La Garde d'Honneur de Toulouse

1808

Avertissement et remerciements : Cet article, que nous compléterons au fur et à mesure de nos découvertes ultérieures, nous a été adressé par notre collègue du Bivouac, Didier Davin, que nous remercions tout particulièrement pour sa disponibilité et son érudition.
Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Garde d'Honneur de Toulouse, à pied et à cheval, d'après E. Fort
Le même dessin modifié sur la base de nos connaissances actuelles

C’est à la fin 1807 que le bruit d’un voyage de l’Empereur dans le Sud-Ouest vient aux oreilles des préfets départementaux. Une délégation de la ville avait reçu de la bouche même de Napoléon en janvier 1808 son désir de visiter sa bonne ville de Toulouse.

Le voyage se fera finalement en 1808, en concordance avec l’invasion programmée de l’Espagne.

Aussi de grands travaux sont entrepris pour retaper les principaux monuments.

Parallèlement, c’est à la toute fin de 1807 que le maire, Monsieur Bellegarde, avec l’approbation du Préfet de Haute-Garonne, décide donc d’organiser avec les notables de la ville une Garde d’Honneur pour escorter le souverain lors de son futur passage. Rapidement, on prévoit de former une Garde à pied, une à cheval, soit 60 cavaliers et 120 fantassins, et une musique.

La Garde à pied compte 4 Compagnies. Chacune sous les ordres d’un Capitaine avec un Lieutenant, un Sous-lieutenant, un Sergent-major, un Sergent, un Caporal-fourrier, 4 Caporaux et 43 Fusiliers.

Deux Compagnies de cavalerie avec chacune : un Capitaine, un Lieutenant, un Sous-lieutenant, un Maréchal des logis chef, un Maréchal des logis, 4 Brigadiers et 27 ou trente Gardes et deux Trompettes.

La Musique à pied comptera un Tambour-major, 8 Tambours et 4 Fifres et 40 musiciens de divers instruments.

Le commandement général de la Garde est confié au Général de Brigade Baget, la cavalerie à Monsieur de Castellane et l’infanterie à Monsieur de Bruyere Chalabre.

L’ORGANISATION DE LA GARDE D’HONNEUR

Garde d'Honneur à cheval de Toulouse, 1808
Garde d'Honneur à cheval de Toulouse, 1808
Officier de la Garde d'Honneur de Toulouse, à cheval; à gauche, habit conservé au Musée de Toulouse; à droite, reconstitution de D. Davin

 

Détail habit de la Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Retroussis de l'Habit de la Garde d'Honneur de Toulouse

Il faut plusieurs mois pour que se monte et s’exerce la petite troupe.

Ses tenues sont très élégantes.

La Garde d’Honneur à pied est vêtue d’un chapeau noir porté « en colonne » avec ganses et glands or dans les cornes, plumet blanc. Habit blanc, avec collet, parements au carré et leurs pattes et revers en pointe amarante, poches en travers à trois pointes passepoilées d’amarante. Boutons dorés. Epaulette or à gauche et trèfle or et amarante à droite. Les retroussis blancs passepoilés d'amarante sont ornés d’une étoile et d’une grenade dorées. Boutonnières dorées aux revers. Gilet blanc, culotte blanche, guêtres blanches. Banderoles blanches pour l’équipement, giberne noire à Aigle dorée, sabre briquet, fusil.

La Garde à cheval a globalement la même tenue pour le fond, mais parements en pointe amarante et une aiguillette dorée portée à gauche ; une culotte de cavalerie légère blanche avec soutaches en trèfle or sur le devant, et des bottes à la hussarde noires à galon or. Sabre à garde dorée, ceinturon et bélières blanches.

Les officiers portent un gilet à la hussarde avec tresses et boutons dorés et galonnent d’or collet revers et parements sans boutonnières à priori (d’après un habit subsistant). Gants à crispin blancs ; banderole de giberne noir galonnée d’or, giberne idem.

Normalement, il était prévu une selle à la française. Le tapis de selle et les deux chaperons de fontes sont blancs à galon amarante ; Aigles amarantes dans les coins postérieurs du tapis de selle. Mais d’après une peinture d’époque, il fut donné donné une schabraque blanche à galon et Aigles amarantes, ce qui était plus facile à se procurer. Brides à la française.

Musicien Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Tambour Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Garde d'Honneur de Toulouse; à gauche, Musicien; à droite, Tambour

Les Fifres et Tambours ont le même chapeau que les Gardes, mais un plumet blanc à tiers inferieur amarante. Habit bleu ciel foncé, passepoil amarante au collet et revers et retroussis, boutons et boutonnières des revers or, parements et leurs pattes amarante. Deux trèfles amarante et or sur les épaules ; gilet blanc, culotte blanche et bottes légères à galons et glands or. Sabre briquet à banderole blanche.

Les autres musiciens ont : chapeau à plumet amarante, un habit amarante à collet amarante bordé d’or, revers parements et leurs pattes blancs galonnées d’or, boutonnières or aux revers. Gilet et culottes blancs, tresses or au-devant de la culotte qui entre dans des bottes noires à galons et glands or ; petite épée à garde dorée suspendue à une banderole blanche.

Bien sûr, une telle troupe doit se doter d’emblèmes et l’on peut lire dans la Journal de l’Empire du 28 avril : « Dimanche dernier, la Garde d’Honneur a assisté à la bénédiction de ses drapeaux. Elle se rendit dans la plus brillante tenue à la mairie pour y recevoir ses étendards des mains du maire. En présence du général Baget et de l’archevêque. Mr Bellegarde (le maire) fit un discours… ».

Certificat de la Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Certificat de la Garde d'Honneur de Toulouse, Bibliothèque de l'Arsenal, Toulouse

LA VISITE DE NAPOLEON, 25 AU 28 JUILLET 1808

Garde d'Honneur à cheval de Toulouse, 1808
Sabre de la Garde d'Honneur à cheval de Toulouse

La ville a été nettoyée et un temple des victoires a été construit place du Capitole.

Accompagné de sa suite et de l’Impératrice, Napoléon arrive à Toulouse le 25 juillet à 9 heures du matin. Selon le protocole, le Maire et la Garde Honneur à cheval les ont accueillis aux limites du département, à Leguevin, ont remis à l’Empereur les clés de la cité, et les ont escortés jusqu’à la ville où un arc de triomphe se dresse à son entrée.

Napoléon, après avoir traversé Toulouse, toutes les cloches des églises sonnant, vient s’installer à la Préfecture, préférant celle-ci au Capitole.

Dans l’après-midi, l’Empereur reçoit les délégations civiles, ecclésiastiques et militaires du département.

Le vieux Général Baget, qui commande en titre la Garde d’Honneur, adresse à l’Empereur un petit discours de bon aloi : «Sire, chargé du poids honorable de 49 années de service, employés à la défense de mon pays et de mon souverain, je viens aujourd'hui jouir, à la tête de votre garde d'honneur toulousaine, de la récompense la plus chère à mon coeur. Que V. M. daigne agréer ces derniers services, tribut de respect et d'hommage d'un vieux militaire, dont le sang, au rayon de votre gloire, s’anime encore du feu de sa première jeunesse ; et le souvenir de ce jour où j'aurai fixé sur moi un regard du monarque qui préside aux destinées du monde, embellira jusqu'aux derniers instants de ma carrière».

Puis, à cheval, accompagné de la Garde d’Honneur à cheval, Napoléon va inspecter l’embouchure du canal du Midi. Le soir est consacré à la correspondance et l’administration de tout l’Empire.

Le lendemain, lever à 4 heures et de nouveau à cheval ; inspection de tous les lieus stratégiques. La foule se presse sur son passage.

Le soir, la municipalité a organisé des jeux et des joutes nautiques sur la Garonne, au port de la Daurade. Un tableau actuellement au Musée des Augustins immortalise cet événement et fixe sur la toile les Gardes d’Honneur (voir photo ci-dessous).

Garde d'Honneur de Toulouse, 1808
Joutes nautiques à Toulouse, tableau de Joseph Roques, Musée des Augustins

Le lendemain, un grand bal est donné au Capitole. A leur arrivée, l’Empereur et l’Impératrice sont accueillis par la musique de la Garde d’Honneur qui exécute une marche triomphale.

Extrait du Journal de la Haute-Garonne, N°461, Jeudi 11 août 1808 (5e année)

La Cantate de M. Baour-Lormian, mise en musique par M. Berjaud, fut exécutée avec un ensemble admirable en présence de LL. MM. , le jour de la fête que la ville leur donna. La juste réputation du poète et le talent distingué du compositeur avoient appelé le plus grand intérêt sur cette production. L'attente publique ne fut pas trompée ; mais nous regrettons qu'elle ne fût point exécutée en entier, on y auroit trouvé des choeurs habilement travaillés, des morceaux de chant pleins de verve, de grâce et d'harmonie, et qui auroient rendu avec une fidèle expression les sentimens d'une assemblée que LL. MM. animoient de leur présence. M. Baour-Lormian a bien assez d'autres titres à la gloire littéraire, pour qu'il ait ajouté quelqu'importance à une production que son coeur a dictée. Sa cantate est un tribut d'enthousiasme qu'il a offert à sa ville natale, pour la féliciter du bonheur dont elle alloit jouir en recevant ses bien-aimés Souverains ; et comme tout ce qui se rattache à cette époque est également précieux, nous avons cru devoir la faire connoître.

LES TROUBADOURS, CANTATE,
Exécutée dans la salle du trône, à l'hôtel-de-ville de Toulouse, en présence de LL. MM., le 27 juillet 1808, lors de la fête donnée par la commune ; paroles de M. Baour - Lormian, musique de M. Berjaud, membre de la garde d'honneur.
Isaure s'adressant aux Toubadours.
O vous qui dispensez les palmes de la gloire,
Prêtez -moi de vos chants l'harmonieux appui !
Honneur au fils de la victoire ;
Formons des chants dignes de lui.
Choeur des Troubadours.
Isaure nous invite aux concerts de la gloire,
sa voix implore notre appui
Honneur au fils de la victoire ;
Formons des chants dignes de lui.
Isaure.
Il vient, l'Objet de tant d'hommages ;
Saluons le héros qu'espéraient nos remparts,
Et que les fleurs de ces rivages
S'enlacent sur sa tête aux lauriers des Césars.
Enflammés d'un noble délire,
Peuples et Troubadours, unissez vos transports
Le talent peut monter la lyre,
Le coeur inspire ses accords.
Choeur des Troubadours.
Enflammés d'un noble délire,
Saluons le héros qu'espéraient nos remparts ;
Que nos chants d'allégresse et les sons de la lyre
Retentissent de routes parts.
Une muse de la suite d'Isaure.
Pare - toi de festons, heureuse Occitanie ;
Tes beaux jours vont renaître enfin ;
De l'empire français le bienfaisant génie
Préside à ton nouveau destin.
Jusqu'au sein de nos murs, le ciel qui nous seconde
A conduit ses pas triomphant ;
Entouré de la gloire et des respects du monde,
Il vient sourire à ses enfans.
Un Troubadour.
En vain Bellonne rugissante
Menace ses drapeaux partout victorieux ;
Le fer du brave arme sa main puissante ;
Sa volonté commande à la foudre des dieux.
Qu'Albion s'affermisse en sa haine immortelle,
Le destin trompe ses efforts ;
Ses propres alliés désertent sa querelle ;
L'Europe lui ferme ses ports.
Complice de sa tyrannie,
Neptune agite en vain son trident redouté ;
César dans ses exploits peut-il être arrêté ?
Sa fortune est dans son génie.
Chant final des Troubadours et du peuple.
Honneur, triomphe d'âge en âge
A notre auguste Souverain ;
Nos coeurs disputent à l'airain
Le droit de garder son image.
Un jour sans doute nos neveux,
Ecoutant des récits, charmes de leur enfance,
Diront avec reconnoissance :
Le GRAND NAPOLÉON est passé dans ces lieux.

Le 28, tandis que l’Impératrice va visiter le jardin des Plantes, Napoléon promulgue un certain nombre d’embellissements et installations pour la ville.

Le soir vers 19 heures, l’Empereur quitte la cité, raccompagné par la Garde d’Honneur. Les jeunes Gardes qui veulent entrer dans l’Armée seront nommés Sous-lieutenants. Très satisfait de sa visite, Napoléon décore le Préfet nommé Officier de la Légion d’Honneur, tandis que le Maire et les Officiers supérieurs de la Garde sont faits chevaliers.

LE CREPUSCULE DE LA GARDE D’HONNEUR

Sitôt l’Empereur parti se pose la question de la pérennité de la Garde d’Honneur. Diable ! On a fait des frais pour se vêtir et s’équiper, ce n’est pas pour parader trois jours.

Le 15 août doit être célébré l’anniversaire de l’Empereur. Voilà une nouvelle occasion. Mais entretemps, le 1er Août, on a rendu à la Mairie en grande délégation les drapeaux qui doivent orner l’édifice. Le Maire, à cette occasion, prononce un beau discours : «La Garde d'Honneur de Toulouse rapporte ses drapeaux qu’embellissent aujourd’hui tant de délicieux souvenirs ; Conservés dans cette enceinte, il rappelleront à jamais l’époque fortunée qui a mis le comble aux vœux des habitants de cette grande cité …
Vous joindrez pour vous officiers, sous-officiers et membres de la Garde d’Honneur les témoignages flatteurs de la bienveillance de S. M. : Dites à la Garde d’Honneur combien je suis content de son zèle et de son exactitude, ils ont mérité ma satisfaction et je vous charge de la lui témoigner
».

On apprend, le 14 août, dans le journal du département de la Haute-Garonne, que «M. de Castellane, commandant de la cavalerie de la garde d'honneur et M. de Bruyeres - Chalabre, commandant de l'infanterie du même corps, ayant été nommés par S. M. l'Empereur et Roi, membres de la légion d'honneur, ont reçu de S. Exc. le grand-chancelier de la légion, le brevet et la décoration de cet ordre. Ces officiers avoient déjà reçu de S. M. une tabatière en or, comme un premier témoignage de la bienveillance du monarque, et la faveur signalée que S. M. vient de leur accorder, est une preuve honorable de sa satisfaction pour le service de la garde et le zèle des officiers auxquels le commandement en avoir été confié. — D'après un décret impérial rendu à Toulouse le 27».

La Garde d’Honneur ne survécu pas à la fin de l’année.

Sources

Les gardes d’Honneur du 1er Empire Bucquoy

Journal du département de la Haute-Garonne

Journal de l’Empire, 1808

Musée des Augustins, tableau de Joseph Roques

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