La Garde nationale de la Guadeloupe
1803-1815
Avertissement et remerciements : Cet article, que nous compléterons au fur et à mesure de nos découvertes ultérieures, nous a été adressé par notre collègue du Bivouac, Didier Davin, que nous remercions tout particulièrement pour sa disponibilité et son érudition.
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- 1802
La Guadeloupe en 1790 |
Les iles des Antilles aux mains des Anglais sont remises à la France en vertu des dispositions du Traité d’Amiens.
Pour le Premier Consul, la remise en état des colonies des Antilles doit finir par passer, après bien des tergiversations et interrogations, par le rétablissement de l’esclavage des populations afro-caribéennes que la Révolution avait aboli. Il faut dire que les autres états européens et américains du Nord comme du Sud, ont alors tous la même pratique.
Si, à la Martinique, l’esclavage n’avait pas été aboli par l’occupant anglais, et donc la situation se trouvait sans changements, la Guadeloupe, en 1793, grâce à Victor Hugues, s’était libérée seule de l’occupation anglaise en même temps que l’esclavage y avait été aboli.
Une armée républicaine, aux effectifs majoritairement composés d’ex esclaves, avait tenu et défendu l’ile (et d’autres) pendant des années au nom de la République.
L’énorme faute morale, mais aussi stratégique, de Bonaparte, va aboutir au résultat absolument inverse à celui escompté. Des expéditions ruineuses en effectifs vont devoir être envoyées pour rétablir l’ordre voulu, contre des hommes se battant à juste titre et héroïquement pour garder leur liberté. Les combats, et la répression (déportation) qui suit, vont dépeupler l’ile et donc l’amoindrir économiquement et militairement alors que les Anglais sont en embuscade permanente. Bref, un désastre qui sera un des très gros échecs du futur Empereur.
- 1803
Officier de Fusiliers et Dragon de la Garde nationale de la Guadeloupe, d'après W. Loftie |
C’est le 8 mai 1803 qu’arrive le Général Ernouf, nommé Capitaine général de la Guadeloupe et des iles annexes (Les Saintes, Marie Galante et la Désirade), en remplacement de l’Amiral Lacrosse qui s’était « illustré », avec son entourage, par son inflexibilité et ses relents d’Ancien Régime.
Ernouf va tenter une politique d’apaisement sur cette ile bouleversée, bien qu’il cautionne la reprise de l’esclavage et le contrôle strict des Noirs Libres (dans les faits, il sera assez laxiste sur ce contrôle).
Sa position, comme tout bon colonial de l’époque, lui permet aussi de piocher dans les caisses, donc son intérêt est que la situation locale soit calme. Une tentative de rébellion sera étouffée dans l’œuf en 1804. Autre moyen d’enrichissement : la guerre de course, dont il a des parts occultes, mais qui sert aussi à ravitailler la colonie et dont beaucoup de Noirs Libres sont partie prenante.
En mai 1803, le traité avec l’Angleterre est rompu. La guerre reprend. La garnison consiste essentiellement dans deux puis trois Bataillons du 66e de Ligne, qui absorbent tous les renforts qui arrivent de métropole, quelques Artilleurs et une poignée de cavaliers.
Ernouf va donc réorganiser une Garde Nationale pour l’appuyer. Celle-ci doit comprendre tous les habitants d’origine européenne et les afro-caribéens libres entre 16 et 55 ans. Organisés par paroisses et regroupés en 6 Bataillons mixtes.
Chaque Bataillon compte, selon la population des paroisses, des Compagnies de Fusiliers européens, des Compagnies de Chasseurs afro-caribéens, et une Compagnie de Dragons européens.
Sur ces 6 Bataillons, sont mobilisables immédiatement deux Bataillons d’élite. Un troisième Bataillon d’afro-caribéens et un 4e de Marins débarqués sont ajoutés. Les petites iles dépendantes de la Guadeloupe ont aussi leur Compagnie de Garde Nationale.
Le service est obligatoire par périodes, mais dès 1805, on peut s’en dispenser, moyennant une indemnité et son remplacement à son poste par un esclave de confiance.
L’ile est régulièrement attaquée par les Anglais et soumise de plus en plus à un blocus sévère. Les iles annexes tombent peu à peu aux mains de l’ennemi.
- La chute progressive de la Guadeloupe, 1808-1809
Position du Général Ernouf en janvier-février 1810 |
En mars 1808, les Anglais s’emparent facilement de Marie Galante et de la Désirade, mollement défendues par de minuscules garnisons dont des Gardes nationaux. En Août, une tentative d’Ernouf pour reprendre Marie Galante échoue.
Le 24 février 1809, la Martinique tombe. La Guadeloupe est totalement isolée.
Ernouf réactive alors les deux Bataillons d’élite de la Garde Nationale, tombés en désuétude, mais ceux-ci n’ont pas d’équipement. Ils sont finalement débandés et retournent au service ordinaire.
Fin mars, des renforts de métropole, avec le Capitaine Troudé, arrivent cependant à rallier les Saintes et la Guadeloupe et débarquer. Mais ceci n’empêche pas une expédition britannique de s’emparer des iles des Saintes, les 14 et 15 avril.
La disette sévit, aggravée par un cyclone en août 1809 qui ravage les plantations, les batteries de côtes n’ont plus de munitions, il y a pénurie d’argent, les raids ennemis sur les côtes s’intensifient.
Trois flutes ont pu amener quelques renforts à la fin de l’année, mais après avoir débarqué leurs cargaisons, elles ont dû se saborder après que l’on ait récupéré tout ce qui est utilisable.
Depuis novembre 1809, Ernouf attend le débarquement d’un corps expéditionnaire britannique. L'ile est totalement cernée. Pour renforcer ses troupes de Ligne, il a enrôlé massivement d’ex esclaves et compte sur l’appui de sa Garde Nationale. Mais ce qu’il compte et déclare, c’est obtenir simplement une capitulation honorable.
Au lieu d’avoir une défense active et de repousser les débarquements à leur origine, il a décidé d’évacuer la Grande Terre et de se retrancher au Matouba, sur les hauteurs de Basse Terre, avec la majorité de ses forces, comptant sur la géographie pour le protéger. La Garde Nationale tient Pointe à Pitre. D’autres formations de Garde Nationale renforcent des positions à Trois Rivière, Dolé, Vieux Fort et Saint Claude.
Les Anglais ont divisé leurs forces en deux Divisions. Le 28 janvier la 1ère Division débarque au Port Sainte-Marie et marche au Sud-Ouest vers Trois Rivières ; deux jours plus tard la seconde s’empare du bourg de Vieux Habitants.
Après une résistance « honorable » (perte de 400 hommes tués ou blessés parmi les troupes de Ligne et Gardes Nationaux), surtout liée à des initiatives individuelles plus qu’aux instructions du Capitaine-général, et sans grandes possibilités, Ernouf se rend le 4 février.
- L'occupation anglaise et les Cent-Jours, 1810-1815
Désirant assurer l’ordre, les Anglais recréent une Milice. Dès 1811, le service en est obligatoire pour tous les habitants libres de 16 à 60 ans. Mais le port d’un uniforme et d’une cocarde britanniques décourage les vocations, et la milice est théorique, à part quelques Dragons.
En 1814, Le traité de Paris restitue à la France certaines de ses colonies dont la Guadeloupe et la Martinique.
La Guadeloupe devait nous être rendue début Octobre, mais les Anglais font trainer avec la plus parfaite mauvaise foi jusqu'en décembre, profitant de ce laps de temps pour piller consciencieusement les ressources de l'ile.
Les premières troupes françaises arrivent le 12 décembre 1814 avec le nouveau Gouverneur général : le Contre-amiral Linois. Deux autres Bataillons rejoignent en Janvier avec le Colonel Vatable.
Ce n'est que le 29 Avril 1815, que la Guadeloupe apprend le retour de l'Empereur en France, mais elle reste fidèle aux autorités royales et refuse que les Anglais reviennent tenir garnison, vu leurs antécédents récents.
Après des péripéties, le 17 Juin, soit un jour avant Waterloo ! la Guadeloupe se décide à rallier Napoléon. Elle n'apprend le résultat de la bataille décisive qu’entre le 3 et le 7 Août. Bien entendu, les Anglais ont entamé un blocus de l'ile et y débarqueront pour s'en emparer une nouvelle fois le 8 Août. La garnison, dont la nouvelle Garde Nationale d’à peine 850 hommes, fait une résistance pour l'honneur face à des forces bien supérieures en nombre, et capitule le 10 août.
Les Français ne reprendront l’ile définitivement qu’en Juillet 1816.
- Les tenues de la Garde nationale de la Guadeloupe
On connait la tenue d’un Officier de la Garde Nationale de la Guadeloupe par une aquarelle de William Loftie. La tenue est globalement celle de l’Infanterie française avec un collet et des parements et leur pattes blancs passepoilés de rouge.
Les Dragons portent un dolman simplifié vert à collet et parements blancs, et une culotte bleue avec des bottes.
L’aquarelle de William Loftie sur citée montre un Officier portant une tenue plus élaborée de type « Chasseurs à cheval » qui est peut-être celle de la Garde du Capitaine général.