LES GARDES D'HONNEUR LOCALES DU CALVADOS

1808-1813

Avertissement et remerciements : Cet article nous a été adressé par notre collègue du Bivouac, Didier Davin, que nous remercions tout particulièrement pour sa disponibilité et son érudition.

Garde d'Honneur du Calvados
Garde d'Honneur du Calvados, d'après J. E. Hilpert (Le Passepoil); le colback n'a jamais été porté

 

Garde d'Honneur du Calvados
Garde d'Honneur à cheval du Calvados, dessin de D. Davin

C'est en Juillet 1808 que le maire de Caen organisait une Garde d'Honneur à pied pour sa ville. Elle comptait un capitaine commandant, un lieutenant, deux sous lieutenants dont un porte-drapeau, un sergent-major, quatre sergents, un brigadier-fourrier, 8 caporaux et 98 gardes. Mais ses effectifs finissent par péricliter et en mars 1809, son commandant se plaint du manque d'hommes et du peu de soutien des autorités. Toutefois, les effectifs remontent et en août on compte 133 gardes sous le commandement du capitaine Le Petit de Courville.

A la fin 1810, une visite de l'Empereur étant certaine, le nouveau préfet,Alexandre Méchin, après les déconvenues de son prédécesseur qui avait déjà fait une tentative infructueuse en 1808, relance la formation d'une garde à cheval départementale et fixe ses effectifs à trois compagnies: une basée à Caen, une à Bayeux et une à Lisieux. Des problèmes administratifs de toutes sortes retardent la levée des hommes et des chevaux. C'est finalement le 12 février 1811 qu'un uniforme est définitivement fixé, tout à fait surprenant car il s'agit de copier la coupe de la tenue des lanciers polonais de la Garde Impériale! Chaque tenue et équipement coutant 843 Francs, la dépense globale devra se monter à 9788 Francs.

La composition de la Garde à cheval est la suivante:
Un Etat-major avec un colonel commandant, 2 capitaines adjudants majors, 1 officier porte guidon, un chirurgien major, un aumônier.

La compagnie de Caen, la plus nombreuse compte : un capitaine, un lieutenant,1 sous-lieutenant, un maréchal-des-logis chef, 4 maréchaux-des-logis, un brigadier fourrier, 7 brigadiers, 43 gardes, 1 trompette. Les deux autres compagnies ont des effectifs moindres en gardes et sous-officiers.

Le 24 mars 1811, en prévision de la venue impériale, on décide de faire fabriquer 3 tabliers de trompettes, un guidon pour la cavalerie départementale et un drapeau pour la garde à pied de Caen. Mais le temps de confection fera qu'ils ne seront livrés qu'après le passage de Napoléon. Ils seront consciencieusement bénis le 12 juin 1811 en l'église St Etienne.

I/ LA VISITE DE NAPOLEON DANS LE CALVADOS

Escorté par des détachements de la cavalerie de la Garde Impériale, Napoléon et sa suite franchissent les frontières du département, le 22 mai au soir, et arrivent à Caen vers 23 heures. A l'entrée de la ville, devant tout le conseil municipal emmené par le maire, Lentaigne de Logivière, les gardes d'Honneur à cheval et à pied, la Garde Nationale dans un uniforme flambant neuf et sa musique, l'Empereur reçoit les clés de la cité (clés d'or et d'argent qui ont couté la bagatelle de 1566 Francs). Toutes les rues sont illuminées, les cloches des églises et les salves d'artillerie mêlent leurs sons. L'Empereur avec l'Impératrice vont occuper les hôtels d'Hautefeuille et Dufresne transformés en "palais impérial".

Le lendemain matin, après avoir entendu la messe par l'évêque de Bayeux, Napoléon donne audience. Vers18 heures, il se promène en ville.

Le 23 mai, dès 4 heures du matin, Napoléon parcourt la côte jusqu'à Ouistreham, escorté par la Garde d'Honneur à cheval et son chef, de Mathan, accueilli par des arcs de triomphe et les vivats des populations rencontrées.

Le 25 mai, tandis que l'Empereur, après une inspection à une filature, promulgue des décrets pour débuter des grands travaux dans tout le département, on visite aussi avec l'Impératrice l'abbatiale Saint Etienne où est enterré Guillaume le Conquérant. Le soir, la municipalité offre un bal à ses augustes visiteurs.

Garde d'Honneur de Caen
Habit d'Officier de la Garde d'Honneur à pied de Caen, conservé au Musée de l'Armée

Le 26 Mai, Napoléon quitte la ville pour se rendre à Cherbourg (voir article sur les Gardes d'Honneur de la Manche), escorté jusqu'à la limite départementale par la Garde à cheval. Il prend alors congé de ses hôtes, fort satisfait. Monsieur de Mathan sera bientôt nommé chambellan et commandera en 1813 le 1er régiment des Gardes d'Honneur, attaché à la Garde Impériale.

Les gardes locales demandent au souverain la faveur de pouvoir continuer à se réunir. Napoléon attendra le rapport du ministre de l'Intérieur sur ce sujet.

Le 31 Mai, Napoléon repasse rapidement par Caen en rentrant sur Paris.

II/ LES GARDES D'HONNEUR LOCALES DU CALVADOS EN 1812

En 1812, existant toujours, nos Gardes d'Honneur locales rééditent leur demande auprès du Ministre de l'Intérieur de pouvoir continuer à exister. Dans leur dossier, ils font prévaloir leur utilité puisqu'on les a effectivement mobilisés pour mâter des émeutes à Caen en mars.

Le 2 mars 1812, une émotion frumentaire, qui a commencé par une bousculade à la halle au grain de Caen, dégénère en jets de pierres sur la préfecture et en pillage d'un grand moulin des environs de la cité normande. Un des manifestants, équarrisseur de son état, demande même qu'on lui amène le Préfet pour qu'il l'écorche « comme un vieux cheval ». Le représentant de l'Etat, Alexandre Méchin, envoie immédiatement à Paris un rapport alarmiste (« Notre situation est critique ») au Ministre de la Police. Savary prescrit la fermeté au Préfet, ajoutant : « Je vous le répète, il faut beaucoup de fermeté. Ce n'est la faute de personne si la récolte de 1811 a été mauvaise ». Il annonce déjà dans sa dépêche l'arrivée sur place du Général Durosnel, Aide de camp de l'Empereur. Un Commissaire de police est aussi dépêché par Réal, Conseiller d'Etat chargé du premier arrondissement de Police.

Sur ce point, l'Empereur écrit, depuis Paris, le 12 mars 1812, au Général Clarke, Ministre de la Guerre : "Monsieur le duc de Feltre, écrivez au général Durosnel qu'après que la sentence de mort aura été prononcée et exécutée contre trois ou quatre principaux moteurs de l'émeute; qu'une quarantaine d'autres seront exilés à vingt lieues de la ville, sous la surveillance de la gendarmerie des communes où ils résideront, ou renfermés dans les dépôts de mendicité, il témoigne de ma satisfaction à la garde nationale et à la garde d'honneur, et parte de la ville, en faisant rentrer à Versailles le détachement de la Garde" (Correspondance générale de Napoléon, t.12, lettre 30194).

Ils ont également défendu la côte d'entreprises anglaises. Mais rien de concret n'est répondu, et peu à peu, ils périclitent. En 1813, ce n'est qu'une poignée de gardes qui rendent les honneurs à Marie Louise.

III/ LES UNIFORMES

a/ La Garde d'Honneur à pied de Caen

Un uniforme conservé au Musée de l'Armée nous permet de le décrire en détails. Chapeau noir, ganse et bouton argent; floches argent dans les cornes. Cocarde nationale. Plumet blanc pour les officiers. Habit jaune chamois, parements, revers et collet cramoisis, pattes de parements chamois sans passepoils, doublure et retroussis blancs passepoilés de cramoisi. Poches en long passepoilées de cramoisi. Les retroussis sont ornés d'Aigles argent sur un fond cramoisi. Tous les boutons sont argentés avec une Aigle couronnée et inscrit autour Garde d'Honneur de Caen. Aiguillettes argent à gauche et contre épaulette sur l'épaule opposée pour les simples gardes. Les officiers portent aiguillettes à droite et épaulette de leur grade à gauche. Gilet blanc à boutons argent. Culotte blanche. Guêtre blanches. Bottes à revers pour les officiers. Pour les officiers épée à dragonne argent. Ceinturon blanc.

b/ La garde d'Honneur à cheval du Calvados (d'après les devis d'habillement)

Garde d'Honneur du Calvados
Garde d'Honneur à cheval du Calvados, détail de la Kurtka vue de dos; dessin de D. Davin

Chapska polonaise ponceau galonnée d'argent, turban noir, visière noire bordée d'argent, jugulaires argent, cocarde et sa ganse argent, cordon et raquettes argent, plumet blanc. Habit de type kurta polonaise de fond vert foncé avec collet, revers et retroussis ponceau. Parements en pointe vert passepoilé de ponceau, de même que poches en long. Aigle brodées argent sur les retroussis, Tout boutons argent.

Les officiers portent aiguillettes argent à droite et épaulette de leur grade à gauche. La troupe: aiguillettes à gauche et trèfles argenté à droite. Charivari vert à bande latérale ponceau et boutons argent, entrejambe et bas du pantalon basanés de cuir noir.

En grande tenue: culotte verte à la hongroise avec soutaches et trèfles argent sur le devant, bottes de cavalerie légère noires à galons et glands argent.

Giberne et sa banderole de maroquin rouge bordée d'argent. La patelette de la giberne est ornée d'une Aigle couronnée argent. Toute bouclerie argent, ceinturon idem banderole de giberne avec plaque à l'Aigle argentée. Les bélières sont argent. Sabre de cavalerie légère à fourreau fer.

Schabraque de drap vert galonnée d'argent et soutachée de ponceau. Une Aigle argent dans les angles. Harnachement de cavalerie légère avec cuirs noirs, bouclerie et mors argentés, licol double de ponceau. Un soleil argent sur le poitrail. Etrivières en cuir jaune et étriers argentés. Surfaix en cuir jaune sangles vertes.

Tenue de sortie des officiers : Chapeau noir à ganse argent, plumet blanc. Frac à la chasseur vert foncé distingué de ponceau au collet. Les revers en pointe, parements et retroussis sont vert passepoilés de ponceau. Tous les boutons argent. Retroussis ornés d'Aigles argent. Aiguillettes et trèfle argent. Gilet blanc «hussardé» avec tresses et boutons argent. Culotte blanche, bas blancs et souliers noirs à boucles argent.

IV/ LE DRAPEAU ET L' ETENDARD

a/ Le drapeau de la Garde d'Honneur à pied de Caen

Garde d'Honneur de Caen
Porte drapeau de la Garde d'Honneur à pied de Caen; dessin de D. Davin

Délivré en 1811. Pique dorée, hampe peinte en bleu, poignée de maroquin rouge. Cravate de taffetas blanc à franges dorées, brodée d'or, cordon et glands dorés. Le drapeau est fixé à la hampe par des clous dorés. Taffetas tricolore, trois bandes horizontales : bleu en haut, blanc, rouge. Au centre, les armes de la ville (tour dorée) entourées d'une couronne de feuilles de lauriers au naturel, surmontées de l'inscription en doré : "Garde d'honneur de Caen" et trois abeilles dorées. Avers identique au revers. Aux quatre angles : quatre N couronnés.

b/ Etendard de la Garde à cheval du Calvados

Garde d'Honneur du Calvados
Guidon de la Garde d'Honneur à cheval du Calvados (d'après le bulletin du Club Français Figurine Historique 1999-3)

On en connait la description grâce à un journal local,"Le pilote du Calvados". De soie verte, toutes broderies dorées, franges dorées, pique idem. D'un coté : le chiffre de l'Empereur entouré de rayons, un semé d'abeilles d'or et quatre couronnes impériales aux angles. De l'autre : un N couronné au centre, un semé d'abeilles et quatre étoiles aux angles.

A suivre …

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