LA GARDE D'HONNEUR DE MARSEILLE

1808-1810

Avertissement et remerciements : Cet article, que nous compléterons au fur et à mesure de nos découvertes ultérieures, nous a été adressé par notre collègue du Bivouac, Didier Davin, que nous remercions tout particulièrement pour sa disponibilité et son érudition.

 

Entrée du port de Marseille
Entrée du port de Marseille

 

Garde d'Honneur de Marseille
Garde d'Honneur de Marseille

Au début 1808, le bruit court que l’Empereur viendrait visiter le Sud Est de la France. En prévision, les Préfets rivalisent de zèle pour monter des Gardes d’Honneur locales, destinées à accompagner le souverain avec faste dans ses pérégrinations.

A Marseille, le maire Anthoine, apparenté à la famille impériale par son mariage au sein de la famille Clary (Note 1), propose à son conseil municipal d’organiser cette escorte. Une première ébauche en 1805 avait rapidement avortée.

Le Préfet Thibaudeau est mis au courant et une lettre est envoyée aux notables susceptibles de se fournir d’une tenue et de s’équiper en grande partie eux même. Inutile de dire que cette invitation du maire, le 5 mai 1808, se rapproche plus d’un ordre que d’autre chose : "A Monsieur …, membre de la Garde d’Honneur,
L’espoir fondé que l’on a conçu de voir bientôt le vœu général des habitants de cette ville d’être honorés de la présence de Sa Majesté l’Empereur vient de faire délibérer la remise en activité de la Garde d’Honneur, formée à une époque où Marseille s’était flattée d’un même bonheur.
Cette mesure doit s’exécuter sans aucun délai. Le conseil municipal m’a chargé d’en prévenir individuellement tous les membres de ce corps, et de les inviter à se présenter dans les trois jours à la mairie pour y renouveler l’engagement de remplir l’honorable service auquel ils ont aspiré et de s’y exercer immédiatement …
Je ne doute aucunement de votre empressement à répondre à l’appel aussi flatteur qui vous procure l’honneur que vous avez ambitionné
".

Les heureux élus, au nombre de 317, ne sont pas très enthousiastes. Ils seront d’ailleurs, heureusement pour eux, beaucoup moins nombreux en effectifs à trouver. Il faut dire que Marseille est en train de se retourner contre l’Empire. Ruinée par le blocus anglais et les attaques incessantes sur les côtes, la ville végète et perd des habitants, la population survit. La conscription pour des guerres lointaines aux yeux des Provençaux n’arrange rien. Et puis, parmi les notables, se trouvent beaucoup d’anciens émigrés, rentrés avec les amnisties, mais dont les attachements restent monarchiques.

Le préfet sait que Napoléon ne viendra pas à Marseille, mais il laisse organiser la Garde d’Honneur pour essayer de stimuler le zèle en faveur du régime. Il signe donc, dès le 5 mai, un arrêté de formation avec un Corps de 50 cavaliers et 120 fantassins. Dès le 8, les premiers Officiers sont nommés.

Le commandant en chef de cette Garde est Louis Adrien, Esprit de Sinety de Puylong, 68 ans, d’ancienne noblesse, ayant servi comme Major dans "Royal Cavalerie", ayant présidé l’Académie de Marseille . Son rôle, vu son âge, est plus honorifique qu’autre chose, et le vrai commandement est exercé par son second : Joachim Antoine Gabriel de Gaillard.

Des noms bien connus de la noblesse provençale occupent des postes d’Officiers ; l’Adjudant-major de Forbin, le Capitaine de cavalerie de Panisse, le Capitaine Felix Anthoine (fils du maire) pour l’Infanterie, ainsi que les Capitaines Dudemaine, Sejourné, Borely.

L’infanterie est répartie en 4 Compagnies, avec chacune un Capitaine, un Lieutenant, un Sous-lieutenant, 2 Sergents, 4 Caporaux, deux Tambours et entre 30 et 34 Fusiliers.

Le 10 mai, on décide de la fabrication des uniformes, des enseignes et drapeaux et de monter un corps de musique de 10 hommes. Il y a, en plus, deux Trompettes de Cavalerie, 8 Rambours pour l’infanterie avec un Tambour-major. Tous les Musiciens sont habillés et équipés aux frais de la ville.

UNIFORMES ET EQUIPEMENTS

- Pour la cavalerie

Habit "à la Chasseur à cheval" entièrement vert dragon, passepoilé de rouge aux revers, retroussis, parements en pointe. Gillet hussardé rouge avec tresses et galons argent. Boutons argent, Aigles en argent sur les retroussis. Culotte verte. Bottes russes avec galons et glands argent ; giberne et sa banderole noires, galons et Aigle argent sur giberne. Colback bruns noirs à plumet blanc. On sait qu’ils sont en renard lustré et coutaient 50,5 francs pièce ! Ils sont ornés de cordons argent. Rappelons que les Gardes d’Honneur s’équipent eux mêmes et donc que les cavaliers sont en général les plus riches … Sabre à la hussarde à fourreau acier, ceinturon noir, plaque argent à l’Aigle.

Les simples Gardes portent un trèfle argent avec aiguillettes et une épaulette argent sur l’autre épaule. Deux épaulettes argent selon le grade. Schabraque verte à galon écarlate pour la troupe. Surfaix en cuir rouge.

- Pour l’infanterie

Habit blanc, avec, collet, parements au carré et revers en pointe bleu céleste (les couleurs de la ville). Passepoil blanc sur bleu céleste et bleu céleste sur blanc. Baguette brodée argent sur collet, revers et parements. Aigles brodés argent sur les retroussis. Poches en long bordées de bleu céleste. Deux contre épaulettes argent. Chapeau noir, bordé de noir, cocarde avec ganse argent à bouillons, houppettes argent dans les angles, plumet blanc ou pompon blanc avec étoile rouge. Gilet, culotte et guêtres blancs. Giberne noire avec Aigle argent et 4 étoiles dans les coins. Sabre briquet à poignée argentée et dragonne idem. La buffleterie est blanche.

Les Officiers portent des épaulettes et contre épaulettes argent selon le grade, une épée, un hausse col et des bottes comme les Officiers d’Infanterie de ligne.

Musicien de la Garde d'Honneur de Marseille 1808
Musicien de la Garde d'Honneur de Marseille, 1808

Musicien de la Garde d’Honneur de Marseille (reconstitution) : Il y avait 10 Musiciens en dehors des Tambours et Trompettes de Compagnies, dont une grosse caisse, une caisse roulante, des cymbales, un triangle … Ici nous avons représenté un serpent. Chapeau noir, ganse et floches argent, pompon blanc. Surtout bleu céleste avec collet, parements et retroussis blancs. Le collet et les parements sont galonnés d’argent. Une Aigle argent orne les retroussis ; deux contre épaulettes argent. Gilet et culotte blancs. Petites bottes à revers. Les Musiciens ont une épée suspendue à un baudrier blanc.

LE SERVICE DE LA GARDE D’HONNEUR

Les 44 cavaliers et 154 fantassins répartis en 4 Compagnies ne vont pas accompagner l’Empereur. Mais ils s’entrainent et s’équipent pour ce faire. Le 9 août 1808, on peut lire dans le journal local : "A quatre heures du soir, la Garde d’Honneur, précédée de ses tambours et de sa musique s’est rassemblée en grand uniforme sous les armes sur la place de l’Hôtel de Ville, pour y recevoir au nom de la ville et des mains du maire, les drapeaux qui lui étaient destinés. Le préfet et toutes les autorités y assistaient ; Madame Thibaudeau , épouse du préfet, et mademoiselle Anthoine, fille du maire, ont attachés au son d’une musique guerrière, les cravates au drapeau et au guidon, qu’elles avaient brodées".

Sur ces drapeaux et guidons, on n'en connait que quelques détails. Les Aigles qui devaient les surmonter ont été remplacées par des piques argentées. Le guidon est rose et le drapeau blanc et bleu avec les armoiries de la ville.

Une telle troupe qui ne sert à rien attire l’attention des autorités militaires, alors que les côtes des Bouches du Rhône sont sans arrêts attaquées par des raids britanniques. Le Général Dejean, commandant la place de Marseille, se demande le 12 août, si l’on ne doit pas la placer sous son autorité. Le Ministre de l’Intérieur le rappelle à l’ordre ; ce n’est qu’une formation d’accompagnement de l’Empereur, pas une unité militaire.

Mais le Préfet Thibaudeau s’en mêle aussi. Devant le manque de protection de la côte, il lève des Compagnies d’Elite de la Garde Nationale et prétend y intégrer la Garde d’Honneur de Marseille pour l’effectif de deux Compagnies. Nos Gardes d’Honneur répondent qu’ils feront leur devoir à titre personnel, mais pas en tant q’unité constituée, en dehors de ses attributions honorifiques.

En 1810, la Garde d’Honneur disparait doucement, faute de nécessité. Le maire réclame les emblèmes et ce que la municipalité a payé. On ne sait ce qui a été rendu ...

Note 1 Antoine Ignace Anthoine, qui va devenir Baron de Saint-Joseph, avait pour femme Marie Anne Rose Clary, dont une des sœurs avait épousé Joseph Bonaparte, frère de Napoléon, futur Roi de Naples puis d’Espagne, et une autre Bernadotte, futur Roi de Suède ...

Dessin :

La Garde d’Honneur de Marseille, dessin de Daniel Lordey, dessin paru dans le bulletin du Bivouac, 1986