires, en plus de ses opérations militaires. Le 2ème Bataillon de notre ami Ourblain est stationné à Jacmel, avec l'autre Bataillon squelettique de la Légion.

L'Armée, réorganisée à de nombreuses reprises, reste essentiellement sur la défensive, recevant des renforts au compte goutte, aussitôt happés par les maladies et les combats. La Légion de la Loire ou Légion du Cap se voit affectée à la partie Est de l'île (ex espagnole). C'est ainsi qu'elle va échapper à la capitulation de Rochambeau en Novembre 1803, et continuer le combat. Nicolas Ourblain est toujours dans les rangs comme Sergent major.

 

IV/ LES SOLDATS PERDUS DE L' ENCLAVE DE SANTO DOMINGO 1803-1809

Toussaint Louverture
Brevet de Capitaine de Nicolas Ourblain daté de Mai 1808, signé par le Général Ferrand à Santo Domingo, pour ce qui reste de "l'Armée de St Domingue" ( sic)

Nous avons vu qu'au début 1802, Kerverseau, avec l'aide de milices espagnoles, s'est imposé dans l'Est de l'île. Ses troupes, comme celles de l'Ouest, sont ravagées par les maladies. Aussi des renforts lui sont transférés, dont la Légion du Cap. En 1803, il peut de moins en moins compter sur ses auxiliaires espagnols et doit les enrôler sous la menace.

La capitulation de la partie française de l'île, en Novembre, amène le Général Ferrand, qui s'en est échappé, à revendiquer le commandement et à s'en emparer "militairement", avec l'aide des Carabiniers de la Légion du Cap. Ferrand décide de regrouper toutes ses forces autour de Santo Domingo et de s'y retrancher. Les Français allait y tenir encore 5 ans, formant toujours dans la terminologie administrative l'"Armée de Saint Domingue" ! Une armée de quelques milliers d'hommes, assiégée par la terre et soumis au blocus maritime anglais (4). Heureusement qu'il va recevoir en Avril un autre groupe d'évadés de la partie Ouest, s'élevant à 1500 hommes.

En Mars 1805, Ferrand repousse cependant une attaque de 20.000 hommes de Dessalines, sanguinaire nouveau maître d'Haîti. Ce n'est pas à la fin de l'année, parce que la France est aussi désormais un Empire, qu'elle peut reprendre le contrôle de l'île. Elle va se contenter d'y maintenir sa présence le plus longtemps possible dans cette zone heureusement ravitaillable par l'Océan, que ce soit de quelque fois de Métropole ou plus régulièrement par les bateaux corsaires, forceurs de blocus … Les vastes manœuvres navales que Napoléon a prévu dans les Antilles au cours de ces années 1805-1806 permettent d'amener des renforts à notre petite enclave.

On réorganise les troupes en des unités un peu plus consistantes. C'est ainsi que la Légion du Cap se voit opportunément versée, le 16 Floréal an 13, des soldats de la 2ème Légion du Midi, des Piémontais arrivés en même temps que l'escadre Missiessy. Mais aussi un certain nombre d'hommes "de couleur" qui viennent combler les rangs. La Légion, aux ordres du Chef de Bataillon Pascal, peut aligner 8 Compagnies de Chasseurs et une de Carabiniers. Notre ami Ourblain est devenu Lieutenant. Un an plus tard, il n' y a plus que 256 hommes en tout aux ordres du Colonel Louis Lafiton. On réduit donc les effectifs à 4 Compagnies de Chasseurs et une de Carabiniers. Les soldats servent sur la petite flotille qui protège le port.

En 1808, la guerre qui éclate en Espagne nous amène l'hostilité d'une partie de la population. Le 9 Mai, Ferrand a promu Ourblain au rang de Capitaine adjudant major à la Légion du Cap. En Octobre 1808, Ferrand se suicide au cours d'une opération malheureuse contre une expédition venue de Porto Rico. Ses milices espagnoles s'étaient mutinées en plein combat. Mais il n'y avait pas qu'elles : les Piémontais désertaient aussi régulièrement des rangs de la Légion du Cap. Le général Barquier assume le commandement. Avec ce qui lui reste de troupes, il va encore tenir plusieurs mois le port de Santo Domingo (5). Le 7 Juillet 1809, à bout de vivres et de munitions, il capitule avec les honneurs devant les Anglais. Sa poignée de braves, dont 85 hommes de la Légion du Cap, est ramenée en France par la flotte britannique. Nicolas Ourblain, qui venait de passer 17 ans dans l'île, était parmi eux ...

 

V/ UN HOMME ET SES UNIFORMES

a/ Le soldat du 73e d'Infanterie

Nous avons représenté ici le nouvel uniforme mis au point par le règlement provisoire du 10 Avril 1791. La couleur distinctive écarlate est portée au collet, revers et pattes de parements et aux passepoils des parements et les poches en travers. Les boutons sont de métal blanc. Mais il est vraisemblable que les détachements partis en Octobre 1791 aient porté encore la tenue de 1786 en grande partie, dont le chapeau.

 

b/ Le bataillon européen de l'Armée de Toussaint

Il est malheureusement très mal connu dans ses tenues. Peut être portait il la tenue des Demi brigades coloniales ?

 

c/ La Légion de la Loire puis du Cap

C'est très rapidement que Leclerc constate l'inadaptation des uniformes métropolitains au climat tropical. Aussi décide t'il de faire délivrer à partir de Mai 1802 une nouvelle tenue pour ses troupes. Son ordre du jour du 19 Mai stipule :
"Le général en chef voulant déterminer de manière définitive et stable l'uniforme des troupes de l'Armée ordonne ce qui suit :
L'uniforme de l'infanterie de Ligne sera l'habit court, de drap bleu doublure rouge, les deux basques de la longueur de 11 pouces à partir des deux boutons à l'extrémité de la taille, qui doit être plus courte qu'aux habits d'uniformes français, les basques retroussés par une agrafe, poches en travers avec passepoil rouge.
Les revers blancs agrafant sur toute leur longueur; trois petits boutons sous le revers droit, avec boutonnières à gauche, de manière à ce que l'habit soit fermé jusqu'au deuxième bouton du pantalon et qu'il puisse tenir lieu de gilet, collet bleu sans passepoil, parements rouges et pattes blanches, les deux passepoilés de bleu.
Pantalon de toile blanche avec sous pieds, demi guêtres en toile par-dessus le pantalon. Chapeau rond à haute forme de 6 pouces, bords de 3 pouces bordés en laine, relevé par une ganse et un bouton uniforme.
L'infanterie légère aura l'uniforme pareil excepté les revers et parements qui seront bleus et le passepoil rouge partout, des poches qui seront en long et des revers en pointe et des parements sans pattes en pointe …
Les chefs de corps auront l'attention de faire les habits larges, afin que le soldat puisse être à l'aise. Sous un climat aussi chaud, il est dangereux de porter des habits qui gênent et empêchent la libre circulation du sang. Il ne sera plus confectionné d'habits pour les troupes de l'Armée que sur le présent modèle
".

On notera que les Britanniques, à la couleur de fond près, donnent pratiquement la même tenue à leurs régiments West Indies.

Leclerc, qui ne se faisait aucune illusion sur les capacités de la Métropole de le fournir en quantité suffisante, réclamait quand même la confection de millier de chapeaux et s'adressait aussi à des fournisseurs privés pour lui apporter équipement, chaussures, uniformes et draps. Le plus rapidement distribuées furent les culottes et les demi guêtres de drap qui vraisemblablement venaient des ressources locales. Des chapeaux fabriqués en Métropole arrivèrent à la fin 1802 avec le navire "La Suzanne", mais en quantité nettement insuffisante pour coiffer toute l'Armée, et de toute façon de très mauvaise qualité. Les habits courts semblent avoir été beaucoup plus longs à distribuer puisqu'en Avril 1803, on mentionne encore les anciens uniformes. Différents ordres allégent le contenu des sacs et donnent aux Officiers l'ordre de s'armer de carabines dans la guerre de mobilité qui est celle de ce pays.

La Légion de la Loire était partie avec de très mauvaises tenues mais sur le type classique de l'infanterie légère.

 

VI/ Bibliographie, sources

- Guillermin : Précis historique des derniers évènements de Santo Domingo, Paris 1811.

- Poyen : Histoire militaire de la Révolution à Saint Domingue, Paris 1899.

- La colonisation française pendant la période napoléonienne, J . Saintoyant, Paris 1931.

- Le général Leclerc et l'expédition de Saint Domingue, Henri Mezière, Tallandier 1990.

- Correspondance de Napoleon Bonaparte, années 1801, 1802, 1803

- Journal Militaire, années 1792 à 1802.

- SHD AT : series B7, M 591 et suivantes ...

- Archives nationales, Centre des Archives d'Outre Mer série C, sous série CC9A, CC9B et CC9C.

- Dessins de Rigo, Bucquoy, Boisselier

- La Revue Napoléon n°9 : La reconquête de Saint Domingue,Vincent Rolin; n°10 : La soumission de Toussaint Louverture, Vincent Rolin; n°11 et 12 : Les troupes de Saint Domingue, Fréderic Berjaud

On ne doit pas oublier le travail des associations de figurinistes qui font des recherches historiques pointues :

Le Club Francais de la Figurines Historique (CFFH) avec deux numéros spéciaux sur l'Expedition de Saint Domingue (4-1991 et 1-1992), le Briquet : Nicolas Ourblain, le survivant de Saint Domingue n°1998-4; le Bivouac : divers articles sur les troupes coloniales durant l'Empire.

 

VII/ Notes

1 : Les troupes débarquées étaient atteintes rapidement de paludisme, de dysenterie, mais aussi par la fièvre jaune. La fièvre jaune est une virose transmise par les piqûres de moustiques, dont les symptômes les plus fameux sont : la jaunisse (l'ictère), et le vomissement de sang noir (vomito negro). De petites épidémies réapparaissaient tous les ans avec la saison des pluies. Ceux qui en réchappaient étaient immunisés par la suite. Les Noirs d'origine africaine étaient naturellement plus résistants à cette affection. Il est impossible que Nicolas Ourblain ne l'ai pas attrapée, passant des années à Saint Domingue. On peut penser qu'il en avait guéri spontanément et était donc immunisé. L'épidémie qui survint en 1802 fut un véritable fléau, qui surprit par son intensité, inconnue jusque là, sans doute parce que frappant des troupes particulièrement fragilisées.

2 : L'Armée "française" de Toussaint compte 20.000 hommes : 10 puis 15 Régiments d'infanterie, ou Demi brigades coloniales, deux Régiments de cavalerie, une Garde d'Honneur à pied et à cheval, Artillerie et services, le Bataillon européen. Cette armée peut être considérablement renforcée par la Gendarmerie et des Gardes Nationales, ce qui double ses effectifs.

3 : La Légion de la Loire devenue Légion du Cap. C'est en 1801 que divers bataillons auxiliaires et cavaliers levés dans l'Ouest de la France pour lutter contre les restes de la chouannerie sont organisés en une Légion de la Loire de deux Bataillons (infanterie légère) et un Escadron de Chasseurs à cheval pour être envoyés à Saint Domingue. On complètera les effectifs avec les fonds des prisons, et tout ce qu'on a pu récupérer dans les dépôts coloniaux.

4 : Ferrand dispose alors de moins de 3000 hommes dont la moitié de milices espagnoles, la plupart armées de lances ! Les unités françaises à sa disposition se répartissent en 106 hs du 5e Léger, 192 hs de la Légion du Cap , 77 hs du 89e de Ligne, 137 hs du 110e, 88 hs du 113e, 49 hs du 8e Artillerie, 23 hs du Bataillon d'Artillerie de Saint Domingue, une Compagnie administrative de 67 homme, 487 hs de milices françaises, 56 Dragons de la Garde Nationale et 23 Guides. L'Etat Major compte 40 hommes.

5 : La garnison encore valide en Juin 1809 consiste en 26 hommes du 8e d'Artillerie, 35 hommes du Bataillon d'artillerie de Saint Domingue, 35 artilleurs de Marine, 240 hommes du 37e de Ligne, 181 hommes du 89e de Ligne, 138 hommes du 5e Léger, 142 hommes de la Légion du Cap, 272 hommes de la Légion coloniale, 61 guides, 57 pertuisaniers ! Et 263 hommes de milice. La Légion coloniale a été formée avec des noirs libres en novembre 1808. On y a rattaché diverses Compagnies franches de Chasseurs ou Grenadiers.